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Dossier : 2012-2690(IT)I

ENTRE :

PAULINE I. DOUCETTE,

appelante,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

____________________________________________________________________

 

Appel entendu le 9 avril 2013, à Sudbury (Ontario).

 

Devant : L’honorable juge François Angers

 

Comparutions :

 

Pour l’appelante :

L’appelante elle-même

Avocate de l’intimée :

Me Tamara Watters

____________________________________________________________________

 

JUGEMENT

 

L’appel interjeté à l’égard de la nouvelle cotisation établie en vertu de la Loi de l’impôt sur le revenu pour l’année d’imposition 2010 est rejeté, conformément aux motifs du jugement ci-joints.

 

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 29e jour d’avril 2013.

 

 

« François Angers »

Juge Angers

Traduction certifiée conforme

ce 5e jour de juin 2013.

Marie-Christine Gervais, traductrice

 


 

 

 

 

Référence : 2013 CCI 112

Date : 20130429

Dossier : 2012-2690(IT)I

ENTRE :

PAULINE I. DOUCETTE,

appelante,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT

 

Le juge Angers

 

[1]             Il s’agit d’un appel concernant l’année d’imposition 2010 de l’appelante. Par un avis de cotisation daté du 31 octobre 2011, le ministre du Revenu national a établi à l’égard de l’appelante une nouvelle cotisation visant à inclure dans le revenu de celle‑ci des paiements totalisant 27 000 $ suivant une entente provisoire conclue entre l’appelante et son ex-époux le 7 avril 2009. L’appelante s’est dûment opposée à la nouvelle cotisation le 27 janvier 2012, mais le ministre a ratifié la nouvelle cotisation le 4 mai 2012, d’où le présent appel.

 

[2]             L’appelante et son ex-époux vivent séparément depuis février 2009. Le 7 avril 2009, à l’issue d’une médiation, ils ont conclu une entente provisoire selon laquelle l’ex-époux était tenu de payer à l’appelante 2 250 $ par mois en deux versements égaux à titre de pension alimentaire pour conjoint, à compter du 15 avril 2009 jusqu’à la vente du foyer conjugal, ou bien jusqu’à la conclusion d’une entente plus exhaustive. Un autre paragraphe de l’entente provisoire stipulait que les paiements de pension alimentaire feraient l’objet d’un examen.

 

[3]             Dans l’entente provisoire, il n’était pas exigé que des paiements soient effectués pour des enfants.

 

[4]             L’entente provisoire a été enregistrée pour exécution par le ministère des Services sociaux et communautaires de l’Ontario en vertu de la Loi de 1996 sur les obligations familiales et l’exécution des arriérés d’aliments auprès de la Cour de justice de l’Ontario et versée au dossier avec un affidavit à l’appui, au greffe de la cour le 17 avril 2009. L’entente provisoire a par la suite été enregistrée auprès du ministre du Revenu national le 21 avril 2009 avec un formulaire T1158 de l’Agence du revenu du Canada, « Enregistrement des pensions alimentaires ». L’entente provisoire, telle qu’elle a été enregistrée auprès du ministre, ne faisait état d’aucune date de cessation pour le versement des paiements mensuels, et l’appelante a continué à recevoir les paiements de pension alimentaire après 2010.

 

[5]             Selon l’entente provisoire, aucun des paiements de pension alimentaire ne devait être remis directement à des créanciers de l’appelante ou de son ex-époux ou à des mandataires de créanciers. L’appelante était toutefois tenue d’effectuer les paiements pour l’hypothèque, l’assurance et l’impôt foncier pour le foyer conjugal, ainsi que de verser une indemnité à son ex-époux pour tout manquement à ces obligations financières.

 

[6]             L’appelante et son ex-époux ont conclu une entente écrite visant la vente du foyer conjugal le 16 juillet 2010, et la propriété a été transférée le 30 juillet 2010. L’appelante a continué à recevoir les paiements de pension alimentaire après que le transfert a été effectué et a, en fait, admis à l’instruction que les paiements de pension alimentaire reçus après la date du transfert de la propriété auraient dû être inclus dans son revenu. Elle a aussi admis qu’elle avait reçu un total de 27 000 $ au cours de l’année d’imposition 2010 en vertu de l’entente provisoire. Son appel porte donc seulement sur la question de savoir si les paiements de pension alimentaire qu’elle a reçus avant la date du transfert de la propriété auraient dû être inclus dans son revenu pour l’année d’imposition 2010.

