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Dossier : 2016-5137(IT)G

ENTRE :

MMV CAPITAL PARTNERS INC.,

appelante,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

Appel entendu les 17 et 18 juillet 2018 à Toronto (Ontario), et observations finales présentées le 31 mai 2019

Devant : L'honorable juge Randall S. Bocock


Comparutions :

Avocats de l'appelante :

Me David Muha

Me Michael J. Collinge

Me Kevin Chan

Avocats de l'intimée :

Me Michael Taylor

Me Matthew Turnell

 

JUGEMENT

ATTENDU QUE la Cour a prononcé ses motifs du jugement aujourd’hui ;

PAR CONSÉQUENT, l'appel interjeté relativement aux années d'imposition 2011, 2012, 2013, 2014 et 2015 et visant l'avis de nouvelle cotisation du 8 juin 2016 établi aux termes de l'article 245 de la Loi de l'impôt sur le revenu, L.R.C. 1985, ch. 1, telle que modifiée (la « Loi »), est accueilli au motif que MMV a le droit de déduire les pertes autres qu'en capital subies au titre de la partie I de la Loi au cours des années d'imposition 2001 à 2009 inclusivement.

Les dépens sont adjugés de façon provisoire à l'appelante, sous réserve du droit de l'une ou l'autre des parties de présenter des observations écrites dans les 30 jours suivant le présent jugement. Le cas échéant, la Cour peut tenir compte des observations et modifier l'adjudication provisoire des dépens. Sinon, l'adjudication provisoire des dépens sera définitive.

Signé à Toronto (Ontario), ce 12e jour d'août 2020.

« R.S. Bocock »

Le juge Bocock

 


Référence : 2020 CCI 82

Date : 20200812

Dossier : 2016-5137(IT)G

ENTRE :

MMV CAPITAL PARTNERS INC.,

appelante,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.


[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

MOTIFS DU JUGEMENT

Le juge Bocock

I. INTRODUCTION

[1] L'appelante, la société MMV Capital Partners Inc. (MMV), a fait l'objet d'une nouvelle cotisation aux termes de l'article 245, la règle générale anti‑évitement (la RGAÉ), de la Loi de l'impôt sur le revenu, L.R.C. 1985, ch. 1, telle que modifiée (la « Loi »). Le ministre du Revenu national (le « ministre ») a refusé la déduction de pertes autres qu'en capital de 23 444 775 $ (les « pertes ») au cours des cinq années d'imposition terminées du 31 décembre 2011 au 31 décembre 2015 inclusivement.

[2] La RGAÉ s'applique lorsque trois éléments sont réunis : (1) le contribuable a réalisé un « avantage fiscal » (paragraphe 245(1)); (2) le contribuable a effectué une opération ou une série d'opérations (paragraphe 248(10)) qui comprend au moins une opération d'évitement (paragraphe 245(3)); (3) l'opération ou la série d'opérations entraînerait un abus dans l'application des dispositions de la Loi. Les parties au présent appel conviennent que MMV a réalisé un avantage fiscal et qu'une opération ou une série d'opérations était une opération d'évitement. Comme on peut le voir dans les présents motifs, elles sont en profond désaccord sur la question de savoir s'il y a eu abus des règles sur la restriction des pertes à l'article 111 de la Loi ou d'une autre disposition de la Loi.

II. LES FAITS

[3] Les parties ont déposé un exposé conjoint des faits au début de l'audience. L'exposé conjoint des faits était accompagné de deux volumes comprenant un recueil commun de documents avec l'accord habituel sur les documents et des extraits de la transcription des interrogatoires préalables et des explications supplémentaires. De plus, l'avocat de MMV a cherché à déposer des communications très expurgées entre l'Agence du revenu du Canada (l'« Agence ») et la Direction de la politique de l'impôt du ministère des Finances. Après un voir‑dire, la Cour a jugé que les communications entre l'Agence et le ministère étaient admissibles. Comme les présents motifs l'indiquent, lors de cette décision, la Cour a souligné que ces communications seront peu utiles et que la Cour y accordera peu de poids.

[4] La Cour tire les conclusions de fait suivantes de ces documents.

a) L'entreprise initiale

[5] MMV, alors dénommée National Convergence Inc., a été constituée en avril 2001. De sa constitution jusqu'à sa mise sous séquestre en juillet 2009, ses activités étaient liées aux applications de voix par IP pour les fournisseurs de services Internet (l'« entreprise initiale »).

b) Les propriétaires

[6] La société MMV Finance Inc. (MMV Finance) a été constituée en octobre 2002. Minhas Mohamed, Ron Patterson, Tony Gioia et Graham Turner figuraient parmi ses administrateurs.

[7] La société MMV Financial Inc. (MMV Financial) a été constituée en août 2004. MMV Financial détenait, par l'intermédiaire de sa filiale en propriété exclusive 4387902 Canada Inc., 45 % des actions ordinaires et 100 % des actions ordinaires sans droit de vote de MMV Finance. Parmi les administrateurs de MMV Financial figuraient également Minhas Mohamed et Ron Patterson.

[8] MMV Financial fournissait des prêts et du financement de capital‑risque. En 2006, MMV Financial avait un portefeuille de placements d'une valeur d'environ 74 millions de dollars américains.

c) Les prêts

[9] Le 29 décembre 2006, MMV Financial a investi dans MMV en lui prêtant deux millions de dollars américains aux termes d'un contrat de crédit. Il s'agissait d'un prêt amorti avec paiements mensuels pendant 38 mois, avec un taux d'intérêt de 13,68 % par an.

[10] Le même jour, MMV a émis à MMV Financial des bons de souscription pour 2 129 547 actions privilégiées de catégorie C à un prix total de 240 000 dollars américains. MMV Financial n'a pas exercé son droit d'achat.

[11] Le 4 janvier 2007, MMV Financial a enregistré une sûreté mobilière générale sur les éléments d'actif de MMV pour garantir son prêt.

[12] Le 31 août 2007, MMV Financial a conclu un accord de subordination avec certains créanciers garantis de MMV qui étaient également actionnaires de MMV (les « actionnaires et créanciers garantis »). Selon l'entente de subordination, la dette et la sûreté des actionnaires et créanciers garantis étaient subordonnées à la sûreté de MMV Financial.

[13] MMV n'était pas rentable et a enregistré des pertes chaque année de 2001 à 2009.

d) La mise sous séquestre et la vente des éléments d'actif de MMV

[14] En 2009, la situation financière de MMV s'est encore détériorée. Le 22 juillet 2009, un créancier de MMV, BDC Capital Inc., a envoyé à MMV un préavis qu'il se proposait de mettre en exécution sa garantie, en application de la Loi sur la faillite et l'insolvabilité, L.R.C. 1985, ch. B‑3 (la « LFI »).

[15] Le 31 juillet 2009, la Cour supérieure de justice de l'Ontario a nommé un séquestre intérimaire pour veiller aux éléments d'actif, aux entreprises et aux biens de MMV aux termes de la LFI. Le même jour, MMV a vendu ses principaux éléments d'actif, notamment sa propriété intellectuelle, à une partie sans lien de dépendance pour 1,1 million de dollars américains. À la suite de sa mise sous séquestre, MMV a cessé d'exploiter son entreprise initiale et n'exploitait aucune entreprise.

[16] Après la vente de ses éléments d'actif, les seuls biens restants de MMV étaient quelques biens meubles de valeur symbolique et certaines pertes accumulées : pertes autres qu'en capital non utilisées, pertes en capital nettes, dépenses de recherche scientifique et de développement expérimental, et certains crédits d'impôt à l'investissement. Ces sommes sont essentiellement les pertes en litige.

[17] Après la nomination du séquestre, MMV a remboursé à MMV Financial le solde exigible du prêt de 2 millions de dollars américains grâce au produit de la vente d'actifs et les remboursements d'impôt que MMV avait reçus relativement à ses dépenses de recherche scientifique et de développement expérimental.

[18] Au moment de la mise sous séquestre, il y avait 9 890 394 actions ordinaires de MMV en circulation et 317 042 039 actions privilégiées, détenues par 78 actionnaires différents. MMV Financial n'avait alors aucune action de MMV. En novembre 2010, à la demande des actionnaires et créanciers garantis, les actions privilégiées ont été converties en actions ordinaires selon un ratio d'un pour un.

e) La restructuration et la conversion de MMV

[19] Le 16 décembre 2010, lors d'une assemblée extraordinaire des actionnaires de MMV, les actionnaires ont voté en faveur de la consolidation de toutes les actions ordinaires de MMV selon un ratio de 13 000 000 pour 1. Après la consolidation et l'élimination des petites participations, seules 18 actions ordinaires de MMV sont restées en circulation, toutes détenues par les actionnaires et créanciers garantis.

[20] Au moment de la consolidation des actions, deux des actionnaires et créanciers garantis, BDC Capital Inc. et Wesley Clover Corporation, détenaient des débentures convertibles émises par MMV ayant une valeur nominale combinée de 850 000 dollars américains, soit 550 000 dollars américains à BDC Capital Inc. et 300 000 dollars américains à Wesley Clover Corporation.

[21] Lors de la réunion extraordinaire des actionnaires de MMV du 16 décembre 2010, Paul Amirault, Tony Gioia, Graham Turner et Michael Jan ont été élus au conseil d'administration de MMV. Ces quatre personnes n'avaient pas été auparavant administrateurs de MMV; cependant, Paul Amirault avait été dirigeant de MMV de 2004 à 2009 et avait été actionnaire de MMV.

f) Préparation du conseil d'administration et des dirigeants et règlement des dettes

[22] En décembre 2010, MMV Financial a signé des accords d'indemnisation avec chaque administrateur de MMV, les indemnisant de toute responsabilité liée à leurs tâches d'administrateur.

[23] Le 21 décembre 2010, la société 7733704 Canada Inc. (la société 773) a été constituée aux termes de la Loi canadienne sur les sociétés par actions, L.R.C. 1985, ch. C‑44 (la LCSA), et a souscrit à 17 actions ordinaires (une de moins que les 18 actions précédemment en circulation) de MMV. La société 773 est une filiale en propriété exclusive de MMV Financial. À toutes les périodes pertinentes, les administrateurs de la société 773 étaient Minhas Mohamed et Ron Patterson.

[24] Par la suite, le conseil d'administration de MMV a adopté une série de résolutions mettant en œuvre ce qui suit :

a. désignant les dirigeants suivants :

1. président et directeur général : Minhas Mohamed;

2. vice‑président directeur : Ron Patterson;

3. directeur de l'exploitation : Michel Beland;

4. directeur financier : Michel Beland;

5. secrétaire‑trésorier : Michel Beland;

b. établissant la Banque de Nouvelle‑Écosse, qui était la banque de MMV Financial, comme la banque de MMV;

c. changeant le siège social de MMV à celui de MMV Financial;

d. décidant de faire une proposition concordataire aux créanciers de MMV conformément à la LFI.

[25] Ron Patterson était également le vice‑président directeur de MMV Financial au cours de la période pertinente, et Michel Beland était le directeur financier et le directeur de l'exploitation de MMV Financial.

[26] Le 21 février 2011, Minhas Mohamed est devenu administrateur de MMV.

[27] En janvier et février 2011, MMV a fait une proposition concordataire à ses créanciers en vertu de la LFI, aux termes de laquelle les dettes non garanties de 1 108 639 $ ont été réglées pour un total de 50 000 $, somme que MMV Financial a prêtée à MMV. En outre, MMV Financial a acquis pour 100 000 $ les dettes garanties impayées de 850 000 dollars américains de MMV.

g) Modification des statuts constitutifs et du capital‑actions et simplification des actionnaires

[28] Le 25 février 2011, MMV a changé sa raison sociale à MMV Capital Partners Inc. au moyen de statuts constitutifs et a autorisé l'émission d'un nombre illimité d'actions ordinaires sans droit de vote et d'actions privilégiées.

[29] Aux termes des statuts modifiés de MMV, ni les détenteurs d'actions ordinaires sans droit de vote ni les détenteurs d'actions privilégiées n'avaient le droit de voter aux assemblées des actionnaires de MMV, sauf lorsque la LCSA, sa loi constitutive, le disposait. Les actions ordinaires donnaient droit à une voix par action lors des assemblées des actionnaires et étaient les seules actions du capital‑actions de MMV conférant le droit d'élire le conseil d'administration de MMV.

[30] Après la modification des statuts, la société 773 a souscrit à 100 000 actions ordinaires sans droit de vote de MMV à un prix de souscription global de 1 000 $, et MMV a conclu une facilité de crédit renouvelable avec MMV Financial pour un montant principal de 75 millions de dollars américains. Toutes les actions ordinaires sans droit de vote étaient détenues par la société 773.

[31] Pendant toute la période pertinente, la société 773 détenait 100 % des actions ordinaires sans droit de vote émises et en circulation de MMV. En revanche, la société 773 détenait environ 48,6 % des actions ordinaires émises et en circulation de MMV, soit 17 actions sur 35, tandis que les autres actionnaires détenaient 51,4 %, soit 18 actions. La société 773 n'avait pas suffisamment d'actions pour avoir la majorité des voix, ce qui lui permettrait d'élire seule le conseil d'administration de MMV. De même, MMV Financial et ses filiales n'ont jamais acquis le contrôle majoritaire des voix de MMV. Les autres personnes qui détenaient des actions ordinaires avec droit de vote de MMV étaient : BDC Capital Inc. (6 actions), Wesley Clover Corporation (6 actions), Desjardins capital de risque (3 actions), VIMAC ESF Annex Fund LP (2 actions) et VIMAC Early Stage Fund LP (1 action).

h) Le début de la nouvelle entreprise

[32] Au moyen d'un accord conclu le 1er mars 2011 et modifié le 14 mars 2011, MMV a acheté un portefeuille de prêts et d'actifs connexes à MMV Financial pour 44 338 526 dollars américains. L'émission de 23 000 actions privilégiées du capital‑actions de MMV représentait 23 millions de dollars américains du prix d'achat, tandis que le solde de 21 338 526 dollars américains a été payé en espèces. Les 23 000 actions privilégiées ont été initialement émises à MMV Financial, mais ont ensuite été cédées à la société 773.

[33] Au moyen d'un accord également conclu le 1er mars 2011 et modifié le 14 mars 2011, MMV a acheté un portefeuille de prêts et d'actifs connexes à MMV Finance pour environ 22 823 000 dollars américains.

[34] Après l'acquisition du portefeuille, MMV a exploité une entreprise de prêts à redevances, en assurant le service du portefeuille de prêts existant et en concluant de nouveaux accords de financement (la « nouvelle entreprise »). Depuis lors, MMV a tiré des revenus de la nouvelle entreprise.

[35] Le 7 mars 2011, Michael Jan a démissionné de son poste d'administrateur de MMV.

i) Les services fournis par MMV Financial et MMV Finance à MMV

[36] En mars 2011, MMV a retenu les services de MMV Financial pour fournir des services de gestion et a retenu les services de MMV Finance USA Inc. (une filiale en propriété exclusive de MMV Financial) pour fournir des services de commercialisation aux États‑Unis.

[37] Au moyen d'une convention conclue le 31 mai 2011 et modifiée le 20 juin 2011, MMV Finance a vendu un portefeuille de prêts et d'actifs connexes supplémentaires à MMV pour 41 943 730 dollars américains.

[38] Le 25 août 2011, le syndic de MMV a demandé sa libération en application de la LFI, libération qui a ensuite été accordée.

