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Dossier : 2010-3246(IT)G

 

ENTRE :

JAN OSINSKI,

appelant,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

 

Appels entendus les 20, 21, 22 et 23 août 2012, ainsi que les

22, 23, 24 et 25 janvier 2013, à Toronto (Ontario).

 

Devant : L’honorable juge F.J. Pizzitelli

 

 Comparutions :

Avocats de l’appelant :

Mes Yan David Payne et Richard Yasny

Avocates de l’intimée :

Mes Elizabeth Chasson et Jenna L. Clark

 

 

JUGEMENT

Les appels interjetés des nouvelles cotisations établies au titre de la Loi de l’impôt sur le revenu pour les années d’imposition 2001 et 2002 sont accueillis, et la nouvelle cotisation datée du 9 août 2010 est annulée.

 

          Les dépens sont adjugés à l’appelant.

 

       Signé à Ottawa, Canada, ce 27e jour de février 2013.

 

 

« F.J. Pizzitelli »

Juge F. J. Pizzitelli

 

 

Traduction certifiée conforme

Ce 17e jour de juillet 2013.

 

 

François Brunet, réviseur


 

 

 

 

Référence : 2013 CCI 71

Date : 20130227

Dossier : 2010-3246(IT)G

 

ENTRE :

 

JAN OSINSKI,

appelant,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

MOTIFS DU JUGEMENT

 

Le juge Pizzitelli

 

[1]             L’appelant a fait l’objet d’une cotisation relativement à des revenus non déclarés de 2 697 914 $ et de 55 059 $, et à des pénalités pour faute lourde se chiffrant à 390 049 $ et 7 983 $ pour les années d’imposition 2001 et 2002 respectivement, selon les nouvelles cotisations datées du 9 août 2010, au motif qu’il avait reçu ces montants à titre d’attributions à un actionnaire au titre du paragraphe 15(1) de la Loi de l’impôt sur le revenu (la « Loi ») ou, subsidiairement, au motif que ces montants correspondaient à des revenus d’emploi provenant de 1457223 Ontario Limited, faisant affaire sous le nom d’Impact Services (« 145 »), ou encore qu’ils correspondaient à des avantages lui ayant été conférés par une autre personne au titre du paragraphe 246(1) de la Loi.

 

[2]             Les questions à trancher en l’espèce sont de savoir si l’appelant a fait l’objet d’une cotisation appropriée à l’égard du revenu et des pénalités pour faute lourde ci-dessus, et si les nouvelles cotisations datées du 25 août 2008, ainsi modifiées après l’étape de l’opposition en date du 9 août 2010 relativement aux années d’imposition 2001 et 2002, sont frappées de prescription aux termes du paragraphe 152(4) de la Loi.

 

[3]             Voici les faits qui sont constants ou qui ressortent clairement des preuves et pertinents aux années d’imposition en cause. L’appelant était un résident de Toronto; il était marié à une dénommée Barbara Osinski qui possédait au moins 50 p. 100 des actions de 145, bien qu’il y ait controverse sur la question de savoir si elle était l’unique actionnaire ou non et si l’appelant était actionnaire ou non. L’appelant était le seul administrateur et dirigeant de 145, une société ontarienne issue d’une fusion faite le 2 janvier 2001, au moyen de statuts de fusion aux termes desquels quatre sociétés avaient été fusionnées, à savoir Impact Demolition & Restoration Management Inc., Planland Contracting Limited, Plan A Services Inc. et Impact Démolition Services Limited (les « sociétés absorbées »).

 

[4]             La société 145 a exercé ses activités dans un lieu dont l’adresse municipale est le 89, rue Shorncliffe, dans le secteur d’Etobicoke, à Toronto (les « locaux »), qui appartenait à Barbara Osinski. Parmi les quatre bureaux situés dans les locaux, Barbara Osinski occupait le plus grand bureau, J.M., le gestionnaire de bureau de 145, occupait un autre bureau, A.G., un ingénieur et vice-président qui aidait Barbara avec les estimations occupait un autre bureau et le quatrième bureau était occupé par l’appelant, bien qu’il y ait une controverse quant à savoir si d’autres personnes avaient aussi partagé le local de ce dernier et l’unique bureau qui se trouvait dans la pièce. Un bureau sans porte situé dans la partie arrière de l’immeuble avait aussi été construit et utilisé par le fils de l’appelant et de Barbara Osinski, un certain N., à compter de 2002.

 

[5]             Une vérification a été réalisée par la Commission de la sécurité professionnelle et de l’assurance contre les accidents du travail (la « CSPAAT »), en vertu de la Loi sur la sécurité professionnelle et l’assurance contre les accidents du travail de l’Ontario, concernant les années 2001 et 2002, sur le fondement de laquelle 145 et l’appelant, en tant qu’administrateur de cette entreprise, ont été accusés de diverses violations de la Loi, notamment de plusieurs chefs d’accusation se rapportant à l’omission de divulguer l’ensemble de la masse salariale de 145, soit 5 844 425 $, pour la période allant du 1er mars 2001 au 7 janvier 2003, fait d’ailleurs admis par l’appelant dans l’exposé conjoint des faits signé dans le cadre d’une négociation de plaidoyers avec la CSPAAT. En se fondant sur la vérification de la CSPAAT et la transaction conclue, l’Agence du revenu du Canada (l’« ARC ») a procédé à une vérification de 145; elle a conclu, en s’appuyant principalement sur ​​la cotisation établie par la CSPAAT de la masse salariale non déclarée et sur le document [traduction] « Analyses du partage des bénéfices » saisi lors de la vérification de la CSPAAT qui a amené cette dernière à conclure que les montants des ventes non déclarées de deux des sociétés absorbées qui continuaient d’être exploitées ont été déposés dans des comptes comme stratagème pour camoufler des revenus non déclarés de 145 et ont été attribués ou se sont retrouvés dans les mains de l’appelant, ce qui a ainsi donné lieu à l’établissement de nouvelles cotisations à l’égard de celui-ci, lesquelles font l’objet de l’appel interjeté en l’espèce.

 

[6]             Il convient de noter qu’une nouvelle cotisation a été établie uniquement à l’égard de l’appelant, et non pas à l’égard de son épouse, par suite d’une conclusion voulant qu’il ait reçu des avantages conférés aux actionnaires ou des revenus provenant des ventes non déclarées de 145, et que cette dernière ne s’est pas opposée à la cotisation établie à son endroit et n’a pas interjeté appel de la cotisation pour les revenus non déclarés et les pénalités.

 

[7]             Par souci de précision, il importe de noter que l’appelant a fait l’objet d’une nouvelle cotisation relativement aux revenus non déclarés de 5 372 074 $ et 104 815 $ pour 2001 et 2002 respectivement, auxquels s’ajoutent les intérêts et les pénalités calculés sur ces sommes, nouvelle cotisation qui a été modifiée après que l’appelant eut déposé un avis d’opposition afin que soient de nouveau examinés les revenus non déclarés de l’appelant de 2 697 914 $ et de 55 059 $, de même que les pénalités pour faute lourde de 390 049 $ et 7 983 $, pour les années d’imposition 2001 et 2002, au motif que 145 aurait dû être traitée comme déclarant les ventes non déclarées nettes du coût des ventes pour la main‑d’œuvre évaluée comme masse salariale non déclarée. En effet, l’ARC a porté au crédit de l’appelant, à titre de déduction des ventes non déclarées visées par la cotisation qu’elle avait établie à l’égard de 145, le montant de la masse salariale que 145 avait omis de déclarer selon l’ARC; l’ARC n’a porté aucun autre montant au crédit de l’appelant, la suffisance duquel faisant aussi l’objet du différend entre les parties.

 

[8]             Ainsi qu’il est indiqué dans le résumé des faits ci-dessus, il est clair que les parties étaient très en désaccord quant à un certain nombre de faits assumés par l’intimée dans sa Réponse à l’avis d’appel modifié (la « Réponse »), notamment à savoir si l’appelant était actionnaire, si la différence entre les ventes non déclarées et la masse salariale non déclarée de 145 a été correctement calculée, puisqu’il s’agit du fondement sur lequel reposent les montants des cotisations établies à l’égard de l’appelant, et s’il s’agissait, en fait, des ventes de 145 ou d’autres entités, si l’appelant était chargé des fonctions des finances et de l’administration de 145 et, par conséquent, du rôle de l’appelant et de son épouse au sein de 145, et si, en fait, des fonds ont été attribués par l’appelant ou son épouse, Barbara Osinski, ou au profit de l’un ou l’autre. De nombreux témoignages contradictoires relatifs à ces questions ont été entendus dans le présent appel, et la crédibilité de plusieurs des témoins est en cause, bien qu’il soit possible d’affirmer sans risque que bon nombre des témoins ont eu des problèmes de crédibilité sur au moins certaines des questions, mais pas la totalité. Toutes ces questions relatives aux hypothèses faites par le ministre du Revenu national (le « ministre ») dans sa Réponse déposée parmi les actes de procédure dans la présente affaire doivent être tranchées dans la limite de ce qui est nécessaire et seront abordées dans l’analyse des faits au regard de la loi applicable en l’espèce. J’analyserai d’abord la loi applicable, y compris la question de savoir à qui incombe le fardeau de la preuve relativement aux points en litige.

 

Le droit

 

1.     L’attribution de fonds

 

[9]             Le ministre s’appuie sur le paragraphe 15(1) pour justifier son argument concernant les attributions aux actionnaires, sur les articles 3, 5, 6 et 9 pour justifier son argument concernant le revenu tiré d’une charge ou d’un emploi et sur le paragraphe 246(1) pour justifier son argument des avantages imposables conférés aux actionnaires; ces dispositions sont énoncées ci-dessous :

 

Avantages aux actionnaires

 

*       15. (1)  La valeur de l’avantage qu’une société confère, à un moment donné d’une année d’imposition, à un actionnaire ou à une personne en passe de le devenir est incluse dans le calcul du revenu de l’actionnaire pour l’année — sauf dans la mesure où cette valeur est réputée par l’article 84 constituer un dividende — si cet avantage est conféré autrement que :

*    

*   a) par la réduction du capital versé, le rachat, l’annulation ou l’acquisition, par la société, d’actions de son capital-actions ou à l’occasion de la liquidation, cessation ou réorganisation de son entreprise, ou par une opération à laquelle l’article 88 s’applique;

*    

*   b) par le paiement d’un dividende ou d’un dividende en actions;

*    

*   c) par l’octroi à tous les propriétaires d’actions ordinaires du capital-actions de la société à ce moment d’un droit, relatif à chaque action ordinaire et identique à chacun des autres droits conférés à ce moment relativement à chacune des autres semblables actions, d’acquérir d’autres actions du capital-actions de la société; pour l’application du présent alinéa :

*  (i) les actions ordinaires d’une catégorie donnée du capital-actions d’une société sont réputées être identiques aux actions ordinaires d’une autre catégorie du capital-actions de la société dans le cas où, à la fois :

(A) les droits de vote rattachés à la catégorie donnée d’actions diffèrent de ceux rattachés l’autre catégorie d’actions,

 

(B) les modalités des catégories d’actions ne présentent pas d’autres différences qui pourraient donner lieu à un important écart entre la juste valeur marchande d’une action de la catégorie donnée et la juste valeur marchande d’une action de l’autre catégorie,

*   

*  (ii) des droits ne sont pas considérés comme identiques si leur coût d’acquisition diffère;

*   (d) par une opération visée à l’alinéa 84(1)c.1), ch.2) ou ch.3).

 

 

 

 

Revenu pour l’année d’imposition

 

                           3.         Pour déterminer le revenu d’un contribuable pour une année d’imposition, pour l’application de la présente partie, les calculs suivants sont à effectuer :

*        

*   a) le calcul du total des sommes qui constituent chacune le revenu du contribuable pour l’année (autre qu’un gain en capital imposable résultant de la disposition d’un bien) dont la source se situe au Canada ou à l’étranger, y compris, sans que soit limitée la portée générale de ce qui précède, le revenu tiré de chaque charge, emploi, entreprise et bien;

*    

*   b) le calcul de l’excédent éventuel du montant visé au sous-alinéa (i) sur le montant visé au sous-alinéa (ii):

*            (i) le total des montants suivants :

*       

*      (A) ses gains en capital imposables pour l’année tirés de la       disposition de biens, autres que des biens meubles    déterminés,

*       

*      (B) son gain net imposable pour l’année tiré de la disposition de biens meubles déterminés,

*    

*   (ii) l’excédent éventuel de ses pertes en capital déductibles pour l’année, résultant de la disposition de biens autres que des biens meubles déterminés sur les pertes déductibles au titre d’un placement d’entreprise pour l’année, subies par le contribuable;

*        

*       c) le calcul de l’excédent éventuel du total établi selon l’alinéa a) plus le montant établi selon l’alinéa b) sur le total des déductions permises par la sous-section e dans le calcul du revenu du contribuable pour l’année (sauf dans la mesure où il a été tenu compte de ces déductions dans le calcul du total visé à l’alinéa a));

*        

*       d) le calcul de l’excédent éventuel de l’excédent calculé selon l’alinéa c) sur le total des pertes subies par le contribuable pour l’année qui résultent d’une charge, d’un emploi, d’une entreprise ou d’un bien et des pertes déductibles au titre d’un placement d’entreprise subies par le contribuable pour l’année;

 

Pour l’application de la présente partie, les règles suivantes s’appliquent :

*       e) si un montant est calculé selon l’alinéa d) à l’égard du contribuable pour l’année, le revenu du contribuable pour l’année correspond à ce montant;

*        

*       f) sinon, le revenu du contribuable pour l’année est réputé égal à zéro.

 

 

 

            […]

 

            Revenu tiré d’une charge ou d’un emploi

 

5. (1)    Sous réserve des autres dispositions de la présente partie, le revenu d’un contribuable, pour une année d’imposition, tiré d’une charge ou d’un emploi est le traitement, le salaire et toute autre rémunération, y compris les gratifications, que le contribuable a reçus au cours de l’année.

 

Perte résultant d’une charge ou d’un emploi

 

(2)        La perte subie par un contribuable au cours d’une année d’imposition au titre d’une charge ou d’un emploi est constituée par le montant de sa perte subie au cours de cette année au titre de cette charge ou de cet emploi, calculée par l’application, avec les adaptations nécessaires, des dispositions de la présente loi afférentes au calcul du revenu tiré de cette charge ou de cet emploi.

