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Dossier : 2017-1289(GST)G

ENTRE :

SOCIÉTÉ D'ASSURANCE DES ENTREPRISES NORTHBRIDGE,

appelante,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

Appel entendu les 28 et 29 septembre 2020, à Toronto (Ontario)

Devant : L'honorable juge David E. Graham


Comparutions :

Avocats de l'appelante :

Me Marie-Claude Marcil

Me David Douglas Robertson

Me Jasmine Jolin

Avocats de l'intimée :

Me Dan Daniels

Me Tanis Halpape

 

JUGEMENT

Les appels interjetés à l'encontre des nouvelles cotisations établies pour les périodes de déclaration de l'appelante allant du 1er janvier 2007 au 31 décembre 2016 sont rejetés.

Les parties disposent d'un délai de 30 jours pour parvenir à un accord sur les dépens, faute de quoi les parties disposeront d'un délai supplémentaire de 30 jours pour signifier et déposer leurs observations écrites sur les dépens. Chaque partie disposera ensuite d'un délai de 10 jours pour signifier et déposer une réponse par écrit. Ces observations ne doivent pas dépasser dix pages. Si les parties n'informent pas la Cour qu'elles sont parvenues à un accord et qu'il n'y a pas de dépôt d'observations dans les délais susmentionnés, chaque partie supportera ses propres dépens.

Signé à Ottawa, Canada, ce 4e jour de décembre 2020.

« David E. Graham »

Le juge Graham

 


Référence : 2020 CCI 132

Date : 20201204

Dossier : 2017-1289(GST)G

ENTRE :

SOCIÉTÉ D'ASSURANCE DES ENTREPRISES NORTHBRIDGE,

appelante,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.


[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

MOTIFS DU JUGEMENT

Le juge Graham

[1] L'appelante établit des polices d'assurance de parc automobile pour des sociétés de camionnage. Ces sociétés font rouler leurs véhicules tant au Canada qu'aux États‑Unis. Dans ses déclarations pour les périodes de déclaration allant du 1er janvier 2007 au 31 décembre 2016, l'appelante a demandé des crédits de taxe sur les intrants (« CTI ») à l'égard de ses activités. L'appelante a présenté ces demandes au motif qu'une partie de ses fournitures était détaxée. Le ministre du Revenu national a refusé ces CTI au motif que toutes les fournitures de l'appelante étaient des fournitures exonérées. L'appelante a fait appel de ce refus [1] .

[2] L'appel porte essentiellement sur une question d'interprétation légale. Les faits essentiels sont peu contestés. Les parties ont déposé un exposé conjoint partiel des faits détaillé, dont une copie est jointe à l'annexe « A » [2] . L'appelante a fait témoigner trois de ses employés [3] . J'ai jugé tous les témoins crédibles. L'intimée n'a fait appel à aucun témoin.

A. Les questions en litige

[3] Les questions soulevées dans le présent appel sont les suivantes :

a. L'appelante avait‑elle le droit de demander des crédits de taxe sur les intrants pour les périodes de déclaration en cause?

b. Dans l'affirmative, la méthode utilisée par l'appelante pour calculer les crédits de taxe sur les intrants était‑elle appropriée?

B. Le droit à des crédits de taxe sur les intrants

[4] L'appelante soutient qu'elle avait droit à des CTI durant les périodes de déclaration en cause parce qu'elle effectuait des fournitures détaxées et des fournitures exonérées. De son côté, l'intimée soutient que l'appelante n'effectuait que des fournitures exonérées et qu'elle n'avait donc pas droit à des CTI.

[5] La différence entre les positions des parties porte sur l'interprétation des dispositions sur les services financiers exportés à l'article 2 de la partie IX de l'annexe VI de la Loi sur la taxe d'accise (la « LTA »). Avant d'examiner ces dispositions, il est important d'examiner le fondement légal.

