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Dossier : 2012-457(EI)

ENTRE :

JAMIE MICHAUD,

appelant,

et

 

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimé.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

 

Appel entendu le 16 mai 2013, à Edmundston (Nouveau-Brunswick),
avec l’appel de Grand Falls Roofing Inc.
(Maurice Michaud) (2012-440(EI))

 

Devant : L’honorable juge François Angers

 

Comparutions :

 

Représentant de l’appelant :

 

Léonide Madore

Avocat de l’intimé :

Me Jan Jensen

 

 

JUGEMENT

          L’appel interjeté en vertu de la Loi sur l’assurance-emploi est rejeté, conformément aux motifs du jugement ci-joints.

 

Signé ce 1er jour d’août 2013.

 

« François Angers »

Juge Angers

Traduction certifiée conforme

ce 27e jour de septembre 2013.

 

Claude Leclerc, LL.B.


 

 

 

 

Dossier : 2012-440(EI)

ENTRE :

GRAND FALLS ROOFING INC.
(MAURICE MICHAUD),

appelante,

et

 

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimé.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

 

Appel entendu le 16 mai 2013, à Edmundston (Nouveau-Brunswick),
avec l’appel de Jamie Michaud (2012-457(EI))

 

Devant : L’honorable juge François Angers

 

Comparutions :

 

Représentant de l’appelante :

 

Léonide Madore

Avocat de l’intimé :

Me Jan Jensen

 

 

JUGEMENT

          L’appel interjeté en vertu de la Loi sur l’assurance-emploi est rejeté, conformément aux motifs du jugement ci-joints.

 

Signé ce 1er jour d’août 2013.

 

« François Angers »

Juge Angers

Traduction certifiée conforme

ce 27e jour de septembre 2013.

 

Claude Leclerc, LL.B.


 

 

 

 

Référence : 2013 CCI 245

Date : 20130801

Dossiers : 2012-457(EI)

2012-440(EI)

ENTRE :

JAMIE MICHAUD et
GRAND FALLS ROOFING INC.
(MAURICE MICHAUD),

appelants,

et

 

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimé.

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

MOTIFS DU JUGEMENT

 

Le juge Angers

[1]             Les deux appels ont été entendus sur preuve commune. Les appelants interjettent appel d’une décision du ministre du Revenu national (le « ministre ») selon laquelle Jamie Michaud (le « travailleur ») n’a pas exercé un emploi assurable au cours des périodes s’étendant du 11 mai au 5 décembre 2008, du 2 mai au 4 décembre 2009 et du 3 mai au 17 décembre 2010 (les « périodes ») car l’appelant Jamie Michaud et l’appelante Grand Falls Roofing Inc. (le « payeur ») entretenaient entre eux un lien de dépendance, au sens de l’alinéa 5(2)i) de la Loi sur l’assurance-emploi (la « Loi »).

[2]             Au cours des périodes en question, le travailleur a exercé un emploi auprès de l’employeur aux termes d’un contrat de louage de services, au sens de l’alinéa 5(1)a) de la Loi. Comme les deux sont liés, ils sont réputés avoir un lien de dépendance et, de ce fait, l’emploi n’était pas assurable parce qu’il était exclu aux termes de l’alinéa 5(2)i) de la Loi. Pour l’application des alinéas 5(2)i) et 5(3)b), le payeur et le travailleur sont réputés ne pas avoir de lien de dépendance si le ministre est convaincu que, compte tenu de toutes les circonstances, ils auraient conclu entre eux un contrat de travail à peu près semblable s’ils n’avaient pas eu de lien de dépendance.

[3]             Les dispositions législatives applicables sont les suivantes :

5. (1) Sens de « emploi assurable » – Sous réserve du paragraphe (2), est un emploi assurable :

a) l’emploi exercé au Canada pour un ou plusieurs employeurs, aux termes d’un contrat de louage de services ou d’apprentissage exprès ou tacite, écrit ou verbal, que l’employé reçoive sa rémunération de l’employeur ou d’une autre personne et que la rémunération soit calculée soit au temps ou aux pièces, soit en partie au temps et en partie aux pièces, soit de toute autre manière;

[...]

5. (2) Restriction – N’est pas un emploi assurable :

[...]

i) l’emploi dans le cadre duquel l’employeur et l’employé ont entre eux un lien de dépendance.

