Jugements de la Cour canadienne de l'impôt

Informations sur la décision

Contenu de la décision

Dossier : 2018-178(IT)I

ENTRE :

VALERI NARIVONTCHIK,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 


Requête entendue le 20 janvier 2020, à Toronto (Ontario).

Devant : L’honorable juge é S. Bocock

Comparutions :

Représentant de l’appelant :

Alexander Shaulov

Avocat de l’intimée :

Me Kieran Lidhar

 

ORDONNANCE MODIFIÉE

APRÈS avoir reçu et examiné les pièces déposées et entendu les observations de l’avocat;

ET APRÈS avoir publié en ce jour ses motifs d’ordonnance ci-joints;

LA COUR ORDONNE CE QUI SUIT :

  1. la requête de l’appelant demandant la radiation de la réponse de l’intimée, exigeant le dépôt d’une réponse modifiée ou visant à considérer que les hypothèses de fait de l’intimée qui y sont contenues ne sont pas réputées vraies aux termes du paragraphe 18.16(4) de la Loi sur la Cour canadienne de l’impôt, L.R.C. (1985), ch. T-2, est par la présente rejetée; et

  2. aucuns dépens ne sont adjugés relativement à la présente requête.

La présente ordonnance modifiée et les présents motifs modifiés de l’ordonnance remplacent l’ordonnance et les motifs de l’ordonnance du 23 juillet 2020.

Signé à Ottawa, Canada, ce 30e jour de juillet 2020.

« R.S. Bocock »

Le juge Bocock


Référence : 2020CCI60

Date : 20200730

Dossier : 2018-178(IT)I

ENTRE :

VALERI NARIVONTCHIK,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

MOTIFS DE L’ORDONNANCE MODIFIÉS

Le juge Bocock

I. INTRODUCTION

[1]  La requête de l’appelant est curieusement formulée. Elle a commencé comme une « demande de directives de la Cour » déposée en septembre 2019. Le greffe de la Cour de l’impôt a logiquement interprété ce dépôt comme une requête et a demandé à l’intimée qu’elle réponde à une telle caractérisation. En fin de compte, le processus fait maintenant l’objet d’une requête devant la Cour.

[2]  L’objet de la requête du requérant porte sur le bloc de signature suivant, appliqué à la fin de la réponse signifiée et déposée par le ministre :

La réponse a été préparée et signée par :

« Procureur général du Canada

Tam   Signature numérique

Kaiyee_______________

Par : Kai Yee Tam, CPA, CGA

Représentante de l’intimée

Section du litige

Agence du revenu du Canada

[adresse]

[numéro de téléphone] »

[3]  Bien que la mesure de redressement demandée dans la requête de l’appelant soit vague, le redressement n’en est pas le point saillant. De façon critique, l’appelant conteste la capacité du signataire, une agente des litiges de l’Agence du revenu du Canada (ARC), à agir en tant que mandataire de Sa Majesté la Reine par l’intermédiaire du procureur général du Canada (PGC). L’appelant affirme qu’il y a absence de délégation de pouvoir en vertu de diverses lois et règles de la Cour canadienne de l’impôt, notamment :

la Loi sur le ministère de la Justice, L.R.C. (1985), ch. J-2 (la Loi sur le MDJ);

la Loi sur l’Agence du revenu du Canada, L.C. 1999, ch. 17 (la Loi sur l’ARC);

la Loi sur la Cour canadienne de l’impôt, L.R.C. (1985), ch. T-2 (la Loi sur la CCI);

Les Règles de la Cour canadienne de l’impôt (procédure informelle) (la procédure informelle).

[4]  En réponse à la « demande de directives de la Cour », par lettre datée du 3 octobre 2019, l’intimée a écrit à la Cour, avec copie au représentant de l’appelant. L’essentiel de cette lettre portait sur ce qui suit :

[traduction]

L’intimée souhaite présenter les observations suivantes concernant la demande de directives de la Cour, qui est traitée comme une requête :

1- la position quant à la partie restante de la réponse de l’intimée a été correctement déposée pour la question susmentionnée;

2- toutes les parties (y compris la Couronne) peuvent être représentées par un représentant dans le cadre d’une procédure d’appel informelle interjetée sous le régime de la procédure informelle conformément à l’article 18.14 de la Loi sur la CCI;

3- le PGC est responsable de tous les litiges où Sa Majesté la Reine est partie (article 5 de la Loi sur le MDJ);

4- rien n’empêche le PGC de nommer un représentant pour représenter la Couronne dans les procédures devant la Cour canadienne de l’impôt régies par la procédure informelle; [et]

5- un fonctionnaire de l’ARC est considéré comme un représentant aux fins de la Loi sur la CCI.