 

            Éléments à inclure à titre de revenu tiré d’une charge ou d’un emploi

 

6. (1)    Sont à inclure dans le calcul du revenu d’un contribuable tiré, pour une année d’imposition, d’une charge ou d’un emploi, ceux des éléments suivants qui sont applicables :

 

            Valeur des avantages

 

*   a)         la valeur de la pension, du logement et autres avantages quelconques qu’il a reçus ou dont il a joui au cours de l’année au titre, dans l’occupation ou en vertu d’une charge ou d’un emploi, à l’exception des avantages suivants :

*  (i) ceux qui résultent des cotisations que l’employeur du contribuable verse dans le cadre d’une fiducie de soins de santé au bénéfice d’employés, d’une police collective d’assurance temporaire sur la vie, d’un régime d’assurance collective contre la maladie ou les accidents, d’un régime de participation différée aux bénéfices, d’un régime de pension agréé, d’un régime de pension agréé collectif, d’un régime de prestations supplémentaires de chômage ou d’un régime privé d’assurance-maladie,

*  (ii) ceux qui découlent d’une convention de retraite, d’un régime de prestations aux employés ou d’une fiducie d’employés,

*  (iii) ceux qui étaient des avantages relatifs à l’usage d’une automobile,

*  (iv) ceux qui découlent de la prestation de services d’aide concernant :

(A) soit la santé physique ou mentale du contribuable ou d’un particulier qui lui est lié, à l’exclusion d’un avantage imputable à une dépense à laquelle l’alinéa 18(1)l) s’applique,

(B) soit le réemploi ou la retraite du contribuable,

*  (v) ceux qui sont prévus par une entente d’échelonnement du traitement, sauf dans la mesure où l’avantage est visé au présent alinéa par l’effet du paragraphe (11);

[aucune des exceptions ne s’applique]

 

Frais personnels ou de subsistance

 

b)         les sommes qu’il a reçues au cours de l’année à titre d’allocations pour frais personnels ou de subsistance ou à titre d’allocations à toute autre fin, sauf :

 

            [aucune des exceptions ne s’applique]

 

                        […]

 

                        Jetons de présence ou autres honoraires

 

c)         les jetons de présence d’administrateur ou autres honoraires qu’il a reçus au cours de l’année au titre, dans l’occupation ou en vertu d’une charge ou d’un emploi;

 

            [les autres dispositions n’ayant pas été alléguées, elles ne sont donc pas reproduites ici]

 

 

            […]

 

 

            Revenu

 

9. (1)    Sous réserve des autres dispositions de la présente partie, le revenu qu’un contribuable tire d’une entreprise ou d’un bien pour une année d’imposition est le bénéfice qu’il en tire pour cette année.

 

*                               Perte

 

(2)        Sous réserve de l’article 31, la perte subie par un contribuable au cours d’une année d’imposition relativement à une entreprise ou à un bien est le montant de sa perte subie au cours de l’année relativement à cette entreprise ou à ce bien, calculée par l’application, avec les adaptations nécessaires, des dispositions de la présente loi afférentes au calcul du revenu tiré de cette entreprise ou de ce bien.

 

*                               Exclusion des gains et pertes en capital

*                                

(3)        Dans la présente loi, le revenu tiré d’un bien exclut le gain en capital réalisé à la disposition de ce bien, et la perte résultant d’un bien exclut la perte en capital résultant de la disposition de ce bien.

 

 

            […]

 

 

Avantage conféré à un contribuable

 

*       246.(1) La valeur de l’avantage qu’une personne confère à un moment donné, directement ou indirectement, de quelque manière que ce soit à un contribuable doit, dans la mesure où elle n’est pas par ailleurs incluse dans le calcul du revenu ou du revenu imposable gagné au Canada du contribuable en vertu de la partie I et dans la mesure où elle y serait incluse s’il s’agissait d’un paiement que cette personne avait fait directement au contribuable et si le contribuable résidait au Canada, être :

*   a) soit incluse dans le calcul du revenu ou du revenu imposable gagné au Canada, selon le cas, du contribuable en vertu de la partie I pour l’année d’imposition qui comprend ce moment;

*    

*   b) soit, si le contribuable ne réside pas au Canada, considérée, pour l’application de la partie XIII, comme un paiement fait à celui-ci à ce moment au titre de bien ou de services ou à un autre titre, selon la nature de l’avantage.

 

[10]        Les dispositions suivantes de la Loi sont pertinentes pour déterminer si les nouvelles cotisations sont frappées de prescription et si des pénalités devaient être imposées.

 

Cotisation et nouvelle cotisation

 

*       152.(4) Le ministre peut établir une cotisation, une nouvelle cotisation ou une cotisation supplémentaire concernant l’impôt pour une année d’imposition, ainsi que les intérêts ou les pénalités, qui sont payables par un contribuable en vertu de la présente partie ou donner avis par écrit qu’aucun impôt n’est payable pour l’année à toute personne qui a produit une déclaration de revenu pour une année d’imposition. Pareille cotisation ne peut être établie après l’expiration de la période normale de nouvelle cotisation applicable au contribuable pour l’année que dans les cas suivants :

*    

*   a) le contribuable ou la personne produisant la déclaration :

*   

*  (i) soit a fait une présentation erronée des faits, par négligence, inattention ou omission volontaire, ou a commis quelque fraude en produisant la déclaration ou en fournissant quelque renseignement sous le régime de la présente loi,

*   

*  (ii) soit a présenté au ministre une renonciation, selon le formulaire prescrit, au cours de la période normale de nouvelle cotisation applicable au contribuable pour l’année;

*    

*   b) la cotisation est établie avant le jour qui suit de trois ans la fin de la période normale de nouvelle cotisation applicable au contribuable pour l’année et, selon le cas :

*  (i) est à établir en conformité au paragraphe (6) ou le serait si le contribuable avait déduit un montant en présentant le formulaire prescrit visé à ce paragraphe au plus tard le jour qui y est mentionné,

*   

*  (ii) est établie par suite de l’établissement, en application du présent paragraphe ou du paragraphe (6), d’une cotisation ou d’une nouvelle cotisation concernant l’impôt payable par un autre contribuable,

*   

*  (iii) est établie par suite de la conclusion d’une opération entre le contribuable et une personne non résidente avec laquelle il avait un lien de dépendance,

*   

*  (iii.1) si le contribuable est un non-résident exploitant une entreprise au Canada, est établie par suite :

(A) soit d’une attribution, par le contribuable, de recettes ou de dépenses au titre de montants relatifs à l’entreprise canadienne (sauf des recettes et des dépenses se rapportant uniquement à l’entreprise canadienne qui sont inscrits dans les documents comptables de celle-ci et étayés de documents conservés au Canada),

 

(B) soit d’une opération théorique entre le contribuable et son entreprise canadienne, qui est reconnue aux fins du calcul d’un montant en vertu de la présente loi ou d’un traité fiscal applicable,

*   

*  (iv) est établie par suite d’un paiement supplémentaire ou d’un remboursement d’impôt sur le revenu ou sur les bénéfices effectué au gouvernement d’un pays étranger, ou d’un état, d’une province ou autre subdivision politique d’un tel pays, ou par ce gouvernement,

*   

*  (v) est établie par suite d’une réduction, opérée en application du paragraphe 66(12.73), d’un montant auquel il a été censément renoncé en vertu de l’article 66,

*   

*  (vi) est établie en vue de l’application des paragraphes 118.1(15) ou (16);

*    

*   c) le contribuable ou la personne produisant la déclaration a présenté au ministre une renonciation, selon le formulaire prescrit, au cours de la période additionnelle de trois ans mentionnée à l’alinéa b);

*    

*   d) par suite d’un changement intervenu dans l’attribution du revenu imposable du contribuable gagné dans une province, déterminé selon la législation d’une province qui prévoit des règles semblables à celles établies par règlement pour l’application de l’article 124, une cotisation, une nouvelle cotisation ou une cotisation supplémentaire (appelée « nouvelle cotisation provinciale » au présent alinéa) est établie à l’égard de l’impôt à payer par une société pour une année d’imposition en vertu d’une loi provinciale aux termes de laquelle la société est assujettie à un impôt semblable à celui prévu par la présente partie et, par suite de la nouvelle cotisation provinciale, une cotisation, une nouvelle cotisation ou une cotisation supplémentaire est établie au plus tard le jour qui suit d’une année le dernier en date des jours suivants :

*   

*  (i) le jour où le ministre est avisé de la nouvelle cotisation provinciale,

*   

*  (ii) le quatre-vingt-dixième jour suivant la date d’envoi de l’avis de la nouvelle cotisation provinciale.

 

 

            […]

 

 

Nouvel argument à l’appui d’une cotisation

 

*       152.(9) Le ministre peut avancer un nouvel argument à l’appui d’une cotisation après l’expiration de la période normale de nouvelle cotisation, sauf si, sur appel interjeté en vertu de la présente loi :

*    

*   a) d’une part, il existe des éléments de preuve que le contribuable n’est plus en mesure de produire sans l’autorisation du tribunal;

*    

*   b) d’autre part, il ne convient pas que le tribunal ordonne la production des éléments de preuve dans les circonstances.

 

 

            […]

 

 

Faux énoncés ou omissions

 

*       163.(2) Toute personne qui, sciemment ou dans des circonstances équivalant à faute lourde, fait un faux énoncé ou une omission dans une déclaration, un formulaire, un certificat, un état ou une réponse (appelé « déclaration » au présent article) rempli, produit ou présenté, selon le cas, pour une année d’imposition pour l’application de la présente loi, ou y participe, y consent ou y acquiesce est passible d’une pénalité égale, sans être inférieure à 100 $, à 50 % du total des montants suivants :

*    

*   a) l’excédent éventuel du montant visé au sous-alinéa (i) sur le montant visé au sous-alinéa (ii):

*   

*  (i) l’excédent éventuel de l’impôt qui serait payable par cette personne pour l’année en vertu de la présente loi sur les sommes qui seraient réputées par les paragraphes 120(2) et (2.2) payées au titre de l’impôt de la personne pour l’année, s’il était ajouté au revenu imposable déclaré par cette personne dans la déclaration pour l’année la partie de son revenu déclaré en moins pour l’année qu’il est raisonnable d’attribuer au faux énoncé ou à l’omission et si son impôt payable pour l’année était calculé en soustrayant des déductions de l’impôt payable par ailleurs par cette personne pour l’année, la partie de ces déductions qu’il est raisonnable d’attribuer au faux énoncé ou à l’omission,

*   

*  (ii) l’excédent éventuel de l’impôt qui aurait été payable par cette personne pour l’année en vertu de la présente loi sur les sommes qui auraient été réputées par les paragraphes 120(2) et (2.2) payées au titre de l’impôt de la personne pour l’année, si l’impôt payable pour l’année avait fait l’objet d’une cotisation établie d’après les renseignements indiqués dans la déclaration pour l’année;

*    

*   b) [Abrogé, 1994, ch. 7, ann, VII, art. 17(1)]

*    

*   c) le total des montants représentant chacun l’excédent éventuel du montant visé au sous-alinéa (i) sur le montant visé au sous-alinéa (ii):

*   

*  (i) le montant qui serait réputé par le paragraphe 122.61(1) être un paiement en trop, qui se produit au cours d’un mois donné, soit au titre des sommes dont la personne est redevable en vertu de la présente partie pour l’année, soit, si cette personne est l’époux ou conjoint de fait visé (au sens de l’article 122.6) d’un particulier à la fin de l’année et au début du mois donné, au titre des sommes dont ce particulier est ainsi redevable, si ce montant était calculé d’après les renseignements fournis,

*   

*  (ii) le montant réputé par le paragraphe 122.61(1) être un paiement en trop, qui se produit au cours du mois donné, au titre des sommes dont cette personne ou ce particulier est redevable en vertu de la présente partie pour l’année;

*    

*   c.1) l’excédent éventuel du total visé au sous-alinéa (i) sur le total visé au sous-alinéa (ii):

*   

*  (i) le total des montants dont chacun représente un montant qui serait réputé, en application de l’article 122.5, payé soit par cette personne au cours d’un mois déterminé de l’année, soit, si cette personne est le proche admissible, au sens du paragraphe 122.5(1), d’un particulier pour l’année, par ce particulier, si ce total était calculé d’après les renseignements fournis dans le formulaire prescrit présenté pour l’année en application de l’article 122.5,

*   

*  (ii) le total des montants dont chacun représente un montant réputé, en application de l’article 122.5, payé par cette personne ou ce proche admissible au cours d’un mois déterminé de l’année;

*    

*   c.2) l’excédent éventuel du montant visé au sous-alinéa (i) sur le montant visé au sous-alinéa (ii):

*   

*  (i) le montant qui serait réputé par le paragraphe 122.51(2) être payé au titre de l’impôt payable par la personne en vertu de la présente partie pour l’année si le montant était calculé d’après les renseignements fournis,

*   

*  (ii) le montant qui est réputé par le paragraphe 122.51(2) être payé au titre de l’impôt payable par la personne en vertu de la présente partie pour l’année;

*    

*   c.3) l’excédent de la somme visée au sous-alinéa (i) sur la somme visée au sous-alinéa (ii) :

*   

*  (i) le total des sommes représentant chacune une somme qui serait réputée, en vertu des paragraphes 122.7(2) ou (3), être un paiement au titre de l’impôt à payer par une personne en vertu de la présente partie ou de l’impôt à payer par une autre personne en vertu de la présente partie pour l’année si ces sommes étaient calculées d’après les renseignements fournis dans la déclaration,

*   

*  (ii) le total des sommes représentant chacune une somme qui est réputée, en vertu des paragraphes 122.7(2) ou (3), être un paiement au titre de l’impôt à payer par la personne en vertu de la présente partie et, s’il y a lieu, de l’impôt à payer par l’autre personne en vertu de la présente partie pour l’année;

*    

*   d) l’excédent éventuel du montant visé au sous-alinéa (i) sur le montant visé au sous-alinéa (ii):

*   

*  (i) le montant qui, s’il était calculé d’après les renseignements indiqués dans la déclaration produite ou le formulaire présenté conformément au paragraphe 127.1(1), serait réputé par ce paragraphe payé pour l’année par cette personne,

*   

*  (ii) le montant réputé par ce paragraphe payé pour l’année par cette personne;

*    

*   e) l’excédent éventuel du montant visé au sous-alinéa (i) sur le montant visé au sous-alinéa (ii):

*   

*  (i) le montant qui serait réputé par le paragraphe 127.41(3) avoir été payé pour l’année par la personne s’il était calculé en fonction du montant demandé par la personne pour l’année en vertu de ce paragraphe,

*   

*  (ii) le montant maximal que la personne a le droit de demander pour l’année en vertu du paragraphe 127.41(3);

*    

*   f) l’excédent éventuel du montant visé au sous-alinéa (i) sur le montant visé au sous-alinéa (ii):

*   

*  (i) le montant qui serait réputé, par le paragraphe 125.4(3), avoir été payé par la personne pour l’année s’il était calculé d’après les renseignements indiqués en vertu de ce paragraphe dans la déclaration produite pour l’année,

*   

*  (ii) le montant qui est réputé, par le paragraphe 125.4(3), avoir été payé par la personne pour l’année;

*    

*   g) l’excédent éventuel du montant visé au sous-alinéa (i) sur le montant visé au sous-alinéa (ii):

*   

*  (i) le montant qui serait réputé, par le paragraphe 125.5(3), avoir été payé par la personne pour l’année s’il était calculé d’après les renseignements indiqués en vertu de ce paragraphe dans la déclaration produite pour l’année,

*   

*  (ii) le montant qui est réputé, par ce paragraphe, avoir été payé par la personne pour l’année.

 

 

            […]

 

 

Charge de la preuve relative aux pénalités

 

163.(3) Dans tout appel interjeté, en vertu de la présente loi, au sujet d’une pénalité imposée par le ministre en vertu du présent article ou de l’article 163.2, le ministre a la charge d’établir les faits qui justifient l’imposition de la pénalité.

 

 

[11]        Le paragraphe 15(1) impose la personne qui est actionnaire d’une société et qui bénéficie d’un avantage que lui confère la société. L’appelant fait valoir que ces deux conditions ne sont pas réunies; ce texte ne peut donc pas jouer.