[39] Le 17 juillet 2012, les personnes suivantes ont été réélues au conseil d'administration du MMV : Minhas Mohamed, Paul Amirault, Tony Gioia et Graham Turner.

j) Les opérations visées par la nouvelle cotisation fondée sur la RGAÉ

[40] Le revenu net de MMV selon ses états financiers joints à ses déclarations de revenus était de 1 684 631 $ en 2010, de 10 573 865 $ en 2011, de 2 991 772 $ en 2012 et de 1 469 062 $ en 2013.

[41] Le 8 novembre 2012, MMV a déclaré un dividende dont le montant en dollars américains équivalait à 11 348 517 $ pour ses actions ordinaires sans droit de vote. La société 773 a ensuite versé un dividende de 11 348 517 $ à MMV Financial.

[42] Le 14 mai 2013, MMV a déclaré un dividende dont le montant en dollars américains équivalait à 16 066 314 $ pour ses actions ordinaires sans droit de vote. La société 773 a ensuite versé un dividende de 16 101 144 $ à MMV Financial.

[43] MMV a appliqué des pertes autres qu'en capital totalisant 23 444 775 $ d'années antérieures afin de réduire son revenu imposable aux termes de la partie I de la Loi au cours des années d'imposition 2011 à 2015, jusqu'à ce que les pertes soient épuisées :

i) 10 772 633 $ pour son année d'imposition terminée le 31 décembre 2011;

ii) 2 832 496 $ pour son année d'imposition terminée le 31 décembre 2012;

iii) 1 379 947 $ pour son année d'imposition terminée le 31 décembre 2013;

iv) 7 385 569 $ pour son année d'imposition terminée le 31 décembre 2014;

v) 1 074 130 $ pour son année d'imposition terminée le 31 décembre 2015.

[44] Le ministre a établi de nouvelles cotisations le 8 juin 2016 pour les années d'imposition 2011 à 2015 de MMV refusant les déductions demandées au titre des pertes autres qu'en capital (les « nouvelles cotisations »). Les nouvelles cotisations ont augmenté proportionnellement l'impôt payable par MMV aux termes de la partie I de la Loi.

III. LE LITIGE ET LE DROIT

a) Le litige en bref

[45] Les règles sur la restriction des pertes figurent à l'article 111 de la Loi. Ces règles constituent le point de départ du litige dans le présent appel. En résumé, MMV soutient qu'en l'absence du contrôle de jure, critère établi au paragraphe 111(5), la règle sur l'interdiction de la déduction de pertes ne s'applique pas et les pertes sont déductibles. L'intimée affirme au contraire, et de façon tout aussi simple, que le critère du contrôle de jure vise à déterminer le contrôle réel. Le critère du contrôle de jure n'est pas nécessairement déterminant; une analyse téléologique de son existence en l'espèce démontre que la déduction de pertes provenant d'une entreprise entièrement différente, dont les bénéficiaires sont radicalement différents et tirent un revenu d'une entreprise commerciale différente, entraînerait un abus dans l'application du paragraphe 111(5) et contrecarrerait l'objectif du paragraphe.

b) Dispositions légales

(i) La RGAÉ — extraits de l'article 245 de la Loi

PARTIE XVI

Évitement fiscal

Définitions

245 (1) Les définitions qui suivent s'appliquent au présent article.

« attribut fiscal » S'agissant des attributs fiscaux d'une personne, revenu, revenu imposable ou revenu imposable gagné au Canada de cette personne, impôt ou autre montant payable par cette personne, ou montant qui lui est remboursable, en application de la présente loi, ainsi que tout montant à prendre en compte pour calculer, en application de la présente loi, le revenu, le revenu imposable, le revenu imposable gagné au Canada de cette personne ou l'impôt ou l'autre montant payable par cette personne ou le montant qui lui est remboursable.

« avantage fiscal » Réduction, évitement ou report d'impôt ou d'un autre montant exigible en application de la présente loi ou augmentation d'un remboursement d'impôt ou d'un autre montant visé par la présente loi. [...]

« opération » Sont assimilés à une opération une convention, un mécanisme ou un événement.

Disposition générale anti-évitement

(2) En cas d'opération d'évitement, les attributs fiscaux d'une personne doivent être déterminés de façon raisonnable dans les circonstances de façon à supprimer un avantage fiscal [...]

Opération d'évitement

(3) L'opération d'évitement s'entend :

a) soit de l'opération dont, sans le présent article, découlerait, directement ou indirectement, un avantage fiscal [...]

b) soit de l'opération qui fait partie d'une série d'opérations dont, sans le présent article, découlerait, directement ou indirectement, un avantage fiscal [...]

Application du par. (2)

(4) Le paragraphe (2) ne s'applique qu'à l'opération dont il est raisonnable de considérer, selon le cas :

a) qu'elle entraînerait, directement ou indirectement, s'il n'était pas tenu compte du présent article, un abus dans l'application des dispositions d'un ou de plusieurs des textes suivants [...]

Attributs fiscaux à déterminer

(5) Sans préjudice de la portée générale du paragraphe (2) et malgré tout autre texte législatif, dans le cadre de la détermination des attributs fiscaux d'une personne de façon raisonnable dans les circonstances de façon à supprimer l'avantage fiscal qui, sans le présent article, découlerait, directement ou indirectement, d'une opération d'évitement :

a) toute déduction, exemption ou exclusion dans le calcul de tout ou partie du revenu, du revenu imposable, du revenu imposable gagné au Canada ou de l'impôt payable peut être en totalité ou en partie admise ou refusée;

[...]

(ii) Traitement des pertes autres qu'en capital

Les règles sur la restriction des pertes — article 111 — au moment de la nouvelle cotisation

Pertes déductibles

111 (1) Pour le calcul du revenu imposable d'un contribuable pour une année d'imposition, peuvent être déduites les sommes appropriées suivantes :

Pertes autres que des pertes en capital

a) ses pertes autres que des pertes en capital subies au cours des 20 années d'imposition précédentes et des 3 années d'imposition suivantes;

[...]

Idem

(5) En cas d'acquisition, à un moment donné, du contrôle d'une société par une personne ou un groupe de personnes, aucun montant au titre d'une perte autre qu'une perte en capital ou d'une perte agricole pour une année d'imposition se terminant avant ce moment n'est déductible par la société pour une année d'imposition se terminant après ce moment et aucun montant au titre d'une perte autre qu'une perte en capital ou d'une perte agricole pour une année d'imposition se terminant après ce moment n'est déductible par la société pour une année d'imposition se terminant avant ce moment. Toutefois :

a) la fraction de la perte autre qu'une perte en capital ou de la perte agricole subie par la société pour une année d'imposition se terminant avant ce moment qu'il est raisonnable de considérer comme résultant de l'exploitation d'une entreprise et, si la société exploitait une entreprise au cours de cette année, la fraction de la perte autre qu'une perte en capital qu'il est raisonnable de considérer comme se rapportant à un montant déductible en application de l'alinéa 110(1)k) dans le calcul de son revenu imposable pour l'année, ne sont déductibles par la société pour une année d'imposition donnée se terminant après ce moment :

(i) que si, tout au long de l'année donnée, cette entreprise a été exploitée par la société en vue d'en tirer un profit ou dans une attente raisonnable de profit,

(ii) qu'à concurrence du total du revenu de la société provenant de cette entreprise pour l'année donnée et — dans le cas où des biens sont vendus, loués ou mis en valeur ou des services rendus dans le cadre de l'exploitation de l'entreprise avant ce moment — de toute autre entreprise dont la presque totalité du revenu est dérivée de la vente, de la location ou de la mise en valeur, selon le cas, de biens semblables ou de la prestation de services semblables;

b) la fraction de la perte autre qu'une perte en capital ou de la perte agricole subie par la société pour une année d'imposition se terminant après ce moment qu'il est raisonnable de considérer comme résultant de l'exploitation d'une entreprise et, si la société exploitait une entreprise au cours de cette année, la fraction de la perte autre qu'une perte en capital qu'il est raisonnable de considérer comme se rapportant à un montant déductible en application de l'alinéa 110(1)k) dans le calcul de son revenu imposable pour l'année, ne sont déductibles par la société pour une année d'imposition donnée se terminant avant ce moment :

(i) que si, tout au long de l'année d'imposition et de l'année donnée, cette entreprise était exploitée par la société en vue d'en tirer un profit ou dans une attente raisonnable de profit,

(ii) qu'à concurrence du revenu que la société a tiré pour l'année donnée de cette entreprise et de toute autre entreprise dont la presque totalité des revenus provient de la vente, de la location ou de la mise en valeur de biens semblables aux biens vendus, loués ou mis en valeur ou de la prestation de services semblables aux services rendus dans le cadre de l'exploitation de cette entreprise avant ce moment.

Activité législative récente — Modifications de 2013 — après la période de nouvelle cotisation

Pertes déductibles

111 (1) Pour le calcul du revenu imposable d'un contribuable pour une année d'imposition, peuvent être déduites les sommes appropriées suivantes :

Pertes autres que des pertes en capital

a) ses pertes autres que des pertes en capital subies au cours des 20 années d'imposition précédentes et des 3 années d'imposition suivantes;

[...]

Fait lié à la restriction de pertes — pertes autres qu'en capital et pertes agricoles

(5) Si un contribuable est assujetti à un fait lié à la restriction de pertes à un moment donné, les règles ci-après s'appliquent :

a) aucune somme au titre d'une perte autre qu'une perte en capital ou d'une perte agricole pour une année d'imposition s'étant terminée avant ce moment n'est déductible par le contribuable pour une année d'imposition se terminant après ce moment; toutefois, la partie de la perte autre qu'une perte en capital ou de la perte agricole, selon le cas, du contribuable pour une année d'imposition s'étant terminée avant ce moment qu'il est raisonnable de considérer comme provenant de l'exploitation d'une entreprise et, si le contribuable exploitait une entreprise au cours de cette année, la partie de la perte autre qu'une perte en capital qu'il est raisonnable de considérer comme se rapportant à une somme déductible en application de l'alinéa 110(1)k) dans le calcul de son revenu imposable pour l'année, ne sont déductibles par le contribuable pour une année d'imposition donnée se terminant après ce moment :

(i) que si le contribuable a exploité cette entreprise à profit ou dans une attente raisonnable de profit tout au long de l'année donnée,

(ii) concurrence du total du revenu du contribuable pour l'année donnée provenant :

(A) de cette entreprise,

(B) si des biens ont été vendus, loués ou mis en valeur, ou des services rendus, dans le cadre de l'exploitation de cette entreprise avant ce moment, de toute autre entreprise dont la presque totalité du revenu est dérivée de la vente, de la location ou de la mise en valeur, selon le cas, de biens semblables ou de la prestation de services semblables;

b) aucune somme au titre d'une perte autre qu'une perte en capital ou d'une perte agricole pour une année d'imposition se terminant après ce moment n'est déductible par le contribuable pour une année d'imposition s'étant terminée avant ce moment; toutefois, la partie de la perte autre qu'une perte en capital ou de la perte agricole, selon le cas, du contribuable pour une année d'imposition se terminant après ce moment qu'il est raisonnable de considérer comme provenant de l'exploitation d'une entreprise et, si le contribuable exploitait une entreprise au cours de cette année, la partie de la perte autre qu'une perte en capital qu'il est raisonnable de considérer comme se rapportant à une somme déductible en application de l'alinéa 110(1)k) dans le calcul de son revenu imposable pour l'année, ne sont déductibles par le contribuable pour une année d'imposition donnée s'étant terminée avant ce moment :

(i) que si le contribuable a exploité cette entreprise à profit ou dans une attente raisonnable de profit tout au long de l'année d'imposition et au cours de l'année donnée,

(ii) concurrence du revenu du contribuable pour l'année donnée provenant :

(A) de cette entreprise,

(B) si des biens ont été vendus, loués ou mis en valeur, ou des services rendus, dans le cadre de l'exploitation de cette entreprise avant ce moment, de toute autre entreprise dont la presque totalité du revenu est dérivée de la vente, de la location ou de la mise en valeur, selon le cas, de biens semblables ou de la prestation de services semblables.

c) Jurisprudence concernant la RGAÉ — Principes généraux concernant l'abus

[46] Comme je l'ai indiqué, MMV a reconnu que la série d'opérations a créé un avantage fiscal et était une opération d'évitement. Il n'est pas nécessaire de tenir compte de ces éléments de la RGAÉ.

[47] Quant au dernier élément, la Cour suprême du Canada a précisé la question de l'abus de la façon suivante : l'opération d'évitement ou les opérations d'évitement étaient‑elles abusives [1] ?

[48] La question de savoir si l'opération d'évitement est abusive est une question mixte de fait et de droit. Il faut d'abord interpréter correctement les dispositions de la Loi en s'appuyant sur les éléments de preuve présentés à la Cour.

[49] Si la Cour est convaincue que l'opération d'évitement, appréciée en tenant compte des circonstances qui l'entourent, contrecarre l'objet ou l'esprit d'une disposition ou de la Loi, alors l'opération d'évitement sera considérée comme abusive. On refusera alors la déduction de la perte menant à l'avantage fiscal, conformément à l'alinéa 245(5)a) de la RGAÉ.

[50] Il incombe au ministre d'identifier l'objet et l'esprit des dispositions, ou « l'intention du législateur ». Le ministre doit également établir l'abus [2] .

[51] En évaluant la thèse du ministre, la Cour est tenue de procéder à une interprétation textuelle, contextuelle et téléologique des dispositions légales afin d'en discerner l'objet et l'esprit. Là encore, il s'agit de déterminer l'intention du législateur. Il faut ajouter deux précisions [3] . L'objet peut ne pas être évident si on ne tient compte que du libellé lui‑même. Bien qu'on analyse le libellé pour décider s'il y a abus au sens de la RGAÉ, il faut tenir compte du contexte et de l'objet d'une façon plus large [4] . Après avoir établi l'objet d'une façon plus large, la Cour décidera si l'opération d'évitement en contrecarre l'objet ou l'esprit, c'est‑à‑dire l'intention du législateur [5] .

IV. LES THÈSES DES PARTIES

[52] Le prononcé du jugement a été retardé pour plusieurs raisons. Au cours des délibérations de notre Cour, deux décisions qui pourraient être pertinentes ont été rendues : 594710 British Columbia Ltd. c. La Reine [6] en première instance et en appel, et Deans Knight Income Corporation c. La Reine [7] en première instance. En conséquence, la Cour a attendu avant de rendre sa décision et de prononcer ses motifs afin de donner aux parties la possibilité d'attendre les décisions en appel et de présenter des observations supplémentaires à la Cour. En fin de compte, la Cour a reçu des observations supplémentaires au début du mois de juin 2019. Cependant, alors que la Cour reprenait ses délibérations, la décision Deans Knight a fait l'objet d'un appel devant la Cour d'appel fédérale (la C.A.F.). La Cour a recherché un accord sur le prononcé des motifs et de la décision. Les parties n'ont pas pu s'entendre, et la Cour a de nouveau attendu avant de rendre son jugement. La pandémie de COVID‑19 faisait rage dans le monde entier en mars 2020, et le Canada et ses tribunaux ont, à juste titre, cessé les audiences, sauf les audiences essentielles qui portaient sur la liberté d'un particulier. La C.A.F. n'a pas fait exception à la règle. Compte tenu du retard dont la durée était inconnue, les parties ont informé la Cour en juillet qu'elles étaient d'accord pour que la Cour rende sa décision et ses motifs. Elle le fait maintenant, malgré l'appel en instance de la décision Deans Knight devant la C.A.F.

a) L'analyse du paragraphe 111(5) et d'autres dispositions pertinentes

[53] La Cour commence son analyse étape par étape de l'intention du législateur en renvoyant à un résumé des thèses des parties, en gardant à l'esprit qu'il incombe au ministre d'établir l'intention. Par conséquent, la thèse de l'intimée est décrite en premier.

