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Dossier : 2017-5000(IT)I

ENTRE :

MICHEL COUTU,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

Appel entendu le 18 mai 2018, à Québec (Québec)

Devant : L’honorable juge Dominique Lafleur


Comparutions :

Pour l’appelant :

L’appelant lui-même

Avocate de l’intimée :

Me Stéphanie Côté

 

JUGEMENT

L’appel interjeté des nouvelles cotisations établies en vertu de la Loi de l’impôt sur le revenu pour les années d’imposition 2013 et 2014 est rejeté, sans frais, conformément aux motifs du jugement ci-joints.

Signé à Ottawa, Canada, le 17e jour de juillet 2018.

« Dominique Lafleur »

La juge Lafleur


Référence : 2018 CCI 143

Date : 20180717

Dossier : 2017-5000(IT)I

ENTRE :

MICHEL COUTU,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 


MOTIFS DU JUGEMENT

La juge Lafleur

I. CONTEXTE

[1]  Monsieur Michel Coutu interjette appel des nouvelles cotisations émises par la ministre du Revenu national (la « ministre ») en vertu de la Loi de l’impôt sur le revenu (LRC (1985), ch. 1 (5e suppl.), telle que modifiée) (la « Loi ») pour les années d’imposition 2013 et 2014. En vertu de ces nouvelles cotisations, la ministre a ajouté dans le calcul du revenu de monsieur Coutu des montants à titre de revenus d’entreprise non déclarés (21 099 $ et 10 928 $ respectivement pour les années d’imposition 2013 et 2014), tels que calculés selon la méthode alternative de l’avoir net, ainsi que des pénalités en vertu du paragraphe 163(2) de la Loi au montant de 1 318 $ et de 737 $ respectivement pour les années d’imposition 2013 et 2014 à l’égard des revenus non déclarés.

[2]  À l’audience, seules deux personnes ont témoigné, soit monsieur Coutu qui s’est représenté seul, ainsi que monsieur Philippe Croisetière, vérificateur à l’impôt (le « vérificateur »).

[3]  Monsieur Coutu est un homme d’affaires et entrepreneur depuis plus de 30 ans. Depuis 1987, il exploite une entreprise à titre de propriétaire unique sous la raison sociale « Michel Coutu Déplacement de bâtiment ». L’activité de cette entreprise est le déplacement de bâtiments, incluant le soulèvement et la repose de maisons sur fondations et l’excavation—monsieur Coutu effectue également des activités de déneigement pendant la saison hivernale et se livre également, accessoirement, à la vente de voitures miniatures (collectivement, l’ « entreprise »).

[4]  Monsieur Coutu a expliqué que, en ce qui concerne la gestion de son entreprise, il effectuait toutes les tâches, dont la préparation des écritures comptables, des déclarations de revenus ainsi que des déclarations de taxes. Il soutient qu’il a déclaré tous les revenus tirés de l’exploitation de son entreprise, sauf pour un montant de 3 000 $ pour l’année d’imposition 2013.

[5]  Dans les présents motifs, toute référence à une disposition législative constitue une référence à une disposition de la Loi, sauf mention contraire.

II. QUESTIONS EN LITIGE

[6]  Il s’agit de déterminer si les revenus de monsieur Coutu ont été correctement déterminés pour les années d’imposition 2013 et 2014 en vertu des nouvelles cotisations et si la ministre était justifiée d’imposer des pénalités en vertu du paragraphe 163(2) pour chacune de ces années d’imposition.

III. THÈSES DES PARTIES

1.  La thèse de monsieur Coutu

[7]  Monsieur Coutu conteste la méthode utilisée par la ministre en soulignant qu’il n’y avait qu’une seule erreur d’inscription comptable pour l’année 2013 au montant de 3 000 $ et que seul ce montant devrait être ajouté aux revenus pour l’année 2013. En ce qui concerne l’année 2014, il n’y aurait aucune erreur ou omission dans le calcul du revenu d’entreprise. Également, selon monsieur Coutu, la ministre a omis de prendre en compte une dépense d’amortissement de 14 267 $ en 2013 et de 10 960 $ en 2014 dans le calcul de l’avoir net, ce qui réduirait d’autant les montants à ajouter à son revenu selon la méthode de l’avoir net.

