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Dossier : 2015-1745(IT)G

ENTRE :

LAWRENCE WOLF,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

Appel entendu le 12 mai 2017, à Montréal (Québec)

Devant : L’honorable juge Sylvain Ouimet


Comparutions :

Avocat de l’appelant :

Me Aaron Rodgers

Avocate de l’intimée :

Me Anne-Marie Boutin

 

JUGEMENT

  L’appel interjeté à l’encontre de la cotisation établie sous le régime de la Loi de l’impôt sur le revenu pour l’année d’imposition 2012 est rejeté avec dépens.

Signé à Ottawa, Canada, ce 31e jour de mai 2018.

« Sylvain Ouimet »

Le juge Ouimet

Traduction certifiée conforme

ce 26e jour de novembre 2018.

Elisabeth Ross, jurilinguiste


Référence : 2018 CCI 84

Date : 20180531

Dossier : 2015-1745(IT)G

ENTRE :

LAWRENCE WOLF,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.


[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

MOTIFS DU JUGEMENT

Le juge Ouimet

I. INTRODUCTION

[1]  La Cour est saisie d’un appel de Lawrence Wolf à l’encontre d’une cotisation établie par le ministre du Revenu national (le « ministre ») au motif que le revenu de source canadienne de M. Wolf pour l’année d’imposition 2012 était imposable au Canada.

[2]  Durant l’année d’imposition 2012, M. Wolf était citoyen américain et résidait aux États-Unis. Pendant cette année, M. Wolf a gagné un revenu de 26 244 $ CA au Canada pour la prestation de services à Bombardier Inc. Aux États-Unis, M. Wolf a touché un revenu d’entreprise de 233 197 $ US du fait de sa participation dans la société Wolfbend LLC (« Wolfbend »), une société à responsabilité limitée (« SRL ») américaine. Sa participation lui a aussi permis de toucher 46 143 $ US en redevances cette année-là.

[3]  Le ministre a déterminé que, conformément à l’alinéa 9a) de l’article V de la Convention entre le Canada et les États-Unis d’Amérique en matière d’impôts sur le revenu et sur la fortune (la « Convention ») [1] , M. Wolf était réputé avoir fourni des services à Bombardier Inc. par l’intermédiaire d’un établissement stable au Canada. Par conséquent, le ministre a conclu que, conformément au paragraphe 1 de l’article VII de la Convention, les 26 244 $ CA que M. Wolf a touchés au Canada étaient imposables au Canada.

[4]  M. Wolf a témoigné à l’audience. L’intimée n’a appelé aucun témoin à comparaître.

II. LA QUESTION EN LITIGE

[5]  La question à trancher dans le présent appel est la suivante :

Les 26 244 $ CA que M. Wolf a touchés au Canada étaient-ils imposables au Canada?

[6]  Pour répondre à cette question, la Cour doit déterminer si, conformément à l’alinéa 9a) de l’article V de la Convention, M. Wolf était réputé avoir fourni des services à Bombardier Inc. par l’intermédiaire d’un établissement stable au Canada.

III. LES DISPOSITIONS LÉGALES PERTINENTES

  • [7] Les dispositions légales pertinentes sont rédigées ainsi :

Convention entre le Canada et les États-Unis d’Amérique en matière d’impôts sur le revenu et sur la fortune

Article V

[…]

9 Sous réserve du paragraphe 3, lorsqu’une entreprise d’un État contractant fournit des services dans l’autre État contractant, s’il est déterminé qu’elle n’a pas d’établissement stable dans cet autre État en vertu des paragraphes précédents du présent article, cette entreprise est réputée fournir ces services par l’intermédiaire d’un établissement stable dans cet autre État dans les seuls cas où :

a) Ces services sont fournis dans cet autre État par une personne physique qui y séjourne pendant une période ou des périodes totalisant 183 jours ou plus au cours d’une période quelconque de douze mois et, pendant cette période ou ces périodes, plus de 50 p. 100 des recettes brutes tirées d’une entreprise exploitée activement de l’entreprise consistent en un revenu tiré des services fournis dans cet autre État par la personne physique; ou

  […]

Article VII

Bénéfices des entreprises

1 Les bénéfices d’un résident d’un État contractant ne sont imposables que dans cet État, à moins que le résident n’exerce son activité dans l’autre État contractant par l’intermédiaire d’un établissement stable qui y est situé. Si le résident exerce ou a exercé son activité d’une telle façon, les bénéfices du résident sont imposables dans l’autre État mais uniquement dans la mesure où ils sont imputables à cet établissement stable.

Loi de l’impôt sur le revenu

PARTIE XVII – Interprétation

248(1) Définitions – Les définitions qui suivent s’appliquent à la présente loi.

[…]

« entreprise » Sont compris parmi les entreprises les professions, métiers, commerces, industries ou activités de quelque genre que ce soit et, sauf pour l’application de l’alinéa 18(2)c), de l’article 54.2, du paragraphe 95(1) et de l’alinéa 110.6(14)f), les projets comportant un risque ou les affaires de caractère commercial, à l’exclusion toutefois d’une charge ou d’un emploi.

[…]

Loi sur l’interprétation des conventions en matière d’impôts sur le revenu

[…]

Interprétation

 Sens des expressions non définies – Par dérogation à toute convention ou à la loi lui donnant effet au Canada, le droit au Canada est tel que les expressions appartenant aux catégories ci-dessous s’entendent, sauf indication contraire du contexte, au sens qu’elles ont pour l’application de la Loi de l’impôt sur le revenu compte tenu de ses modifications, et non au sens qu’elles avaient pour cette application à la date de la conclusion de la convention ou de sa prise d’effet au Canada si, depuis lors, leur sens pour la même application a changé. Les catégories en question sont :

a) les expressions non définies dans la convention;

b) les expressions non définies exhaustivement dans la convention;

c) les expressions à définir d’après les lois fédérales.

IV. LES FAITS

A. Le contexte

[8]  M. Wolf est un ingénieur en aérospatiale diplômé de l’Université de Stony Brook, dans l’État de New York, en 1980. Depuis, M. Wolf travaille comme ingénieur dans le secteur de la construction d’aéronefs et il a acquis une expertise dans la conception de circuits de carburant pour les aéronefs [2] .