(i) La thèse générale de l'intimée

[54] Les opérations en cause en l'espèce ont manifestement été prévues de manière à permettre à MMV de déduire des pertes autres qu'en capital d'années antérieures aux termes du paragraphe 111(1) de la Loi du revenu provenant exclusivement d'une nouvelle entreprise. L'entreprise en cause n'est pas l'ancienne entreprise, qui est celle qui a eu des pertes. La méthode utilisée n'a pas déclenché les restrictions sur l'utilisation des pertes au paragraphe 111(5), qui aurait empêché que l'on déduise les pertes d'une entreprise du revenu d'une autre entreprise lors d'une prise de contrôle.

[55] Le paragraphe 111(5) est la disposition essentielle en l'espèce. Le ministre affirme que les opérations sur les pertes de MMV ont contourné l'application de cette disposition d'une manière qui en contrecarre l'objet ou l'esprit. L'utilisation des pertes de l'ancienne entreprise pour réduire le revenu de la nouvelle entreprise n'est pas conforme à l'objet et à l'esprit du paragraphe 111(5) et des règles sur la restriction des pertes de la Loi.

[56] Par conséquent, les dispositions qui sont pertinentes pour l'analyse de la RGAÉ en l'espèce sont le paragraphe 111(5) et les règles connexes sur la restriction des pertes aux paragraphes 37(6.1) et 127(9.1). Il en va de même des dispositions de la Loi qui établissent s'il y a eu acquisition du contrôle et si les règles sur la restriction des pertes s'appliquent. Ces dispositions comprennent les paragraphes 251(5), 256(7) et 256(8), et l'article 256.1.

[57] L'examen textuel, contextuel et téléologique de l'article 111 et des règles plus générales sur la restriction des pertes révèle un régime légal dont la politique s'oppose aux transferts de pertes entre sociétés non liées. Il s'agit d'une politique de longue date qui interdit à une personne morale d'accéder aux attributs fiscaux, tels que les pertes, d'une autre personne morale, sous réserve d'exceptions étroites et limitées qui servent des objectifs précis. Les tribunaux ont reconnu cette politique à maintes reprises et il ne fait nul doute qu'elle sous‑tend les règles sur la restriction des pertes dans la Loi.

[58] Deux exceptions étroites à la politique sur la restriction des pertes ressortent du régime de la Loi :

a) On peut déduire les pertes lorsque des entités liées sous contrôle commun ont accès aux attributs fiscaux. La raison de cette exception à la politique générale est de reconnaître que, bien que les attributs fiscaux d'un contribuable ne puissent être transférés à un autre, les sociétés sont des entités juridiques intermédiaires. Les propriétaires d'une société bénéficient en fin de compte des revenus ou subissent les pertes. Il n'est donc pas inapproprié que les pertes d'une entreprise réduisent les revenus d'une autre entreprise lorsqu'il y a une continuité (ou un lien commun) suffisante entre les propriétaires des deux entreprises.

b) Une entreprise non liée à l'entreprise qui a subi les pertes peut néanmoins les déduire lorsque la nouvelle entreprise exerce la même activité ou une activité similaire. Cette exception à la politique générale vise à encourager le redressement d'entreprises en difficulté. Ainsi, lorsque la continuité de l'entreprise est suffisante, un changement de propriétaire n'est pas une raison d'appliquer la politique sur la restriction des pertes. En outre, la nature limitée de cette exception empêche les pertes d'une entreprise de servir de subvention fiscale à d'autres entreprises qui ne seraient pas viables économiquement sans ces pertes.

[59] L'interprétation textuelle, contextuelle et téléologique de la Loi établit que l'objet et l'esprit des règles sur la prise de contrôle au paragraphe 111(5) sont de permettre de déterminer si la continuité des propriétaires de l'entreprise est insuffisante et s'il convient de restreindre les pertes.

[60] Compte tenu de cet objet, une opération qui ne comprend pas une prise de contrôle au sens strict peut néanmoins être abusive si elle contourne la logique sous‑jacente du paragraphe 111(5) et aboutit à un résultat que la disposition vise à empêcher. La RGAÉ fera en sorte qu'on refusera l'utilisation de la perte lorsque la continuité des propriétaires de l'entreprise ou de l'activité ne suffit pas pour être visée par le fondement d'une des exceptions à la politique générale sur la restriction des pertes de la Loi.

(ii) La réplique de MMV

[61] La démarche à suivre lors de la détermination de l'intention du législateur quant au paragraphe 111(5) lors de l'application de la RGAÉ est différente de la démarche dans le cas d'autres dispositions. Lorsqu'on analyse la RGAÉ, il faut décider ce que le droit fiscal devrait être ou devrait faire. Le libellé peut révéler entièrement l'objet et l'esprit pertinents. C'est le cas en l'espèce. Le libellé du paragraphe 111(5) lui‑même est cohérent avec l'intention du législateur et l'explique pleinement : une personne morale peut déduire les pertes d'autres entreprises, sauf si une autre personne ou un groupe de personnes a acquis le contrôle de jure. Le critère du contrôle de jure est clair; il faut le suivre.

[62] Le paragraphe 111(5) ne s'appliquait pas, et on n'y a pas contrevenu. Les pertes sont déductibles, principalement en raison de la certitude et de la prévisibilité qui découlent du libellé simple et direct du paragraphe et de la jurisprudence utilisant le critère.

b) Le texte, le contexte et l'objet précis

(i) Incohérence textuelle

[63] L'intimée affirme que, textuellement, le paragraphe 111(5) limite clairement la déduction de pertes d'années antérieures lorsqu'il y a prise de contrôle; l'intention du législateur est telle qu'il faut analyser l'abus de façon plus générale et non s'en tenir au libellé précis en l'espèce.

[64] Par contre, MMV affirme que le libellé est clair, qu'il s'applique en soi et qu'il rend inutile une analyse plus approfondie. S'il faut faire une analyse plus approfondie, les objectifs sont multiples et ne se limitent pas à restreindre l'utilisation des pertes par l'acquisition de sociétés ayant des pertes.

(ii) Analyse contextuelle et téléologique du paragraphe 111(5)

1. L'intimée

[65] L'intimée affirme que l'historique législatif du paragraphe 111(5) :

1. révèle un resserrement progressif de l'utilisation des pertes au fil du temps;

2. prévoit le critère de la continuité des activités depuis presque le début;

3. indique que le critère de la « prise de contrôle » est l'aboutissement d'un perfectionnement continu et de la restriction de l'utilisation des pertes.

[66] En présentant ces affirmations, l'intimée a fourni la liste des modifications de la Loi visant à limiter l'utilisation généralisée des pertes par l'achat de pertes. MMV a fourni un aperçu parallèle de la disposition, qui existe depuis près d'un siècle.

[67] En outre, l'intimée a affirmé que les tribunaux ont généralement restreint la cession des pertes. En bref, les sociétés peuvent utiliser des pertes « connexes », tandis que des particuliers différents ne le peuvent pas [8] . Le principe n'est pas que les pertes sont transférables sauf si la loi dispose le contraire; le principe est plutôt qu'elles ne sont pas transférables sauf si la loi le permet [9] .

[68] Les exceptions donnent des indications sur la nature restrictive de l'utilisation des pertes. Le ministre des Finances de l'époque a pris soin en 1988 d'expliquer que l'utilisation de pertes « internes » n'entraînerait normalement pas d'abus dans l'application de la Loi. Toutefois, pour que ces exceptions s'appliquent, il doit y avoir continuité des propriétaires de la société. De plus, on peut remettre sur pied une entreprise en difficulté, mais il doit s'agir d'une entreprise liée à celle où il y a eu changement de contrôle [10] .

[69] L'intimée affirme que l'utilisation du critère du contrôle de jure est une façon pratique de décider si l'on permettra l'utilisation des pertes. Plus précisément, d'autres dispositions de la Loi précisent s'il y a changement de contrôle ou non : le paragraphe 256(8), qui porte sur les droits d'acquisition assurant le contrôle, les alinéas 256(7)a) et b), qui prévoient qu'il y a ou non changement de contrôle dans certaines circonstances, l'article 256.1, qui dispose que les intérêts économiques supérieurs à 75 % sont réputés être un changement de contrôle, et le paragraphe 69(11), qui restreint l'utilisation de certains avantages fiscaux par une partie liée.

[70] Enfin, le critère du contrôle de jure couvre la plupart des situations. Il convient généralement pour déterminer le contrôle réel. Toutefois, le libellé ne devrait pas permettre qu'on ait recours à des pertes lorsque les circonstances exigent qu'on tienne compte de considérations politiques plus larges, par exemple lorsque le contrôle véritable ou de facto a été cédé et que les deux entreprises ne sont pas liées.

[71] Par conséquent, l'opération d'évitement a donné lieu à un abus, pour les motifs suivants :

1. MMV Financial, qui n'avait auparavant aucun lien de dépendance avec MMV, exploitait une entreprise distincte et a eu accès à des pertes qui n'étaient pas liées à son entreprise et qu'elle n'avait pas subies. En bref, il n'y a pas eu de continuité de l'entreprise ou des propriétaires pendant la série d'opérations.

2. En abusant du critère, MMV Financial a obtenu tous les avantages d'un contrôle réel (gestion des activités, utilisation des pertes et droit aux bénéfices futurs) sans devoir satisfaire au critère du contrôle de jure. Ainsi, on a contrecarré le paragraphe 111(5).

2. MMV

[72] Les observations de MMV en réplique, en gardant à l'esprit le fardeau qui incombe à l'intimée, sont simples.

[73] Un nouveau groupe d'actionnaires n'a tout simplement pas acquis le contrôle de jure. On n'a pas tenté de cacher [11] un changement de contrôle de jure; il n'y a tout simplement pas eu acquisition du contrôle. En outre, l'Agence elle‑même a précédemment indiqué qu'un intérêt économique substantiel qui ne contrevient pas par ailleurs au libellé d'une disposition ne déclenchera pas la RGAÉ [12] .

[74] Une politique générale qui ne ressort pas d'une disposition de la Loi ne peut fonder un recours à la RGAÉ. Cette conclusion est étayée par la Cour suprême, qui a confirmé, mais modifié, la décision de la Cour d'appel fédérale dans Mathew. La Cour suprême a conclu que le législateur ne pouvait pas avoir voulu que l'effet combiné des règles sur les sociétés de personnes et du paragraphe 18(13) soit qu'on puisse céder une perte à un contribuable n'ayant aucun lien de dépendance [13] .

[75] En outre, lorsque l'application technique de l'article sert à prouver l'existence d'une politique, telle que la politique du contrôle de jure prévue au paragraphe 111(5), elle ne peut alors étayer une intention du législateur plus complexe.

[76] Enfin, si on évite de déclencher le paragraphe 111(5), alors la série d'opérations n'est pas visée par l'article 111. Si on évite de déclencher l'application d'une disposition, on ne peut en abuser [14] .

V. HISTORIQUE DE LA RÈGLE LÉGALE SUR LA RESTRICTION DES PERTES

[77] L'historique de la loi et de la jurisprudence sur la restriction des pertes est un long récit de flux et de reflux.

a) La loi et la jurisprudence restreignant ou limitant les pertes autres qu'en capital

i) Les années visées par l'appel et les années antérieures

[78] La loi canadienne sur l'impôt sur le revenu restreignait d'abord gravement l'utilisation des pertes. En 1919, la Loi de l'impôt de guerre sur le revenu a été modifiée pour interdire la déduction des pertes qui ne découlaient pas de « l'industrie ou affaire principale, le commerce, la profession ou la vocation » du contribuable, et les pertes ne pouvaient pas être reportées, que ce soit rétrospectivement ou prospectivement [15] . Dans les années 1940, les contribuables étaient autorisés à reporter leurs pertes pendant un nombre limité d'années, à condition qu'ils exercent la « même entreprise » au cours de ces années. En 1942, on a autorisé un report prospectif d'un an [16] . En 1944, la période de report prospectif a été étendue à trois ans, et on a permis un report rétrospectif d'un an [17] . En 1949, la période de report a été prolongée à cinq ans [18] .

[79] En 1958, l'alinéa 27(l)e) a commencé à ressembler davantage au paragraphe 111(5) tel qu'il existe aujourd'hui. Il y a eu deux modifications :

a) Le premier changement était une modification du sous‑alinéa 27(1)e)(iii) afin de permettre la déduction de pertes du revenu tiré de toute entreprise exploitée par le contribuable.

b) Le deuxième changement limitait le droit des sociétés d'avoir recours à l'alinéa 27(l)e); le nouveau paragraphe 27(5) empêchait une société de reporter des pertes prospectivement dans deux situations : i) lorsque plus de 50 % du capital‑actions de la société avait été acquis par une ou plusieurs personnes qui ne possédaient pas, à la fin de l'année précédente, d'actions du capital-actions de la société; ii) lorsque la société n'exploitait plus, au cours de l'année d'imposition, l'entreprise qui a mené aux pertes [19] .

[80] En 1963, l'alinéa 27(5)a) a été ajouté pour limiter davantage la déduction des pertes par une société en ajoutant le concept de l'acquisition du contrôle [20] . L'objectif de la modification a été précisé dans le discours du budget de 1963 prononcé par l'honorable Walter L. Gordon [21] , alors ministre des Finances :

Encore en vue de supprimer des échappatoires, j'ai une modification à proposer afin d'empêcher qu'une société qui a subi des pertes soit rachetée pour qu'on puisse déduire ces pertes du revenu d'une autre entreprise.

[Non souligné dans l'original.]

[81] Le publication « Canada Tax Service » a commenté ainsi les changements de 1963 [22] :

[TRADUCTION]

Année d'imposition 1963 et années subséquentes

Pour les années d'imposition 1963 et suivantes, le paragraphe 27(5) a été encore renforcé pour faire référence au changement du contrôle d'une société plutôt qu'à un changement des propriétaires de 50 % de ses actions. Cela a permis de combler une faille par laquelle, en scindant d'abord les actions existantes en un petit nombre d'actions ordinaires et un grand nombre d'actions privilégiées (de faible valeur), il fallait moins de 50 % des actions pour obtenir le contrôle complet. Par conséquent, le paragraphe 27(5) prévoit désormais qu'une société ne peut faire de report lorsque les deux conditions suivantes sont réunies [...] [Non souligné dans l'original.]

[82] De même, la publication « Canadian Tax Reporter » a mentionné ce qui suit su sujet de ces changements [23] :

Le paragraphe 27(5) a été ajouté en 1958 et modifié en 1963 pour renvoyer au contrôle plutôt qu'à un pourcentage précis d'actions pour ce qui est d'acquisitions effectuées après le 13 juin 1963. Pour décider ce qu'était 50 % des actions d'une société, on tenait compte de toutes les catégories d'actions, alors qu'il est bien établi qu'une personne contrôle une société si elle détient plus de 50 % des actions avec droit de vote.

[Non souligné dans l'original.]

