Jugements de la Cour canadienne de l'impôt

Informations sur la décision

Contenu de la décision

Dossier : 2019-1171(IT)I

ENTRE :

ERIK ANDERSEN,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

Appel entendu sur preuve commune avec l’appel de Catherine Andersen (2019-1172(IT)I) le 3 mars 2020, à Vancouver (Colombie-Britannique)

Devant : L’honorable juge David E. Spiro


Comparutions :

Pour l’appelant :

L’appelant lui-même

Avocat de l’intimée :

Me Mark Shearer

 

JUGEMENT

  L’appel interjeté à l’encontre des nouvelles cotisations établies aux termes de la Loi de l’impôt sur le revenu pour l’année d’imposition 2017 par avis daté du 29 octobre 2018 est accueilli, sans dépens, et les nouvelles cotisations sont annulées conformément aux motifs de jugement ci-joints.

  Signé à Ottawa, Canada, ce 14e jour de juillet 2020.

« David E. Spiro »

Le juge Spiro


Dossier : 2019-1172(IT)I

ENTRE :

CATHERINE ANDERSEN,

appelante,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

Appel entendu sur preuve commune avec l’appel d’Erik Andersen (2019-1171(IT)I) le 3 mars 2020 à Vancouver (Colombie-Britannique)

Devant : L’honorable juge David E. Spiro

Comparutions :

Représentant de l’appelante :

Erik Andersen

Avocat de l’intimée :

Me Mark Shearer

 

JUGEMENT

  L’appel interjeté à l’encontre des nouvelles cotisations établies aux termes de la Loi de l’impôt sur le revenu pour l’année d’imposition 2017 par avis daté du 29 octobre 2018 est accueilli, sans dépens, et les nouvelles cotisations sont annulées conformément aux motifs de jugement ci-joints.

   Signé à Ottawa, Canada, ce 14e jour de juillet 2020.

« David E. Spiro »

Le juge Spiro


Référence : 2020 CCI 51

Date : 20200714

Dossier : 2019-1171(IT)I

ENTRE :

ERIK ANDERSEN,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée,

Dossier : 2019-1172(IT)I

ET ENTRE :

CATHERINE ANDERSEN,

appelante,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.


[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

MOTIFS DU JUGEMENT

Le juge Spiro

[1]  Les appelants ont interjeté appel des nouvelles cotisations d’impôt établies par le ministre du Revenu national (le ministre) concernant les polices d’assurance-vie qu’ils ont résiliées en 2017. Le ministre affirme que les appelants ont omis de déclarer les revenus qu’ils étaient tenus d’inclure à la suite de ces résiliations aux termes de l’alinéa 56(1)j) et du paragraphe 148(1) de la Loi de l’impôt sur le revenu (la Loi).

[2]  Les appels ont été entendus sur preuve commune. M. Andersen était le seul témoin présent au procès. Il s’est représenté lui-même dans son appel et a représenté Mme Andersen dans le sien. Les appels reposent sur un montant (le coût de base rajusté) que le ministre aurait dû prendre en compte, mais qu’il n’a pas pris en compte lors de l’établissement des nouvelles cotisations à l’égard des appelants.

Aperçu

[3]  Un contribuable qui interjette appel d’une cotisation (ou d’une nouvelle cotisation) devant notre Cour est censé produire des éléments de preuve pour réfuter, selon la prépondérance des probabilités, les faits déterminants présumés par le ministre ayant servi à l’établissement de la cotisation [1] . Ces hypothèses de fait doivent être clairement énoncées dans la réponse du ministre à l’avis d’appel du contribuable.

[4]  Ce « renversement du fardeau de la preuve » en faveur du ministre ne s’applique toutefois que lorsque le ministre a invoqué des hypothèses de fait suffisantes pour étayer la cotisation aux termes des dispositions pertinentes de la Loi.

[5]  En l’espèce, le ministre n’a pas formulé d’hypothèses de fait concernant un montant (le coût de base rajusté), ce qui est essentiel à une cotisation établie en application de l’alinéa 56(1)j) et du paragraphe 148(1) de la Loi. Comme il n’y a aucune preuve établissant ce fait, les appelants ont gain de cause dans leurs appels et les nouvelles cotisations doivent donc être annulées.

[6]  L’expression « coût de base rajusté » est définie au paragraphe 148(9) de la Loi et constitue un élément essentiel du calcul du montant à inclure dans le revenu aux termes de l’alinéa 56(1)j) et du paragraphe 148(1) de la Loi lors de la disposition par un titulaire de police de son intérêt dans une police d’assurance-vie [2] .