[5]  En réponse, le greffe de la Cour de l’impôt a fixé l’audience de la requête. Les parties ont déposé des observations, présenté des arguments oraux et ont renvoyé à la jurisprudence pertinente. Les présents motifs d’ordonnance ont été quelque peu retardés en raison de la pandémie de COVID-19 et de la fermeture qui en a découlé.

II. LES ARGUMENTS, LE DROIT, LES CONCLUSIONS ET LES MESURES DEMANDÉES

a)  Les observations de l’appelant

1)  La Loi sur le MDJ

[6]  L’appelant fait valoir que l’alinéa 5d) de la Loi sur le MDJ dispose que le ministère de la Justice (MDJ) est l’entité qui doit mener tous les litiges au nom de la Couronne, y compris la préparation et le dépôt des réponses devant la CCI. Cet alinéa est rédigé ainsi :

Attributions

5. Les attributions du procureur général du Canada sont les suivantes :

a) il est investi des pouvoirs et fonctions afférents de par la loi ou l’usage à la charge de procureur général d’Angleterre, en tant que ces pouvoirs et ces fonctions s’appliquent au Canada, ainsi que de ceux qui, en vertu des lois des diverses provinces, ressortissaient à la charge de procureur général de chaque province jusqu’à l’entrée en vigueur de la Loi constitutionnelle de 1867, dans la mesure où celle-ci prévoit que l’application et la mise en œuvre de ces lois provinciales relèvent du gouvernement fédéral;

b) il conseille les chefs des divers ministères sur toutes les questions de droit qui concernent ceux-ci;

c) il est chargé d’établir et d’autoriser toutes les pièces émises sous le grand sceau;

d) il est chargé des intérêts de la Couronne et des ministères dans tout litige où ils sont parties et portant sur des matières de compétence fédérale;

e) il remplit les autres fonctions que le gouverneur en conseil peut lui assigner.

[7]  L’appelant a également renvoyé aux motifs du juge Bowman dans la décision Garber v. The Queen, 2005 CCI 635, au paragraphe 36, qui est rédigé ainsi :

[36] À mon avis, il était du ressort du ministère de la Justice de répudier l’entente. C’était une entente conclue dans le contexte de litiges où l’État est partie et elle relevait donc clairement de la compétence conférée au procureur général aux termes de l’alinéa 5d) de la Loi sur le ministère de la Justice, qui le charge des intérêts de la Couronne dans tout litige. Les avocats du ministère de la Justice désignent parfois le ministère du Revenu national comme leur « client ». C’est une tournure abrégée qui est pratique, mais qui n’est pas entièrement exacte, même si la relation entre le procureur général et les divers ministères dont le ministère de la Justice défend les intérêts peut dans certaines circonstances s’apparenter à la relation entre un avocat et son client.

[8]  En outre, l’appelant affirme qu’à partir du moment où il a déposé l’avis d’appel, le litige ou le différend ne relève plus de l’ARC, mais devient la responsabilité du PGC conformément à la Loi sur le MDJ. À cette fin, l’appelant attire l’attention de la Cour sur un document rédigé par le même juge Bowman (alors juge en chef), intitulé The Settlement of Tax Disputes in Canada. Une partie de ce document, qui explique le règlement des différends fiscaux à un niveau général, renvoie expressément au transfert des responsabilités après un certain stade du différend de l’ARC au PGC, puis au MDJ. Voici un extrait de ce qu’a écrit le juge Bowman :

[traduction]

i)   L’appel devant la Cour canadienne de l’impôt nécessite le dépôt d’un avis d’appel [...]

j)   Dès le dépôt de l’appel [...], l’affaire n’appartient plus à l’ARC, mais devient la responsabilité du PGC, représenté par des avocats employés par le MDJ, qui a pleine autorité sur le déroulement de l’action au nom de l’intimée, Sa Majesté la Reine, chef constitutionnel du gouvernement du Canada.

k)   L’intimée doit alors déposer une réponse [...] exposant les faits invoqués par l’ARC pour établir sa cotisation, les autres faits invoqués par l’intimée et les raisons pour lesquelles des dispositions législatives doivent être avancées à l’appui de la cotisation.