[83] En octobre 1963, lors de la deuxième lecture du projet de loi modifiant la Loi, le ministre Gordon a fait les commentaires supplémentaires suivants [24] :

[...] Il en résulte un trafic des actions de sociétés qui ont fermé leurs portes, mais qui, du point de vue technique, ont le droit de reporter sur les années suivantes certaines pertes déductibles. Par exemple, le propriétaire d'une entreprise prospère peut acquérir les actions d'une de ces sociétés et y transférer son commerce qui marche bien. Il peut alors déduire les pertes antérieures encourues par l'autre société dans des affaires peut‑être tout à fait différentes de celles qui ont rapporté le revenu imposable de sa propre entreprise. Il me semble que le Parlement n'a jamais eu pareille intention au moment où la proposition a été, pour la première fois, incorporée dans la loi, et qu'il y aurait lieu de mettre fin à cette pratique. [Non souligné dans l'original.]

[84] Par la suite, le juge Cardin de la Commission de révision de l'impôt a reconnu l'objectif des modifications légales de 1963 dans la décision Bates Construction & Development Corporation v. Minister of National Revenue [25] :

[TRADUCTION]

L'interprétation du mot « affaires » au sous‑alinéa 27(5a)b)(ii) comme comprenant une entreprise de nature complètement différente de celle ayant mené aux pertes et de celle qui, en fait, a pris fin quelques mois avant l'acquisition du contrôle de la société par la nouvelle organisation semblerait contredire les autres dispositions de l'article ainsi que l'objectif du législateur, soit mettre fin au commerce des pertes d'entreprise. [Non souligné dans l'original.]

[85] Dans le discours du budget de 1963 et lors des débats à la Chambre des communes, le ministre des Finances a déclaré qu'on ajoutait les critères de l'acquisition du contrôle et de la continuité des activités pour combler les lacunes concernant l'acquisition de sociétés ayant des pertes accumulées [26] . L'ajout des critères de l'acquisition du contrôle et de la continuité des activités a effectivement eu l'effet d'empêcher une société de céder ses pertes après la fin de ses activités et l'acquisition de son contrôle. Rien dans le discours du budget de 1963 ou dans les débats de la Chambre des communes n'indiquait que le critère de l'acquisition du contrôle devait s'appliquer dans d'autres circonstances que l'acquisition du contrôle de jure.

[86] En 1972, le paragraphe 27(5) a été remplacé par le paragraphe 111(5), qui limitait toujours les cessions en cas d'acquisition du contrôle, mais qui était moins restrictif, en exigeant qu'on continue d'exploiter les activités ayant mené aux pertes, mais sans limiter la déduction des pertes aux seuls revenus tirés de ces activités [27] .

[87] En 1987, le paragraphe 111(5) a été modifié pour renvoyer à une prise de contrôle par « une personne ou un groupe de personnes », plutôt que par « une ou plusieurs personnes » [28] .

[88] En 1988, le paragraphe 256(5.1) a ajouté une disposition déterminative au critère du contrôle de fait, et certaines dispositions de la Loi ont été modifiées pour renvoyer au contrôle de jure, au contrôle de facto ou au contrôle réputé fondé sur la valeur, comme nous le verrons plus en détail plus loin [29] .

ii) Après les années visées par l'appel

[89] L'article 256.1 de la Loi a été ajouté en 2013 et porte expressément sur la cession de pertes d'entreprise lorsqu'il n'y a pas acquisition du contrôle de jure [30] .

[90] Selon l'article 256.1, on considère qu'il y a eu acquisition du contrôle de jure lorsque les conditions suivantes sont réunies : (i) une personne ou un groupe de personnes a acquis des actions du capital‑actions d'une société dont la juste valeur marchande excède 75 % de la juste valeur marchande de l'ensemble des actions du capital‑actions de la société; (ii) la personne ou le groupe de personnes n'a pas acquis le contrôle (c.‑à‑d. le contrôle de jure) de la société; (iii) il est raisonnable de conclure que l'une des principales raisons pour lesquelles la personne ou le groupe de personnes ne contrôle pas la société est d'éviter l'application de certaines dispositions précises de la Loi, notamment le paragraphe 111(5).

b) La loi et la jurisprudence étendant la déductibilité des pertes autres qu'en capital

[91] En 1958, la Loi a été modifiée afin de supprimer l'exigence selon laquelle le contribuable doit exploiter la « même entreprise » au cours des années en cause pour pouvoir reporter les pertes. Ensuite, le sous‑alinéa 27(1)e)(iii) a disposé que les contribuables pouvaient reporter les pertes d'une entreprise et les déduire du revenu d'une autre entreprise. On a également ajouté le paragraphe 27(5), le prédécesseur du paragraphe 111(5). Le paragraphe 27(5) empêchait une société de reporter des pertes après l'acquisition de « plus de 50 p. 100 des actions » du capital‑actions de la société par une ou plusieurs personnes ne possédant aucune action à la fin de l'année précédente. La restriction prévue au paragraphe 27(5) ne s'appliquait pas si le contribuable continuait d'exploiter l'entreprise ayant mené aux pertes [31] .

[92] Les modifications susmentionnées ont augmenté peu à peu le droit des contribuables de reporter des pertes et de les déduire du revenu d'autres années. Elles ont également augmenté le droit des contribuables de déduire les pertes subies dans une entreprise du revenu d'une autre entreprise.

[93] En 1972, lors de la révision de la Loi, l'article 27 a été remplacé par l'article 111. Plus précisément, l'alinéa 27(l)a) a été remplacé par l'alinéa 111(l)a), qui disposait que, pour le calcul du revenu imposable d'un contribuable pour une année d'imposition, le contribuable peut déduire de son revenu les pertes autres que des pertes en capital subies au cours des cinq années d'imposition précédentes et de l'année d'imposition suivante. Les pertes pouvant être reportées ont également été élargies pour inclure les pertes subies en raison d'un emploi ou d'un bien, en modifiant la définition d'une perte autre qu'en capital. Les dispositions ont également été assouplies pour qu'on puisse déduire ces pertes de tout revenu, et non seulement du revenu tiré d'une entreprise.

[94] Les paragraphes 27(5) et (5a) ont été regroupés au paragraphe 111(5), et le critère relatif à la possession de « plus de 50 p. 100 des actions » a été supprimé [32] . Le critère de l'acquisition du contrôle a été conservé, tout comme l'exigence relative à la continuité de l'entreprise (qui demeure au paragraphe 111(5) en raison de l'exigence au sous‑alinéa 111(5)a)(i) que le contribuable ait exploité « cette entreprise » tout au long de l'année pour laquelle il souhaite déduire les pertes) [33] . En 1984, la période de report prospectif à l'alinéa 111(l)a) a été prolongée à 7 ans et la période de report rétrospectif a été prolongée à 3 ans [34] .

[95] En 1987, le paragraphe 111(5) a été modifié pour renvoyer à une prise de contrôle « par une personne ou un groupe de personnes », plutôt que par « une ou plusieurs personnes » [35] .

[96] La période de report prévue à l'alinéa 111(1)a) a été étendue à 10 ans et à 20 ans respectivement pour les années d'imposition 2004 et 2005 [36] .

VI. ANALYSE

[97] La détermination de l'objet et de l'esprit de l'article 111 et du paragraphe 111(5) est essentielle à l'analyse de l'abus. L'historique législatif des dispositions et des dispositions connexes sur l'usage et les restrictions de la déduction du revenu des pertes autres qu'en capital est utile pour comprendre l'intention du législateur. Il n'est pas surprenant que les deux parties présentent des historiques légèrement différents. Il faut analyser de manière impartiale l'objet et l'esprit de l'article 111 et du paragraphe 111(5). La conclusion qui en découlera sera probablement sans pertinence à l'avenir, car les modifications de 2013 ont considérablement modifié la règle et les restrictions.

a) Le libellé de l'article 111 et du paragraphe 111(5)

i) Au moment de l'opération d'évitement

[98] Il existe un lien logique entre les paragraphes 111(1) et 111(5) tels qu'ils étaient au moment de l'opération. L'article 111 permet généralement à un contribuable de déduire ses propres pertes en capital et ses pertes autres qu'en capital des années précédentes de son revenu pour l'année en cours. La reconnaissance du fait qu'une déduction « annuelle » ne mesure pas convenablement les pertes d'une entreprise qui existe depuis de nombreuses années découle du principe économique fondamental du rattachement. Les paragraphes 111(4) et 111(5) limitent l'utilisation de ce genre de pertes; ils prévoient que les pertes autres qu'en capital d'un contribuable ne peuvent être déduites en certaines circonstances après l'acquisition du contrôle. Comme c'est le cas de la plupart des dispositions, il existe une exception. Les pertes autres qu'en capital sont généralement néanmoins déductibles après l'acquisition du contrôle si l'entité exploite la même entreprise que celle qui a mené aux pertes, ou une entreprise semblable.

ii) Historique et perspectives

[99] Les articles pertinents ont été modifiés historiquement et contextuellement.

[100] Les deux parties conviennent de l'interprétation textuelle : le paragraphe 111(1) autorise sans restriction la déduction des pertes autres qu'en capital d'une entreprise du revenu d'une autre entreprise. Les restrictions découlent des paragraphes 111(4) et 111(5). En cas d'acquisition du contrôle, le paragraphe 111(5) interdit la déduction, sauf si l'entreprise exploitée par la société qui fait l'objet de l'acquisition du contrôle est poursuivie de manière commerciale [37] , et on ne peut déduire les pertes que du revenu provenant de cette entreprise [38] . La question essentielle demeure la suivante : quels sont les objectifs législatifs d'une telle organisation du texte? Quelle était l'intention du législateur lorsqu'il a rédigé le texte? Pourquoi le législateur a‑t‑il autorisé puis restreint la déduction des pertes, et pourquoi l'a‑t‑il fait de cette façon?

b) Le contexte et l'objet de l'article 111 en général et du paragraphe 111(5) en particulier

[101] Le contexte législatif historique et contextuel constitue le point de départ pour la déduction et la restriction des pertes autres qu'en capital. Les parties étaient généralement d'accord sur le contexte, mais n'étaient pas d'accord quant à l'interprétation.

(i) Quelques observations concernant l'objectif du législateur quant à l'article 111 et au paragraphe 111(5)

[102] Pour résumer, l'intimée fait valoir que l'intention du législateur quant au paragraphe 111(5) était la suivante :

a) le critère de l'acquisition du contrôle n'était pas un écart par rapport à la politique antérieure, mais une précision des critères antérieurs de la continuité des propriétaires et de l'entreprise exploitée;

b) le contexte législatif indique une restriction continue de l'utilisation des pertes, principalement par la continuité des propriétaires, la détention de 50 % du capital‑actions et, finalement, l'acquisition du contrôle;

c) depuis le critère de l'acquisition du contrôle, les lois postérieures ont rejeté le critère du contrôle de jure et ont par ailleurs supposé que le contrôle était acquis;

d) le contrôle de jure est un indicateur du degré de contrôle qui justifie ou restreint l'utilisation des pertes, mais le contrôle réel est le pouvoir et la possibilité de diriger les activités de la société, même en l'absence du contrôle de la majorité des droits de vote;

e) par conséquent, bien que le critère strict du contrôle de jure soit un indicateur utile du contrôle réel, les circonstances peuvent faire qu'on doive s'en écarter lorsqu'une application stricte contrecarre les politiques plus larges sur les liens entre les sociétés et la continuité des propriétaires de l'entreprise ayant des pertes.

[103] MMV soutient que la thèse de l'intimée est fondée presque entièrement sur un objectif unique, favoriser le fisc, ce qui fait abstraction des autres objectifs du paragraphe 111(5).

[104] De 1982 à 1987, de nouvelles règles ont renforcé les restrictions sur les reports. Les raisons de ce changement ont été décrites comme suit [39] :

[TRADUCTION]

En 1981, le pendule s'est déplacé dans l'autre sens. En raison des restrictions assez lâches sur le report des pertes après un changement de contrôle, le marché des sociétés déficitaires a commencé à s'échauffer [...]

Le commerce généralisé des pertes, des déductions et des crédits non réclamés des sociétés entre des contribuables non liés est né dans les années 1980. L'échange de pertes n'était pas un phénomène nouveau; toutefois, l'introduction du crédit d'impôt pour la recherche scientifique en 1982 a donné naissance à un nouveau marché explosif d'arbitrage fiscal au Canada [...]

La prolifération des incitatifs fiscaux aux sociétés tout au long des années 1970 et le grave ralentissement économique au début des années 1980 se sont combinés pour créer un énorme excédent de pertes, de déductions et de crédits non réclamés dans le système fiscal canadien [...]

En 1985, les techniques nouvelles de planification fiscale utilisées pour transférer les avantages des pertes, des déductions et des crédits non réclamés des sociétés qui ne pouvaient pas les utiliser à celles qui le pouvaient préoccupaient le gouvernement et le bloquaient souvent.

[105] La décision British American Tobacco Company, Limited v. Inland Revenue Commissioners [40] portait sur des contribuables qui soutenaient que, pour avoir une [TRADUCTION] « participation de contrôle » dans une société, une personne devait détenir directement des actions permettant l'adoption d'une résolution extraordinaire. La Chambre des lords a rejeté l'argument à l'unanimité. Les lords juges ont conclu qu'une simple majorité des actions avec droit de vote (c.‑à‑d. 50 % plus un) suffisait pour créer une participation de contrôle, puisque les propriétaires de la majorité des droits de vote sont les personnes qui contrôlent véritablement les activités et la destinée de la société [41] .

[106] Peu de temps après, dans l'arrêt Minister of National Revenue v. Wrights' Canadian Ropes Ltd. [42] , le Conseil privé, en appel de la Cour suprême, a jugé que le fait qu'une société anglaise détenait seulement 49,86 % des actions d'une société canadienne établissait de manière concluante que la société anglaise ne contrôlait pas la société canadienne au sens de l'alinéa 6(1)i) de la Loi de l'impôt de guerre sur le revenu [43] .

[107] La Cour de l'Échiquier a ensuite renvoyé aux décisions susmentionnées en 1964 dans la décision Buckerfield's Ltd. v. Minister of National Revenue [44] , dans laquelle la Cour a affirmé ce qui suit :

[TRADUCTION]

[...] Le mot « contrôle » pourrait peut‑être s'entendre du contrôle de fait exercé par un ou plusieurs actionnaires, qu'ils détiennent ou non la majorité des actions. Je crois cependant qu'à l'article 39 de la Loi de l'impôt sur le revenu, le mot « contrôlée » vise le droit de contrôle qui découle de la propriété d'un nombre d'actions suffisant pour donner la majorité des voix lors de l'élection du conseil d'administration. Voir British American Tobacco Co. v. I.R.C., [1943] 1 All E.R. 13, où le lord chancelier, le vicomte Simon, a tenu les propos suivants à la page 15 :

« Les propriétaires de la majorité des droits de vote dans une société sont les personnes qui contrôlent véritablement les activités et la destinée de la société. »

Voir aussi Minister of National Revenue v. Wrights' Canadian Ropes, Ltd, [1947] A.C. 109, dans lequel le maître des rôles, lord Greene, à la page 118, a jugé que le simple fait qu'une société détenait moins de 50 % des actions d'une autre était « concluant » quant au fait qu'une société n'était pas « contrôlée » par l'autre au sens de l'article 6 de la Loi de l'impôt de guerre sur le revenu.

[108] Le critère Buckerfield's a été adopté par la Cour suprême dans les arrêts Minister of National Revenue v. Dworkin Furs (Pembroke) Ltd. [45] et Duha Printers (Western) Ltd. c. Canada [46] . On estime en général que ce critère est le critère juridique définitif du contrôle juridique ou de jure visé par l'article 111.

