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Dossier : 2014-2443(GST)G

ENTRE :

PATTERSON DENTAIRE CANADA, INC.,

appelante,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

Appel entendu les 5 et 6 septembre 2017, à Montréal (Québec).

Devant : L'honorable juge Réal Favreau


Comparutions :

Avocats de l'appelante :

Me Dominic C. Belley

Me Vincent Dionne

Avocat de l'intimée :

Me Maurice Régnier

 

JUGEMENT

  L'appel interjeté à l'encontre de la cotisation établie le 16 mars 2010 par l'Agence du revenu du Québec, agissant au nom du ministre du Revenu national, en vertu de la Loi sur la taxe d'accise, pour les périodes de déclaration du 1er mars 2005 au 31 mai 2009, est rejeté avec dépens, conformément aux motifs du jugement ci‑joints.

Signé à Montréal (Québec), ce 11e jour de juillet 2018.

« Réal Favreau »

Le juge Favreau


Référence : 2018 CCI 112

Date : 20180711

Dossier : 2014-2443(GST)G

ENTRE :

PATTERSON DENTAIRE CANADA, INC.,

appelante,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]


MOTIFS DU JUGEMENT

Le juge Favreau

[1]  Il s'agit d'un appel interjeté à l'encontre d'une cotisation établie le 16 mars 2010 en vertu de la Loi sur la taxe d'accise, L.R.C. 1985, ch. E‑15, dans sa version modifiée (la « LTA »), par l'Agence du revenu du Québec, agissant au nom du ministre du Revenu national (le « ministre »), dont l'avis ne porte aucun numéro précis, pour les périodes de déclaration du 1er mars 2005 au 31 mai 2009 (les « périodes en cause »).

[2]  Lorsqu'il a établi la cotisation à l'égard de l'appelante, le ministre a ajouté 1 111 930,52 $ à la taxe nette déclarée de l'appelante :

Rajustements

893 056,78 $

Intérêts sur arriérés

191 945,81 $

Pénalités pour paiements en retard

26 920,76 $

Rajustements administratifs

7,17 $

Montant dû

1 111 930,52 $

[3]  L'appelante vend et distribue des produits et du matériel dentaires à l'échelle du Canada, notamment au Québec. Ses clients sont des dentistes.

[4]  L'appelante vend notamment des produits commercialisés en tant que solutions anesthésiques.

[5]  Au cours des périodes en cause, l'appelante a fourni à des dentistes des solutions anesthésiques locales pour lesquelles elle a omis de percevoir et de verser la taxe sur les produits et services (la « TPS ») que les dentistes étaient tenus de payer à l'égard de ces fournitures, selon le ministre.

[6]  La question à trancher dans le présent appel est de savoir si, pour les périodes en cause, les fournitures de solutions anesthésiques locales contenant de l'épinéphrine utilisées en médecine dentaire étaient détaxées selon le sous‑alinéa 2e)(x) de la partie I de l'annexe VI de la LTA.

[7]  Les anesthésiques locaux utilisés en médecine dentaire fournis par l'appelante sont les suivants (les « anesthésiques en cause ») :

Désignation de l'article

Numéro de l'article

Astracaine 4 %; 100/emballage vert

071200039

Astracaine Forte 4 %; 100/emballage bleu

071200021

Citanest standard 100/emballage

071200062

Citanest Forte avec épinéphrine; 100/emballage

071200096

Isocaine – mépivacaïne 2 %; 50/emballage

075446190

Lidocaïne 2 % Patterson 1/100 000; 50/emballage

070853978

Lidocaïne HCl 2 % 1/100 000; 50/emballage

073100310

Lidocaïne HCl 2 % 1/50 000; 50/emballage

073100328

Lignospan forte – lidocaïne 1/50 000; 50/emballage

076313068

Lignospan standard – lidocaïne 1/100 000; 50/emballage

076313019

Marcaine 0,5 %; 50/emballage

072218527

Octocaine – lidocaïne anesthésique 2 % épinéphrine 1/100 000; 50/emballage

075452727

Polocaine 3 % – sans vasoconstricteur; 100/emballage

071200542

Prilocaïne anesthésique; 50/emballage

076313555

Scandonest – mépivacaïne 2 %; 50/emballage (commercialisation terminée)

076313134

Scandonest standard – mépivacaïne 3 %; 50/emballage

076313142

Septanest N 1/200 000; 50/emballage

0763114819

Septanest SP 1/100 000; 50/emballage

076314827

Vivacaine 1/200 000; 50/emballage

076314751

Xylocaine 2 % 1/50 000; 100/emballage vert

071200260

Xylocaine 2 % 1/100 000; 100/emballage rouge

071200278

[8]  Au début de l'audience, l'appelante a avisé la Cour que les questions suivantes n'étaient plus en litige : a) les solutions anesthésiques portant les numéros 071200062, 075446190, 076313134, 076313142 et 071200542; b) la date de l'avis de cotisation; c) les périodes en cause ainsi que le calcul des montants en cause.