(i) L'appelante fournit des « services financiers »

[6] Les parties conviennent que l'appelante fournit des « services financiers ». L'appelante est un « assureur » qui souscrit des « polices d'assurance » (par. 123(1)). Une police d'assurance est un « effet financier » (par. 123(1)). La souscription d'un effet financier et le paiement d'une somme en règlement d'une réclamation découlant d'une police d'assurance sont des « services financiers » (par. 123(1)). Par conséquent, l'appelante fournit des services financiers.

(ii) L'appelante est une « institution financière »

[7] Les parties conviennent également que l'appelante est une institution financière. Un assureur dont l'entreprise principale consiste à offrir de l'assurance dans le cadre de polices d'assurance est une « institution financière » (par. 149(1)).

(iii) On peut demander des CTI à l'égard des fournitures détaxées

[8] L'appelante est un inscrit à la TPS. Le paragraphe 169(1) précise les CTI qu'un inscrit peut demander. L'alinéa c) de l'élément B de la formule figurant au paragraphe 169(1) énonce que l'appelante peut demander des CTI selon le pourcentage qui représente la mesure dans laquelle l'appelante a acquis un bien ou un service pour consommation, utilisation ou fourniture dans le cadre de ses activités commerciales.

[9] Les « activités commerciales » comprennent l'exploitation d'une entreprise, sauf dans la mesure où l'entreprise comporte la réalisation de fournitures exonérées (par. 123(1)). Par conséquent, si l'appelante n'avait effectué que des fournitures exonérées, elle n'aurait pas exercé d'activités commerciales et n'aurait pas droit à des CTI.

[10] Les « fournitures exonérées » sont les fournitures visées à l'annexe V de la LTA. Conformément à l'article 1 de la partie VII de l'annexe V, la fourniture d'un service financier est une fourniture exonérée, sauf si elle est une fourniture détaxée figurant à la partie IX de l'annexe VI.

[11] Si l'appelante a effectué des fournitures figurant à la partie IX de l'annexe VI, elle a exercé des activités commerciales et a droit à des CTI dans la mesure où elle a acquis un bien ou un service pour consommation, utilisation ou fourniture dans le cadre de ses activités commerciales. La question est donc de savoir si l'appelante a effectué des fournitures détaxées selon la partie IX de l'annexe VI. Il s'agit là d'une question d'interprétation légale.

(iv) Fournitures d'assurance détaxées

[12] L'article 2 de la partie IX de l'annexe VI traite des fournitures d'assurance détaxées. La disposition qui s'applique au présent appel est l'alinéa 2d). L'article 2 est rédigé comme suit :

2. La fourniture par une institution financière d'un service financier lié à une police d'assurance établie par l'institution, à l'exception d'un service lié aux placements de l'institution, dans la mesure où :

a) s'agissant d'une police d'assurance‑vie, d'assurance‑accident ou d'assurance‑maladie (sauf une police collective), la police est établie au titre d'un particulier qui, au moment de l'entrée en vigueur de la police, est un particulier non résidant;

b) s'agissant d'une police collective d'assurance‑vie, d'assurance‑accident ou d'assurance‑maladie, la police concerne des particuliers non résidants qui sont assurés aux termes de la police;

c) s'agissant d'une police visant un immeuble, la police concerne un immeuble situé à l'étranger;

d) s'agissant d'un autre type de police, la police concerne des risques qui sont habituellement situés à l'étranger.

[Non souligné dans l'original.]

[13] Comme l'appelante est une institution financière et qu'elle fournit des services financiers liés à des polices d'assurance qu'elle établit, elle effectue des fournitures détaxées dans la mesure où ses polices concernent des « risques qui sont habituellement situés à l'étranger ».

(v) Une fourniture unique à la fois exonérée et détaxée

[14] L'article 2 est une disposition inhabituelle. Habituellement, les fournitures sont soit détaxées, soit exonérées. Elles ne sont pas en partie détaxées et en partie exonérées. L'article 2 constitue une exception à cette règle. Il dispose qu'une fourniture d'une police d'assurance qui serait par ailleurs une fourniture exonérée peut être classée comme une fourniture détaxée « dans la mesure où » l'une des quatre conditions énoncées aux alinéas 2a) à 2d) est remplie. Cela signifie que « dans la mesure où » la police ne satisfait pas à ces conditions, elle reste une fourniture exonérée. Ainsi, la fourniture d'une même police d'assurance pourrait, par exemple, être détaxée à 45 % et exonérée à 55 %.

