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Dossier : 2018-4318(GST)APP

ENTRE :

MARINA POUR AFKARI,

appelante,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 


Demande entendue le 20 mars 2019, à Toronto (Ontario).

Devant : L’honorable juge Susan Wong

Comparutions :

Avocat de l’appelante :

Me Joseph G. LoPresti

Avocat de l’intimée :

Me Eric Myles

 

ORDONNANCE

  La demande déposée en application de l’article 304 de la Loi sur la taxe d’accise pour obtenir une prorogation du délai prévu pour contester est rejetée sans dépens.

Signée à Ottawa, Canada, ce 21e jour d’août 2019.

« Susan Wong »

La juge Wong


Référence : 2019 CCI 173

Date : 20190821

Dossier : 2018-4318(GST)APP

ENTRE :

MARINA POUR AFKARI,

appelante,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

MOTIFS DE L’ORDONNANCE

La juge Wong

Introduction

[1]  L’appelante, Mme Pour Afkari, souhaite obtenir une prorogation du délai prévu pour contester la cotisation établie le 25 juillet 2016 par le ministre du Revenu national, dans laquelle il rejette sa demande de remboursement de la TPS/TVH pour habitations neuves.

[2]  La demande de remboursement découle de l’achat par l’appelante d’un logement en copropriété situé dans l’édifice Suite 1908, au 32, Davenport Road, à Toronto (la propriété concernée par le remboursement).

[3]  L’appelante a témoigné pour son compte. Sarah Faria (agent des litiges de l’Agence du revenu du Canada) a témoigné pour le compte de l’intimée. Avant l’audience, l’intimée a déposé des affidavits de Mme Faria et M. Trevor Neill (gestionnaire au sein du service d’impression-courrier de l’Agence), en application de l’article 335 de la Loi sur la taxe d’accise.

Questions en litige

[4]  Dans le cadre de la demande de prorogation, l’appelante soutient que le ministre a envoyé par erreur l’avis de cotisation à la propriété concernée par le remboursement plutôt qu’à l’adresse domiciliaire de l’appelante, soit le 2604 – 1, Rean Drive, à Toronto (l’adresse résidentielle). Elle affirme que c’est pour cette raison qu’elle n’a pas reçu l’avis avant la fin de juillet 2018 et que le calcul du délai pour soumettre sa demande de prorogation devrait commencer le 31 juillet 2018.

Le contexte factuel

A. Demande de remboursement

[5]  L’appelante est radiologiste et actuellement inscrite au programme d’études supérieures à l’Université de Toronto.

[6]  Dans son témoignage, elle a indiqué avoir acheté la propriété concernée par le remboursement en prévente en mars 2011. Elle a indiqué qu’elle avait acheté cette propriété pour ses filles, qui fréquentaient alors l’école secondaire et prévoyaient fréquenter l’Université de Toronto. Elle a indiqué dans son témoignage que, pour l’aider dans son achat, elle a retenu les services d’une agente immobilière recommandée par des amis.

[7]  Elle a ajouté qu’au moment de l’achat de la propriété concernée par le remboursement, elle habitait à l’adresse résidentielle, où elle vivait depuis environ sept ans.

[8]  Elle a indiqué que la construction de la propriété concernée par le remboursement devait être terminée en septembre 2015.

[9]  Elle a ajouté qu’elle a passé les mois de mars et avril 2015 en Iran pour célébrer le Nouvel An iranien. Dans son témoignage, elle a indiqué que son agent immobilier se trouvait également en Iran pour les célébrations du Nouvel An. Elle a affirmé que lorsqu’il est devenu évident que la construction de la propriété concernée par le remboursement serait terminée alors qu’elle était absente, elle a donné à l’époux de l’agente immobilière, Behrouz Javadi, une procuration pour finaliser la vente en son nom.

[10]  À la section A du formulaire Demande de remboursement de la TPS/TVH pour les maisons achetées d’un constructeur (pièce A de l’affidavit de Mme Faria), l’adresse de la propriété concernée par le remboursement apparaît dans la case devant contenir l’adresse de la propriété achetée. Deux lignes plus bas, on retrouve la section contenant l’adresse postale du demandeur et la case « Comme ci-dessus » est cochée, alors que la section adjacente utilisée pour entrer une autre adresse postale est vide.