[9]  Les parties ont également informé la Cour que les qualités professionnelles du Dr Gino Gizzarelli, de M. Eric Ormsby et du Dr Pierre Beaulieu, experts en la matière, ne sont pas mises en cause et que leurs rapports respectifs ont été déposés sur consentement.

[10]  M. Pierre Carfantan, contrôleur de l'appelante, a témoigné lors de l'audition et il a expliqué le contexte du litige. L'appelante est une filiale d'une société américaine ayant son siège social à Minneapolis. L'appelante vend aux cliniques dentaires plus de 25 000 produits, dont une vingtaine sont des solutions anesthésiques qui, dans 95 % des cas, contiennent de l'épinéphrine. Les catalogues 2003‑2004 et 2010‑2011 des fournitures dentaires offertes par l'appelante ont été déposés en preuve.

[11]  Du 1er mai 2005 au 2 décembre 2008, les fournitures de solutions anesthésiques étaient détaxées de la TPS. Du 3 décembre 2008 à mai 2009, la fourniture des solutions anesthésiques est devenue taxable. M. Carfantan a expliqué qu'avant le 1er mai 2005, les fournitures de solutions anesthésiques contenant de l'épinéphrine étaient taxables. Bien qu'il n'en fût pas sûr, M. Carfantan croyait que le changement survenu en 2005 s'expliquait par le fait que l'un des concurrents de l'appelante ne facturait pas la TPS pour des produits similaires.

[12]  En mars 2009, l'Agence du revenu du Québec a procédé à une vérification de l'appelante au cours de laquelle le vérificateur a constaté que les fournitures des solutions anesthésiques contenant de l'épinéphrine étaient passées de fournitures taxables à fournitures détaxées en 2005. Le vérificateur fiscal s'est penché sur la question et a trouvé une lettre d'interprétation du 9 juillet 2007 dans laquelle l'Agence du revenu du Québec confirmait au conseiller en TPS de l'appelante que les fournitures aux dentistes de solutions anesthésiques contenant de l'épinéphrine étaient taxables. Se fondant sur cette lettre d'interprétation, le vérificateur a établi la cotisation pour la TPS de l'appelante pour la période durant laquelle la TPS n'avait pas été facturée pour les solutions anesthésiques contenant de l'épinéphrine.

I. Les témoins experts

[13]  L'appelante a invité le Dr Gino Gizzarelli, B. Sc. Phm., D.D.S., M. Sc. (anesthésie dentaire), un dentiste spécialisé en anesthésie dentaire, à témoigner à l'audience. Le témoin a précisé qu'il avait reçu la tâche de répondre aux questions suivantes :

1.  Qu'est-ce qu'une solution anesthésique locale?

2.  Qu'est‑ce que l'épinéphrine et ses sels?

3.  À quoi servent les solutions anesthésiques en médecine dentaire?

4.  À quoi servent les solutions anesthésiques contenant de l'épinéphrine en médecine dentaire?

5.  Quelle est la composition des solutions anesthésiques contenant de l'épinéphrine, et quel est le rôle de chaque composant et de chaque substance?

6.  L'épinéphrine est‑elle la principale substance ou l'une des principales substances de certaines solutions anesthésiques?

[14]  Le Dr Gizzarelli a expliqué pourquoi l'épinéphrine est ajoutée aux solutions anesthésiques locales :

[TRADUCTION]

L'épinéphrine est un agent vasoconstricteur qui diminue le flux sanguin au site d'administration de la solution. Le resserrement des vaisseaux sanguins et la diminution du flux sanguin ont pour effet de ralentir et de diminuer l'absorption de l'anesthésique local dans le sang. L'innocuité est accrue, car le risque de réaction toxique à l'anesthésique local est réduit. Comme l'absorption est diminuée, une plus grande quantité d'anesthésique local pénètre dans le nerf et elle y reste plus longtemps.

[15]  Le Dr Gizzarelli a aussi expliqué que l'épinéphrine ajoutée aux solutions anesthésiques locales est chimiquement identique à l'adrénaline ou l'épinéphrine produite naturellement par la médullosurrénale et sécrétée par notre système sympathique.