[8]  Monsieur Coutu est aussi d’avis que l’imposition des intérêts et des pénalités n’est pas justifiée, car la seule erreur d’inscription relevée pour l’année 2013 a été commise de bonne foi et de façon involontaire.

2.  La thèse de l’intimée

[9]  L’intimée soutient que la ministre a eu recours, à bon droit, à la méthode alternative de cotisation selon l’avoir net, car plusieurs factures n’ont pas été retracées, il y avait des failles dans la régie interne de l’entreprise, des paiements étaient faits au comptant et les suites numériques des factures n’étaient pas constantes.

[10]  L’intimée soutient que le calcul de l’avoir net a mis en lumière des écarts de revenus qui demeurent toujours inexpliqués. Elle est d’avis que monsieur Coutu a admis les montants du calcul de l’avoir net, sauf en ce qui a trait à l’amortissement. À cet égard, elle soutient que la ministre a bel et bien pris en compte l’amortissement pour les années d’imposition 2013 et 2014.

[11]  Finalement, à l’égard des pénalités, l’intimée prétend qu’elle s’est acquittée de son fardeau de preuve selon la jurisprudence Lacroix c La Reine, 2008 CAF 241 [Lacroix], et que l’imposition des pénalités est justifiée pour chacune des années d’imposition 2013 et 2014.

IV. DISCUSSION

1.  La méthode de l’avoir net et le fardeau de la preuve

[12]  Selon le paragraphe 152(7), le ministre peut fixer l’impôt à payer du contribuable en utilisant une méthode alternative, dont la méthode de l’avoir net, puisqu’il n’est pas lié par les déclarations ou renseignements fournis par le contribuable et « peut, indépendamment de la déclaration ou des renseignements ainsi fournis ou de l’absence de déclaration, fixer l’impôt à payer […] ». Une fois que la cotisation est établie, celle-ci est réputée valide en vertu du paragraphe 152(8).

[13]  La méthode de l’avoir net est ainsi définie par la jurisprudence Bigayan c La Reine, [1999] ACI no 778, au para 2 [Bigayan] :

2  […] Elle repose sur le postulat selon lequel, si l’on soustrait la valeur nette d’un contribuable en début d’année à sa valeur nette en fin d’année, si l’on ajoute les dépenses du contribuable durant l’année et si l’on soustrait les encaissements non imposables et les plus-values d’actifs existants, alors le résultat net, après déduction de toute somme déclarée par le contribuable, doit être attribuable au revenu non déclaré gagné durant l’année, sauf si le contribuable peut apporter une preuve contraire. C’est au mieux une méthode insatisfaisante, qui est arbitraire et inexacte, mais quelquefois c’est le seul moyen d’arriver à un chiffre qui se rapproche du revenu d’un contribuable.

[14]  Le fardeau de démontrer l’inexactitude des nouvelles cotisations repose sur monsieur Coutu qui doit rendre un témoignage crédible et fiable, et, si possible, produire des éléments de preuve corroborant son témoignage, afin d’expliquer l’accroissement apparent de son avoir net. Il peut ainsi s’acquitter de son fardeau si la preuve qu’il présente constitue une preuve prima facie démolissant l’exactitude des présomptions de fait sur lesquelles les nouvelles cotisations reposent. Ainsi, il pourrait faire état, selon la prépondérance des probabilités, de nouveaux faits qui n’auraient pas été considérés par la ministre dont il ressort qu’il n’a pas gagné les revenus allégués ou encore, présenter des éléments de preuve que les présomptions de fait sur lesquelles la ministre s’est fondée pour établir les nouvelles cotisations sont erronées. Si une telle preuve est présentée et retenue par la Cour, alors le fardeau se déplace vers la ministre qui doit alors présenter une preuve de l’existence des faits justifiant l’établissement des nouvelles cotisations selon la prépondérance des probabilités.