5. (3) Personnes liées – Pour l’application de l’alinéa (2)i) :

a) la question de savoir si des personnes ont entre elles un lien de dépendance est déterminée conformément à la Loi de l’impôt sur le revenu;

b) l’employeur et l’employé, lorsqu’ils sont des personnes liées au sens de cette loi, sont réputés ne pas avoir de lien de dépendance si le ministre du Revenu national est convaincu qu’il est raisonnable de conclure, compte tenu de toutes les circonstances, notamment la rétribution versée, les modalités d’emploi ainsi que la durée, la nature et l’importance du travail accompli, qu’ils auraient conclu entre eux un contrat de travail à peu près semblable s’ils n’avaient pas eu de lien de dépendance.

Loi de l’impôt sur le revenu

251. (1) Lien de dépendance – Pour l’application de la présente loi :

a) des personnes liées sont réputées avoir entre elles un lien de dépendance;

b) un contribuable et une fiducie personnelle (sauf une fiducie visée à l’un des alinéas a) à e.1) de la définition de « fiducie » au paragraphe 108(1)) sont réputés avoir entre eux un lien de dépendance dans le cas où le contribuable, ou une personne avec laquelle il a un tel lien, aurait un droit de bénéficiaire dans la fiducie si le paragraphe 248(25) s’appliquait compte non tenu de ses subdivisions b)(iii)(A)(II) à (IV);

c) en cas d’inapplication de l’alinéa b), la question de savoir si des personnes non liées entre elles n’ont aucun lien de dépendance à un moment donné est une question de fait.

(2) Définition de « personnes liées » –Pour l’application de la présente loi, sont des « personnes liées » ou des personnes liées entre elles :

a) des particuliers unis par les liens du sang, du mariage, de l’union de fait ou de l’adoption;

b) une société et :

(i) une personne qui contrôle la société si cette dernière est contrôlée par une personne,

(ii) une personne qui est membre d’un groupe lié qui contrôle la société,

(iii) toute personne liée à une personne visée au sous-alinéa (i) ou (ii);

c) deux sociétés :

(i) si elles sont contrôlées par la même personne ou le même groupe de personnes,

(ii) si chacune des sociétés est contrôlée par une personne et si la personne contrôlant l’une des sociétés est liée à la personne qui contrôle l’autre société,

(iii) si l’une des sociétés est contrôlée par une personne et si cette personne est liée à un membre d’un groupe lié qui contrôle l’autre société,

(iv) si l’une des sociétés est contrôlée par une personne et si cette personne est liée à chaque membre d’un groupe non lié qui contrôle l’autre société,

(v) si l’un des membres d’un groupe lié contrôlant une des sociétés est lié à chaque membre d’un groupe non lié qui contrôle l’autre société,

(vi) si chaque membre d’un groupe non lié contrôlant une des sociétés est lié à au moins un membre d’un groupe non lié qui contrôle l’autre société.

[4]             Pour rendre sa décision, le ministre s’est fondé sur les hypothèses de fait suivantes :

a)      le payeur exploite une entreprise de couverture, qui fournit des services de réparation de toiture ainsi que de pose de toitures nouvelles (l’« entreprise);

b)      le payeur s’est constitué en société le 26 septembre 2007;

c)      Maurice Michaud est l’unique actionnaire du payeur;

d)     avant le 26 septembre 2007, Maurice Michaud était l’unique propriétaire de l’entreprise;

e)      l’entreprise est de nature saisonnière et exécute habituellement ses activités de la fin d’avril jusqu’à la fin de novembre;

f)       lors de la saison d’activité, le payeur emploie en général sept ou huit travailleurs, répartis en deux équipes;

g)      l’appelant est le fils de Maurice Michaud;

h)      l’appelant travaille pour l’« entreprise » depuis 2001;

i)        l’appelant est aussi l’unique propriétaire de Michaud Roofing;

j)        lors des périodes visées par l’appel, l’appelant a travaillé exclusivement pour le payeur et n’a pas annoncé ses services professionnels;

k)      lors des périodes visées par l’appel, le payeur a engagé l’appelant comme superviseur : ses fonctions consistaient à superviser l’une des équipes sur divers chantiers, à comptabiliser les heures des travailleurs et à en rendre compte au payeur;