[9]  Les pouvoirs du PGC, quant à eux, doivent être exercés par un substitut légitime. C’est ce qu’a interprété la jurisprudence dans la décision Ross c. R, 2017 MBCA, aux paragraphes 37 et 38 de la manière suivante :

[traduction]

37. Je commence par noter que le libellé utilisé dans les autres parties du Code, qui traitent des pouvoirs et fonctions de la Couronne, renvoie au procureur général plutôt qu’au ministre de la Justice. Je m’arrête ici pour mentionner la distinction faite en vertu de la Loi sur le ministère de la Justice, L.R.C. (1985), ch. J-2, entre les pouvoirs et fonctions du ministre et les pouvoirs et fonctions du procureur général (voir les articles 4 et 5). L’une des principales fonctions du procureur général est d’être « chargé des intérêts de la Couronne [...] dans tout litige où ils sont parties et portant sur des matières de compétence fédérale »; (alinéa 5d)). Dans son rôle de procureur, le procureur général doit « agi[r] indépendamment de toute considération partisane » et « indépendamment de toute pression politique du gouvernement », R c. Cawthorne, 2016 CSC 32, aux paragraphes 23 et 24). D’autre part, la Loi sur le ministère de la Justice dispose que « [l]e ministre est le conseiller juridique officiel du gouverneur général et le jurisconsulte du Conseil privé de Sa Majesté pour le Canada » (à l’article 4).

38. L’article 2 du Code définit le terme « procureur général », à l’égard des poursuites ou procédures visées par le Code, comme étant le procureur général du Canada ou le procureur général ou le solliciteur général de la province où ces poursuites ou procédures sont engagées « ou leur substitut légitime » (non souligné dans l’original). Cela indique l’intention du législateur que les pouvoirs du procureur général en vertu du Code puissent être exercés par les membres appropriés de son personnel.

[10]  À ce titre, l’appelant fait valoir en outre que le rôle de l’avocat pour le compte du PGC, employé par le MDJ, n’est pas de représenter les intérêts d’un gouvernement particulier, mais d’aider la Cour à prendre une décision conformément à la loi : Kinghorne c. Canada, 2018 CF 1060, aux paragraphes 32 à 33.

2)  La loi sur le MDJ remplace la Loi sur la CCI

[11]  L’appelant affirme que la Loi sur le MDJ remplace la Loi sur la CCI. Bien que peu de sources aient été fournies pour étayer cette proposition, celle-ci semble aller de pair avec l’argument lié à la portée limitée de la Loi sur la CCI qui suit immédiatement.

3)  L’article 18.14 de la Loi sur la CCI a une portée et une application limitées

[12]  L’appelant déclare que la Loi sur la CCI ne s’applique qu’aux actes de représentation décrits à l’article 18 de cette loi. À ce titre, l’article ne s’applique pas à la représentation du gouvernement pendant une quelconque phase du litige, quelle qu’elle soit. En outre, l’article 18 de la Loi sur la CCI ne s’applique qu’aux contribuables, en tant qu’appelants, et non au ministre en tant qu’intimé. L’article 18.14 de la Loi sur la CCI est rédigé ainsi :

Comparution

18.14 Les parties à un appel visé à l’article 18 peuvent comparaître en personne ou être représentées par avocat ou par un autre représentant.

4)  L’intimée ne relève pas de l’article 18.14 de la Loi sur la CCI

[13]  On peut supposer que, comme corollaire de ce qui précède, l’objectif de l’article 18.14 est de promouvoir l’accès à la justice pour les appelants qui ne peuvent pas se permettre de payer les frais de représentation aux fins d’un litige. Une telle situation de fait ne s’applique pas à l’intimée qui dispose des ressources du trésor fédéral. À ce titre, l’intimée et le ministre du Revenu national ne devraient pas être autorisés à invoquer les dispositions de l’article 18.14.