[9]  De 1990 à 2012, M. Wolf a travaillé comme expert-conseil pour Bombardier Inc. de façon ponctuelle. En 1994, il travaillait pour Bombardier Inc. quand il a inventé une conduite carburant pour les aéronefs [3] . Bombardier Inc. a fait breveter l’invention (le « brevet ») et a transféré le brevet à M. Wolf, à la condition qu’elle puisse conserver une licence libre de redevances pour utiliser l’invention. M. Wolf se sert du brevet depuis pour toucher des revenus [4] .

(1) L’activité commerciale de M. Wolf au Canada

[10]  Pendant l’année d’imposition 2012, M. Wolf a fourni des services d’ingénierie à Bombardier Inc. dans les installations montréalaises de la société. M. Wolf n’avait pas de relation contractuelle directe avec Bombardier Inc. Il avait été embauché à titre d’entrepreneur indépendant pour TDM Technical Services, une agence de placement temporaire, pour aider Bombardier Inc. dans la conception de conduites carburant [5] . Par conséquent, il était payé par TDM Technical Services et non par Bombardier Inc [6] .

[11]  M. Wolf a fourni des services à Bombardier Inc. à temps partiel. En 2012, il est demeuré au Canada du début de l’année au 10 août [7] . En moyenne, il a fourni des services d’ingénierie à Bombardier Inc. pendant 3,46 heures chaque jour où il a travaillé [8] . Pour ces services, il a touché un revenu de 26 244 $ CA, selon un taux horaire de 66,95 $ CA [9] .

(2) L’activité commerciale de M. Wolf aux États-Unis

[12]  Le 15 septembre 2005, M. Wolf et Davis Aircraft Products Company, Inc. (« Davis Aircraft Inc. ») ont conclu une entente de fabrication et de licence. Le même jour, une entente d’exploitation a été conclue par M. Wolf, son frère et des membres de la famille Davis [10] .

[13]  Aux termes de l’entente de fabrication et de licence, M. Wolf accordait une licence à Davis Aircraft Inc. pour l’exploitation du brevet. Les parties jumelaient leur expertise pour faire des bénéfices par la vente de conduites carburant conçues et fabriquées en utilisant le brevet et par l’octroi de sous-licences d’exploitation du brevet à des constructeurs d’aéronefs situés aux États-Unis [11] . Les bénéfices tirés de la vente de conduites carburant et de l’octroi de sous-licences d’exploitation du brevet étaient ensuite versés à Wolfbend [12] .

[14]  Wolfbend a été créée dans le but de percevoir les bénéfices issus de l’entente de licence de fabrication conclue entre M. Wolf et Davis Aircraft Inc. et de répartir ces bénéfices entre ses associés [13] . M. Wolf, son frère et des membres de la famille Davis étaient les associés de Wolfbend, une SRL constituée sous le régime des lois de l’État de New York.

[15]  L’entente d’exploitation décrit la façon dont les bénéfices issus de l’entente de fabrication et de licence seraient distribués entre les associés de Wolfbend et établit les droits et responsabilités de ces associés, des directeurs et des agents, tant envers la société que les uns envers les autres.

[16]  Au cours de l’année d’imposition 2012, la part des bénéfices que M. Wolf a tirés de la vente de conduites carburant par Davis Aircraft Inc. s’est élevée à 233 197 $ US, et sa part des bénéfices découlant de l’octroi de sous-licences d’exploitation de son brevet par Davis Aircraft Inc. s’est élevée à 46 143 $ US [14] .

V. LES THÈSES DES PARTIES

A. La thèse de M. Wolf

[17]  M. Wolf a reconnu que le revenu qu’il a touché au Canada était un revenu gagné directement, tandis que le revenu touché aux États-Unis était un revenu gagné indirectement, provenant de sa participation dans Wolfbend. Cependant, selon M. Wolf, les deux sources de revenus étaient liées à la même entreprise, spécialisée dans la conception de conduites carburant pour les aéronefs.

[18]  M. Wolf a tiré cette conclusion du fait que les travaux d’ingénierie exécutés au Canada et aux États-Unis étaient identiques puisqu’il se fondait sur la même technologie brevetée, le même savoir-faire et les mêmes processus de conception de conduites carburant pour les constructeurs d’aéronefs. Par conséquent, M. Wolf a soutenu que, conformément aux enseignements de la Cour d’appel fédérale dans l’arrêt Du Pont [15] , « l’interdépendance » entre ses activités canadiennes et américaines était suffisante pour que l’on considère qu’elles faisaient partie de la même entreprise [16] .

[19]  En outre, M. Wolf a fait valoir que le paragraphe 6 de l’article IV de la Convention s’appliquait de manière à créer une présomption selon laquelle les bénéfices versés par Wolfbend constituaient un revenu qu’il avait gagné directement. Ainsi, a-t-il soutenu, on pouvait aussi présumer que l’activité commerciale de Wolfbend était son activité [17] . Selon lui, le paragraphe 6 de l’article IV de la Convention s’appliquait aux entités transparentes sur le plan financier, comme les sociétés de personnes, de telle façon que, conformément au droit fiscal américain et au droit fiscal national canadien, la cotisation d’impôt sur le revenu est établie à l’égard des propriétaires de l’entreprise, et non de l’entité elle-même. Cela dit, M. Wolf a reconnu qu’en droit canadien, Wolfbend était une société et non une entité transparente sur le plan financier. Il a néanmoins soutenu que, pour l’application de la Convention, le paragraphe 6 de l’article IV était décisif [18] .

