Jugements de la Cour canadienne de l'impôt

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Dossier : 2012-1623(IT)I

ENTRE :

SELECT TRAVEL INC.,

appelante,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée,

 

Dossier : 2012-1614(IT)I

ET ENTRE :

 

TRAVELSPHERE INC.,

appelante,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

____________________________________________________________________

 

Appels entendus sur preuve commune le 29 janvier 2013,

à Toronto (Ontario).

Devant : L’honorable juge Randall Bocock

 

Comparutions :

 

Représentant des appelantes :

M. Harold Coombs

Avocat de l’intimée :

Me Christian Cheong

____________________________________________________________________

 

JUGEMENT

          Pour ce qui est de Select Travel Inc., l’appel interjeté à l’égard des nouvelles cotisations établies en vertu de la Loi de l’impôt sur le revenu (la « Loi ») pour les années d’imposition 2004 et 2008 est rejeté, à l’exception de la conclusion selon laquelle Joan Coombs était une employée de Select Travel Inc. en ce qui concerne l’année d’imposition 2004, et, par conséquent, l’affaire est déférée au ministre du Revenu national pour nouvel examen et nouvelle cotisation.

          Pour ce qui est de Travelsphere Inc., l’appel interjeté à l’égard des nouvelles cotisations établies en vertu de la Loi pour les années d’imposition 2002 et 2003 est rejeté.

 

Aucuns dépens ne sont adjugés.

 

 

 

       Signé à Ottawa, Canada, ce 28e jour de mars 2013.

 

 

 

« R. S. Bocock »

Juge Bocock

 

Traduction certifiée conforme

ce 29e jour d’avril 2013.

 

Alya Kaddour‑Lord, traductrice


 

 

Référence : 2013 CCI 93

Date : 20130328

Dossier : 2012-1623(IT)I

 

ENTRE :

SELECT TRAVEL INC.,

appelante,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée,

 

Dossier : 2012-1614(IT)I

ET ENTRE :

 

TRAVELSPHERE INC.,

appelante,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT

 

Le juge Bocock

 

[1]             Les deux appels, interjetés en vertu des Règles de la Cour canadienne de l’impôt (procédure informelle), ont pris une tournure faisant la part belle à la procédure en raison de certaines questions préliminaires que le représentant des appelantes a soulevées. Le représentant des appelantes était M. Harold Coombs (« M. Coombs »), dirigeant et administrateur de ces dernières.

 

I.       Introduction

 

[2]             Les deux appels ont été entendus sur une journée et portaient largement sur les trois questions préliminaires suivantes : la requête de l’intimée en annulation de l’avis d’intention des appelantes d’assigner une partie opposée; une requête en ajournement de l’audience des plus succinctes présentée par les appelantes en vue de modifier leurs actes de procédure; pour finir, une requête des appelantes en modification des avis d’appel à l’audience. Une transcription de l’instance révélera que la Cour a consacré relativement peu de temps à entendre le fond des appels interjetés par les appelantes, si on le compare au temps passé par les appelantes sur leurs deux premières questions préliminaires et celui pris par l’intimée pour y répondre, puis, pour finir, à celui consacré aux requêtes des appelantes en modification des avis d’appel en vue d’y ajouter la violation de leurs droits garantis par l’article 8 de la Charte canadienne des droits et libertés, partie I de la Loi constitutionnelle de 1982, annexe B de la Loi de 1982 sur le Canada (R.‑U.), 1982, c.11 (la « Charte »).

 

II.      Les requêtes préliminaires

 

[3]             Pour cette raison, des motifs de jugement qui ne traiteraient pas adéquatement des requêtes préliminaires présentées dans le contexte des présents appels ne rendraient pas fidèlement compte de l’audience qui s’est tenue devant la Cour.

