Jugements de la Cour canadienne de l'impôt

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Référence : 2013 CCI 134

Date : 20130628

Dossiers : 2011-2739(IT)I

2011-2740(IT)I

ENTRE :

ISMAIL KALIB,

appelant,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT MODIFIÉS

 

Le juge Margeson

 

[1]             Le présent appel se rapporte aux nouvelles cotisations établies à l’égard de l’appelant par le ministre du Revenu national (le « ministre ») pour les années d’imposition 2006 et 2007. Par ces avis de cotisations datés du 4 mars 2010, le revenu d’entreprise net de l’appelant a été porté à 60 280 $ pour 2006 et à 54 049 $ pour 2007.

 

[2]             Le ministre a ainsi augmenté le revenu brut de l’appelant en le faisant passer à 472 434 $ pour 2006 et à 449 076 $ pour 2007 et réduit le coût des marchandises vendues, les frais afférents à un véhicule à moteur et la déduction pour amortissement de l’appelant.

 

[3]             Le ministre a aussi imposé des pénalités pour faute lourde de 2 455 $ et de 911 $ sur le revenu non déclaré de l’appelant pour 2006 et 2007 respectivement, en application du paragraphe 163(2) de la Loi de l’impôt sur le revenu, L.R.C. 1985, ch. 1 (5e suppl.) (la « Loi »).

 

La preuve

 

[4]             Lors de son témoignage, l’appelant a déclaré être âgé de 56 ans et avoir fait des études secondaires et trois années de formation collégiale à l’intention des enseignants en Afrique orientale. Il n’a aucune formation en affaires. Il est marié et père de huit enfants âgés entre six mois et douze ans.

 

[5]             Il a identifié trois photos de sa résidence illustrant des lits superposés, un lit de bébé et la chambre des garçons. Son magasin était situé au 2192, rue Dundas Ouest, Toronto, où il vendait des viandes halal, du riz, du pain pita, des haricots et certains aliments en conserve. Il travaillait à cet endroit avec un autre employé.

 

[6]             La pièce A-2 a été déposée par consentement, à la condition qu’elle soit identifiée. En ce qui a trait aux aliments consommés par les membres de sa famille, il a déclaré qu’il les achetait chez Price Chopper, No Frills et Walmart parce que ça coûtait moins cher que d’acheter les provisions à son magasin. Il utilisait la carte de débit de son compte à la Banque de Montréal.

 

[7]             Son comptable a dressé une liste des dépenses faites dans ces commerces (voir l’onglet 2, pièce A-2). L’appelant était d’avis que les chiffres présentés étaient raisonnables et correspondaient à son relevé bancaire.

 

[8]             En contre-interrogatoire, il a dit ne pas avoir compilé les totaux, mais avoir examiné ses relevés bancaires et avoir identifié certains éléments. Les renseignements contenus à l’onglet 10 de la pièce A-1 ont été écrits de sa propre main. Il consignait des notes lorsqu’il faisait des dépôts une fois par mois. Il a déclaré que son beau-frère lui donnait de l’argent pour l’aider à subvenir aux besoins de sa famille. Il s’agissait de cadeaux pour lui et sa famille. Certains de ces cadeaux ont été indiqués à l’onglet 10, pièce A-1. Certains de ces montants ont été déposés dans son compte bancaire personnel à la Banque de Montréal alors que d’autres provenaient du compte bancaire de la Banque Royale du Canada.

 

[9]             Il faisait parfois des dépôts toutes les semaines ou toutes les deux semaines dans le compte à la Banque de Montréal. Il lui arrivait de déposer ces cadeaux dans son compte une ou deux fois par jour, à chaque semaine et à toutes les deux semaines. Les inscriptions que contient l’onglet 10 de la pièce A-2 ont toutes été faites à un moment différent.

 

[10]        Il a présenté ce document à l’Agence du revenu du Canada (« ARC »), mais pas au moment de la vérification. Il préparait ce genre de document tous les mois. Le document a été remis à son comptable, puis à l’ARC. Il a déclaré qu’il avait un carnet de notes pour corroborer ces chiffres, mais il ne l’a pas présenté à la Cour. Il a encore le carnet et les chiffres qui y figurent sont identiques à ceux figurant dans la pièce. Il se rappelait avoir reçu les cadeaux ainsi qu’il en est fait mention dans la pièce. Il a ensuite dit qu’il ne sait pas où se trouve le carnet de notes. Ce document a été présenté sous réserve de l’appréciation de sa valeur probante à l’instar de l’onglet 11, pièce A‑1.

 

[11]        L’appelant a déclaré que l’onglet 11, pièce A-1, était une photocopie de son calendrier original correspondant au mois de janvier 2007. Il s’agissait de sa propre écriture; il faisait des entrées tous les jours. Il a renvoyé au mardi 2 janvier, indiquant un montant de 250 $ et l’inscription [TRADUCTION] « magasin ». Ce montant n’a pas été déposé à la banque avant le 25 janvier, avec d’autres sommes d’argent. L’argent a été conservé dans un tiroir au magasin jusqu’à cette date. Rien ne pressait pour le déposer. Il servirait à payer des factures.

 

[12]        Les notes inscrites au calendrier ont été faites aux dates indiquées et aucun changement n’a été apporté après cette date. Certaines inscriptions ont été faites au crayon à mine, d’autres à l’encre. Le calendrier est conservé près de la caisse enregistreuse.

 

[13]        Un cadeau de 100 $ est indiqué le 26 février, mais il n’a été reçu que le 27.

 

[14]        Il a affirmé avoir inscrit une note le 1er mars 2007, afin de se rappeler qu’il devait se rendre à la banque à cette date-là. Cette inscription indiquait un dépôt de 800 $. Lorsqu’il s’est fait demander d’où provenait cet argent, il a affirmé l’avoir retiré du compte de la Banque Royale du Canada; il se souvenait de cela, mais il ne se souvenait pas de la date à laquelle il l’avait retiré.

 

[15]        Le 30 mars, il a mis 2 500 $ et d’autres sommes dans le tiroir qu’il a laissés là jusqu’au 2 avril, jour où il n’a déposé que 700 $ à la Banque de Montréal. Il déposerait le reste de l’argent à une date ultérieure.

 

[16]        Au 22 avril, il avait au moins 2 200 $ dans le tiroir fermé à clé. Il indique à l’occasion Banque de Montréal. Si aucune note n’est inscrite, c’est qu’il s’agit d’argent devant être déposé à la Banque de Montréal.

 

[17]        Il a laissé dormir 1 800 $ sur sa tablette et déposé seulement 800 $ dans le compte à  la Banque de Montréal. L’onglet 11, pièce A-2, a été admis en preuve sous réserve de l’appréciation de sa valeur probante. Les onglets 11 à 20 renfermaient divers documents et relevés dont certains ont été admis alors que certaines parties ne l’ont pas été.

