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Dossiers : 2017-1715(CPP)

2017-1717(EI)

ENTRE :

CANADA SUN EDUCATION INC.,

appelante,

et

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimé.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

Appels entendus sur preuve commune

le 31 janvier 2019, à Toronto (Ontario)

Devant : L’honorable juge suppléant Rommel G. Masse


Comparutions :

Représentant de l’appelante :

Kai Hong Xu

Avocat de l’intimé :

Me Derek Edwards

 

JUGEMENT

Les appels de la décision rendue par le ministre du Revenu national le 23 janvier 2017 en application du Régime de pensions du Canada et de la Loi sur l’assurance-emploi sont rejetés selon les motifs du jugement ci-joints.

Signé à Kingston, Canada, ce 15e jour de mai 2019.

« Rommel G. Masse »

Le juge suppléant Masse


Référence : 2019 CCI 117

Date : 20190515

Dossiers : 2017-1715(CPP)

2017-1717(EI)

ENTRE :

CANADA SUN EDUCATION INC.,

appelante,

et

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimé.


[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

MOTIFS DU JUGEMENT

Le juge suppléant Masse

[1]  Les présents appels ont été entendus sur preuve commune.

[2]  L’appelante, Canada Sun Education Inc., ou Canada International College (ci-après l’« appelante » ou l’« école »), est une société privée ayant son siège social à Markham, en Ontario. L’appelante exploite une école privée qui offre une formation en langue et offre à des étudiants internationaux de la 9e à la 12e année la possibilité d’acquérir des crédits d’études secondaires. La base opérationnelle de l’école est située au 2347, route Kennedy, bureau 505, Toronto (Ontario).

[3]  L’Agence du revenu du Canada (l’« Agence ») a reçu une demande de la Section de vérification du niveau d’observation pour déterminer la situation professionnelle de cinq enseignants travaillant à l’école. Ces enseignants sont Alysha Jagmohan (période du 1er janvier 2013 au 31 mai 2014), Ying Geng (période du 1er janvier 2013 au 31 décembre 2014), Andrew Kwa (période du 1er janvier 2013 au 31 décembre 2014), Christine Muhlberger (période du 1er septembre 2013 au 30 avril 2014) et Graham Lee (période du 1er septembre 2013 au 31 juillet 2014). Les enseignants ont été rencontrés par l’Agence le 30 mai et les 1er et 2 juin 2016. M. Kai Hong Xu, qui représente l’école, a été rencontré le 11 juillet 2016. Après ces entrevues, la Division de l’admissibilité au Régime de pensions du Canada et à l’Assurance-emploi (« RPC/AE ») de l’Agence a rendu des décisions selon lesquelles les cinq enseignants n’étaient pas des entrepreneurs indépendants, mais plutôt des employés de l’école, qui signifie qu’ils occupaient un emploi assurable ouvrant droit à pension en application de l’alinéa 6(1)a) du Régime de pensions du Canada (le « RPC ») et de l’alinéa 5(1)a) de la Loi sur l’assurance-emploi, L.C. 1996 ch. 23 (la « LAE »), respectivement. La Division de l’admissibilité au RPC/AE de l’Agence a informé l’école et les enseignants de ces décisions dans des lettres datées du 14 juillet 2016.

[4]  L’école n’était pas d’accord et a interjeté appel de ces décisions auprès du ministre du Revenu national (le « ministre »). Le 23 janvier 2017, le ministre a confirmé les décisions. D’où l’appel interjeté devant la Cour.

Contexte factuel

[5]  M. Kai Hong Xu est le directeur de l’école depuis environ 14 ans. Il est également le seul actionnaire et propriétaire de l’école. Il était le seul à témoigner à l’audience. Il a dit à la Cour que l’école suit le curriculum du secondaire du ministère de l’Éducation de l’Ontario et qu’elle doit donc se soumettre aux inspections du ministère de l’Éducation. Il a déclaré qu’environ 60 % du corps étudiant est constitué d’étudiants locaux, alors que 40 % sont des étudiants internationaux, dont la plupart sont originaires de Chine. Il s’agit d’une petite école, qui compte entre 30 et 50 étudiants. La Cour n’a pas été informée du montant des droits de scolarité de cette école.

[6]  L’école doit, évidemment, embaucher des enseignants. Pour enseigner à l’école, les enseignants doivent détenir au minimum un diplôme universitaire, mais il n’est pas nécessaire qu’ils possèdent une certification d’enseignant. Les futurs enseignants doivent connaître le curriculum de l’Ontario et sont tenus de s’y conformer.

[7]  Lorsqu’un enseignant est embauché, il doit signer un contrat d’entente de service individuel (l’« entente »). Un modèle de ce contrat est fourni dans le matériel déposé comme pièce A-1. Ce document précise que l’enseignant est embauché à titre d’entrepreneur indépendant, essentiellement comme enseignant. L’une ou l’autre des parties peut mettre fin au contrat sous condition d’un préavis écrit d’au moins 30 jours. Les services sont principalement dispensés au 2347, route Kennedy, bureau 505, à Toronto. Le contrat prévoit un taux horaire qui, selon M. Xu, est négocié avec le candidat au poste d’enseignant. Les tâches de l’enseignant sont décrites au paragraphe 4 de l’entente :

[traduction] CIC [Canada International College] s’engage à offrir un enseignement de la plus haute qualité à tous ses étudiants, et on s’attend à ce que les enseignants participent à un grand nombre des aspects de la vie académique. Bien que les enseignants contractuels travaillent de façon autonome, ils sont tenus de respecter les valeurs et l’intégrité de la marque « Canada International College ».

À titre d’enseignant contractuel, vous avez une autonomie totale sur les cours et le matériel enseigné, tant que vous respectez ou surpassez les exigences de CIC.