[15]  Ce processus a été expliqué par la Cour suprême du Canada à l’occasion de l’affaire Hickman Motors Ltd c Canada, [1997] 2 RCS 336, [1997] ACS no 62, aux paragraphes 92 à 94 :

92  Il est bien établi en droit que, dans le domaine de la fiscalité, la norme de preuve est la prépondérance des probabilités […] En établissant des cotisations, le ministre se fonde sur des présomptions: (Bayridge Estates Ltd. c. M.N.R., 59 D.T.C. 1098 (C. de l’É.), à la p. 1101), et la charge initiale de «démolir» les présomptions formulées par le ministre dans sa cotisation est imposée au contribuable […] Le fardeau initial consiste seulement à «démolir» les présomptions exactes qu’a utilisées le ministre, mais rien de plus […]

93  L’appelant s’acquitte de cette charge initiale de «démolir» l’exactitude des présomptions du ministre lorsqu’il présente au moins une preuve prima facie […] Il est établi en droit qu'une preuve non contestée ni contredite «démolit» les présomptions du ministre […]

94  Lorsque l’appelant a «démoli» les présomptions du ministre, le «fardeau de la preuve [. . .] passe [. . .] au ministre qui doit réfuter la preuve prima facie» faite par l’appelant et prouver les présomptions […]

[16]  La Cour d’appel fédérale, par l’arrêt Amiante Spec Inc c La Reine, 2009 CAF 139, [2009] GSTC 71, a précisé ce qu’est une preuve prima facie :

23  Une preuve prima facie est celle qui est « étayée par des éléments de preuve qui créent un tel degré de probabilité en sa faveur que la Cour doit l’accepter si elle y ajoute foi, à moins qu’elle ne soit contredite ou que le contraire ne soit prouvé. Une preuve prima facie n’est pas la même chose qu’une preuve concluante, qui exclut la possibilité que toute conclusion autre que celle établie par cette preuve soit vraie » (Stewart c. Canada, [2000] T.C.J. No. 53 au paragraphe 23).

24  Bien qu’il ne s’agisse pas d’une preuve concluante, « le fardeau de la preuve imposé au contribuable ne doit pas être renversé à la légère ou arbitrairement » considérant « qu’il s’agit de l’entreprise du contribuable » (Voitures Orly inc. c. Canada, 2005 CAF 425 au paragraphe 20). Cette Cour a précisé que c’est le contribuable « qui sait comment et pourquoi son entreprise fonctionne comme elle le fait et pas autrement. Il connaît et possède des renseignements dont le ministre ne dispose pas. Il possède des renseignements qui sont à sa portée et sur lesquels il exerce un contrôle » (ibid.).

[17]  Comme l’a expliqué la Cour d’appel fédérale à l’occasion de l’affaire Lacroix, supra para 20 ces principes jouent également en matière de cotisation selon la méthode de l’avoir net :

20  L’application de la méthode de l’avoir net ne change rien à cette méthode de preuve. Dans la mesure où le ministre présume que le revenu constaté par l’application de la méthode de l’avoir net est un revenu imposable, il revient au contribuable de démolir cette présomption. Si celui-ci présente une preuve crédible que le montant en question n'a pas le caractère de revenu, le ministre doit alors aller au-delà de ses présomptions de fait et déposer la preuve de l’existence de ce revenu.

[18]  Outre la production d’éléments de preuve démolissant les présomptions de faits sur lesquelles la ministre s’est appuyée pour émettre les nouvelles cotisations, une autre méthode permettant de contester une cotisation par la méthode de l’avoir net a été ainsi expliquée à l’occasion de l’affaire Bigayan, supra (paras 3 et 4) :

3  Le meilleur moyen de contester une cotisation fondée sur la valeur nette est de produire la preuve de ce qu’est véritablement le revenu du contribuable. Un moyen moins satisfaisant, mais néanmoins acceptable, est décrit par le juge Cameron dans l’affaire Chernenkoff v. Minister of National Revenue, 49 D.T.C. 680, à la page 683 :

[TRADUCTION]

En l’absence de documents, l’autre moyen offert à l’appelant consistait à prouver que, même après une application en règle de la formule de la valeur nette, les cotisations étaient erronées.