[16]  Il a ajouté que l'épinéphrine est le vasoconstricteur le plus couramment utilisé dans les solutions anesthésiques locales. Il décrit comme suit la composition des solutions anesthésiques contenant de l'épinéphrine et le rôle de chaque composant et de chaque substance :

[TRADUCTION]

[...] les solutions anesthésiques locales sont composées de plusieurs éléments. L'agent anesthésique local lui‑même est dissous dans de l'eau stérile en vue de l'injection. On ajoute du chlorure de sodium à la solution pour la rendre isotonique, c'est‑à‑dire pour qu'elle ait la même concentration que les tissus de l'organisme. On y ajoute aussi de l'hydroxyde de sodium et de l'acide chlorhydrique pour maintenir un taux d'acidité qui assurera la stabilité de l'agent anesthésique local et de l'épinéphrine et la compatibilité avec les tissus de l'organisme. Si on utilise des fioles multidoses d'anesthésique local, on y ajoute du 4‑hydroxybenzoate de méthyle, un agent antibactérien qui préserve la stérilité de la solution. Cependant, aucun agent de préservation antibactérien n'est utilisé dans les seringues dentaires unidoses.

[17]  De l'avis du Dr Gizzarelli, l'épinéphrine constitue l'une des principales substances entrant dans la composition des anesthésiques en cause, exception faite de celles énumérées au paragraphe 8 qui précède. Certains anesthésiques ne contiennent qu'une petite quantité d'épinéphrine.

[18]  Lors du contre-interrogatoire, le Dr Gizzarelli a confirmé que l'épinéphrine à elle seule n'a aucun effet anesthésique, et que les ingrédients actifs des solutions sont l'articaïne, la lidocaïne, la prilocaïne et bien d'autres. Il a précisé toutefois que les fiches de renseignements de Santé Canada sur les solutions anesthésiques locales contenant de l'épinéphrine indiquent des précautions à prendre (contre‑indications) concernant l'utilisation de l'épinéphrine; il s'agit donc d'un élément constitutif très important des solutions.

[19]  L'intimée a invité le Dr Pierre Beaulieu, M.D., F.R.C.A., professeur à temps plein au département d'anesthésiologie et de pharmacologie de la faculté de médecine de l'Université de Montréal, à témoigner à l'audience. Il avait reçu la tâche de répondre aux questions suivantes :

1.  Quelle est la principale substance entrant dans la composition des solutions anesthésiques en cause en l'espèce?

2.  Quel est le rôle de l'épinéphrine dans les solutions anesthésiques locales?

[20]  Le Dr Beaulieu a expliqué que l'épinéphrine dans les solutions anesthésiques locales a deux rôles : a) prolonger la durée de l'anesthésie; b) bloquer les saignements. L'épinéphrine réduit aussi le risque de toxicité systémique et accélère la coagulation sanguine.

[21]  Dans l'esprit du Dr Beaulieu, il est clair que l'épinéphrine dans les solutions anesthésiques locales n'est qu'un adjuvant ou un additif aux propriétés très utiles et qu'elle est administrée précisément pour son effet vasopresseur (constriction des vaisseaux sanguins), afin de prolonger la durée de l'anesthésique local. En soi, l'épinéphrine n'a aucun effet anesthésique.

[22]  Le Dr Beaulieu est d'avis que la principale substance dans une solution anesthésique locale est l'agent anesthésique (lidocaïne, articaïne, mépivacaïne ou autre), et non l'épinéphrine. L'épinéphrine n'est pas un élément essentiel.

[23]  L'intimée a également invité M. Eric Ormsby, un fonctionnaire à la retraite qui, à compter d'octobre 2002, a été le directeur du Bureau des politiques, sciences et programmes internationaux de la Direction des produits thérapeutiques de la Direction générale des produits de santé et des aliments à Santé Canada, à témoigner à l'audience. M. Ormsby a aussi, pendant 20 ans, été président du comité du statut des médicaments sur ordonnance de Santé Canada. Ce comité examine les évaluations des médicaments et formule des recommandations en vue de leur classification (sous ordonnance, spécialité médicale, sans ordonnance). Cette classification détermine la manière dont un médicament peut être vendu au Canada. Ses fonctions de président du comité ont procuré à M. Ormsby une connaissance de la manière dont les médicaments sont homologués et classés au Canada, et lui ont permis de comprendre pourquoi ces homologations et ces classifications sont nécessaires.

[24]  M. Ormsby devait répondre aux questions suivantes :

1.  Selon le processus d'homologation de Santé Canada, les médicaments qui sont utilisés comme anesthésiques locaux en médecine dentaire et qui contiennent de l'épinéphrine et au moins un autre ingrédient actif sont‑ils considérés comme étant différents de ceux dont l'épinéphrine constitue l'ingrédient actif unique?

2.  Des médicaments dont l'épinéphrine est l'ingrédient actif unique sont‑ils homologués par Santé Canada à titre d'anesthésiques locaux pouvant être utilisés en médecine dentaire?