Les faits

[7]  En 2017, une voiture appartenant à l’un des appelants a été démolie par un autre véhicule. Heureusement, la voiture était stationnée et personne n’a subi de blessures, mais le produit de l’assurance n’a pas couvert le coût d’un véhicule équivalent. Plutôt que d’emprunter de l’argent pour acheter un véhicule de remplacement, les appelants ont résilié leur police d’assurance-vie et ont acheté une autre voiture avec la somme d’argent qu’ils ont reçu de leur société d’assurance-vie, soit environ 20 000 $. Personne ne leur a dit qu’une partie de la somme d’argent qu’ils recevaient à la résiliation de leur police pouvait être imposable.

[8]  Aucune preuve n’a été produite concernant le « coût de base rajusté » de l’une des polices immédiatement avant la résiliation.

Les dispositions législatives

[9]  L’alinéa 56(1)j) de la Loi prévoit ce qui suit :

Montants à inclure dans le revenu de l’année

(1) Sans préjudice de la portée générale de l’article 3, sont à inclure dans le calcul du revenu d’un contribuable pour une année d’imposition :

Produit d’une police d’assurance-vie

j) toutes sommes qui, en vertu du paragraphe 148(1) ou (1.1), doivent être incluses dans le calcul du revenu du contribuable pour l’année; [...]

[10]  Le paragraphe 148(1) de la Loi prévoit ce qui suit :

Calcul du revenu du titulaire d’une police

148(1) Dans le calcul du revenu du titulaire d’une police d’assurance pour une année d’imposition, il faut inclure, à l’égard de la disposition d’un intérêt dans une police d’assurance-vie autre qu’une police qui est, ou qui est établie en vertu de :

[…]

l’excédent éventuel du produit de disposition de son intérêt dans la police que le titulaire, le bénéficiaire ou le cessionnaire a acquis le droit de recevoir au cours de l’année sur le coût de base rajusté, pour le titulaire de la police, de cet intérêt immédiatement avant la disposition.

[11]  Le calcul du montant qui doit être inclus dans le revenu d’un titulaire d’une police lors de la disposition de son intérêt dans une police d’assurance-vie est relativement simple. Dans la mesure où le montant du produit de la disposition dépasse le « coût de base rajusté » pour le titulaire de la police de son intérêt dans la police immédiatement avant sa disposition, le titulaire doit inclure ce montant dans le calcul de son revenu pour l’année au cours de laquelle la disposition a lieu [3] .

[12]  Tel qu’il a été susmentionné, l’expression « coût de base rajusté » utilisée au paragraphe 148(1) est définie au paragraphe 148(9) de la Loi. Cette définition est jointe en annexe aux présents motifs. La définition commence par un aperçu de la formule à utiliser pour calculer le « coût de base rajusté » :

coût de base rajusté Le coût de base rajusté des intérêts que possède un titulaire dans une police d’assurance-vie, à un moment donné, correspond au montant déterminé selon la formule suivante :

(A + B + C + D + E + F + G + G.1)

– (H + I + J + K + L + M + N + O)

[Non souligné dans l’original.]

[13]  Nous savons, d’après les premiers mots de la définition, que le « coût de base rajusté » est un « montant » déterminé par la formule énoncée dans la définition.

[14]   Pour que le ministre puisse établir une cotisation à l’égard d’un titulaire de police en application de l’alinéa 56(1)j) et du paragraphe 148(1) de la Loi, le « coût de base rajusté » de la police pour le titulaire de police immédiatement avant sa disposition doit être déterminé en appliquant la formule énoncée au paragraphe 148(9) de la Loi.

Les nouvelles cotisations et les hypothèses du ministre

[15]  Les cotisations pour l’année d’imposition 2017 des appelants ont été établies selon les déclarations qu’ils avaient produites. Le ministre a ensuite établi de nouvelles cotisations pour inclure les revenus supplémentaires liés à la disposition de leurs polices d’assurance-vie. Les montants établis à titre de revenu dans les nouvelles cotisations de M. Andersen pour 2017 aux termes de l’alinéa 56(1)j) et du paragraphe 148(1) de la Loi s’élevaient à 5 456 $ et à 5 902 $. Le montant établi à titre de revenu dans les nouvelles cotisations de Mme Andersen pour 2017 aux termes de ces dispositions s’élevait à 8 949 $. Ce sont ces nouvelles cotisations qui me sont présentées.