 

[4]             Des documents additionnels (pas nécessairement pertinents ni produits de façon appropriée par les appelantes) ont été reçus et examinés par la Cour après l’audience, et ce, avec le consentement de l’intimée. Il s’agissait de lettres écrites par le représentant des appelantes à l’Agence du Revenu du Canada (l’« ARC ») et au ministre du Revenu national (le « ministre »), d’une liste de documents saisis par suite de l’exécution d’un mandat de perquisition (dont il sera ici question), de la copie du mandat de perquisition aux termes duquel les documents ont été saisis et, pour finir, de deux demandes de l’ARC présentées en vertu du paragraphe 490(3) du Code criminel, L.R.C., 1985, c. C‑46, demandes de [traduction] « prolongation de la détention d’objets saisis en vertu de mandats décernés en vertu de l’article 487 du Code criminel ».

 

a)      La requête en annulation de l’avis d’intention d’assigner un témoin de la partie opposée      

 

[5]             Au début de l’instance, l’intimée, s’appuyant sur des documents produits avant l’audience, a présenté une requête en annulation de l’avis d’intention des appelantes d’assigner un témoin de la partie opposée. Les appelantes ont demandé à assigner une certaine Mme Danis de l’ARC. L’intimée a déposé en preuve l’affidavit de Mme Lynn Watson, qui était l’enquêtrice de l’ARC chargée de saisir et de conserver les documents pertinents à l’égard des nouvelles cotisations en cause, mais également la principale enquêtrice aux fins de l’établissement des cotisations.

 

[6]             Selon l’affidavit, Mme Danis a participé à l’approbation finale des rapports produits par Mme Watson dans le contexte de l’enquête menée par celle‑ci relativement aux appels dont la Cour est saisie. Mme Watson a déclaré qu’à sa connaissance, et en se fondant sur des opinions formulées par Mme Danis, cette dernière n’avait pas directement connaissance des informations relatives aux nouvelles cotisations qui ont été établies à l’égard de Travelsphere Inc. (« Travelsphere ») ou de Select Travel Inc. (« Select »).

 

[7]             Dans son argumentation, l’intimée a affirmé que Mme Deborah Danis n’avait aucun témoignage additionnel pertinent ou significatif à offrir dans le contexte des présents appels, et que, par conséquent, elle ne devrait pas être contrainte à déposer. L’avocat de l’intimée a déclaré qu’au départ, trois avis d’intention d’assigner un témoin de la partie opposée avaient été signifiés. L’intimée a autorisé la comparution de deux des trois témoins, comme il avait été demandé. L’intimée a estimé que, compte tenu des questions dont la Cour était saisie, un des deux témoins témoignerait pour le compte de la partie opposée sur des questions qui n’étaient probablement pas nécessairement significatives ou pertinentes. L’intimée a néanmoins autorisé la comparution de ce témoin et n’a pas contesté l’avis d’intention d’assigner la partie opposée.

 

[8]             Pour ce qui est du critère applicable à la question de savoir si le témoignage de la partie opposée ici en cause était pertinent et significatif, le représentant des appelantes a affirmé que tous les éléments de preuve étaient pertinents. En outre, M. Coombs a déclaré qu’il lui était difficile de savoir si le témoin de la partie opposée dévoilerait des éléments de preuve importants. En fait, M. Coombs a fait savoir qu’il lui serait difficile de dire avec précision quels éléments de preuve étaient en la possession du témoin en question. Par conséquent, à ses yeux, le critère consistait simplement à affirmer qu’il pourrait en tirer des éléments de preuve et, ainsi, le paragraphe 146(1) des Règles de la Cour canadienne de l’impôt (procédure générale) donnerait à la Cour le pouvoir et l’orientation nécessaires pour contraindre le témoin à se présenter devant elle, au motif que cette comparution relevait du droit des appelantes à l’équité procédurale ainsi que des garanties juridiques dont elles bénéficient. En outre, si elle n’appliquait pas cette disposition, la Cour devrait se déclarer incompétente et, par conséquent, ajourner l’audience ou prendre toute autre mesure qui serait juste. Le représentant des appelantes a affirmé qu’il ne savait pas nécessairement ce en quoi consisterait une telle mesure juste.