 

[12]        Les articles 3, 5 et 6 constituent des dispositions fiscales générales portent que le contribuable doit inclure tous les revenus pour l’année d’imposition (article 3), y compris le revenu tiré d’une charge ou d’un emploi, soit le traitement, le salaire et toute autre rémunération (article 5), de même que les montants tirés d’une charge ou d’un emploi ainsi qu’il est défini à l’article 6, qui comprennent, à l’alinéa b), les sommes qu’il a reçues au cours de l’année à titre d’allocations pour frais personnels ou de subsistance ou à titre d’allocations à toute autre fin, sauf (les exceptions citées ne s’appliquent pas ici) et, à l’alinéa c), les jetons de présence d’administrateur ou autres honoraires qu’il a reçus au cours de l’année au titre, dans l’occupation ou en vertu d’une charge ou d’un emploi. Bien que l’article 6 fasse référence à d’autres éléments plus précis qui seraient inclus à titre de revenu tiré d’une charge ou d’un emploi, l’intimée n’a avancé aucun argument précis à cet égard et les arguments avancés relevaient essentiellement des alinéas ci‑dessus.

 

[13]        L’article 9 inclut le revenu que le contribuable tire d’une entreprise ou d’un bien pour l’année d’imposition, sans doute pour prévoir la possibilité que l’appelant ait pu faire des affaires pour son propre compte quant aux cotisations établies.

 

[14]         Le paragraphe 246(1) est une disposition « fourre-tout » qui prévoit essentiellement que, si le contribuable reçoit un avantage qui lui est conféré par une autre personne, directement ou indirectement, qui n’était pas par ailleurs inclus dans le calcul du revenu ou du revenu imposable du contribuable en application d’autres dispositions de la Loi, ce montant doit alors être inclus dans le revenu du contribuable s’il s’agissait d’un paiement que cette personne avait fait directement au contribuable. En effet, le ministre affirme que, si la Société a effectué des paiements ou conféré d’autres avantages à l’appelant qui ne seraient pas inclus comme un avantage de l’actionnaire au titre du paragraphe 15(1) ci-dessus, ni à titre de revenu provenant d’une charge ou d’un emploi ou d’une entreprise conformément aux articles 3, 5, 6 ou 9 ci-dessus, ces avantages entrent alors dans les prévisions du paragraphe 246(1).

 

[15]        Les paragraphes 152(4) et (9) permettent à l’ARC de procéder à l’établissement d’une nouvelle cotisation à l’égard de l’appelant après la période normale de trois ans suivant la cotisation initiale, et il n’est pas controversé qu’il incombe au ministre de prouver que l’appelant a fait une présentation des faits, par négligence, inattention ou omission volontaire, ou a commis une fraude en produisant sa déclaration ou en fournissant des renseignements.

 

[16]        Le paragraphe 163(2) contient les dispositions concernant l’imposition d’une pénalité pour faute lourde invoquées par le ministre pour justifier l’imposition d’une pénalité de 50 p. 100 sur le montant de l’impôt additionnel qui aurait été imposé si le montant non déclaré avait été déclaré, mais qui ne l’a pas été, et la personne qui, sciemment ou dans des circonstances équivalant à faute lourde, fait un faux énoncé ou une omission dans une déclaration. Il incombe au ministre d’établir que cette personne, sciemment ou dans des circonstances équivalant à faute lourde, a été ainsi impliquée conformément au paragraphe 163(3).

 

2.     Le fardeau de la preuve et la norme de preuve

 

[17]        Il n’y pas vraiment de controverse quant à savoir à qui incombe le fardeau de la preuve eu égard aux points en litige en l’espèce, mais il y a désaccord sur ce qui constitue une preuve suffisante pour satisfaire à la norme de preuve relative à un tel fardeau.

 

[18]        En ce qui concerne la question principale, soit de savoir si une nouvelle cotisation à l’égard de l’appelant est appropriée ou non, les deux parties se sont appuyées sur la jurisprudence de la Cour suprême du Canada dans l’affaire Hickman Motors Limited c. Canada, 97 DTC 5363 (C.S.C.), qui a été invoquée par la Cour d’appel fédérale dans les arrêts House c. Canada, 2011 CAF 234, [2012] 1 C.T.C. 13 (C.A.F.), et McMillan c. Canada, 2012 CAF 126, 2012 DTC 5105 (C.A.F.), que l’appelant a fait valoir et que j’ai eu l’occasion de résumer dans Sandy Kozar c. Sa Majesté la Reine, 2010 CCI 389, 2010 DTC 1251, invoquée par l’intimée, aux paragraphes 27 et 28 :

 

[27]      Comme cela est indiqué plus haut et comme la Cour suprême du Canada l’a confirmé dans l’arrêt Hickman Motors Ltd. c. Canada, [1997] 2 R.C.S. 336, en suivant la décision qu’elle avait rendue dans l’affaire Johnston c. Canada (Minister of National Revenue – M.N.R.), [3 DTC 1182] [1948] S.C.R. 486, il incombe simplement à l’appelante de démolir les hypothèses exactes que le ministre a émises à l’appui des nouvelles cotisations, et il est satisfait à cette charge initiale lorsque l’appelante présente au moins une preuve prima facie. Comme l’appelante l’a signalé, dans l’arrêt F.H. c. McDougall, 2008 CSC 53, [2008] 3 R.C.S. 41, la Cour suprême du Canada a confirmé qu’il n’existe qu’une seule norme de preuve en matière civile et qu’il s’agit d’une preuve selon la prépondérance des probabilités, la norme de preuve nécessaire pour établir une preuve prima facie. Au paragraphe 49, le juge Rothstein a ajouté :

 

49        […] Dans toute affaire civile, le juge du procès doit examiner la preuve pertinente attentivement pour déterminer si, selon toute vraisemblance, le fait allégué a eu lieu.

 

[28]      Comme la cour l’a confirmé au paragraphe 94 de l’arrêt Hickman Motors, précité, cette charge peut être inversée :

 

94                Lorsque l’appelant a « démoli » les présomptions du ministre, le « fardeau de la preuve [...] passe [...] au ministre qui doit réfuter la preuve prima facie » faite par l’appelant et prouver les présomptions; [...]

 

[19]        L’appelant fait valoir que, en l’espèce, il lui est demandé en substance de prouver l’inexistence d’un fait – à savoir qu’il n’a reçu aucun fonds de 145 ou qu’elle ne lui a conféré aucun avantage – la preuve verbale de l’appelant niant cela doive suffire pour satisfaire cette norme de preuve vu la jurisprudence House, précitée, de la Cour d’appel fédérale, par laquelle elle a statué, au paragraphe 60, que notre cour doit tenir compte des preuves de l’appelant démolissant les hypothèses du ministre, et non rechercher des éléments de preuve positifs démontrant que l’appelant n’avait pas reçu les fonds. L’intimée fait valoir que le simple déni n’est pas suffisant et que l’appelant doit présenter des preuves crédibles à l’appui de la thèse portant qu’il ne s’est pas attribué des fonds provenant de 145.

 

[20]        En ce qui concerne les deux parties, la règle applicable est simplement, selon moi, celle qui est formulée par le juge Rothstein dans l’arrêt F.H. c. McDougall, précité, au paragraphe 49, et je la répète, «[…] le juge du procès doit examiner la preuve pertinente attentivement pour déterminer si, selon toute vraisemblance, le fait allégué a eu lieu ».

 

[21]        L’ensemble des preuves pertinentes doit être examiné attentivement, y compris le témoignage verbal qui n’est pas nécessairement étayé par des documents. Dans l’arrêt House, la Cour d’appel fédérale a clairement dit que le témoignage verbal ne peut être présumé de qualité insuffisante lorsqu’une conclusion liée à la crédibilité n’a pas été rendue par rapport au témoignage des témoins. La Cour d’appel fédérale a plus précisément conclu, au paragraphe 62, que le juge du procès avait commis une erreur, en ce sens que « […] l’appelant a présenté une preuve qui, à moins d’être rejetée ou réfutée, pouvait permettre de « démolir », à première vue, les hypothèses du ministre ».

 

[22]        Par conséquent, l’appelant soutient correctement que le témoignage crédible présenté de vive voix est suffisant pour démolir les hypothèses du ministre et, en fait, l’intimée a retenu cette thèse au paragraphe 16 de ses observations écrites, dans lequel il a déclaré :

 

[traduction]

 

16.       […] L’appelant doit présenter une preuve crédible à l’appui d’une position voulant qu’il n’ait pas reçu de fonds de 1457223 Ontario Limited. […]

 

 

[23]        Le droit est clair : la preuve crédible, qu’elle soit verbale ou écrite, est nécessaire, et c’est la raison pour laquelle, ainsi que le juge Rothstein l’a déclaré dans F.H. c. McDougall, précité, le juge « doit examiner la preuve pertinente attentivement pour déterminer si, selon toute vraisemblance, le fait allégué a eu lieu ». À mon avis, les parties ne font pas état d’interprétations différentes de la norme de preuve, mais uniquement de leurs différents points de vue quant à la crédibilité de la preuve présentée, et mon rôle, bien entendu, est de les examiner attentivement.

 

[24]        En ce qui concerne la question de savoir si la cotisation à l’égard de l’appelant est frappée de prescription, il n’est pas controversé qu’il revient au ministre de prouver que le contribuable a fait une présentation erronée des faits par négligence, inattention ou omission volontaire, ou qu’il a commis une fraude au titre du paragraphe 152(4). De même, aux termes du paragraphe 163(3) de la Loi, il incombe au ministre d’établir les faits nécessaires pour justifier l’imposition de pénalités au titre du paragraphe 163(2).

 

[25]        En prenant en considération le fait que le fardeau incombe à différentes parties pour les diverses questions ci-dessus, il est évident que le contribuable, même s’il omet de s’acquitter du fardeau de réfuter les hypothèses du ministre en ce qui concerne l’exactitude de la nouvelle cotisation à l’égard de l’appelant en cause ici, il demeure possible à la Cour de conclure que l’intimée a droit à la non-réouverture du dossier concernant les années prescrites et donc éviter de nouvelles cotisations des pénalités pour faute lourde. En l’espèce, toutefois, ainsi que l’intimée l’a fait valoir, les faits sont tous inextricablement liés aux questions et, en raison de la nature des hypothèses voulant que l’appelant ait omis de déclarer le revenu de 145 qu’on a présumé qu’il s’était attribué au moyen du stratagème décrit, de façon réaliste, le ministre s’acquittera ou non du fardeau qui lui incombe à l’égard des années prescrites et des pénalités pour faute lourde selon que l’on conclut que l’appelant s’est attribué ou non les fonds et ne les a pas déclarés.

 

La thèse des parties

 

[26]        L’appelant soutient que son épouse était l’unique actionnaire de 145 et qu’il ne peut donc faire l’objet d’une cotisation relativement à un avantage conféré à un actionnaire au titre du paragraphe 15(1) de la Loi et qu’il n’a jamais touché de revenu supplémentaire de 145 ou de revenu supplémentaire auquel 145 avait droit, c’est-à-dire un revenu d’emploi autre que le revenu déclaré dans ses déclarations de revenus, soit 42 192 $ en 2001 et 110 249 $ en 2002 (la dernière année qui comprenait un revenu de dividendes). En outre, l’appelant nie que 145 n’avait pas déclaré des ventes et que le montant du revenu net non déclaré pour lequel 145 a fait l’objet d’une cotisation serait le fondement sous‑jacent du montant de la nouvelle cotisation à l’égard de l’appelant pour attributions illicites. Par conséquent, il ne peut se voir imposer de pénalités et, l’appelant n’ayant fait aucune fausse déclaration ni commis de fraude, le ministre ne saurait émettre une nouvelle cotisation pour les années d’imposition 2001 et 2002 en dehors de la période de cotisation triennale normale, et l’imposition d’une pénalité n’est pas appropriée.

 

[27]        Selon l’intimée, l’appelant a reçu les montants faisant l’objet des nouvelles cotisations et, par conséquent, il est assujetti aux pénalités pour faute lourde au titre du paragraphe 163(2) ainsi qu’à une nouvelle cotisation, en dehors de la période de cotisation normale, pour fausse déclaration et fraude en ne déclarant pas de tels revenus. L’intimée soutient également que 145 s’est vu créditer, à titre de dépenses déductibles, toutes les sommes versées à ses sous‑traitants, que la CSPAAT a affectées en tant que masse salariale de 145, pour déterminer la masse salariale sous-estimée de cette dernière pour l’application de la Loi de 1997 sur la sécurité professionnelle et l’assurance contre les accidents de travail (la « LSPAAT »), ces montants ayant été considérés par le ministre comme augmentant le coût des ventes de 145 d’un montant égal à la différence entre le coût des ventes réellement déclaré et le coût des ventes qui serait considéré comme ayant été finalement engagé par l’appelant, mais que, malgré cette déduction accrue, il restait encore un revenu net non déclaré. Par conséquent, l’intimée soutient que le montant imposé à titre de revenu était le revenu net de l’appelant, c’est-à-dire net des déductions pour les montants payés à tous ces sous-traitants, pour préciser qu’il n’y a pas de double prise en compte des montants qui ont fait l’objet des cotisations à l’égard de l’appelant.

 

Analyses

 

1.     La question de savoir si l’appelant était actionnaire

 

[28]        Les hypothèses du ministre qui sont pertinentes quant à cette question se trouvent aux alinéas 11a), b), cc), ee), ff) et gg) de la Réponse du ministre, dont une copie est jointe en annexe à la présente décision et dont certains paragraphes sont également reproduits ci-après, par souci de commodité :

 

[traduction]

 

11.       Pour déterminer l’obligation fiscale de l’appelant pour les années d’imposition 2001 et 2002, le ministre a formulé les hypothèses de fait suivantes :

 

            a)         l’appelant était actionnaire de quatre entreprises, à savoir Plan A Services Inc., Impact Demolition & Restoration Management Inc., Planland Contracting Limited et Impact Demolition Services Limited (les « sociétés absorbées »);

 

            b)         le 2 janvier 2001, les quatre sociétés absorbées se sont fusionnées pour former 1457223 Ontario Ltd faisant affaire sous le nom d’Impact Services (« Impact Services »);

 

                        […]

 

            L’appelant était actionnaire d’Impact Services

 

cc)       l’appelant a déclaré un revenu de dividendes provenant d’Impact Services en 2002;

 

            […]

 

ee)       l’appelant et son épouse Barbara Osinski étaient chacun actionnaires à 50 p. 100 d’Impact Services à la date de sa constitution en personne morale;

 

ff)        Impact Services a déclaré que l’appelant était actionnaire à 50 p. 100 dans ses déclarations T2 pour les périodes d’imposition se terminant les 30 juin 2001 et 2002;

 

gg)       en décembre 2001, l’appelant a transféré ses actions à son épouse Barbara Osinski;

 

[29]        Il est constant que l’appelant était à tout le moins actionnaire de certaines des sociétés absorbées avant leur fusion, ainsi qu’il est énoncé aux alinéas 11a) et b) de la Réponse. Franchement, les témoignages de l’appelant et de son épouse vont dans le sens de ces hypothèses également, car ils ont tous deux affirmé que les entreprises étaient des entreprises familiales et que, compte tenu de l’avis d’un conseiller juridique, avant que les sociétés absorbées fusionnent pour créer 145, ils ont décidé que les actifs de la famille seraient enregistrés au nom de Barbara Osinski et que Jan Osinski serait le seul dirigeant et administrateur et que, par conséquent, il serait responsable des dettes dans le cadre de leur plan de mise à l’abri des créanciers.