[16]  En réponse à l’avis d’appel de M. Andersen, l’intimée a plaidé que les hypothèses suivantes ont été formulées par le ministre lors de l’établissement des nouvelles cotisations [4]  :

[traduction]

9.  Pour déterminer la dette fiscale de l’appelant pour l’année d’imposition 2017, le ministre s’est fondé sur les hypothèses de fait suivantes :

a)   L’appelant a renoncé à ses intérêts dans des polices d’assurance-vie détenues par la Compagnie d’Assurance du Canada sur la Vie et L’Empire, Compagnie d’Assurance-Vie (ensemble, les polices) et a reçu les valeurs de rachat des polices.

b)   L’appelant a reçu 5 456,82 $ de la disposition de son intérêt dans la police qu’il détenait auprès de La Compagnie d’Assurance du Canada sur la Vie (le revenu de La Canada Vie) au cours de l’année d’imposition 2017.

c)   L’appelant a reçu 5 902,31 $ de la disposition de son intérêt dans la police qu’il détenait auprès de L’Empire, Compagnie d’Assurance-Vie (le revenu de L’Empire Vie) au cours de l’année d’imposition 2017.

d)   Le revenu de La Canada Vie et le revenu de L’Empire Vie étaient le produit net après soustraction du coût de base rajusté de l’appelant en ce qui a trait aux polices.

e)   Des feuillets T5 État des revenus de placements ont été délivrés à l’appelant relativement au revenu de La Canada Vie et au revenu de L’Empire Vie.

f)   L’appelant a gagné et a omis de déclarer 11 359,13 $ en revenus de La Canada Vie et en revenus de L’Empire Vie dans sa déclaration de revenus des particuliers pour l’année d’imposition 2017.

[Non souligné dans l’original.]

Les observations de l’appelant

[17]  Les observations de l’appelant ne visaient pas le caractère adéquat des hypothèses de fait du ministre, ce qui est compréhensible. Ni la formule législative pertinente ni le fardeau de preuve dans les litiges fiscaux ne sont nécessairement évidents pour un appelant qui se représente lui-même. Il a simplement fait valoir que ni lui ni Mme Andersen ne devraient être assujettis à l’impôt sur la résiliation de leurs polices d’assurance-vie, puisqu’ils n’avaient pas été informés de cette possibilité.

[18]  M. Andersen a également fait valoir que l’impôt exigé par les nouvelles cotisations était dégressif, que sa perception serait inégalitaire et que, en tant que personnes âgées aux revenus modestes, lui et Mme Andersen étaient injustement visés par l’Agence du revenu du Canada.

[19]  Enfin, M. Andersen n’a pas concédé que les montants établis dans les nouvelles cotisations sont exacts ou que lui ou Mme Andersen sont responsables du paiement de l’impôt exigé dans les nouvelles cotisations.

Les observations de l’intimée

[20]  L’avocat de l’intimé, Me Shearer, a soutenu que les arguments des appelants ne devraient pas être acceptés et que les hypothèses de fait du ministre sont suffisantes pour justifier les nouvelles cotisations. Il a fait valoir qu’il incombait aux appelants de contester les montants établis dans les nouvelles cotisations en présentant leurs propres éléments de preuve.

[21]  L’avocat a invoqué deux décisions de notre Cour à l’appui de sa position. La première est la décision Naidoo v. Human Resources, 2003 CCI 394 [Naidoo]. La deuxième est la décision Jarvis c. La Reine, 2009 CCI 224 [Jarvis].

[22]  L’avocat a soutenu que, dans la décision Naidoo, les appelants étaient assujettis à l’impôt aux termes de l’alinéa 56(1)j) et du paragraphe 148(1) de la Loi, malgré le fait qu’ils n’avaient pas été informés des conséquences fiscales de la souscription d’un prêt au moyen de leur police d’assurance-vie [5] . En outre, bien que la Cour ait été sympathique à la cause des appelants, les appels ont été rejetés.

[23]  L’avocat a soutenu que, dans la décision Jarvis, l’appelant avait été jugé assujetti à l’impôt aux termes de l’alinéa 56(1)j) et du paragraphe 148(1) de la Loi parce qu’il n’avait pas produit de preuve contraire quant au « produit de la disposition » et au « coût de base rajusté » de son intérêt dans la police [6] .