À titre d’enseignant contractuel, vous êtes chargé de planifier, d’élaborer et d’exécuter toutes les fonctions liées à l’enseignement en classe. Il est de votre entière responsabilité de vous procurer, à votre entière discrétion, le matériel nécessaire pour vous acquitter de vos responsabilités avec succès.

Tous les risques et avantages financiers liés à la prestation des services à l’école relèvent de la seule responsabilité de l’entrepreneur.

L’entrepreneur a la possibilité de créer et de promouvoir tout nouveau cours à l’école et de tirer un avantage financier des inscriptions. Toutefois, un faible taux d’inscription peut entraîner la résiliation du contrat.

L’entrepreneur peut, à sa propre discrétion et à ses frais, embaucher un assistant, une aide ou un enseignant suppléant.

[8]  Les responsabilités de l’école sont décrites au paragraphe 5 de l’entente :

[traduction] Canada International College accepte, par le biais de ce contrat, de fournir à l’entrepreneur un espace d’enseignement propre, sécuritaire et approprié (classe), une aide pour recruter les étudiants, des services de secrétariat et tous les services administratifs requis pour accorder les crédits auxquels les cours donnent droit pour l’entrepreneur.

[9]  Bien que le contrat prévoit un taux horaire, d’autres formes de rémunération, comme un salaire, peuvent être négociées, selon M. Xu. Le montant et la forme de la rémunération dépendaient des compétences de l’enseignant et d’autres facteurs comme les besoins de l’école. Lorsque les enseignants recevaient leur salaire, l’école n’effectuait aucune retenue à la source pour l’impôt sur le revenu, le RPC, l’AE ou autres retenues. Les enseignants ne bénéficiaient d’aucun avantage social payé par l’employeur comme les soins de santé, les soins dentaires, les soins des yeux, la retraite, etc. Les enseignants n’avaient pas droit à des vacances payées ou à une rémunération de congé annuel au lieu d’un congé annuel. Il n’y avait aucune convention collective. Bien que les enseignants étaient considérés comme des entrepreneurs indépendants, ils ne percevaient pas TPS/TVH auprès de l’école. Ils devaient s’occuper eux-mêmes des aspects liés à la fiscalité.

[10]  Certains des contrats d’enseignement concernaient des cours à temps partiel offerts en soirée. Les heures d’ouverture de l’école étaient de 8 h à 20 h du lundi au vendredi et certaines fins de semaine de 9 h 30 à 17 h 30, selon les disponibilités des enseignants et des étudiants. Les cours sont dispensés dans les locaux de l’école, sur la route Kennedy, qui est la principale base des opérations, conformément aux exigences du ministère de l’Éducation. Il pouvait arriver que les enseignants amènent leurs étudiants ailleurs, dans une bibliothèque ou un café, ou dans d’autres cadres moins formels, pour donner leurs cours. Les cours crédités, toutefois, devaient se donner dans les locaux de l’école. Les étudiants payaient des frais de scolarité à l’école. Il est possible qu’ils aient payé des enseignants pour obtenir des séances de tutorat individuelles, mais il s’agit d’une situation hors du contrôle de M. Xu, dans laquelle il n’a joué aucun rôle.

[11]  M. Xu a indiqué qu’il n’avait pas de contrôle sur les inscriptions. Il a déclaré qu’il se fiait aux enseignants pour recruter les étudiants et augmenter le nombre d’inscriptions. Je n’accepte pas cette proposition. C’est lui qui exploitait cette école. L’augmentation du nombre d’inscriptions était sans aucun doute l’un des aspects les plus importants de ses fonctions, alors qu’elle n’était que d’une importance secondaire pour les enseignants. Si un nombre d’inscriptions viable n’est pas maintenu, l’école est vouée à l’échec. Je ne suis pas surpris qu’il encourage les enseignants à faire la promotion de l’école, mais il ne me semble pas crédible qu’il délègue une fonction si importante aux enseignants, qu’il a embauchés principalement pour dispenser des cours crédités.

[12]  M. Xu conseillait aux enseignants de ne pas accepter d’argent directement des étudiants, mais il ne sait pas vraiment s’ils le faisaient – il s’agissait d’une affaire entre l’enseignant et l’étudiant. Les étudiants étaient des clients de l’école et non des enseignants, et ils versaient à l’école des frais de scolarité qui servaient à défrayer les coûts d’exploitation, dont la rémunération des enseignants. M. Xu supervisait partiellement les enseignants pour s’assurer qu’il respectent le curriculum provincial. Toutefois, il affirme qu’il n’a pas vérifié le contenu des cours, ce qui amène la question suivante : comment sait-il que les enseignants ont respecté le curriculum provincial s’il n’a pas vérifié le contenu des cours? Il affirme s’être fié aux inspecteurs provinciaux du ministère de l’Éducation et aux commentaires des étudiants. En d’autres termes, il a abandonné les responsabilités de l’école aux enseignants, aux inspecteurs provinciaux et aux étudiants eux-mêmes. Il soutient que les enseignants étaient libres de choisir le contenu enseigné, mais que s’ils ne respectaient pas le curriculum de l’Ontario pour les matières enseignées, ils étaient alors congédiés. Il incombait aux enseignants de réussir les inspections du ministère de l’Éducation. Dans les cas où un cours n’était pas conforme aux normes du ministère de l’Éducation, les étudiants lésés devaient demander réparation auprès de l’enseignant concerné plutôt que l’école. Je n’accepte pas non plus cette proposition. Les étudiants versaient des frais de scolarité à l’école. Advenant que les services d’enseignements de l’école ne soient pas conformes au curriculum secondaire de l’Ontario, les étudiants pouvaient, par voie contractuelle, demander réparation auprès de l’école seulement, et non des enseignants individuels.