l)        l’appelant travaillait aussi avec les autres travailleurs; il s’occupait d’enlever les vieux bardeaux, d’effectuer des travaux de réparation et de poser de nouvelles toitures;

m)    lors des périodes visées par l’appel, le payeur décidait à quel travail chaque équipe était affectée;

n)      le payeur supervisait le travail accompli et inspectait les travaux terminés;

o)      l’appelant utilisait parfois les outils et le matériel du payeur et parfois les siens;

p)      dans ce type de secteur d’activité, les travailleurs se servent souvent de leurs propres outils;

q)      le payeur prenait toutes les décisions en matière d’embauche, et l’appelant n’embauchait pas d’aides ou d’employés;

r)       l’appelant ne pouvait pas refuser du travail du payeur; il devait exécuter toutes les tâches que le payeur lui confiait;

s)       lors des périodes visées par l’appel, l’appelant a touché un salaire hebdomadaire d’environ 900 $, payé par chèque;

t)       les autres travailleurs touchaient une rémunération de 17 $ ou de 18 $ l’heure;

u)      le taux horaire équivalent de l’appelant était supérieur de 2 $ à celui des autres travailleurs, pour tenir compte de ses responsabilités en tant que superviseur;

v)      au cours des années 2008, 2009 et 2010, le revenu que l’appelant a touché de l’emploi salarié qu’il exerçait auprès du payeur a été de 27 000 $, de 28 800 $ et de 29 700 $, respectivement;

w)    à compter de 2008, l’appelant a touché du payeur un revenu additionnel pour les [traduction] « travaux à la pièce »;

x)      les [traduction] « travaux à la pièce » consistaient à effectuer des travaux de réparation ou à poser de nouvelles toitures;

y)      l’appelant a exécuté en même temps les tâches de supervision et les [traduction] « travaux à la pièce »;

z)      les travailleurs du payeur ont aidé l’appelant à exécuter les [traduction] « travaux à la pièce »;

aa)   les autres travailleurs n’ont pas touché de rémunération additionnelle pour l’exécution des [traduction] « travaux à la pièce »;

bb)  avant 2008, les [traduction] « travaux à la pièce » étaient exécutés par un travailleur rémunéré à la semaine, qui ne touchait pas de rémunération additionnelle;

cc)   l’appelant a facturé au payeur les [traduction] « travaux à la pièce »;

dd) le montant facturé pour les [traduction] « travaux à la pièce » était fondé sur un nombre de [traduction] « carrés », multiplié par une valeur en dollars variant entre 20 $ et 50 $, moins un certain montant pour la main-d’œuvre, relativement aux autres travailleurs;

ee)   les montants additionnels qui ont été payés à l’appelant pour les [traduction] « travaux à la pièce » lors des périodes visées par l’appel ont été supérieurs à 70 000 $ par année;

ff)    l’appelant a déclaré ces montants à titre de revenu d’un travail indépendant;

gg)  le payeur a déclaré ces montants à titre de paiements contractuels;

hh)  pendant qu’il exécutait les [traduction] « travaux à la pièce », l’appelant a eu recours aux travailleurs du payeur en vue de générer un revenu d’un travail indépendant;

ii)      pendant qu’il exécutait les [traduction] « travaux à la pièce », l’appelant s’est servi des outils et du matériel du payeur, ainsi que des siens;

jj)      l’appelant s’est servi de sa propre camionnette pour se rendre d’un chantier à un autre, pendant qu’il était au service du payeur;

kk)  l’appelant ne s’est pas fait rembourser le coût du carburant ou de l’utilisation de son véhicule;

ll)      d’autres travailleurs n’engageaient pas de frais de transport : ils se rendaient tous les matins au domicile du payeur et l’appelant ou Maurice Michaud les emmenait aux différents chantiers.

[5]             L’appelant, Jamie Michaud, ne conteste pas les faits présumés aux paragraphes 5 a), b), c), d), e), f), g), h), i), j), k), l), m), n), q), r), s), t), u), v), y), ee), jj), kk) et ll). Quant aux hypothèses restantes, il les a niées ou a déclaré ne pas les avoir comprises.