4  Ce moyen de contester une cotisation fondée sur la valeur nette est reconnu, mais, même après que l’on a procédé aux rajustements, on reste avec le sentiment trouble que la vérité n’a pas été pleinement découverte. Il est peu probable que l’on rende parfait en le modifiant un instrument qui, par nature, est imparfait. […]

[Non souligné dans l’original]

[19]  À l’occasion de l’affaire Garage Pierre Allard inc c Québec (Sous-ministre du Revenu), [1995] RDFQ 36, 1995 CanLII 5523, la Cour d’appel du Québec a statué sur la qualité que doit avoir la preuve du ministre et de la contribuable lors de l’utilisation d’une méthode de vérification alternative :

En matière de preuve, la question n’est pas de déterminer si une façon de procéder est préférable à une autre. Il s’agit essentiellement de fiabilité et de suffisance. […] Dans l’un et l’autre cas, peu importe la méthode utilisée, en autant qu’elle soit légale et fiable, la preuve doit être suffisante pour atteindre la qualité requise.

En l’espèce, à cause de la présomption légale de validité attachée à la cotisation de l’intimé, il appartenait à l’appelante de démontrer que la méthode utilisée pour l’établir n’était pas fiable ou, si elle l’était en soi, que les conditions requises pour sa fiabilité n'ont pas été observées.

[Non souligné dans l’original]

[20]  Ainsi, la crédibilité de monsieur Coutu ainsi que la suffisance et la fiabilité des preuves au sujet des calculs de l’avoir net seront déterminantes quant à l’issue de l’appel (Landry c La Reine, 2009 CCI 399, 2009 DTC 1265 au para 47). Toutefois, notre Cour pourra également prendre en considération le caractère raisonnable de la cotisation selon la méthode de l’avoir net.

[21]  Bien que les observations qui précèdent portent que, de manière générale, monsieur Coutu a le fardeau de démontrer que les présomptions de faits sur lesquelles la ministre s’est appuyée pour émettre les nouvelles cotisations étaient erronées, la ministre aura le fardeau de prouver les faits justifiant l’imposition des pénalités en vertu du paragraphe 163(2), selon la prépondérance des probabilités.

2.  Les nouvelles cotisations selon la méthode de l’avoir net

i)  Les revenus d’entreprise :

[22]  Selon les nouvelles cotisations, des montants totalisant 21 099 $ et 10 928 $ pour les années d’imposition 2013 et 2014 respectivement doivent être ajoutés aux revenus d’entreprise de monsieur Coutu. Toutefois, selon lui, seul un montant de 3 000 $ n’aurait pas été inscrit dans les grands livres de l’entreprise, l’absence d’inscription de ce contrat aux livres (pièce A-21) étant due à une erreur de tenue des registres comptables, puisqu’un contrat au même montant avait été conclu au cours du mois d’octobre et que seul l’un des deux contrats avait été ainsi inscrit.

[23]  Monsieur Coutu a produit en preuve les copies de ses registres comptables et de ses déclarations de revenus, soit le grand livre de l’entreprise pour l’année 2013 (pièce A-3) et pour l’année 2014 (pièce A-5), le livre spécifique pour le déneigement pour l’année 2013 (pièce A-13) et pour l’année 2014 (pièce A‑14), le registre d’utilisation du véhicule pour l’année 2013 (pièce A-15) et pour l’année 2014 (pièce A-16) et des parties de sa déclaration d’impôt T1 pour l’année 2013 (pièce A-4) et pour l’année 2014 (pièce A-6). Monsieur Coutu a également produit en preuve les copies des contrats de déplacement de bâtiments pour l’année 2013 (pièce A-9) et pour l’année 2014 (pièce A-12) ainsi que des contrats de déneigement pour l’année 2013 (pièce A-8) et pour l’année 2014 (pièce A-11). Selon lui, il ressort des registres comptables et des déclarations de revenus que ses revenus bruts d’entreprise étaient de 237 999 $ pour l’année 2013 et de 178 615 $ pour l’année 2014, que ses revenus nets avant amortissement étaient de 32 147 $ pour l’année 2013 et de 29 368 $ pour l’année 2014 et que ses revenus nets après amortissement fiscal étaient de 17 879 $ pour l’année 2013 et de 18 407 $ pour l’année 2014.