[13]  M. Xu a témoigné que les enseignants fournissaient leurs propres manuels scolaires, leurs propres manuels de référence et leur propre ordinateur portable. Ils utilisaient toutefois la photocopieuse de l’école. Il arrivait à l’occasion que l’école prête des manuels scolaires aux étudiants. Dans son témoignage, M. Xu a déclaré que si un enseignant était malade, il devait trouver un enseignant suppléant à ses frais. L’école ne s’occupait pas de trouver un enseignant suppléant pour prendre en charge la classe, malgré le fait que l’école était responsable de dispenser un enseignement aux étudiants.

[14]  Les périodes de paie variaient d’un enseignant à l’autre. Les enseignants étaient généralement payés toutes les deux semaines, mais il arrivait que la paie soit versée tous les trois mois. Pour être payés, les enseignants devaient soumettre des factures détaillant les heures travaillées. Les enseignants avaient la possibilité de faire appel à des sous-traitants, mais M. Xu ne semblait pas très au courant de cette pratique.

[15]  Essentiellement, M. Xu estime que chaque aspect de la relation entre l’enseignant et l’école était négocié entre deux parties indépendantes. Il soutient que l’école exerçait très peu de supervision ou de contrôle auprès des enseignants. De plus, M. Xu impose pratiquement toutes les responsabilités aux enseignants et n’en attribue aucune à l’école. Il semble que le rôle de l’école se limitait à offrir un espace pour dispenser l’enseignement.

[16]  Les enseignants n’ont pas témoigné. Toutefois, l’intimé a présenté un recueil de documents qui a été déposé comme pièce R-1 dans le cadre de la présente instance. Cette pièce contenait les décisions en matière d’admissibilité au RPC/AE ainsi que les résultats des entrevues avec les cinq enseignants qui font l’objet de cette procédure ainsi que l’entrevue avec M. Xu. Les décisions en matière d’admissibilité au RPC/AE ont été fondées sur ces entrevues.

[17]  L’onglet 1 de la pièce R-1 porte sur Christine Muhlberger, qui a enseigné l’anglais comme langue seconde et le commerce comme cours crédité. Elle a été rencontrée en entrevue le 2 juin 2016. L’onglet 3 porte sur Ying Geng, qui a enseigné l’anglais comme langue seconde ainsi que l’anglais et le mandarin comme cours crédités. Elle a été rencontrée en entrevue le 1er juin 2016. L’onglet 6 porte sur Andrew Kwa, qui a enseigné l’anglais comme langue seconde ainsi que les mathématiques et les sciences comme cours crédités. Il a été rencontré en entrevue le 30 mai 2016. L’onglet 8 porte sur Graham Lee, qui a enseigné l’anglais comme langue seconde et comme cours crédité. Il a été rencontré en entrevue le 1er juin 2016. L’onglet 9 porte sur Alysha Jagmohan, qui a enseigné l’anglais comme langue seconde ainsi que l’anglais et le commerce comme cours crédités. Elle a été rencontrée en entrevue le 1er juin 2016.

[18]  Au cours de ces entrevues, les renseignements fournis par les enseignants sont les mêmes, hormis quelques variations mineures. Tous les enseignants ont conclu une entente verbale ou écrite, et tous comprenaient qu’ils travailleraient comme entrepreneurs indépendants. L’école assignait les obligations professionnelles. Ces obligations comprenaient la préparation de la matière à enseigner en vue de la présenter à des étudiants du secondaire conformément à un curriculum approuvé. Ces cours étaient dispensés selon un plan méthodique comprenant des cours magistraux, des discussions et des présentations audiovisuelles. Les obligations consistaient également à assigner et corriger les devoirs, préparer, administrer et corriger les examens, évaluer les progrès, déterminer les besoins individuels des étudiants et discuter des résultats avec les parents et les responsables de l’école, tenir des discussions avec les étudiants pour compléter les cours magistraux (au besoin) et participer aux réunions du personnel, aux conférences éducatives et aux ateliers de formation des enseignants.

[19]  Tous les enseignants ont affirmé au cours des entrevues que l’école fournissait le matériel audio-visuel, les documents, les livres d’exercice ainsi que les notes de discussion et de présentation requises pour exécuter leurs fonctions. Ces affirmations sont contraires au témoignage de M. Xu. Les enseignants ont affirmé qu’ils étaient supervisés par M. Xu et le directeur de l’école. Toutefois, ils travaillaient de manière autonome en classe. Les enseignants travaillaient en fonction d’un calendrier fixe établi pour toute l’année scolaire. Ils travaillaient régulièrement du lundi au vendredi, de 8 h à 16 h. Les enseignants ont affirmé que l’inscription se faisait directement auprès de l’école. Ils ont reçu comme consigne de l’école de se considérer comme travailleurs autonomes et de produire une déclaration de revenus en conséquence. Les enseignants étaient rémunérés selon un taux horaire variant entre 20 $ et 33 $; la plupart se trouvaient à l’extrémité inférieure de cette fourchette. Le taux de rémunération était établi par l’école en fonction de la charge de travail et du rendement. Selon les enseignants, ce taux n’était ni négocié ni négociable. L’école demandait aux enseignants de soumettre des factures détaillant les heures travaillées. Les enseignants ne recevaient aucune protection et aucun avantage social de l’école. Ils n’étaient pas rémunérés pour les jours fériés ou les congés. Les enseignants s’acquittaient de leurs tâches personnellement et n’ont jamais embauché de remplaçant ou d’enseignant suppléant lorsqu’ils n’étaient pas en mesure de dispenser un cours. Les enseignants n’ont investi aucun capital dans l’entreprise. Les enseignants ont déclaré qu’ils n’étaient pas responsables des coûts d’exploitation et n’étaient pas tenus financièrement responsables.