Discussion

[24]  Les décisions Naidoo et Jarvis se distinguent toutes deux du présent dossier. Dans chaque affaire, les appelants ont concédé que les montants cotisés étaient exacts [7] et, dans chaque affaire, le « coût de base rajusté » des polices immédiatement avant leur disposition a tenu pour acquis par le ministre; a été produit en preuve ou a été reconnu par les appelants [8] .

[25]  Les tribunaux ont toujours conclu que, à moins que les hypothèses de fait du ministre soient suffisantes pour étayer la cotisation aux termes de la législation pertinente, le fardeau de preuve n’est pas transféré au contribuable.

[26]  Dans la décision M.N.R. v Pillsbury Holdings Ltd., [1964] CTC 294 (C. de l’É.) [Pillsbury Holdings], le juge Cattanach a décrit les trois façons de contester les hypothèses de fait du ministre. La troisième possibilité est pertinente en l’espèce :

[traduction]

L’intimé aurait pu répondre comme suit à l’argument du ministre selon lequel, en établissant la cotisation du défendeur, il a présumé des faits énoncés au paragraphe 6 de l’avis d’appel :

  • (a) en contestant l’allégation du ministre selon laquelle il a bel et bien présumé ces faits;

  • (b) en portant le fardeau de démontrer qu’une ou plusieurs des hypothèses étaient fausses;

  • (c) en prétendant que, même si les hypothèses étaient justifiées, elles n’étayent pas en soi la cotisation [9] .

[Non souligné dans l’original.]

[27]  Dans la décision Kit-Win Holdings (1973) Ltd. v The Queen, [1981] CTC 43 (CF 1re inst.) [Kit-Win], le juge Cattanach a souligné qu’il [traduction] « incombe au ministre d’invoquer des faits qui centrent la cotisation à l’intérieur des quatre coins de la disposition fiscale [10]  ». Il a également conclu ce qui suit :

[traduction]

Si le ministre a omis d’alléguer un fait qui constitue un élément essentiel à la validité de la cotisation aux termes de la disposition législative pertinente, alors il n’incombe pas au contribuable de réfuter ce fait, car les hypothèses qui ont été formulées n’étayent pas en tant que telles la cotisation [11] .

[28]  Dans la décision Kit-Win, le juge Cattanach a également mentionné qu’il n’incombe pas au contribuable de réfuter des hypothèses non formulées par le ministre [12] .

[29]  Le même principe a été appliqué par notre Cour. Dans la décision D. del Valle v M.N.R., [1986] 1 CTC 2288 (CCI) [D. del Valle], le juge Sarchuk a conclu ce qui suit :

[traduction]

À mon avis, l’intimé n’a pas allégué les faits qui constituent un élément essentiel à la validité de la nouvelle cotisation. L’appelante n’est pas tenue de réfuter un fait inexistant ou une hypothèse que l’intimé n’a pas formulée [13] .

[30]  Enfin, dans la décision Severinov c. La Reine, 2013 CCI 292 [Severinov], la juge Woods, en tant que membre de notre Cour, a averti que « la Couronne ne peut pas se fonder sur des hypothèses erronées pour transférer le fardeau de la preuve au contribuable [14]  ».

[31]  Vu la jurisprudence, il est utile de revenir au paragraphe 9d) des hypothèses du ministre :

d)   Le revenu de La Canada Vie et le revenu de L’Empire Vie étaient le produit net après soustraction du coût de base rajusté de l’appelant en ce qui a trait aux polices.

[32]  Le paragraphe 9d) est la seule hypothèse de fait qui fait référence au « coût de base rajusté ». Le libellé de cette hypothèse suggère que le « coût de base rajusté » de chaque police immédiatement avant sa disposition avait déjà été pris en compte par le ministre. Le problème est qu’il n’a pas du tout été pris en compte.

[33]  Une telle hypothèse de fait concernant le « coût de base rajusté » de l’intérêt d’un contribuable dans une police d’assurance-vie immédiatement avant sa disposition est essentielle pour que le ministre puisse établir une cotisation à l’égard du contribuable en application de l’alinéa 56(1)j) et du paragraphe 148(1) de la Loi. En d’autres termes, il est impossible pour le ministre d’établir une cotisation à l’égard d’un contribuable aux termes de ces dispositions sans formuler une hypothèse de fait sur le « coût de base rajusté » de la police immédiatement avant sa disposition.