[109] Il convient de souligner que le législateur a maintenu, et non abandonné, le critère de l'acquisition du contrôle de jure au paragraphe 111(5) et aux dispositions qui l'ont précédé tout au long des multiples modifications qui ont été adoptées au cours des années 1970, 1980, et suivantes.

[110] Toutefois, les tribunaux ont reconnu à plusieurs reprises qu'il y avait dans la Loi une politique générale sur la restriction des transferts de pertes. Dans l'arrêt Duha, la Cour d'appel fédérale a lié cette politique au principe fiscal fondamental selon lequel chaque contribuable est distinct :

Si confuses que puissent paraître ces dispositions, l'objectif qu'elles visent est l'application de certains principes fondamentaux régissant le calcul du revenu. Ces principes sont à la base du régime fiscal établi par la Loi. Brièvement décrit, ce régime vise à l'imposition des accroissements nets globaux du revenu d'un contribuable. Pour le calcul de ce revenu, la Loi permet la répartition des pertes entre sources de revenu, pour autant que ces sources puissent se rapporter à un seul contribuable. C'est la notion du revenu net. Ce qui n'est pas autorisé cependant, c'est le partage d'un revenu ou d'une perte entre contribuables. S'il en est ainsi, c'est parce que la Loi répartit le fardeau fiscal différemment selon le niveau de revenu. Certaines mesures gouvernementales sont ainsi mises en œuvre, mesures qui seraient contrariées par un partage des revenus ou des pertes entre contribuables [47] . [Non souligné dans l'original.]

[111] Les commentaires de la C.A.F. dans l'arrêt Duha font écho à ceux formulés précédemment par les représentants du ministère des Finances. Le ministère a souligné les raisons de politique pour lesquelles il fallait une règle sur le changement de contrôle pour empêcher le partage inapproprié d'attributs fiscaux entre sociétés d'une manière qui n'était pas possible pour les particuliers :

[TRADUCTION]

D'abord, les politiques fiscales ne cautionnent pas les reports de pertes après un changement de contrôle. En principe, un contribuable ne peut pas utiliser les pertes d'un autre contribuable. Dans le cas d'une entité artificielle comme une société, on considère essentiellement qu'un changement de contrôle au sein d'une société en fait un nouveau contribuable, puisque des actionnaires différents acquièrent indirectement le droit de tirer profit de sa réussite financière. Par conséquent, il convient de reconnaître que les dispositions de la Loi relatives à la restriction des pertes en cas de changement de contrôle sont, d'un point de vue de politique générale, des choix fiscaux plutôt que des restrictions de la déductibilité générale. En d'autres termes, les dispositions légales sur ce domaine découlent du principe qu'aucune perte ne doit être transférée lors d'un changement de contrôle. Nous essayons ensuite d'établir s'il y a des objectifs concurrents qui justifieraient la déductibilité dans certains cas [48] . [Non souligné dans l'original.]

[112] En outre, les représentants du ministère des Finances ont expliqué la raison pour laquelle il existe une exception pour la même entreprise ou une entreprise semblable à la politique contre les reports prospectifs de pertes :

[TRADUCTION]

[...] En termes simples, la politique veut qu'aucune perte subie alors qu'une société est contrôlée par une personne ou par un groupe ne soit déductible du revenu gagné pendant que la société est contrôlée par une autre personne ou un autre groupe non lié. La seule exception majeure, qui vise à soutenir le redressement des entreprises non rentables, est que les pertes subies alors qu'une personne a le contrôle peuvent être déduites du revenu gagné au cours d'une période différente si le revenu provient de la même entreprise ou d'une entreprise semblable à celle à l'origine de la perte [49] . [Non souligné dans l'original.]

[113] Le Comité technique de la fiscalité de l'entreprise a approuvé cette politique dans son rapport de décembre 1997 au ministre des Finances. Le Comité, présidé par Jack Mintz, a formulé plusieurs observations et recommandations, dont les suivantes [50] : le système canadien part du principe que les pertes ne sont pas transférables [51] . Pour les sociétés, les transferts sont limités [52] .

[114] Dans la décision OSFC Holdings, le juge Rothstein n'a eu « aucune difficulté » à discerner dans la Loi cette politique générale contre le transfert de pertes :

85 Je partage l'avis de l'intimée que, sous le régime de la Loi de l'impôt sur le revenu, chacun à un statut indépendant et doit payer l'impôt sur son revenu imposable. Il semblerait également que, comme politique générale, des pertes ne peuvent être transférées d'un contribuable à un autre. (Voir, par exemple, Hogg, Magee et Cook, supra, à la page 406.) Toutefois, pour les fins de la présente espèce, la question de savoir si cette politique générale interdit le transfert de pertes autres que des pertes en capital, c'est‑à‑dire des pertes d'entreprise, entre contribuables dans tous les cas exige un examen plus approfondi de la façon dont les pertes sont traitées sous le régime de la Loi.

86 La perte que subit une entreprise peut avoir une valeur aux fins de l'impôt sur le revenu. L'alinéa 111(1)a) de la Loi de l'impôt sur le revenu permet le report rétrospectif et le report prospectif des pertes pour un nombre d'années déterminé aux fins de la défalcation de ces pertes des bénéfices pour ces années. Il en résulte un remboursement de l'impôt payé pour les années précédentes et/ou une réduction de l'impôt par ailleurs payable sur les bénéfices des années futures. Par conséquent, pour le contribuable qui a été rentable ou qui le sera, la valeur d'une perte d'entreprise dérive de l'obligation de payer l'impôt sur le revenu. C'est la possibilité du report rétrospectif ou prospectif qui attribue à la perte les caractéristiques d'un actif. [...]

87 Toutefois, l'utilisation de l'actif par le contribuable qui a subi la perte est limitée [...] Règle générale, il n'est pas prévu qu'une perte peut être vendue à un acheteur sans lien de dépendance comme s'il s'agissait du stock de l'entreprise.

88 Cependant, la Loi reconnaît un mécanisme par lequel des pertes peuvent être transférées entre des parties sans lien de dépendance dans le contexte du changement de contrôle d'une société au moyen de la vente des actions de la société. La Loi est très explicite en ce qui concerne le transfert de pertes autres que des pertes en capital entre des sociétés en cas de changement de contrôle. Les mots introductifs du paragraphe 111(5) sont très clairs à ce sujet; règle générale, les pertes autres que des pertes en capital ne sont pas transférables. [...]

89 Le professeur Krishna explique à la page 513 de l'ouvrage The Fundamentals of Canadian Income Tax, 6e éd., précité :

[TRADUCTION]

En l'absence d'une déclaration de revenu consolidée, la Loi applique des restrictions très rigides à l'utilisation de pertes accumulées à la suite du changement de contrôle d'une société. Essentiellement, ces règles visent à limiter le transfert des pertes entre sociétés contribuables et à décourager des arrangements d'affaires qui ne sont rien d'autres que des mécanismes d'« échange de pertes » ou de « défalcation de pertes ».

[…]

92 La nature évidemment limitée de l'exception [au paragraphe 111(5)] autorisant le transfert de pertes semble souligner la politique générale selon laquelle l'échange de pertes à des fins fiscales est interdit. L'exigence selon laquelle les pertes des années antérieures ne sont déductibles que du revenu de la même entreprise ou d'entreprises semblables est une indication qu'on ne peut généralement pas défalquer ces pertes d'autres revenus.

[…]

96 Il s'ensuit que la politique générale actuelle est de permettre les remboursements ou le transfert des pertes uniquement sur une base strictement contrôlée. Il s'agit d'un compromis entre le désir de promouvoir tous les avantages du caractère neutre de la remboursabilité et des compensations, d'une part, et la nécessité de maintenir les recettes publiques, d'autre part.

97 Il n'appartient pas [à] la Cour d'approuver ou non la politique fiscale pertinente du gouvernement. Il n'appartient pas non plus à la Cour de se prononcer sur la sagesse des compromis qui ont été faits entre les objectifs concurrents. Le rôle de la Cour se limite à dégager une politique générale pertinente, claire et non ambiguë de manière qu'elle puisse alors décider si les opérations d'évitement en question sont contraires à cette politique, constituant alors un abus dans l'application des dispositions de la Loi lue dans son ensemble, compte non tenu de la RGAÉ.

98 Je n'ai aucune difficulté à conclure que la politique générale qui sous-tend la Loi de l'impôt sur le revenu interdit l'échange des pertes autres que des pertes en capital par les sociétés, sous réserve de certaines limites précises [53] . [Non souligné dans l'original.]

[115] Après l'arrêt OSFC Holdings, la Cour suprême a réaffirmé, dans l'arrêt Mathew, l'existence de la politique générale contre le transfert de pertes :

[49] La Cour d'appel fédérale a examiné les autres dispositions de la Loi de l'impôt sur le revenu qui traitent du transfert ou du partage de pertes entre contribuables. Elle a conclu, à juste titre, que la Loi de l'impôt sur le revenu a comme politique générale d'interdire le transfert de pertes entre contribuables, sous réserve d'exceptions précises. Elle a également eu raison de conclure qu'en établissant ces exceptions le législateur a voulu favoriser la réalisation d'un objectif particulier à l'égard de certains rapports qui existent entre l'auteur et le bénéficiaire du transfert dans des circonstances précises [54] . [Non souligné dans l'original.]

[116] Plus récemment, dans une présentation en 2015 à la Fondation canadienne de fiscalité, Anu Nijhawan a reconnu les mêmes politiques générales sous‑jacentes au paragraphe 111(5) que le juge Rothstein dans OSFC Holdings [55] :

[TRADUCTION]

a) La transférabilité complète des pertes n'est pas souhaitable pour diverses raisons de politique générale, mais une société devrait pouvoir utiliser ses pertes afin de mesurer correctement ses revenus sur une base pluriannuelle.

b) Les restrictions sur l'utilisation des pertes antérieures à l'acquisition du contrôle sont fondées sur le principe qu'une société est un intermédiaire pour ses actionnaires.

c) Les pertes sont généralement non remboursables. La personne qui devrait avoir le droit de bénéficier d'une perte fiscale est celle qui a subi la perte économique correspondante. Comme la société est une unité autonome sur le plan fiscal, elle n'est pas autorisée à transférer des pertes.

d) L'historique de l'alinéa 111(l)a) démontre un assouplissement de l'exigence de la « continuité de l'entreprise » au fil du temps; toutefois, le paragraphe 111(5) a été ajouté pour réduire la souplesse dans l'utilisation des pertes que l'alinéa 111(1)a) autorisait lorsqu'il y avait un changement important d'actionnaires.

e) Le principe selon lequel une société est un intermédiaire pour ses actionnaires conduit à la conclusion que la société ne devrait normalement pas déduire les pertes après un changement important d'actionnaires, parce que les anciens actionnaires qui ont subi les coûts économiques des pertes ne participent plus à l'entreprise.

f) Le critère de l'acquisition du contrôle est une caractéristique constante du régime du transfert des pertes depuis 1963. Le recours au critère de l'acquisition du contrôle semble être fermement établi dans le régime légal, probablement pour des raisons pratiques.

g) En l'absence de tout motif commercial ou financier justifiant le regroupement des activités, l'exigence de la continuité de l'entreprise en cas de perte peut servir à empêcher un incitatif fiscal au regroupement d'une activité à perte avec une activité rentable.

h) La Loi prévoit la possibilité de transférer des pertes après une prise de contrôle si on poursuit la même entreprise, car bien que la perte appartienne à la société, elle appartient également à l'entreprise qui l'a engendrée. En outre, il est économiquement souhaitable d'encourager le redressement d'une entreprise déficitaire, notamment par une prise de contrôle et le remplacement de la direction. Le critère de la continuité de l'entreprise est la seule exception majeure à la politique contre le transfert des pertes et vise à soutenir le redressement des entreprises non rentables. Cette exigence fait état d'un désir d'éviter de créer un incitatif fiscal à un comportement non économique.

(ii) Les modifications ultérieures affaiblissent‑elles le critère du contrôle de jure?

[117] De nombreuses dispositions de la règle sur l'acquisition du contrôle (paragraphes 251(5), 256(7) et 256(8)) prévoient que l'acquisition du contrôle est réputée ne pas avoir lieu lorsque les opérations sont effectuées entre des sociétés ayant les mêmes actionnaires, ou essentiellement les mêmes actionnaires. Par exemple, selon l'alinéa 256(7)b), une fusion est réputée ne pas entraîner une acquisition de contrôle de la société remplacée ou de la nouvelle société lorsque les sociétés étaient liées immédiatement avant la fusion ou lorsque la participation des actionnaires dans la société remplacée était suffisamment importante pour donner le contrôle sur la nouvelle société.

[118] En outre, des dispositions ont été ajoutées au fil du temps pour élargir les circonstances dans lesquelles on conclura qu'il y a acquisition du contrôle même s'il n'y a pas eu acquisition du contrôle de jure à strictement parler. Ces dispositions comprennent les paragraphes 256(7) et (8), le paragraphe 251(5) et l'article 256.1.

[119] Selon le paragraphe 256(8), l'acquisition du contrôle est réputée avoir eu lieu même si elle n'a pas réellement eu lieu. Le paragraphe s'applique lorsqu'une personne acquiert des droits précis à l'égard d'actions de la société; cette personne est réputée avoir les mêmes droits à l'égard des actions que si les droits étaient immédiats et absolus et avaient été exercés.

[120] Le paragraphe 256(7) est un autre ensemble de dispositions dont le but est d'établir s'il y a eu acquisition du contrôle dans diverses situations. Les politiques qui sous-tendent le paragraphe 256(7) sont étroitement liées aux politiques qui sous-tendent les règles sur le transfert des pertes.

[121] L'article 256.1 de la Loi a été ajouté en 2013. Selon celui‑ci, une acquisition du contrôle de jure est réputée avoir eu lieu dans certaines circonstances où une personne ou un groupe de personnes a acquis des actions dont la valeur excède 75 % de la juste valeur marchande totale de toutes les actions en circulation de la société sans obtenir le contrôle de jure. Toutefois, il y a aussi un critère sur l'intention de la personne.

[122] Les notes explicatives indiquent que l'article 256.1 n'est qu'une des nombreuses modifications apportées à la Loi visant à décourager les transferts de pertes. Comme dans le cas des autres modifications, son libellé précis découle du méfait (c.‑à‑d. le système précis d'évitement fiscal) dont le législateur a eu connaissance.

[123] MMV soutient que l'introduction de l'article 256.1 représente un cas où le législateur a modifié l'état antérieur du droit. La loi modificative de 2013 a changé la politique de la Loi, ce que démontre le fait qu'on a ajouté de nouveaux concepts, tels qu'un « fait lié à la restriction de pertes », et un nouveau critère sur l'intention de la personne, et comme le démontre l'ampleur et la portée de la loi modificative de 2013.

[124] De plus, selon l'alinéa 256(1.2)c), une société est réputée être contrôlée par une personne pour les besoins de certaines dispositions de la Loi si la personne détient des actions de la société, ou des actions ordinaires de la société, ayant une juste valeur marchande de plus de 50 % de la juste valeur marchande de toutes les actions en circulation, ou des actions ordinaires, respectivement, de la société.

[125] L'alinéa 256(1.2)c) a été ajouté en 1988 par le même projet de loi qui a modifié de manière substantielle les dispositions de la Loi relatives au contrôle de jure et de facto, comme il est indiqué ci‑dessous [56] . Dans la loi modificative de 1988, le législateur a délibérément choisi entre une norme de contrôle fondée sur le pouvoir de vote, une norme fondée sur l'influence factuelle et une norme fondée sur la valeur, et a choisi de conserver la norme fondée sur le pouvoir de vote (le contrôle de jure) au début du paragraphe 111(5).