[11]  À la section B de la demande, la case « Oui » est cochée en réponse à la question suivante « Avez-vous acheté la maison pour l’utiliser comme lieu de résidence habituelle pour vous-même ou un proche? »

[12]  Le formulaire de demande de remboursement est signé par M. Javadi au nom de l’appelante et daté du 12 ou du 17 juin 2015 (l’écriture n’est pas claire).

[13]  Une déclaration solennelle et une cession du remboursement au constructeur accompagnent le formulaire de demande de remboursement (pièce A de l’affidavit de Mme Faria). Ces documents sont également signés par M. Javadi au nom de l’appelante et datés du 12 ou du 17 juin 2015 (encore une fois, l’écriture n’est pas claire). Au paragraphe 2 de la déclaration solennelle, l’appelante déclare solennellement ce qui suit :

[traduction] […] j’ai acquis la propriété à titre de lieu de résidence habituelle ou de lieu de résidence habituelle pour l’un de mes proches, au sens de l’article 254 de la Loi sur la taxe d’accise (Canada), en sa version modifiée ou remplacée, et que moi ou mes proches avons été les premiers occupants de la propriété susmentionnée et continuent à occuper la propriété comme lieu de résidence habituelle à la date des présentes.

B. Communications entre le ministre et l’appelante

1)  Point de vue du ministre

[14]  Selon l’estampille du timbre dateur sur le formulaire de demande de remboursement (pièce A de l’affidavit de Mme Faria), la demande a été reçue par le ministre le 5 août 2015.

[15]  La pièce B de l’affidavit de Mme Faria est constituée de deux copies d’une lettre datée du 2 juin 2016, envoyée par le ministre à l’appelante. Les lettres sont identiques, si ce n’est que l’une est adressée à la propriété concernée par le remboursement et l’autre, à l’adresse résidentielle. La lettre a été envoyée par une inspectrice de l’accise appelée Teresa Gallant et porte sur les tentatives infructueuses pour communiquer par téléphone avec l’appelante. La lettre fait mention de la demande de remboursement et indique que des renseignements supplémentaires sont requis. La lettre précise également la date limite du 2 juillet 2016 pour faire parvenir une réponse.

[16]  La pièce C de l’affidavit de Mme Faria est une copie d’une note électronique datée du 14 juillet 2016. La note a été rédigée par un utilisateur dont le numéro a été confirmé par Mme Faria comme étant celui de Mme Gallant. La note indique que le 2 juin 2016, une lettre initiale a été envoyée à la propriété concernée par le remboursement et à l’adresse « RAPID ». Mme Faria a indiqué dans son témoignage que le système RAPID de l’Agence contiendrait l’adresse du demandeur utilisée aux fins de soumission de la déclaration T1 (c.-à-d. l’adresse résidentielle).

[17]  La pièce D de l’affidavit de Mme Faria est une reproduction de l’avis de cotisation du 25 juillet 2016 refusant le remboursement. L’adresse de l’avis est celle de la propriété concernée par le remboursement.

2)  Point de vue de l’appelante

[18]  L’appelante a expliqué dans son témoignage que sa fille aînée n’était pas prête à vivre seule, si bien qu’elle a décidé de louer la propriété concernée par le remboursement à un tiers. Elle a indiqué que la locataire est finalement restée trois ans et a quitté la propriété en juin 2018. L’appelante a indiqué dans son témoignage qu’à son départ, la locataire a remis une boîte de courrier à l’agente immobilière afin que celle-ci lui remette.

[19]  L’appelante a indiqué que la lettre du ministère envoyée à la propriété concernée par le remboursement en date du 2 juin 2016 et l’avis de cotisation du 25 juillet 2016 se trouvaient dans la boîte remise par la locataire. Elle a ajouté qu’elle n’avait jamais reçu le double de la lettre datée du 2 juin 2016 envoyée à l’adresse résidentielle.

