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Dossier : 2012-2276(IT)APP

ENTRE :

1682320 ONTARIO LIMITED,

demanderesse,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

défenderesse.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

____________________________________________________________________

 

Demande entendue le 8 avril 2013, à London (Ontario)

 

Par : L’honorable juge J.M. Woods

 

Comparutions :

 

Représentante de la demanderesse :

Mme Nancy Sauro

 

Avocat de la défenderesse :

Me Paul Klippenstein

____________________________________________________________________

 

ORDONNANCE

          Vu la demande présentée, la Cour ordonne que le délai imparti pour signifier un avis d’opposition soit prorogé à la date de la présente ordonnance, et l’avis d’opposition signifié le 8 septembre 2011 est réputé avoir été signifié à la date de l’ordonnance. Chaque partie assumera ses propres frais.

 

 

       Signé à Ottawa (Ontario), ce 25e jour d’avril 2013.

 

 

« J. M. Woods »

Juge Woods

Traduction certifiée conforme

ce 5e jour de juin 2013.

 

Marie-Christine Gervais, traductrice

 


 

 

Référence : 2013 CCI 126

Date : 20130425

Dossier : 2012-2276(IT)APP

ENTRE :

1682320 ONTARIO LIMITED,

demanderesse,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

défenderesse.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE

 

La juge Woods

 

[1]             1682320 Ontario Limited (la « demanderesse ») présente une demande de prorogation du délai pour signifier un avis d’opposition en vertu de la Loi de l’impôt sur le revenu (la « Loi »). L’année d’imposition en cause a pris fin le 30 novembre 2008.

 

[2]             La question essentielle à trancher est de savoir si un avis d’opposition doit être considéré comme une demande de prorogation de délai. J’ai conclu par l’affirmative en l’espèce.

 

Les dispositions applicables

 

[3]             Les conditions prévues par la loi pour l’obtention d’une prorogation de délai sont énoncées au paragraphe 166.2(5) de la Loi, qui est reproduit ci-dessous avec les dispositions connexes applicables :

 

            166.1(1) Prorogation du délai par le ministre. Le contribuable qui n’a pas signifié d’avis d’opposition à une cotisation en application de l’article 165 ni présenté de requête en application du paragraphe 245(6) dans le délai imparti peut demander au ministre de proroger le délai pour signifier l’avis ou présenter la requête.

 

            (2) Contenu de la demande. La demande doit indiquer les raisons pour lesquelles l’avis d’opposition n’a pas été signifié ou la requête, présentée dans le délai par ailleurs imparti.

 

            (3) Modalités. La demande, accompagnée d’un exemplaire de l’avis d’opposition ou de la requête, est envoyée au chef des Appels d’un bureau de district ou d’un centre fiscal de l’Agence du revenu du Canada soit par personne, soit par courrier.

 

[…]

 

*                   (5) Obligations du ministre. Sur réception de la demande, le ministre, avec diligence, l’examine et y fait droit ou la rejette. Dès lors, il avise le contribuable de sa décision par écrit.

 

[…]

 

            166.2(1) Prorogation du délai par la Cour canadienne de l’impôt. Le contribuable qui a présenté une demande en application de l’article 166.1 peut demander à la Cour canadienne de l’impôt d’y faire droit après :

 

            a) le rejet de la demande par le ministre;

 

                              b) l’expiration d’un délai de 90 jours suivant la présentation de la demande, si le ministre n’a pas avisé le contribuable de sa décision.

 

Toutefois, une telle demande ne peut être présentée après l’expiration d’un délai de 90 jours suivant la date de la mise à la poste de l’avis de la décision au contribuable.

 

            (2) Modalités. La demande se fait par dépôt au greffe de la Cour canadienne de l’impôt, conformément à la Loi sur la Cour canadienne de l’impôt, de trois exemplaires des documents visés au paragraphe 166.1(3) et de trois exemplaires de l’avis visé au paragraphe 166.1(5).