[25]  Pour répondre à ces questions, M. Ormsby a tenu compte des éléments suivants :

1.  le processus d'homologation des médicaments au Canada;

2.  le système international de classification des médicaments;

3.  les utilisations homologuées des anesthésiques locaux en médecine dentaire et leur classification;

4  les utilisations homologuées de l'épinéphrine lorsqu'elle constitue l'ingrédient actif unique, et sa classification;

5.  les utilisations homologuées de l'épinéphrine lorsqu'elle est combinée à d'autres substances ayant des propriétés anesthésiques, comme la lidocaïne.

[26]  Pour les raisons exposées dans son rapport, M. Ormsby est d'avis que :

  • Selon le processus d'homologation de Santé Canada, les médicaments qui sont utilisés comme anesthésiques locaux en médecine dentaire et qui contiennent de l'épinéphrine et au moins un autre ingrédient actif sont traités comme étant différents de ceux dont l'épinéphrine constitue l'ingrédient actif unique.

  • L'utilisation de médicaments dont l'épinéphrine est l'ingrédient actif unique comme anesthésiques locaux en médecine dentaire n'est pas homologuée par Santé Canada.

  • Si l'épinéphrine est le seul ingrédient actif d'un médicament, il est homologué pour le traitement d'urgences telles qu'un arrêt cardiaque ou une réaction allergique grave. Son utilisation comme anesthésique local pour des soins dentaires n'est pas homologuée.

[27]  Dans son rapport, M. Ormsby explique que, lorsque Santé Canada a attribué un profil avantages‑risques favorable à un médicament, on lui donne une identification numérique de drogue (le « DIN ») à huit chiffres et un avis de conformité (l'« AC »). Le DIN est un identifiant unique qui permet à l'industrie, au système de santé et à l'organisme de réglementation de faire le suivi des ventes d'un médicament et d'en surveiller l'utilisation dans le marché.

[28]  L'AC est délivré seulement quand la monographie est terminée. La monographie est un résumé définitif et approuvé des conditions d'utilisation du médicament. Elle doit comprendre le nom du médicament, sa pharmacologie, ses indications, ses contre‑indications, les mises en garde, les précautions, les effets indésirables, la posologie, la présentation et les ingrédients non médicinaux.

[29]  Une fois qu'un DIN et un AC ont été délivrés pour un médicament, il est inscrit à la Base de données sur les produits pharmaceutiques de Santé Canada. Santé Canada établit également une classification des produits qui contiennent les mêmes ingrédients actifs, dans les mêmes concentrations. Selon cette classification, on attribue un numéro de groupe d'ingrédients actifs (« GIA »). Le numéro GIA est un numéro à 10 chiffres composé de 3 éléments :

  • le premier élément (les deux premiers chiffres) indique le nombre d'ingrédients actifs;

  • le deuxième élément (les cinq chiffres suivants) désigne le numéro unique du groupe d'ingrédients actifs;

  • le troisième élément (les trois derniers chiffres) désigne le numéro du groupe de concentration des ingrédients actifs. L'écart toléré à l'intérieur d'un groupe de concentration est de ‑2 % à +10 %.

[30]  Pour faciliter la coordination internationale en ce qui concerne l'utilisation d'un médicament homologué, on lui attribue un code de classification anatomique, thérapeutique et chimique (« ATC »). Dans le système de classification ATC, les ingrédients actifs sont divisés par groupes selon l'organe, l'appareil ou le système sur lequel ils agissent, et selon leurs propriétés chimiques, pharmacologiques et thérapeutiques. Les médicaments sont classés par groupes à cinq niveaux. Ils sont répartis dans 14 groupes principaux (1er niveau) et des sous‑groupes thérapeutiques (2e niveau). Les 3e et 4e niveaux sont les sous‑groupes chimiques, pharmacologiques et thérapeutiques, et le 5e niveau correspond à la substance chimique. Par exemple, le code ATC d'un anesthésique local pourrait être N01BB02, que l'on pourrait décortiquer comme suit :

N pour système nerveux

01 pour anesthésiques

B pour anesthésiques locaux

B pour amides

02 pour lidocaïne

[31]  Au Canada, 220 médicaments homologués portent un code ATC correspondant aux anesthésiques locaux du groupe des amides (N01BB), mais aucun produit portant un code ATC N01BB n'est composé uniquement d'épinéphrine.

[32]  Cependant, 207 produits homologués au Canada contiennent l'épinéphrine comme ingrédient actif unique, et chacun porte un DIN et un code ATC différents, attribués en fonction de son utilisation.

II. Les thèses des parties

A. L'appelante

[33]  La fourniture des drogues et des substances visées aux alinéas 2a) à 2f) de la partie I de l'annexe VI de la LTA est détaxée.

[34]  Selon l'alinéa 2e) de la partie I de l'annexe VI de la LTA, la fourniture d'une drogue contenant de l'épinéphrine est détaxée.