[34]  L’affirmation simple énoncée au paragraphe 9d) de la réponse selon laquelle les montants reçus par M. Andersen étaient nets du « coût de base rajusté » de chaque police est manifestement insuffisante. Elle ne satisfait pas à l’exigence minimale selon laquelle le ministre doit avoir des hypothèses de faits suffisantes pour conduire à l’imposition aux termes des dispositions légales pertinentes [15] .

[35]  Le paragraphe 9d) de la réponse laisse entendre que le montant inclus dans le calcul du revenu de chaque appelant était un montant net, comme l’exige le paragraphe 148(1) de la Loi; or, ce montant n’était en fait pas du tout un montant net — il s’agissait simplement d’un montant égal au « produit de la disposition » de chaque police :

[EN BLANC]

Police 1

 

Police 2

Police 3

A.  « Produit de la disposition »

5 456 $

5 902 $

8 949 $

B.  Moins « coût de base rajusté »

Aucune hypothèse

Aucune hypothèse

Aucune hypothèse

C.  Revenu visé par les nouvelles cotisations

5 456 $

5 902 $

8 949 $

[36]  Le fardeau de réfuter l’hypothèse du ministre concernant le « coût de base rajusté » de chaque police immédiatement avant sa disposition n’a jamais été transféré aux appelants, car le ministre n’a jamais formulé une telle hypothèse.

Conclusion

[37]  Il était essentiel de formuler une hypothèse de fait concernant le « coût de base rajusté » de l’intérêt d’un contribuable dans une police d’assurance-vie immédiatement avant sa disposition pour que le ministre puisse établir de nouvelles cotisations à l’égard des appelants en application de l’alinéa 56(1)j) et du paragraphe 148(1) de la Loi.

[38]  Or, en établissant les nouvelles cotisations à l’égard des appelants, le ministre n’a formulé aucune hypothèse de fait concernant le « coût de base rajusté » des intérêts des appelants dans leurs polices d’assurance-vie immédiatement avant leur disposition au sens du paragraphe 148(9) de la Loi. En l’absence de toute preuve du « coût de base rajusté » des intérêts des appelants dans leurs polices d’assurance-vie au moment pertinent, les appels des appelants doivent être accueillis, et les nouvelles cotisations doivent être annulées.

Signé à Ottawa, Canada, ce 14e jour de juillet 2020.

« David E. Spiro »

Le juge Spiro


 

Annexe

Définition du « coût de base rajusté » au paragraphe 148(9) de la Loi de l’impôt sur le revenu :

coût de base rajusté Le coût de base rajusté des intérêts que possède un titulaire dans une police d’assurance-vie, à un moment donné, correspond au montant déterminé selon la formule suivante :

(A + B + C + D + E + F + G + G.1)

– (H + I + J + K + L + M + N + O)

où :

A  représente le total des montants dont chacun est le coût d’un intérêt qu’il a acquis dans la police avant ce moment, à l’exclusion d’un montant visé aux éléments B ou E;

B  le total des sommes représentant chacune une somme payée par lui ou pour son compte avant ce moment à titre de prime relative à la police, à l’exception des sommes ou montants visés à la division (2)a)(ii)(B), au sous-alinéa (iii) de l’élément C de la formule figurant à l’alinéa a) de la définition de produit de disposition au présent paragraphe ou au sous-alinéa b)(i) de cette définition;

C  le total des montants dont chacun est une somme relative à la disposition d’un intérêt dans la police avant ce moment et qui devait être incluse dans le calcul de son revenu ou de son revenu imposable gagné au Canada pour une année d’imposition;

D  le total des montants dont chacun est une somme relative à son intérêt dans la police et qui a été incluse, par l’application du paragraphe 12(3) ou de l’article 12.2 ou de l’alinéa 56(1)d.1) de la Loi de l’impôt sur le revenu, chapitre 148 des Statuts revisés du Canada de 1952, dans le calcul de son revenu pour toute année d’imposition se terminant avant ce moment ou la fraction d’une somme qui lui a été versée à l’égard de son intérêt dans la police, assujettie à l’impôt, avant ce moment, en vertu de l’alinéa 212(1)o);

E  le total des sommes représentant chacune une somme relative au remboursement, avant ce moment et après le 31 mars 1978, d’une avance sur police et ne dépassant pas la somme déterminée selon la formule suivante :