B. La thèse de l’intimée

[20]  L’intimée a soutenu que les activités commerciales exercées au Canada et aux États-Unis par M. Wolf étaient liées à deux entreprises distinctes. Les activités commerciales de la première entreprise consistaient en la prestation de services d’ingénierie à Bombardier Inc. Ces services étaient fournis par M. Wolf à titre personnel. Le revenu touché par M. Wolf au Canada a donc été gagné par son entreprise. Selon l’intimée, le revenu que M. Wolf a touché aux États-Unis provenait d’une entreprise distincte. Les activités de cette entreprise étaient exercées par Wolfbend et consistaient en la vente de conduites carburant et en l’octroi de sous-licences d’exploitation du brevet. Par conséquent, M. Wolf a simplement participé à l’entreprise de Wolfbend à titre d’associé [19] .

[21]  Selon l’intimée, la Cour devrait rejeter l’argument de M. Wolf selon lequel, pour l’application de la Convention, Woldbend est une entité transparente sur le plan financier et que, par conséquent, les activités commerciales de la SRL sont réputées être les activités commerciales de l’appelant. Elle a fait observer que Wolfbend était une entité juridique distincte de ses associés et a fait valoir que sa forme juridique devait être respectée. L’intimée a ajouté que la loi sur les sociétés à responsabilité limitée de l’État de New York, intitulée Limited Liability Company Law, sous le régime de laquelle Wolfbend a été constituée, établit expressément que les SRL sont des entités juridiques distinctes [20] . De la même façon, l’entente d’exploitation prévoit qu’aucun associé ne sera tenu responsable des dettes ou des obligations de Wolfbend seulement en raison de sa qualité d’associé [21] .

[22]  L’intimée a soutenu que, si la Cour acceptait l’argument de M. Wolf fondé sur le paragraphe 6 de l’article IV de la Convention, elle devrait néanmoins conclure que les activités commerciales de l’appelant aux États-Unis et au Canada étaient liées à deux entreprises distinctes puisqu’une seule personne peut avoir plusieurs entreprises.

VI. ANALYSE

[23]  La question en litige consiste à déterminer si le revenu gagné par M. Wolf au Canada était imposable au Canada.

[24]  Aux termes du paragraphe 1 de l’article VII de la Convention, lorsqu’un résident des États-Unis exerce une activité par l’intermédiaire d’un établissement stable au Canada, les bénéfices du résident des États-Unis qui sont imputables à l’établissement stable au Canada sont imposables au Canada. Par conséquent, la Cour doit déterminer si les bénéfices gagnés par l’entreprise de M. Wolf au Canada étaient imputables à un établissement stable au Canada. Conformément au paragraphe 9 de l’article V de la Convention, les bénéfices provenant de l’entreprise de M. Wolf au Canada peuvent être réputés imputables à un établissement stable au Canada. L’alinéa 9a) de l’article V de la Convention est rédigé ainsi :

9 Sous réserve du paragraphe 3, lorsqu’une entreprise d’un État contractant fournit des services dans l’autre État contractant, s’il est déterminé qu’elle n’a pas d’établissement stable dans cet autre État en vertu des paragraphes précédents du présent article, cette entreprise est réputée fournir ces services par l’intermédiaire d’un établissement stable dans cet autre État dans les seuls cas où :

a) Ces services sont fournis dans cet autre État par une personne physique qui y séjourne pendant une période ou des périodes totalisant 183 jours ou plus au cours d’une période quelconque de douze mois et, pendant cette période ou ces périodes, plus de 50 p. 100 des recettes brutes tirées d’une entreprise exploitée activement de l’entreprise consistent en un revenu tiré des services fournis dans cet autre État par la personne physique; ou

[…]

[25]  Aux termes de l’alinéa 9a), le revenu tiré de l’entreprise de M. Wolf au Canada sera réputé imputable à un établissement stable au Canada si les deux conditions suivantes sont remplies :

1.  les services fournis par l’entreprise de M. Wolf au Canada ont été exécutés par M. Wolf au Canada pendant une période ou des périodes totalisant 183 jours ou plus au cours d’une période quelconque de douze mois;

2.  pendant cette période ou ces périodes totalisant 183 jours ou plus au cours d’une période quelconque de douze mois, plus de 50 p. 100 des recettes brutes tirées d’une entreprise exploitée activement de l’entreprise de M. Wolf consistent en un revenu tiré des services fournis par l’entreprise de M. Wolf au Canada.

[26]  Avant de décider s’il est satisfait aux conditions ci-dessus, la Cour doit d’abord déterminer si le paragraphe 9 de l’article V de la Convention s’appliquait à l’entreprise de M. Wolf. Pour y parvenir, la Cour doit déterminer si, aux termes de la Convention, M. Wolf avait une entreprise qui a fourni des services au Canada.

A. Définir l’entreprise de M. Wolf

(1) L’activité commerciale de M. Wolf au Canada

[27]  Le terme « entreprise », dont l’équivalent anglais est « enterprise », n’est pas défini dans la Convention. Conformément à l’article 3 de la Loi sur l’interprétation des conventions en matière d’impôts sur le revenu [22] , la Cour doit alors donner à ce terme le sens qu’il a en droit canadien, sauf indication contraire du contexte. En l’espèce, puisqu’il n’y a pas d’indication contraire du contexte, la Cour doit donner au terme le sens qu’il a pour l’application de la Loi de l’impôt sur le revenu [23] .

[28]  Si la Loi de l’impôt sur le revenu ne définit pas le terme, la Cour se tourne alors vers la jurisprudence. Bien que rien dans la jurisprudence canadienne ne porte précisément sur l’interprétation du terme « entreprise » dans le sens du terme anglais « enterprise », tel qu’il figure au paragraphe 9 de l’article V de la Convention, les parties ont renvoyé la Cour à la décision McMahon [24] . Même si la décision date de 1959 et porte sur la version de 1942 de la Convention [25] , la Cour estime qu’elle est toujours pertinente. Dans ses motifs, la Cour de l’Échiquier du Canada a déclaré que le terme « entreprise » semblait faire référence aux activités ou aux affaires desquelles sont tirés les bénéfices industriels et commerciaux [26] .

[29]  Bien que cette définition soit instructive, les conventions fiscales doivent être interprétées de manière à appliquer les véritables intentions des rédacteurs [27] . À cet égard, la Cour suprême du Canada a reconnu que le modèle de convention de l’Organisation de coopération et de développement économiques (l’« OCDE ») peut être « fort convaincant » pour ce qui est de délimiter les paramètres de la Convention [28] . Pour la même raison, il est également pertinent de tenir compte du modèle de convention des États-Unis et de ses commentaires en plus de l’explication technique qui accompagne la Convention.