 

[9]             Pour preuve documentaire de la pertinence du témoignage de la partie opposée, le représentant des appelantes a essayé de produire une copie d’une lettre écrite par un certain M. Traer, de l’ARC. M. Traer ne s’est pas présenté en cour et n’était pas disponible pour témoigner, étant donné qu’il avait pris sa retraite, qu’il ne travaillait plus pour l’ARC et qu’il se trouvait à l’extérieur du pays au moment de l’audience. Nonobstant ce fait, M. Coombs n’avait pas de copie de cette lettre à remettre à la Cour. À l’occasion d’un ajournement de l’audience, une copie de la lettre a été faite et la Cour l’a examinée. Après étude de la requête de l’intimée en annulation de l’avis d’assigner un témoin de la partie opposée, la Cour a accueilli cette requête au motif que les affirmations des appelantes ne permettaient pas d’établir que le témoin de la partie opposée en question disposait d’un peu d’informations pertinentes, si tant est qu’il en dispose, à l’égard des questions dont la Cour était saisie. La Cour a observé que les seules preuves dont elle disposait au sujet de la délivrance d’une assignation à comparaître au nom de Mme Danis étaient l’affidavit de Mme Watson et la lettre écrite par M. Traer que M. Coombs a produite. Il ressortait clairement de l’affidavit de Mme Watson que Mme Danis ne disposait d’aucune information importante ou significative à l’égard des questions dont la Cour était saisie et que Mme Watson était le témoin susceptible de donner les meilleures précisions à l’égard des questions en litige. Aussi, le contenu même de la lettre de M. Traer a révélé que les appelantes avaient reçu l’instruction d’adresser toutes leurs questions à Mme Watson (la personne même dont l’intimée avait dit qu’elle disposait d’informations spécifiques pertinentes). La Cour a noté que Mme Watson était le principal témoin que l’intimée avait produit afin de permettre à M. Coombs de l’interroger comme partie opposée.

 

[10]        En accueillant la requête en annulation, la Cour a bien précisé que, si au cours de l’audience, les témoins laissaient manifestement croire que Mme Danis ou M. Traer étaient au fait de certains éléments de preuve importants, elle accorderait alors un ajournement de l’audience et délivrerait une assignation à comparaître au nom d’une de ces personnes, ou des deux, afin qu’elles se présentent devant elle et témoignent lors d’une reprise ultérieure de l’audience. La question des dépens relatifs à la requête a été mise de côté pendant l’audience. Il en sera question à la fin des présents motifs.

 

b)      La requête en ajournement des appelantes

 

[11]        Après avoir reçu le jugement relatif à la requête en annulation que la Cour a accueillie, les appelantes ont demandé un ajournement de l’audience en vue de modifier leurs actes de procédure. Quand la Cour lui a demandé quelles modifications pourraient être apportées aux actes de procédure, M. Coombs est resté perplexe et a demandé s’il avait besoin d’informer la Cour de la nature des modifications qu’il serait susceptible d’apporter à ses actes de procédure. La Cour l’a informé qu’en l’absence d’informations de sa part relatives à la nature de toute modification susceptible d’être apportée, l’audience se poursuivrait sans qu’il y ait de modifications. M. Coombs a affirmé avec conviction que la Cour accordait généralement des ajournements jusqu’à la date de l’audience, et même pendant l’audience. C’est sur cette base qu’il présentait sa requête.

 

c)       La requête des appelantes en modification des actes de procédure à l’audience

 

[12]        Après que la Cour l’a assuré qu’il avait une fausse image des ajournements accordés le jour des audiences, M. Coombs a fait savoir qu’il souhaitait présenter une requête en modification des actes de procédure des appelantes, à l’audience, en ajoutant le motif d’appel suivant aux deux avis d’appel :

 

[traduction]

 

L’intimée a violé les droits des deux appelantes garantis par l’article 8 de la Charte et a désavantagé les appelantes.