(iii) Le critère du contrôle de jure est‑il un substitut pour le critère du contrôle véritable?

[126] En 1988, le législateur a remanié les dispositions de la Loi en utilisant la norme du contrôle afin de préciser clairement la norme applicable. Le paragraphe 256(5.1) a été ajouté par la loi modificative de 1988 pour préciser certaines circonstances dans lesquelles une société sera considérée comme étant « contrôlée, directement ou indirectement, de quelque manière que ce soit » [57] .

[127] Un certain nombre de dispositions de la Loi qui faisaient auparavant référence au contrôle de jure ont été modifiées pour faire référence au contrôle « directement ou indirectement, de quelque manière que ce soit » (c.‑à‑d. le contrôle de facto) [58] . Plusieurs dispositions qui faisaient auparavant référence au contrôle de facto ont été modifiées pour faire référence au contrôle de jure [59] . Un certain nombre de dispositions ont été modifiées pour préciser que le contrôle de facto était la norme applicable [60] . En outre, comme nous l'avons vu précédemment, on a ajouté une disposition selon laquelle le contrôle est réputé exister dans certaines circonstances selon la proportion de la juste valeur marchande des actions d'un actionnaire [61] .

[128] Dans l'arrêt Duha, la Cour suprême a fait une analyse textuelle, contextuelle et téléologique du paragraphe 111(5) pour déterminer le sens du terme « contrôle ». L'arrêt Duha ne portait pas sur la RGAÉ; toutefois, les déclarations de la Cour concernant l'objet du paragraphe 111(5) sont utiles à l'analyse de l'abus en l'espèce.

[129] La Cour suprême a conclu que le paragraphe 111(5) envisage un contrôle de jure et non de facto, et que le critère général du contrôle de jure est de savoir si l'actionnaire majoritaire jouit d'un contrôle véritable sur les activités et la destinée de la société, en raison de la propriété d'actions conférant une majorité des voix lors de l'élection du conseil d'administration [62] .

[130] En ce qui concerne la raison pour laquelle la norme de contrôle de jure est utilisée plutôt que la norme de contrôle de facto, la Cour a conclu que la norme de contrôle de jure est préférable en raison de la certitude et de la prévisibilité qu'elle confère aux contribuables :

[...] À mon avis, la norme de jure a été retenue parce qu'à certains égards elle représente un concept pertinent et relativement certain et prévisible pour l'examen du contrôle. De façon générale, l'expression de jure renvoie aux sources juridiques qui déterminent le contrôle; à savoir la loi qui régit la société et les actes constitutifs de cette dernière, y compris ses statuts et ses règlements administratifs. La notion de facto a été rejetée parce qu'elle oblige à vérifier qui exerce le contrôle de fait, ce qui peut conduire à une multitude d'indices susceptibles d'exister outre ces sources [63] . [...] [Souligné dans l'original.]

[131] Le juge Iacobucci, au nom de la Cour, a fait remarquer que le contrôle de jure est apparu comme le critère par défaut aux fins de l'application de la Loi parce qu'il reconnaît que l'actionnaire majoritaire est en mesure d'élire le conseil d'administration, ou peut légitimement le faire, et qu'il contrôle donc en fait les activités et la destinée de la société [64] .

[132] Le juge Iacobucci a également noté que le législateur avait adopté d'autres dispositions de la Loi qui envisagent expressément un critère de contrôle de facto différent :

En outre, comme le juge Wilson l'a fait remarquer à juste titre dans la dissidence qu'elle a exprimée dans Imperial General Properties, précité, les contribuables comptent beaucoup sur la certitude et la prévisibilité que peut offrir la Loi de l'impôt sur le revenu. Il est donc tout à fait souhaitable d'utiliser un critère simple comme celui qui a été appliqué depuis Buckerfield's. Si la distinction entre le contrôle de jure et le contrôle de facto doit être éliminée à ce moment‑ci, il devrait appartenir au Parlement, et non aux tribunaux, de le faire. En fait, bien que cela ne soit pas directement pertinent quant à l'issue du présent pourvoi, je ferais observer néanmoins que le Parlement a reconnu la distinction entre le contrôle de jure et le contrôle de facto, en retenant ce dernier comme étant la nouvelle norme des règles de la société associée, au moyen du par. 256(5.1) de la Loi de l'impôt sur le revenu adopté en 1988 [65] .

[133] La conclusion de la Cour suprême est qu'un critère simple comme le contrôle de jure est préférable parce que les contribuables comptent beaucoup sur la certitude et la prévisibilité que l'on peut tirer de la Loi. Cette conclusion indique que le législateur voulait que les contribuables puissent organiser leurs activités de manière intelligente en se fiant au critère de l'acquisition du contrôle.

[134] La conclusion de la Cour suprême dans l'arrêt Duha selon laquelle le critère de l'acquisition du contrôle est censé être certain et prévisible est étayée par les avantages généraux des critères clairs. L'utilisation de critères légaux clairs plutôt que de normes plus ambiguës présente de nombreux avantages, notamment : (i) réduire au minimum le coût de la détermination de la manière dont la loi s'appliquera dans une situation donnée, tant pour les décideurs que pour les contribuables [66] ; (ii) promouvoir la prévisibilité pour les contribuables et l'État, permettant ainsi à toutes les parties de mieux connaître d'avance leurs droits et leurs obligations [67] ; (iii) réduire le nombre de litiges et, par conséquent, promouvoir l'égalité de traitement entre ceux qui disposent des ressources nécessaires pour engager des poursuites et ceux qui n'en ont pas [68] . Ces avantages sont liés à l'utilisation du critère de contrôle de jure.

[135] En outre, des difficultés pratiques se poseraient si le paragraphe 111(5) contenait un critère plus ambigu, tel que celui du contrôle de facto. Si un nouvel actionnaire fournissait un nouveau financement à une société ayant des pertes et acquérait un rôle dans la société, celle‑ci pourrait ne pas être sûre que les règles sur le transfert des pertes s'appliquent. Si la société n'était pas sûre de l'application des règles sur le transfert des pertes, elle pourrait hésiter à rechercher de nouvelles occasions d'affaires qui pourraient l'amener à tirer des revenus d'une autre entreprise. Par conséquent, l'utilisation d'un critère plus ambigu pourrait décourager les placements dans les sociétés déficitaires, tout en empêchant ces sociétés de liquider leurs entreprises non rentables et de rechercher de nouvelles occasions commerciales rentables.

[136] Les objectifs de la réduction des coûts de conformité et des coûts liés aux litiges sont importants dans le cas d'une disposition comme le paragraphe 111(5), qui, de par sa nature, ne s'applique qu'aux sociétés ayant des pertes. Les sociétés déficitaires sont moins en mesure que les autres sociétés d'engager des conseillers pour déterminer comment une norme ambiguë est susceptible d'être appliquée, ou de contester l'application de la norme par le ministre au moyen de litiges coûteux. Il est logique que le législateur utilise une règle claire comme le contrôle de jure au paragraphe 111(5), plutôt qu'une norme plus ambiguë comme le contrôle de facto.

[137] En ce qui concerne l'intention du législateur que le critère de l'acquisition du contrôle soit certain et prévisible, il convient de souligner que, depuis la loi modificative de 2013, l'application du paragraphe 111(5) dépend toujours de critères clairs, bien que l'article 256.1 énonce certains critères portant sur l'intention.

(iv) Le critère du contrôle de jure vise‑t‑il à déterminer le contrôle réel?

[138] L'évolution des règles sur le transfert des pertes et des dispositions connexes indique que le paragraphe 111(5) utilise la présence ou l'absence du contrôle de jure comme un indicateur du degré de contrôle d'une société qui justifierait soit de restreindre soit de permettre l'utilisation des pertes. Le changement du contrôle de jure sert de critère légal pour décider s'il y a la continuité des propriétaires que le législateur entend exiger pour permettre la préservation des attributs fiscaux lorsque les propriétaires d'une société changent.

[139] Le contexte légal pertinent comprend également l'ensemble des dispositions qui établissent s'il y a acquisition du contrôle ou non. Les paragraphes 251(5), 256(7) et 256(8) et l'article 256.1 élargissent les circonstances dans lesquelles il y a contrôle. Ces dispositions tiennent compte des tentatives du législateur de restreindre les règles sur le transfert des pertes au‑delà de l'acquisition au sens strict du contrôle de jure d'une société déficitaire. Elles montrent que l'objet et l'esprit des règles sur le transfert des pertes sont plus larges que les seules situations de contrôle de jure. Le contrôle de jure vise uniquement à déterminer la personne qui a le contrôle véritable d'une société.

[140] En fait, les tribunaux ont reconnu que le contrôle de jure, en tant que concept, n'est pas une fin en soi. Le contrôle de jure n'est qu'un moyen de voir qui a « le contrôle réel des activités et des destinées » d'une société. On peut facilement changer les actionnaires, et cela n'est pas la préoccupation première de toute façon. Selon les circonstances, un actionnaire qui ne détient pas le contrôle de jure peut avoir le contrôle réel. Dans l'arrêt Duha, la Cour suprême a décrit la question fondamentale dans les termes suivants :

36 [...] Toutefois, il faut reconnaître, au départ, que ce critère est vraiment une tentative de vérifier qui exerce un contrôle effectif sur les affaires et les destinées de la société. [...]

37 Vue sous cet angle, il devient évident que l'application formaliste d'un critère comme celui énoncé dans Buckerfield's, qui ne tient pas compte suffisamment de la raison d'être de ce critère, peut mener à un résultat malheureusement artificiel [69] .

[Non souligné dans l'original.]

[141] En termes pratiques, le « contrôle réel » peut être compris comme étant le pouvoir de diriger fondamentalement les activités de la société. Traditionnellement, c'est l'actionnaire ou les actionnaires qui peuvent élire la majorité des administrateurs qui ont ce pouvoir, puisque les administrateurs exercent le pouvoir décisionnel au nom de la société. Toutefois, lorsqu'un actionnaire n'a pas le droit juridique d'élire la majorité des administrateurs, mais qu'il dispose néanmoins du pouvoir manifeste de diriger les décideurs, alors cet actionnaire a le contrôle réel.

[142] Le législateur a utilisé le critère du contrôle de jure comme critère d'application des règles sur le transfert pour plusieurs raisons. Premièrement, dans la plupart des cas, ce degré de contrôle est une indication relativement précise, pour les politiques fondant les règles sur le transfert, du « propriétaire » de l'entreprise qui a subi les pertes et devrait être autorisé à en bénéficier. Deuxièmement, comme on l'a déjà dit ailleurs, il y a des avantages pratiques et administratifs manifestes à établir un critère clair comme le contrôle de jure. Le registre des actionnaires d'une société fournit une mesure pratique et vérifiable du contrôle majoritaire, ainsi que du moment et de la façon dont il change.

[143] Un examen des différentes dispositions de la Loi traitant du transfert des pertes et de l'acquisition du contrôle montre clairement que le législateur ne se limite pas à l'acquisition du contrôle au sens strict. Le législateur a choisi de considérer qu'il y a acquisition du contrôle ou non selon l'application des politiques générales plus larges relatives aux liens entre les sociétés et à la continuité des propriétaires de l'entreprise à l'origine des pertes.

[144] Le paragraphe 256(8) indique clairement que le législateur ne voulait pas que le critère de la propriété de jure détermine l'application des règles sur le transfert des attributs fiscaux.

[145] L'article 256.1 est un autre élargissement du régime légal qui va au‑delà d'une interprétation étroite du critère du contrôle de jure dans l'application des règles sur le transfert de pertes et sur les liens entre sociétés. Cette disposition indique qu'un intérêt économique important donnera à une personne la possibilité d'exercer un contrôle réel sur une société, même sans avoir la majorité des voix.

c) Conclusions

(i) Existe‑t‑il une politique contre le transfert des pertes?

[146] La Cour suprême a reconnu l'existence d'une politique légale générale contre le transfert de pertes entre contribuables, sous réserve d'exceptions précises. En outre, la Cour suprême a déclaré que la cour de juridiction inférieure avait correctement conclu « qu'en établissant ces exceptions le législateur a voulu favoriser la réalisation d'un objectif particulier à l'égard de certains rapports qui existent entre l'auteur et le bénéficiaire du transfert dans des circonstances précises » [70] .

[147] La politique contre l'échange de pertes découle d'un concept fondamental du revenu net : l'imposition de l'augmentation nette globale du revenu du contribuable, les pertes pouvant être partagées entre les sources de revenu, pour autant que les revenus puissent être rattachés à un contribuable précis [71] . En d'autres termes, en règle générale, comme l'a déclaré l'intimée, un contribuable ne peut pas se prévaloir des pertes d'un autre contribuable.

[148] Bien qu'une société soit, en droit, un contribuable distinct, elle est aussi une entité intermédiaire. En fin de compte, les actionnaires bénéficient du revenu de la société ou subissent les conséquences des pertes. Par conséquent, il n'est pas inapproprié que les pertes d'une entreprise compensent les revenus d'une autre entreprise lorsqu'il existe une continuité suffisante des propriétaires de l'entreprise rentable et de l'entreprise déficitaire. On fait appel à un critère pour déterminer si l'entreprise rentable et l'entreprise déficitaire sont des unités distinctes aux fins de l'utilisation des pertes, auquel cas les pertes de l'entreprise déficitaire ne peuvent pas être déduites des revenus de l'entreprise rentable.

[149] Les sous‑alinéas 111(5)a)(i) et 111(5)b)(i) constituent une exception à la politique générale contre le transfert de pertes entre contribuables non liés. L'exception relative à la continuité des activités permet à un contribuable distinct d'utiliser les pertes d'un autre contribuable si le premier redresse l'entreprise du second.

[150] Toutefois, ces décisions sont antérieures au critère de l'abus établi par la Cour suprême dans l'arrêt Hypothèques Trustco Canada c. Canada [72] . MMV fait valoir que la Cour suprême a conclu que la RGAÉ ne peut pas s'appliquer à une opération au motif que l'opération entraîne un abus dans l'application d'une politique générale de la Loi lue dans son ensemble [73] . L'analyse de l'abus doit être fondée sur l'objet et l'esprit de l'article 111.

[151] Dans l'arrêt Mathew, la Cour suprême a reconnu la politique générale de la Loi contre le transfert de pertes, mais a également fait remarquer « qu'on ne saurait automatiquement inférer de la politique générale d'interdiction du transfert de pertes entre contribuables qu'il faut considérer que le par. 18(13) empêche les appelants de demander la déduction des pertes en l'espèce. Cette politique n'est qu'un seul des facteurs à considérer pour déterminer l'intention du législateur en ce qui concerne le par. 18(13) et l'art. 96 » [74] .

(ii) Le critère du contrôle de jure est‑il clair?

[152] Lorsque le législateur intègre ou respecte un concept de la common law dans une loi, la jurisprudence pertinente au moment de l'adoption du texte peut être un outil extrinsèque utile pour interpréter le sens de la loi. La présence, dans la Loi, d'autres critères qui dépendent de la valeur des actions ou d'autres indicateurs du contrôle, plutôt que du droit de vote, indique également que le législateur a délibérément choisi le droit de vote comme condition préalable à l'application des règles sur le transfert des pertes.