[30]  Les États-Unis ont adopté une définition générale du terme anglais « enterprise » dans leur modèle de convention [29] . Selon cette définition, le terme vise l’exercice de toute activité ou affaire [30] . Exactement la même approche est adoptée dans le modèle de convention de l’OCDE [31] . Par conséquent, la Cour détermine que le terme « entreprise », pour l’application de la Convention, doit s’entendre au sens d’« exercice de toute activité ou affaire ».

[31]  Étant donné que le terme « activité », dont l’équivalent anglais est « business », n’est pas non plus défini dans la Convention, la Cour doit une fois encore recourir à la jurisprudence. Le terme « business » est défini au paragraphe 248(1) de la Loi de l’impôt sur le revenu, et son équivalent français est « entreprise ». Sont compris parmi les entreprises les professions, métiers, commerces, industries ou activités de quelque genre que ce soit et, sauf pour l’application de certaines dispositions de la Loi de l’impôt sur le revenu, les projets comportant un risque ou les affaires de caractère commercial. Les charges ou les emplois en sont toutefois exclus [32] . Il est établi de longue date au Canada qu’une profession nécessite des compétences ou des habiletés particulières, ou des qualifications particulières acquises par la formation ou l’expérience par les personnes qui exercent cette profession [33] . L’ingénierie a sans aucun doute les caractéristiques d’une profession.

[32]  En l’espèce, les éléments de preuve montrent que M. Wolf n’avait pas de relation contractuelle directe avec Bombardier Inc. puisqu’il avait été embauché à titre d’entrepreneur indépendant pour TDM Technical Services. M. Wolf a fourni des services d’ingénierie pour la conception de conduites carburant destinées à la série d’aéronefs Canadair Regional Jet de Bombardier [34] . De ce fait, le revenu gagné par M. Wolf au Canada n’était pas un revenu d’emploi [35] . Par conséquent, la Cour conclut que M. Wolf a exercé une activité au Canada qui consistait à fournir des services d’ingénierie pour la conception de conduites carburant pour les aéronefs.

(2) L’activité commerciale de M. Wolf aux États-Unis

[33]  L’intimée a soutenu que les paiements que l’entreprise de M. Wolf a reçus de Wolfbend ne pouvaient pas être imputés à l’entreprise de M. Wolf. La thèse de l’intimée repose sur deux prémisses. D’abord, aux fins de l’imposition au Canada, Wolfbend est une société et, par conséquent, une entité juridique distincte. Ensuite, les recettes de Wolfbend ont été générées par sa propre entreprise [36] . L’intimée n’a pas présenté d’éléments de preuve pour établir la nature exacte de cette entreprise.

[34]  L’appelant n’a pas contesté la première prémisse. En droit américain, les SRL sont des entités juridiques distinctes de leurs associés. Étant donné que les parties conviennent que Wolfbend devrait être de la même façon considérée comme étant une entité juridique distincte de ses associés en droit canadien, la Cour n’a pas besoin de réexaminer la question.

[35]  Les faits en l’espèce n’étayent pas la seconde prémisse de l’intimée [37] . Wolfbend ne constitue pas une « entreprise » pour l’application de la Convention. La Cour tire cette conclusion de fait parce que, selon les éléments de preuve, Wolfbend n’exerce pas une activité visée à la définition d’« entreprise » au paragraphe 248(1) de la Loi de l’impôt sur le revenu.  

[36]  Selon le témoignage de M. Wolf et les modalités de l’entente d’exploitation, Wolfbend n’a été établie que dans le but de percevoir et de répartir les bénéfices générés par l’intermédiaire de l’entente de fabrication et de licence. Cette dernière entente prévoyait que la méthode de répartition des bénéfices serait précisée dans l’entente d’exploitation. Les transferts des [traduction] « recettes » – le terme utilisé dans l’entente – entre Davis Aircraft Inc. et Wolfbend étaient appelés des [traduction] « sorties de fonds ». Ni M. Wolf ni l’intimée n’ont tenté de définir ce qu’étaient ces [traduction] « sorties de fonds ». La Cour est donc dans l’impossibilité de tirer une conclusion de fait précise sur la nature des paiements versés à Wolfbend. Quoi qu’il en soit, rien ne prouve que Wolfbend avait une entreprise. Les éléments de preuve montrent que les bénéfices générés par l’entente de fabrication et de licence étaient clairement ceux de M. Wolf et de Davis Aircraft Inc. Ces bénéfices devaient leur être répartis conformément aux modalités de l’entente d’exploitation. L’élément de preuve le plus convaincant de l’existence d’une entreprise est l’entente de fabrication et de licence. Davis Aircraft Inc., et non Wolfbend, était tenue de conserver des registres afin de calculer les bénéfices générés par l’entente de fabrication et de licence [38] . M. Wolf était partie à l’entente, mais pas Wolfbend. De toute évidence, M. Wolf a conclu une « entente commerciale » avec Davis Aircraft Inc., et non avec Wolfbend. Par conséquent, la Cour conclut que les paiements reçus par M. Wolf de Wolfbend étaient des recettes de l’entreprise de M. Wolf.

[37]  Étant donné qu’une personne peut avoir plus d’une entreprise, la Cour doit ensuite déterminer si les recettes générées par l’intermédiaire de l’entente de fabrication et de licence étaient des recettes de l’entreprise qui a fourni des services d’ingénierie au Canada. Ainsi, même si les activités commerciales au Canada et aux États-Unis sont celles de M. Wolf, il ne s’ensuit pas nécessairement que l’entreprise qui a fourni les services au Canada est aussi celle qui a généré le revenu de source américaine.