 

[13]        La requête des appelantes était fondée sur le fait que le mandat de perquisition aux termes duquel des documents avaient été saisis dans les bureaux des appelantes n’avait pas été respecté. Le non-respect de ce mandat découlait du fait que des personnes dont le nom n’apparaissait pas sur le mandat étaient présentes dans les bureaux et avaient aidé à l’exécution du mandat de perquisition décerné en vertu de l’article 487 du Code criminel. Les appelantes ont soutenu que l’enquêtrice principale, Mme Watson, et l’ARC par conséquent, avaient violé le Code criminel et, vraisemblablement, la Charte canadienne des droits et libertés (la « Charte »), en permettant à des employés dont le nom n’apparaissait pas sur le mandat de participer à l’exécution du mandat de perquisition. M. Coombs n’a pas donné à entendre que, au moment de l’exécution du mandat de perquisition, aucune personne dont le nom apparaissait sur le mandat de perquisition n’était présente sur les lieux en tout temps. Ce n’est que la présence d’assistants dont le nom n’apparaissait pas sur le mandat qui a entraîné la violation en cause.

 

[14]        L’argumentation de l’intimée relative à cette modification particulière était fondée sur trois motifs. Le premier était que les appelantes ou les parties liées s’étaient déjà présentées devant la Cour et qu’elles auraient dû modifier leurs actes de procédure avant le jour de l’audience. Deuxièmement, étant donné que le fait d’invoquer une violation d’un droit garanti par la Charte exigeait que le procureur général du Canada et les procureurs généraux provinciaux concernés en soient avisés, il n’était pas possible de présenter un tel avis et d’entendre la question le jour de l’audience. Troisièmement, l’intimée a affirmé que, quoi qu’il en soit, toute question de procédure mise à part, la jurisprudence soumise à la Cour montrait que le recours aux services d’autres employés d’une agence pour aider à l’exécution d’un mandat de perquisition n’avait pas pour effet d’invalider le mandat ni de violer la Charte. Par conséquent, sur le plan du droit, il n’y avait aucune chance que la contestation fondée sur la Charte aboutisse.

 

[15]        En dehors des autres précédents cités par l’intimée, une décision concernant M. Coombs lui‑même a été portée à l’attention de la Cour, à savoir Coombs c. La Reine, 2008 CC289, 2008 DTC 4004. Dans cette décision, la Cour a établi que le recours à des assistants pour mener la perquisition en tant que telle n’avait pas entraîné de violation de la Charte. De même, l’intimée a soutenu que, dans l’arrêt R. c. Strachan, [1988] 2 R.C.S. 980, il avait été jugé qu’un mandat de perquisition décerné en vertu de l’article 10 de la Loi sur les stupéfiants, L.R.C. 1985, c. N-1, telle qu’abrogée par la Loi réglementant certaines drogues et autres substances, L.C. 1996, c. 19 (la « Loi sur les stupéfiants »), n’était pas non plus invalide par suite du fait que, pour aider à l’exécution d’un mandat de perquisition, il avait été fait appel à des assistants dont le nom n’apparaissait pas sur le mandat en question.

 

[16]        L’intimée a conclu en déclarant qu’en dehors des questions de procédure liées à la requête en modification présentée par les appelantes à ce stade de l’audience, la Cour n’avait été saisie d’aucune question authentique relative à la Charte et que, par conséquent, la requête en modification devrait être rejetée.

 

[17]        M. Coombs a répondu que les faits de l’espèce se distinguaient de ceux de l’arrêt Strachan, au motif que ce dernier avait trait à l’article 10 de la Loi sur les stupéfiants, et non au Code criminel. De même, M. Coombs n’avait pas défendu sa propre cause devant la Cour par le passé.