 

[30]        Nonobstant ce qui précède, l’appelant soutient que Barbara Osinski était l’unique actionnaire pendant les années en question, en partie en raison de leur entente relative au plan susmentionné de mise à l’abri des créanciers, mais aussi en raison des affirmations ultérieures de Mme Osinski selon lesquelles elle était la seule actionnaire. Pour étayer l’entente relative à la mise à l’abri des créanciers, l’appelant fait valoir que, malgré le fait que ses actions, représentant 50 p. 100 des actions émises de 145, n’ont été officiellement transférées à Barbara Osinski que le 1er décembre 2001 et qu’il avait en fait signé un document, daté du 2 janvier 2001, aux bureaux de R.S., un avocat, en présence de K.I., que je qualifierai de commis à la paye/d’aide-comptable de 145. Ce document, qui n’est pas fait sous serment, est une confirmation d’un paragraphe où l’appelant déclare ce qui suit :

 

          [traduction]

 

Je, JAN OSINSKI, 5, Pearl Gate CT […] confirme que je suis le seul administrateur inscrit de 1457223 […] et confirme aussi que l’unique actionnaire de cette société est BARBARA OSINSKI. […]

 

[31]        Ainsi que je l’ai mentionné, K.I. en est le témoin.

 

[32]        Il est clair que l’avocat n’avait pas préparé ce document parce que, dans son témoignage, il a affirmé n’en avoir aucun souvenir et, franchement, compte tenu de la formulation, il est raisonnable de supposer que le document a été préparé par Jan Osinski lui-même ou en son nom. Par conséquent, le témoignage de l’appelant selon lequel il s’est présenté au bureau de l’avocat, qui n’était pas, selon les preuves, le conseiller juridique de 145 (bien qu’il ait témoigné avoir fait quelques présentations mineures pour la société qui attestaient les changements de dirigeants et d’administrateurs) pour signer un tel document n’est pas crédible. À l’instar du témoignage de K.I., selon lequel elle était présente avec l’appelant dans les bureaux de R.S. pour être témoin à la signature de ce document, un tel témoignage est très suspect, non seulement parce que l’avocat n’en avait aucun souvenir, mais parce qu’en général, j’estime que le témoignage rendu par K.I. est très suspect et qu’en tant que témoin, son témoignage, dans l’ensemble, n’est pas très crédible. Je me pencherai à nouveau, dans la présente affaire, sur les questions de crédibilité qui se posent en l’espèce avec K.I., mais il suffit de dire à ce stade-ci que cela paraît absurde que K.I. se soit présentée aux bureaux de l’avocat qui n’était pas le conseiller juridique de la société pour signer un document que ce dernier n’avait pas préparé, alors que, selon le témoignage de Barbara Osinski, elle devait se rendre aux bureaux du conseiller juridique de la société pour signer de temps à autre des documents corporatifs, suivant les besoins. Pourquoi n’y aurait‑elle pas été directement quand le document la concernant rendait l’intégralité du document suspecte?

 

[33]        Je dois également ajouter que le transfert effectif des actions et la résolution spéciale de 145, suivant lesquels l’appelant transférait ses actions à Barbara Osinski le 1er décembre 2001, exposent le fait qu’à cette date, l’appelant était le porteur inscrit des actions et qu’il désirait les transférer à Jan Osinski à la date en question. Il n’y a aucune indication du fait qu’il les détenait en fiducie pour Barbara Osinski, ou même du document antérieur, ou du fait que le but d’un tel transfert était d’effectuer un transfert qui avait eu lieu en janvier 2001. À mon avis, le transfert et la résolution, en tant que documents de la société, parlent d’eux-mêmes et attestent la possession d’actions de la Société au 1er décembre 2001.

 

[34]        Compte tenu de ces documents de la société, il est clair que l’appelant était actionnaire en 2001, mais pas pendant l’année civile 2002. Toutefois, puisqu’il est admis que la fin de l’exercice de 145 est le 30 juin de chaque année, tel qu’il est présumé dans la Réponse, alors, il est clair également que l’appelant était actionnaire durant l’exercice 2001 de la société et pendant presque la moitié de l’exercice 2002, qui débutait le 1er juillet 2001 et se terminait le 30 juin 2002. Ce fait est pertinent, parce que l’intimée a supposé, à l’alinéa 11ff) de la Réponse, que 145 avait déclaré dans ses déclarations T2, pour les périodes d’imposition se terminant les 30 juin 2001 et 2002, que l’appelant était un actionnaire à 50 p. 100 et que ce dernier avait déclaré un dividende versé par cette société dans sa déclaration de revenus personnelle de 2002. Ces dernières hypothèses semblent indiquer que l’appelant était actionnaire pendant l’année civile 2002, mais je ne peux retenir l’idée, pour un certain nombre de raisons, que de telles hypothèses vont dans le sens d’une telle conclusion. D’abord, cette conclusion contredit l’hypothèse ci‑dessus du ministre selon laquelle l’appelant avait transféré ses actions à Barbara Osinski le 1er décembre 2001. Deuxièmement, je constate qu’il est formellement possible qu’un dividende ait été déclaré pendant l’année d’imposition 2002 de la société, alors que l’appelant était actionnaire, et payé au cours de l’année civile 2002, à un moment où l’appelant ne l’était plus; toutefois, ce dernier serait encore en mesure et tenu de déclarer ce dividende. S’il appert que des dividendes n’ont pas été ainsi versés, alors, l’appelant aurait pu faire l’objet d’une nouvelle cotisation en vue de requalifier ces paiements de revenu ordinaire, mais tel ne fut pas le cas. Il ne me semblerait pas non plus illogique que le nom des actionnaires pendant l’année d’imposition figure dans la déclaration si un dividende a été versé; alors, le fait que l’appelant ait été présenté en tant qu’actionnaire dans les déclarations T2 de 2002 de la société n’est pas déterminant. Troisièmement, le témoin de l’intimée, Barbara Osinski, a affirmé que le transfert avait été retardé et n’avait été effectué qu’en décembre 2001, malgré le plan de mise à l’abri des créanciers et la correspondance de son avocat avec l’ARC, dans laquelle ce dernier présentait des arguments expliquant pourquoi Barbara Osinski ne devait pas faire l’objet d’une cotisation relativement à une attribution de fonds de 145, ce qui confirme que Jan Osinski avait transféré ses actions à cette date. Enfin, lorsqu’il lui a été demandé pendant le processus d’interrogatoire préalable s’il croyait qu’il était vrai que l’appelant continuait d’être actionnaire à 50 p. 100 durant l’année d’imposition 2002, le témoin de l’intimée, le vérificateur de l’ARC dans l’affaire, a répondu qu’il ne croyait pas tel fût le cas, bien qu’il ait affirmé plus tôt qu’il croyait que l’allégation selon laquelle l’appelant avait transféré ses actions à son épouse en décembre 2001 était vraie. Même l’ARC ne croyait pas que l’appelant était actionnaire pendant l’année civile 2002.

 

[35]        Nonobstant les éléments de preuve ci-dessus, l’appelant a aussi fait valoir que Barbara Osinski avait soutenu qu’elle était et avait toujours été la propriétaire de 145, dans une lettre datée du 16 août 2004 et destinée à J.M., le directeur de bureau, et à K.K., un superviseur, dont une copie a été envoyée à l’appelant et à son fils. En parlant d’un différend au sujet des activités de son fils et des montants qui ont été payés à celui-ci, elle a déclaré ce qui suit :

 

          [traduction]

 

Pour ma part, j’aimerais souligner que le fait d’avoir donné mon consentement à la « réorganisation » d’Impact Services ne m’empêche pas d’en être la propriétaire. Légalement, j’ai toujours été et je suis l’unique propriétaire de la société que j’ai bâtie depuis tant d’années. J’aimerais qu’on ne l’oublie pas.

 

[36]        Formellement, la lettre a été écrite après le transfert des actions de Barbara Osinski à Jan Osinski, le 30 juin 2004, à l’occasion de l’éclatement du mariage qui, selon le témoignage non contesté de Barbara Osinski, a eu lieu en fait en août avec le transfert antidaté, ce qui explique donc l’allusion dans sa lettre à son [traduction] « consentement à la “réorganisation” ». Barbara Osinski a témoigné qu’elle avait écrit la lettre à un moment où elle était bouleversée par la rupture et les allégations de son époux à l’encontre son fils. Il est constant que l’appelant et son épouse étaient à ce moment-là au milieu du règlement de leurs problèmes de séparation. Je considère que ces éléments de preuve sont crédibles et non controversés, et j’estime qu’ils ne peuvent servir d’éléments de preuve crédibles pour contredire la preuve solide de la possession d’actions pour les années 2001 et 2002 décrite ci‑dessus.

 

[37]        Selon l’ensemble de ces éléments de preuve, je dois conclure que l’appelant n’a été actionnaire que jusqu’au 1er décembre 2001 et qu’il n’était donc pas actionnaire pendant l’année civile 2002. Il s’ensuit que, aux termes du paragraphe 15(1), on ne peut affirmer que l’appelant s’était vu conférer un avantage comme actionnaire, à tout le moins pour l’année civile 2002.

 

2.     L’attribution de fonds

 

[38]        Ainsi qu’il a été signalé plus tôt lors de l’examen de la loi, pour que la nouvelle cotisation de l’appelant soit valide, il doit y avoir une certaine attribution de fonds provenant de 145 à l’appelant ou au profit de l’appelant, au titre du paragraphe 15(1), des articles 3, 5, 6 et 9 ou du paragraphe 246(1). Il convient de noter d’emblée que, bien que l’intimée signale dans sa Réponse qu’elle s’appuyait sur l’article 9 de la Loi, soit la disposition qui prévoit l’imposition du revenu tiré d’une entreprise ou d’un bien, l’intimée n’a en effet présenté aucun argument dans sa Réponse quant à l’applicabilité de la disposition ni même supposé que l’appelant gagnait un revenu tiré d’une entreprise ou d’un bien; aussi, je ne considère pas que cet article constitue un fondement d’attribution de fonds en l’espèce. De même, il est constant que l’appelant était le président et seul dirigeant de 145, ainsi qu’il est supposé aux alinéas 11v) et w) de la Réponse, et il ressort clairement de la preuve que l’appelant était un administrateur et un employé de l’appelante au cours des années en cause. Par conséquent, les conditions nécessaires à la conclusion éventuelle portant que l’appelant avait touché un revenu provenant d’une charge ou d’un emploi ou en tant qu’administrateur au titre des articles 5 et 6 de la Loi, ne sont pas controversées; ce qui est en cause, c’est l’attribution de fonds non déjà déclarés comme revenu.

 

[39]        La thèse de l’intimée est fondée sur l’hypothèse que 145 a omis de déclarer des ventes, ainsi qu’il est signalé dans les hypothèses formulées aux alinéas 11f) à t) de la Réponse, et qu’en fait, ces ventes non déclarées, moins le coût des ventes déductible, se sont traduites par un revenu non déclaré de la part de 145, que l’appelant est supposé s’être attribué. Bien que l’appelant conteste également les hypothèses sur les ventes non déclarées, j’examinerai d’abord les hypothèses concernant les fonds attribués à l’appelant ou au profit de celui-ci, puisque, si l’appelant est capable de démolir ces hypothèses, alors la nouvelle cotisation à l’égard de l’appelant sera probablement rejetée. Je précise cela parce que le vérificateur de l’ARC, témoin principal de l’intimée, a admis n’avoir trouvé aucun élément de preuve direct d’un chèque ou d’un document attestant des fonds qui auraient été en réalité transférés ou attestant une attribution effectuée par l’appelant; l’autre principal témoin de l’intimée, Barbara Osinski, a déclaré également ne pas être au courant de sommes versées à l’appelant.

 

[40]        Les hypothèses formulées par l’intimée qui sont pertinentes à la question de l’attribution de fonds par l’appelant se trouvent dans les alinéas suivants du paragraphe 11 de la Réponse, et non pas nécessairement sous la rubrique [traduction] « L’appelant a reçu des sommes non déclarées » :

 

          [traduction]

 

q)         les montants non déclarés n’ont pas été déposés dans le compte bancaire d’Impact Services [c.-à-d., de 145];

 

r)          trois comptes bancaires ont servi à dissimuler le revenu non déclaré d’Impact Services, notamment le compte bancaire personnel de l’appelant;

 

[…]

 

u)         des fonds provenant de ventes non déclarées ont été attribués à l’appelant ou autrement reçus par l’appelant à titre d’avantages aux actionnaires, pour les années d’imposition 2001 et 2002, en sa qualité d’actionnaire;

 

[…]

 

y)         l’appelant avait pour charge principale les finances d’Impact Services;

 

z)         Impact Services a conservé une partie des ventes sous-estimées, et l’appelant s’est attribué le reste dont voici les montants :

 

 

Total du revenu net non déclaré

Revenu déclaré par Impact Services

Revenu ayant fait l’objet d’une cotisation à l’égard de l’appelant

2001

 

5 372 074 $

2 674 160 $

2 697 914 $

2002

104 815 $

49 756 $

55 059 $

 

 

aa)       La valeur de l’avantage que s’est attribué l’appelant équivalait à 2 697 914 $ pour l’année d’imposition 2001 et à 55 059 $ pour l’année d’imposition 2002;

 

bb)       l’appelant s’est constitué un important portefeuille immobilier, notamment le 89, rue Shorncliffe, un condominium à Toronto, un autre à Collingwood ainsi qu’une résidence qui a été vendue au montant de 650 000 $ en 2006.

 

[…]

 

hh)       Barbara Osinski ne s’est vu attribuer aucun montant d’Impact Services en 2001 ou 2002.

 

[41]        Il ressort clairement du témoignage du vérificateur qu’il a supposé que, puisque les présumées ventes non déclarées de 145 ne l’ont pas été et que les montants n’ont pas été placés dans les comptes bancaires de 145, ils ont dû être placés dans les comptes personnels évoqués à l’alinéa 11r) ci-dessus qui appartenaient à l’appelant. Le vérificateur a également affirmé qu’il présumait que le train de vie somptueux de l’appelant, à savoir l’accumulation des biens mentionnés dans l’hypothèse formulée à l’alinéa 11bb), allait dans le sens de son constat selon lequel il devait avoir utilisé les sommes du revenu non déclaré à des fins d’accumulation. Enfin, dans le cadre des motifs généraux invoqués pour établir une cotisation à l’égard de l’appelant seul, il a présumé que Barbara Osinski n’avait reçu aucun montant, compte tenu de ses observations selon lesquelles elle ne possédait pas d’autres comptes bancaires et n’exerçait pas les fonctions d’administratrice ou de dirigeante, et qu’elle ne s’était pas impliquée dans la gestion financière ou administrative de 145; par conséquent, elle n’avait pas pris part au stratagème qu’il impute à l’appelant. J’examinerai maintenant ces hypothèses en les divisant en trois catégories : les comptes bancaires, les actifs accumulés et les sommes attribuées à Barbara Osinski.

 

Les comptes bancaires

 

[42]        À la page 4 de la lettre du vérificateur datée du 4 octobre 2006, proposant l’établissement d’une nouvelle cotisation à l’égard de 145, le vérificateur a déclaré :

 

[traduction]

 

Nous avons examiné les documents de paie saisis par la CSPAAT et, à la lumière des chèques saisis, nous avons conclu que trois (3) comptes différents étaient utilisés à la succursale Queensway & Kipling de la Banque Royale du Canada, à Etobicoke, en Ontario. Le premier compte était un compte d’entreprise d’Impact Services, le deuxième était un compte personnel de Jan Osinski et le troisième était un compte anonyme. Par conséquent, il semble que de multiples comptes – des comptes d’entreprise et personnels – servent à faciliter le stratagème.

 

[43]        Il s’agissait de l’hypothèse principale qui étayait sa conclusion selon laquelle seul l’appelant s’était attribué les fonds en question et Barbara Osinski n’avait pas touché de ces fonds. Par conséquent, il est crucial d’analyser les preuves se rapportant à ces comptes bancaires.