[6]             Maurice Michaud, comme nous le savons maintenant, est l’unique actionnaire du payeur et le père de l’appelant, Jamie Michaud. Le payeur exploite une entreprise de couverture principalement active dans le secteur des immeubles résidentiels. En 1997, le chiffre d’affaires du payeur était en expansion et il a décidé de former une autre équipe de travail en vue de répondre à la demande. Il a confié à son fils la supervision de cette seconde équipe.

[7]             L’appelant, Jamie Michaud, a été en tout temps un employé du payeur, agissant à ce titre à un taux horaire de 20 $. Selon Maurice Michaud, son fils était également rémunéré pour la camionnette et le matériel lui appartenant dont il se servait sur les chantiers où il travaillait en compagnie de cette seconde équipe.

[8]             La difficulté que pose la présente affaire a uniquement trait aux activités de cette seconde équipe. Nul ne conteste que l’appelant travaillait pour le payeur et que sa rémunération de 20 $ l’heure n’était pas déraisonnable dans les circonstances. Ce qui complique les choses dans cette affaire est le traitement du revenu additionnel que l’appelant Jamie Michaud a reçu du payeur pour l’utilisation de sa camionnette et de son matériel en vue de faire travailler la seconde équipe.

[9]             Maurice Michaud, s’exprimant au nom du payeur, a déclaré que son fils Jamie facturait à ce dernier le travail qu’accomplissait la seconde équipe en prenant pour base le nombre de carrés de toiture posés sur un chantier particulier. De ce montant, le payeur déduisait la rémunération et conservait une part qui était, en moyenne, d’environ 20 %. Le solde était remis à son fils Jamie.

[10]        L’appelant, Jamie Michaud, a déclaré être entré au service du payeur en 1998. Quand l’entreprise de ce dernier a pris de l’expansion en 2007, son père lui a dit d’acquérir une camionnette, des outils et du matériel et d’assurer la supervision d’une seconde équipe. L’appelant ajoute que le payeur lui versait un pourcentage à titre de commission pour l’utilisation de ses outils et de sa camionnette. Il a témoigné et déclaré qu’il ne faisait pas de travaux en sous‑traitance pour le payeur.

[11]        En 2007, Jamie Michaud a enregistré la dénomination sociale Michaud Roofing, parce qu’il pensait qu’il devait faire enregistrer un nom d’entreprise en vue de déclarer ses dépenses et qu’il voulait protéger le nom de Michaud. Il n’avait aucunement l’intention de lancer sa propre entreprise de couverture et il ne l’a jamais fait. Tous les travaux qu’il exécutait pour le payeur relevaient de la responsabilité du payeur de percevoir les paiements et de garantir les travaux. Indépendamment de ces déclarations, un grand nombre des factures que Jamie Michaud a établies et qui figurent aux onglets 2 et 3 de la pièce R‑7 portent le sceau de Michaud Roofing.

[12]        La confusion a pris naissance à cause des réponses que l’appelant Jamie Michaud a données à un questionnaire des Ressources humaines le 22 novembre 2010. Il s’agissait d’un questionnaire sur le travail indépendant. Jamie Michaud y indique que son nom d’entreprise est Michaud Roofing et il déclare que son entreprise consiste à fournir des services à titre de sous-traitant en couvertures. Il répartit les revenus comme suit : 50 % à titre de travailleur indépendant et 50 % à titre d’employé.

[13]        Dans un autre questionnaire auquel il a répondu le 14 septembre 2011, Jamie Michaud fait maintenant état des tâches de supervision qu’il exécute pour le payeur et déclare qu’il fournit des outils et du matériel. Le questionnaire fait en tout temps référence à des [traduction] « travaux à la pièce », et j’ai cru comprendre que ces mots découlaient d’une conversation que Jamie Michaud avait eue le 23 août 2011 avec l’agente des appels de l’Agence du revenu du Canada (« ARC »). Il a déclaré à cette agente que pour chaque lot de bardeaux, il touchait la somme d’au moins 10 $. Il lui a dit qu’il s’occupait de [traduction] « superviser les employés de son père et que quand les gars avaient fini de nettoyer les vieux bardeaux, c’était lui qui commençait à mettre en place les nouveaux. C’est ainsi qu’il gagnait son argent en exécutant des travaux à la pièce ».