5)  La Loi sur l’ARC n’aide pas le ministre devant les tribunaux

[14]  L’appelante a déclaré qu’aucun article de la Loi sur l’ARC ne permet à l’ARC de mener un litige au nom de l’intimée. À cette fin, les articles 5 et 6 de la Loi sur l’ARC prévoient ce qui suit :

Mission

5 (1) L’Agence est chargée :

a) de fournir l’appui nécessaire à l’application et au contrôle d’application de la législation fiscale;

b) de mettre en œuvre toute entente conclue entre elle ou le gouvernement fédéral et le gouvernement d’une province ou un organisme public remplissant des fonctions gouvernementales au Canada et portant sur l’exercice d’une activité, l’administration d’une taxe ou d’un impôt ou l’application d’un programme;

c) de mettre en œuvre toute entente ou tout accord conclus entre elle et un ministère ou organisme fédéral et portant sur l’exercice d’une activité ou l’application d’un programme;

d) de mettre en œuvre toute entente conclue entre le gouvernement fédéral et un gouvernement autochtone et portant sur l’administration d’une taxe ou d’un impôt.

Fonctions auxiliaires

(2) L’Agence peut fournir tout service — d’appui, de consultation ou autre — compatible avec sa mission.

Ministre

Attributions

6 (1) Les pouvoirs et fonctions du ministre s’étendent d’une façon générale à tous les domaines de compétence du Parlement non attribués de droit aux ministères ou organismes fédéraux, à l’exception de l’Agence, et liés :

  • a) [Abrogé, 2005, ch.38, art. 40]

  • b) aux droits d’accise;

  • c) aux droits de timbre, à la préparation et à l’émission de timbres — à l’exclusion des timbres-poste — et de papier timbré, et à la Loi sur la taxe d’accise, sauf disposition contraire de celle-ci;

  • d) sauf disposition contraire, aux impôts intérieurs, notamment l’impôt sur le revenu;

d.1) à la perception des créances de Sa Majesté sous le régime de la partie V.1 de la Loi sur les douanes;

  • e) aux autres secteurs que le Parlement ou le gouverneur en conseil peut lui attribuer.

Ministre responsable

(2) L’Agence est placée sous la responsabilité du ministre.

b)  Observations de l’intimée

1)  Aucune interdiction de représentation de la Couronne dans le cadre de l’article 18.14 

[15]  L’intimée fait valoir que toutes les parties peuvent être représentées par un représentant devant la CCI sous le régime de la procédure informelle conformément à l’article 18.14 de la Loi sur la CCI. Cela inclut l’intimée dans un tel contexte, et il n’y a aucun fondement pour l’exclure.

[16]  Les raisons de cette exclusion sont bien établies depuis longtemps. Premièrement, les tribunaux doivent privilégier le sens ordinaire d’un ou de plusieurs mots lorsqu’ils interprètent des lois : R. c. A.D.H., 2013 CSC 28, au paragraphe 83. Le recours au bon sens se révèle la meilleure option dans l’interprétation objective d’un texte et permet d’éviter les analyses mécaniques et axées sur le résultat recherché.

[17]  L’article 18.14 utilise l’expression « les parties ». Il est logique que cela inclue Sa Majesté, car le législateur est présumé donner le même sens aux mêmes mots utilisés dans un texte législatif, à moins qu’une intention contraire ne se manifeste : R. c. Zeolkowski, [1989] 1 RCS 1278, au paragraphe 19. Ce concept va de pair avec l’idée que des mots différents doivent recevoir des significations différentes, mais pas autrement : Reference re: Regulations in Relation to Chemicals, [1943] SCR 1, aux pages 11 et 12.

[18]  À titre de comparaison, l’article 16.1 de la Loi sur la CCI dispose que « [l]a Cour peut, sur demande d’une partie aux procédures — à l’exception de Sa Majesté du chef du Canada ou d’un ministre [...] ». L’utilisation de cette formulation exceptionnelle montre que le législateur a voulu exclure l’intimée dans le cas de l’article 16.1 et l’inclure en utilisant l’expression plus générale « les parties » à l’article 18.14 qui suit.