[15] Parce que l'article 2 est tellement inhabituel, je crois qu'il est important de souligner deux choses qu'il ne prévoit pas.

a) Fournitures réputées distinctes : Certains articles de la LTA disposent qu'une fourniture unique est réputée être deux ou plusieurs fournitures distinctes [4] . Ce n'est pas ce que prévoit l'article 2. Lorsque l'article 2 s'applique, il n'y a qu'une seule fourniture.

b) Fourniture unique par opposition à fournitures multiples : Il arrive que des inscrits effectuent une fourniture groupée de plus d'un service et que la Cour doive déterminer si la fourniture constituait une fourniture unique de l'ensemble des services ou plusieurs fournitures distinctes de ces services [5] . Si la Cour conclut qu'il s'agit de plusieurs fournitures distinctes, chacune de ces fournitures distinctes est imposable, exonérée ou détaxée. Ce n'est pas ce que prévoit l'article 2. Chaque police est une fourniture distincte. La classification s'applique à cette fourniture distincte.

[16] Parce que les fournitures exonérées ne sont pas assujetties à la TPS et que les fournitures détaxées y sont assujetties à un taux nul (par. 165(3)), le fait que la fourniture soit classée comme étant à la fois exonérée et détaxée au titre de l'article 2 n'a aucune incidence sur la perception de la TPS. Cela a cependant des conséquences importantes sur les CTI.

[17] Si une institution financière paie la TPS pour un bien ou un service acquis dans le cadre de la fourniture d'une police d'assurance, le paragraphe 169(1) l'autorise à demander des CTI dans la mesure où elle l'a acquis pour consommation, utilisation ou fourniture dans le cadre de ses activités commerciales. Il est important de souligner que le terme « mesure » au paragraphe 169(1) n'a pas nécessairement le même sens que le terme « mesure » à l'article 2. Le terme « mesure » à l'article 2 renvoie à la mesure dans laquelle une fourniture donnée est détaxée. Tant que cette « mesure » est supérieure à zéro, l'inscrit a droit à des CTI pour la fourniture. Le terme « mesure » au paragraphe 169(1) renvoie à la mesure dans laquelle un bien ou un service donné est acquis pour consommation, utilisation ou fourniture dans le cadre d'une activité commerciale. Cette « mesure » détermine le pourcentage de la TPS payée pour acquérir un bien ou un service pouvant être réclamé à titre de CTI. Dans l'exemple qui précède, bien que 45 % de la fourniture était détaxée, un bien ou un service peut avoir été acquis à 100 %, à 60 %, à 25 % ou même à 0 % pour consommation, utilisation ou fourniture dans le cadre de la réalisation de la partie détaxée de la fourniture.

[18] Dans le présent appel, dans la mesure où une police d'assurance concerne des risques qui sont habituellement situés à l'étranger, cette partie de la fourniture sera considérée comme une fourniture détaxée, et l'appelante aura le droit de demander des CTI à l'égard de cette partie. C'est seulement si l'appelante franchit ce premier obstacle que je devrai déterminer la mesure dans laquelle l'appelante peut demander ces CTI au titre du paragraphe 169(1).

(vi) Interprétation légale

[19] La question de savoir si une partie des fournitures de l'appelante est détaxée repose sur le sens de l'expression « concerne des risques qui sont habituellement situés à l'étranger » à l'alinéa 2d). Les parties ont des points de vue très différents sur le sens de cette expression. Il est nécessaire d'effectuer une analyse textuelle, contextuelle et téléologique de son sens.

(vii) Analyse textuelle

[20] L'analyse textuelle comporte deux principaux éléments. Le premier est le terme « risques ». Le second est l'expression « habituellement situés ». La LTA ne définit ni l'un ni l'autre.

