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Dossier : 2018-598(IT)I

ENTRE :

ALEXANDRE LE BOUTHILLIER,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

Appel entendu le 18 janvier 2019, à Montréal (Québec)

Devant : L'honorable juge Réal Favreau


Comparutions :

 

Avocat de l'appelant :

Me Yacine Agnaou

Avocat de l'intimée :

Me Julien Dubé-Senécal

 

JUGEMENT

  L’appel interjeté à l’égard de la nouvelle cotisation établie en vertu de la Loi de l’impôt sur le revenu datée du 6 octobre 2016 pour l’année d’imposition 2013 est rejeté conformément aux motifs du jugement ci-joints.

Signé à Montréal (Québec), ce 27e jour d’août 2019.

« Réal Favreau »

Juge Favreau

 


Référence : 2019 CCI 176

Date : 20190827

Dossier : 2018-598(IT)I

ENTRE :

ALEXANDRE LE BOUTHILLIER,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 


MOTIFS DU JUGEMENT

Le juge Favreau

[1]  L’appelant, Alexandre Le Bouthillier, interjette appel d’une nouvelle cotisation établie, en vertu de la Loi de l’impôt sur le revenu, L.R.C. (1985), ch. 1 (5e suppl.), telle que modifiée (la « Loi »), par le ministre du Revenu national (le « ministre »), et datée du 6 octobre 2016 à l’égard de l’année d’imposition 2013.

[2]  En produisant sa déclaration de revenus pour l’année d’imposition 2013, l’appelant a réclamé une déduction pour des dépenses d’emploi au montant de 27 406 $ à titre de « autres frais ». Aux termes de la nouvelle cotisation, le ministre a révisé à 2 999 $ la déduction pour « autres frais » réclamée par l’appelant.

[3]  En fixant l’impôt payable par l’appelant, le ministre s’est fondé sur les faits suivants :

  • a) l’appelant était un travailleur salarié à l’emploi de la société Planora inc. (ci-après, « Planora ») en tant que vice-président Sciences et technologies;

  • b) en vertu du contrat d’emploi, le salaire de base annuel était de 200 000 $ et l’appelant pouvait recevoir 25 % du salaire de base en bonus annuel;

  • c) au cours de la période en litige, l’appelant a déclaré un revenu d’emploi de 22 364 $ et une allocation de retraite de 166 666,60 $ provenant de Planora;

  • d) l’appelant n’a eu un revenu d’emploi de Planora que quelques semaines au cours de l’année d’imposition 2013;

  • e) en produisant sa déclaration de revenus pour l’année d’imposition 2013, l’appelant a réclamé un montant de 27 406 $ réclamé [sic] à titre de « autres frais »;

  • f) au stade de la vérification, l’appelant a fourni un état des dépenses d’emploi et pour lequel, le ministre a révisé les dépenses comme suit:

Dépense d’emploi

Montant

déclaré

Montant réclamé à la

vérification

Montant accordé

Montant

refusé

Frais de représentation

 

6 507 $

558 $

5 949 $

Hébergement

 

603 $

0 $

603 $

Téléphone et internet

 

2 504 $

14 $

2 490 $

Frais de stationnement

 

56 $

0 $

56 $

Fournitures

 

2 650 $

480 $

2 170 $

Frais de déplacements

 

17 400 $

0 $

17 400 $

Bureau à domicile

 

3 893 $

1 947 $

1 946 $

Total

27, 406 $

33 613 $

2 999 $

30 614 $

  • g) En vertu de son contrat d’emploi, l’appelant était remboursé pour toutes les dépenses payées par lui en lien avec ses tâches ;

  • h) au cours de l’année d’imposition 2012, Planora a été vendue;

  • i) Jean-François Gagné était l’un des actionnaires de Planora;

  • j) suite aux directives des nouveaux actionnaires et parce qu’il était le seul représentant au Canada, Jean-François Gagné n’a fait que signer le formulaire T2200 « Déclarations des conditions d’emploi »;

  • k) Jean-François Gagné n’a confirmé aucune condition d’emploi;