 

[18]        L’onglet 20 correspondait au relevé bancaire du compte personnel détenu par Abdirahman Houssein à la Banque Royale. Diverses sommes ont été versées à l’appelant en provenance de ce compte à titre de cadeaux offerts par un membre de la famille pour aider la famille de l’appelant. Abdirahman lui a dit en 2005 qu’il les aiderait. En 2006, il leur a donné 9 000 $ et en 2007,  9 400 $.

 

[19]        En 2005, le frère de son épouse, Muktar Houssein, lui a parlé de leur situation financière et lui il a dit qu’il aiderait autant qu’il le pouvait.

 

[20]        Il n’a pas été en mesure de se présenter devant la Cour parce qu’il travaillait en Afrique. Sa sœur n’a pu venir parce qu’elle vivait en Alberta. Toutefois, ils lui ont tous deux fait des cadeaux en argent comptant.

 

[21]        Les cadeaux reçus d’Abdi, de Muktar et d’Elham ont principalement été déposés dans le compte bancaire de l’appelant à la Banque de Montréal.

 

[22]        L’onglet 21, pièce A-2, correspondait à une copie du compte bancaire de Muktar Houssein à Fort McMurray (Alberta) pour la période allant du 18 avril 2007 au 31 décembre 2007. Ce document a été produit afin de démontrer que les cadeaux provenaient de ce compte. Un document a aussi été produit pour le compte détenu par Elham Hussein. L’appelant a identifié divers montants provenant des deux comptes qui, a-t-il dit, représentaient des cadeaux qui lui ont été offerts par les détenteurs de ces deux comptes.

 

[23]        L’appelant a indiqué que son épouse ne pouvait pas se présenter devant la Cour aujourd’hui et qu’elle n’a rien à voir avec son entreprise.

 

[24]        L’appelant a présenté une lettre prétendument signée par sa belle-sœur, Elham Hussein, indiquant qu’elle a aidé la famille de l’appelant durant les années 2006 et 2007. Elle non plus ne pouvait pas se présenter devant la Cour.

 

[25]        L’onglet 9 correspondait à une lettre de Muktar Houssein indiquant qu’il avait lui aussi fourni une aide financière à l’appelant et à sa famille en 2007.

 

[26]        Ces documents ont tous été admis sous réserve de l’appréciation de leur valeur probante.

 

[27]        L’onglet 7, pièce A-1, correspondait à une lettre prétendument signée par Abdi Houssein, indiquant qu’il avait fourni une aide financière à l’appelant et à sa famille s’élevant jusqu’à 600 $ par mois en 2006, et qu’il avait aussi payé pour certains de leurs services publics.

 

[28]        Aux dires de l’appelant, Abdi est ingénieur et gagne environ 60 000 $ par année.

 

[29]        Pour ce qui est des coûts de fonctionnement du ménage, l’appelant a déclaré qu’ils achètent en vrac, cuisinent leurs propres repas, ne mangent pas dans les restaurants, achètent des aliments chez Walmart, Price Chopper et No Frills, plutôt que dans d’autres grandes épiceries parce que c’est moins cher.

 

[30]        Ils n’ont pas consommé de provisions provenant de leur propre magasin, sauf pour des achats de 1 880 $ en 2006 et de 900 $ en 2007. Ils ont reçu des crédits d’impôt pour enfants de 28 000 $ en 2006 et de 37 000 $ en 2007 qui ont été déposés dans son compte à la Banque Royale.

 

[31]        Il n’a pas eu le revenu non déclaré que l’Agence du revenu du Canada prétend qu’il a reçu. Il accepte les conclusions de son comptable.

 

[32]        En contre-interrogatoire, il a déclaré que son épouse était à l’étranger en 2007.

 

[33]        Il a identifié ses déclarations de revenus à lui pour les années 2006 et 2007 et a affirmé avoir fourni les renseignements et signé les déclarations. Il vend de la viande et des produits d’épicerie au magasin. Il accepte les paiements en espèces ou par carte de débit et l’argent est versé dans le compte de l’entreprise. Lorsque les membres de sa belle-famille viennent faire des achats dans son magasin, ils paient le prix de détail.

 

[34]        Le magasin faisait aussi des transactions pour Western Union en argent comptant ou à l’aide de la carte Interac. Sa belle-famille n’utilise pas les services offerts par Western Union à son magasin.

 

[35]        Il n’effectue pas ses retraits sur le compte de l’entreprise. Les dépenses de l’entreprise sont payées à l’aide du compte bancaire de l’entreprise à la Banque de Montréal. Il n’a jamais retiré d’argent comptant du compte de la Banque de Montréal, les seuls retraits étant faits par chèque. Mis à part le compte de l’entreprise, il détient quatre comptes personnels. 

 

[36]        Tous les cadeaux ont été faits en espèces sauf trois qui ont été faits à l’aide d’Interac.

 

[37]        Tous les cadeaux offerts par Elham et Muktar étaient sous forme d’argent comptant.

 

[38]        L’argent a été déposé dans son compte d’entreprise et il l’a ensuite retiré. Il travaille sept jours sur sept, douze heures par jour. Il travaille à la caisse, ainsi que l’employé, mais ce dernier ne s’occupe pas de l’argent dans la boîte.

 

[39]        Il verse un montant mensuel de 1 491 $ sur son hypothèque. En 2006, il comptait à son actif une valeur nette réelle de 70 000 $ sur sa propriété. Ses comptes personnels affichaient tous un solde positif et il n’a pas d’autres dettes.

 

[40]        Il n’a pas passé en revue chaque élément avec son comptable.

 

[41]        Au magasin, il a vendu pas mal de viandes halal. Lui et sa famille consomment des viandes halal. Il a admis que le paragraphe 9(q) de la Réponse constituait une liste exacte des marchandises qu’il vendait.

 

[42]        Il a huit enfants. À la maison, ils mangent des fruits et des légumes qu’ils achètent dans d’autres magasins. Ils ont consommé le type d’aliments qu’il vend au magasin, mais ceux-ci ont été achetés dans d’autres magasins où les prix étaient plus bas. Ses frères et sœurs se sont tous trois réunis à la fin de l’année 2006 et ont décidé de lui donner des cadeaux en argent. Vers le 5 ou le 6 décembre, ils lui ont dit qu’ils s’étaient réunis et avaient décidé de l’aider. Ils lui ont annoncé la nouvelle séparément.