 

[…]

 

            (5) Acceptation de la demande. Il n’est fait droit à la demande que si les conditions suivantes sont réunies :

 

            a) la demande a été présentée en application du paragraphe 166.1(1) dans l’année suivant l’expiration du délai par ailleurs imparti pour signifier un avis d’opposition ou présenter une requête;

 

            b) le contribuable démontre ce qui suit :

 

(i) dans le délai par ailleurs imparti pour signifier l’avis ou présenter la requête, il n’a pu ni agir ni charger quelqu’un d’agir en son nom, ou il avait véritablement l’intention de faire opposition à la cotisation ou de présenter la requête,

 

(ii) compte tenu des raisons indiquées dans la demande et des circonstances de l’espèce, il est juste et équitable de faire droit à la demande,

 

(iii) la demande a été présentée dès que les circonstances le permettaient.

 

Les thèses des parties

 

[4]             La défenderesse soutient qu’une prorogation ne devrait pas être accordée, parce qu’il n’est pas satisfait à la condition figurant à l’alinéa 166.2(5)a). En bref, la défenderesse fait valoir que la demanderesse n’a pas présenté une demande de prorogation au ministre dans le délai prescrit.

 

[5]             La représentante de la demanderesse admet qu’il n’a pas été satisfait à la condition figurant à l’alinéa 166.2(5)a). Cependant, elle allègue que, compte tenu des circonstances, la demande de prorogation devrait être accordée pour des raisons d’équité.

 

Le contexte

 

[6]             Selon la demanderesse, la question de fond à trancher en l’espèce porte sur la double comptabilisation d’éléments dans le revenu. La représentante de la demanderesse, qui travaille pour H&R Block et s’est occupée de l’opposition de la demanderesse, a affirmé que, dans la nouvelle cotisation en cause, le ministre a considéré qu’un gain en capital constituait un revenu ordinaire, mais n’a pas enlevé le montant comptabilisé à titre de gain en capital lorsqu’il a fait le rajustement. La demanderesse ne s’oppose pas à ce que le montant en question soit considéré comme un revenu ordinaire, mais soutient que le gain en capital devrait être annulé pour éviter la double comptabilisation.

 

[7]             La représentante de la demanderesse a communiqué avec l’Agence du revenu du Canada (l’« ARC ») à plusieurs reprises pour lui demander de corriger l’erreur qui aurait été commise. Voici un historique des faits pertinents :

 

a)       Le 2 novembre 2010, le ministre a établi la nouvelle cotisation en cause.

 

b)                Le 17 février 2011, la représentante de la demanderesse a demandé que la déclaration soit rajustée, compte tenu de la double comptabilisation effectuée.

 

c)                 Suivant cette demande, la représentante de la demanderesse a eu plusieurs discussions avec l’ARC, et on l’a enfin informée qu’il faudrait déposer un avis d’opposition en bonne et due forme.

 

d)                Le 8 septembre 2011, un avis d’opposition a été signifié.

 

e)                 Par une lettre datée du 16 novembre 2011, l’ARC a avisé la demanderesse que l’avis d’opposition n’avait pas été déposé dans le délai prescrit de 90 jours et qu’une demande de prorogation de délai pouvait être présentée. La lettre précisait que la demande devait être présentée dans l’année suivant l’expiration du délai imparti pour déposer un avis d’opposition.

 

f)                  Le 16 février 2012, une demande de prorogation du délai pour signifier un avis d’opposition a été présentée.

 

g)                 Par une lettre datée du 20 avril 2012, l’ARC a avisé la demanderesse que la demande ne pouvait pas être acceptée, parce que le délai prescrit pour présenter la demande avait pris fin le 31 janvier 2012.

 

h)                Le 25 mai 2012, la présente demande a été déposée devant la Cour.

 

[8]             La représentante de la demanderesse a expliqué que le délai indiqué dans la lettre de l’ARC datée du 16 novembre 2011 n’avait pas été respecté, parce que, d’après son expérience, l’ARC accordait un redressement même après l’expiration du délai. Elle a déclaré que c’était ce qu’elle avait pu constater d’après son expérience avec des contribuables qui étaient des particuliers et qu’elle ne savait pas que des règles différentes s’appliquaient pour les sociétés. Elle a aussi expliqué le retard en mentionnant que le directeur de la demanderesse était souvent à l’extérieur du pays et ne pouvait pas alors donner d’instructions.