 

[18]        Pour trancher cette question de procédure, la Cour a examiné les arguments des parties et a fait savoir qu’elle était fortement portée à croire que la requête en modification en vue d’inclure la violation de l’article 8 de la Charte découlait principalement de la négligence dont le représentant des appelantes avait fait preuve en préparant son avis d’appel. M. Coombs l’a admis, et la Cour en a pris note, vu que les appelantes et leur représentant ne s’étaient pas seulement déjà présentés devant la Cour dans le contexte d’un appel connexe, mais qu’ils avaient soumis cette même question à la Cour (selon toute vraisemblance, un avis adéquat avait été présenté). Cela souligne le fait que les appelantes savaient qu’elles devaient inclure ces motifs dans les présents appels; pas uniquement au moment de déposer leur avis d’appel, mais à n’importe quel moment jusqu’à la conclusion de l’audition de la première question préliminaire. Dans ces cas‑là, les appelantes ne l’avaient absolument pas fait.

 

[19]        Le bien‑fondé de l’argument relatif à la Charte mis à part, M. Coombs était très au fait de ces droits et de la possibilité de soulever cette même question, afin que ce soit fait avant la date de l’audience. Sur le fond, cette question avait été débattue devant la Cour, et, par analogie, devant la Cour suprême du Canada. Il a été conclu que l’assistance fournie par d’autres employés d’une agence dans l’exécution d’un mandat de perquisition ne violait pas, en soi, les droits garantis par la Charte à un citoyen, ou comme en l’espèce, à une société. Du fait que la demande de modification n’a pas été présentée en temps opportun et compte tenu du précédent clair établi par la Cour suprême du Canada, la requête en modification des actes de procédure a été rejetée.

 

III.     Le caractère approprié de l’appel

 

a)                Select

 

[20]        La nature de l’appel relatif à Select a trait aux retenues à la source. Le ministre a établi des cotisations à l’égard de Select :

 

a)       de 4 291,68 $ pour des retenues à la source non versées pour l’année d’imposition 2004;

b)      de 515,71 $ pour des retenues à la source non versées pour l’année d’imposition 2008.

 

[21]        En outre, le ministre a imposé à l’appelante des pénalités pour les années d’imposition 2004 et 2005, considérant qu’elle avait omis de verser des retenues à la source pour l’année 2004 de la façon et au moment prescrits (les « pénalités »).

 

[22]        Le contexte factuel de la cotisation établie par le ministre reposait sur le fait que le T4 Sommaire relatif à l’année d’imposition 2004 faisait état de retenues à la source pour le dénommé John Coombs, mais pas pour la dénommée Joan Coombs (épouse de Harold Coombs). La cotisation établie à l’égard de l’année 2008 semble avoir trait à une simple erreur dans le calcul des retenues à la source qui devaient être versées.

 

b)      Travelsphere

 

[23]        En ce qui concerne Travelsphere, les allégations formulées par le ministre à l’égard des nouvelles cotisations étaient les suivantes :

 

a)       le refus de déduire une perte autre qu’une perte en capital de 10 425 $ pour l’année d’imposition 2003 (le « refus de déduire une perte autre qu’une perte en capital »);

b)                le refus de déduire des dépenses salariales de 20 373 $ faites en 2003 (le « refus de déduire des dépenses salariales »);

c)                 en vertu du paragraphe 152(4) de la Loi de l’impôt sur le revenu (la « Loi »), le ministre avait le droit d’établir une cotisation à l’égard de l’appelante en dehors de la période normale de nouvelle cotisation;

d)                l’imposition de pénalités en application du paragraphe 163(2) de la Loi.

 

c)                 La preuve en général

 

i)       Select

 

[24]        Nonobstant le jugement rendu par la Cour à l’égard de la question préliminaire ayant trait aux droits garantis par la Charte à la société en ce qui concernait l’exécution d’un mandat de perquisition et les parties présentes, l’essentiel des questions posées par M. Coombs aux témoins de la partie opposée avait trait à la question de savoir si le nom de tous les employés de l’ARC qui avaient pris part à la perquisition apparaissait spécifiquement sur le mandat de perquisition. De même, M. Coombs s’est contenté d’affirmer que les documents qui avaient été saisis avaient été perdus ou ne lui avaient pas été restitués. Au cours de l’audience, il est apparu clairement que nombre de ces documents ne lui avaient pas été restitués parce que M. Coombs lui‑même avait refusé d’accepter cette restitution.