[24]  Monsieur Coutu a aussi expliqué que la majorité des transactions de l’entreprise s’effectuait par chèque et qu’il ne détenait nul compte bancaire ou marge de crédit affecté à son entreprise. Il a ainsi produit en preuve des relevés bancaires, soit les relevés d’un compte détenu à la Banque Manuvie pour l’année 2013 (pièce A-7) et pour l’année 2014 (pièce A-10) et des relevés de la Banque Nationale du Canada affichant le solde de sa marge de crédit personnelle à la fin de l’année 2013 (pièce A-19) et de l’année 2014 (pièce A-20).

[25]  Suite à l’examen de l’ensemble des preuves, la Cour conclut que les registres comptables de l’entreprise produits par monsieur Coutu ne sont pas fiables. En effet, il manque des factures numérotées dans les factures produites sous la cote A-8 (contrats de déneigement pour 2013); bien que certaines des factures manquantes se retrouvent dans les factures produites pour l’année 2014 sous la cote A-12 (contrats de déplacement pour l’année 2014), il manque au moins 6 factures dans la suite numérique des factures produites sous la cote A-8. De surcroît, quant aux documents produits sous les cotes A-9 et A-12 (contrats de déplacement pour l’année 2013 et l’année 2014, respectivement), des documents de différents types s’y retrouvent : des formulaires de vente numérotées portant des numéros pré-imprimés sans suite numérique constante, des factures numérotées sans suite numérique constante, ainsi que des contrats numérotés. Les deux contrats numérotés retrouvés sous la cote A-9 (contrats de déplacement pour l’année 2013) portent les numéros 0114 et 0111; on doit également y ajouter le contrat portant le numéro 0113 (A-21) représentant le contrat qui avait été omis dans le calcul du revenu d’entreprise pour 2013; il manque toutefois le contrat numéro 0112. Lors de la vérification, le vérificateur n’a reçu aucune explication de la part de monsieur Coutu quant à ce problème de séquence numérique. À l’audience, monsieur Coutu a témoigné qu’il achetait des livrets de facturation et que ses factures étaient classées par date, et non par numéro, et donc qu’il était normal que les factures ne se succédaient pas selon un ordre chronologique parfait. Cette explication ne saurait être retenue par notre Cour puisqu’il manque des factures, tout simplement. Monsieur Coutu n’a produit nulle explication crédible quant à ce problème de séquence numérique ou quant à l’absence de factures. Enfin, lors de son entretien avec monsieur Coutu, le vérificateur a été informé que certaines dépenses d’entreprise étaient payées au comptant. De plus, une petite caisse de 3 000 $ était conservée dans l’entreprise.

[26]  Ainsi, la Cour conclut que les registres comptables produits en preuve ne constituent pas une preuve fiable et suffisante des revenus d’entreprise de monsieur Coutu pour les années d’imposition 2013 et 2014.

ii)  Les calculs selon la méthode de l’avoir net :

[27]  Monsieur Coutu soutient que les calculs de l’avoir net sont erronés en ce que la ministre aurait dû tenir compte des dépenses réclamées à titre d’amortissement fiscal au cours de ces deux années d’imposition 2013 et 2014 (soit un montant de 14 267 $ pour 2013 et de 10 960 $ pour 2014), ce qu’elle n’a pas fait selon lui et ce qui réduirait d’autant les montants à ajouter à son revenu d’entreprise. Il n’a pas invoqué d’autres erreurs dans les calculs de l’avoir net.

[28]  Monsieur Coutu n’a pas produit à la Cour la preuve de réception de montants non imposables soit par lui ou sa conjointe qui pourrait expliquer l’augmentation de son avoir net au cours des années 2013 et 2014. En outre, monsieur Coutu n’a pas contesté les montants établis à titre de dépenses personnelles.