[38]  Sur cette question, l’appelant a renvoyé la Cour à l’arrêt Du Pont [39] de la Cour d’appel fédérale. Bien que cet arrêt ne concerne pas l’application d’une convention fiscale, il est néanmoins révélateur de l’analyse à faire pour déterminer si deux activités font partie de la même entreprise. En ce qui concerne le critère applicable, le passage pertinent de la décision est le suivant :

[...] on considérera qu’il y a une seule entreprise lorsqu’il existe une interdépendance telle que l’on peut conclure à l’existence d’une seule entité productive de revenu; on considérera qu’il y a une entreprise distincte lorsque les circonstances sont telles que l’ensemble du processus donnant lieu à la réalisation de profits est bien distinct des autres, malgré le fait que l’entreprise n’ai[t] pas fait l’objet de statuts constitutifs distincts [40] […]

[39]  Selon la Cour d’appel fédérale, la question devient alors de déterminer si les activités de l’entreprise sont plus typiques d’une entreprise intégrée unique que d’entreprises distinctes [41] .

[40]  Dans la décision Arbeau c. La Reine [42] , la Cour a formulé des observations sur l’arrêt Du Pont et a affirmé que les faits pertinents peuvent être différents s’il est question d’une entreprise individuelle. Lorsqu’il y a un propriétaire unique, le niveau d’interdépendance ne peut pas être déterminé en fonction de l’importance du pouvoir décisionnel de ce propriétaire unique. Si c’était le cas, chaque propriétaire unique exploiterait une seule entreprise, peu importe la diversité de ses activités commerciales [43] .

[41]  En l’espèce, compte tenu de l’ensemble du processus par lequel des revenus ont été gagnés, la Cour conclut que M. Wolf avait une seule entreprise. Celle-ci consistait à fournir des services d’ingénierie pour la conception de conduites carburant pour les aéronefs.

[42]   Lors du procès, M. Wolf a donné un témoignage détaillé sur les activités commerciales de son entreprise. À titre d’ingénieur, il a acquis une expertise dans la conception de conduites carburant qui sont destinées à des aéronefs en particulier et qui exécutent des fonctions précises [44] . Au cours de sa carrière, il a commercialisé son expertise à la fois aux États-Unis et au Canada.

[43]  Le premier secteur d’activités de M. Wolf consistait à fournir des services d’ingénierie au Canada. En effet, M. Wolf a été embauché par TDM à titre d’entrepreneur indépendant pour assurer la prestation de services d’ingénierie à Bombardier Inc. Ces services consistaient à aider Bombardier Inc. à concevoir des conduites carburant destinées à ses aéronefs de la série Canadair Regional Jet [45] .

[44]  Il reste à déterminer si les activités de M. Wolf aux États-Unis sont distinctes de celles au Canada. Aux États-Unis, M. Wolf a décidé de commercialiser son expertise en collaboration avec Davis Aircraft Inc. Il l’a fait en concluant une entente de licence de fabrication avec Davis Aircraft Inc.

[45]  M. Wolf a affirmé dans son témoignage avoir exécuté les mêmes tâches dans son travail avec Bombardier Inc. et avec Davis Aircraft Inc., soit concevoir des conduites carburant qui satisfont aux exigences de l’industrie et aux besoins de chaque client. Dans certains cas, les conduites carburant fabriquées par Davis Aircraft Inc. étaient les mêmes que celles que M. Wolf avait conçues pour Bombardier Inc. [46]

[46]  Bien que M. Wolf ait exécuté les mêmes tâches pour Bombardier Inc. et pour Davis Aircraft Inc., le processus par lequel son entreprise a touché des revenus des deux activités commerciales était différent. Au Canada, l’entreprise de M. Wolf touchait une rémunération horaire pour les services d’ingénierie fournis à Bombardier Inc. Aux États-Unis, M. Wolf tirait un revenu de son entreprise en octroyant une licence d’exploitation du brevet et en fournissant son savoir-faire à Davis Aircarft Inc [47] . La licence d’exploitation du brevet a été accordée à Davis Aircraft Inc. pour que celle-ci fabrique des conduites carburant destinées à ses clients et pour qu’elle octroie des sous-licences d’exploitation du brevet à des tiers. Le savoir-faire de M. Wolf a été mis sous licence pour permettre à Davis Aircraft Inc. de fabriquer des conduites carburant suivant le brevet [48] .

[47]  Des services d’ingénierie ont été fournis pour les deux activités commerciales. Aux États-Unis, plutôt que de provenir d’une rémunération horaire comme c’était le cas au Canada, le revenu était une part des bénéfices tirés de la fabrication. La part des bénéfices tirés de la fabrication servait aussi de rémunération à l’entreprise pour l’utilisation du brevet. En outre, l’entreprise a reçu une part des bénéfices découlant de l’octroi de sous-licences d’exploitation du brevet à des tiers.

[48]  A priori, une entreprise dont les activités commerciales consistent en l’octroi de licences ou de sous-licences est différente d’une entreprise qui fournit des services d’ingénierie. En l’espèce, la Cour conclut néanmoins qu’il s’agissait de la même entreprise parce que les trois types d’activités commerciales étaient directement liés à la conception de conduites carburant pour des aéronefs. Les produits fabriqués par Davis Aircraft Inc. et Bombardier Inc. à l’aide de M. Wolf étaient essentiellement les mêmes; le brevet qui a été utilisé par Davis Aircraft Inc. et dont des sous-licences ont été octroyées à des tiers a été créé pendant la prestation à Bombardier Inc. de services d’ingénierie pour la conception de conduites carburant pour les aéronefs. Le même type de services d’ingénierie a été fourni à Davis Aircraft Inc. et à Bombardier Inc. Par conséquent, l’interdépendance entre les trois sources de revenus est telle que la Cour conclut que les activités commerciales au Canada et aux États-Unis faisaient partie de la même entreprise.

B. Le revenu gagné par l’entreprise de M. Wolf au Canada est-il réputé imputable à un établissement stable au Canada?

(1) Les services fournis par l’entreprise de M. Wolf au Canada ont-ils été exécutés par M. Wolf au Canada pendant une période ou des périodes totalisant 183 jours ou plus au cours d’une période quelconque de douze mois?

