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Date: 20010924

Dossier: 2001-860-IT-I

ENTRE :

PIERRE BOURGEOIS,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

Motifsdu jugement

(Prononcés oralement sur le banc le 31 juillet 2001 à Montréal (Québec) et révisés à Ottawa (Ontario) le 24 septembre 2001)

La juge Lamarre, C.C.I.

[1]            L'appelant en appelle de cotisations établies par le ministre du Revenu national (" Ministre ") pour les années d'imposition 1997, 1998 et 1999 par lesquelles :

1)              le Ministre a ajouté au revenu de l'appelant une somme de 17 707,33 $ que l'appelant a reçu en 1999 à titre de prestation d'invalidité de la Régie des Rentes du Québec, lequel montant incluait un montant forfaitaire qui s'appliquait aux années 1997 et 1998, et que l'appelant n'avait pas inclus dans ses revenus. Le Ministre a étalé l'imposition de cette somme sur les trois années d'imposition 1997, 1998 et 1999 en appliquant la méthode d'imposition permise par l'article 120.3 de la Loi de l'impôt sur le revenu (" Loi ").

2)                le Ministre a refusé le crédit d'impôt pour déficience mentale ou physique réclamé par l'appelant pour ces trois années.

[2]            L'appelant explique que de la somme de 17 707,33 $ qui lui a été accordée à titre de prestation d'invalidité, une somme de 8 538,39 $ a été retenue par le gouvernement du Québec en remboursement du montant que l'appelant avait reçu en trop en prestations d'assistance sociale. L'appelant demande donc de réduire le montant imposable de la prestation d'invalidité de ce montant ainsi remboursé.

[3]            Il ressort des avis de cotisation établis pour les années d'imposition 1997 et 1998, déposés en preuve sous les pièces A-1 et A-2, que l'appelant a d'abord inclus mais par la suite déduit ces prestations d'assistance sociale dans le calcul de son revenu imposable, faisant en sorte qu'il n'a pas eu à payer d'impôt sur ces prestations d'assistance sociale, tel que cela est permis par les alinéas 56(1)u) et 110(1)f) de la Loi.

[4]            Le montant de la prestation d'invalidité est totalement imposable aux termes de l'alinéa 56(1)a) de la Loi. Bien qu'une partie du montant de la prestation d'invalidité ait servi à rembourser les prestations d'assistance sociale reçues en trop par l'appelant, ceci n'est pas une raison pour réduire le montant imposable de la prestation d'invalidité. D'une part, la façon dont on dispose d'un revenu ne doit pas affecter l'imposition d'un revenu par ailleurs imposable aux termes de la Loi. D'autre part, l'appelant n'a eu à assumer aucun fardeau fiscal sur ces prestations d'assistance sociale.

[5]            Par ailleurs, le bénéficiaire de cette prestation d'invalidité peut faire le choix d'étaler le montant de cette prestation sur les années d'imposition antérieures auxquelles elle se rapporte. C'est ce que le Ministre a fait dans ces cotisations, à l'avantage de l'appelant.

[6]            Je considère donc qu'en ce qui regarde la prestation d'invalidité, les montants cotisés sont valides.

[7]            En ce qui concerne le crédit pour déficience mentale ou physique, je considère que la preuve démontre, selon la prépondérance des probabilités, l'existence d'une déficience mentale grave et prolongée dont les effets sont tels que la capacité du particulier d'accomplir une activité courante de la vie quotidienne (à savoir percevoir, réfléchir et mémoriser) est limitée de façon marquée depuis le mois de mars 1995, au sens des articles 118.3 et 118.4 de la Loi.