[29]  Le vérificateur a expliqué qu’il a dressé le bilan financier de monsieur Coutu au 31 décembre de chaque année à partir des informations recueillies lors d’une entrevue effectuée auprès de celui-ci, des relevés bancaires, du système de l’Agence du revenu du Canada (REER), et des livres comptables de monsieur Coutu. Le vérificateur a révisé à la baisse la valeur de l’actif au fil des années en prenant en compte les dépenses d’amortissement fiscal réclamées. Il a témoigné qu’en prenant en compte l’amortissement dès l’étape du calcul de l’écart d’actif net, aucun montant n’a à être déduit pour prendre en compte l’amortissement au stade des redressements à l’avoir net. Concernant l’automobile et la résidence personnelle de monsieur Coutu, le vérificateur a utilisé des valeurs constantes chaque année pour ne pas influer sur l’augmentation de la valeur nette.

[30]  Lors du processus de vérification, monsieur Coutu et sa conjointe ont complété un formulaire intitulé « Dépenses personnelles et familiales » (pièce I-1) contenant toutes les dépenses personnelles du ménage pour les années d’imposition 2012, 2013 et 2014. Ces sommes ont été ajoutées au calcul de l’avoir net. Les paiements, remboursements et crédits d’impôt ont également été ajoutés ou soustraits du calcul.

[31]  En ce qui concerne les dépenses d’amortissement, la Cour est d’avis que le vérificateur a tenu compte de ces dépenses dans le calcul de l’avoir net et donc que l’argument soulevé par monsieur Coutu ne peut être retenu. Que les dépenses d’amortissement soient prises en compte lors de l’étape du calcul de l’actif net ou au stade des redressements à l’avoir net, cela ne modifie pas les calculs finaux de l’avoir net en l’espèce.

[32]  Vu que monsieur Coutu n’a produit nulle preuve de la réception de montants non imposables expliquant l’accroissement de son avoir net au cours des années 2013 et 2014, et vu que la Cour est également d’avis que les calculs effectués dans le cadre de l’avoir net semblent raisonnables, en ce que la méthode employée par le vérificateur est fiable, la Cour conclut que des montants totalisant 21 099 $ et 10 928 $ respectivement doivent être ajoutés aux revenus d’entreprise de monsieur Coutu pour les années d’imposition 2013 et 2014.

3.  Les pénalités prévues par le paragraphe 163(2)

[33]  Le paragraphe 163(2) impose une pénalité à toute personne qui, sciemment ou dans des circonstances équivalant à faute lourde, fait un faux énoncé ou une omission dans une déclaration, un formulaire, un certificat, un état ou une réponse ou y participe, y consent ou y acquiesce. La partie pertinente de cet article se lit ainsi :

163(2) Faux énoncés ou omissions — Toute personne qui, sciemment ou dans des circonstances équivalant à faute lourde, fait un faux énoncé ou une omission dans une déclaration, un formulaire, un certificat, un état ou une réponse (appelé « déclaration » au présent article) rempli, produit ou présenté, selon le cas, pour une année d’imposition pour l’application de la présente loi, ou y participe, y consent ou y acquiesce est passible d’une pénalité égale, sans être inférieure à 100 $, à 50 % du total des montants suivants :

[…]

163(2) False statements or omissions — Every person who, knowingly, or under circumstances amounting to gross negligence, has made or has participated in, assented to or acquiesced in the making of, a false statement or omission in a return, form, certificate, statement or answer (in this section referred to as a “return”) filed or made in respect of a taxation year for the purposes of this Act, is liable to a penalty of the greater of $100 and 50% of the total of

. . . 

[34]  Le fardeau d’établir les faits qui justifient l’imposition de la pénalité repose sur le ministre et non sur le contribuable. Le paragraphe 163(3) se lit comme suit :

163(3) Charge de la preuve relativement aux pénalités — Dans tout appel interjeté, en vertu de la présente loi, au sujet d’une pénalité imposée par le ministre en vertu du présent article ou de l’article 163.2, le ministre a la charge d’établir les faits qui justifient l’imposition de la pénalité.

163(3) Burden of proof in respect of penalties — Where, in an appeal under this Act, a penalty assessed by the Minister under this section or section 163.2 is in issue, the burden of establishing the facts justifying the assessment of the penalty is on the Minister.