Le terme « risques »

[21] L'assurance comporte deux éléments : l'objet de l'assurance et le risque ou le péril contre lequel l'objet est assuré. Si un assureur établit une police d'assurance contre le vol d'un tableau, le risque ou le péril est le vol et l'objet de l'assurance est le tableau. Si un assureur établit une police d'assurance‑vie, le risque est le décès et l'objet de l'assurance est la personne dont la vie est assurée. Il arrive parfois qu'une police d'assurance ait plus d'un objet et couvre plus d'un risque. Si, comme c'est le cas pour l'appelante, un assureur établit une police d'assurance‑automobile, [TRADUCTION] « les objets assurés comprennent le propriétaire, le conducteur et les passagers de l'automobile, ainsi que l'automobile et son contenu, tandis que les risques ou périls assurés comprennent la perte, les dommages, les blessures ou le décès, la responsabilité juridique, le vol, le vandalisme et l'incendie » [6] .

[22] Dans le cas de l'assurance, le terme « risque » peut avoir trois sens différents :

a) Objet : Le terme « risque » peut se rapporter à l'objet de l'assurance. Le dictionnaire Merriam‑Webster définit le terme « risk » (risque) ainsi : [TRADUCTION] « personne ou chose pouvant faire l'objet d'un sinistre » [7] . Pour sa part, le dictionnaire Black's Law Dictionary donne la définition suivante : [TRADUCTION] « personne ou chose visée par la police d'assurance » [8] .

b) Péril : Le terme « risque » peut aussi renvoyer au péril visé. Le dictionnaire Merriam‑Webster définit aussi le terme « risk » (risque) ainsi : [TRADUCTION] « un péril visé par l'assurance découlant d'une cause ou d'une source précisée » [9] , et le dictionnaire Black's Law Dictionary le définit aussi ainsi : [TRADUCTION] « un péril provenant d'une source précisée » [10] .

c) La probabilité que l'objet assuré fasse l'objet du péril : Enfin, le terme « risque » peut faire référence à la probabilité que l'objet assuré fasse l'objet du péril. Le dictionnaire Merriam‑Webster définit aussi le terme « risk » (risque) ainsi : [TRADUCTION] « la vraisemblance que le péril se produira à l'objet assuré » [11] , et le dictionnaire Black's Law Dictionary définit aussi le terme ainsi : [TRADUCTION] « la vraisemblance ou la probabilité que le péril se produise à l'égard de l'objet assuré » [12] .

[23] L'appelante m'a présenté un extrait d'un ouvrage sur le droit des assurances dans lequel le terme « risque » est utilisé dans son troisième sens. Le risque y est décrit comme une combinaison du péril couvert et de l'objet de l'assurance [13] .

[TRADUCTION]

Dans le langage des assurances, le risque comporte deux variables distinctes, à savoir l'objet de l'assurance et le péril visé. L'ampleur du risque transféré à l'assureur dépend du rapport entre ces deux variables. L'objet assuré est la personne ou la chose visée par le contrat, c'est‑à‑dire la personne ou le bien devant subir une perte ou un préjudice pour que l'assureur verse l'indemnité. Le péril assuré est l'événement incertain qui cause les pertes ou le préjudice à l'objet assuré, c'est‑à‑dire le péril devant se produire pour que l'assureur verse l'indemnité.

[Non souligné dans l'original.]

[24] À titre de comparaison, dans la définition du terme « assurance » de la Loi sur les assurances de l'Ontario, le législateur utilise le terme « risque » dans le sens de péril [14] :

« assurance » Engagement par une personne envers une autre de l'indemniser de tout sinistre ou de la dégager de toute responsabilité du fait d'un sinistre relativement à un risque ou à un péril déterminé auquel l'objet assuré peut être exposé, ou de verser une somme d'argent ou toute autre chose de valeur lorsqu'un certain événement se produit. Le terme s'entend, en outre, de l'assurance‑vie.