[20]  Elle a soumis à la Cour une lettre écrite à la main par la locataire dans l’onglet A de l’avis de cotisation. Dans la lettre, la locataire affirme que le 31 juillet 2018, elle a remis à l’appelante une boîte d’enveloppes de Postes Canada, dont une enveloppe de l’Agence. L’appelante a indiqué dans son témoignage qu’elle avait demandé à son agente immobilière de demander cette lettre à la locataire.

Critère

[21]  Dans Mpamugo c. La Reine, 2016 CCI 215, au paragraphe 6, confirmé dans 2017 CAF 136, la Cour a établi un processus en quatre étapes pour les situations où on allègue que l’avis de cotisation d’impôt sur le revenu n’a jamais été posté. Pour les besoins d’un remboursement de TPS, je résumerais le processus en quatre étapes comme suit :

1)  Le contribuable doit confirmer que l’avis de cotisation n’a pas été posté ou envoyé, ou qu’il n’a pas été posé à la bonne adresse.

2)  Le ministre doit produire suffisamment d’éléments de preuve dont il ressort, selon la prépondérance des probabilités, que l’avis de cotisation a effectivement été posté ou envoyé.

3)  Si le ministre prouve que l’avis de cotisation a bel et bien été envoyé, il est alors présumé que l’envoi postal a eu lieu à la date énoncée sur l’avis [conformément au paragraphe 335(10)]; et

4)  Si l’avis a été envoyé par la poste et que la date de l’envoi postal a été établie, la cotisation est réputée avoir été établie à cette date [conformément au paragraphe 335(11)]. L’avis de cotisation est également réputé avoir été reçu à cette date e [conformément au paragraphe 334(1)].

[22]  La Cour d’appel fédérale a clarifié que la crédibilité peut être établie à la première ou à la deuxième étape du processus : voir Mpamugo, au paragraphe 12.

Discussion

[23]  En l’espèce, l’appelante reconnaît avoir reçu l’avis de cotisation, mais soutient que l’avis n’aurait pas dû être envoyé à d’adresse de la propriété concernée par le remboursement. La deuxième étape du processus est donc satisfaite. Je vais donc me concentrer sur la première étape.

Première étape

[24]  L’avis de cotisation a été envoyé à la propriété concernée par le remboursement, qui est l’adresse cochée comme adresse postale dans le formulaire de la demande de remboursement. Cela devrait être suffisant pour établir que l’avis de cotisation a été envoyé à la bonne adresse.

[25]  Aucun élément de preuve ne suggère que M. Javadi a agi au-delà de la portée des pouvoirs que lui confère la procuration ou que la mauvaise adresse postale a été indiquée dans le formulaire de demande de remboursement. M. Javadi a utilisé la procuration qui lui a été accordée par l’appelante pour remplir le formulaire de demande de remboursement ainsi que d’autres documents se rapportant à la conclusion de l’achat de la propriété concernée par le remboursement.

[26]  En contre-interrogatoire, l’appelante a affirmé qu’au moment où M. Javadi a rempli les documents liés à la demande de remboursement, elle et son mari s’attendaient à ce que leurs filles habitent la propriété concernée par le remboursement. Elle a affirmé que M. Javadi ne lui avait pas demandé quelle était l’adresse postale et a probablement présumé que cette adresse serait celle de la propriété concernée par le remboursement aux fins de la demande de remboursement. Elle a également indiqué dans son témoignage que M. Javadi pourrait lui avoir remis une copie de la demande de remboursement à son retour d’Iran en 2015, mais qu’elle ne l’avait pas regardé avant juin 2018. Elle soutient qu’elle lui a simplement fait confiance et qu’elle ne comprenait pas le processus.

[27]  Le témoignage de l’appelante manquait de précision à tous les égards, outre sa certitude que l’avis de cotisation n’a pas été reçu à l’adresse résidentielle. Par exemple, en contre-interrogatoire, elle a affirmé qu’elle était à l’extérieur du pays pendant les mois de mars et avril 2015, mais que son absence avait peut-être duré plus longtemps. En réinterrogatoire, elle a indiqué qu’elle avait été absente jusqu’en juin ou juillet 2015. Plus tard au cours du même réinterrogatoire, elle a affirmé qu’elle se rappelait être revenue d’Iran en août 2015, à temps pour le début des classes en septembre.