[35]  Comme le terme « drogue » n'est pas défini dans la LTA, il faut l'interpréter, selon la règle moderne d'interprétation, en tenant compte de son contexte dans la LTA et de son sens grammatical et ordinaire.

[36]  Comme l'a exprimé la Cour canadienne de l'impôt dans le jugement Centre Hospitalier Le Gardeur c. La Reine, 2007 CCI 425 (« Le Gardeur »), le sens du terme « drogue » à la partie I de l'annexe VI de la LTA ne se limite pas aux matières premières entrant dans la fabrication : il vise le médicament lui‑même.

[37]  Cette interprétation du terme « drogue » concorde avec l'intention du législateur aux dispositions de la partie I de l'annexe VI de la LTA, qui visent simplement à détaxer la fourniture de médicaments sur ordonnance contenant certaines substances.

[38]  La partie I de l'annexe VI de la LTA s'applique à des produits utilisables, puisque l'épinéphrine n'est pas vendue afin qu'on l'utilise à l'état brut avec les patients.

[39]  Dans la décision Robitaille c. Sous‑ministre du Revenu du Québec, 2010 QCCQ 9283, la Cour du Québec a confirmé qu'en adoptant le titre I, chapitre IV de la Loi sur la taxe de vente du Québec, le législateur avait l'intention de détaxer la fourniture d'un médicament, c'est‑à‑dire un mélange de substances (si l'une d'elles est visée audit chapitre), et non la fourniture d'une substance quelconque (la matière première) entrant dans la composition de ce médicament.

[40]  Si une « drogue » est composée de plusieurs substances, la substance visée à la partie I de l'annexe VI de la LTA doit être l'une des substances principales de cette drogue pour que celle‑ci soit détaxée. La décision de la Cour canadienne de l'impôt dans le jugement Le Gardeur confirme cette interprétation.

B. L'intimée

[41]  En l'espèce, la fourniture concerne des solutions anesthésiques dont certaines contiennent de l'épinéphrine, comme en témoignent les catalogues de l'appelante. L'ingrédient principal est l'agent anesthésique; on ajoute l'épinéphrine pour prolonger l'effet ou améliorer l'efficacité de cet agent. L'épinéphrine est considérée comme un additif ou un adjuvant.

[42]  L'alinéa 2e) de la partie I de l'annexe VI de la LTA devrait être interprété de manière restrictive. Il s'applique à des drogues qui peuvent être utilisées à l'état pur, sans qu'il soit nécessaire de les mélanger à d'autres substances pour les utiliser. Le libellé de l'alinéa 2e) est clair. Pour être détaxée, la fourniture doit viser l'une des drogues énumérées, et non un mélange qui contient l'une de celles‑ci.

[43]  L'épinéphrine comme ingrédient actif unique est très différente des solutions anesthésiques. Il s'agit de deux types différents de médicaments, qui portent des codes ATC distincts, comme l'a expliqué M. Ormsby.

III. Le droit applicable

[44]  Le texte de la partie I de l'annexe VI de la LTA est reproduit à la fin du présent jugement.

IV. Analyse

[45]  Comme on l'indique aux notes explicatives du ministère des Finances (avril 2017 et avril 2012), l'alinéa 2e) de la partie I de l'annexe VI de la LTA donne une liste de drogues en vente libre servant à traiter des maladies graves qui sont détaxées à tous les niveaux de production et de distribution. Selon le sous‑alinéa 2e)(x) de la partie I de l'annexe VI de la LTA, l'épinéphrine et ses sels sont détaxés.

[46]  Il ne fait aucun doute dans mon esprit que l'épinéphrine et ses sels, ainsi que les solutions anesthésiques contenant de l'épinéphrine, qui sont fournies par l'appelante sont visées par la définition du terme « drogue » dans la Loi sur les aliments et drogues, L.R.C., ch. F‑27, qui est libellée comme suit :

« drogue » Sont compris parmi les drogues les substances ou mélanges de substances fabriqués, vendus ou présentés comme pouvant servir :

a) au diagnostic, au traitement, à l'atténuation ou à la prévention d'une maladie, d'un désordre, d'un état physique anormal ou de leurs symptômes, chez l'être humain ou les animaux;

b) à la restauration, à la correction ou à la modification des fonctions organiques chez l'être humain ou les animaux;

c) à la désinfection des locaux où des aliments sont gardés.

[47]  Cependant, les drogues dont l'épinéphrine est l'ingrédient actif unique doivent être distinguées de celles dans lesquelles l'épinéphrine est combinée à un autre ingrédient actif, comme c'est le cas des anesthésiques en cause.