[Non souligné dans l'original.]

[25] Les lois sur l'assurance de la Colombie‑Britannique, de l'Alberta, de la Saskatchewan, du Manitoba, de Terre‑Neuve‑et‑Labrador, de la Nouvelle‑Écosse et de l'Île‑du‑Prince‑Édouard utilisent des définitions semblables [15] .

[26] Si on peut utiliser le terme « risques » dans trois sens dans le monde de l'assurance, alors quel est le sens utilisé par le législateur à l'alinéa 2d)? L'intimée soutient que, dans cet alinéa, le terme « risques » signifie l'objet de l'assurance. De son côté, l'appelante fait valoir que ce terme indique le péril assuré. Je conclus que, du point de vue textuel, ce terme signifie soit l'objet de l'assurance, soit la probabilité que l'objet de l'assurance fasse l'objet du péril. Il ne signifie pas le péril assuré.

[27] Lorsque le terme « risques » apparaît dans l'expression « des risques qui sont habituellement situés à l'étranger », il devient évident qu'il ne peut vouloir dire « péril assuré ». Comment savoir où sont habituellement situés les risques assurés sans renvoyer à l'objet de l'assurance? Prenons l'exemple d'une compagnie d'assurance qui assure un tableau contre le vol. Si le terme « risque » signifie simplement le risque de vol, alors comment déterminer si le vol est habituellement situé à l'étranger? Malheureusement, le vol est universel. Il ne se situe nulle part.

[28] Les deux autres sens du terme « risque » sont compatibles avec l'expression « des risques qui sont habituellement situés à l'étranger ». On pourrait facilement déterminer si une police porte sur des objets habituellement situés à l'étranger. Dans l'exemple qui précède, le risque de vol est partout, mais le tableau lui‑même se trouve habituellement quelque part.

[29] De même, on pourrait déterminer si une police vise la probabilité que l'objet assuré qui se trouve à l'étranger fasse l'objet du péril. Bien qu'il puisse être plus difficile de déterminer où une probabilité est habituellement située, on pourrait toujours y parvenir. Il est évident que la probabilité qu'un tableau qui se trouve toujours en Égypte soit volé est un risque habituellement situé à l'étranger.

[30] L'appelante fait valoir qu'on peut déterminer si un péril est situé à l'étranger en examinant les réclamations antérieures faites auprès de l'assureur et les endroits où les sinistres se sont produits. Elle affirme que, si 25 % des réclamations antérieures auprès d'un assureur découlent de sinistres à l'étranger, 25 % des périls sont habituellement situés à l'étranger et 75 % des périls sont habituellement situés au Canada. Cette interprétation comporte deux lacunes.

[31] La première lacune tient au fait que l'interprétation fait abstraction du terme « habituellement ». Ce terme exige qu'on fasse une certaine comparaison. Peu importe si le terme « habituellement » signifie normalement ou généralement, il faut comparer au moins deux situations possibles pour déterminer laquelle se produit normalement ou généralement. L'interprétation de l'appelante élimine cette comparaison et demande simplement où le péril est situé. L'appelante voudrait que je conclue que tous les périls situés à l'étranger sont situés à l'étranger et que tous les périls situés au Canada sont situés au Canada. Cette conclusion ne comporte aucune comparaison. Il s'agit simplement d'un énoncé de fait. Le fait d'interpréter le terme « risque » de cette façon rendrait superflu le terme « habituellement ». Le législateur ne parle pas pour ne rien dire. Le terme « habituellement » est là pour une raison et il faut lui donner un sens [16] .

[32] La deuxième lacune de l'interprétation de l'appelante est qu'elle ne tient pas compte de l'exigence voulant que chaque fourniture distincte d'une police d'assurance soit classée comme une fourniture exonérée, détaxée, ou exonérée en partie et détaxée en partie. Cette classification repose sur les caractéristiques propres de chaque fourniture, et non sur les caractéristiques historiques globales des fournitures de l'assureur. Si l'historique d'une compagnie d'assurance comporte de nombreuses réclamations liées au vol en Nouvelle‑Zélande, quelle pertinence cela pourrait‑il avoir pour déterminer la nature de la fourniture d'une police qui assure une sculpture qui repose dans un jardin au Canada? Il n'y a aucun risque que la sculpture soit volée en Nouvelle‑Zélande si elle n'est jamais en Nouvelle‑Zélande. Le risque de vol est entièrement situé au Canada parce que la sculpture est toujours située au Canada.