 

[43]        Abdi lui a dit personnellement, en décembre 2005, alors qu’il était à la maison. Son épouse se trouvait à la maison, mais dans une autre pièce. Son épouse lui a dit qu’Abdi l’avait avisée du plan.

 

[44]        Il ignorait comment ils s’étaient rencontrés. Il ne leur avait pas demandé d’argent et ne leur avait pas dit qu’il en avait besoin, mais son épouse leur avait parlé des problèmes qu’ils avaient.

 

[45]        L’onglet 11, pièce A-1, correspondait à un calendrier que l’appelant conservait à titre de registre pour consigner ses dépôts. L’onglet 10 correspondait à un registre dans lequel étaient consignés ses retraits. L’appelant a affirmé qu’il faisait lui-même les inscriptions sur le calendrier figurant à l’onglet 11 de la pièce A-1, bien que son assistant y ait fait, semble-t-il, deux inscriptions les 7 et 14 novembre 2007.

 

[46]        Il est arrivé à l’épouse de Muktar de lui donner de l’argent. Il a admis ne pas toujours être sûr de savoir qui lui a donné de l’argent.

 

[47]        Lorsqu’il a eu besoin d’argent liquide, il est allé en retirer à la Banque Royale du Canada, puis l’a rangé dans son tiroir. Il a pris de l’argent dans le tiroir à des fins personnelles. Il a identifié comme suit les pièces : la pièce R-3 à titre de relevé bancaire du compte de l’entreprise pour la période se terminant le 31 janvier 2006, indiquant un solde d’ouverture de 36 958,63 $ au 31 décembre 2006; la pièce R‑4 indiquant un solde d’ouverture de 60 904,21 $ au 30 décembre 2007, et la pièce R‑5 indiquant un solde de fermeture de 76 067,04 $ au 31 décembre 2007.

 

[48]        Elham travaillait dans un centre d’appels en 2006 et en 2007, mais il ignorait le revenu de celle-ci. Il ignorait le salaire qu’avait gagné Muktar en 2005, en 2006 et en 2007.

 

[49]        En 2006, il a remis à son comptable l’ensemble de ses factures, relevés bancaires et lectures de la caisse enregistreuse, mais aucun chèque retourné. Il lui a remis une copie du calendrier qu’il conservait au magasin, indiquant l’argent qu’il a pris au magasin.

 

[50]        Il a dit au comptable qu’il prenait environ 150 $ par mois en produits d’épicerie du magasin, mais qu’il ignorait si celui-ci l’avait inclus dans sa déclaration de revenus. Il n’a pas questionné le comptable au sujet de sa déclaration.

 

[51]        L’appelant a commencé à exploiter le magasin avec un partenaire en 1995, puis il a pris les rênes seul en 2003. Depuis 1995, les ventes sont demeurées essentiellement les mêmes.

 

[52]        Les chiffres présentés au paragraphe 13 de la réponse, relativement au revenu d’entreprise net, sont exacts dans l’ensemble. Lorsqu’il a pris les rênes seul du magasin, son revenu n’a pas doublé, il a baissé.

 

[53]        Il a souscrit au paragraphe 14 de la réponse quant à la valeur de sa propriété, mais qu’il ne savait pas en ce qui concerne le paragraphe 16.

 

[54]        En réinterrogatoire, les pièces A-7 et A-8 ont été admises, sous réserve de l’appréciation de leur valeur probante. Ces documents concernaient une somme de 18 000 $US que l’appelant détenait soi-disant en fiducie pour sa cousine, Mme R. Nur. Cela a ensuite été retiré. Elle a des enfants, habite à quatre heures d’Ottawa et aurait de la difficulté à se présenter devant la Cour.

 

[55]        L’appelant a affirmé qu’il en avait parlé au vérificateur et lui avait donné une copie du chèque.

 

[56]        En ce qui a trait aux montants élevés indiqués dans les pièces R-3, R-4 et R-5, l’appelant a dit que Western Union leur accordait un plus long délai pour remettre les fonds et qu’un montant de 15 000 $ à 20 000 $ destiné à Western Union est demeuré dans son compte durant cette période.

 

[57]        Les autres soldes importants de 67 431,97 $ et 76 679 $ comportaient beaucoup d’argent appartenant à Western Union.

 

[58]        Lors de son témoignage, Abdi Houssein a déclaré qu’il était marié à la sœur de l’appelant. Il est détenteur d’un baccalauréat en science informatique ainsi que d’une maîtrise. Il est actuellement célibataire et travaille à titre d’analyste de systèmes et de technicien; son salaire annuel est de 75 000 $. En 2006 et en 2007, il n’avait aucune personne à charge.

 

[59]        Il a décidé de faire quelque chose pour aider la famille de l’appelant et en a discuté avec Muktar et sa sœur. Ils ont décidé de « faire ce qu’ils pouvaient pour aider ». Aucun montant n’a été discuté. Il a dit à l’appelant qu’ils l’aideraient au moyen de cadeaux. Il retire de l’argent dans des guichets automatiques et à l’aide de sa carte de débit et donne l’argent à l’appelant. Il a confirmé avoir signé la lettre figurant à l’onglet 7, pièce A-1, en date du 7 août 2009. Cette lettre indiquait qu’il a aidé l’appelant durant l’année 2006 en lui donnant au moins 600 $ par mois. Il a aussi payé certaines factures téléphoniques et énergétiques de l’appelant. En 2006 et en 2007, il a aussi payé le compte Internet de ce dernier qui s’élevait à 28 $ par mois.

 

[60]        Il a discuté de cette aide avec sa sœur.

 

[61]        En 2006, il a donné 9 600 $ à l’appelant et en 2007, il lui a donné plus de 9 000 $.

 

[62]        Il a identifié la pièce A-6 comme étant le relevé de son compte bancaire personnel à la Banque Royale à Toronto, pour la période du 1er janvier 2006 au 31 décembre 2007. Ses payes ont été déposées dans ce compte.

 

[63]        Les X inscrits sur cette pièce indiquent les montants qu’il a donnés à l’appelant durant cette période. Ces montants ne devaient pas être remboursés. Il a, à l’occasion, donné l’argent à sa sœur.

 

[64]        En contre-interrogatoire, il a dit que durant les années 2006 et 2007, il détenait un compte d’épargne et un compte chèques. Il avait trois employeurs et ceux-ci étaient ses seules sources de revenus. Il louait un appartement avec sa sœur et versait un loyer mensuel de 650 $. En 2006 et en 2007, il ne possédait aucune propriété ni voiture et il n’a assuré le soutien d’aucune autre personne.

 

[65]        C’est en 2010 qu’il a inscrit les X sur la pièce A-6, en faisant appel à sa mémoire.  Il n’a conservé aucun registre avant cela. Il a acheté de menus articles au magasin de l’appelant, mais n’a eu aucun escompte même s’il donnait au-delà de 7 000 $ à l’appelant. [traduction] « Aider faisait partie de notre tradition », a-t-il dit.