E.1 – E.2

E.1  représente le total des sommes suivantes :

a) le produit de disposition à l’égard de cette avance,

b) si la police est établie après 2016 — et, dans le cas où le moment donné de son établissement est déterminé en application du paragraphe (11), que le remboursement est effectué à ce moment ou à un moment postérieur —, la partie de l’avance ayant servi, immédiatement après l’avance, au paiement d’une prime dans le cadre de la police conformément aux modalités de la police, sauf dans la mesure où cette partie est visée à l’alinéa (i) de l’élément C de la formule figurant à l’alinéa a) de la définition de produit de disposition au présent paragraphe,

c) la valeur de l’élément J de cette définition, à l’exclusion des intérêts afférents payés relativement à l’avance,

E.2  le total des sommes dont chacune est une somme relative à un remboursement de l’avance qui est visé à la division (2)a)(ii)(B) ou qui est déductible en application de l’alinéa 60s) de la présente loi ou de l’alinéa 20(1)hh) de la Loi de l’impôt sur le revenu, chapitre 148 des Statuts révisés du Canada de 1952 (dans son application aux années d’imposition antérieures à 1985);

F  l’excédent éventuel de la valeur de rachat de la police au premier jour anniversaire de celle-ci après le 31 mars 1977 sur le coût de base rajusté (déterminé en vertu de la Loi de l’impôt sur le revenu, chapitre 148 des Statuts revisés du Canada de 1952, dans la version qui aurait été applicable à cette date si le paragraphe 148(8) de cette loi, dans sa version applicable à la période précédant le 1er avril 1978, ne s’était pas appliqué) de ses intérêts dans la police à cette date;

G   dans le cas d’un intérêt dans un contrat de rente viagère, au sens du règlement, auquel le paragraphe 12.2(1) s’applique pour l’année d’imposition qui comprend ce moment, ou s’appliquerait si le jour anniversaire du contrat tombait dans l’année à un moment où le contribuable détient l’intérêt, le total des sommes dont chacune représente un gain de mortalité, au sens du règlement, déterminé par l’émetteur du contrat conformément au règlement, réalisé sur l’intérêt immédiatement avant la fin de l’année civile se terminant au cours d’une année d’imposition commençant avant ce moment;

G.1  dans le cas d’un intérêt dans une police d’assurance-vie, sauf un contrat de rente, auquel le paragraphe (8.2) s’est appliqué avant ce moment, le total des sommes représentant chacune un gain de mortalité, défini par règlement et calculé selon les modalités réglementaires par la personne ayant établi la police, au titre de l’intérêt immédiatement avant la fin de l’année civile s’étant terminée dans une année d’imposition ayant commencé avant ce moment;

H  le total des montants dont chacun correspond au produit de disposition de son intérêt dans la police qu’il a acquis le droit de recevoir avant ce moment;

I  le total des montants dont chacun est un montant à l’égard de son intérêt dans la police qui a été déduit par l’application du paragraphe 20(19) dans le calcul de son revenu pour une année d’imposition commençant avant ce moment;

J  le montant payable le 31 mars 1978 à l’égard d’une avance sur police à l’égard de la police;

K   le total des montants dont chacun correspond à un montant reçu avant ce moment à l’égard de la police et qu’il avait le droit de déduire en vertu de l’alinéa 60a) dans le calcul de son revenu pour une année d’imposition;

L  a) dans le cas d’un intérêt dans une police d’assurance-vie (autre qu’un contrat de rente) qui a été acquis pour la dernière fois après le 1er décembre 1982 par le titulaire de la police, le total des sommes dont chacune est le coût net de l’assurance pure défini par règlement et déterminé par l’émetteur de la police conformément au règlement, à l’égard de l’intérêt immédiatement avant la fin de l’année civile se terminant au cours d’une année d’imposition commençant après le 31 mai 1985 et avant ce moment;

b) dans le cas d’un intérêt dans un contrat de rente auquel le paragraphe 12.2(1) s’applique pour l’année d’imposition qui comprend le moment donné, ou s’appliquerait si le jour anniversaire du contrat tombait dans l’année à un moment où le contribuable détient l’intérêt, le total des paiements de rente faits sur l’intérêt avant le moment donné pendant que le titulaire de la police détenait l’intérêt;

c) dans le cas d’un intérêt dans un contrat visé à l’élément G, le total des sommes dont chacune est une perte de mortalité définie par règlement et déterminée par l’émetteur du contrat conformément au règlement, relativement à l’intérêt avant ce moment;