 

Analyse

 

[9]             La demanderesse a demandé que la prorogation soit accordée pour des raisons d’équité. La Cour ne peut pas accorder une telle mesure de redressement parce qu’elle ne peut pas soustraire la demanderesse à une exigence établie par le législateur. Le commentaire suivant tiré de l’arrêt Dewey c La Reine, 2004 CAF 82, est pertinent, même s’il a été formulé dans un contexte différent.

 

[3] L’article 167 de la Loi de l’impôt sur le revenu permet à la Cour canadienne de l’impôt de proroger le délai pour introduire un appel devant la Cour canadienne de l’impôt, s’il est satisfait à un certain nombre de conditions. Le défaut de satisfaire à l’une ou l’autre des conditions porte un coup fatal à la demande.

 

[10]        Bien qu’un redressement ne puisse pas être accordé pour ce motif, à l’audience, j’ai demandé à l’avocat de la défenderesse d’examiner la question de savoir la signification d’un avis d’opposition le 8 septembre 2011 permettait de remplir la condition figurant à l’alinéa 166.2(5)a). Mon examen de la question, ainsi que des autres conditions figurant au paragraphe 166.2(5), est exposé ci-dessous.

 

          La demande faite antérieurement au ministre

 

[11]        Selon l’alinéa 166.2(5)a) de la Loi, il ne peut être fait droit à la demande présentée en vue d’obtenir une prorogation de délai que si le demandeur a déjà présenté au ministre une demande de prorogation de délai. La demande au ministre doit avoir été présentée dans l’année suivant l’expiration du délai imparti pour signifier un avis d’opposition. Le délai en l’espèce est le 31 janvier 2012.

 

[12]        Si l’avis d’opposition signifié par la demanderesse le 8 septembre 2011 est considéré comme une demande de prorogation de délai, la condition est remplie.

 

[13]        Il est arrivé que la Cour considère qu’une demande de prorogation de délai avait été présentée, bien qu’il n’ait pas été précisé de manière explicite dans le document pertinent qu’il s’agissait d’une demande de prorogation de délai : Haight v The Queen, 2000 DTC 2571, et Fagbemi v The Queen, 2005 DTC 955.

 

[14]        Dans la décision Haight, le juge Bell a conclu qu’il n’était pas nécessaire pour un contribuable de faire expressément référence à une prorogation de délai. Il suffisait qu’il soit indiqué dans la documentation que le contribuable voulait que ses affaires soient examinées pour l’année pertinente.

 

[15]        Dans la décision Haight, la Couronne a fait valoir que le document pertinent ne pouvait pas être considéré comme une demande de prorogation de délai, à moins qu’il soit satisfait à la condition énoncée au paragraphe 166.1(2), soit que le document indique les raisons pour lesquelles l’avis d’opposition n’a pas été signifié dans le délai imparti. Selon cet argument, il convient de donner une interprétation très restrictive à la demande de prorogation de délai, ce que le juge Bell a rejeté. Je souscris aux motifs qu’il a exposés dans sa décision, lesquels sont énoncés ci‑après.

 

[28]      […] L’article 166.1 est manifestement conçu de manière à accorder une mesure de redressement au contribuable qui conteste une cotisation. Bien qu’il prévoit des conditions précises, cet article ne devrait pas être interprété, dans les circonstances de l’espèce, de façon à empêcher un contribuable sérieux – profane en matière fiscale – de poursuivre un appel. Cela est tout simplement injuste. […]

 

[16]        La conclusion tirée dans la décision Haight reflète que, de façon générale, les cours préfèrent, pour des principes d’équité, que les litiges soient tranchés sur le fond plutôt que sur des questions de procédure. La Cour canadienne de l’impôt en particulier est très réticente à priver les contribuables de la possibilité de faire trancher leur appel sur le fond par la Cour, à moins que les circonstances ne l’exigent clairement.

 

[17]        J’ai conclu que l’avis d’opposition déposé par la demanderesse remplit les conditions de l’alinéa 166.2(5)a) de la Loi. Je me pencherai maintenant sur les deux autres conditions énoncées au paragraphe 166.2(5).

 

          Une véritable intention de faire opposition

 

[18]        Le sous-alinéa 166.2(5)b)(i) exige que le demandeur démontre que, dans le délai imparti pour signifier l’avis d’opposition, il n’a pas pu agir ou qu’il avait véritablement l’intention de faire opposition.