[20]  M. Xu, qui représente l’école, a été rencontré le 11 juillet 2016. Au cours de cette entrevue, il a affirmé que l’intention commune de l’école et des enseignants était que les enseignants étaient des entrepreneurs indépendants et non des employés. L’école assignait les obligations professionnelles aux enseignants. Ces obligations comprenaient la préparation du matériel à enseigner en vue de le présenter à des étudiants du secondaire conformément à un curriculum approuvé. Les cours étaient dispensés selon un plan méthodique comprenant des cours magistraux, des discussions et des présentations audiovisuelles. Les obligations des enseignants consistaient également à assigner et corriger les devoirs, préparer, administrer et corriger les examens, évaluer les progrès, déterminer les besoins individuels des étudiants et discuter des résultats avec les parents et les responsables de l’école. Ces obligations comprenaient également la tenue de discussions avec les étudiants pour compléter les cours magistraux. Les enseignants devaient également participer aux réunions du personnel, aux conférences éducatives et aux ateliers de formation des enseignants.

[21]  M. Xu a indiqué au cours de son entrevue qu’il n’y avait aucune garantie de travail continu et que le contrat pouvait être résilié en tout temps en cas de faible taux d’inscription aux cours. L’enseignant était libre d’accepter ou de refuser le contrat. J’estime qu’il s’agit essentiellement, de la part de l’école, d’une attitude « à prendre ou à laisser » qui ne laisse place à aucune véritable négociation entre les parties. M. Xu a déclaré au cours de l’entrevue que les enseignants contrôlaient leurs heures de travail et leur lieu de travail. Ce n’est pas exact, puisque le contrat écrit prévoyait que les services seraient dispensés à l’adresse de la route Kennedy. Les enseignants étaient tenus de signaler leur absence du travail par téléphone ou par courriel et l’école était responsable de trouver et de payer un enseignant suppléant. Toutefois, dans son témoignage, M. Xu a nié avoir fait ces déclarations au cours de son entrevue. Je constate qu’il a réellement fait ces déclarations. M. Xu a déclaré au cours de l’entrevue que les enseignants étaient rémunérés à un taux fixe qui n’était pas négociable. Cette affirmation est conforme aux déclarations des enseignants au cours de leurs entrevues et ne concorde pas avec le témoignage qu’il a livré longtemps après son entrevue, au cours de laquelle il déclarait que tous les aspects étaient négociables. Je conclus qu’il est plus probable qu’il a effectivement affirmé en entrevue que le taux de rémunération n’était pas négociable, et j’en arrive à cette conclusion de fait. Les enseignants ne recevaient aucune protection et l’école n’offrait aucun avantage social. Un préavis de 30 jours devait être fourni pour résilier le contrat. Les enseignants n’avaient pas leurs propres cartes professionnelles, mais recevaient les cartes professionnelles de l’école et étaient encouragés à promouvoir l’école partout où ils le pouvaient.

[22]  Si j’accepte la preuve de M. Xu, je devrai conclure que le rôle de l’école se limitait à fournir une occasion pour les enseignants et les étudiants de se réunir à des fins éducatives. La seule responsabilité de l’école était de fournir un lieu de rencontre aux enseignants et aux étudiants. Il semblerait que l’école n’assumait absolument aucune responsabilité dans l’éducation des étudiants. Tout dépendait des enseignants. À mon avis, cela ne représente pas la réalité de la situation.

Question en litige

[23]  En l’espèce, il n’y a qu’une seule question à trancher. Les enseignants étaient-ils des employés de l’école ou étaient-ils embauchés comme entrepreneurs indépendants? S’ils étaient considérés comme des employés, cela signifie qu’ils exerçaient un emploi assurable et ouvrant droit à pension auprès de l’école en application de l’alinéa 6(1)a) du RPP et l’alinéa 5(1)a) de la LAE, respectivement. S’ils n’étaient pas des employés, le RPP et la LAE ne s’appliquent pas aux circonstances en l’espèce.

Thèse des parties

[24]  L’école est d’avis que tous les enseignants étaient des entrepreneurs indépendants au cours de leur mandat à l’école et n’étaient pas des employés. Il s’agissait de l’intention commune des parties, comme l’indique l’entente, et les parties se sont comportées en conséquence. Par conséquent, l’école fait valoir que l’appel devrait être accueilli.

[25]  L’intimé soutient que les enseignants étaient des employés de l’école et, par conséquent, exerçaient un emploi assurable et ouvrant droit à pension aux fins du RPC et de la LAE. L’intimé affirme que la relation réelle en était une d’employeur-employé puisque les enseignants avaient un lien de subordination avec l’école et que l’école exerçait une influence et un contrôle sur le travail accompli par les enseignants. Les appels devraient donc être rejetés.

Analyse

[26]  Il n’est pas nécessaire de définir les dispositions pertinentes du RPC ou de la LAE puisqu’il est clair que si les enseignants étaient des employés, ils exerçaient un emploi assurable et ouvrant droit à pension, ce qui n’était pas le cas s’ils étaient des entrepreneurs indépendants.