 

[7]             L’appelante soutient que son ex‑époux et elle avaient l’obligation juridique de rembourser l’hypothèque et qu’elle n’avait donc d’autre choix que d’utiliser effectuer les paiements de pension alimentaire qu’elle recevait pour effectuer les paiements hypothécaires. Elle a fait valoir que les paiements hypothécaires devraient à tout le moins être déduits des paiements de pension alimentaire pour le calcul de l’impôt sur le revenu. L’appelante affirme également qu’à la vente du foyer conjugal, la valeur nette réelle de la maison a été répartie également entre son ex‑époux et elle. Ainsi, la moitié des paiements hypothécaires pour 2010 qui constituaient des paiements au titre du capital ont été remboursés à son ex-époux. Aucun élément de preuve n’a été présenté par l’appelante concernant les paiements hypothécaires réellement effectués ou le montant total que cela aurait représenté.

 

[8]             L’intimée soutient que la totalité du montant de 27 000 $ versé à l’appelante au cours de l’année d’imposition 2010 constituait une pension alimentaire au sens du paragraphe 56.1(4) de la Loi de l’impôt sur le revenu (la « Loi ») et qu’il a donc été imposé à juste titre en application de l’alinéa 56(1)b) de la Loi dans le calcul du revenu de l’appelante pour son année d’imposition 2010.

 

[9]             L’alinéa 56(1)b) de la Loi prévoit ce qui suit :

 

Sans préjudice de la portée générale de l’article 3, sont à inclure dans le calcul du revenu d’un contribuable pour une année d’imposition :

 

a)   […]

b)   le total des montants représentant chacun le résultat du calcul suivant :

 

A - (B + C)

 

 

A   représente le total des montants représentant chacun une pension alimentaire que le contribuable a reçue après 1996 et avant la fin de l’année d’une personne donnée dont il vivait séparé au moment de la réception de la pension,

B   le total des montants représentant chacun une pension alimentaire pour enfants que la personne donnée était tenue de verser au contribuable aux termes d’un accord ou d’une ordonnance à la date d’exécution ou postérieurement et avant la fin de l’année relativement à une période ayant commencé à cette date ou postérieurement,

C   le total des montants représentant chacun une pension alimentaire que le contribuable a reçue de la personne donnée après 1996 et qu’il a incluse dans son revenu pour une année d’imposition antérieure;

 

[…]

                                                                             [Non souligné dans l’original.]

 

[10]        Au paragraphe 56.1(4) de la Loi, le terme « pension alimentaire » est défini ainsi :

 

« pension alimentaire » Montant payable ou à recevoir à titre d’allocation périodique pour subvenir aux besoins du bénéficiaire, d’enfants de celui-ci ou à la fois du bénéficiaire et de ces enfants, si le bénéficiaire peut utiliser le montant à sa discrétion et, selon le cas :

 

a)   le bénéficiaire est l’époux ou le conjoint de fait ou l’ex-époux ou l’ancien conjoint de fait du payeur et vit séparé de celui-ci pour cause d’échec de leur mariage ou union de fait et le montant est à recevoir aux termes de l’ordonnance d’un tribunal compétent ou d’un accord écrit;

b)   le payeur est légalement le père ou la mère d’un enfant du bénéficiaire et le montant est à recevoir aux termes de l’ordonnance d’un tribunal compétent rendue en conformité avec les lois d’une province.

 

[11]        Le paragraphe 56.1(1) est aussi pertinent :

 

Pour l’application de l’alinéa 56(1)b) et du paragraphe 118(5), dans le cas où une ordonnance ou un accord, ou une modification s’y rapportant, prévoit le paiement d’un montant à un contribuable ou à son profit, au profit d’enfants confiés à sa garde ou à la fois au profit du contribuable et de ces enfants, le montant ou une partie de celui-ci est réputé :

 

a)   une fois payable, être payable au contribuable et à recevoir par lui;

b)   une fois payé, avoir été payé au contribuable et reçu par lui.

 

[12]        L’appelante et son ex-époux vivent séparément depuis février 2009 pour cause d’échec de leur mariage. Le 7 avril 2009, ils ont tous les deux signé une entente provisoire, qui prévoyait le versement par l’ex‑époux à l’appelante de ce qui a été appelé une [traduction] « pension alimentaire pour conjoint », laquelle s’élevait à 2 250 $ par mois et devait être versée en deux versements égaux, à compter du 15 avril 2009. Ces paiements ont été versés directement à l’appelante au moyen d’une série de chèques postdatés consécutifs. L’entente provisoire a été déposée auprès de la Cour de justice de l’Ontario, ce qui lui a donné la même force exécutoire qu’une ordonnance rendue par cette cour. Cela étant dit, les seules questions qu’il me reste à trancher dans le présent appel sont celles de savoir si les paiements périodiques prédéterminés ont été effectués pour subvenir aux besoins de l’appelante et si cette dernière pouvait utiliser à sa discrétion les montants qui lui étaient versés.