[8]            En effet, le docteur Louis Gaborit, psychiatre, fait référence, dans le certificat médical produit sous la pièce I-1, à une limitation marquée permanente depuis le mois de mars 1995 attribuable à un trouble majeur de la personnalité avec traits schizoïdes et antisociaux entravant considérablement le fonctionnement ordinaire et l'utilisation des fonctions cognitives. Le docteur Gaborit n'a pas répondu à la question 9 de la Partie B du certificat médical (à savoir est-ce que la déficience est suffisamment grave pour limiter en tout temps ou presque l'activité essentielle de la vie quotidienne, même si le patient prend des médicaments ou suit une thérapie). Toutefois, je considère que la lettre du docteur Maurilio Villota, neurologue, déposée sous la pièce A-6, mettant en évidence une dysfonction lente, provenant des centres régulateurs sous-corticaux et la lettre du docteur Gaborit (pièce A-7) qui divulgue un trouble de personnalité schizotypique pouvant compromettre sa sécurité et celle d'autrui, viennent compléter le certificat médical et attestent suffisamment d'une déficience mentale donnant droit à un crédit d'impôt aux termes de la Loi.

[9]            La déficience mentale a été analysée par le juge Bowman de cette Cour comme suit dans l'affaire Radage c. Canada, [1996] A.C.I. no 730 (Q.L.), au paragraphe 46 de la version française :

Enfin, il faut considérer - et c'est le principe le plus difficile à formuler - les critères à employer pour en arriver à déterminer si la déficience mentale est d'une telle gravité que la personne a droit au crédit, c'est-à-dire que la capacité de cette personne de percevoir, de penser et de se souvenir est limitée de façon marquée au sens de la Loi. Il n'est pas nécessaire que la personne soit complètement automate ou dans un état anoétique, mais la déficience doit être d'une gravité telle qu'elle imprègne et affecte la vie de la personne au point où cette dernière est incapable d'accomplir les activités mentales permettant de fonctionner d'une manière autonome et avec une compétence raisonnable dans la vie quotidienne.

[10]          Je considère donc que l'appelant a fait la preuve qu'il souffre d'une déficience mentale d'une gravité telle qu'elle imprègne et affecte sa vie au point où il est incapable d'accomplir les activités mentales permettant de fonctionner avec une compétence raisonnable dans la vie quotidienne.

[11]          Par ailleurs, je suis d'avis que la condition préalable de la Loi exigeant l'attestation par un médecin d'une déficience grave et prolongée chez l'appelant, tel que soulevé dans l'affaire MacIsaac c. Canada, [1999] A.C.F. no 1898, afin d'obtenir un crédit d'impôt pour déficience mentale ou physique a été respectée dans les circonstances.

[12]          Pour ces raisons, je suis d'avis d'accorder le crédit pour déficience mentale ou physique pour les années d'imposition 1997, 1998 et 1999, lesquelles sont en litige devant moi.

[13]          Les appels des cotisations établies en vertu de la Loi pour les années d'imposition 1997, 1998 et 1999 sont donc admis et les cotisations sont déférées au Ministre pour nouvel examen et nouvelles cotisations en tenant pour acquis que l'appelant avait droit à un crédit pour déficience mentale ou physique pour chacune de ces années, conformément à l'article 118.3 de la Loi. En tout autre aspect, les cotisations demeurent inchangées.

Signé à Ottawa, Canada, ce 24e jour de septembre 2001.

" Lucie Lamarre "

J.C.C.I.

No DU DOSSIER DE LA COUR :        2001-860(IT)I

INTITULÉ DE LA CAUSE :                                 Pierre Bourgeois c. La Reine

LIEU DE L'AUDIENCE :                      Montréal (Québec)

DATE DE L'AUDIENCE :                    le 31 juillet 2001

MOTIFS DE JUGEMENT PAR :         l'honorable juge Lucie Lamarre

DATE DU JUGEMENT :                      le 31 juillet 2001

et révisé le 24 septembre 2001

COMPARUTIONS :

Pour l'appelant(e) :                               L'appelant lui-même

Pour l'intimé(e) :                                    Me Stéphanie Côté

AVOCAT(E) INSCRIT(E) AU DOSSIER :

Pour l'appelant(e) :

                                Nom :                      

                                Étude :                    

Pour l'intimé(e) :                                    Morris Rosenberg

                                                                                Sous-procureur général du Canada

                                                                                Ottawa, Canada

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