[27]  Toute analyse visant à déterminer si un travailleur est un employé ou un entrepreneur indépendant en common law doit commencer par la décision faisant jurisprudence rendue par la Cour d’appel fédérale dans Wiebe Door Services Ltd. c. M.R.N., [1986] 2 C.T.C. 200 (C.A.F.). Le juge MacGuigan, s’exprimant au nom de la Cour, a adopté le critère composé de quatre parties intégrantes de Lord Wright, comme il est indiqué dans Montréal v. Montréal Locomotive Works Ltd. et al., [1947] 1 D.L.R. 161, qui le décrit comme [traduction] « un critère général, assurément un critère fondamental, qui consiste à examiner l’ensemble des différents éléments qui forment la relation entre les parties. » Ce critère composé de quatre parties tient compte des éléments suivants : (1) degré ou absence de contrôle exercé par l’employeur allégué; (2) propriété des instruments de travail; (3) possibilités de bénéfices; et (4) risque de perte. Aucun de ces facteurs proprement dits n’est déterminant en common law. Pour trancher la question, le tribunal de première instance doit combiner et intégrer les quatre facteurs afin de déterminer la signification de la relation dans son ensemble. Le juge MacGuigan a également déclaré que le « critère d’organisation » ou le « critère d’intégration », c’est-à-dire la mesure dans laquelle le travailleur est essentiel pour l’entreprise de l’employeur, est également utile. La véritable question consiste à déterminer si le travailleur exerce des activités pour lui-même ou en son nom plutôt qu’au nom de l’employeur allégué.

[28]  Dans l’arrêt 671122 Ontario Ltd. c. Sagaz Industries Canada Inc., 2001 CSC 59 (C.S.C.), le juge Major de la Cour suprême du Canada a conclu qu’en common law, la différence entre un employé et un entrepreneur indépendant était le degré de contrôle que l’employeur exerce sur les activités du travailleur. Le contrôle n’est toutefois pas le seul facteur à considérer pour décider si un travailleur est un employé ou un entrepreneur indépendant. Selon le juge Major, aucun critère universel ne permet de déterminer, de façon concluante, si une personne est un employé ou un entrepreneur indépendant. Au paragraphe 47 et 48 de ses motifs, il expose ce qui suit :

47.  Bien qu’aucun critère universel ne permette de déterminer si une personne est un employé ou un entrepreneur indépendant, je conviens avec le juge MacGuigan que la démarche suivie par le juge Cooke dans la décision Market Investigations, précitée, est convaincante. La question centrale est de savoir si la personne qui a été engagée pour fournir les services les fournit en tant que personne travaillant à son compte. Pour répondre à cette question, il faut toujours prendre en considération le degré de contrôle que l’employeur exerce sur les activités du travailleur. Cependant, il faut aussi se demander, notamment, si le travailleur fournit son propre outillage, s’il engage lui-même ses assistants, quelle est l’étendue de ses risques financiers, jusqu’à quel point il est responsable des mises de fonds et de la gestion et jusqu’à quel point il peut tirer profit de l’exécution de ses tâches.

48.  Ces facteurs, il est bon de le répéter, ne sont pas exhaustifs et il n’y a pas de manière préétablie de les appliquer. Leur importance relative respective dépend des circonstances et des faits particuliers de l’affaire.

[29]  L’intention commune des parties, si elle peut être déterminée, est également un facteur important pour déterminer si la relation en est une d’employeur-employé ou de travailleur indépendant. Il faut regarde l’ensemble des circonstances entourant la relation pour en déterminer la véritable nature.

[30]  Dans l’arrêt Royal Winnipeg Ballet c. M.R.N., 2006 CAF 87 (C.A.F.), la Cour d’appel fédérale a été influencée par l’intention commune des parties. La Cour était d’avis que les danseurs embauchés par le Royal Winnipeg Ballet étaient des entrepreneurs indépendants plutôt que des employés. La juge Sharlow était d’avis que le juge de première instance a commis une erreur en ne tenant pas compte de l’intention des parties. Les parties n’avaient pas l’intention d’établir une relation employeur-employé par le biais de ce contrat. La juge Sharlow a tracé l’historique jurisprudentiel depuis l’affaire Wiebe Doors, aux paragraphes 60, 61 et 64 :

60.  … Un de ces principes veut que, lorsqu’il s’agit d’interpréter un contrat, il faut rechercher l’intention commune des parties plutôt que de s’en remettre uniquement au sens littéral des mots utilisés. Un autre principe est que, pour interpréter un contrat, il convient de tenir compte des circonstances dans lesquelles il a été conclu, de l’interprétation que lui ont déjà donnée les parties ou d’autres personnes, ainsi que de l’usage. La conclusion inévitable est qu’il faut toujours examiner les éléments de preuve qui reflètent la façon dont les parties ont compris leur contrat et leur accorder une force probante appropriée.

61.  Je souligne, une fois de plus, que cela ne veut pas dire que les affirmations que font les parties quant à la nature juridique de leur contrat sont concluantes. Cela ne veut pas dire non plus que les déclarations que font les parties quant à leurs intentions doivent nécessairement amener le tribunal à conclure que leurs intentions ont été concrétisées. Pour paraphraser la juge Desjardins (au paragraphe 71 des motifs principaux de l’arrêt Wolf), lorsqu’il est prouvé que les modalités du contrat, examinées dans le contexte factuel approprié, ne reflètent pas la relation juridique que les parties affirment avoir souhaité établir, alors il ne faut pas tenir compte de leur intention déclarée.

[...]

64.  Dans les circonstances, il me semble qu’il serait contraire aux principes applicables de mettre de côté, en le considérant comme dépourvu de toute force probante, le témoignage non contredit des parties quant à la façon dont elles comprennent la nature de leur relation juridique, même si ce témoignage ne saurait être déterminant. Le juge aurait dû examiner les facteurs de l’arrêt Wiebe Door à la lumière de ce témoignage non contredit et se demander si, dans l’ensemble, les faits étaient compatibles avec la conclusion selon laquelle les danseurs étaient des travailleurs indépendants, comme les parties le pensaient, ou s’ils étaient davantage compatibles avec la conclusion selon laquelle les danseurs étaient des employés. C’est parce que le juge n’a pas adopté cette approche qu’il en est arrivé à une conclusion erronée.