[153] La Cour canadienne de l'impôt dans la décision Lyrtech RD Inc. c. La Reine [75] , a noté que, depuis 1988, la Loi a toujours clairement prévu le critère applicable :

À la lumière des cas de jurisprudence, le législateur a été appelé à apporter de nombreuses précisions concernant le concept de contrôle dans le but d'atteindre des objectifs législatifs précis. Ainsi depuis le 13 septembre 1988, soit depuis l'introduction du paragraphe 256(5.1), la Loi affiche de façon claire les dispositions qui font expressément référence au concept du contrôle de droit par opposition à celles qui visent plutôt l'application du contrôle de fait.

[154] La décision Lyrtech étaye la thèse voulant que la Loi dit clairement, au moins depuis 1988, que le contrôle de jure est le critère du paragraphe 111(5).

[155] De nombreuses dispositions ajoutées à la Loi utilisent soit le critère du contrôle de facto, soit le critère du contrôle de jure. En fait, l'expression « fait lié à la restriction de pertes », qui a été ajoutée au paragraphe 111(5) en 2013, comme nous le verrons plus loin, est définie à l'article 251.2 en renvoyant au critère du contrôle de jure.

[156] En l'espèce, on peut soutenir que MMV Financial a acquis le contrôle de facto de MMV en acquérant un intérêt économique important dans MMV ou un certain contrôle sur celle‑ci. La réponse indique que la série d'opérations a permis à MMV Financial de [TRADUCTION] « contrôler en fait » MMV, sans acquérir de contrôle de jure. L'intimée affirme que le paragraphe 111(5) comprend un critère du contrôle de facto. Cette affirmation est déraisonnablement exagérée. Le législateur a délibérément choisi de ne pas utiliser le critère du contrôle de facto au paragraphe 111(5) lors de sa modification en 2013. Au lieu de cela, il a réputé qu'un changement de contrôle de jure avait lieu en le redéfinissant et non en le remplaçant.

[157] Récemment, le juge Paris a déterminé l'objet et l'esprit de l'alinéa 111(1)a) et du paragraphe 111(5) dans la décision Deans Knight. Voici la conclusion du juge [76] :

Une certaine doctrine enseigne que le critère de l'acquisition du contrôle du paragraphe 111(5) permet de déterminer si la société participe librement à une opération ou si elle en est une participante passive, à la solde d'une nouvelle personne ou d'un nouveau groupe de personnes dont le seul motif est de tirer avantage de ses pertes ou de ses attributs fiscaux. Je retiens cette analyse et je conclus que l'objet et l'esprit du paragraphe 111(5) appellent la restriction des manipulations des pertes d'une société par une nouvelle personne ou un nouveau groupe de personnes qui assume le contrôle effectif des actions de la société.

[158] Le juge Paris a examiné l'historique législatif du paragraphe 111(5) et a étudié d'autres dispositions portant sur le transfert des pertes. À l'issue de cet exercice, il a tenu les propos suivants [77] :

Malgré la politique fiscale selon laquelle un changement important dans la participation au capital peut servir de fondement à une restriction en matière de report des pertes, ce critère a été supprimé de la version antérieure du paragraphe 111(5) en 1972, et il a fallu attendre 2013 pour qu'un critère semblable soit inséré au paragraphe 256.1. On pourrait en déduire que le législateur n'avait pas l'intention d'utiliser l'acquisition d'une participation importante dans une société déficitaire pour restreindre son droit de reporter ses pertes.

[159] Le concept du « contrôle » a occupé une place prépondérante dans son analyse de la disposition, car l'application du paragraphe 111(5) est déclenchée par l'acquisition du contrôle. Il a examiné la décision de la Cour suprême dans l'arrêt Duha et a noté que l'objectif du législateur en choisissant le critère du contrôle de jure était de parvenir à la certitude et à la prévisibilité.

[160] En ce qui concerne le critère de l'acquisition du contrôle, le juge Paris a fait l'observation suivante au sujet de l'arrêt Duha CSC [78] :

Le juge Iacobucci fait également remarquer que le critère de l'acquisition du contrôle constitue un moyen de déterminer qui assure le contrôle effectif ou ultime d'une société :

Toutefois, il faut reconnaître, au départ, que ce critère est vraiment une tentative de vérifier qui exerce un contrôle effectif sur les affaires et les destinées de la société. Autrement dit, bien que les administrateurs aient généralement, en vertu de la loi qui régit la société, le droit explicite de gérer la société, l'actionnaire majoritaire exerce indirectement ce contrôle en raison de sa capacité d'élire le conseil d'administration. Ainsi, c'est en réalité l'actionnaire majoritaire, et non pas les administrateurs eux‑mêmes, qui exerce un contrôle effectif sur la société. Le président Jackett a reconnu expressément cela en énonçant le critère de l'arrêt Buckerfield's. En fait, la source invoquée à l'appui de ce critère est l'opinion incidente suivante que le lord chancelier, le vicomte Simon, a exprimée dans British American Tobacco Co. c. Inland Revenue Commissioners, [1943] 1 All E.R. 13, à la p. 15 :

[TRADUCTION]

Les détenteurs de la majorité des voix dans une société sont ceux qui exercent un contrôle effectif sur ses affaires et ses destinées. [Je souligne.]

[161] En ce qui concerne la distinction entre les critères du contrôle de jure et de facto, le juge Paris déclare que les critères « se distinguent uniquement par la portée des facteurs à examiner pour déterminer qui exerce le contrôle réel sur le conseil d'administration » [79] .

[162] De même, le passage suivant de Duha aide également à établir ce que la Cour suprême entend par « contrôle véritable » [80] :

Comme je l'ai affirmé, le but essentiel du critère de Buckerfield's est de déterminer où est situé le contrôle véritable de la société. À mon sens, il est impossible d'affirmer qu'un actionnaire a acquis ce contrôle du seul fait qu'il est en mesure d'élire la majorité des membres du conseil d'administration, alors que ce conseil n'a peut‑être même pas réellement le pouvoir de prendre une seule décision importante au nom de la société. Le contrôle de jure d'une société par un actionnaire dépend d'une manière très réelle du contrôle exercé par la majorité des administrateurs dont l'élection est contrôlée par cet actionnaire. Quand un acte constitutif comme une CUA prévoit que le pouvoir légal de gérer la société est conféré à une autre personne qu'au conseil d'administration, le contrôle de jure véritable change nécessairement de mains et le tribunal doit reconnaître cette réalité.

[Non souligné dans l'original.]

[163] Le fait que le paragraphe 111(5) ait été modifié à la suite de l'opération d'évitement pour ajouter un nouvel événement déclencheur fondé sur la juste valeur marchande indique également que les droits de vote, plutôt que la valeur, étaient la condition préalable à l'application de la version précédente de la disposition.

[164] Dans la décision Gwartz c. La Reine [81] , le juge Hogan a déclaré que lorsque le législateur emploie des termes simples, cela indique que le législateur avait l'intention de fournir de la certitude aux contribuables :

En comparaison avec d'autres dispositions de la LIR, le libellé de l'article 120.4 est remarquable par sa brièveté et simplicité relatives. En général, le fait qu'il s'applique ou non à une opération est facile à constater. Par exemple, il est facile d'établir si une personne est un particulier déterminé ou si certains revenus de dividendes reçus directement par un particulier déterminé sont un revenu fractionné. Ces facteurs semblent indiquer que le législateur, en adoptant l'article 120.4, a voulu atténuer la complexité de la disposition et rassurer les contribuables quant à l'application de celle‑ci.

[165] Encore une fois, l'abus dans l'application d'une politique fiscale générale non prévue par la Loi ne constitue pas une opération d'évitement fiscal abusive au sens de la RGAÉ. De même, on ne peut refuser d'avantage fiscal lorsque les opérations d'évitement n'entrent pas en conflit avec l'objet ou l'esprit des dispositions de la Loi [82] .

(iii) Conclusions relatives au paragraphe 111(5)

[166] En somme, l'objet et l'esprit du paragraphe 111(5) est d'empêcher les acquisitions de sociétés visant uniquement à accéder aux attributs fiscaux en limitant l'utilisation de ces attributs lorsqu'on les acquiert au moyen du contrôle. Dans ce sens, il y a restriction sur le transfert des pertes.

[167] Le législateur a décidé que l'absence de continuité des propriétaires de la société indique un changement de contrôle; le désaccord entre les parties en l'espèce porte uniquement sur la question de savoir si on décide qu'il y a changement de propriétaires en examinant le contrôle de jure ou de facto.

[168] Si on établit la continuité des propriétaires selon le contrôle de jure, cela offre plus de certitude et de prévisibilité aux contribuables. La norme du contrôle de facto dissuade les contribuables de tenter d'acquérir les attributs fiscaux d'une société, à moins qu'ils aient l'intention de redresser l'entreprise déficitaire, car si le contrôle (selon la norme du contrôle de facto) est acquis, les pertes ne peuvent être utilisées que si on exploite la même entreprise avec une attente raisonnable de profit.

[169] Le paragraphe 111(5) comporte des objectifs contradictoires; toutefois, certains objectifs s'harmonisent avec le critère du contrôle de jure plutôt que le critère du contrôle de facto.

[170] La Cour suprême, dans l'arrêt Duha, a déterminé que l'objectif du législateur en choisissant la norme du contrôle de jure était de parvenir à la certitude et à la prévisibilité lors de la restriction de l'utilisation des pertes. Cette conclusion est étayée par l'utilisation du mot « contrôle » dans le texte et le contexte des modifications légales; le législateur a supprimé de la disposition le critère fondé sur la propriété des actions et a délibérément conservé le critère du contrôle de jure au paragraphe 111(5) au lieu d'adopter le critère du contrôle de facto.

d) L'avantage fiscal de MMV entraîne‑t‑il un abus de l'objet ou de l'esprit des dispositions?

[171] Pour cette analyse, la Cour utilise l'objet et l'esprit du paragraphe 111(5), comme les a établis le juge Paris dans la décision Deans Knight, c'est‑à‑dire la « restriction des manipulations des pertes d'une société par une nouvelle personne ou un nouveau groupe de personnes qui assume le contrôle effectif des actions de la société » [83] .

[172] Bien que le juge Paris ait insisté sur l'échange d'attributs fiscaux, l'expression plus générale « manipulation des pertes » suffit pour accueillir le présent appel [84] .

[173] L'intimée a le fardeau d'établir que l'opération d'évitement a entraîné un abus. L'avantage fiscal doit être incompatible avec l'objet et l'esprit des dispositions pertinentes. L'intimée doit établir que MMV a contourné le paragraphe 111(5) d'une manière qui va à l'encontre de l'objet ou de l'esprit de cette disposition. De plus, comme MMV a réalisé une série d'opérations pour obtenir l'avantage fiscal, l'examen doit porter sur l'ensemble des faits afin de décider s'il y a eu abus [85] .

[174] L'intimée soutient que MMV Financial a contourné le paragraphe 111(5) parce qu'elle a acquis le contrôle véritable ou de facto de MMV sans en acquérir le contrôle de jure. Par conséquent, on ne peut pas raisonnablement affirmer que les opérations sont, même de loin, compatibles avec la politique de continuité des propriétaires prévue au paragraphe 111(5).

[175] L'intimée affirme ce qui suit au sujet du « contrôle véritable » :

[TRADUCTION]

En termes pratiques, le « contrôle véritable » est le pouvoir de diriger fondamentalement les activités de la société [...] Toutefois, lorsqu'un actionnaire qui n'a pas le droit juridique d'élire la majorité des administrateurs détient néanmoins le pouvoir manifeste de diriger l'exercice du pouvoir décisionnel, on peut dire qu'il exerce un contrôle véritable.

[176] Dans la décision Deans Knight, le juge Paris a conclu que les changements de direction, d'activité commerciale, d'actif et de passif et de raison sociale ne sont pas des indicateurs d'un changement de contrôle véritable d'une société [86] .

[177] L'intimée a souligné ce qui suit :

[TRADUCTION]

MMV Financial, après avoir modifié les statuts de MMV, détenait un intérêt économique de près de 100 % dans MMV au moyen de sûretés mobilières générales et d'actions privilégiées lors de la distribution des actifs;

Puisqu'on verse les dividendes en priorité aux détenteurs d'actions ordinaires sans droit de vote, seule MMV Financial a bénéficié de la déduction des pertes de MMV;

Les avantages reçus par les actionnaires ordinaires (un paiement de 100 000 $ pour l'achat de dettes d'une valeur nominale de 850 000 $) n'avaient aucun rapport avec l'utilisation des attributs fiscaux;

Le financement accordé par MMV Financial à MMV était soumis à des engagements contractuels quant à son utilisation, et le remboursement pouvait être exigé à tout moment;

Les créanciers subordonnés détenaient la majorité des actions avec droit de vote; toutefois, ils n'ont pas réellement exercé le pouvoir de vote qui découlait de leurs participations;

En vertu d'une convention unanime des actionnaires en 2007 et d'un accord de vote en 2010, les cinq créanciers garantis ont convenu d'exercer leur droit de vote de manière à permettre à chaque membre du groupe de nommer un administrateur;

Rien n'indique que les créanciers subordonnés ont exercé le contrôle qu'ils avaient selon les documents en choisissant leurs propres administrateurs;

En somme, les créanciers subordonnés ont renoncé au droit de vote qu'ils avaient à l'égard de MMV.

[178] L'intimée admet que les actionnaires et créanciers garantis (non liés à MMV Financial) avaient juridiquement le droit de choisir le conseil d'administration, mais qu'ils ont en fait limité ce pouvoir.

[179] La Cour ne peut convenir que le fait de ne pas exercer son pouvoir de vote afin d'exclure les administrateurs « alliés » à un actionnaire minoritaire est la preuve que l'actionnaire minoritaire a le contrôle véritable. Les actionnaires et créanciers garantis pouvaient choisir leurs propres représentants; toutefois, il se peut que leurs propres intérêts économiques étaient tels que les « alliés » de MMV Financial devaient rester au conseil d'administration.

[180] Aucune preuve n'a été présentée pour démontrer que le conseil d'administration n'avait pas le pouvoir réel de prendre les décisions importantes au nom de MMV; l'existence d'une convention financière en faveur de MMV Financial n'équivaut pas au contrôle de jure. Aucun élément de preuve n'a montré que MMV Financial avait besoin du contrôle véritable ou de facto de MMV afin d'avoir recours aux pertes [87] .

[181] Il est difficile de dire, à la lumière des éléments de preuve présentés à la Cour, si les ententes de financement entre MMV Financial et MMV ont déplacé le contrôle véritable des actionnaires majoritaires (qui pouvaient choisir les administrateurs) à MMV Financial. Une hypothèse qui pourrait s'appliquer est que, si les actionnaires majoritaires et créanciers garantis retiraient les représentants de MMV Financial du conseil d'administration, MMV Financial pourrait alors exiger le remboursement des facilités de crédit en guise de représailles. Aucun élément de preuve ni aucune observation à ce sujet n'a été présenté à la Cour. Quoi qu'il en soit, une telle affirmation du contrôle démontrerait toujours le contrôle de jure des actionnaires et créanciers garantis, même s'il peut avoir des conséquences désastreuses.

VII. Sommaire et dépens

i) Sommaire

[182] La Cour doit se pencher sur l'article 111, qui porte sur les circonstances dans lesquelles les contribuables, notamment les sociétés, peuvent déduire ou non les pertes autres qu'en capital. Plus précisément, le paragraphe 111(5) dispose qu'uniquement dans le cas de sociétés, en cas de changement de contrôle de jure, la société ne peut déduire les pertes. Cependant, s'il y a changement du contrôle de jure et que le paragraphe 111(5) s'applique, on peut déduire les pertes en cas de continuité de l'entreprise ou d'une entreprise connexe.