 

[66]        Il lui est souvent arrivé de remettre l’argent comptant à l’appelant directement au magasin ou chez lui, et ce, jusqu’à trois fois dans la même journée. En mars 2007, il a complètement vidé son compte en remettant à l’appelant 600 $ sur les 610 $ qui se trouvaient dans son compte. La plupart des gros retraits prélevés sur son compte correspondaient à de l’argent qu’il a donné à son beau-frère.

 

[67]        En 2005 et 2007, son salaire a été de 75 000 $ et de 60 000 $, respectivement. En 2006, il travaillait pour le compte de Staff Works Ltd. Il n’est pas certain d’avoir produit une déclaration de revenus pour 2006 et pour 2007, mais, normalement, il produit une déclaration tous les trois ou quatre ans.

 

[68]        Il a admis avoir touché des prestations d’assurance-emploi d’un montant de 23 562 $ en 2005. Durant l’année 2006, sa rémunération totale s’est élevée à 27 904 $.

 

[69]        Il a ensuite dit ne pas avoir déclaré tous ses revenus en 2006. Durant l’année 2007, il a touché un revenu de 60 000 $, mais a seulement déclaré 31 472 $. Il a dit qu’il n’a pas acheté de viande au magasin de l’appelant et que des frais de 151,50 $ peuvent correspondre à des appels téléphoniques.

 

[70]        Surendra Sharda était un comptable agréé qui exerçait sa profession depuis 50 ans. Il a été le comptable de l’appelant jusqu’à la fin de 2006 et c’est lui qui a préparé sa déclaration de revenus pour 2006. Son rapport reposait sur des consultations qu’il a eues avec l’appelant. Il a aussi pris en compte les avis de nouvelle cotisation. Il a examiné les relevés bancaires personnels de l’appelant et de son épouse ainsi qu’un compte détenu par Muktar Houssein et un compte détenu par Elham Hussein.  Ses principales préoccupations concernaient les revenus non déclarés et la déduction refusée pour le coût des marchandises vendues. Il n’a trouvé aucune erreur de tenue de livres et déclaré que les livres respectaient les principes comptables généralement reconnus.

 

[71]        Il n’a pas accepté les conclusions du ministre. Il a passé en revue les dépôts non communiqués. Il a affirmé que l’Agence du revenu du Canada n’a pas utilisé la méthode de cotisation fondée sur l’avoir net.

 

[72]        L’appelant s’est entendu avec Western Union pour que celle-ci ne prenne pas son argent au moment habituel, donc le solde dans le compte est souvent assez élevé.

 

[73]        Selon ce témoin, l’appelant lui a dit qu’il prenait 150 $ par mois en produits d’épicerie, à des fins personnelles. Il a constaté un montant de 8 196,21 $ pour des achats d’aliments à l’aide d’une carte de débit en 2006 et un montant de 5 217,34 $ en 2007. Le montant que l’appelant affirme avoir dépensé en une année semblait raisonnable puisqu’ils cuisinaient leurs propres repas.

 

[74]        Pour préparer son rapport, il s’est servi de l’historique de dépôts du compte qui figure à l’onglet 20, pièce A-2.

 

[75]        Les inscriptions marquées d’un « X » ont été identifiées par Abdi Houssein comme étant des sommes qu’il avait retirées et remises à l’appelant. Il s’est fié aux X comme étant exacts pour montrer d’où venaient ces sommes.

 

[76]        Le rapport du comptable figure à l’onglet 8, pièce R-2.

 

[77]        Il était convaincu de pouvoir expliquer la plupart des dépôts. Les principales sources de revenus de l’appelant étaient des retraits en espèces tirés des comptes, des cadeaux de proches et des prestations du gouvernement.

 

[78]        En contre-interrogatoire, il a dit qu’il avait reçu les documents vers le 12 mars 2012, peu avant la date du rapport, sauf pour ce qui est de la déclaration des activités de l’entreprise, de la déclaration de revenus de 2006 et de l’état des résultats des activités de l’entreprise.

 

[79]        Il n’a vu aucun document source pour les notes manuscrites figurant à l’onglet 10, pièce A-1.

 

[80]        Il a passé en revue les relevés bancaires de Mme Kalib, mais en les regardant, il ne pouvait pas savoir ce qui avait été acheté. Toutefois, les montants payés pour les produits d’épicerie ont semblé raisonnables en les circonstances. Les montants consacrés à l’épicerie incluaient les achats faits à l’aide de la carte de débit et les 150 $ par mois de provisions du magasin. Ce montant de 150 $ par mois n’a pas été comptabilisé dans les états financiers qu’il a préparés.

 

[81]        Le montant de 150 $ par mois ne serait pas raisonnable si l’on enlevait les achats faits chez Walmart.

 

[82]        Après juin 2007, il n’y avait aucun achat fait chez Price Chopper, Walmart et No Frills. Aucune dépense personnelle n’a été comptabilisée après juin 2007.

 

[83]        Il n’y avait aucun achat fait dans quelque magasin qui soit à l’aide de la carte de débit. Les sommes d’argent dépensées pour l’achat de produits d’épicerie devaient provenir d’une autre source.

 

[84]        Il s’est servi de l’information fournie par l’appelant aux fins de son analyse et de son rapport. Il y avait un retrait et un dépôt. Il n’a pas tenu compte du fait que du  temps s’était écoulé entre le dépôt et le retrait.

 

[85]        Il a tenu pour acquis que les montants désignés comme étant des cadeaux de Muktar ont été offerts par celui-ci à l’appelant en argent comptant.

 

[86]        Il a été informé que le montant de 500 $ indiqué comme étant retiré du compte de Muktar à Fort McMurray était le même montant que celui déposé quatre jours plus tard dans le compte de l’appelant. C’est l’appelant qui lui a dit cela. Il ne lui a pas dit de quelle manière le montant a été remis. L’information dont il disposait au sujet des retraits effectués du compte bancaire provenait du carnet de notes de l’appelant.

 

[87]        Il a été porté à l’attention du comptable qu’il y avait deux opérations le même jour dans le compte de la BRC et celui de la BMO qui ne concordent pas.

 

[88]        Il a admis qu’il y avait deux inscriptions incorrectes dans son rapprochement. L’inscription du 20 novembre était incorrecte. Ces montants ne figurent pas dans le compte de la BRC; ils ne pouvaient donc pas avoir constitué la source du dépôt au compte de la BMO.

 

[89]        Il a été souligné que le 23 octobre 2006, un cadeau de 1 200 $ n’était pas nécessaire puisque le solde du compte dépassait 10 000 $.