[31]  Dans l’affaire 1392644 Ontario Inc. (Connor Homes) c. M.R.N., 2013 CAF 85, le juge Mainville de la Cour d’appel fédérale a abordé le critère utilisé pour déterminer si un travailleur est un employé ou un entrepreneur indépendant aux paragraphes 23, 29, 33, 38, 39, 40 et 41 :

23.  La question fondamentale à laquelle il faut répondre pour déterminer si une personne donnée travaille comme employé ou comme entrepreneur indépendant est trompeusement simple : il s’agit de savoir si elle assure les services en question en tant que personne travaillant à son compte; voir 671122 Ontario Ltd. c. Sagaz Industries Canada Inc., 2001 CSC 59, [2001] 2 R.C.S. 983 (Sagaz), paragraphe 47.

[...]

29.  Les facteurs à prendre en considération peuvent donc varier selon les faits de l’espèce, et la liste doit en rester ouverte. Néanmoins, certains facteurs sont habituellement pertinents, à savoir le degré de contrôle que l’employeur exerce sur les activités du travailleur, ainsi que les points de savoir si ce dernier fournit son propre outillage, s’il engage lui‑même ses assistants, s’il gère et assume des risques financiers, et s’il peut escompter un profit de l’exécution de ses tâches.

[...]

33.  Par conséquent, la jurisprudence de Royal Winnipeg Ballet enseigne que le premier point à prendre en considération est celui de savoir s’il y a chez les parties une entente ou une intention commune touchant leur relation. Lorsque l’on constate une telle intention commune, qu’elle soit d’établir une relation de client à entrepreneur indépendant ou d’employeur à employé, il convient d’appliquer le critère consacré par la jurisprudence Wiebe Door en examinant les facteurs voulus à la lumière de cette intention afin d’établir si, tout bien pesé, les faits pertinents cadrent avec celle‑ci et la confirment […] [...]

[...]

38.  C’est pourquoi les arrêts Wolf et Royal Winnipeg Ballet exposent une méthode en deux étapes pour l’examen de la question centrale, telle que l’ont définie les arrêts Sagaz et Wiebe Door, qui est d’établir si l’intéressé assure, ou non, les services en tant que personne travaillant à son compte.

39.  La première étape consiste à établir l’intention subjective de chacune des parties à la relation. On peut le faire soit d’après le contrat écrit qu’elles ont passé, soit d’après le comportement effectif de chacune d’elles, par exemple en examinant les factures des services rendus, et les points de savoir si la personne physique intéressée s’est enregistrée aux fins de la TPS et produit des déclarations d’impôt en tant que travailleur autonome.

40.  La seconde étape consiste à établir si la réalité objective confirme l’intention subjective des parties. Comme le rappelait la juge Sharlow au paragraphe 9 de l’arrêt TBT Personnel Services Inc. c. Canada, 2011 CAF 256, 422 N.R.366, « il est également nécessaire d’examiner les facteurs exposés dans Wiebe Door afin de déterminer si les faits concordent avec l’intention déclarée des parties. » Autrement dit, l’intention subjective des parties ne peut l’emporter sur la réalité de la relation telle qu’établie par les faits objectifs. À cette seconde étape, on peut aussi prendre en considération l’intention des parties, ainsi que les modalités du contrat, puisqu’elles influent sur leurs rapports. Ainsi qu’il est expliqué au paragraphe 64 de l’arrêt Royal Winnipeg Ballet, les facteurs applicables doivent être examinés « à la lumière de » l’intention des parties. Cela dit, cependant, la seconde étape est une analyse des faits pertinents aux fins d’établir si le critère des arrêts Wiebe Door et de Sagaz est, ou non, rempli, c’est‑à‑dire si la relation qu’ont nouée les parties est, sur le plan juridique, une relation de client à entrepreneur indépendant ou d’employeur à employé.

41.  La question centrale à trancher reste celle de savoir si la personne recrutée pour assurer les services le fait, concrètement, en tant que personne travaillant à son compte. Comme l’expliquent aussi bien les arrêts Wiebe Door que Sagaz, aucun facteur particulier ne joue de rôle dominant, et il n’y a pas de formule fixe qu’on puisse appliquer, dans l’examen qui permet de répondre à cette question. Les facteurs à prendre en considération varient donc selon les faits de l’espèce. Néanmoins, les facteurs que spécifient les arrêts Wiebe Door et Sagaz sont habituellement pertinents, ces facteurs étant le degré de contrôle exercé sur les activités du travailleur, ainsi que les points de savoir si ce dernier fournit lui‑même son outillage, engage ses assistants, gère et assume des risques financiers, et peut escompter un profit de l’exécution de ses tâches.

[32]  Après avoir procédé à ce bref examen jurisprudentiel, je vais maintenant discuter des différents facteurs.

PREMIÈRE ÉTAPE : Il faut établir l’intention subjective de chaque partie.

[33]  Tous les enseignants rencontrés en entrevue se considéraient comme des entrepreneurs indépendants. Cet avis était partagé par l’école. L’entente conclue par les enseignants définissait la relation comme une relation avec un entrepreneur indépendant. Il n’y avait aucune retenue à la source pour les impôts, le RPC ou l’AE. Il n’y avait aucun avantage social (soins médicaux, dentaires, etc.) ni régime de retraite. Il n’y avait pas de vacances payées et les enseignants n’étaient pas rémunérés pour les jours fériés. Les enseignants produisaient leurs déclaration de revenus en déclarant leur revenu comme un revenu d’affaires et certains ont déduit des dépenses d’entreprise de ce revenu. Des factures devaient être soumises pour les services dispensés. Je conclus que les enseignants et l’école avaient une intention mutuelle et comprenaient que les travailleurs étaient embauchés comme entrepreneurs indépendants et non comme employés de l’école.