M  dans le cas d’une police établie après 2016 qui n’est pas un contrat de rente, le total des sommes représentant chacune une prime versée par le titulaire de police ou pour son compte, ou des frais d’assurance engagés par celui-ci, avant ce moment (et, dans le cas où le moment donné de l’établissement de la police est déterminé en application du paragraphe (11), à ce moment ou à un moment postérieur), dans la mesure où la prime ou les frais se rapportent à une prestation, sauf une prestation de décès au sens du paragraphe 1401(3) du Règlement de l’impôt sur le revenu, prévue par la police;

N  dans le cas d’une police établie après 2016 qui n’est pas un contrat de rente, le total des sommes représentant chacune l’intérêt du titulaire de la police sur une somme versée — dans la mesure où la valeur de rachat de la police ou la valeur du fonds de la police d’assurance-vie, au sens du paragraphe 1401(3) du même règlement, est réduite par la somme versée — avant ce moment (et, dans le cas où le moment de l’établissement de la police est déterminé en application du paragraphe (11), à ce moment ou à un moment postérieur) qui, à la fois :

a) est une prestation de décès, au sens du paragraphe 1401(3) du même règlement, ou une prestation d’invalidité, prévue par la police,

b) n’entraîne pas la résiliation d’une protection, au sens de ce paragraphe, de la police;

O  dans le cas d’une police établie après 2016 qui n’est pas un contrat de rente, si une prestation de décès, au sens du paragraphe 1401(3) du même règlement, prévue par une protection, au sens prévu à l’article 310 du même règlement pour l’application de l’article 306 du même règlement, de la police est versée avant ce moment par suite du décès d’un particulier dont la vie est assurée en vertu de la protection (et, dans le cas où le moment de l’établissement de la police est déterminé en application du paragraphe (11), à ce moment ou à un moment postérieur) et que le versement entraîne la résiliation de la protection, la somme déterminée relativement à la protection selon la formule suivante :

[P × (Q + R + S)/T] – U

P  représente le coût de base rajusté de l’intérêt du titulaire de police immédiatement avant la résiliation,

Q  le montant du bénéfice au titre de la valeur du fonds, au sens du paragraphe 1401(3) du même règlement, de la police qui est versé dans le cadre de la protection, au sens prévu à l’article 310 du même règlement pour l’application de l’article 306 du même règlement, au moment de la résiliation,

R  le total des montants, dont chacun est un montant relatif à une protection, au sens du paragraphe 1401(3) du même règlement, souscrite sur une seule tête ou sur plusieurs têtes conjointement en vertu de la protection mentionnée à l’élément O, qui seraient la valeur actualisée — déterminée pour l’application de l’article 307 du même règlement, à l’anniversaire de la police, au sens de l’article 310 du même règlement, qui est le dernier en date des anniversaires de la police à survenir au plus tard au moment de la résiliation — de la valeur du fonds de la protection, au sens du paragraphe 1401(3) du même règlement, si la valeur du fonds de la protection à ce dernier anniversaire était égale à la valeur du fonds d’une protection au moment de la résiliation,

S  le total des montants, dont chacun est un montant relatif à une protection, au sens du paragraphe 1401(3) du même règlement, et appelé « protection donnée » au présent élément, souscrite sur une seule tête ou sur plusieurs têtes conjointement en vertu de la protection mentionnée à l’élément O, qui seraient déterminés à ce dernier anniversaire selon l’alinéa a) de l’élément C de la formule figurant à la définition de provision pour primes nettes au paragraphe 1401(3) de ce règlement, relativement à la protection donnée si la prestation de décès prévue par la protection et la valeur du fonds de la protection, au sens du paragraphe 1401(3) du même règlement, à cet anniversaire étaient égales à la prestation de décès prévue par la protection et à la valeur du fonds de la protection, le cas échéant, au moment de la résiliation,

T  le montant qui serait, à cet anniversaire, la provision pour primes nettes, au sens du paragraphe 1401(3) du même règlement, déterminée relativement à la police pour l’application de l’article 307 du même règlement, si le bénéfice au titre de la valeur du fonds, au sens du paragraphe 1401(3) du même règlement, dans le cadre de la police, la prestation de décès prévue par chaque protection, au sens du paragraphe 1401(3) du même règlement, et la valeur du fonds de chaque protection, au sens du paragraphe 1401(3) du même règlement, à cet anniversaire, étaient égaux au bénéfice au titre de la valeur du fonds, la prestation de décès prévue par chaque protection et la valeur du fonds de chaque protection, le cas échéant, de la police au moment de la résiliation,

U  le montant déterminé selon le paragraphe (4) relativement à une disposition de l’intérêt, effectuée avant ce moment par l’effet de l’alinéa (2)e), relativement au versement d’un bénéfice au titre de la valeur du fonds qui est versé relativement à la protection, au sens de l’article 310 du même règlement et déterminée pour l’application de l’article 306 du même règlement, au moment de la résiliation.