 

[90]        La Cour a fait observer au témoin qu’il serait étrange que l’appelant retire de l’argent d’un compte portant intérêt et le dépose dans un compte ne portant pas intérêt qui contenait déjà plus de 10 000 $. Aucun commentaire n’a été fait.

 

[91]        L’intimé a convoqué M. Jason Matires à témoigner. Il était vérificateur de l’impôt sur le revenu à l’ARC et occupait ce poste depuis quatre ans et demi.

 

[92]        Il a présenté la pièce R-6 qu’il avait créée, a-t-il dit, à l’aide des dossiers de l’ARC. Ce document montrait le revenu déclaré pour Abdi Houssein pour les années 2005, 2006 et 2007. Il a également identifié la lettre en date du 28 août 2009 que l’appelant lui avait adressée. Cette lettre fait allusion aux sommes d’argent que les cinq beaux-frères auraient offertes à l’appelant.

 

[93]        Il a examiné deux rubans de caisse enregistreuse que l’appelant lui a fournis, mais ne s’est pas fié à ceux-ci. Il a choisi des inscriptions pour une période deux mois à des fins de vérification. Il n’y avait pas de rubans pour un certain nombre de jours, et les chiffres apparaissant sur les rubans ne concordaient pas avec le sommaire préparé par le contribuable. Il n’a pas tenu compte des articles non taxables et des virements entre des comptes. Les ventes déclarées par le contribuable étaient moins élevées que celles indiquées par les dépôts. Il a aussi préparé une analyse des dépôts qui figure à l’onglet 9, pièce R-2.

 

[94]        Le contribuable lui a dit qu’il avait déposé dans le compte bancaire toutes les rentrées d’argent du commerce et rentrées sur cartes de crédit. Le témoin a déduit des sommes déposées toutes celles payables à Western Union. La TPS déclarée par le contribuable n’incluait pas les montants contenus dans l’analyse de la BMO. Le témoin les a inclus. Il y avait des dépôts non identifiés qui n’étaient pas des montants non imposables. Un écart a été observé entre les ventes déclarées et les dépôts inexpliqués. Il a calculé le total de dépôts dans le compte de l’entreprise après avoir soustrait la TPS et l’argent payable à Western Union. Il a additionné les dépôts inexpliqués dans les comptes personnels et a comparé le montant ainsi obtenu au revenu d’entreprise déclaré. Les dépôts bancaires inexpliqués du contribuable s’élevant à 28 490,87 $ ont été établis comme étant un revenu non déclaré pour l’année 2007, au titre du paragraphe 9(1) de la Loi.

 

[95]        Il a aussi réalisé, en procédant de la même manière, une analyse des dépôts pour l’année 2006, qui figure à l’onglet 10, pièce R-1. Les dépôts inexpliqués dans les livres du contribuable en 2006, qui s’élevaient à 29 624,37 $, ont été établis comme étant un revenu non déclaré au titre du paragraphe 9(1) de la Loi.

 

[96]        Une période de temps a été accordée au contribuable pour répondre au rapport.

 

[97]        Il a parlé d’un dépôt de 1 000 $ qui a été effectué le 31 janvier 2006 dans le compte à la Banque de Montréal, mais a soutenu qu’il n’existait aucun renseignement quant à la provenance de l’argent.

 

[98]        Il a préparé le plan proposé qui figure à l’onglet 1, pièce A-1, accompagné de ses feuilles de travail de vérification.

 

[99]        Il a reçu un affidavit dans lequel des proches affirmaient avoir fait des cadeaux à l’appelant, ainsi que des copies des relevés des comptes bancaires détenus par ceux‑ci.

 

[100]   Il a aussi préparé le document qui figure à l’onglet 11, pièce R-1, soit l’explication fournie par le contribuable au sujet des dépôts non identifiés. Dans ce document, il a conclu que les montants des retraits ne correspondaient pas à ceux apparaissant dans les comptes bancaires du contribuable.

 

[101]   Il n’a fait aucun rajustement pour les cadeaux offerts par les proches.

 

[102]   Il a préparé un document similaire (onglet 12, pièce A-2) pour l’explication fournie par le contribuable au sujet des dépôts non identifiés concernant l’année 2007.

 

[103]   Lors de la première entrevue, l’appelant lui a dit que tout l’argent qu’il recevait au magasin était déposé dans le compte de l’entreprise.

 

[104]   La pièce R-3, qui correspond au relevé bancaire de l’entreprise au 31 janvier 2006, est un document qu’il a examiné. C’était le seul relevé pour l’entreprise. Il a également examiné le relevé bancaire de l’entreprise pour l’année 2007.

 

[105]   Il a déclaré qu’aucun virement n’a été fait du compte de l’entreprise aux comptes personnels et qu’aucun retrait n’avait été fait sur le compte de l’entreprise. Il n’y avait aucun retrait pour des frais de subsistance.

 

[106]   Les montants mentionnés par l’appelant et indiqués à l’onglet 18, de la pièce R‑1 n’ont jamais été déclarés à titre de ventes parce qu’il s’agissait de dépôts effectués dans des comptes personnels.

 

[107]   Il n’a pas trouvé d’autres montants dans les autres comptes du contribuable qui correspondaient aux montants non identifiés. Il a réduit la déduction refusée pour le coût des marchandises vendues.

 

[108]   Il a préparé le relevé du stock d’ouverture et de clôture (onglet 14, pièce R‑2). Le document résume son rajustement des stocks et les achats effectués à des fins de consommation personnelle.

 

[109]   Il a présenté un montant conservateur pour la consommation personnelle de marchandises du magasin par le contribuable.

 

Argumentation présentée pour le compte de l’appelant

 

[110]   L’avocat a décrit l’appelant comme étant une personne simple, non  sophistiquée. Il était propriétaire d’une petite entreprise; il n’avait pas fait d’études poussées et n’avait pas de formation en affaires. Il gagnait un revenu modeste et avait une grosse famille composée d’une épouse et de huit enfants.

 

[111]   Le vérificateur a fondé son analyse du coût de la vie sur trois adultes et non pas sur une famille de dix personnes.

 

[112]   L’appelant a fait des emplettes dans des magasins désignés, il a préparé ses propres repas et sa famille lui a fourni une aide financière. Son comptable a calculé, au moyen de reçus de carte de crédit, le montant total des achats qu’il a effectués dans ces magasins. Le témoignage de l’appelant ainsi que celui de son vérificateur devraient être acceptés.

 

[113]   En 2007, la famille de l’appelant a passé six mois à l’étranger. L’appelant a admis qu’il prenait 150 $ par mois en produits d’épicerie dans son magasin, à des fins personnelles. L’ARC est arrivée à une conclusion différente.