[48]  Comme l'ont expliqué les témoins experts :

a) Les anesthésiques en cause sont des composés de deux ingrédients actifs :

1. une drogue qui est l'ingrédient actif ou médicinal principal et dont l'action pharmacologique sédative produit un effet anesthésique local, par exemple la lidocaïne, l'articaïne, la bupivacaïne, la prilocaïne ou la mépivacaïne, et qui fait que le produit soit décrit comme un anesthésique;

2. un ingrédient actif ou médicinal ajouté en quantité minimale, soit un vasoconstricteur appelé épinéphrine, qui peut notamment accroître l'efficacité de l'ingrédient actif ou médicinal principal, ou en atténuer les effets secondaires. L'ajout d'un vasoconstricteur tel que l'épinéphrine prolonge l'action anesthésique.

b) Lorsqu'elle est mélangée en quantité minimale à des drogues ayant des propriétés pharmacologiques sédatives comme la lidocaïne, l'articaïne, la bupivacaïne, la prilocaïne ou la mépivacaïne, comme c'est le cas des anesthésiques en cause, l'épinéphrine a une fonction différente de celle lorsqu'elle constitue l'ingrédient actif ou médicinal principal ou unique. Ajoutée à un anesthésique local, l'épinéphrine agit comme vasoconstricteur et prolonge l'action anesthésique du sédatif.

c) Le mélange de deux drogues, par exemple la lidocaïne avec l'épinéphrine, donne une drogue complètement nouvelle destinée à des utilisations précises.

[49]  Comme l'a expliqué M. Ormsby :

a) Chacun des anesthésiques en cause a été homologué par Santé Canada et on lui a attribué une identification numérique de drogue (DIN) en application du Règlement sur les aliments et drogues.

b) Santé Canada a attribué à chacun des anesthésiques un numéro de groupe d'ingrédients actifs (GIA) de dix chiffres, lequel permet de repérer les produits contenant les mêmes ingrédients actifs dans une même concentration.

c) Le numéro GIA des médicaments dont l'épinéphrine est l'ingrédient actif unique est différent de celui des médicaments combinant l'épinéphrine à un autre ingrédient actif.

d) Santé Canada a regroupé tous les anesthésiques locaux, y compris les anesthésiques en cause, et leur a attribué le code de classification anatomique, thérapeutique et chimique (ATC) N01BB AMIDES. Ce système de classification divise les médicaments par groupes selon l'organe, l'appareil ou le système sur lequel ils agissent, ainsi que leurs propriétés chimiques, pharmacologiques et thérapeutiques.

e) Le code de classification ATC des anesthésiques en cause est différent de celui de tout produit dont l'épinéphrine est l'ingrédient actif unique.

[50]  De l'avis du Dr Beaulieu :

a) L'épinéphrine ne présente aucune propriété pharmacologique sédative.

b) L'épinéphrine n'est pas l'ingrédient principal des anesthésiques en cause et elle est considérée comme un additif ou un adjuvant.

[51]  Le Dr Gizzarelli est d'avis que l'épinéphrine est l'une des principales substances des anesthésiques en cause, exception faite de ceux visés au paragraphe 8 qui précède. La présence de petites quantités d'épinéphrine dans certaines solutions anesthésiques n'entre aucunement en ligne de compte pour déterminer si elle constitue l'une des substances principales. Le point de vue du Dr Gizzarelli est celui d'un dentiste qui fait des opérations dentaires. Il précise que les dentistes peuvent choisir des solutions anesthésiques locales qui contiennent de l'épinéphrine ou qui n'en contiennent pas. Quand ils optent pour une solution qui en contient, c'est parce qu'ils estiment que l'épinéphrine est nécessaire pour contrôler les saignements. C'est le seul choix offert aux dentistes pour contrôler les saignements dans la bouche de leurs patients. Par conséquent, lorsqu'on utilise une solution anesthésique locale contenant de l'épinéphrine, le rôle joué par celle‑ci est déterminant.

[52]  Voici un extrait d'un article portant sur la composition des solutions anesthésiques locales et sur le contenu des seringues que le Dr Gizzarelli a cité dans son rapport (pièce A‑3, onglet 2, page 103), et qui semble étayer le point de vue du Dr Beaulieu :

[TRADUCTION]

La composition de la solution dans la seringue dentaire varie selon qu'elle contient ou non un vasopresseur [...]

La seringue dentaire existe parce qu'elle contient un anesthésique local. Ce médicament bloque la propagation du message nerveux jusqu'au cerveau. On indique la concentration en pourcentage de la drogue contenue dans la seringue [...]

Un vasopresseur est ajouté à la plupart des seringues anesthésiques pour en accroître l'innocuité, ainsi que la durée et la profondeur de l'action anesthésiante [...]