 

[25]        En ce qui a trait à la preuve relative aux points en litige, Mme Watson a fait preuve de crédibilité quand elle a présenté à la Cour les divers éléments de preuve documentaire saisis par l’ARC, tant à la résidence de M. Coombs (question à l’égard de laquelle il convient de souligner qu’aucune violation de la Charte n’a été invoquée) que dans les bureaux de Select et de Travelsphere.

 

[26]        Plus précisément, Mme Watson a expliqué à la Cour le contenu d’une copie d’un T4 Sommaire et de relevés T4 délivrés à des employés de Select ainsi que les entrées correspondantes et les comptes de retenue à la source pour l’année qui s’est terminée le 31 décembre 2004. Select s’occupait du calcul des retenues à la source pour les employés des deux appelantes. Il y avait également des copies de chèques au nom de Joan Coombs qui avaient été traités et payés par Select ainsi qu’une copie d’un imprimé contenant des informations relatives au relevé T4 de la même employée prétendue. En outre, l’ARC a mené une vérification relative aux retenues à la source à l’égard de Select et a calculé le montant des retenues à la source que cette dernière devait verser en conséquence. Cela comprenait un rapprochement entre le relevé T4 établi par Select pour John Coombs et son rajustement ainsi que l’inclusion des renseignements contenus dans le relevé T4 de Joan Coombs.

 

[27]        Les éléments de preuve non contestés qui ont été présentés à la Cour à l’égard de ces documents particuliers avaient trait au fait que John Coombs, proche de M. Coombs, principal intéressé, n’avait pas fourni de services à l’une ou l’autre des appelantes. Ni l’enquête et la vérification menées par l’ARC à l’égard des salaires ni les dossiers des appelantes n’ont montré que John Coombs avait fourni des services, ordinaires ou extraordinaires, aux appelantes. En outre, M. Coombs n’a fourni ni preuve documentaire ni preuve de vive voix pour contester les allégations ou donner à entendre qu’il en allait autrement. Par ailleurs, il ressortait clairement que Joan Coombs était vraisemblablement une employée de Select ou de Travelsphere, et elle a certainement, sur la foi des éléments de preuve documentaire qui ont été présentés à la Cour, entrepris toutes les démarches pour déclarer ce revenu et par ailleurs payer les impôts y afférents dans ses propres déclarations de revenus.

 

[28]        Par conséquent, en l’absence de tout élément de preuve fourni par l’appelante à l’égard de la vérification des retenues à la source et des questions connexes, la Cour a facilement conclu que les rajustements effectués par le ministre pour autoriser l’inclusion des retenues versées à l’égard de Joan Coombs et des rajustements appropriés qui avaient été effectués pour refuser les déductions demandées à titre de dépenses d’entreprise ou du salaire versé à John Coombs étaient entièrement raisonnables et exacts. Quand il établira de nouvelles cotisations sur ce fondement, le ministre devra calculer de manière appropriée le montant des retenues à la source nettes à verser. De même, l’appelante n’a présenté aucun élément de preuve relatif au calcul de la nouvelle cotisation pour 2008.

 

ii)                Travelsphere

 

[29]        Pour ce qui est de la déduction pour une perte autre qu’une perte en capital et du refus de la déduction des dépenses salariales, la preuve présentée à l’audience était constituée notamment d’un état des résultats d’exploitation et du déficit non vérifié de Travelsphere, préparé par les comptables de celle‑ci pour l’année qui s’est terminée le 31 décembre 2004, d’une copie reconstituée de déclarations de revenus T2 et d’écritures comptables relatives à la réallocation de diverses dépenses entre les appelantes.