 

[13]        Le terme utilisé dans l’entente provisoire pour les paiements mensuels est [traduction] « pension alimentaire pour conjoint », et je crois que cette expression se passe d’explications. Il s’agit d’un montant que l’appelante a reçu à titre d’allocation pour subvenir à ses besoins, montant qu’elle avait accepté de recevoir et qui, de son propre aveu, aurait dû être inclus dans son revenu. Elle s’oppose seulement à l’inclusion dans son revenu des paiements qu’elle a reçus pour les six premiers mois de l’année d’imposition 2010, parce que, à son avis, à ce moment‑là, elle ne pouvait pas utiliser les montants à sa discrétion, vu qu’elle avait accepté de payer l’hypothèque, l’assurance et l’impôt foncier pour le foyer conjugal. Aucun élément de preuve n’a été présenté quant aux paiements réellement effectués.

 

[14]        La clause dans l’entente provisoire selon laquelle l’appelante accepte de payer  l’hypothèque, l’assurance et l’impôt foncier figure dans l’entente parce que l’appelante a continué de résider dans le foyer conjugal après la séparation et que les paiements de pension alimentaire lui ont en fait été versés à titre d’allocation pour lui permettre de subvenir à ses besoins. En fait, après la vente de la maison, l’appelante a continué de recevoir les paiements de pension alimentaire pour conjoint, et ceux‑ci lui ont permis de payer d’autres frais d’entretien, comme le loyer et les services publics.

 

[15]        L’augmentation de la valeur nette réelle du foyer conjugal en raison du paiement de l’hypothèque par l’appelante ne change rien au fait qu’elle recevait une « pension alimentaire », en ce sens qu’il s’agissait d’une allocation versée pour subvenir aux besoins de l’appelante. Je suis d’accord avec le juge Hugessen de la Cour d’appel fédérale, qui a dit ce qui suit dans l’arrêt McKimmon v. M.N.R., [1990] 1 C.T.C. 109, au paragraphe 15, « l’expérience indique qu’à titre d’exemples des primes d’assurance‑vie et des paiements hypothécaires mensuels réunis, même s’ils permettent une accumulation de capital au cours des années, constituent des frais normaux de subsistance qui sont payés sur le revenu et peuvent faire partie d’une allocation d’entretien. »

 

[16]        Les circonstances de la présente affaire m’amènent à conclure que l’appelante pouvait utiliser à son entière discrétion les sommes qui lui étaient ainsi versées. Elle a choisi et accepté de payer l’hypothèque, l’assurance et l’impôt foncier, parce qu’elle demeurait dans le foyer conjugal.

 

[17]        L’appelante a aussi laissé entendre que son ex-époux avait en fait accepté de payer la moitié des dépenses liées à la maison, comme le montre un courriel envoyé avant la conclusion de l’entente provisoire. C’est peut-être bien le cas, mais, en définitive, c’est l’entente provisoire qui a été signée et conclue par l’appelante et son ex-époux.

 

[18]        Par conséquent, la somme totale de 27 000 $ que l’appelante a reçue au cours de son année d’imposition 2010 constituait une « pension alimentaire » au sens de la Loi et aurait dû être incluse dans le revenu de l’appelante pour l’année.

 

[19]        L’appel est rejeté.

 

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 29e jour d’avril 2013.

 

 

« François Angers »

Juge Angers

Traduction certifiée conforme

ce 5e jour de juin 2013.

 

Marie-Christine Gervais, traductrice

 


RÉFÉRENCE :                                 2013 CCI 112

 

NO DU DOSSIER DE LA COUR :    2012-2690(IT)I

 

INTITULÉ :                                      Pauline I. Doucette c. Sa Majesté la Reine

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                Sudbury (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :               Le 9 avril 2013

 

MOTIFS DU JUGEMENT :             L’honorable juge François Angers

 

DATE DU JUGEMENT:                  Le 29 avril 2013

 

COMPARUTIONS :

 

Pour l’appelante :

L’appelante elle-même

 

Avocate de l’intimée :

Me Tamara Watters

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

       Pour l’appelante :

 

                          Nom :                    

 

                                 Cabinet :                

 

       Pour l’intimée :                          William F. Pentney

                                                          Sous-procureur général du Canada

                                                          Ottawa (Ontario)

 

 

 

 

 

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