RÉFÉRENCE :

2020 CCI 51

NO DU DOSSIER DE LA COUR :

2019-1171(IT)I et 2019-1172(IT)I

INTITULÉ :

ERIK ANDERSEN c. SA MAJESTÉ LA REINE

CATHERINE ANDERSEN c. SA MAJESTÉ LA REINE

LIEU DE L’AUDIENCE :

Vancouver (Colombie-Britannique)

DATE DE L’AUDIENCE :

Le 3 mars 2020

MOTIFS DU JUGEMENT :

L’honorable juge David E. Spiro

DATE DU JUGEMENT :

Le 14 juillet 2020

COMPARUTIONS :

Pour les appelants :

Erik Andersen

Avocat de l’intimée :

Me Mark Shearer

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Pour l’appelant :

Nom :

S.O.

 

Cabinet :

S.O.

Pour l’intimée :

Nathalie G. Drouin

Sous-procureure générale du Canada

Ottawa, Canada

 

 



[1]   Cela s’applique lorsque la nouvelle cotisation a été effectuée dans le cadre de la « période normale de nouvelle cotisation » au sens du paragraphe 152(3.1) de la Loi.

[2]   La définition du « coût de base rajusté » aux fins du paragraphe 148(1) est très différente de la définition du « prix de base rajusté » présentée à l’article 54 pour les besoins des dispositions de la Loi traitant des gains et pertes en capital.

[3]   Il ne fait aucun doute que la résiliation des polices d’assurance-vie détenues par les appelants constituait une « disposition » de leurs intérêts dans ces polices aux fins du paragraphe 148(1) de la Loi.

[4]   Les hypothèses invoquées dans la réponse à l’avis d’appel de Mme Andersen étaient pratiquement identiques, différant uniquement sur le plan des détails de sa police d’assurance-vie.

[5]   Dans cette affaire, la décision des appelants d’emprunter de l’argent dans le cadre de leur police d’assurance-vie a eu une incidence négative sur leur droit au supplément de revenu garanti aux termes de la Loi sur la sécurité de la vieillesse.

[6]   Jarvis, précitée, au paragraphe 24. Dans cette décision, l’appelant avait fait valoir que le montant que le ministre avait inclus dans le calcul de son revenu aurait dû être imposé en tant que dividendes et non en tant que revenus d’intérêts.

[7]   Dans la décision Naidoo, au paragraphe 4, le juge Campbell Miller a mentionné que M. Naidoo « ne conteste même pas le fait que la Loi l’oblige à déclarer les 16 556 $ comme revenu ». Au paragraphe 12 de la décision Jarvis, le juge Little a souligné que « l’appelant a reconnu que la somme de 17 593,12 $ est imposable, et qu’elle doit donc être incluse dans le calcul de ses revenus pour l’année d’imposition 2006 ». Les appelants n’ont fait aucune concession de ce type dans le cadre des présents appels.

[8]   Le juge Campbell Miller a mentionné, au paragraphe 6, de la décision Naidoo, que l’avocat du défendeur a confirmé que, « conformément à l’article 148 de la Loi, le montant des prêts moins le prix de base rajusté (35 000 $ moins 18 443 $) a été ajouté à juste titre au revenu ». De même, le juge Little a indiqué, au paragraphe 18 de la décision Jarvis, que « [l’]appelant a admis que la somme de 17 593,12 $ représente la différence entre le produit de la disposition de la police (30 004,50 $) et le coût de base rajusté de la police (12 411,38 $) ».

[9]   Pillsbury Holdings, précitée, à la page 302.

[10]   Kit-Win, précitée, au paragraphe 54.

[11]   Kit-Win, précitée, au paragraphe 56.

[12]   Kit-Win, précitée, au paragraphe 61.

[13]   D. del Valle, précitée, au paragraphe 2290.

[14]   Severinov, précitée, au paragraphe 43.

[15]   Comme il n’a pas rédigé la réponse, M. Shearer n’est pas responsable de ces lacunes.

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.