[14]        Pour ajouter plus de confusion à la description de la relation qu’entretenaient le payeur et Jamie Michaud, l’imprimé du grand livre du payeur qui figure à la pièce R‑5 pour la période du 1er septembre au 31 août 2009 fait état de paiements faits à Jamie Michaud sous la rubrique [traduction] « Sous-traitance », et aucun paiement n’a été fait à Jamie Michaud sous la rubrique [traduction] « Location de matériel ou travaux à la pièce ». Dans l’imprimé du grand livre du payeur qui figure à la pièce R‑6 pour la période du 1er septembre 2008 au 31 août 2010, des paiements effectués à Jamie Michaud y sont consignés une fois de plus sous la rubrique [traduction] « Sous-traitance » et l’on ne retrouve pas son nom sous la rubrique [traduction] « Paiements pour location de matériel ».

[15]        À la page 9 de la pièce R‑4, nous avons la copie d’un chèque établi au nom de Jamie Michaud le 25 janvier 2008, qui indique qu’il a été établi pour des travaux à la pièce.

[16]        Léonide Madore a représenté les deux appelants à l’audition des présents appels. Il est également leur comptable. Le 15 septembre 2011, il a écrit : [traduction] « [q]u’au moment d’établir les déclarations de revenus des contribuables en question, je croyais comprendre que l’entente conclue entre Maurice Michaud et (ou) Grand Falls Roofing Inc. et Jamie Michaud était une affaire de sous-traitance. D’après les questionnaires qui sont maintenant en voie d’établissement, je constate que ce qui était considéré comme un contrat de sous‑traitance est en réalité un contrat de location de machines, de matériel et de véhicules ».

[17]        Jamie Michaud a clairement indiqué dans son témoignage qu’il était un employé, et rien d’autre. La seule entreprise de couverture est celle du payeur, et il n’est pas - et n’a pas été au cours des périodes en litige - un sous-traitant. Il a expliqué la confusion en disant qu’ils ignoraient tout simplement de quelle façon décrire leur relation. L’expression [traduction] « Travaux à la pièce » faisait référence à la location de matériel, et la méthode par laquelle ils calculaient leur part respective des tâches qu’accomplissait la seconde équipe était le nombre de bardeaux utilisés, ce qui se soldait par un partage moyen de 20 % en faveur du payeur et le reste à l’appelant Jamie Michaud. En fait, ce dernier a déclaré que c’était le payeur qui décidait combien il recevait; il n’avait donc pas grand-chose à dire à propos des conditions relatives à la location du matériel. Leurs parts respectives n’étaient déterminées qu’une fois les travaux terminés. De plus, le représentant de l’appelant a fait valoir que tout cela se faisait dans le cadre de l’emploi de ce dernier.

[18]        Il a été dit dans de nombreuses décisions de la présente Cour et de la Cour d’appel fédérale que la présente Cour a pour tâche de vérifier l’existence et l’exactitude des faits sur lesquels le ministre s’est fondé, d’examiner la totalité des faits soumis en preuve, y compris les faits nouveaux, et de déterminer si la décision du ministre paraît toujours raisonnable; le ministre a droit à un certain degré de déférence (voir Livreur Plus Inc. c M.R.N., [2004] A.C.F. no 267).

[19]        Les faits sur lesquels s’est fondé le ministre ont été fournis par les deux appelants dans le cadre de questionnaires et de conversations. Les deux n’ayant pas été en mesure de décrire avec une certaine certitude les dispositions qu’ils avaient prises, il n’est pas surprenant que les hypothèses faisant référence aux [traduction] « travaux à la pièce » soient trompeuses et aient pu induire le ministre en erreur.

[20]        Tout d’abord, la relation a été décrite comme étant celle d’un contrat de sous-traitance. C’est ainsi que l’a décrite l’appelant Jamie Michaud et c’est ainsi qu’elle figurait dans les livres du payeur. Ce fait a plus tard été nié par les deux appelants ainsi que par leur représentant.

[21]        Ensuite, lors du stade de l’enquête, l’agente des appels a appris de l’appelant Jamie Michaud que celui-ci recevait d’autres sommes d’argent du payeur à titre de travailleur indépendant pour des travaux à la pièce qu’il accomplissait. La valeur de ces travaux était déterminée par le nombre de carrés (bardeaux) posés sur une nouvelle toiture, moins le coût de la main-d’œuvre. Le prix ou la valeur de chaque carré (bardeaux) n’ont pas été révélés à l’audience, et le solde était réparti entre les deux appelants.