2)  Aucune interdiction pour le PGC de désigner un représentant ne relevant pas du ministère de la Justice

[19]  L’intimée affirme que rien n’interdit au PGC de désigner un représentant pour représenter la Couronne dans le cadre de la procédure informelle de la CCI lorsque ce représentant n’est pas un employé ou un avocat du ministère de la Justice. Aucune disposition de la Loi sur le MDJ n’exige que le MDJ, ou plus précisément l’un de ses avocats, représente ou exécute tous les actes du ministre devant les tribunaux. Le MDJ peut désigner un représentant.

[20]  Par analogie, le Code criminel du Canada (le CCC) prévoit qu’un « procureur » puisse comprendre le procureur général et d’autres personnes. Ces dispositions sont contenues dans la partie XXVII du CCC et sont rédigées ainsi :

Définitions

785 Les définitions qui suivent s’appliquent à la présente partie.

Poursuivant Le procureur général ou le dénonciateur lorsque le procureur général n’intervient pas, y compris un avocat ou un mandataire agissant pour le compte de l’un ou de l’autre. (prosecutor)

3)  Aucune qualification ou fonction particulière n’est requise pour le représentant de la Couronne

[21]  L’intimée fait valoir simplement qu’un fonctionnaire de l’ARC est considéré comme un représentant aux fins de la Loi sur la CCI. Aucune qualification n’est requise devant la Cour pour un représentant dans le cadre de la procédure informelle ou autrement lorsqu’un représentant est autrement autorisé. Ce principe est bien établi dans l’arrêt The Law Society of British Columbia c. Mangat, 2001 CSC 67 qui prévoit ce qui suit :

26. Conformément à la Loi sur l’immigration, la CISR comporte trois sections : la section d’arbitrage, la section du statut de réfugié et la section d’appel de l’immigration (par. 57(1)). L’article 30 a trait aux procédures devant la section d’arbitrage. Cette dernière tient des enquêtes et revoit les cas de détention afin de déterminer si une personne peut être admise au Canada ou si elle doit faire l’objet d’une mesure de renvoi (art. 32). Un agent d’audience comparaît au nom du ministre.

27. Le paragraphe 69(1) vise la section du statut de réfugié qui entend et tranche les revendications du statut de réfugié présentées au Canada (par. 69.1(1)). Un avocat ou un mandataire peut comparaître en tant que représentant du ministre. La CISR peut être assistée par un agent d’audience, aussi appelé agent chargé de la revendication, qui est membre de la CISR et qui fait fonction de conseil auprès des membres du tribunal (par. 64(3) et l’art. 68.1).

28. La section d’appel entend les appels interjetés contre des mesures de renvoi prises contre des résidents permanents et les appels de répondants contre le rejet de demandes parrainées d’établissement présentées par un parent (art. 70 et par. 77(3)).

29. Les audiences devant les sections de ce tribunal administratif sont de nature quasi judiciaire. Dans la mesure où les circonstances et l’équité le permettent, la section d’arbitrage et la section du statut fonctionnent sans formalisme et avec célérité (par. 80.1(4) et 68(2)). Les arbitres et les membres du tribunal ne sont pas liés par les règles légales ou techniques de présentation de la preuve. Ils peuvent recevoir les éléments qu’ils jugent crédibles ou dignes de foi en l’occurrence et fonder leur décision sur ces éléments (par. 80.1(5) et 68(3)).

30. Les membres de la CISR ne sont pas tous tenus d’être avocats; ils ne sont pas tous obligés non plus d’avoir une formation juridique. Il n’est pas nécessaire que la section d’arbitrage compte des avocats ou des personnes ayant une formation juridique (art. 63.3). Au moins 10 pour 100 des membres de cette section doivent être des avocats inscrits au barreau d’une province, ou des notaires membres de la Chambre des notaires du Québec, depuis au moins cinq ans (par. 61(2)). Par contre, le vice‑président de la section d’appel, la majorité des vice‑présidents adjoints et au moins 10 pour 100 des membres de cette section doivent être des avocats inscrits au barreau d’une province, ou des notaires membres de la Chambre des notaires du Québec, depuis au moins cinq ans (par. 61(2)). Il n’est pas nécessaire que les agents qui comparaissent au nom du ministre et les agents d’audience (qui assistent les membres de la section du statut) soient des avocats ou qu’ils aient une formation juridique.