 

a)      Le refus de déduction des pertes autres que des pertes en capital

 

[30]        En ce qui a trait au refus de déduire une perte autre qu’une perte en capital, l’appelante, Travelsphere, n’a produit aucun élément de preuve relatif au fait qui aurait donné lieu à la perte en capital de 10 425 $ dont elle avait demandé la déduction. Il ressort aussi clairement de la preuve présentée à la Cour que M. Coombs avait une aversion générale pour les impôts, qui se manifestait chaque année. C’est ce qui ressort clairement d’une note de service datée du 24 novembre 2004 envoyée par « Harold » à d’autres employés au sujet des impôts sur le revenu des sociétés que Select devait payer. Dans cette note de service, M. Coombs faisait savoir que Select avait payé un impôt des sociétés de 2 992,97 $ et faisait part de son manque [traduction] « d’enthousiasme » à le payer. Il ajoutait qu’en produisant la déclaration de revenus de Select pour l’année d’imposition 2003, il récupérerait l’intégralité de la somme de 2 992,97 $ de [traduction] « l’ARC ».

 

b)      Le refus de la déduction des pertes salariales

 

[31]        Mme Watson, enquêtrice et vérificatrice principale de l’ARC, a témoigné pour le compte de l’intimée au sujet du refus de la déduction des dépenses salariales. En bref, Mme Watson a déclaré que les dépenses salariales effectuées par Travelsphere avaient été surévaluées de 29 614 $. Les T4 Sommaires et les états financiers relatifs à l’année d’imposition 2003 de l’appelante faisaient état de dépenses salariales de 20 373 $, soit le montant précisé dans le document source. La déclaration de revenus des sociétés (T2) comprenait une demande de déduction pour dépenses salariales de 49 987 $. La différence entre ces deux sommes, soit 29 614 $, était le montant précis des dépenses salariales dont la déduction a été refusée.

 

[32]        Quand on l’a interrogé au sujet de ces documents, M. Coombs a répondu de façon générale qu’il ne se souvenait pas bien des informations concernant la question des retenues à la source, de la déduction pour une perte autre qu’une perte en capital ou du refus de la déduction des dépenses salariales.

 

[33]        Au cours de sa plaidoirie, l’intimée a affirmé que le ministre s’était fondé sur des dépenses salariales de 20 373 $ en 2003 (soit le montant précisé dans le document source) comme il a été présenté et calculé conformément aux états financiers préparés par les comptables des sociétés. Toutefois, quand Travelsphere a produit sa déclaration de revenus T2 pour cette même année, elle a demandé une déduction de 49 987 $ pour les salaires. L’appelante n’avait aucune explication ou preuve documentaire à donner pour rapprocher les salaires dont il était fait état dans les états financiers et les chiffres apparaissant dans la déclaration de revenus des sociétés de Travelsphere. À la ligne « Autres éléments touchant les bénéfices non répartis » de la déclaration T2 de Travelsphere pour 2004, une somme de 29 614 $ (soit la différence entre le montant déclaré par le comptable dans les états financiers et le revenu déclaré sur la déclaration T2) a été utilisée pour réduire le revenu net et rapprocher la différence l’année suivante. L’appelante voulait se servir de cette ligne pour effectivement retirer la dépense salariale exagérée de l’exercice précédent afin de permettre un rapprochement comptable dans les déclarations de revenus et les états financiers ultérieurs de Travelsphere. De même, en ce qui a trait à la déduction pour perte autre qu’une perte en capital de 10 425 $ demandée pour l’année d’imposition 2003, cette somme a été utilisée dans le seul but de générer un remboursement de l’impôt sur les sociétés pour 2002.