[49]  Les parties ne contestent pas que M. Wolf est demeuré au Canada pendant des périodes totalisant plus de 183 jours au cours de la période de douze mois s’étant terminée en 2012 [49] . La première condition pour l’application du paragraphe 9 de l’article V de la Convention est donc remplie.

(2) Pendant les périodes totalisant plus de 183 jours, est-ce que plus de 50 p. 100 des recettes brutes tirées de l’entreprise exploitée activement par M. Wolf consistaient en un revenu tiré des services fournis par l’entreprise de M. Wolf au Canada?

[50]  L’expression « recettes brutes tirées d’une entreprise exploitée activement » n’est pas définie dans le modèle de convention des États-Unis ni dans celui de l’OCDE. Cependant, des commentaires de l’OCDE portent sur une disposition qui reprend le libellé du paragraphe 9 de l’article V de la Convention. Ce commentaire devrait être pris en compte dans l’interprétation de l’alinéa 9a) de l’article V puisque la Cour d’appel fédérale a reconnu l’importance des commentaires de l’OCDE quand le libellé d’une convention est fondé sur les documents de l’OCDE : Prévost Car Inc. c. Canada, 2009 CAF 57, au paragraphe 10. Les commentaires de l’OCDE fournissent une explication du deuxième critère, lequel est rédigé ainsi (Modèle de convention fiscale concernant le revenu et la fortune : Version abrégée 2010, commentaire sur l’article 5) :

42.37 Aux fins de la deuxième condition, selon laquelle plus de 50 pour cent des recettes brutes attribuables aux activités d’exploitation active exercées par une entreprise au cours de la ou des périodes concernées doivent provenir des prestations de services exécutées dans cet État par l’intermédiaire de cette personne physique, le montant des recettes brutes attribuables aux activités d’exploitation active exercées par l’entreprise représente ce que l’entreprise a facturé ou devrait facturer au titre des activités qu’elle exerce quelle que soit la date à laquelle la facturation est effectuée et indépendamment des règles du droit national sur la date à laquelle ces recettes doivent être prises en compte aux fins de l’impôt. Ces activités ne sont pas confinées aux activités liées à la fourniture de services. Les recettes brutes attribuables aux « activités d’exploitation active » excluent manifestement les produits d’activités d’investissement passif, y compris, par exemple, les intérêts et dividendes reçus au titre de l’investissement de fonds excédentaires […]

  [Non souligné dans l’original.]

[51]  À la lumière des mots utilisés dans la Convention et dans les commentaires de l’OCDE, la Cour relève quatre exigences pertinentes dans le calcul des recettes brutes tirées de l’entreprise américaine exploitée activement de M. Wolf. Premièrement, des sources des revenus doivent être attribuables à l’entreprise américaine qui a fourni les services. Deuxièmement, le montant des recettes brutes servant au calcul doit être celui avant impôts. Troisièmement, les produits d’activités d’investissement passif doivent être exclus du total des recettes provenant des différentes sources. Quatrièmement, le calcul des recettes brutes tirées d’une entreprise exploitée activement doit porter sur la même période que celle pendant laquelle la personne se trouvait dans l’État contractant.

[52]  Puisque la Cour a déterminé que M. Wolf avait une seule entreprise, les recettes tirées des activités commerciales de M. Wolf exercées à la fois au Canada et aux États-Unis doivent être attribuées à cette entreprise unique. Il est ainsi satisfait à la première exigence.

[53]  La question suivante consiste à établir quelles sont les sources de revenus qui génèrent des « recettes brutes tirées d’une entreprise exploitée activement ». Les recettes tirées de trois sources doivent être prises en compte :

a)  les 233 197 $ US représentant la part des bénéfices découlant de la vente de conduites carburant par Davis Aircraft Inc. revenant à l’entreprise;

b)  les 46 143 $ US représentant la part des bénéfices tirés de l’octroi de sous-licences d’exploitation du brevet revenant à l’entreprise.

c)  les 26 244 $ CA représentant la somme reçue pour les services d’ingénierie fournis au Canada.

[54]  L’expression « recettes brutes tirées d’une entreprise exploitée activement » n’est pas définie dans la Convention ni dans la Loi de l’impôt sur le revenu. La Cour doit donc se tourner vers la jurisprudence.

[55]  Dans la décision Stromotich [50] , la Cour décrit le terme « recettes » comme un terme de portée vaste désignant l’ensemble des sommes reçues de toutes les sources par le contribuable. Cette définition est cohérente avec celle figurant dans le Black’s Law Dictionary : [traduction] « Revenu provenant de n’importe quelle source; revenu brut ou recettes brutes [51] . » Pour l’application de la Convention, le terme « recettes » devrait s’entendre au sens des revenus bruts ou recettes brutes provenant de n’importe quelle source.

[56]  Les parties n’ont pas soulevé la question de savoir si les revenus tirés au Canada et aux États-Unis étaient des revenus bruts. Faute d’éléments de preuve qui démontrent le contraire, la Cour conclut que les revenus tirés dans les deux pays étaient des revenus bruts et qu’il constituait par conséquent des « recettes ». Par conséquent, les recettes de l’entreprise de M. Wolf provenant des trois sources sont des « recettes brutes ».

[57]  Les recettes doivent également être tirées d’une activité commerciale exercée « activement ». La Cour suprême du Canada a énuméré les critères qui permettent de distinguer le revenu tiré d’une entreprise de celui tiré de biens :

[…] C’est un lieu commun que, pour déterminer si un revenu provient d’une entreprise ou de biens, on doit examiner la conduite générale du contribuable à la lumière des circonstances qui s’y rapportent: voir Cragg v. Minister of National Revenue, [1952] R.C. de l’É. 40, motifs du président Thorson, à la p. 46. En se servant de cette méthode, les tribunaux ont pris en considération le nombre d’opérations, leur importance, leur fréquence, la rotation des placements et la nature des placements eux-mêmes [52] .

[58]  Le « critère du niveau d’activité » nécessite qu’on établisse la source du revenu et tous les faits pertinents en ce qui concerne les activités du contribuable afin de déterminer si ce dernier a dû exercer un niveau d’activité qui n’est pas typique d’un revenu touché passivement. En d’autres mots, si le contribuable a été suffisamment actif pour gagner son revenu, ce dernier sera considéré comme un revenu d’entreprise même si à première vue il semble provenir de biens.