DEUXIÈME ÉTAPE : Établir si la réalité objective confirme l’intention subjective des parties

[34]  L’intention subjective des parties ne peut l’emporter sur la réalité de la relation telle qu’établie par les faits objectifs. Le volet du critère de réalité objective nécessite un examen des facteurs établis dans l’arrêt Wiebe Door, ainsi que d’autres facteurs, pour déterminer si les faits corroborent l’intention subjective exprimée par les parties.

(i)  Niveaux d’urgence

[35]  Selon les entrevues avec les enseignants, l’entrevue de M. Xu et les preuves déposées lors de l’instruction de l’affaire, l’école a retenu les services d’enseignants pour dispenser des cours crédités au niveau secondaire ainsi que d’autres cours. Les enseignants ont affirmé qu’ils étaient supervisés par M. Xu et le directeur de l’école dans le cadre des tâches à exécuter. Toutefois, ils travaillaient de manière autonome en classe. Selon les entrevues avec les enseignants, l’école assignait les obligations professionnelles. Ces obligations consistaient à préparer la matière à enseigner en vue de la présenter aux étudiants conformément à un curriculum approuvé, assigner et corriger les devoirs, préparer, administrer et corriger les examens, évaluer les progrès, déterminer les besoins individuels des étudiants et discuter des résultats avec les parents et les responsables de l’école, tenir des discussions avec les étudiants pour compléter les cours magistraux, au besoin, participer aux réunions du personnel, aux conférences éducatives et aux ateliers de formation des enseignants. À mon avis, les types de tâches assignés aux enseignants sont semblables à ceux que tous les enseignants à l’échelle du Canada sont tenus d’exécuter. Les cours crédités devaient être enseignés à la base opérationnelle de l’école, située au 2347, route Kennedy, bureau 505, Toronto (Ontario). L’école contrôlait les heures de travail; elle était ouverte du lundi au vendredi de 8 h à 16 h, bien que des cours pouvaient être permis la fin de semaine. Les enseignants devaient informer l’école s’ils prévoyaient manquer un cours. Bien que les enseignants étaient encouragés à recruter des étudiants, l’inscription se faisait directement auprès de l’école et les étudiants versaient leurs frais de scolarité directement à l’école et non aux enseignants. Tout bien pesé, j’estime que la prise en compte du facteur « niveau de contrôle » laisse croire davantage que les enseignants étaient des employés plutôt que des entrepreneurs indépendants.

(ii) Outils et équipement

[36]  Les outils les plus importants pour un enseignant sont ses connaissances et sa capacité à transmettre ces connaissances à ses étudiants. Ces outils et équipements diffèrent de ceux envisagés dans l’affaire Wiebe Door. En l’espèce, les enseignants ont également utilisé leurs propres ordinateurs portables, mais ces appareils sont omniprésents dans la société actuelle – tout le monde en a un. Toutefois, tous les enseignants ont affirmé au cours des entrevues que l’école fournissait le matériel audio-visuel, les documents, les livres d’exercice ainsi que les notes de discussion et de présentation requises pour exécuter leurs fonctions. Ces affirmations sont contraires au témoignage de M. Xu. L’école assurait des services de secrétariat, des services administratifs et des services de photocopie. M. Xu a indiqué que les enseignants devaient fournir tout le matériel d’enseignement, dont les manuels scolaires, bien que des manuels pouvaient être prêtés aux enseignants par l’école. Il n’est pas rare pour les enseignants, même ceux qui ont le statut d’employé, de fournir leur propre matériel d’enseignement. Tout bien pesé, j’estime que le facteur « outils et équipements » est un facteur neutre.

Embauche d’aides

[37]  Tous les enseignants se sont acquittés eux-mêmes de leurs tâches d’enseignement – effectivement, c’est la raison pour laquelle ils ont été embauchés. Ils ont été embauchés pour dispenser des services personnels d’enseignement en raison de leurs compétences et de leurs connaissances individuelles. Toutefois, l’entente indique que l’enseignant peut embaucher un assistant, une aide ou un enseignant suppléant. Aucun élément de preuve ne démontre que les enseignants ont embauché un assistant ou une aide en classe. Tous les enseignants ont indiqué au cours de leur entrevue qu’ils devaient informer l’école s’ils prévoyaient être absents pour des raisons comme la maladie. L’école serait ensuite responsable de trouver et de payer un enseignant suppléant. M. Xu, au nom de l’école, nie cette affirmation, bien qu’il ait déclaré en entrevue que l’école était responsable de couvrir les coûts d’un enseignant suppléant. Puisque l’école a conclu une entente avec les étudiants pour leur enseigner, elle est également responsable de fournir les enseignants, les enseignants suppléants ou autre. J’estime, selon la prépondérance des probabilités, que l’école a bel et bien couvert les coûts associés aux enseignants suppléants, comme le ferait toute autre école en Ontario. Tout bien pesé, le facteur « embauche d’aides » en l’espèce laisse croire davantage à une relation employeur-employé qu’à une relation avec un entrepreneur indépendant.

Risque financier – Profits et pertes

[38]  Les enseignants étaient rémunérés pour leurs services personnels selon un taux horaire variant entre 20 $ et 33 $; la plupart se trouvaient à l’extrémité inférieure de cette fourchette. Le taux de rémunération était établi par l’école en fonction de la charge de travail et du rendement. Selon les enseignants rencontrés en entrevue, ce taux n’était ni négocié ni négociable. La seule façon pour l’enseignant d’augmenter ses revenus était de travailleur un plus grand nombre d’heures, comme le feraient des employés. Il n’existait pas de façon de travailler plus efficacement en ayant recours à la sous-traitance à un coût inférieur. À mon avis, cette façon de faire n’est pas pratique et n’aurait pour seul effet que de réduire les revenus de l’enseignant. Les enseignants n’étaient pas exposés aux risques financiers généralement associés aux personnes qui travaillent à leur propre compte. Aucun des enseignants ne se trouvait dans une position pour réaliser les profits ou les pertes d’entreprise normalement associés à un travailleur autonome. Tout bien pesé, je conclus que le facteur « risque financier – profits et pertes » est plus compatible avec une relation employeur-employé.