[28]  Autre exemple, l’appelante a indiqué à différents moments dans la preuve directe qu’en juin 2018: 1) sa locataire est partie, 2) elle a reçu la boîte de lettres de sa locataire, et 3) elle a vu pour la première fois l’avis de cotisation. Elle a témoigné qu’elle et sa famille avaient emménagé dans la propriété concernée par le remboursement un mois après le départ de sa locataire. Elle a également affirmé que le 16 juillet 2018, elle a reçu de l’Agence une lettre de recouvrement (pièce A-1, onglet 3) à la même période que son déménagement, et qu’elle ne savait pas si cette lettre se trouvait dans la boîte de lettres ou si elle l’avait reçue personnellement. Cependant, la lettre de la locataire indique que la boîte de lettres a été remise à l’appelante le 31 juillet 2018.

[29]  Ce manque de précision ne suggère pas que l’appelante a été malhonnête en l’espèce, mais dénote plutôt un manque d’attention à l’égard de ses propres affaires, par exemple, le fait que des dates limites ne pourraient être respectées.

[30]  Je conclus que l’avis de cotisation a été envoyé à la bonne adresse, soit l’adresse de la propriété concernée par le remboursement.

Deuxième étape

[31]  Comme nous l’avons indiqué plus tôt, l’appelante reconnaît avoir reçu l’avis de cotisation à l’adresse de la propriété concernée par le remboursement. Par conséquent, la deuxième étape du processus est satisfaite.

Troisième étape

[32]  Aucun élément de preuve n’a été déposé pour contester la présomption que la date d’envoi est la date de l’avis (c.-à-d. le 25 juillet 2016). Par conséquent, l’avis de cotisation a été envoyé le 25 juillet 2016.

Quatrième étape

[33]  En l’espèce, l’avis de cotisation a été envoyé par la poste et la date d’envoi a été établie au 25 juillet 2016. Conformément au paragraphe 335(11), l’avis de cotisation est réputé avoir été fait à cette date. Conformément au paragraphe 334(1), l’avis de cotisation est réputé avoir été reçu par l’appelante à cette même date.

Conclusion

[34]  Selon l’adresse d’envoi postal du 25 juillet 2016, la date limite pour contester la cotisation établie était le 24 octobre 2016, conformément au paragraphe 301(1.1).

[35]  Conformément au paragraphe 304(5), le délai de grâce supplémentaire d’un an pour demander une prorogation du délai prévu pour contester une cotisation a pris fin le 24 octobre 2017. Comme aucune demande de prorogation n’a été soumise au ministre avant cette date, la Cour ne peut accueillir la présente demande.

[36]  La demande est rejetée sans dépens.

Signée à Ottawa, Canada, ce 21e jour d’août 2019.

« Susan Wong »

La juge Wong


RÉFÉRENCE :

2019 CCI 173

NO DU DOSSIER DE LA COUR :

2018-4318(GST)APP

INTITULÉ :

MARINA POUR AFKARI c. LA REINE

LIEU DE L’AUDIENCE :

Toronto (Ontario)

DATE DE L’AUDIENCE :

Le 20 mars 2019

MOTIFS DE L’ORDONNANCE :

L’honorable juge Susan Wong

DATE DE L’ORDONNANCE :

Le 21 août 2019

COMPARUTIONS :

Avocat de l’appelante :

Me Joseph G. LoPresti

Avocat de l’intimée :

Me Eric Myles

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Pour l’appelante :

Nom :

Me Joseph G. LoPresti

 

Cabinet :

LoPresti Law

Avocats

1510-5140 Yonge Street

Toronto (Ontario)  M2N 6L7

 

Pour l’intimée :

Nathalie G. Drouin

Sous-procureure générale du Canada

Ottawa (Canada)

 

 

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