 

[114]   L’avocat a décrit Abdi comme étant une personne sincère bien qu’il ait admis avoir déclaré un revenu inférieur à celui qu’il avait gagné. Au cours des périodes pertinentes, il n’était pas marié, n’avait pas de voiture ni de personnes à charge, il faisait partie d’une famille très unie, et il a fait des cadeaux à la famille de l’appelant.

 

[115]   La Cour n’est pas tenue de conclure que c’était « tout ou rien » en ce qui a trait aux cadeaux qu’il a offerts à l’appelant. Ce dernier a reçu de gros montants d’argent du gouvernement, il a déclaré un revenu, il y a eu des virements entre comptes bancaires, ce qui répond aux questions soulevées dans les allégations du ministre.

 

[116]   Une partie de l’argent a été déposée dans des comptes bancaires personnels; mais ces montants, aux dires de M. Sharda, correspondaient à ceux que l’appelant était en droit de retirer de l’entreprise.

 

[117]   En ce qui concerne les pénalités, le fardeau de la preuve incombe à la Couronne.

 

[118]   L’appelant a pris des marchandises correspondant à un montant total de 1 800 $ en 2006 et  d’environ 900 $ en 2007 dans son magasin, mais M. Sharda a omis d’inclure ces montants dans ses calculs. L’appelant s’est fié à son expertise.

 

[119]   Les montants de revenu déclaré n’étaient pas élevés. Ils représentaient un faible pourcentage du montant des ventes.

 

[120]   Il a invoqué l’affaire  Reshad Omer s/n Kabul Auto Sell c. Sa Majesté la Reine, 2009 CCI 158, 2009 DTC 1118, à titre de cas similaire à celui en l’espèce. Dans cette affaire-là, la Cour a conclu que la conduite du contribuable, malgré un manque de diligence raisonnable, n’avait pas démontré de faute lourde, parce que le revenu non déclaré concerné ne représentait qu’un faible pourcentage du revenu brut du contribuable, et que le fait pour le contribuable d’avoir omis de tenir des registres adéquats, sans plus, était insuffisant pour justifier une conclusion de faute lourde. Dans cette affaire, les pénalités ont été supprimées.

 

[121]   L’avocat a également invoqué l’affaire Lucien Venne c. Sa Majesté la Reine, 84 DTC 6247 (C.F. 1re inst.), où la Cour n’était pas convaincue que le contribuable avait commis une faute lourde. Dans la même veine, l’avocat a invoqué l’affaire Sunny J. Docherty c. Sa Majesté la Reine, 2010 CCI 45, 2010 DTC 1063, où la Cour a estimé que la contribuable avait fourni une preuve suffisante pour justifier les fonds qu’elle avait reçus. Dans cette affaire-là, la contribuable comptait sur les cadeaux reçus de la famille et d’amis.

 

[122]   L’appel devrait être accueilli.

 

Argumentation présentée pour le compte de l’intimée

 

[123]   L’avocat de l’intimée a prétendu que la méthode qui a été utilisée ici était la méthode modifiée de cotisation fondée sur l’avoir net et que le recours à cette méthode était justifié. Comme dans l’affaire Wang c. Canada, 2008 CCI 308, 2008 DTC 4303, il s’agissait d’une entreprise qui faisait des affaires au comptant. Le vérificateur a examiné les rubans et les a comparés à ceux présentés par le contribuable, et ces rubans étaient contradictoires.

 

[124]   L’examen du vérificateur visait à relever les dépôts effectués dans les comptes bancaires. S’il y avait une explication raisonnable quant à la raison pour laquelle les dépôts n’étaient pas imposables, ils ont été exclus.

 

[125]   Les ventes non déclarées étaient en réalité attribuables à la consommation à des fins personnelles.

 

[126]   En utilisant la méthode fondée sur l’avoir net, nous ne changeons pas le fardeau de la preuve. Le contribuable doit démolir les conclusions du ministre selon lesquelles le revenu découvert était un revenu imposable. Voir la décision Lacroix c. Canada, 2008 CAF 241, 302 D.L.R. (4th) 372. La question qu’il faut poser au sujet de l’examen du contribuable est la suivante : la preuve présentée par l’appelant était‑elle crédible et l’explication l’est-elle?

 

[127]   L’appelant et son beau-frère étaient les deux principaux témoins en l’espèce. Il n’est pas nécessaire d’accepter la preuve qu’ils ont présentée, comme l’a décidé la Cour dans de la décision Lacroix, au paragraphe12. Voir en outre la décision Dao c. Canada, 2010 CCI 84, 2010 DTC 1086, où la Cour a conclu que le contribuable n’a pas produit les « éléments de preuve précis et convaincants nécessaires qu’appelle la contestation d’une cotisation fondée sur la valeur nette ».

 

[128]   Le moment venu d’examiner les explications fournies lors du témoignage à la lumière du sens commun, cela donne-t-il à penser que le témoignage est impossible ou hautement improbable?

 

[129]   L’appelant a déclaré qu’ils consommaient seulement 150 $ par mois en produits d’épicerie du magasin, alors que le ministre a établi un montant de 150 $ par semaine. Lequel était crédible? Il y avait huit enfants et deux adultes. Les cartes de débit de l’autre magasin n’ont pas montré que les dépenses correspondaient à des produits d’épicerie. Par ailleurs, la famille consommait le type d’aliments vendus au magasin. Était-il crédible que l’appelant et sa famille n’aient pas consommé ce type de produits?

 

[130]   Même si M. Sharda a été informé que l’appelant consommait des produits du magasin représentant 150 $ par mois, il ne l’a pas inclus dans son rapport.

 

[131]   Cet énoncé n’est pas logique puisque sa famille s’agrandissait et que le montant déclaré restait pourtant le même. Il n’y avait aucune preuve attestant des prix dans les autres magasins des produits que l’appelant vendait à son magasin.

 

[132]   Lorsque la famille de l’appelant est partie en 2007, il n’y a plus eu d’achats effectués dans d’autres magasins. Par conséquent, l’appelant prenait des aliments dans son magasin ou utilisait les fonds de son magasin. M. Sharda a cessé d’utiliser le chiffre de 150 $ après juin 2007. Ces actions n’étaient pas crédibles.

 

[133]   Le montant présenté par le ministre était plus réaliste même en tenant compte des montants prétendument consacrés aux achats dans les autres magasins.

 

[134]   Il y avait des dépôts bancaires non identifiés. Selon l’explication donnée par l’appelant, ils provenaient de retraits au comptant effectués au magasin, de cadeaux offerts par des proches et de virements entre comptes.