[59]  Comme il a été déterminé au paragraphe 32 des présents motifs, la fourniture de services d’ingénierie constitue une activité commerciale et, par conséquent, le revenu de 26 244 $ CA touché au Canada a été tiré d’une activité commerciale exercée « activement ». En ce qui concerne les bénéfices tirés d’activités de fabrication, la définition du terme « entreprise » au paragraphe 248(1) de la Loi de l’impôt sur le revenu vise les « industries ». Le terme « industries » n’est pas défini dans la Loi de l’impôt sur le revenu, mais son équivalent anglais « manufacture » l’est dans l’Oxford Dictionary of English, où il est défini comme [traduction] « la fabrication d’articles à grande échelle au moyen de machinerie [53]  ». Par conséquent, le revenu généré par l’activité de fabrication est lui aussi tiré d’une entreprise exploitée « activement ».

[60]  En ce qui concerne le revenu tiré de l’octroi de licences et de sous-licences, les redevances à première vue constituent des revenus tirés passivement.

[61]  Compte tenu des éléments de preuve présentés en l’espèce, la Cour conclut que l’entreprise de M. Wolf, par l’action de ce dernier, était suffisamment active pour la production des revenus tirés de l’octroi de licences et de sous-licences. En ce qui concerne les activités d’octroi de licences, les responsabilités de M. Wolf comprenaient la conception, conformément au brevet, des conduites carburant commandées et leur adaptation en fonction des aéronefs de chaque client [54] . Au chapitre de l’octroi de sous-licences, M. Wolf était obligé de trouver des clients désirant acheter des sous-licences [55] . Par conséquent, il est satisfait à la troisième exigence puisque les revenus provenant des trois sources peuvent être qualifiés de recettes « tirées d’une entreprise exploitée activement ».

[62]  Pour la quatrième exigence, le calcul des « recettes brutes tirées d’une entreprise exploitée activement » doit viser la période ou les périodes pendant lesquelles les services ont été fournis. L’alinéa 9a) de l’article V de la Convention ne laisse aucun doute : plus de 50 p. 100 des recettes brutes tirées d’une entreprise exploitée activement doivent consister en un revenu tiré des services fournis dans l’autre État pendant la période ou les périodes totalisant 183 jours ou plus.

[63]  La durée de la période ou des périodes est une question de fait. Le ministre a émis l’hypothèse de fait voulant que M. Wolf ait passé plus de 183 jours au Canada [56] , mais aucune date de début ni de fin n’a été fournie pour cette période. Pendant le procès, M. Wolf a témoigné être demeuré au Canada pendant 188 jours [57] entre le 10 août 2011 et le 10 août 2012 [58] . Le ministre n’a pas contesté cette affirmation. Par conséquent, la Cour conclut que M. Wolf est demeuré physiquement au Canada 188 jours entre le 10 août 2011 et le 10 août 2012.

[64]  Les recettes comprises dans le calcul des « recettes brutes tirées d’une entreprise exploitée activement » de M. Wolf sont seulement celles qui ont été générées pendant la période de 188 jours. Les éléments de preuve présentés par M. Wolf montrent que son entreprise a reçu des paiements de Wolfbend de 233 197 $ US et de 46 143 $ US pendant l’année d’imposition 2012. Selon les éléments de preuve, il s’agit des « recettes brutes tirées d’une entreprise exploitée activement » de M. Wolf pendant l’année d’imposition 2012 et non pendant la période de 188 jours [59] . Par conséquent, la Cour ne peut pas déterminer si 50 p. 100 ou moins des recettes brutes tirées d’une entreprise exploitée activement consistaient en un revenu tiré des services fournis au Canada pendant la période de 188 jours. Il incombait à l’appelant de prouver que le revenu gagné au Canada ne représentait pas plus de 50 p. 100 des « recettes brutes tirées d’une entreprise exploitée activement » de son entreprise, mais il ne l’a pas fait [60] .

[65]  Par conséquent, le revenu de 26 244 $ CA gagné au Canada par l’entreprise de M. Wolf est imposable au Canada en application de l’article VII parce qu’il est réputé être imputable à un établissement stable au Canada au titre du paragraphe 9 de l’article V de la Convention.

[66]  L’appel est rejeté avec dépens.

Signé à Ottawa, Canada, ce 31e jour de mai 2018.

« Sylvain Ouimet »

Le juge Ouimet

Traduction certifiée conforme

ce 26e jour de novembre 2018.

Elisabeth Ross, jurilinguiste


RÉFÉRENCE :

2018 CCI 84

NO DU DOSSIER DE LA COUR :

2015-1745(IT)G

INTITULÉ :

LAWRENCE WOLF c. SA MAJESTÉ LA REINE

LIEU DE L’AUDIENCE :

Montréal (Québec)

DATE DE L’AUDIENCE :

Le 12 mai 2017

MOTIFS DU JUGEMENT :

L’honorable juge Sylvain Ouimet

DATE DU JUGEMENT :

Le 31 mai 2018

COMPARUTIONS :

Avocat de l’appelant :

Me Aaron Rodgers

Avocate de l’intimée :

Me Anne-Marie Boutin

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Pour l’appelant :

Nom :

Me Aaron Rodgers

 

Cabinet :

GWBR, S.E.N.C.R.L. - L.L.P.

Montréal (Québec)

Pour l’intimée :

Nathalie G. Drouin

Sous-procureur général du Canada

Ottawa, Canada

 

 



[1]   Convention entre le Canada et les États-Unis d’Amérique en matière d’impôts sur le revenu et sur la fortune, faite à Washington, D.C., le 26 septembre 1980 et modifiée par les protocoles faits le 14 juin 1983, le 28 mars 1984, le 17 mars 1995, le 29 juillet 1997 et le 21 septembre 2007.

[2]   Transcription du procès, page 11.

[3]   Transcription du procès, page 12.