III. ANALYSE ET DÉCISION

[22]  La question étroite de la présente requête est celle de savoir si un agent des litiges de l’ARC, dans le cadre d’un appel interjeté sous le régime de la procédure informelle, a le pouvoir légal de rédiger et de signer une réponse. Plus précisément, cette réponse, lorsqu’elle est rédigée et signée par un agent des litiges, satisfait-elle aux exigences législatives et réglementaires lui permettant d’être une réponse valablement signifiée et déposée devant la Cour?

[23]  Certains faits ne sont pas en cause dans la présente requête. Personne d’autre qu’un avocat du ministère de la Justice n’a comparu ou cherché à comparaître devant la Cour au nom de l’intimée après le dépôt de la réponse. En outre, l’avocat de l’intimée n’a pas refusé de répondre. De même, l’avocat de l’intimée ne cherche pas à modifier la réponse. Lors de l’audition de la requête, il a été établi que, même si la requête était accordée pour exiger que soit [traduction] « rédigée et signée de nouveau » la réponse, alors, à part le changement d’auteur et de préparateur de la réponse, aucune autre modification ne serait apportée.

[24]  Dans le même ordre d’idées, et bien que vaguement cité comme motif de radiation de la réponse dans la requête, il n’existe aucun fondement, autre que l’absence d’argument lié à la représentation, pour radier la réponse. La réponse est en règle générale conforme à l’article 18.16 de la Loi sur la CCI et aux règles connexes. La Cour a clairement indiqué au représentant de l’intimée qu’en dehors de la question de la paternité de la réponse et de la représentation, la Cour n’envisagerait pas autrement d’ordonner la modification de la réponse; la réponse ne comportait pas de lacunes importantes et ne serait donc pas radiée. La meilleure solution pour l’appelant serait d’obtenir une ordonnance exigeant la modification de la réponse en remplaçant l’employé de l’ARC par un avocat du MDJ. Le représentant de l’appelant a reconnu cette mesure de redressement limitée lors de ses observations.

[25]  Certains arguments et observations ne sont pas convaincants et nécessitent qu’on s’y attarde peu dans les présents motifs. Pour l’appelant, la notion selon laquelle la Loi sur la MDJ remplace la Loi sur la CCI (voir la section (2) ci-dessus) est citée sans jurisprudence ni poids à l’appui. De même, la portée limitée de l’article 18.16 (voir la section (3) ci-dessus) ne permet pas de traiter de l’étendue de l’article. La Cour elle-même a soulevé ce point auprès des deux parties, en attirant particulièrement leur attention sur le paragraphe 18.16(5) de la Loi sur la CCI qui dispose ce qui suit :

Interprétation

(5) Le ministre du Revenu national peut répondre à l’avis d’appel par la poste, auquel cas sa réponse est réputée avoir été déposée le jour de son envoi par la poste.

[26]  Ce paragraphe est également conforme au paragraphe 6(2) de la procédure informelle qui prévoit :

Réponse à l’avis d’appel

(2) Le ministre du Revenu national signifie, par courrier recommandé, dans les cinq jours qui suivent le dépôt de la réponse, une copie de celle-ci à l’adresse de l’appelant aux fins de la signification des documents.

[27]  En outre, l’argument téléologique, selon lequel l’article 18.14 de la Loi sur la CCI est exclusivement au profit des appelants et de l’intimée, est rejeté en raison du choix évident de la formulation législative. En ce qui concerne l’interprétation, si le législateur avait souhaité ce type de distinction, les mots « l’appelant » plutôt que « les parties » auraient été utilisés pour éviter cette prétendue confusion.

[28]  L’argument de l’appelant, qui reste à analyser par la Cour, figure au paragraphe (1) ci-dessus) : l’absence d’autorité législative permettant à quiconque autre que le MDJ et ses avocats d’agir au nom du ministre devant la Cour de l’impôt. Pour que cet argument soit retenu, les dispositions de l’alinéa 5d) de la Loi sur le MDJ doivent accorder un pouvoir exclusif au PGC et à personne d’autre. En d’autres termes, le pouvoir de déposer et de signifier une réponse sous le régime de la procédure informelle est-il exclusif au PGC et aux avocats (ou même vraisemblablement aux représentants) du MDJ? Ces dispositions ou l’absence d’octroi d’un pouvoir autonome retirent-elles à l’ARC et à ses agents des litiges le pouvoir d’agir au nom de son mandant, le ministre du Revenu national?