 

[135]   M. Sharda a dit que l’appelant avait pris dans le compte du magasin moins d’argent que ce à quoi il avait droit, mais que le ministre a examiné les autres comptes et non celui du magasin. Cela signifie que le montant a été sous-estimé lorsque les fonds vont dans le compte du magasin.

 

[136]   Au moment de témoigner, M. Sharda a déclaré qu’il pouvait effectuer le rapprochement des virements même si les chiffres ne concordaient pas. Dans trois comptes différents que nous avons examinés, pour lesquels le rapprochement des virements a été effectué aux dires de M. Sharda, celui-ci n’a pas été en mesure de repérer les chiffres correspondants sur les relevés bancaires. La preuve concernant les virements entre comptes n’était pas crédible.

 

[137]   La preuve était contradictoire quant aux cadeaux offerts par des proches. En cour, l’appelant a dit qu’il a reçu des cadeaux de trois parents : Abdi, Muktar et Elham. Pourtant, dans la pièce R-2, il a déclaré avoir reçu de l’argent de cinq parents. Il a ensuite dit que l’argent lui provenait par l’entremise de Muktar. La preuve n’était pas crédible.

 

[138]   L’appelant comptait à son actif une valeur nette réelle de 70 000 $ sur sa résidence. Au moment de la rencontre tenue entre les personnes qui allaient lui donner des cadeaux en argent, il y avait 37 000 $ dans son compte d’entreprise. Le changement apporté à la politique de Western Union de sorte qu’il pouvait remettre à une date ultérieure les fonds destinés à Western Union n’est survenu que plus tard. La pièce A-7, une comparaison des soldes bancaires au 31 décembre 2005, 2006 et 2007, préparée par M. Sharda, indique un solde bancaire de 45 141 $ dans les comptes personnels de l’appelant. L’avocat pose la question suivante : Était-il logique, en de telles circonstances, que ses frères et sœurs lui donnent des cadeaux en argent, ou qu’il les accepte? Aucune preuve fournie n’a donné à penser qu’Elham ou Muktar avaient de l’argent à donner.

 

[139]   Abdi recevait des prestations d’assurance-emploi à un moment où il a prétendument donné de l’argent à l’appelant. Aussi, comme il n’avait pas déclaré tous ses revenus, sa crédibilité pose problème. En 2005, Abdi touchait des prestations d’assurance-emploi et il a eu un revenu inférieur à 23 000 $. À un certain moment, Abdi a prétendument presque vidé son compte en banque pour donner des cadeaux en argent à l’appelant.

 

[140]   Abdi n’a jamais consigné le moment où il faisait des cadeaux, mais il est retourné en arrière, en 2010, et a préparé des notes à l’aide de relevés bancaires. Muktar a fait la même chose. Certains de ces retraits ont été faits à Fort McMurray.

 

[141]   Il est illogique qu’il ait personnellement apporté l’argent à Toronto puisque, selon les relevés, il s’est ensuite trouvé pendant plusieurs jours à Fort McMurray. L’appelant n’a pas démoli les hypothèses du ministre.

 

[142]   Il est impossible de croire que l’appelant retirerait l’argent du compte portant intérêt et le déposerait dans un compte ne portant pas intérêt dans lequel cet argent n’était pas nécessaire.

 

[143]   L’avocat a convenu que le fardeau de la preuve incombait au ministre en ce qui a trait aux pénalités. À cet égard, le revenu déclaré en partie et le faux témoignage au sujet du coût des marchandises vendues s’appliquent. L’explication fournie n’était pas crédible et, par conséquent, il devait exister une autre source de revenus.

 

[144]   Suivant la décision Lacroix, le ministre s’est acquitté du fardeau de la preuve qui lui incombait.

 

[145]   Rien n’indique que le contribuable ne contrôlait pas tous les aspects de l’entreprise ou qu’il ignorait l’existence d’un revenu non déclaré. Il n’a pas examiné les relevés.

 

[146]   Il y avait un grand écart entre les ventes brutes déclarées et les ventes réelles. Une grande partie du revenu n’a pas été déclarée. Le contribuable aurait dû être au courant.

 

[147]   En contre-preuve, l’avocat a déclaré que le virement de fonds d’un compte portant intérêt à un compte ne portant pas intérêt n’équivalait qu’à quelques sous par mois.

 

[148]   Le témoignage de M. Sharda relativement aux virements entre comptes a uniquement été contesté quant au montant de 2 400 $. Le reste de son témoignage devrait être retenu.

 

[149]   La valeur nette réelle sur la résidence que l’appelant comptait à son actif ne constituait pas un montant important compte tenu de la valeur de la propriété.

 

[150]   Les cadeaux en argent seraient arrivés par livraison exprès et cela n’aurait pas été long.

 

[151]   Abdi avait les moyens d’offrir ces cadeaux.

 

[152]   Les pénalités devraient être supprimées.

 

Analyse et décision

 

[153]   Le ministre a établi cette nouvelle cotisation à l’aide de ce qu’on a appelé la méthode modifiée de cotisation fondée sur l’avoir net. Lors de son examen, le vérificateur a examiné les rubans de la caisse enregistreuse et conclu qu’il ne pouvait pas s’y fier. Il a tenté d’effectuer le rapprochement des relevés bancaires et des ventes totales déclarées, mais n’a pas pu le faire. Il a préparé une analyse des dépôts dans l’espoir de les faire cadrer avec la déclaration du contribuable selon laquelle il avait déclaré toutes les rentrées de l’entreprise, mais il a été incapable de le faire.

 

[154]   Il a découvert dans le compte de l’entreprise un certain nombre de dépôts bancaires inexpliqués. Il a donné au contribuable la possibilité de répondre aux rapports, mais l’information qu’il a reçue s’est avérée insuffisante pour modifier son rapport de vérification. Comme dans l’affaire Wang, la Cour est encore une fois convaincue que la méthode de cotisation dont s’est servi le ministre en l’espèce était une méthode appropriée. Le contribuable, ici, a conservé des documents insuffisants, malgré l’indication de son comptable selon laquelle le système de tenue de livres utilisé par le contribuable respectait les principes comptables généralement reconnus. Essentiellement, il s’agissait dans ce cas-ci d’une entreprise faisant surtout des affaires au comptant, et les documents fournis par le contribuable « étaient contradictoires ». Des incohérences ont été observées dans les chiffres et les renseignements fournis par le contribuable.

 

[155]   Comme dans la décision Lacroix c. Canada, dans laquelle le ministre, comme c’est le cas en l’espèce, présume que le revenu constaté à l’aide de la méthode de cotisation fondée sur l’avoir net (modifiée ici) est un revenu imposable, il revient au contribuable de démolir cette présomption en s’appuyant sur une preuve crédible. Si celui-ci présente une preuve crédible permettant d’attester que le montant en question n’a pas le caractère de revenu, le ministre doit alors aller au-delà de sa présomption et déposer la preuve de l’existence de ce revenu.