  • l) la presque totalité des dépenses d’emploi réclamée par l’appelant à titre de « autres frais » a été engagée après la fin du contrat de travail avec Planora;

Frais de représentation

  • m) le montant de de 5 949 $ (11 898 $ x 50 %) réclamé à titre de frais de représentation n’a pas été engagé par l’appelant;

  • n) l’appelant n’a jamais été absent 12 heures consécutives à l’extérieur de la région où il est tenu de travailler;

Hébergement

  • o) le montant de 603$ réclamé à titre d’hébergement n’a pas été engagé en lien avec les activités liées à l’emploi de l’appelant;

Téléphone et internet

  • p) le montant de 2 490 $ réclamé à titre de téléphone et d’internet n’a pas été engagé en lien avec les activités liées à l’emploi de l’appelant;

Frais de stationnement

  • q) le montant de 56 $ réclamé à titre de frais de stationnement n’a pas été engagé en lien avec les activités liées à l’emploi de l’appelant;

Fournitures

  • r) le montant de 2 170 $ réclamé à titre de de fournitures sont refusés, car il a été engagé, entre autres, pour des achats d’équipement tels qu’un écran et un casque d’écoute;

Frais de déplacement

  • s) le montant de 17 400 $ réclamé à titre de déplacement n’a pas été engagé en lien avec les activités liées à l’emploi de l’appelant;

Bureau à domicile

  • t) au stade de la vérification l’appelant a réclamer 25 % des dépenses suivantes :

 

État des dépenses

Loyer mensuel pour 12 mois

14 705 $

Électricité et chauffage

3 538 $

Entretien de la fournaise

127 $

Total des dépenses

18 370 $

Total des dépenses réclamées (25%)

3 893 $

  • u) le ministre a refusé 50 % du montant réclamé soit 1 946 $ au motif que deux personnes étaient responsables du coût du logement.

Le contexte factuel

[4]  Monsieur Le Bouthillier est devenu un employé de la société Planora Inc. (« Planora ») le 27 mars 2002, soit dans l’année où elle a été constituée. Planora a développé et exploité un système d’établissement d’horaires pour le personnel de grandes société aériennes et ferroviaires et d’organismes gouvernementaux, tels que les hôpitaux.

[5]  En juin 2012, Planora a été vendue à RedPrairie Corporation, une société privée américaine ayant sa principale place d’affaires à Atlanta. Aux termes de cette transaction, Planora a d’abord transféré ses actifs technologiques à RedPrairie Corporation et a, par la suite, versé un dividende à ses actionnaires qui ont enfin cédé toutes les actions émises et en cours de Planora à RedPrairie Canada Holdings, Inc., une filiale en propriété exclusive de RedPrairie Corporation.

[6]  Suite à la transaction ci-dessus décrite, l’appelant a, le 5 juillet 2012, conclu avec Planora un contrat d’emploi modifié et reformulé d’une durée indéterminée. Ses fonctions étaient celles de vice-président, sciences et technologies et il pouvait exercer ses fonctions à partir de Dijon en France, comme c’était la pratique auparavant. Son salaire de base était de 200 000 $ et il avait droit de recevoir un bonus annuel pouvant atteindre 25% de son salaire de base. De plus, l’appelant avait droit de se faire rembourser toutes les dépenses raisonnables encourues dans le cadre de ses fonctions. Par contre, le loyer et les dépenses de bureau à la maison, les dépenses de voyages entre les bureaux de la société et les frais de représentations auprès de clients potentiels n’étaient pas sujets à remboursement. Ledit contrat a été signé par monsieur Jean-François Gagné pour le compte de Planora même si ce dernier n’était plus responsable des employés de Planora.

[7]  Dans les mois qui ont suivi la vente de Planora à RedPrairie Corporation, RedPrairie Corporation a elle-même fusionné avec JDA Software Group, Inc. dont le siège social était en Arizona. Suite à cette fusion, le poste de l’appelant auprès de Planora a été éliminé et l’emploi de l’appelant s’est terminé le 7 janvier 2013, soit le jour même où la lettre de fin d’emploi a été remise à l’appelant.