[183] Il faut tenir compte du détail avec lequel le législateur a créé et poursuivi la condition préalable du changement du contrôle de jure et a ensuite imposé la restriction et l'interdiction; il faut également tenir compte de l'utilisation et de la survie à long terme du critère du contrôle de jure. Il ne s'agit pas du fruit du hasard. La manipulation possible du critère du contrôle de jure existe depuis longtemps; on la connaît et la comprend depuis longtemps. Toutefois, même les modifications de 2013 qui restreignaient encore ces activités n'ont pas écarté le critère de contrôle de jure; ces modifications ont simplement disposé qu'un changement du contrôle de jure est réputé avoir eu lieu dans certaines circonstances supplémentaires.

[184] Cette analyse interprétative révèle la logique du législateur. Lorsqu'une règle générale permettant la déduction des pertes (article 111) est soumise à une restriction (changement du contrôle de jure) avec des exceptions dans des circonstances précises, la nature limitée de la restriction renforce la nature générale de la déduction des pertes. Peu importe la subtilité de l'opération d'évitement, elle a eu recours à une disposition générale sur la déductibilité des pertes et a évité de déclencher le paragraphe qui limite la déduction, et n'a pas entraîné d'abus dans son application. Cela est différent de l'utilisation d'une exception prévue à un paragraphe et de l'abus de son application pour éviter une interdiction générale. L'existence de longue date du critère du contrôle de jure témoigne également du rejet de l'application de la RGAÉ dans les circonstances du présent appel en ce qui concerne le paragraphe 111(5).

[185] L'appel est accueilli pour les années d'imposition 2011, 2012, 2013, 2014 et 2015. MMV a le droit de déduire les pertes autres qu'en capital subies au titre de la partie I de la Loi qui découlent des années d'imposition 2001 à 2009 inclusivement.

ii) Dépens

[186] Les dépens sont adjugés de façon provisoire à MMV conformément au tarif applicable, sous réserve du droit de l'une ou l'autre des parties de présenter des observations écrites dans les 30 jours suivant le présent jugement. Le cas échéant, la Cour peut tenir compte des observations et modifier l'adjudication provisoire des dépens. Sinon, l'adjudication provisoire des dépens sera définitive.

Signé à Toronto (Ontario), ce 12e jour d'août 2020.

« R.S. Bocock »

Le juge Bocock

 


RÉFÉRENCE :

2020 CCI 82

NO DU DOSSIER DE LA COUR :

2016-5137(IT)G

INTITULÉ :

MMV CAPITAL PARTNERS INC. c. SA MAJESTÉ LA REINE

LIEU DE L'AUDIENCE :

Toronto (Ontario)

DATE DE L'AUDIENCE :

Les 17 et 18 juillet 2018

MOTIFS DU JUGEMENT :

L'honorable juge Randall S. Bocock

DATE DU JUGEMENT :

Le 12 août 2020

COMPARUTIONS :

Avocats de l'appelante :

Me David Muha

Me Michael J. Collinge

Me Kevin Chan

Avocats de l'intimée :

Me Michael Taylor

Me Matthew Turnell

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Pour l'appelante :

Nom :

Me David Muha

Me Michael Collinge

Me Kevin Chan

Cabinet :

Droit fiscal Deloitte S.E.N.C.R.L./s.r.l.

Pour l'intimée :

Nathalie G. Drouin

Sous-procureure générale du Canada

Ottawa, Canada

 

 



[1] Copthorne Holdings Ltd. c. Canada, 2011 CSC 63, [2011] 3 R.C.S. 721, au paragraphe 33 (Copthorne), qui renvoie à l'arrêt Hypothèques Trustco Canada c. Canada, 2005 CSC 54, [2005] 2 R.C.S. 601, aux paragraphes 36 et 37 (Hypothèques Trustco).

[2] Hypothèques Trustco, précité, au paragraphe 65.

[3] Ibid., au paragraphe 66(4).

[4] Ibid., au paragraphe 66(5), et Copthorne, précité (note 1), au paragraphe 109.

[5] Copthorne, précité, aux paragraphes 71 et 72.

[6] 2016 CCI 288; inf. par R. c. 594710 British Columbia Ltd., 2018 CAF 166 (594710 BC Ltd.).

[7] 2019 CCI 76 (Deans Knight).

[8] Canada c. Duha Printers (Western) Ltd., [1996] 3 C.F. 78 (C.A.F.) (Duha CAF), au paragraphe 5, OSFC Holdings Ltd. c. Canada, 2001 CAF 260, [2002] 2 C.F. 288 (OSFC Holdings), et Mathew c. Canada, 2005 CSC 55, [2005] 2 R.C.S. 643 (Mathew).

[9] Rapport du Comité technique sur la fiscalité des entreprises (Ottawa, ministère des Finances, décembre 1997).

[10] OSFC Holdings, précité (note 8), paragraphe 91.

[11] Birchcliff Energy Ltd. c. La Reine, 2015 CCI 232 (no 1) et 2017 CCI 234 (no 2).

[12] Agence du revenu du Canada, décision 2003‑0031823, [TRADUCTION] « Cession d'une entreprise par un actionnaire », 2003.

[13] Mathew, précité (note 8), au paragraphe 58.

[14] 594710 BC Ltd., précité (note 6), aux paragraphes 86, 87 et 88, inf. pour d'autres motifs.

[15] Alinéa 3(l)f) de la Loi de l'impôt de guerre sur le revenu (1917), 7‑8 Geo. V, ch. 28, qui a été ajouté par L.C. 1919, ch. 55, paragraphe 2(2). L'article suivant contient une chronologie utile du droit des contribuables de déduire des pertes aux termes de la Loi : David N. Finkelstein et Margaret Nixon, « Takeovers », Report of the Proceedings of Fifty‑Sixth Tax Conference, rapport de la conférence de 2004 (Toronto, Association canadienne d'études fiscales, 2005), 21:1‑48, aux pages 15 à 18.

[16] Alinéa 5(l)p) de la Loi de l'impôt de guerre sur le revenu, L.R.C. 1927, ch. 97, qui a été ajouté par L.C. 1942‑43, ch. 28, paragraphe 5(7).

[17] Alinéa 5(l)p) de la Loi de l'impôt de guerre sur le revenu, L.R.C. 1927, ch. 97, qui a été ajouté par L.C. 1943‑44, ch. 14, article 5, et modifié par L.C. 1944‑45, ch. 43, paragraphe 4(5).

[18] Alinéa 26(l)d) de la Loi de l'impôt sur le revenu, L.R.C. 1948, ch. 52, qui a été ajouté par L.C. 1949, ch. 25, paragraphe 11(5).

[19] Stikeman, Income Tax Act, Annotated, 1958‑59, alinéa 27(1)e) et paragraphe 27(5).

[20] Stikeman, Income Tax Act, Annotated, 1963‑64, alinéa 27(l)e) et paragraphes 27(5) et 27(5a), pages 85 à 89.

[21] Débats de la Chambre des communes, 26e législature, 1re session, volume II, page 1049 (13 juin 1963).

[22] Canada Tax Service (Toronto, Richard De Boo), 17‑7‑68, pages 27 à 168.

[23] Canadian Tax Reporter (CCH Canadienne Ltée, 1970), 955‑3‑64, page 1579.

[24] Débats de la Chambre des communes, 26e législature, 1re session, volume III, page 3822 (16 octobre 1963).

[25] 73 D.T.C. 234 (Commission de révision de l'impôt), au paragraphe 13 (page 236).

[26] Débats de la Chambre des communes, 26e législature, 1re session, volume II, page 1049 (13 juin 1963); ibid., vol. III, page 2634 (23 juillet 1963).

[27] Stikeman, Income Tax Act, Annotated, 1973‑74, L.C. 1970‑71‑72, ch. 63, alinéa 111(1)a) et paragraphe 111(5), p. 284 à 287.

[28] Paragraphe 111(5) de la Loi de l'impôt sur le revenu (Canada), L.R.C. 1985, ch. 1 (5e supp.), qui a été ajouté par L.C. 1987, ch. 46, paragraphe 40(2).

[29] Paragraphe 256(5.1) de la Loi de l'impôt sur le revenu (Canada), L.R.C. 1985, ch. 1 (5e supp.), qui a été ajouté par L.C. 1988, ch. 55, paragraphe 192(3).

[30] Entré en vigueur le 21 mars 2013, conformément à la Loi no 2 sur le plan d'action économique de 2013, L.C. 2013, ch. 40 (la Loi modificative de 2013), article 94. Voir également Budget 2013, Mesures fiscales : Renseignements supplémentaires et notes explicatives, à la page 365.

[31] Paragraphe 27(5) de la Loi de l'impôt sur le revenu (Canada), L.R.C. 1952, ch. 148, qui a été ajouté par L.C. 1958, ch. 32, paragraphe 12(2).

[32] Paragraphe 111(5) de la Loi de l'impôt sur le revenu (Canada), L.R.C. 1970‑71‑72, ch. 63.

[33] David N. Finkelstein et Margaret Nixon, précité (note 15), à la page 33.

[34] Alinéa 111(l)a) de la Loi de l'impôt sur le revenu (Canada), L.R.C. 1970‑71‑72, ch. 63, qui a été ajouté par L.C. 1983‑84, ch. 1, paragraphe 54(1).

[35] Paragraphe 111(5) de la Loi de l'impôt sur le revenu (Canada), L.R.C. 1985, ch. 1 (5e supp.), qui a été ajouté par L.C. 1987, ch. 46, paragraphe 40(2).

[36] Alinéa 111(l)a) de la Loi de l'impôt sur le revenu (Canada), L.R.C. 1985, ch. 1 (5e supp.), qui a été ajouté par L.C. 2005, ch. 19, paragraphe 20(1), et L.C. 2006, ch. 4, paragraphe 57(1).

[37] Sous‑alinéa 111(5)a)(i) de la Loi.

[38] Sous‑alinéa 111(5)a)(ii) de la Loi.

[39] W.J. Strain, D.A. Dodge, V. Peters, Tax Simplification: The Elusive Goal, Report of the Proceedings of the Fortieth Tax Conference (1988), ACEF, page 4:l, aux pages 4:42-43.

[40] [1943] 1 All E.R. 13, [1943] A.C. 335 (Ch. des lords).

[41] Ibid., aux pages 339 et 340.

[42] [1947] C.T.C. 1, (1946) 2 D.T.C. 927 (Conseil privé).

[43] Ibid., à la page 10.

[44] [1965] 1 R.C.É. 299, [1964] C.T.C. 504, 64 D.T.C. 5301 (C. de l'É.) (Buckerfield's), au paragraphe 10.

[45] [1967] R.C.S. 223, aux pages 227 et 228.

[46] [1998] 1 R.C.S. 795, au paragraphe 35 (Duha CSC).

[47] Duha CAF, précité (note 8), au paragraphe 5.

[48] Strain, Dodge et al., précité (note 39), à la page 4:52.

[49] Ibid., à la page 4:53.

[50] Rapport du Comité technique de la fiscalité de l'entreprise (Ottawa, ministère des Finances, décembre 1997).

[51] Ibid., à la page 4.18.

[52] Ibid.

[53] OSFC Holdings, précité (note 8), aux paragraphes 85 à 98.

[54] Mathew, précité (note 8), au paragraphe 49.

[55] A. Nijhawan, When Is Loss Trading Permissible? A Purposive Analysis of Subsection 111(5), Report of the Proceedings of the Sixty‑Seventh Tax Conference (2015), Fondation canadienne de fiscalité, 9:1-26.

[56] Loi modifiant la Loi de l'impôt sur le revenu, le Régime de pensions du Canada, la Loi de 1971 sur l'assurance‑chômage, la Loi de 1977 sur les accords fiscaux entre le gouvernement fédéral et les provinces et sur les contributions fédérales en matière d'enseignement postsecondaire et de santé et certaines lois connexes, L.C. 1988, ch. 55, paragraphe 192(1) (la loi modificative de 1988).

[57] Loi modificative de 1988, au paragraphe 192(3).

[58] Voir le sous‑alinéa 40(2)e)(i), le sous‑alinéa 40(2)e)(ii), l'alinéa 40(2)h), l'alinéa 87(2)kk), les alinéas 256(l)a) à e) et le paragraphe 256(6) de la Loi, qui ont été ajoutés par les paragraphes 21(3), 21(4), 60(12), 192(1) et 192(4) de la loi modificative de 1988.

[59] Voir l'alinéa 69(6)c), l'alinéa 69(7)c), l'alinéa 89(l)f), l'alinéa 95(l)a), le paragraphe 186(1) et l'alinéa b) de la définition du terme « action privilégiée à terme » au paragraphe 248(1) de la Loi, qui ont été ajoutés par les paragraphes 48(1), 48(2), 62(4), 65(1), 151(1) et 188(8) de la loi modificative de 1988 respectivement.

[60] Voir les clauses 40(2)a)(ii)(A), (B) et (C) et l'alinéa 44(7)b) de la Loi, qui ont été ajoutés par les paragraphes 21(2) et 24(1) de la loi modificative de 1988 respectivement.

[61] Voir l'alinéa 256(1.2)c) de la Loi, qui a été ajouté par le paragraphe 192(1) de la loi modificative de 1988.

[62] Duha CSC, précité (note 46), au paragraphe 85.

[63] Ibid., au paragraphe 58.

[64] Ibid., au paragraphe 36.

[65] Ibid., au paragraphe 52.

[66] Cass R. Sunstein, « Problems with Rules » (1995), 83:4 Cal. L. Rev. 953, aux pages 972 à 974.

[67] Ibid., à la page 976.

[68] Ibid., à la page 977.

[69] Duha CSC, précité (note 46), aux paragraphes 36 et 37. La Cour suprême a conclu que, dans les circonstances de l'arrêt Duha, le contrôle réel découlait d'une convention unanime des actionnaires et non de la propriété des actions avec droit de vote : voir le paragraphe 70.

[70] Mathew, précité (note 8), au paragraphe 49.

[71] Duha CAF, précité (note 8), au paragraphe 5.

[72] Hypothèques Trustco, précité (note 1).

[73] Ibid., aux paragraphes 41 et 42.

[74] Mathew, précité (note 8), aux paragraphes 48 et 49.

[75] 2013 CCI 12, au paragraphe 14, conf. par 2014 CAF 267 (Lyrtech).

[76] Deans Knight, précité (note 7), au paragraphe 134.

[77] Ibid., au paragraphe 131.

[78] Ibid., au paragraphe 133.

[79] Ibid., au paragraphe 120.

[80] Duha CSC, précité (note 46), au paragraphe 70.

[81] 2013 CCI 86, au paragraphe 59.

[82] Hypothèques Trustco, précité (note 1), aux paragraphes 41 et 42.

[83] Deans Knight, précité (note 7), au paragraphe 134.

[84] Dans l'arrêt Duha, la Cour d'appel fédérale affirme que le paragraphe 111(5) enferme les pertes à l'intérieur des sociétés qui les ont produites afin d'empêcher le partage des pertes auquel pourraient donner lieu « des subterfuges contestables ».

[85] Deans Knight, précité (note 7), au paragraphe 139.

[86] Ibid., au paragraphe 147.

[87] Dans la décision Deans Knight, le juge Paris a pris en compte la question de savoir si le plan fiscal pouvait encore être mis en œuvre si le contribuable n'avait pas le contrôle véritable de la société.

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