[53]  M. Ormsby donne les précisions suivantes concernant les drogues dont l'épinéphrine est l'ingrédient actif unique :

a) Les drogues dont l'épinéphrine est l'ingrédient actif unique sont utilisées lorsque la survie est menacée (arrêt cardiaque, réaction allergique grave appelée anaphylaxie).

b) On trouve sur le marché divers médicaments dont l'épinéphrine est l'ingrédient actif unique et qui sont utilisés en situation d'urgence mettant la vie en danger.

c) Ces médicaments sont commercialisés sous différentes appellations, notamment :

  • AllerjectMC : épinéphrine stérile injectable, USP, pour le traitement d'urgence de réactions anaphylactiques, code ATC C01CA Agents adrénergiques et dopaminergiques

  • EpiPen® : épinéphrine stérile injectable, USP, pour le traitement d'urgence des réactions anaphylactiques chez des patients qui présentent des risques accrus d'anaphylaxie, code ATC C01CA Agents adrénergiques et dopaminergiques

  • Twinject® : injecteur d'épinéphrine, USP, 0,3 mg, pour le traitement d'urgence de réactions allergiques graves aux allergènes tels que ceux présents dans certains venins d'insectes, aliments, latex ou médicaments, code ATC C01CA Agents adrénergiques et dopaminergiques

d) Ces médicaments, dont l'épinéphrine est l'ingrédient actif ou médicinal principal, ne sont pas utilisés comme anesthésiques locaux en médecine dentaire.

[54]  L'appelante se fonde sur le jugement Le Gardeur de la Cour canadienne de l'impôt, précité, pour faire valoir le principe général voulant que si une drogue est composée de plusieurs substances, la substance visée à la partie I de l'annexe VI de la LTA doit être l'une des substances principales du médicament pour qu'il soit détaxé. Voici les propos exacts de la Cour à ce sujet dans le jugement Le Gardeur :

Ce que nous comprenons de l'alinéa 2a) lorsqu'on entend le mot « drogue » de la manière que le définit la LAD, c'est qu'est détaxée la fourniture d'une substance ou d'un mélange de substances si ces dernières servent au diagnostic et si elles sont de l'annexe D de la LAD. Aux fins de notre analyse, nous jugeons plus prudent de parler d'un mélange de substances puisque le Dr Lepage a confirmé qu'on ne pouvait retrouver une drogue de l'annexe D à l'état pur dans un contenant. La drogue pure de l'annexe D avec les autres substances devant l'accompagner résulte donc en un mélange de substances. Il ne fait d'ailleurs pas de doute que tous les mélanges de substances présents dans les produits présentés par les appelants servent au diagnostic, qu'ils soient de l'annexe D ou non. La question est donc de déterminer si l'on a un mélange de substances de l'annexe D. À notre avis, si la substance principale d'un mélange constitue une substance de l'annexe D de la LAD, alors ledit mélange de substances sera considéré comme un tout, et par conséquent comme une fourniture détaxée. Comme il fut dit dans O.A. Brown, précité, en son paragraphe 29, si les présumées fournitures séparées sont liées à la fourniture détaxée à un point tel qu'elles font partie intégrante de l'ensemble au complet, on peut parler de fourniture unique détaxée. Ainsi, à moins de dispositions législatives à l'effet contraire, un mélange de substances sera caractérisé selon sa substance principale aux fins de l'alinéa 2a) [...]

[55]  En toute déférence, je ne crois pas que la décision Le Gardeur énonce un principe ou une règle qui s'applique en l'espèce, pour les raisons suivantes. En premier lieu, le jugement Le Gardeur porte sur l'application de l'alinéa 2a) de la partie I de l'annexe VI de la LTA, dont l'objectif est différent de celui de l'alinéa 2e). Sous le régime de l'alinéa 2a), la fourniture d'une substance ou d'un mélange de substances est détaxée si ces dernières servent au diagnostic et si elles sont visées par l'annexe D de la Loi sur les aliments et drogues. En deuxième lieu, les drogues visées à l'annexe D ne peuvent pas se trouver à l'état pur dans un contenant. Or, dans le cas qui nous occupe, l'épinéphrine comme ingrédient actif unique est commercialisée comme traitement pour des troubles graves.

[56]  Les anesthésiques fournis par l'appelante qui sont en cause ici ne sont pas conçus pour traiter d'urgence des patients ayant des troubles graves, et ne sont donc pas visés par l'alinéa (2)e) de la partie I de l'annexe VI de la LTA.

[57]  Le législateur a délibérément omis l'expression « mélange de drogues » dans le libellé de l'alinéa 2e) de la partie I de l'annexe VI de la LTA, contrairement aux alinéas 2b) et 2d).

[58]  À mon avis, il serait contraire à la politique du ministère des Finances de caractériser un mélange contenant de l'épinéphrine, ou une autre substance visée à l'alinéa 2e), comme étant une fourniture détaxée.