[29]  Passons maintenant à la jurisprudence citée. Dans la décision Garber, la Cour de l’impôt a conclu que le MDJ pouvait répudier un accord de règlement auquel l’ARC avait précédemment consenti. Cette conclusion a été faite par renvoi à l’alinéa 5d) de la Loi sur le MDJ. L’analyse ne s’est pas arrêtée à une détermination critique : la Cour n’a pas dit que l’ARC n’avait pas le pouvoir de conclure un accord de règlement. Elle a déclaré que l’avocat du MDJ avait le pouvoir d’annuler un accord. Pour qu’il y ait annulation, il faut en toute logique qu’un accord existe. Pour qu’une chose existe, il faut qu’il y ait un pouvoir de la créer. L’accord de règlement, conclu pour la première fois par l’ARC dans la décision Garber, n’était pas un accord nul, mais un accord annulable. Par analogie, devant la Cour, les avocats du MDJ pourraient demander l’autorisation de modifier ou de résilier la réponse. Ce serait l’analogie qui se rapprocherait le plus des principes énoncés dans la décision Garber. En fait, la confirmation par l’avocat de la réponse devant la Cour démontre encore plus la nature de la dualité et de l’ordre des pouvoirs devant la Cour entre le MDJ et l’ARC.

[30]  En outre, les commentaires du juge Bowman dans la décision Garber, au paragraphe 36, indiquent également que la relation entre le MDJ et l’ARC « s’apparent[e] à la relation entre un avocat et son client ». Il y a un chaînon manquant dans l’argument de l’appelant. L’attribution au MDJ de responsabilités dans le but de mener un litige n’empêcherait pas l’ARC de déposer une réponse, à moins qu’elle ne conclue que la préparation, le dépôt et la signification d’une réponse équivalent à « être chargé des intérêts d’un litige ». Il est à noter que dans la décision Garber, rien n’indique qu’il est interdit à l’ARC de préparer, de signifier et de déposer les réponses du ministre dans le cadre de toute procédure, sans parler de la procédure informelle, pertinente pour la présente requête.

[31]  Le juge Bowman lui-même a déclaré que [traduction] « le défendeur doit alors déposer un avis de réponse ». À ce stade du présent appel, la partie intimée est le ministre. Ceci est clairement énoncé au paragraphe 18.16(5) de la procédure informelle. Le paragraphe dispose expressément que c’est le ministre, et non le PGC ou l’avocat du PGC, qui doit déposer la réponse. Ce paragraphe est directif, précis et clair. Dans le cadre de la procédure informelle, c’est le ministre qui est expressément désigné dans le paragraphe pour assumer ce fardeau et s’en décharger.

[32]  Le fait que l’appelant ait invoqué le commentaire de l’ancien juge Bowman concernant la relation entre l’ARC et le ministre, d’une part, et le PGC et le MDJ, d’autre part, ne tient pas compte d’un élément clé et d’un point central du document cité : son contexte. Le document a été présenté à une association mondiale de juges siégeant en matière fiscale : l’Association internationale des juges fiscaux (IATJ). Son objectif déclaré était de familiariser les juristes fiscaux non canadiens avec les principes généraux de haut niveau concernant la résolution des litiges fiscaux au Canada. Le document se concentrait exclusivement sur le règlement des litiges fiscaux dans le cadre des appels interjetés sous le régime de la procédure générale de la Cour de l’impôt. Cela se manifeste tout au long par des références répétées et étendues à des listes de documents, des interrogatoires préalables, des conférences de règlement formelles et des accords de règlement signés. Ces procédures et formalités judiciaires n’existent pas dans le cadre de la procédure informelle de la Cour. La question liée à la représentation autorisée par les agents des litiges de l’ARC pour leur permettre de rédiger et de déposer des réponses devant la Cour a été expressément restreinte et exclusivement limitée à la procédure informelle. Le contenu du document concernant le règlement des litiges fiscaux est en règle générale une bonne introduction pour une personne qui ne connaît pas la procédure générale de la Cour et les litiges fiscaux qui en découlent au Canada. Toutefois, les opinions de l’auteur ne sont pas contraignantes, même dans ce contexte. Plus important encore, les commentaires ne sont pas pertinents pour la question dont la Cour est saisie : les dispositions précises de la procédure formelle et leur relation avec d’autres lois.