[8]  En vertu de cette lettre de fin d’emploi, l’appelant a eu droit (a) à une indemnité pour défaut d’un préavis équivalent à 12 mois du salaire de base, moins les retenues d’impôts à la source et les autres déductions statutaires, (b) à une paie de vacances de 6 474,74 $, moins les retenues d’impôts et les autres déductions statutaires, (c) à un bonus de 4 500 $, moins les retenues d’impôts à la source et les autres déductions statutaires pour les services rendus lors du 4e trimestre de 2012 (d) à une somme de 6 500 $ pour couvrir ses dépenses de logement, (e) à un montant forfaitaire de 500 $ en compensation pour la perte des bénéfices reliés à sa participation aux régimes d’avantages collectifs de la société et (f) à l’accès aux services d’une agence offrant un programme de placement de personnel, le tout aux frais de la société.

[9]  En vertu de la lettre de fin d’emploi, l’appelant avait jusqu’au 18 janvier 2013 pour soumettre ses relevés de dépenses encourues pour le compte de la société jusqu’au 7 janvier 2013.

[10]  Ladite lettre de fin d’emploi prévoyait également l’obligation pour l’appelant de retourner en bonne condition tous les biens appartenant à la société que l’appelant avait en sa possession de même que des engagements de confidentialité, de non-sollicitation et de non-compétition.

[11]  L’appelant a accepté les termes et conditions de la lettre de fin d’emploi en apposant sa signature au bas de la lettre le 19 février 2013 et en signant le même jour une quittance. Monsieur Jean-François Gagné a signé la lettre de fin d’emploi pour le compte de Planora parce qu’il était alors le seul officier canadien de Planora.

Les témoignages

[12]  Monsieur Jean-François Gagné a témoigné à l’audience pour expliquer que, malgré le fait qu’il ait signé le contrat d’emploi modifié et reformulé de l’appelant le 5 juillet 2012 et la lettre de fin d’emploi de l’appelant le 7 janvier 2013, il n’a pas été impliqué personnellement dans les négociations avec l’appelant parce que l’appelant ne se rapportait pas à lui. Selon lui, le contrat d’emploi modifié et reformulé de l’appelant a été préparé et négocié par la direction des ressources humaines de RedPrairie Corporation et la lettre de fin d’emploi de l’appelant a été préparée et signée par la direction des ressources humaines de JDA Software Group, Inc.

[13]  Monsieur Gagné a expliqué qu’il a assuré l’intérim pour la période de transition entre la vente de Planora et la fusion avec JDA Software Group, Inc. et affirmé qu’il n’était pas au courant des ententes particulières conclues avec les quelques 900 employés qui ont perdu leur emploi suite à la fusion en janvier 2013.

[14]  Monsieur Gagné n’a pas été en mesure d’expliquer les raisons pour lesquelles le formulaire T2200 (Déclaration des conditions de travail) qu’il a signé pour le compte de Planora le 2 juillet 2014 relativement aux conditions d’emploi de l’appelant indique une période d’emploi du 1er janvier 2013 au 1er décembre 2013 et le fait que la société a demandé à l’appelant d’encourir certaines dépenses (frais de voyages, internet et représentations auprès de clients corporatifs) pour lesquelles l’appelant n’a pas reçu d’allocations ou n’a pas été remboursé. Monsieur Gagné a admis avoir signé le formulaire en question et ne pas avoir vérifié l’exactitude des informations fournies. Selon lui, le document a été préparé par la direction de la comptabilité de JDA Software Group, Inc.

[15]  Madame Annick Bernatchez a témoigné à l’audience essentiellement pour identifier des personnes à qui l’appelant a transmis des courriels au cours de l’année 2013 après la fin de son emploi, lesquels ont été mis en preuve par l’appelant. Selon elle, l’appelant répondait à des besoins sporadiques de la part des gestionnaires de JDA Software Group, Inc. (ressources humaines, informatiques et fiscalité). Madame Bernatchez a été embauchée par l’appelant en avril 2011 pour s’occuper de la gestion du bureau. Elle a quitté l’entreprise en mars 2012 pour un congé de maternité et elle est revenue au travail en avril 2013. Elle a quitté la filiale canadienne de JDA Software Group, Inc. en novembre 2018 lors de la fermeture du bureau de Montréal.