Investissements et gestion

[39]  Aucun des enseignants n’était responsable des coûts d’exploitation de l’école. Ils n’ont pas fait d’investissements en capital dans une entreprise liée à l’enseignement et n’ont pas participé à la gestion d’une entreprise. Aucun élément de preuve ne démontre qu’ils ont fait de la publicité ou ont fait de toute autre façon la promotion de leurs services. Ils n’ont pas perçu de TPS pour les services rendus. Certains d’entre eux ont réclamé des dépenses d’entreprise dans leurs déclarations des revenus, mais celles-ci étaient minimales. Aucun élément de preuve ne démontre qu’ils ont souscrit à une assurance responsabilité. Ils n’ont maintenu aucune présence commerciale et n’ont pas fait de promotion indiquant qu’ils menaient des activités à leur propre compte. Ils n’avaient pas de cartes professionnelles à leur nom. Ils ont reçu des cartes professionnelles de l’école et ont été encouragés à promouvoir les services offerts par l’école. Une analyse de ce facteur laisse croire davantage à une relation employeur-employé qu’à une relation avec un entrepreneur indépendant.

Intégration des opérations de l’appelante

[40]  Le degré d’intégration des travailleurs au sein d’une entreprise doit être évalué du point de vue des travailleurs et non de l’entreprise : 671122 Ontario Ltd. c.. Sagaz Industries, [2001] 2 CSC 983, au paragraphe 1003. En l’espèce, les enseignants faisaient partie intégrante des opérations de l’école. Il s’agit là de la nature même d’un établissement d’enseignement. Sans enseignant, il ne peut y avoir d’école. Une école sans enseignant n’est qu’un édifice vide. Ce facteur laisse croire davantage à une relation employeur-employé qu’à une relation avec un entrepreneur indépendant.

Lieu de travail fixe

[41]  Les cours crédités devaient être enseignés dans les locaux de l’école, situés sur la route Kennedy. C’est à cet endroit que se trouvent les salles de classe. Évidemment, cela n’empêchait pas les sorties éducatives et les séances d’enseignement à d’autres endroits. Toutefois, ce facteur laisse croire davantage à une relation employeur-employé qu’à une relation avec un entrepreneur indépendant.

Autres facteurs

[42]  Les enseignants ne percevaient aucune partie des frais de scolarité versés à l’école et étaient rémunérés selon un taux horaire. C’est l’école, et non l’enseignant, qui déterminait si le nombre d’inscriptions était suffisant pour justifier la tenue du cours. Les enseignants devaient répondre aux exigences du curriculum de l’Ontario, à défaut de quoi ils étaient congédiés. L’école devait exercer un niveau suffisant de contrôle et de supervision auprès des enseignants pour déterminer s’ils répondaient aux normes du curriculum. M. Xu a indiqué que si les enseignants ne répondaient pas aux normes du curriculum, ils devaient rembourser les frais de scolarité et étaient financièrement responsables auprès des étudiants. Je rejette cette prétention. Les étudiants étaient des clients de l’école, et non des enseignants. La responsabilité financière auprès des étudiants pour ne pas avoir satisfait aux normes du curriculum incombait à l’école, puisque l’école possédait un lien contractuel avec les étudiants, et non avec les enseignants. Ce facteur laisse croire davantage à l’existence d’une relation employeur-employé entre les enseignants et l’école qu’à une relation avec un entrepreneur indépendant.

Conclusion

[43]  Il est acquis, dans les litiges de nature fiscale, que le fardeau de la preuve incombe à l’appelant : voir Hickman Motors Ltd. c. Canada, [1997] 2 RCS 336. En l’espèce, l’appelante n’a pas réussi à s’acquitter du fardeau qui lui incombait. Tout bien pesé, une analyse de la relation dans son ensemble à la lumière de l’intention subjective des parties me convainc que la vraie nature de la relation qui existait entre les enseignants et l’école en était une d’employeur-employé et non d’entrepreneurs indépendants au cours de la période visée. Par conséquent, les enseignants exerçaient un emploi assurable et ouvrant droit à pension auprès de l’école en application de la LAE et du RPC, respectivement, au cours des périodes visées.

[44]  Pour les motifs qui précèdent, les appels sont rejetés sans dépens.

Signé à Kingston, Canada, ce 15e jour de mai 2019.

« Rommel G. Masse »

Le juge suppléant Masse


RÉFÉRENCE :

2019 CCI 117

NO DU DOSSIER DE LA COUR :

2017-1715(CPP)

2017-1717(EI)

 

INTITULÉ :

CANADA SUN EDUCATION INC., ET LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL

LIEU DE L’AUDIENCE :

Toronto (Ontario)

DATE DE L’AUDIENCE :

Le 31 janvier 2019

MOTIFS DU JUGEMENT :

L’honorable juge suppléant Rommel G. Masse

DATE DU JUGEMENT :

Le 15 mai 2019

COMPARUTIONS :

Représentant de l’appelante :

Kai Hong Xu

Avocat de l’intimé :

Me Derek Edwards

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Pour l’appelante :

Nom :

[EN BLANC]

 

Cabinet :

[EN BLANC]

 

Pour l’intimé :

Nathalie G. Drouin

Sous-procureur général du Canada

Ottawa, Canada

 

 

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