[33]  Les dispositions prévues sous le régime de la procédure formelle portent sur le rôle des actes de procédure devant la Cour. Les paragraphes 6(1) et 6(2) de la procédure informelle fournissent des directives à la Cour et aux parties. Ces paragraphes précisent le contenu de la réponse. La Cour constate que la réponse déposée dans le cadre du présent appel est en grande partie conforme aux exigences prévues au paragraphe 6(1). Le paragraphe 6(2) ordonne au « ministre », suivant le dépôt de la réponse, de la signifier à l’appelant. Il n’y a tout simplement aucune mention du PGC, du MDJ ou de toute autre entité ou personne, à part le ministre.

[34]  En comparaison, la procédure générale de la Cour contraste avec cette directive et le renvoi au ministre. L’article 44, qui régit le dépôt et la signification des réponses, ne fait aucune mention particulière, n’accorde aucun pouvoir précis et ne donne aucune directive précise au ministre. Au contraire, l’article 44 reste général. Là encore, en revanche, toutes les autres dispositions concernant la représentation dans le cadre de la procédure générale, à savoir les articles 30, 31, 32, 33 et 34, prévoient clairement la possibilité de se représenter soi-même ou de se faire représenter par un avocat, mais pas par un représentant. Ceci est également représenté à l’article 17 de la Loi sur la CCI qui porte sur la procédure générale. Cela constitue une divergence évidente entre la procédure générale et la procédure informelle.

IV. CONCLUSION ET DÉPENS

[35]  En conclusion, l’article 18 de la Loi sur la CCI et les règles correspondantes prévues par la procédure informelle s’appliquent pour réduire le fardeau formaliste et la durée des affaires de moindre importance qui sont portées devant la Cour de l’impôt et qui relèvent de la procédure informelle. Le libellé clair de l’article 18.14 et les règles de procédure informelle plus larges permettent, et n’empêchent pas, la rédaction, la signification et le dépôt d’une réponse par les représentants du ministre, les employés de l’ARC et le personnel de sa section du litige. En fait, tant en pratique que dans le présent appel, la représentation effective devant la Cour est toujours entièrement assurée par le PGC par l’intermédiaire des avocats du MDJ. Conjointement, ils représentent l’intimée sur toutes les questions dont est saisie la Cour lorsqu’elle siège, bien que les actes de procédure dans le cadre de la procédure informelle soient préparés, rédigés et signifiés par le personnel du bureau du ministre.

[36]  Pour ces motifs, la requête est rejetée sans dépens.

La présente ordonnance modifiée et les présents motifs modifiés de l’ordonnance remplacent l’ordonnance et les motifs de l’ordonnance du 23 juillet 2020. Ils corrigent une erreur typographique dans une citation au paragraphe 16.

Signé à Ottawa, Canada, ce 30e jour de juillet 2020.

« R.S. Bocock »

Le juge Bocock


RÉFÉRENCE :

2020CCI60

NO DU DOSSIER DE LA COUR :

2018-178(IT)I

INTITULÉ :

VALERI NARIVONTCHIK c. SA MAJESTÉ LA REINE

LIEU DE L’AUDIENCE :

Toronto (Ontario)

DATE DE L’AUDIENCE :

Le 20 janvier 2020

MOTIFS DE L’ORDONNANCE :

L’honorable juge Randall S. Bocock

DATE DE L’ORDONNANCE :

Le 30 juillet 2020

COMPARUTIONS :

Représentant de l’appelant :

Alexander Shaulov

Avocat de l’intimée :

Me Kieran Lidhar

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Pour l’appelant :

Nom :

[EN BLANC]

 

Cabinet :

[EN BLANC]

 

Pour l’intimée :

Nathalie G. Drouin

Sous-procureure générale du Canada

Ottawa, Canada

 

 

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.