[22]        À l’audience, l’appelant Jamie Michaud a déclaré qu’il n’était ni sous‑traitant ni travailleur indépendant et que l’expression [traduction] « travaux à la pièce » désignait la location de matériel. Toutefois, aucune des factures que l’appelant Jamie Michaud a remises au payeur ne fait mention de la [traduction] « location de matériel » ou de [traduction] « travaux à la pièce ». De plus, la part gardée par le payeur est déterminée par ce dernier, une fois les travaux terminés. Il me semble que si l’appelant Jamie Michaud exploitait véritablement une entreprise de location de matériel, celle-ci ne porterait pas le nom de Michaud Roofing, ce serait lui qui fixerait le prix de location du matériel et ce dernier serait offert en location à d’autres clients potentiels, et non uniquement au payeur.

[23]        L’appelant Jamie Michaud a également déclaré qu’il n’était qu’un employé. Il touchait un salaire horaire, de même qu’une commission pour l’utilisation de sa camionnette et de son matériel.

[24]        Au vu de tous ces scénarios différents, il devient très difficile d’accorder un poids quelconque au témoignage des deux témoins des appelants et de saisir clairement quel était l’arrangement proprement dit entre le payeur et Jamie Michaud.

[25]        Il incombe à l’appelant de persuader la Cour que la décision du ministre est déraisonnable, compte tenu de toutes les circonstances entourant leur relation d’emploi. À mon avis, les faits que l’appelant Jamie Michaud et le représentant du payeur ont présentés à l’agente des appels qui a formulé les recommandations au ministre étayent la conclusion tirée ainsi que la recommandation formulée.

[26]        Compte tenu des incohérences que l’on relève dans l’arrangement proprement dit que les appelants ont conclu ainsi que dans les observations qu’ils ont faites à l’agente des appels, la Cour se trouve dans l’impossibilité de conclure que la décision du ministre était déraisonnable dans les circonstances, en ce sens que l’appelant Jamie Michaud et le payeur, s’ils n’avaient pas eu de lien de dépendance, n’auraient pas conclu entre eux un contrat de travail à peu près semblable.

[27]        Par ailleurs, si, en réalité, l’arrangement était que l’appelant Jamie Michaud touchait un salaire plus une commission et si tout cela faisait partie de son emploi, il ressort clairement de la preuve qu’un tel arrangement n’aurait pas eu lieu, n’eût été du fait que les deux avaient un lien de dépendance. Nul n’aurait souscrit à un tel arrangement sans déterminer à l’avance la part du surplus qui lui reviendrait sur chaque travail terminé ou en laissant au payeur l’entière discrétion de déterminer de quelle façon répartir la part, à moins d’être lié à ce dernier. Je crois que la conclusion du ministre aurait été semblable selon ce scénario‑là.

[28]        Les appels sont rejetés.

 

 

Signé ce 1er jour d’août 2013.

 

 

 

« François Angers »

Juge Angers

 

Traduction certifiée conforme

ce 27e jour de septembre 2013.

 

Claude Leclerc, LL.B.

 


RÉFÉRENCE :                                           2013 CCI 245

 

Nos  DES DOSSIERS DE LA COUR :                 2012-457(EI), 2012-440(EI)

 

INTITULÉ :                                                JAMIE MICHAUD et GRAND FALLS ROOFING INC. (MAURICE MICHAUD) c. M.R.N.

 

LIEU DE L'AUDIENCE :                           Edmundston (Nouveau-Brunswick)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                         Le 16 mai 2013

 

MOTIFS DU JUGEMENT :                       L’honorable juge François Angers

 

DATE DU JUGEMENT :                           Le 1er août 2013

 

COMPARUTIONS :

 

Représentant des appelants :

 

Léonide Madore

Avocat de l’intimé :

Me Jan Jensen

 

AVOCATS INSCRITS
AU DOSSIER :

 

       Pour les appelants :

 

                          Nom :                    

 

                          Cabinet :

 

       Pour l’intimé :                            William F. Pentney

                                                          Sous-procureur général du Canada

                                                          Ottawa, Canada

 

 

 

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