 

[156]   En l’espèce, l’avocat de l’appelant prétend que le contribuable était une personne simple, non sophistiquée. La Cour conclut toutefois qu’il était une personne instruite qui avait un sens aigu des affaires et qui avait de l’expérience. Il était, ou aurait dû être, bien au courant du fait qu’il devait conserver des documents suffisants pour démontrer le total des ventes de même que le total des dépôts et leur source, et être en mesure de fournir une explication relativement à tout montant lui passant entre les mains.

 

[157]   À cet égard, en guise d’explication à savoir pourquoi il n’a pas consommé la valeur de marchandises présumée par le ministre, l’appelant a déclaré lors de son propre témoignage qu’il a seulement consommé 150 $ par mois en produits qu’il vendait à son magasin. Il n’a produit aucune preuve permettant de convaincre la Cour que son montant était exact et que celui du ministre était inexact. Quoi qu’il en soit, ni lui ni son comptable n’ont même déclaré le montant mensuel de 150 $ qu’il a affirmé avoir utilisé.

 

[158]   L’appelant a expliqué les dépôts injustifiés dans ses comptes en disant qu’il s’agissait de cadeaux offerts par ses proches. À l’appui de sa position, il n’a présenté aucun document source, mais a plutôt choisi de se fier à sa mémoire pour un certain nombre d’années et à celle d’Abdi Houssein, qui a identifié les dépôts bien des années plus tard d’après ses seuls souvenirs.

 

[159]   Il existait une indication selon laquelle cinq parents avaient offert des cadeaux monétaires à l’appelant; mais à l’instruction, l’appelant a essentiellement désigné trois de ces parents comme étant la source de ses fonds. Un seul de ces derniers a témoigné, et aucune preuve convaincante n’a été fournie quant à la raison pour laquelle les autres n’ont pas pu témoigner.

 

[160]   Les rapports de M. Sharda reposaient sur de l’information fournie par l’appelant et, à part les relevés bancaires, il n’a vu que quelques documents source, sinon aucun. Le revenu net d’Abdi Houssein ne semblerait pas avoir appuyé sa position selon laquelle il avait les moyens de donner 600 $ par mois à l’appelant pour aider celui-ci et sa famille.

 

[161]   En ce qui concerne la question de la crédibilité, il a été démontré qu’il n’a même pas déclaré de revenu pour certaines années et qu’il n’en a déclaré parfois qu’une partie.

 

[162]   De plus, rien n’a indiqué que Muktar, Elham, Omar ou Warsame étaient en mesure de fournir une aide, et aucun montant précis n’a été identifié en tant que montant venant d’eux.

 

[163]   Ainsi qu’il est indiqué dans la décision Nichols c. Canada, 2009 CCI 334, 2009 DTC 1203, en matière de crédibilité, la Cour peut tenir compte de différentes choses, notamment des faiblesses que comporte le témoignage des témoins ou des incohérences dans leur témoignage. La Cour doit apprécier l’attitude et le comportement du témoin et chercher à découvrir si le témoin a des raisons d’être imprécis ou malhonnête. Elle doit finalement tenir compte de la preuve dans son ensemble, à la lumière du sens commun et se poser la question à savoir si la preuve est raisonnable, impossible ou hautement improbable.

 

[164]   L’appréciation de la crédibilité, en l’espèce, a joué un rôle important dans la décision de la Cour compte tenu de la quasi-absence de toute preuve de l’existence de documents source ou de toute preuve indépendante permettant de corroborer la preuve de l’appelant et de son parent qui a témoigné. Compte tenu de l’ensemble de la preuve produite et de ce que j’ai dit plus haut, je n’accorde que très peu de valeur probante aux témoignages livrés par les deux témoins et absolument aucune valeur aux déclarations présentées par les parents qui n’ont pas témoigné. Comme la Cour l’a déclaré dans la décision Lacroix, « À cet égard, je souligne immédiatement que les tribunaux ne sont pas tenus de croire les témoins, même s’ils ne sont pas contredits. Leur version peut être invraisemblable par suite des circonstances révélées par la preuve ou par suite des règles du bon sens ». Il en est ainsi en l’espèce.

 

[165]   La Cour n’est pas convaincue que l’appelant a réussi à réfuter les présomptions du ministre et estime que l’appelant n’a pas fourni assez d’explications à savoir d’où provenaient les dépôts inexpliqués.

 

[166]   Les appels sont rejetés et les nouvelles cotisations du ministre sont ratifiées.

 

[167]   En ce qui a trait aux pénalités, en raison du revenu déclaré en moins et du coût inexact des marchandises vendues par l’appelant, qui ont tous deux été établis adéquatement par le ministre, et compte tenu de la source de revenus inexpliquée observée dans les dépôts bancaires, la Cour est convaincue que le ministre s’est acquitté du fardeau de la preuve qui lui incombait au titre du paragraphe 163(2) de la Loi, et les pénalités sont confirmées.

 

       Les présents motifs du jugement modifiés remplacent les motifs du jugement modifiés du 15 mai 2013.

 

          Signé à New Glasgow (Nouvelle-Écosse), ce 28e jour de juin 2013.

 

 

 

« T.E. Margeson »

Margeson J.

 

Traduction certifiée conforme

ce 19e jour de juillet 2013.

 

C. Laroche


RÉFÉRENCE :                                 2013 CCI 134

 

NOS DES DOSSIERS DE LA COUR : 2011-2739(IT)I et 2011-2740(IT)I

 

INTITULÉ :                                      ISMAIL KALIB et

                                                          SA MAJESTÉ LA REINE

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                Toronto (Ontario)

 

DATES D’AUDIENCE :                  Le 4 avril 2012, et les 3 et 4 décembre 2012

 

MOTIFS DU JUGEMENT :             L’honorable juge T.E. Margeson

 

DATE DU JUGEMENT :                 Le 30 avril 2013

 

DATE DES MOTIFS DU

JUGEMENT MODIFIÉS :             Le 28 juin 2013

 

COMPARUTIONS :

 

Avocat de l’appelant :

Me Howard J. Alpert

Avocat de l’intimée :

Me Christopher Bartlett

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

       Pour l’appelant :

 

                          Nom :                     Howard J. Alpert

 

                            Cabinet :               Alpert Law Firm

                                                          Toronto (Ontario)

 

       Pour l’intimée :                          William F. Pentney

                                                          Sous-procureur général du Canada

                                                          Ottawa, Canada

 

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