 

a)    Le compte d’Impact Services à la Banque Royale

 

[44]        Selon son témoignage, le vérificateur a examiné ce compte d’entreprise pour vérifier si la paie non déclarée n’avait pas été acheminée au moyen de ce compte; il a donc conclu qu’il reflétait la paie non déclarée et donc qu’il y avait eu des ventes non déclarées. Bien que le vérificateur ait peut-être eu des motifs valables pour tirer cette conclusion, une conclusion que l’appelant a également contestée, il est clair qu’aucun lien n’a été démontré entre les fonds qui ont été attribués au moyen de ce compte et l’appelant.

 

b)    Le compte bancaire no 501-543-3 de la Banque Royale

 

[45]        Le vérificateur a présumé que le compte bancaire ci-dessus appartenait uniquement à l’appelant, du fait que les chèques tirés de ce compte portaient uniquement le nom de Jan Osinski dans la partie supérieure à titre de payeur. Dans son témoignage, il a reconnu qu’il s’agissait du compte auquel il faisait mention comme étant le compte personnel de l’appelant ayant servi à faciliter le prétendu stratagème. Toutefois, il n’est pas controversé que les bénéficiaires de tous ces chèques étaient les employés dont la paie n’avait pas été entièrement déclarée par 145 selon l’enquête de la CSPAAT et, évidemment, selon la nouvelle cotisation de l’appelant. Dans son témoignage, le vérificateur a déclaré avoir porté la totalité de cette paie non déclarée au crédit des ventes non déclarées à titre de coût des ventes, afin que cette portion des ventes soit traitée comme si elle avait été reçue par 145. De plus, cela est étayé par le postulat du ministre à l’alinéa 11z).

 

[46]        Pour ce qui est du fait que toutes les sommes payées aux employés ont été assimilées à des paies et ventes non déclarées de 145 et, par conséquent, à des dépenses de 145, il est clair qu’elles n’ont pas été incluses dans le calcul de l’attribution de fonds visée par la nouvelle cotisation établie à l’égard de l’appelant. Toutefois, il est également clair que, aux yeux du vérificateur, ce compte bancaire constituait un élément de preuve portant que l’appelant acheminait les ventes non déclarées au moyen de comptes autres que ceux identifiés comme appartenant à 145 – une hypothèse exposée à l’alinéa 11q) qui n’a pas été réfutée pour le moment, mais qui, j’ajouterais, ne suffit toutefois pas à elle seule pour m’amener à conclure qu’il y a eu attribution de ces fonds par l’appelant.

 

[47]        Toutefois, les preuves présentées par l’appelant établissent clairement, au moyen des relevés bancaires se rapportant au compte, qu’il s’agissait d’un compte conjoint détenu par l’appelant et Barbara Osinski. À tout le moins, l’appelant a réfuté l’hypothèse selon laquelle il s’agissait de son seul compte et a établi la possibilité que Barbara Osinski ait reçu des fonds de l’entreprise conjointement avec l’appelant. Toutefois, comme je l’ai indiqué, le ministre a assimilé ces fonds à une dépense de 145, et non à une attribution de fonds par l’appelant, si bien qu’il est possible de conclure que l’appelant a démoli toute hypothèse visant une attribution de fonds au moyen de ce compte.

 

c)     Les chèques du compte anonyme

 

[48]        Selon le témoignage du vérificateur, la CSPAAT s’était reportée à trois comptes pour établir l’existence de la paie non déclarée, tout comme le vérificateur; toutefois, il n’a produit aucune preuve relativement au troisième compte. L’hypothèse à l’alinéa 11r) de la Réponse ne fait qu’affirmer qu’il y avait trois comptes dont [traduction] « le compte personnel de l’appelant ». Cette formulation suggère qu’il y avait un seul compte personnel qui correspond manifestement à celui dont il est question dans la section b) ci-dessus. Le seul autre élément de preuve concernant un tel compte anonyme se trouve dans une des pièces de l’intimée (R‑1, onglet 7, liste des documents de la CSPAAT) : dans cette liste des documents saisis par la CSPAAT dans le cadre de son enquête (et communiquée au vérificateur), le troisième compte est décrit ainsi : [traduction] « Chèques inconnus d’Impact Services, RBC, succursale Queensway & Kipling […] » Les preuves présentées par l’intimée établissent clairement qu’il ne s’agissait pas d’un compte bancaire personnel de l’appelant, mais d’un compte d’Impact Services, qui est – les parties en conviennent – 145.

 

[49]        À la lumière des analyses ci-dessus, il est clair que l’appelant a réfuté l’hypothèse selon laquelle tout montant non déclaré réclamé à l’appelant provenait de ces comptes. Ainsi, le fardeau de la preuve à cet égard passe à l’intimée.

 

Les actifs accumulés

 

[50]        Le vérificateur a présumé que le 89, rue Shorncliffe avait été acquis par l’appelant. Il ressort clairement de la preuve que cette propriété appartenait à Barbara Osinski, à la suite d’un transfert en date du 28 décembre 2000, avant la fusion et les années d’imposition en cause, si bien qu’elle ne pouvait pas avoir été acquise au moyen des revenus non déclarés que l’appelant, d’après les allégations, n’avait même pas encore touchés.

 

[51]        Le vérificateur a présumé que la résidence principale de l’appelant et de son épouse avait été acquise par l’appelant à l’aide de fonds qu’il s’étaient attribués. En fait, le vérificateur a témoigné qu’il avait présumé que la propriété avait appartenu aux deux conjoints durant les années d’imposition en cause et que des sommes importantes avaient été dépensées pour rénover la résidence peu de temps avant sa vente en 2006 – présumément, en puisant dans les fonds que l’appelant s’était attribués. Toutefois, il ressort clairement des preuves que la résidence principale a été transférée à Barbara Osinski le 21 décembre 2000, si bien que cette résidence ne peut pas faire partie des actifs accumulés par l’appelant durant les années d’imposition et qu’aucun revenu non déclaré ne pouvait pas avoir servi à son acquisition à cette époque ou avant, lorsque la résidence appartenait conjointement au couple. De plus, il ressort clairement du témoignage du vérificateur que les rénovations à la résidence ont été effectuées peu avant sa vente en 2006, conformément au mandat de vente, quelques années après la séparation de l’appelant et de son épouse, et durant la période où Barbara Osinski disposait des pleins droits sur le foyer conjugal aux termes de leur accord de séparation. Il est intéressant de noter que le vérificateur a laissé entendre que des revenus non déclarés avaient servi à payer les rénovations en se fiant à un seul élément : il avait examiné l’inscription SIA de la résidence vendue en 2006 qui signalait d’importantes rénovations et il a supposé, sans autre élément de preuve à l’appui, que l’appelant les avait payées, bien qu’il ait reconnu que les parties avaient divorcé à l’époque.

 

[52]        Le vérificateur a aussi présumé que l’appelant avait acquis la propriété de Collingwood qui avait été enregistrée au nom de N., le fils de l’appelant et de Barbara Osinski. En contre-interrogatoire, il a reconnu ne pas être au courant que c’était en fait Barbara Osinski qui avait conclu la convention d’achat-vente en vue d’acheter la propriété pour 486 900 $ en mai 2004, peu avant la séparation du couple, et que la prise de possession du condominium ainsi que la clôture de la transaction avaient eu lieu après la séparation du couple. Selon le témoignage de Barbara Osinski, elle a fait un versement initial de 20 000 $, conformément à la convention d’achat-vente, en puisant dans son compte bancaire à la TD, puis elle a versé le solde du versement comptant à la clôture, lequel était de 80 000 $, et a pris une hypothèque de 395 900 $ sur l’unité pour le reste du prix d’achat; elle a effectué les versements hypothécaires et a même remboursé l’hypothèque à l’aide de fonds tirés de ce même compte. Barbara Osinski a reconnu que le couple avait d’abord l’intention d’acheter le condominium pour qu’il leur serve de propriété secondaire ou de retraite, mais qu’il lui servait de résidence principale et qu’elle avait fait des démarches pour que le titre de propriété passe de son fils à elle. À l’exception peut-être du versement initial de 20 000 $ prévu dans la convention d’achat-vente qui datait d’avant leur séparation, il est, à mon avis, clair à première vue que l’appelant n’a pas acquitté le solde du prix d’achat et que c’est Barbara Osinski qui l’a acquitté. De plus, cette dernière a reconnu que le versement initial provenait aussi d’un compte bancaire enregistré sous son nom uniquement, si bien que l’appelant a démontré, à première vue, que même les sommes ayant servi au versement initial provenaient de ses fonds à elle. L’intimée n’a produit aucun élément de preuve allant dans le sens contraire.

 

[53]        Le seul autre actif que l’appelant a acquis, selon les allégations du vérificateur, était un condominium acheté à Toronto, en mars 2005, pour 350 000 $, avec un versement initial de 150 000 $ et un prêt accordé par le vendeur de 200 000 $. Selon le témoignage de l’appelant, il travaillait depuis de nombreuses années au moment de l’achat et avait les moyens, grâce à sa valeur nette, de payer le versement initial. Il ressort des preuves que, avant la séparation, le couple gagnait plus de 148 000 $ en moyenne depuis 2000 au seul chapitre des revenus déclarés, ce qui constitue à mon avis une preuve prima facie que l’appelant avait vraisemblablement les moyens de déposer un versement initial de 150 000 $ pour l’achat d’un condominium. Le vérificateur a confirmé ne pas avoir effectué d’évaluation de la valeur nette de l’appelant ou de son épouse afin de déterminer ce qu’ils avaient les moyens de payer et l’intimée n’a présenté aucun élément de preuve allant dans le sens contraire. Bien que le vérificateur ait affirmé n’avoir relevé aucun revenu en intérêts ou autres revenus de placement que l’appelant aurait pu toucher, cela ne suffit pas à mon avis pour prouver qu’il n’avait pas les moyens de financer le montant signalé. Franchement, quand on constate que le vérificateur avait si peu de fondement pour conclure, et encore moins pour prouver, que l’appelant avait accumulé tous les autres actifs, le fait qu’il a acquis un modeste condo financé principalement par un prêt hypothécaire ne suffit pas à justifier la conclusion que son hypothèse était plus probable qu’improbable.

 

[54]        Le vérificateur a invoqué un autre motif en ce qui concerne son hypothèse voulant que l’appelant ait touché des sommes non déclarées d’autres sources que 145 : l’augmentation du compte des prêts consentis par les actionnaires de 145 qui est passé de 597 744 $ en 2001 à 696 187 $ en 2002, soit une hausse de presque 100 000 $. Évidemment, cela donne à penser que les actionnaires ont avancé ce montant à 145. Toutefois, en contre-interrogatoire, le vérificateur a reconnu ne pas avoir analysé de manière approfondie le compte des prêts consentis par les actionnaires, ni la question de savoir s’il s’agissait d’un actif appartenant à l’appelant ou à Barbara Osinski (l’autre actionnaire), ou si cet actif avait été porté à leur crédit pour d’autres motifs.

 

[55]         Par conséquent, l’appelant s’est acquitté du fardeau de réfuter cet argument, qui n’a pas été présenté à titre d’hypothèse; de plus, il a avancé diverses autres explications pour justifier la hausse. Il convient aussi de noter que, l’année suivante, le compte des prêts consentis par les actionnaires a diminué de 179 858 $, ce qui donne à penser que les personnes détenant des fonds dans ce compte, soit des actionnaires actuels ou antérieurs, ont retiré ces fonds. Comme l’appelant l’a soutenu, le retrait de fonds d’un tel compte est une explication possible en réponse à l’argument ci-dessus du vérificateur selon lequel seuls des fonds attribués à l’appelant auraient pu financer de telles dépenses.

 

[56]        À mon avis, l’appelant a amplement réfuté toute hypothèse selon laquelle des revenus non déclarés avaient servi à l’accumulation des actifs ci-dessus, et le ministre n’a pas produit d’éléments de preuve allant en sens contraire.

 

Les sommes attribuées à Barbara Osinski

 

[57]        Une des hypothèses les plus importantes formulées par le ministre dans sa Réponse, en vue de justifier l’établissement d’une nouvelle cotisation pour le montant total des revenus non déclarés de 145 qui visait uniquement l’appelant, était que Barbara Osinski n’avait touché aucune des sommes attribuées provenant de 145 durant les années en cause, selon l’alinéa 11hh) de la Réponse.

 

[58]        Dans une lettre datée du 5 septembre 2007, le vérificateur a avisé Barbara Osinski que le ministre retirait la nouvelle cotisation projetée à son égard, visant 50 p. 100 des revenus non déclarés. Le vérificateur de l’ARC, le même qui a témoigné pour le compte de l’intimée à l’instruction, a écrit :

 

[traduction]

 

Voici la justification de cette décision :

 

Bien que vous étiez une des actionnaires et, par la suite, l’actionnaire unique d’Impact Services durant la période de vérification signalée ci-dessus, et bien que vous participiez à la production de recettes et la préparation de soumissions, vous avez confirmé que vous ne participiez pas aux facettes financières de l’entreprise, qui relevaient uniquement de votre ex-époux, Jan Osinski, y compris la préparation des états financiers et des déclarations de revenus T2 de l’entreprise. De plus, vous n’étiez aucunement au courant des revenus non déclarés ou de l’attribution de fonds, et n’étiez pas au courant de comptes bancaires autres que votre compte personnel conjoint et vos comptes d’entreprise à la succursale Queensway de la Banque Royale du Canada. Enfin, vous n’avez pas reçu de sommes autres que les dividendes et la rémunération versés par l’entreprise, conformément à vos déclarations de revenus T1.

 

[59]        Bref, le vérificateur a entièrement retenu les assertions de Barbara Osinski et a décidé que seul l’appelant était au courant et avait bénéficié de l’attribution de fonds.

 

[60]        Il ressort des preuves que Barbara Osinski a déclaré des revenus totaux de 76 699 $ et de 56 250 $ en 2001 et 2002 respectivement; ces montants étaient également ses revenus nets pour ces années. L’appelant a présenté en preuve deux chèques tirés du compte d’entreprise de 145 à l’intention de Barbara Osinski, tous les deux au montant de 60 000 $ et datés du 24 décembre 2001 et du 30 septembre 2002. D’après les preuves, ces chèques ont été déposés dans le compte personnel de Barbara Osinski chez TD Canada Trust le 24 décembre 2001 et le 11 octobre 2002, respectivement. En contre-interrogatoire, Barbara Osinski n’avait pas d’explication convaincante relativement à ces dépôts. Pour l’année 2002 à tout le moins, il est très clair que Barbara Osinski semble avoir touché une somme supérieure à son revenu déclaré. Confronté à ces chèques durant son contre‑interrogatoire, le vérificateur a affirmé avoir présumé qu’ils cadraient avec le revenu déclaré de Barbara Osinski et n’avoir fait aucune enquête relativement à son compte bancaire personnel. L’existence de ces chèques – des chèques individuels qui ne semblent pas faire partie de versements salariaux périodiques – est une preuve prima facie que Barbara Osinski a en fait touché d’autres fonds de 145, contrairement à son assertion au vérificateur et à son témoignage à l’audience. Son affirmation portant qu’elle n’était aucunement au fait de ces chèques et que son époux avait sans doute pris des mesures pour les déposer à son insu ne semble pas crédible, étant donné que, selon son témoignage, il s’agissait du compte personnel dans lequel elle déposait tous ses revenus, même après sa séparation d’avec son époux. Selon son témoignage, elle avait utilisé ce compte pour payer les versements initiaux sur son condominium de Collingwood, pour défrayer ses dépenses après avoir quitté 145, pour déposer les chèques de loyer provenant de 145 (à titre de propriétaire du 89, rue Shorncliffe), pour déposer les recettes de la vente de sa maison, ainsi que pour retirer les fonds servant à acquitter l’hypothèque sur son condo de Collingwood. Elle était pleinement impliquée dans l’utilisation et le contrôle de ce compte, mais soutient qu’elle n’était aucunement au fait de cette utilisation, ni même au fait du solde de ce compte au moment de sa séparation. Franchement, Barbara Osinski n’était tout simplement pas crédible à mon avis, en ce qui concerne son souvenir de ces sommes et des renseignements se rapportant à son compte personnel avant la séparation. De plus, ces chèques constituent, à eux seuls, une preuve prima facie qu’elle a touché des fonds en sus de ses revenus déclarés et que, par conséquent, elle a peut-être bénéficié de l’attribution de fonds. Par conséquent, l’appelant a réfuté cette hypothèse.