[4]   Transcription du procès, pages 12 et 13.

[5]   Entente entre M. Wolf et TDM; pièce R-1.

[6]   Transcription du procès, pages 47, 50 et 51; pièce R-2.

[7]   Transcription du procès, page 53.

[8]   Transcription du procès, page 39.

[9]   Recueil de documents de l’appelant, y compris l’exposé conjoint des faits partiel; pièce A-1, onglet 3.

[10]   Pièce A-1, onglets 5 et 6.

[11]   Pièce A-1, onglet 6, paragraphes 1.0 et 2.1.

[12]   Pièce A-1, onglet 6, paragraphe 3.3.3.

[13]   Pièce A-1, onglet 5, paragraphe 2.4.

[14]   Pièce A-1, onglet 9.

[15]   Du Pont Canada Inc. c. La Reine, 2001 CAF 114, au paragraphe 49, citation des motifs de la juge de la Cour canadienne de l’impôt dans Dupont Canada Inc. v. The Queen, 99 D.T.C. 1132 (C.C.I.).

[16]   Observations écrites de l’appelant, paragraphes 37, 38, 40, 41 et 45.

[17]   Observations écrites de l’appelant, paragraphes 11, 12, 20, 21, 28 et 44.

[18]   Observations écrites de l’appelant, paragraphe 21.

[19]   Transcription du procès, pages 97 à 101.

[20]   Pièce A-1, onglet 5.1, page 10; transcription du procès, page 116.

[21]   Pièce A-1, onglet 5, paragraphe 4.1; transcription du procès, page 119.

[22]   Loi sur l’interprétation des conventions en matière d’impôts sur le revenu, L.R.C. 1985, ch. I-4.

[23]   Loi de l’impôt sur le revenu, L.R.C. 1985, ch. 1 (5e suppl.).

[24]   McMahon v. M.N.R., [1959] C.T.C. 166 (Cour de l’Échiquier du Canada) [McMahon].

[25]   Convention entre le Canada et les États-Unis en vue d’éviter la double imposition et de prévenir l’évasion fiscale en matière d’impôts sur le revenu, faite à Washington, D.C., le 4 mars 1942, dans sa version modifiée par le protocole signé le 12 juin 1950.

[26]   McMahon, page 169.

[27]   Crown Forest Industries Ltd. c. Canada, [1995] 2 R.C.S. 802, au paragraphe 43, citation de Succession J. N. Gladden c. La Reine, [1985] 1 C.T.C. 163, pages 166 et 167.

[28]   Crown Forest Industries Ltd. c. Canada, précité, au paragraphe 55.

[29]   United States Model Income Tax Convention, 15 novembre 2006.

[30]   Ibid., article 3, alinéa 1d).

[31]   Modèle de Convention fiscale concernant le revenu et la fortune de l’OCDE, 21 novembre 2017. Selon le modèle de convention, « les expressions “entreprise d’un État contractant” et “entreprise de l’autre État contractant” désignent respectivement une entreprise exploitée par un résident d’un État contractant et une entreprise exploitée par un résident de l’autre État contractant ». La définition de l’expression « entreprise d’un État contractant » dans le modèle de convention fiscale de l’OCDE confirme que la juridiction de laquelle relève l’entreprise, pour l’application de la convention, est la même que celle dont relève le résident qui exploite l’entreprise.

[32]   La définition du terme « business » en anglais et « entreprise » en français dans la Loi de l’impôt sur le revenu est cohérente avec la définition du terme « business », et de ses équivalents français « activité » et « affaires », qui figure dans les modèles de convention des États-Unis et de l’OCDE. Partout, cette notion comprend la prestation de services professionnels et l’exécution d’autres activités par une personne indépendante.

[33]   Bower v. M.N.R., 49 DTC 554, 557, citation du lord juge DuParcq dans Carr v. Inland Revenue Commissioners, [1994] 2 All E.R. 163, à 166.

[34]   Transcription du procès, pages 38, 39 et 53.

[35]   Définition du terme « entreprise » au paragraphe 248(1) de la Loi de l’impôt sur le revenu.

[36]   Observations écrites de l’intimée, paragraphes 36 à 38, page 7.

[37]   Pièce A-1, onglet 6, paragraphe 3.3.3 et pièce A-1, onglet 5, accord d’exploitation, troisième et quatrième paragraphes du préambule.

[38]   Pièce A-1, onglet 6, paragraphes 3.3.1 à 3.3.3.

[39]   Précité à la note 15.

[40]   Du Pont, paragraphe 49, citant la juge de la Cour de l’impôt.

[41]   Du Pont, paragraphe 52.

[42]   Arbeau c. La Reine, 2010 CCI 307.

[43]   Ibid., paragraphe 14.

[44]   Transcription du procès, page 26.

[45]   Transcription du procès, pages 38, 39 et 53.

[46]   Transcription du procès, pages 13, 36 et 37.

[47]   Entente de fabrication et de licence, paragraphe 2.2.

[48]   Ibid.

[49]   Pièce A-1, exposé conjoint des faits partiel, paragraphe 14.

[50]   Stromotich v. M.N.R., 86 D.T.C. 1032, page 1036.

[51]   Black’s Law Dictionary, 10e édition, à l’entrée « revenue ».

[52]   Canadian Marconi c. R. [1986] 2 R.C.S. 522, page 532.

[53]   The Oxford Dictionary of English, 3e édition, à l’entrée « manufacture ».

[54]   Pièce A-1, onglet 6, paragraphe 2.1.

[55]   Pièce A-1, onglet 6, paragraphe 3.1.

[56]   Réponse à l’avis d’appel, alinéa 7h).

[57]   Transcription du procès, page 53.

[58]   Transcription du procès, page 53.

[59]   Même si l’appelant avait présenté des éléments de preuve à l’égard de la fréquence et des dates des paiements que lui versait Wolfbend, cela n’aurait pas été pertinent puisque ces paiements devenaient des recettes de son entreprise dès la facturation de ces sommes aux clients par Davis Aircraft Inc.

[60]   Réponse à l’avis d’appel, alinéa 7h).

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