[35]  Selon le libellé du paragraphe 163(2), deux éléments doivent être réunis pour que soit applicable la pénalité prévue par le paragraphe 163(2) : (1) un élément mental : « sciemment ou dans des circonstances équivalant à faute lourde »; (2) un élément physique : « fait un faux énoncé ou une omission ».

[36]  Il a été établi que monsieur Coutu a produit ses déclarations de revenus pour les années d’imposition 2013 et 2014; ainsi, l’élément physique est présent en l’espèce (D’Andrea c La Reine, 2011 CCI 298, [2011] ACI no 243 au para 35). Mais qu’en est-il de l’élément mental? Est-ce que monsieur Coutu a sciemment fait un faux énoncé ou une omission ou a-t-il fait un faux énoncé ou une omission dans des circonstances équivalant à faute lourde?

[37]  La notion de « faute lourde » a été définie par le juge Strayer dans la décision Venne c La Reine, [1984] ACF no 314 (C.F. 1re inst.) :

[…] La « faute lourde » doit être interprétée comme un cas de négligence plus grave qu’un simple défaut de prudence raisonnable. Il doit y avoir un degré important de négligence qui corresponde à une action délibérée, une indifférence au respect de la loi. […]

[38]  Dans DeCosta c La Reine, 2005 CCI 545, [2005] ACI no 396 (procédure informelle), le juge en chef Bowman a indiqué ce qui suit :

11  Pour établir la distinction entre la faute « ordinaire » ou la négligence et la faute « lourde », il faut examiner plusieurs facteurs. Un de ces facteurs est bien entendu l’importance de l’omission relative au revenu déclaré. Il y a aussi la faculté du contribuable de découvrir l’erreur, ainsi que le niveau d’instruction du contribuable et son intelligence apparente. Il n’existe aucun facteur qui soit prédominant. Il faut accorder à chacun des facteurs le poids qu’il convient dans le contexte de l’ensemble de la preuve.

[39]  En l’espèce, la Cour est d’avis que monsieur Coutu a sciemment fait un faux énoncé ou une omission, ou a fait un faux énoncé ou une omission dans des circonstances équivalant à faute lourde. Ainsi, les pénalités prévues par le paragraphe 163(2) sont justifiées dans les circonstances.

[40]  Ayant conclu que l’explication fournie par monsieur Coutu quant au problème de séquence numérique des factures n’était pas crédible, la seule conclusion raisonnable à tirer est que monsieur Coutu a sciemment omis certains revenus dans le calcul de ses revenus d’entreprise, ou a fait un faux énoncé ou une omission dans des circonstances équivalant à faute lourde (Lacroix, supra paras 29 et 30).

[41]  En effet, il ressort des preuves que monsieur Coutu s’occupait de toutes les tâches dans le cadre de son entreprise, dont la préparation des écritures comptables, des déclarations de revenus ainsi que des déclarations de taxes. Ainsi, il avait la faculté de découvrir les erreurs ou les oublis; il comptait également plusieurs années d’expérience en matière d’exploitation d’une entreprise.

V. CONCLUSION

[42]  L’appel interjeté des nouvelles cotisations établies en vertu de la Loi pour les années d’imposition 2013 et 2014 est rejeté, sans frais.

Signé à Ottawa, Canada, le 17e jour de juillet 2018.

« Dominique Lafleur »

La juge Lafleur


RÉFÉRENCE :

2018 CCI 143

NO DE DOSSIER DE LA COUR :

2017-5000(IT)I

INTITULÉ :

MICHEL COUTU ET SA MAJESTÉ LA REINE

LIEU DE L’AUDIENCE :

Québec (Québec)

DATE DE L’AUDIENCE :

Le 18 mai 2018

MOTIFS DU JUGEMENT PAR :

L’honorable juge Dominique Lafleur

DATE DU JUGEMENT :

Le 17 juillet 2018

COMPARUTIONS :

Pour l’appelant :

L’appelant lui-même

Avocate de l’intimée :

Me Stéphanie Côté

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Pour l’appelant :

Nom :

 

Cabinet :

 

Pour l’intimée :

Nathalie G. Drouin

Sous-procureur général du Canada

Ottawa, Canada

 

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