 

[61]        Pour ce qui est de l’appréciation des autres éléments de preuve de l’intimée qui permettraient de prouver l’hypothèse, maintenant que le fardeau de la preuve a été déplacé vers lui, on peut affirmer sans craindre de se tromper que les seuls autres éléments de preuve semblent confirmer que Barbara Osinski a touché d’autres sommes importantes. En 2003, selon les preuves présentées par l’appelant : de nombreux chèques totalisant 560 000 $ ont été tirés du compte bancaire de 145 à la Banque Royale, dont 350 000 $ qui ont été déposés dans un compte de la Credit Union appartenant à Barbara Osinski (soit le compte no 31231); trois mandats émis par la Banque Royale, totalisant 150 000 $, sans indication de la source de ces fonds ou de l’endroit où les sommes ont été déposées; un reçu de la même Credit Union attestant un dépôt de 100 000 $ dans le compte de la Credit Union.

 

[62]        D’après le témoignage de Barbara Osinski, la signature à l’endos des chèques déposés dans le compte de la Credit Union n’était pas la sienne, mais elle a reconnu le reçu du dépôt de 100 000 $; elle s’était rendue à la Credit Union une ou deux fois avec son époux pour ouvrir ce compte qui, selon son témoignage, avait été ouvert à la suggestion de son époux et devait servir à financer l’acquisition de biens immobiliers. Elle a aussi témoigné que certains de ces fonds avaient été déposés dans son compte bancaire à la TD et correspondaient au remboursement des prêts qu’elle avait consentis à 145 à titre d’actionnaire, en supposant encore une fois qu’il s’agissait d’une idée de son époux. Elle a aussi affirmé être allée pour vérifier le solde du compte bancaire au moment de sa séparation, mais avoir constaté que le compte était vide. D’une part, Barbara Osinski reconnaît que ces comptes avaient été ouverts en son nom seulement dans le cadre d’un arrangement avec son époux visant à protéger leurs actifs contre les créanciers, en vue de financer l’achat de biens immobiliers, mais en même temps elle nie en savoir davantage sur ces comptes, y compris leurs soldes. À vrai dire, j’ai trouvé que son témoignage était vague et incohérent à cet égard.

 

[63]        Bien que l’existence de ces comptes bancaires personnels ne prouve pas de manière irréfutable que Barbara Osinski a bénéficié d’une attribution de fonds, elle n’a pas fourni d’explication adéquate des chèques et dépôts, d’autant plus qu’ils provenaient du compte d’entreprise de 145, notamment le dépôt de 100 000 $ au compte de la Credit Union dont le reçu porte sa signature.

 

[64]        Fait plus important encore, selon le témoignage du vérificateur, il n’était pas au courant de ces comptes bancaires et n’a pas examiné le compte d’entreprise de 145 pour l’année 2003 et les années suivantes, si bien qu’il n’était pas au courant des paiements importants versés à Barbara Osinski et qu’il n’a pas enquêté sur la source de ces fonds en vue d’évaluer ses actifs et acquisitions, contrairement à son enquête sur les propriétés de l’appelant (selon son hypothèse) après les périodes en cause. Il est clair que le raisonnement suivi en vue d’impliquer l’appelant n’a pas été suivi en ce qui concerne Barbara Osinski, malgré la constatation de paiements et de dépôts concrets à cette dernière totalisant des sommes supérieures à ses revenus déclarés pour ces années. Franchement, à mon avis, le vérificateur a fait preuve d’un manque de cohérence dans sa démarche à l’endroit de ces deux actionnaires et n’a pas enquêté de manière suffisante pour en arriver aux hypothèses qu’il a formulées uniquement à l’égard de l’appelant. Je retiens la description de la situation avancée par les avocats de l’appelant, à savoir que la cotisation de l’appelant a été établie uniquement sur le fondement de conjectures.

 

[65]        À mon avis, l’appelant a démoli l’hypothèse selon laquelle Barbara Osinski n’avait pas bénéficié de l’attribution de fonds, et les témoignages de Barbara Osinski et du vérificateur ne constituent pas une preuve crédible qu’il n’y a pas eu de telles attributions. Évidemment, l’appelant n’a pas à prouver que Barbara Osinski a reçu de tels fonds; il lui suffit de prouver qu’il est plus probable que le contraire qu’il ne les a pas reçus, et je crois qu’il s’est acquitté de ce fardeau de preuve. Toutefois, j’estime qu’il a aussi établi une preuve prima facie allant dans le sens de l’hypothèse selon laquelle Barbara Osinski a vraisemblablement touché au moins une partie de ces fonds.

 

[66]        À la lumière de l’ensemble des preuves, il est clair à mon avis que l’appelant a réfuté les hypothèses qui devaient fonder la conclusion selon laquelle il était plus probable que le contraire qu’il avait bénéficié de l’attribution de fonds; de plus, l’intimée a reconnu qu’elle ne disposait pas de nouveaux éléments de preuve pour démontrer le contraire. Sur cette seule base, il convient d’accueillir les présents appels et il n’est pas nécessaire d’examiner davantage les autres hypothèses du ministre concernant les ventes non déclarées de 145 et/ou l’exactitude des revenus non déclarés de 145 ayant servi de fondement pour établir la nouvelle cotisation de l’appelant. Une masse considérable d’éléments de preuve a été présentée à l’audience au sujet de ces autres hypothèses liées à la nouvelle cotisation établie à l’égard de l’appelant; bien qu’il ne soit pas nécessaire de les examiner pour arriver à la conclusion que je viens d’exposer, j’estime que l’examen de certaines de ces questions me confortera davantage dans ma conclusion, tout en mettant en lumière les questions de crédibilité soulevées dans la présente affaire.

 

La cotisation sous-jacente et les questions de crédibilité

 

[67]        La thèse de l’intimée est fondée sur des hypothèses selon lesquelles 145 a omis de déclarer des ventes, ainsi qu’il est établi dans les hypothèses exposées aux alinéas 11f) à t) de la Réponse jointe à l’annexe A, et que, dans les faits, ces ventes non déclarées, moins les déductions admises pour les coûts des ventes, ont donné lieu à un revenu non déclaré pour 145 que l’appelant est présumé s’être attribué.

 

[68]        L’appelant a contesté le montant des ventes présumé par l’intimée de même que le calcul du revenu net non déclaré par 145; j’analyserai donc les preuves concernant ces deux éléments.

 

a)    Le montant des ventes de 145

 

[69]        Il est présumé à l’alinéa 11l) de la Réponse que le montant total des ventes non déclarées de 145 pour les années civiles 2001 et 2002, avant toute déduction admise pour le coût des ventes, s’élevait à 9 615 005 $, soit 8 931 080 $ pour 2001 et 683 925 $ pour 2002. Le fardeau de réfuter cette hypothèse incombe bien sûr à l’appelant qui a fait valoir que le motif de l’intimée pour être parvenue à ce montant n’était pas fondé et aussi que ces ventes, à vrai dire, n’étaient pas celles de 145, mais qu’il s’agissait des ventes de sous-traitants, plus particulièrement de deux sous‑traitants qui menaient aussi leurs activités à partir du lieu d’affaires de l’appelant.

 

[70]        En ce qui concerne le montant des ventes totales supposé, il ressort des preuves que l’appelant s’est fondé sur des documents saisis par la CSPAAT lors de l’exécution de leur mandat de perquisition dans le bureau de l’appelant, plus précisément désigné comme étant le [traduction] « grand livre de partage des profits ». Bien que ce titre ne figure pas sur le document, le vérificateur de la CSPAAT a témoigné que c’était le titre qui figurait, entre autres, sur la reliure renfermant ce document; même s’il n’a pas copié ce titre, je suis tout de même enclin à reconnaître que son témoignage est crédible à cet égard. Le vérificateur a témoigné de manière franche et invariable et j’ai estimé qu’il était un témoin crédible et bien informé. Lui et l’équipe de perquisition qu’il supervise ont bien pris soin d’étiqueter et d’enregistrer tous les éléments de preuve saisis et de tracer des croquis des endroits ou des pièces où ont été saisis ces éléments. Malgré tout, il n’en demeure pas moins que c’est le contenu du document, et non quelque soi‑disant titre, qui donne clairement à penser que l’ARC a été raisonnable de supposer le montant des ventes qu’elle a supposé. En résumé, le document renfermait diverses annotations indiquant le fractionnement des ventes entre Impact Services ou Impact Demolition, ou I/S ou I/D que je reconnais comme renvoyant aux deux noms précédents, parce que l’un des onglets autocollants indique [traduction] « ID et Impact Demolition » et aussi parce que même l’appelant et K.I., son témoin, ont utilisé ces initiales lors de leurs propres témoignages. Fait encore plus important, les ventes sont indiquées par mois et résumées par trimestre, elles sont basées sur une année civile, et il y a un renvoi précis aux « ventes d’avril », et non aux prévisions pour avril.

 

[71]        Honnêtement, le ministre peut supposer les faits qu’il souhaite et l’appelant peut contester ces faits. En l’espèce, l’appelant n’a présenté aucune preuve tendant à établir que ces chiffres sont incorrects.

 

[72]        L’appelant prétend en outre que le ministre a commis une erreur en calculant le coût des ventes de l’appelant, qui feront l’objet d’une discussion; il reconnaît et fait valoir avec insistance que le ministre retient les estimations des différentes composantes des coûts des ventes dont ont témoigné l’appelant, l’aide-comptable K.I. et même Barbara Osinski, témoin pour l’intimée. Dans le cadre des déclarations de tous ces témoins, un des rares faits sur lequel ils ont semblé s’entendre, c’est que la main-d’œuvre représentait environ 50 p. 100 du prix du contrat ou des ventes. Il ressort des preuves que selon l’évaluation de la CSPAAT, 145 a déclaré en moins un montant de 4 852 673 $ à titre de traitements et salaires, montant que l’appelant a effectivement reconnu, à titre personnel et en qualité de représentant de 145, dans l’exposé conjoint des faits qu’il a déposé à l’occasion de la négociation de plaidoyers. Si les traitements et salaires non déclarés s’élevaient à 4,85 millions de dollars et qu’ils représentent la moitié des ventes, le double de ce montant serait donc de 9,7 millions de dollars. L’ARC a supposé les ventes, en se fondant seulement sur les chiffres qu’elle a copiés du soi-disant grand livre de partage des profits, comme étant 9 615 005 $, ce qui correspond manifestement à près du double des traitements et salaires admis. Cela va clairement dans le sens du caractère raisonnable de l’hypothèse de l’intimée concernant les ventes. Comme je l’ai dit, l’appelant n’a présenté absolument aucun autre élément constituant une preuve crédible pour réfuter cette hypothèse.

 

[73]        L’appelant fait aussi valoir que, nonobstant la vérification et l’admission de la CSPAAT, l’effet de la LSPAAT, qui n’a pas été contesté par l’intimée, est qu’un entrepreneur tel que 145 sera traité comme étant l’employeur de chaque sous-traitant qu’il utilise et qui n’est pas inscrit comme « employeur » au titre de cette loi. Tant le vérificateur de la CSPAAT qui a rendu un témoignage que R.C., l’avocat de 145 qui se spécialise dans les affaires concernant la LSPAAT, l’ont confirmé.

 

[74]        L’appelant, bien sûr, poursuit en soutenant que plusieurs autres sous‑traitants ont travaillé pour le compte de 145 et que de telles ventes leur appartenaient à eux, et non à 145. En fait, l’appelant a soutenu que deux entités en particulier, Impact Commercial Demolition Inc., qui pourrait être Impact Demolition ou I/D dont il est fait mention plus haut dans le grand livre de partage des profits, et 1294987 Ontario Inc. (« 129 »), figuraient parmi les nombreux sous‑traitants qui avaient des ventes importantes et menaient également leurs activités à partir des locaux. L’appelant et K.I., l’aide‑comptable, ont tous deux témoigné relativement à ces faits, et K.I. a déclaré, lors de son témoignage, qu’elle était l’aide-comptable de ces entités et que 129 avait eu des ventes entre 1,5 et 2 millions de dollars une année durant la période pertinente.

 

[75]        Selon les rapports de profil de société que l’appelant a produits en preuve, 129 a été constituée en société sous le nom de Best of All In One Inc. le 12 mai 1998, avant de changer sa dénomination à 129 le 23 janvier 2004, alors que Impact Commercial Demolition Inc. a été constituée en société le 12 septembre 2000 et a été dissoute le 26 janvier 2006.

 

[76]         Barbara Osinski, par contre, a déclaré lors de son témoignage que, bien que tous savaient que certains des employés avaient des noms commerciaux ou des sociétés, aucun d’eux, à sa connaissance, n’exerçait quelque activité que ce soit à partir des locaux dont elle était propriétaire. De plus, le vérificateur de la CSPAAT et le vérificateur de l’ARC, qui ont visité les lieux, bien que ces visites aient eu lieu après les années en question, ont témoigné n’avoir vu aucun signe ni aucune indication d’une autre société menant ses activités à partir des locaux durant cette période. Les témoignages, tout comme une grande partie des éléments de preuve fournis par les parties lors de la présente instruction, ne cadrent pas.

 

[77]        Franchement, le simple fait que deux sociétés, indiquant K.K., un cadre de 145, comme dirigeant et administrateur, signalent les locaux à titre de siège social, ne constitue pas une preuve suffisante que ces entités étaient des sous‑traitants actifs durant les années en question, et encore moins qu’elles ont réalisé des ventes qui ont été attribuées à l’appelant. Aucun élément de preuve n’a permis de démontrer que ces entités ont versé un loyer à Barbara Osinski ou partagé les coûts des services publics ou d’autres dépenses relatives aux locaux, ou conclu une entente quelconque aux fins de l’utilisation d’espace. Si plusieurs entités menaient leurs activités à partir des locaux, il serait simple, je pense, de fournir une preuve documentaire à cet égard.

 

[78]        Les seuls éléments de preuve tendant à établir que ces entités ont touché des revenus de ces ventes sont ceux présentés par l’appelant et K.I., que je n’ai pas estimés crédibles en l’espèce, et la preuve présentée par R.S., l’avocat mentionné plus tôt, qui a témoigné brièvement et indiqué qu’il avait fourni des services à ces autres entités, notamment 129. R.S. n’a pas fourni de détails quant à ces services, ni quelque preuve que ce soit de l’existence de relevés de compte; il n’a pas non plus précisé à quel moment des services précis auraient pu être fournis. Par conséquent, il m’est impossible de conclure que de tels services avaient trait à des ventes attribuées à 145 selon la preuve qu’il a présentée.