[16]  Monsieur Le Bouthillier a également témoigné à l’audience pour expliquer les circonstances qui l’ont amené à réclamer des dépenses d’emploi pour l’année d’imposition 2013. En 2013, monsieur Le Bouthillier était un résident canadien en affectation temporaire de trois ans à Dijon en France où il avait un bureau à la maison. Planora avait alors un bureau à Paris.

[17]   Dans le cadre de la vérification effectuée par l’Agence du Revenu du Canada (l’« ARC »), l’appelant a fourni les informations suivantes :

  • - le formulaire T2200 (Déclaration des conditions de travail pour 2013);

  • - le formulaire T777 (État des dépenses d’emploi pour 2013);

  • - les factures pour les dépenses d’emploi; (matériel de bureau) et d’hébergement;

  • - les relevés kilométriques pour les voyages d’affaires;

  • - un registre des voyages d’affaires et des frais de transport;

  • - son contrat de travail;

  • - un plan du bureau à domicile (dimensions) avec une description de l’ameublement et des appareils utilisés;

  • - les factures de télécommunications;

  • - les frais de représentation.

[18]  Tel qu’expliqué au paragraphe 15 ci-dessus, l’appelant a mis en preuve des échanges de courriels qu’il a eus avec des gestionnaires de JDA Software Group, Inc. et ces courriels démontrent la nature des services qu’il a rendus après la fin de son emploi auprès de Planora. Les services dont il est ici question sont de nature sporadique et visent à assurer une transition harmonieuse des opérations.

[19]  En contre-interrogatoire, l’appelant a confirmé que, pour l’année d’imposition 2012, il a réclamé des dépenses d’emploi de seulement 1 531 $ et aucune déduction pour le loyer de son bureau à Dijon et pour les frais d’utilisation d’un bureau à domicile.

La question en litige

[20]  La question en litige a trait à la déductibilité des dépenses d’emploi de 30 614 $ réclamées par l’appelant à titre de « autres frais » pour l’année d’imposition 2013.

Les thèses des parties

[21]  L’appelant prétend que les faits du dossier établissent qu’il a le droit de déduire les dépenses réclamées. Selon lui, il faut regarder l’ensemble des faits du dossier et trouver l’intention commune des parties. Le formulaire T2200 produit par son employeur le 2 juillet 2014 reflète bien la réalité en indiquant qu’il a été à l’emploi de Planora jusqu’au 1er décembre 2013. De plus, monsieur Jean-François Gagné a confirmé lors de son témoignage, qu’à sa connaissance, l’appelant a continué, après la signature de la lettre de fin d’emploi datée du 7 janvier 2013, à accomplir des tâches pour finaliser certains dossiers et pour assurer le bon transfert d’autres dossiers et que ce dernier a interagi avec d’autres employés de JDA Software Group, Inc. dans le cadre de cette période de transition. Selon l’appelant, ces deux éléments ont renversé les hypothèses de fait sur lesquelles le ministre s’est fondé pour établir la cotisation.

[22]  Pour l’intimée, le formulaire T2200 signé par monsieur Jean-François Gagné n’a aucune force probante parce qu’il n’a pas préparé le document et parce qu’il l’a signé sans avoir effectué une vérification de l’exactitude des informations qui y étaient contenues. Pour l’intimée, l’emploi de l’appelant auprès de Planora s’est terminé le 7 janvier 2013 et la lettre de fin d’emploi n’exigeait aucune prestation de travail supplémentaire de la part de l’appelant après la fin de son emploi si ce n’est que de retourner les biens appartenant à Planora qu’il avait en sa possession. L’appelant ne peut déduire les dépenses qu’il a réclamées parce qu’il n’avait aucune obligation d’engager ces dépenses dans le cadre de son emploi.