 

[19]        En l’espèce, la représentante de la demanderesse a tout d’abord demandé à l’ARC de corriger la double comptabilisation qui aurait été faite par erreur deux semaines seulement après le délai de 90 jours prescrit pour le dépôt d’un avis d’opposition. La demanderesse avait clairement exprimé son intention de s’opposer avant de présenter la demande dont je suis saisi, et il est raisonnable de conclure que l’intention est apparue dans le délai de 90 jours. Il est approprié de considérer que la condition figurant au sous‑alinéa 166.2(5)b)(i) est remplie.

 

          Est-il juste et équitable de faire droit à la demande?

 

[20]        Selon le sous‑alinéa 166.2(5)b)(ii), une demande de prorogation de délai ne peut être accordée que s’il est juste et équitable de le faire. Pour examiner cette condition, il y a lieu de tenir compte des risques que les parties subissent un préjudice. Il est clair que la demanderesse pourrait subir un préjudice si son opposition ne pouvait pas être jugée sur le fond. Elle veut qu’une erreur de double comptabilisation soit corrigée. Il ne s’agit pas d’une plainte frivole. Quant à la Couronne, je ne vois pas quel préjudice important elle subirait si la demande était accordée.

 

[21]        Je tiens également à souligner qu’il ne s’agissait pas d’une situation où un contribuable avait attendu sans rien faire pendant une longue période. La demanderesse a embauché une conseillère fiscale, qui a avisé l’ARC de la question de la double comptabilisation deux semaines seulement après l’expiration du délai de 90 jours.

 

[22]        La condition figurant au sous‑alinéa 166.2(5)b)(ii) est remplie.

 

          La demande a-t-elle été présentée dès que les circonstances le permettaient?

 

[23]        Le sous‑alinéa 166.2(5)b)(iii) exige que la demande soit présentée dès que les circonstances le permettent.

 

[24]        Il semble que la représentante s’est toujours occupée activement du dossier et que l’avis d’opposition a été déposé lorsque la représentante a été informée qu’elle devait le faire.

 

[25]        On pourrait faire valoir qu’il y a eu un retard excessif lorsque la demanderesse n’a pas agi en temps opportun après avoir été avisée du délai dans la lettre de l’ARC datée du 16 novembre 2011. Toutefois, cela n’est pas pertinent. La seule question à trancher est de savoir si la demande de prorogation de délai, qui a été signifiée le 8 septembre 2011, a été présentée en retard.

 

[26]        La condition figurant au sous‑alinéa 166.2(5)b)(iii) est remplie elle aussi.

 

Conclusion

 

[27]        Je suis convaincue que la demande doit être accueillie et que le délai imparti pour signifier un avis d’opposition doit être prorogé à la date de l’ordonnance ci‑jointe. De plus, l’avis d’opposition signifié le 8 septembre 2011 sera réputé avoir été signifié dans le délai prescrit à la date de l’ordonnance. Chaque partie assumera ses propres frais.

 

 

       Signé à Ottawa (Ontario), ce 25e jour d’avril 2013.

 

 

« J. M. Woods »

Juge Woods

Traduction certifiée conforme

ce 5e jour de juin 2013.

 

Marie-Christine Gervais, traductrice

 

 


RÉFÉRENCE :                                 2013 CCI 126

 

NO DU DOSSIER DE LA COUR :    2012-2276(IT)APP

 

INTITULÉ :                                      1682320 ONTARIO LIMITED et

                                                          SA MAJESTÉ LA REINE

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                London (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :               Le 8 avril 2013

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE :   L’honorable juge J.M. Woods

 

DATE DE L’ORDONNANCE :       Le 25 avril 2013

 

COMPARUTIONS :

 

Représentante de la demanderesse :

Mme Nancy Sauro

 

Avocat de la défenderesse:

Me Paul Klippenstein

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

       Pour la demanderesse :

 

                          Nom :                    

 

                          Cabinet :                

 

       Pour la défenderesse :                William F. Pentney

                                                          Sous-procureur général du Canada

                                                          Ottawa (Ontario)

 

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