 

[79]        K.I. a témoigné être entrée au service de 145 en 2000 et qu’elle y a travaillé en 2001 et 2002; elle a aussi soutenu avoir fait la comptabilité de ces autres entités et a affirmé que 129 avait des ventes importantes ainsi qu’il est indiqué ci-dessus. Elle a déclaré, lors de son témoignage, que ces entités avaient leurs propres clients, émettaient leurs propres factures, avaient leurs propres comptes bancaires et que, en ce qui concerne 129, elle recevait des feuillets T5018 de [traduction] « différentes sociétés » indiquant des paiements reçus, dont l’appelant n’a pas fourni le moindre élément de preuve. Même si elle a admis être leur aide‑comptable, elle ne pouvait se souvenir du nombre d’employés que comptait l’une ou l’autre de ces entités.

 

[80]        Selon la preuve documentaire, K.I. n’avait aucun revenu d’emploi provenant de 145 indiqué dans sa déclaration de revenus pour l’année 2000, elle avait seulement un revenu de 3 201 $ en 2001, ayant gagné le plus gros de son revenu à l’emploi d’une compagnie d’assurance pour laquelle elle a admis avoir travaillé à temps plein cette année-là, ce qui donne à penser qu’elle n’a que très peu travaillé pour le compte de 145 durant cette même année, et un revenu d’emploi de 27 156 $ en 2002 provenant de 145. Dans ses déclarations de revenus pour ces années, elle n’a déclaré aucun revenu provenant de 129, d’Impact Commercial Demolition Inc. ou d’autres parties, malgré le fait qu’elle ait indiqué qu’elle tenait les comptes pour elles, et préparait leurs déclarations de revenus, leurs chèques et leurs factures pendant toutes ces années. J’estime invraisemblable qu’elle ait entrepris autant de tâches pour ces entités sans rémunération; elle a confirmé qu’elle n’avait reçu aucun paiement comptant. J’estime aussi invraisemblable qu’elle ait bien connu les affaires de 145 en 2001 ou même en 2002, puisque Barbara Osinski a témoigné que K.I. avait initialement été embauchée comme commis à la paye et que 145 avait, à l’époque, son propre commis-comptable, qui a éventuellement été remplacé par K.I. Une telle preuve cadre certainement avec les faits susmentionnés, et plus particulièrement le niveau de rémunération de K.I. et son manque de travail en 2001.

 

[81]        À ce stade, je pourrais aussi ajouter que, en ce qui a trait à la crédibilité de K.I., je n’accorde aucun poids à son témoignage rendu à l’appui de celui de l’appelant, selon lequel seule Barbara Osinski, et non l’appelant, s’occupait des aspects financiers et administratifs de 145, en partie en raison de son absence de crédibilité tel que discuté plus haut, mais aussi à cause de l’appelant lui-même qui, durant l’interrogatoire préalable, duquel l’intimée a consigné en preuve un extrait de la transcription, a avoué qu’il embauchait des employés et des sous‑traitants, qu’il signait tous les chèques et payait les factures, contrairement au témoignage de K.I. selon lequel les instructions liées à l’émission des chèques, y compris le paiement des factures, provenaient seulement de Barbara Osinski.

 

[82]        En ce qui touche l’appréciation des témoignages de l’appelant et de Barbara Osinksi, témoignages tout à fait à l’opposé quant à leurs rôles respectifs, à savoir qui était chargé des fonctions des finances et de l’administration de 145, j’estime qu’il ne faut pas croire entièrement l’un ou l’autre des témoignages. Il ressort clairement des preuves que Barbara Osinski était une fondatrice de 145, par l’entremise de ses sociétés absorbées, et que sa formation et ses qualifications étaient celles d’une ingénieure civile qui avait donc la capacité et la connaissance requises pour examiner des appels d’offres et établir les estimations et les soumissions pour les contrats obtenus par 145; il s’agit là d’une preuve que l’appelant ne conteste pas réellement. L’appelant estime toutefois qu’il dirigeait essentiellement les opérations hors site et qu’il passait plus de temps sur le terrain qu’au bureau, ce qui, à vrai dire, n’est pas appuyé par son bagage de connaissances en génie chimique et en gestion. Rien dans ses antécédents ne donne à penser qu’il détenait quelque connaissance des activités de la construction, alors qu’il avait de l’expérience en gestion et qu’il n’a eu aucun problème à décrire les diverses étapes de l’obtention de contrats ni à les documenter. Il a admis avoir payé des factures et signé tous les chèques pour la société, et aussi avoir embauché des employés et des sous-traitants; il semblerait donc avoir passé une grande partie de son temps à s’occuper d’aspects administratifs et financiers.

 

[83]        Barbara Osinski, quant à elle, tente de se distancier de ces fonctions, malgré le fait qu’elle ait joué un rôle au sein de l’entreprise bien avant son époux; elle a témoigné que, à titre de personne chargée de l’équipe qui réalisait les travaux d’estimation et de gestion de projet pour l’entreprise, elle était au courant des niveaux de ventes de l’entreprise. Elle a par ailleurs témoigné être allée avec son époux ouvrir les comptes bancaires signalés plus haut, et être allée, à l’occasion, faire des dépôts et consulter l’avocat de la société au besoin; elle a aussi soutenu avoir passé la majeure partie de son temps au bureau, où elle occupait l’un des plus grands bureaux des locaux.

 

[84]        L’appelant et son ex-épouse ont clairement tenté de se pointer l’un l’autre du doigt et de feindre l’ignorance au sujet des questions les liant aux ventes non déclarées et à toute attribution de ces ventes, mais il m’appert clairement que ces deux personnes connaissaient les affaires financières et administratives de 145 et qu’elles y ont pris part dans une certaine mesure, quoique de manière différente, puisque Barbara Osinski était davantage impliquée dans la fonction des ventes et la gestion de l’équipe chargée de la gestion de projet, tandis que Jan Osinski participait davantage à la fonction quotidienne de l’administration de l’entreprise. Ainsi qu’en ont témoigné les deux parties, il s’agissait d’une entreprise familiale jusqu’à la rupture de leur mariage en 2004, et je pense qu’ils étaient tous les deux au courant des affaires de l’entreprise en général. Je me suis donc assuré que les témoignages qu’ils ont rendus de vive voix étaient corroborés par des éléments de preuve crédibles.

 

[85]        En ce qui touche les preuves relatives à la question de savoir s’il y avait d’autres entités auxquelles les ventes pourraient être attribuées, j’estime plus crédible la position de Barbara Osinski selon laquelle il n’en existait aucune, puisque c’est ce que révèlent les preuves.

 

[86]        L’appelant ne s’est pas acquitté du fardeau qui lui incombait de réfuter l’hypothèse concernant le montant des ventes non déclarées. J’ajouterai que, même si j’avais conclu qu’il était parvenu à le faire, les preuves de l’intimée auraient clairement établi qu’il était plus probable que le contraire que les ventes n’aient été attribuées à aucune autre partie. L’intimée a cité l’enquêteur de l’ARC chargé du dossier pendant tout le processus d’appel; il a témoigné avoir effectué des recherches dans les déclarations de revenus de 129 et d’Impact Commercial Demolition Inc., les principales entités à qui, aux dires de l’appelant, les ventes de 145 pourraient être attribuées. Selon son témoignage, l’exercice de 129 s’est terminé le 30 septembre et l’entreprise a déclaré un revenu brut de 10 682 $ et une perte de 1 744 $ en l’an 2000, un revenu brut de 30 907 $ et une perte de 2 806 $ en 2001, et un revenu brut de 32 153 $ et un revenu imposable de 527 $ en 2002, ce qui est bien loin du revenu de 1,5 à 2 millions de dollars dont K.I. a témoigné ci‑dessus, en tant que témoin de l’appelant. Bien que je reconnaisse le fait que l’enquêteur a confirmé en contre‑interrogatoire qu’il n’avait pas enquêté sur le revenu d’un certain nombre de personnes ou d’autres sous-traitants de plus petite envergure, il semble fort improbable, si les deux entités principales que l’appelant a déclaré être ses sous-traitants n’ont eu aucun revenu important, que les parties plus petites n’en ont pas eu non plus.

 

[87]        Quoi qu’il en soit, l’enquêteur a aussi déclaré, lors de son témoignage, que 145 n’avait pas présenté de formulaires T5018 indiquant quelque paiement fait à des sous-traitants en 2001 ou en 2002, établissant ainsi à première vue que 145 n’en avait aucun.

 

[88]        L’intimée a aussi présenté une preuve émanant du vérificateur, qui a témoigné avoir fait des démarches au sujet des T5018 émis par les entrepreneurs ou les propriétaires principalement engagés dans l’industrie de la construction, en vue de vérifier les paiements qui avaient été versés à 145 et à ses sociétés absorbées; selon ces documents, il a découvert que des paiements avaient été faits à Impact Demolition avec des numéros de compte d’entreprise qui appartenaient à deux des sociétés absorbées, à savoir Impact Demolition Services Limited et Impact Demolition & Restoration Management Inc., donnant ainsi à penser que le ministre a correctement conclu que 145 avait détourné ses ventes par l’entremise de ses sociétés absorbées.

 

[89]        Je retiens la thèse de l’appelant selon laquelle les T5018 ne peuvent servir à calculer avec exactitude le revenu non déclaré, puisque l’appelant a démontré à l’instruction que les T5018 sont préparés selon l’année civile et que 145 déclare son revenu selon l’exercice financier, et qu’il serait donc inexact d’appliquer à la fin de l’exercice 2001 de l’entreprise, tous les montants des paiements de sous-traitance durant l’année civile 2001 selon le T5018. L’appelant a démontré qu’en appliquant à 2001 seulement les montants du feuillet T5018 pour la moitié de l’année civile et en transférant l’autre moitié à 2002, et en répétant le processus pour 2002 et les années subséquentes, pratiquement aucun revenu non déclaré n’apparaîtrait. En fait, il n’est pas controversé entre les deux parties qu’il serait fort inexact, pour des questions ayant trait aux dates, de tenter d’additionner les montants des paiements de sous-traitance indiqués sur le T5018 comme ayant été faits aux sociétés absorbées ou à 145, et d’utiliser cette somme en guise de montant des ventes non déclarées.

 

[90]        L’appelant a aussi soutenu que de tels montants relatifs aux sociétés absorbées pourraient aussi être révélateurs de retenues de garantie qui étaient dues à ces sociétés avant la date de fusion et qui ont été reçues par la suite. Honnêtement, l’appelant n’a produit aucune preuve à cet égard, pas plus qu’il n’a démontré que l’un ou l’autre de ces paiements effectués au nom des sociétés absorbées l’avaient été en raison de retenues de garantie. Franchement, comme l’intimée l’a observé, étant donné que les T5018 font état des paiements versés à Impact Demolition avec des numéros de compte d’entreprises absorbées au-delà de trois ans après la fusion, l’idée qu’ils constituent tous des retenues de garantie est probablement fausse, vu que, selon la législation applicable aux retenues de garantie, celles-ci ne sont autorisées que pendant une période de 45 jours après l’achèvement substantiel des travaux en Ontario. Bien que je reconnaisse que des retenues de garantie puissent ne pas être libérées aussi vite, le fait que des paiements aient été faits trois ans plus tard aux sociétés absorbées laisse croire à l’existence d’une activité permanente et le ministre n’a pas eu tort de conclure que de tels paiements confirmaient ses soupçons. Qui plus est, l’intimée a démontré que l’un des paiements dont fait foi un T5018 a été fait par une société qui n’existait même pas avant la fusion de sorte que le paiement ne pouvait constituer une retenue de garantie. Je ne puis conclure que l’appelant s’est acquitté du fardeau qui lui incombait d’établir que ces paiements effectués à Impact Demolition ne constituaient pas des ventes non déclarées.

 

     b) Calcul du revenu net non déclaré

 

[91]        Selon l’alinéa 11p) de la Réponse, le ministre a supposé que le revenu non déclaré de l’appelant s’élevait au total à 2 752 973,20 $ pour les deux années en question, un montant qui a été divisé dans les nouvelles cotisations des deux années comme étant 2 697 914 $ pour 2001 et 55 059 $ pour 2002.

 

[92]        Le ministre a aussi supposé, à l’alinéa 11n), que l’écart entre les ventes non déclarées et les ventes déclarées par 145 durant la période, s’élevait à 4 698 594,49 $ et que, selon l’alinéa 11o) de la Réponse, les salaires payés par 145 étaient sous-évalués d’un montant de 1 945 621,49 $, accordant ainsi à l’appelant un crédit net de ce montant relativement à son coût de ventes pour ces années. Manifestement, si l’on déduit le crédit des salaires indiqué à l’alinéa 11o) du montant présumé des ventes nettes non déclarées qui est indiqué à l’alinéa 11n), la différence correspond au revenu net non déclaré de l’appelant indiqué à l’alinéa 11p).

 

[93]        Il ressort cependant des éléments de preuve, que, selon la conclusion de l’enquête menée par la CSPAAT, il y avait un montant total de 4 852 673 $ en traitements et salaires non déclarés pour lequel la CSPAAT a établi une cotisation à l’égard de 145. L’écart entre le montant total des traitements et salaires estimés ne pas avoir été payés ci‑dessus et le montant du crédit que l’ARC a accordé à 145, étaient de 2 907 052 $, soit le montant exact du coût des ventes déclaré par 145 dans ses déclarations T2 pour les années d’imposition 2001 et 2002. Le ministre a en effet réduit le crédit pour les traitements et salaires non déclarés, du montant total du coût des ventes déclaré par l’appelant, dans le but d’éviter les dépenses en double, comme le vérificateur l’a déclaré lors de son témoignage.

 

[94]        L’appelant conteste l’approche susmentionnée qu’il estime inefficace pour calculer le revenu net non déclaré, et ce, pour deux raisons. D’abord, comme le fait valoir l’appelant, selon les déclarations des deux témoins, à savoir lui‑même et K.I., et selon les déclarations du témoin de l’intimée, à savoir Barbara Osinski, de tels traitements et salaires comptent pour environ 50 p. 100 des ventes, ainsi que cela a déjà été signalé. En soustrayant le coût des ventes déjà réclamé dans les déclarations du montant correspondant aux traitements et salaires non déclarés conclu et sur lequel la cotisation sous-jacente reposait, l’appelant ne reçoit pas le montant total du crédit correspondant à cette conclusion.

 

[95]        Honnêtement, je dois retenir la thèse de l’appelant à cet égard. L’intimée s’est fondée sur l’exposé conjoint des faits, la négociation de plaidoyers ainsi que sur les documents du grand livre de partage des profits, lesquels faisaient mention des ventes ainsi que des traitements et salaires non déclarés. À l’alinéa 11l) de sa Réponse, le ministre suppose que le coût des ventes selon la CSPAAT correspondait au plein montant des traitements et salaires non payés. D’après les hypothèses mêmes du ministre, l’appelant a présenté une preuve suffisante à première vue selon laquelle le ministre avait fait une erreur dans son calcul.