Le cadre législatif

[23]  La Loi prévoit des dispositions très précises concernant la déductibilité des dépenses d’emploi.

[24]  Le paragraphe 8(2) de la Loi prévoit que seuls les montants prévus au présent article sont déductibles dans le calcul du revenu d’un contribuable tiré d’un emploi.

[25]  En l’espèce, les seules dispositions de la Loi qui pourraient donner lieu à une déduction sont l’alinéa 8(1)h) et le sous-alinéa 8(1)i)(iii) qui prévoient que :

8(1) [...]

h) lorsque le contribuable, au cours de l’année, à la fois :

(i) a été habituellement tenu d’exercer les fonctions de son emploi ailleurs qu’au lieu d’affaires de son employeur ou à différents endroits,

(ii) a été tenu, en vertu de son contrat d’emploi, d’acquitter les frais de déplacement qu’il a engagés pour l’accomplissement des fonctions de sa charge ou de son emploi,

les sommes qu’il a dépensées pendant l’année (sauf les frais afférents à un véhicule à moteur) pour se déplacer dans l’exercice des fonctions de son emploi, sauf s’il a, selon le cas :

(iii) reçu une allocation pour frais de déplacement qui, par l’effet des sous-alinéas 6(1)b)(v), (vi) ou (vii), n’est pas incluse dans le calcul de son revenu pour l’année,

[...]

i) les sommes payées par le contribuable au cours de l’année, [...] si elles sont à inclure dans son revenu pour l’année [...] au titre

[...]

(iii) du coût des fournitures qui ont été consommées directement dans l’accomplissement des fonctions de [...] l’emploi et que le [...] contrat d’emploi de l’employé l’obligeait à fournir et à payer,

[26]   Pour ce qui est des frais de repas, le paragraphe 8(4) de la Loi impose des conditions particulières. Aucun repas ne peut être réclamé à moins que les fonctions de l’employé :

  • a) l’obligeaient à être absent de la municipalité et à être absent de la région métropolitaine où l’établissement de l’employeur était situé et où l’employé se présentait habituellement pour son travail;

  • b) durant une période d’au moins 12 heures.

[27]  Le paragraphe 8(4) se lit comme suit :

(4) La somme dépensée par un cadre ou un employé pour son repas ne peut être incluse dans le calcul du montant d’une déduction en vertu de l’alinéa (1)f) ou h) que si le repas a été pris au cours d’une période où les fonctions de ce cadre ou de cet employé l’obligeaient à être absent, durant une période d’au moins douze heures, de la municipalité dans laquelle était situé l’établissement de l’employeur où il se présentait habituellement pour son travail et à être absent, le cas échéant, de la région métropolitaine où cet établissement était situé.

[28]  Enfin, le paragraphe 8(10) de la Loi exige la signature du formulaire prescrit T2200 par l’employeur comme une condition préalable à la déductibilité des dépenses d’emploi. Le paragraphe 8(10) est rédigé comme suit :

(10) Un contribuable ne peut déduire un montant pour une année d’imposition en application des alinéas (1)c), f), h) ou h.1) ou des sous-alinéas (1)i)(ii) ou (iii) que s’il joint à sa déclaration de revenu pour l’année un formulaire prescrit, signé par son employeur, qui atteste que les conditions énoncées à la disposition applicable ont été remplies quant au contribuable au cours de l’année.

Analyse

[29]  Règle générale, les employeurs fournissent à  leurs employés ce dont ils ont besoin pour exécuter leur travail. Si les employés sont requis d’encourir des dépenses dans l’exécution de leurs fonctions, les employeurs leur fournissent une allocation pour rembourser les dépenses qu’ils ont encourues. Pour qu’une personne puisse réclamer des dépenses d’emploi, elle doit démontrer que son contrat de travail l’obligeait à payer certaines dépenses et que les dépenses ne lui étaient pas remboursées.

[30]  En l’espèce, la lettre de fin d’emploi du 7 janvier 2013 ne prévoyait pas de dispositions exigeant que l’appelant paye des dépenses particulières.