 

[34]        Sur le plan de la crédibilité, la Cour reconnaît que M. Coombs a admis qu’il était la tête pensante de Select et de Travelsphere, qu’il préparait toutes les déclarations de revenus, qu’il supervisait les questions de retenues à la source et qu’il était par ailleurs chargé de tenir, de préparer et d’effectuer la synthèse des documents comptables des appelantes. M. Coombs est comptable général accrédité. M. Coombs se souvient avec précision du nombre de personnes dont le nom apparaissait sur le mandat de perquisition qui a été exécuté en 2002. Par contre, M. Coombs a eu de la difficulté à se souvenir du moindre détail concernant les documents qui faisaient l’objet d’une partie de la saisie effectuée aux termes de ce même mandat. Le mandat de perquisition a été préparé par l’ARC. Les documents dont M. Coombs n’est pas parvenu à se souvenir étaient des documents qu’il avait en grande partie préparés, révisés et par ailleurs signés lui‑même.

 

c) et d)        La réouverture de la question relatives aux cotisations et aux pénalités

 

[35]        Il n’est pas nécessaire d’établir si l’intimée a fait de fausses déclarations frauduleuses à l’égard des dépenses d’entreprise qui auraient été surestimées ou en créant une perte qui aurait pu être reportée à des années antérieures pour mettre fin à la dette fiscale. Il ressort clairement de la preuve présentée par l’intimée et des réponses peu convaincantes que M. Coombs a données au cours de son propre témoignage que M. Coombs, en sa qualité de dirigeant de la société, d’administrateur et de personne chargée de la préparation de tous les documents comptables, s’est pour le moins rendu coupable de faute lourde en permettant que de fausses représentations soient faites, fausses représentations qui ont par ailleurs eu pour effet de faire diminuer la dette fiscale des sociétés par suite de la production de fausses déclarations.

 

[36]        Le caractère particulièrement authentique du témoignage de M. Coombs vient de la précision et du caractère détaillé de ses souvenirs relatifs aux cas dans lesquels il était possible que le ministre ne lui ait pas accordé de déduction pour des sommes comparativement faibles que les appelantes ou l’épouse de M. Coombs auraient pu par ailleurs verser. En général, la précision de ces souvenirs va tellement à l’encontre des trous de mémoire dont M. Coombs a par ailleurs souffert, qu’ils contredisent son témoignage quand il n’arrive pas à se souvenir d’autres détails plus importants ou significatifs. C’est pourquoi, après avoir examiné la preuve avec soin, il apparaît clairement à la Cour que l’imposition de pénalités et l’établissement de nouvelles cotisations qui auraient été autrement prescrites se justifient pleinement et totalement.

 

[37]        Par conséquent, les appels sont rejetés, à l’exception de la conclusion selon laquelle Joan Coombs était une employée de Select. Par conséquent, la présente affaire sera déférée au ministre, conformément aux présents motifs du jugement, pour nouvel examen et nouvelle cotisation, s’il y a lieu.

 

[38]        En ce qui concerne la question des dépens, vu que la présente affaire a été entendue sous le régime de la procédure informelle, aucuns dépens ne seront adjugés à l’encontre des appelantes.

 

 

       Signé à Ottawa, Canada, ce 28e jour de mars 2013.

 

 

 

« R. S. Bocock »

Juge Bocock

 

Traduction certifiée conforme

ce 29e jour d’avril 2013.

 

Alya Kaddour‑Lord, traductrice

 


RÉFÉRENCE :                                 2013 CCI 93

 

NOS DES DOSSIERS DE LA COUR :       2012-1623(IT)I

                                                          2012-1614(IT)I

 

INTITULÉS :                                    Select Travel Inc. c. Sa Majesté la Reine Travel Sphere Inc. c. Sa Majesté la Reine

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :               Le 29 janvier 2013

 

MOTIFS DU JUGEMENT :             L’honorable juge Randall Bocock

 

DATE DU JUGEMENT :                 Le 28 mars 2013

 

COMPARUTIONS :

 

Représentant des appelantes :

M. Harold Coombs

Avocat de l’intimée :

Me Christian Cheong

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

       Pour les appelantes :

 

               Nom :                                 s.o.

 

               Cabinet :

 

       Pour l’intimée :                          William F. Pentney

                                                          Sous‑procureur général du Canada

                                                          Ottawa, Canada

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