 

[96]        Lors de l’examen d’autres éléments de preuve à cet égard, le ministre semble avancer la thèse que, puisque l’appelant a déjà demandé une déduction pour le coût des ventes dans ses déclarations, les traitements et salaires payés constitueraient donc une composante du montant réclamé et ils ne devraient donc pas être réclamés deux fois. Je ne pense pas, toutefois, qu’il soit possible de retenir la thèse du ministre de cette manière. Le témoin même du ministre a déclaré lors de son témoignage que les salaires constituaient environ 50 p. 100 des ventes, tel qu’il a été signalé. À l’alinéa 11l), le ministre a supposé que les ventes totales pour les années en question n’étaient pas celles déclarées, mais qu’elles s’élevaient plutôt à 9 615 005 $ ainsi que cela a déjà été signalé. Il est clair que 50 p. 100 de ces salaires équivaudraient à un montant total de 4 807 500 $, montant qui se rapproche davantage des traitements et salaires non déclarés de 4 138 115 $ établis par la CSPAAT, tel qu’ajustés par l’ARC afin de correspondre aux salaires non déclarés durant les années civiles en litige pour l’appelant en l’espèce. L’appelant a signalé, à tout le moins, que la main-d’œuvre pour les ventes supposées devrait correspondre au montant conclu par la CSPAAT comme n’ayant pas été déclaré et sur lequel l’ARC s’est fondée, à savoir 4 138 115 $ pour être conforme. Selon son calcul, l’ARC a seulement autorisé en réalité un total de 4 852 673 $ pour le coût total des ventes, ce qui incluait d’autres éléments tels que des frais d’élimination qui, selon la preuve, s’élevaient de 25 à 30 p. 100 pour chaque contrat, des frais de location d’équipement, dont les montants varient d’un contrat à l’autre, ainsi que d’autres dépenses. Si l’on soustrait le coût des ventes établi ci‑dessus par la CSPAAT pour les traitements et salaires du coût total des ventes permis pour le montant entier des ventes présumées par l’ARC ci-dessus, alors la différence de 714 000 $ est en effet disponible pour couvrir tous les éléments restants du coût des ventes de 9 615 005 $ présumées par le ministre. Cela correspond à environ 7,2425 p. 100 et semble extrêmement déraisonnable, compte tenu de la preuve présentée par les deux parties à l’instruction.

 

[97]        Ainsi que je l’ai déjà signalé plus haut, les pourcentages relatifs des éléments faisant partie du coût des ventes constituaient essentiellement la seule question sur laquelle Jan et Barbara Osinski pouvaient s’entendre.

 

[98]        Si j’examine la question plus en profondeur, selon les preuves présentées à l’instruction, le coût des ventes s’élevait habituellement entre 80 et 90 p. 100 des ventes, puisque le profit net correspondait habituellement à un pourcentage entre 5 et 10 p. 100 et à d’autres dépenses non incluses dans le coût des ventes, à savoir, les dépenses liées à l’administration et au bureau se chiffrant entre 5 et 10 p. 100. J’observerais que c’est Barbara Osinski, témoin de l’intimée, qui a affirmé catégoriquement que l’industrie est si concurrentielle qu’un profit de 5 p. 100 sur un contrat constituait la norme. Si je retiens les pourcentages les plus généreux en faveur du ministre, le coût des ventes devrait représenter 80 p. 100 des ventes, et si je retiens la position la plus généreuse en faveur de l’appelant, le coût des ventes devrait représenter 90 p. 100. Cela donnerait des ventes totales se situant entre 7 692 000 $ et 8 653 500 $, ou une moyenne à la Salomon de 8 172 750 $ si nous utilisons 85 p. 100, et dont au moins 4 138 115 $ ont été jugés correspondre seulement à la main‑d’œuvre et aux salaires. Cela voudrait dire qu’en moyenne, si l’on se fonde sur les ventes totales présumées par l’intimée selon le grand livre de partage des profits, le revenu total non déclaré des deux années combinées serait seulement de 1 442 255 $ avant déduction des dépenses administratives et indirectes, montant qui serait bien sûr divisé entre les deux années.

 

[99]        En appliquant ces analyses aux ventes totales de 3 612 388 $ présumées par l’ARC pour l’année 2001, le coût des ventes, si l’on utilise 85 p. 100, s’élèverait à 3 070 529 $ avant les dépenses administratives, ce qui donnerait un profit brut de 541 859 $. Pour les ventes totales de 6 002 617 $ présumées par l’ARC pour l’année 2002, le coût des ventes s’élèverait à 5 102 224 $ avant les dépenses administratives, ce qui donnerait un profit brut de 900 393 $. Il ressort des états financiers de 145 produits en preuve que de telles dépenses indirectes et administratives qui n’ont pas été incluses dans le coût des ventes s’élèvent à 590 000 $ pour 2001 et à 1 246 474 $ pour 2002. Franchement, il est évident, selon ces analyses, que 145 aurait essuyé des pertes pour les deux années.

 

[100]   L’appelant a soutenu qu’il n’y aurait aucun revenu non déclaré si l’ARC avait autorisé la totalité du coût des ventes étayé par la preuve selon ce qu’elle prétend. En toute franchise, j’aborde dans le même sens. Même si j’avais retenu la position la plus généreuse autorisant seulement 80 p. 100 pour le coût des ventes, je pense qu’il est juste d’affirmer que l’appelant aurait en gros atteint le seuil de rentabilité au lieu de déclarer des petits profits de 26 293 $ et 144 000 $ qu’il a en fait déclarés pour ces années.

 

[101]   Je reconnais, bien sûr, que les analyses susmentionnées ne peuvent être considérées comme un calcul exact du revenu équivalent non déclaré; toutefois, si je retiens les éléments de preuve relatifs aux pourcentages du coût des ventes présentés par les parties à l’instruction, sur lesquels des témoins des deux côtés semblent s’entendre, je dois alors conclure que l’appelant s’est acquitté du fardeau qui lui incombait de réfuter l’hypothèse du ministre concernant le montant du revenu non déclaré présumé. Je suis disposé à reconnaître de tels éléments de preuve comme étant crédibles, non seulement parce que des témoins des deux côtés, pour lesquels j’avais soulevé de sérieuses questions de crédibilité relativement à d’autres éléments de preuve, s’entendaient au sujet du calcul du coût des ventes, mais aussi parce que le ministre lui-même s’est fondé sur le grand livre de partage des profits en guise de preuve des ventes, et qu’il c’est fondé sur le pourcentage de main-d’œuvre de 45 p. 100 pour établir le niveau des ventes. Le ministre a implicitement reconnu qu’un pourcentage d’au moins 45 p. 100 pour la main-d’œuvre constituerait un niveau acceptable et il s’est fondé, à l’instar de la CSPAAT, sur ce pourcentage indiqué dans la partie du document traitant de la stratégie pour la paye, pour justifier son hypothèse relative aux traitements et aux salaires non déclarés. Je rappelle, en outre, l’argument de l’intimée, qui s’est fondée sur l’arrêt House, précité, par lequel la Cour d’appel fédérale avait déclaré qu’« il incombait à l’appelant de démontrer que les hypothèses du ministre étaient inexactes », et non d’établir un montant précis. L’appelant, en l’espèce, a démontré que, selon la prépondérance des probabilités, que l’hypothèse du ministre relative au montant non déclaré soit inexacte et qu’il revient donc au ministre d’établir, s’il le peut, ce que ce montant pourrait être. Le ministre n’a présenté aucun élément de preuve à cet égard.

 

Conclusion

 

[102]   Vu l’ensemble de la preuve, je conclus que l’appelant a réfuté les hypothèses du ministre selon lesquelles il s’était attribué des fonds et que le revenu non déclaré de l’appelant était inexact, comme il ressort de l’analyse ci-dessus, et que le ministre n’a pas démontré autrement, selon la prépondérance des probabilités, que ses hypothèses étaient correctes. Par conséquent, les présents appels sont accueillis, avec dépens à l’appelant.

 

 

       Signé à Ottawa, Canada, ce 27e jour de février 2013.

 

 

« F.J. Pizzitelli »

Juge F. J. Pizzitelli

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Ce 17e jour de juillet 2013.

 

 

François Brunet, réviseur

 


ANNEXE A

 

Paragraphe 11 de la Réponse à l’avis d’appel modifié

 

[traduction]

 

11.       Pour déterminer l’obligation fiscale de l’appelant pour les années d’imposition 2001 et 2002, le ministre a formulé les hypothèses de fait suivantes :

 

            a)         l’appelant était actionnaire de quatre entreprises, à savoir Plan A Services Inc., Impact Demolition & Restoration Management Inc., Planland Contracting Limited et Impact Demolition Services Limited (les « sociétés absorbées »);

 

            b)         le 2 janvier 2001, les quatre sociétés absorbées ont fusionné pour former 1457223 Ontario Ltd, faisant affaire sous le nom d’Impact Services (« Impact Services »);

 

            c)         l’exercice financier d’Impact Services se terminait le 30 juin;

 

            d)         Impact Services était une entreprise de bâtiment, plus précisément offrait des services de décapage intérieur et de rénovation;

 

            e)         Impact Services était située au 89, rue Shorncliffe, à Toronto en Ontario;

 

            Impact Services omet de déclarer des ventes

 

            f)         Impact Services a fait l’objet d’une enquête, conformément à la Loi sur les infractions provinciales, pour violations de la Loi de 1997 sur la sécurité professionnelle et l’assurance contre les accidents de travail, qui visait les périodes de déclaration 2001 et 2002;

 

            g)         seize chefs d’accusation découlant d’infractions à la Loi de 1997 sur la sécurité professionnelle et l’assurance contre les accidents de travail ont été portés contre Impact Services et l’appelant, dont plusieurs avaient trait à l’omission de divulguer l’intégralité de la masse salariale d’Impact Services;

 

            h)         Impact Services a admis avoir versé des cotisations à la CSPAAT à l’égard d’une petite partie seulement de sa masse salariale réelle;

 

            i)          l’appelant, en son nom et au nom d’Impact Services, plaide coupable à la plupart des accusations;

 

            j)          l’appelant a admis, aux fins d’une transaction pénale, qu’Impact Services avait omis de déclarer avec précision la masse salariale se chiffrant à 5 844 425 $ pour la période du 1er mars 2001 au 7 janvier 2003;

 

 

            k)         l’appelant a signé, au nom d’Impact Services, des chèques relatifs aux cotisations versées à la CSPAAT;

 

            l)          Impact Services a omis de déclarer des ventes et le coût des ventes aux montants suivants :

 

 

Ventes totales

Coût des ventes selon la CSPAAT

Ventes nettes non déclarées

 

Janv.-juin

2001

 

3 612 388 $

1 428 543 $

2 183 845 $

Juil.-déc.

2001

 

5 318 692 $

2 130 463 $

3 188 229 $

Total 2001

 

 8 931 080 $

3 559 006 $

5 372 074 $

Janv.-mars

2002

 

 683 925 $

579 109 $

104 816 $

Total des ventes non déclarées

 

 

 

 5, 476 889 $

 

 

            m)        Impact Services n’a pas déclaré toutes les ventes susmentionnées dans ses déclarations de revenus pour les exercices terminés les 30 juin 2001 et 2002;

 

            n)         l’écart entre les ventes non déclarées et les ventes déclarées dans les déclarations T2 d’Impact Services était de 4 698 594,49 $;

 

            o)         les salaires payés par Impact Services ont été sous-estimés d’un montant s’élevant à 1 945 621,49 $;

 

            p)         l’écart entre les ventes non déclarées et les salaires non déclarés était de 2 752 973,20 $;

 

            q)         les montants non déclarés n’ont pas été déposés dans le compte bancaire d’Impact Services;

 

            r)          trois comptes bancaires ont été utilisés pour dissimuler le revenu non déclaré d’Impact Services, notamment le compte bancaire personnel de l’appelant;

 

            s)         les paiements pour services rendus par Impact Services ont été versés aux sociétés absorbées après que leur enregistrement eut été annulé;

 

            t)          les paiements versés aux sociétés absorbées dont l’enregistrement a été annulé n’ont pas été déclarés comme revenu perçu par Impact Services;

 

 

            L’appelant a reçu des sommes non déclarées

 

            u)         des fonds provenant de ventes non déclarées ont été attribués à, ou autrement reçus par, l’appelant à titre d’avantages aux actionnaires, pour les années d’imposition 2001 et 2002, en sa qualité d’actionnaire;

 

            v)         du 2 janvier 2001 jusqu’à la fin de l’année d’imposition 2002, l’appelant était président d’Impact Services;

 

            w)        du 2 janvier 2001 jusqu’à la fin de l’année d’imposition 2002, l’appelant était l’unique dirigeant d’Impact Services;

 

            x)         l’appelant a déclaré avoir touché un revenu d’emploi provenant d’Impact Services pendant la période allant du 2 janvier 2001 jusqu’à la fin de l’année d’imposition 2002;

 

            y)         l’appelant avait principalement en charge les finances d’Impact Services:

 

            z)         Impact Services a conservé une partie des ventes sous-estimées, et l’appelant s’est attribué le reste dont voici les montants :

 

 

 

Total du revenu net non déclaré

 

Revenu déclaré par Impact Services

Revenu ayant fait l’objet d’une cotisation à l’égard de l’appelant

2001

 

5 372 074 $

2 674 160 $

2 697 914 $

2002

104 815 $

49 756 $

55 059 $

 

 

 

            aa)       La valeur de l’avantage que s’est attribué l’appelant équivalait à 2 697 914 $ pour l’année d’imposition 2001 et à 55 059 $ pour l’année d’imposition 2002;

 

            bb)       l’appelant s’est constitué un important portefeuille immobilier, notamment le 89, rue Shorncliffe, un condominium à Toronto, un autre à Collingwood ainsi qu’une résidence qui a été vendue au montant de 650 000 $ en 2006;

 

            L’appelant était actionnaire d’Impact Services

 

            cc)       l’appelant a déclaré un revenu de dividendes provenant d’Impact Services en 2002;

 

            dd)      Impact Services a été la principale source de revenus de l’appelant pendant les années d’imposition 2001 et 2002;

 

            ee)       l’appelant et son épouse Barbara Osinski étaient chacun actionnaires à 50 p. 100 d’Impact Services à la date de sa constitution en personne morale;

 

            ff)        Impact Services a déclaré que l’appelant était actionnaire à 50 p. 100 dans ses déclarations T2 pour les périodes d’imposition se terminant les 30 juin 2001 et 2002;

 

            gg)       en décembre 2001, l’appelant a cédé ses actions à son épouse Barbara Osinski;

 

            hh)       Impact Services n’a attribué aucun montant à Barbara Osinski en 2001 ou en 2002;

 

            ii)         l’appelant et son épouse se sont séparés le 10 août 2004 et ont divorcé le 1er décembre 2005;

 

            jj)         en 2004, Barbara Osinski a cédé ses actions dans Impact Services à l’appelant, conformément aux modalités de l’entente de divorce;

 

            kk)       l’appelant était chargé de préparer les états financiers et les déclarations de revenus d’Impact Services;

 

            ll)         l’appelant a signé les déclarations de revenus d’Impact Services pour les années d’imposition 2001 et 2002 pour attester que les renseignements fournis étaient exacts.

 

 

 

 


RÉFÉRENCE :                                 2013 CCI 71

 

NO DU DOSSIER DE LA COUR :    2010-3246(IT)G

 

INTITULÉ :                                      JAN OSINSKI et SA MAJESTÉ LA REINE

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                Toronto (Ontario)

 

DATES DE L’AUDIENCE :            Les 20, 21, 22 et 23 août 2012, ainsi que les 22, 23, 24 et 25 janvier 2013

                                                         

 

MOTIFS DU JUGEMENT :             L’honorable juge F.J. Pizzitelli

 

DATE DU JUGEMENT :                 Le 27 février 2013

 

COMPARUTIONS :

 

Avocats de l’appelant :

Mes Yan David Payne et Richard Yasny

Avocates de l’intimée :

Mes Elizabeth Chasson et Jenna L. Clark

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

       Pour l’appelant :

 

                          Nom :                     Yan David Payne et Richard Yasny

 

                            Cabinet :               Payne Law Professional Corporation

                                                          Toronto (Ontario)

 

       Pour l’intimée :                          William F. Pentney

                                                          Sous-procureur général du Canada

                                                          Ottawa (Canada)

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