[31]  L’appelant a témoigné de manière générale quant à la nature des services qu’il a rendus après le 7 janvier 2013 et quant à la nature des dépenses qu’il a engagées, mais il n’a pas présenté de preuve quant à l’existence de conditions d’emploi écrites ou verbales particulières ou quant à une entente expresse avec qui que ce soit en vertu desquelles il devait payer les dépenses qu’il a réclamées.

[32]  Au contraire, la lettre de fin d’emploi du 7 janvier 2013 établit clairement que le poste de l’appelant était éliminé et qu’il n’était plus un employé de Planora à compter du 7 janvier 2013.

[33]  La lettre de fin d’emploi prévoyait même que l’appelant avait droit au remboursement de ses dépenses d’affaires encourues jusqu’au 7 janvier 2013.

[34]  Le seul élément de preuve soumis par l’appelant pour établir qu’il était un employé de Planora du 1er janvier 2013 au 1er décembre 2013, qu’il devait encourir ses propres dépenses dans l’exercice de ses fonctions lesquelles n’étaient pas toutes remboursées, et qu’il devait voyager à des endroits autres qu’aux places d’affaires de Planora, est le formulaire T2200 signé par monsieur Jean-François Gagné le 2 juillet 2014.

[35]  Malheureusement pour l’appelant, je ne peux accorder de force probante à ce formulaire parce que monsieur Gagné a admis lors de son témoignage qu’il l’avait signé sans avoir vérifié l’exactitude des informations et parce qu’il est en contradiction avec la lettre de fin d’emploi du 7 janvier 2013. Dans les circonstances, le formulaire T2200 ne peut être considéré comme un facteur déterminant quant aux conditions d’emploi de l’appelant parce que la preuve mène à des conclusions différentes.

[36]  Suite à une lecture objective de la lettre de fin d’emploi, rien n’indique une quelconque obligation de la part de l’appelant d’exécuter une prestation de travail et d’engager certaines dépenses pour toucher les indemnités qui y sont prévues si ce n’est que de retourner en bon état les biens appartenant à Planora qu’il avait en sa possession. L’indemnité équivalente à 12 mois de salaire est pour remédier au défaut d’avoir donné un préavis raisonnable de congédiement. Le versement de cette indemnité n’est assujetti à aucune condition si ce n’est que de donner quittance.

Conclusion

[37]  Les dépenses réclamées par l’appelant ne sont pas déductibles parce qu’elles n’ont pas été encourues dans le but de gagner un revenu d’emploi et parce que l’appelant n’était pas tenu par contrat d’acquitter lui-même ces dépenses sans que Planora le rembourse.

[38]  Les dépenses encourues par l’appelant entre le 1er et le 7 janvier 2013 étaient des dépenses remboursables. Ces dépenses ne peuvent être déduites si l’appelant n’a pas présenté sa demande de remboursement avant le 18 janvier 2013, tel que requis.

[39]  Par conséquent, l’appel est rejeté.

Signé à Montréal (Québec), ce 27e jour d’août 2019.

« Réal Favreau »

Juge Favreau

 


RÉFÉRENCE :

2019 CCI 176

Nº DU DOSSIER DE LA COUR :

2018-598(IT)I

INTITULÉ DE LA CAUSE :

ALEXANDRE LE BOUTHILLIER ET SA MAJESTÉ LA REINE

LIEU DE L’AUDIENCE :

Montréal (Québec)

DATE DE L’AUDIENCE :

le 18 janvier 2019

MOTIFS DE JUGEMENT PAR :

L'honorable juge Réal Favreau

DATE DU JUGEMENT :

le 27 août 2019

COMPARUTIONS :

Avocat de l'appelant :

Me Yacine Agnaou

Avocat de l'intimée :

Me Julien Dubé-Senécal

AVOCAT INSCRIT AU DOSSIER :

Pour l'appelant:

Nom :

Me Yacine Agnaou

Cabinet :

Dupuis Paquin

Pour l’intimée :

Nathalie G. Drouin

Sous-procureur générale du Canada

Ottawa, Canada

 

 

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