[59]  Si le législateur souhaite détaxer d'autres substances ou mélanges de substances sous le régime de l'alinéa 2e), il devrait modifier le texte légal, comme il l'a fait pour le 5‑mononitrate d'isosorbide en 2012 et la naloxone en 2017.

[60]  Pour tous ces motifs, l'appel est rejeté avec dépens.

Signé à Montréal (Québec), ce 11e jour de juillet 2018.

« Réal Favreau »

Le juge Favreau


Version en vigueur du 15 décembre 2009 au 31 décembre 2009 :

Loi sur la taxe d'accise

L.R.C. (1985), ch. E-15

ANNEXE VI

(paragraphe 123(1))

Fournitures détaxées

PARTIE I

Médicaments sur ordonnance et substances biologiques

1. Les définitions qui suivent s'appliquent à la présente partie.

« médecin » Personne autorisée par la législation provinciale à exercer la profession de médecin ou de dentiste.

« ordonnance » Ordre écrit ou verbal, que le médecin ou le particulier autorisé donne au pharmacien, portant qu'une quantité déterminée d'une drogue ou d'un mélange de drogues précisé doit être délivrée au particulier qui y est nommé.

« particulier autorisé » Particulier, à l'exception d'un médecin, qui est autorisé par la législation provinciale à donner un ordre portant qu'une quantité déterminée d'une drogue ou d'un mélange de drogues précisé doit être délivrée au particulier qui est nommé dans l'ordre.

« pharmacien » Personne habilitée par la législation provinciale à exercer la profession de pharmacien.

« praticien » [Abrogée, 1997, ch. 10, art. 118]

2. La fourniture des drogues ou substances suivantes :

a) les drogues incluses aux annexes C ou D de la Loi sur les aliments et drogues;

b) les drogues incluses à l'annexe F du Règlement sur les aliments et drogues, à l'exception des drogues et des mélanges de drogues qui peuvent être vendus au consommateur sans ordonnance ni ordre écrit signé par le Directeur, au sens de ce règlement, conformément à la Loi sur les aliments et drogues ou à ce règlement;

c) les drogues et autres substances figurant à l'annexe de la partie G du Règlement sur les aliments et drogues;

d) les drogues contenant un stupéfiant figurant à l'annexe du Règlement sur les stupéfiants, à l'exception des drogues et des mélanges de drogues qui peuvent être vendus au consommateur sans ordonnance ni exemption accordée par le ministre de la Santé relativement à la vente, conformément à la Loi réglementant certaines drogues et autres substances ou à ses règlements d'application;

d.1) les drogues comprises à l'annexe 1 du Règlement sur les benzodiazépines et autres substances ciblées;

e) les drogues suivantes :

(i) digoxine,

(ii) digitoxine,

(iii) prénylamine,

(iv) deslanoside,

(v) tétranitrate d'érythrol,

(vi) dinitrade d'isosorbide,

(vii) trinitrate de glycéryle,

(viii) quinidine et ses sels,

(ix) oxygène à usage médical,

(x) épinéphrine et ses sels;

f) les drogues dont la fourniture est autorisée par le Règlement sur les aliments et drogues pour utilisation dans un traitement d'urgence;

g) les expanseurs du volume plasmatique.

N'est toutefois pas détaxée la fourniture de drogues ou de substances réservées à un usage agricole ou vétérinaire et étiquetées ou fournies à cette fin.

3. La fourniture de drogues destinées à la consommation humaine et délivrées :

a) par un médecin à un particulier pour la consommation ou l'utilisation personnelles par celui‑ci ou par un particulier qui lui est lié;

b) sur ordonnance d'un médecin ou d'un particulier autorisé pour consommation ou utilisation personnelles du particulier qui y est nommé.

4. La fourniture d'un service qui consiste à délivrer une drogue dont la fourniture figure à la présente partie.

5. La fourniture de sperme humain.


RÉFÉRENCE :

2018 CCI 112

No DU DOSSIER DE LA COUR :

2014-2443(GST)G

INTITULÉ :

Patterson Dentaire Canada, Inc. c. Sa Majesté la Reine

LIEU DE L'AUDIENCE :

Montréal (Québec)

DATES DE L'AUDIENCE :

Les 5 et 6 septembre 2017

MOTIFS DU JUGEMENT :

L'honorable juge Réal Favreau

DATE DU JUGEMENT :

Le 11 juillet 2018

COMPARUTIONS :

Avocats de l'appelante :

Me Dominic C. Belley

Me Vincent Dionne

 

Avocat de l'intimée :

Me Maurice Régnier

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Pour l'appelante :

Nom :

Me Dominic C. Belley

Me Vincent Dionne

 

Cabinet :

Norton Rose Fulbright Canada S.E.N.C.R.L., s.r.l.

 

Pour l'intimée :

Nathalie G. Drouin

Sous-procureure générale du Canada

Ottawa, Canada

 

 

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