[33] L'appelante soutient également que l'expression « dans la mesure où » au début de l'article 2 étaye son interprétation du terme « risques ». Elle affirme que, selon cette expression, il faut établir une répartition; on doit donc répartir les périls situés à l'étranger et ceux situés au Canada. Je ne suis pas de cet avis. Il n'est pas nécessaire de se servir de l'interprétation de l'appelante pour donner un sens à cette expression. Le sens de cette expression est déjà clair et logique selon les deux interprétations du terme « risque ».

[34] Les deux autres interprétations exigent clairement qu'on établisse une répartition. Selon ces deux interprétations, la répartition d'une fourniture donnée entre fourniture exonérée et fourniture détaxée est effectuée selon l'objet. Prenons l'exemple d'une seule police d'assurance qui assure onze tableaux contre le vol. Si le terme « risques » signifie les objets de l'assurance, on examine alors où chaque tableau est habituellement situé. Si deux des tableaux sont habituellement situés à l'étranger et que les neuf autres sont habituellement situés au Canada, l'assureur traite la fourniture de la police comme une fourniture détaxée « dans la mesure où » la fourniture vise les deux tableaux, et comme une fourniture exonérée « dans la mesure où » la fourniture vise les neuf autres tableaux.

[35] De la même façon, si le terme « risques » signifie la probabilité que l'objet assuré fasse l'objet du péril, on examine alors où le risque de vol de chacun des tableaux est habituellement situé. Si le risque de vol de trois tableaux est habituellement situé à l'étranger et que le risque de vol des six autres tableaux est habituellement situé au Canada, l'assureur traite la fourniture de la police comme une fourniture détaxée « dans la mesure où » la fourniture vise les trois tableaux, et comme une fourniture exonérée « dans la mesure où » la fourniture vise les six autres tableaux.

Le terme « habituellement situé »

[36] Comme je l'ai mentionné précédemment, l'interprétation faite par l'appelante du terme « risques » m'obligerait à retrancher le terme « habituellement » de l'expression « habituellement situés ». Comme je ne suis pas disposé à le faire, je dois déterminer ce que signifie l'expression.

[37] L'intimée indique que l'expression « habituellement situés » signifie « normalement ou généralement situés ». Je suis du même avis. Cela dit, le libellé lui‑même ne m'informe pas de la façon dont je dois déterminer où les risques sont normalement ou généralement situés.

Conclusion textuelle

[38] Compte tenu de tout ce qui précède, je conclus que le libellé de l'alinéa 2d) est ambigu. Le terme « risques » peut signifier soit les objets de l'assurance, soit la probabilité que les objets assurés fassent l'objet du péril. Il ne signifie toutefois pas les périls visés par l'assurance.

[39] L'expression « habituellement situés » signifie « normalement ou généralement situés », mais la façon doit je dois décider où les risques sont normalement ou généralement situés n'est pas évidente.

(viii) Analyse contextuelle

[40] Je procéderai maintenant à l'analyse contextuelle. J'examinerai d'abord les autres alinéas de l'article 2, puis la façon dont l'expression « habituellement situés » est employée ailleurs dans la LTA.

[41] Le contexte principal de l'alinéa 2d) est l'article 2 lui‑même. Comme il est indiqué précédemment, l'alinéa 2d) est une disposition fourre‑tout qui vise les polices d'assurance qui ne figurent pas aux alinéas 2a) à 2c).

[42] L'alinéa 2a) vise les polices d'assurance‑vie, d'assurance‑accident ou d'assurance‑maladie, autres que les polices collectives. La fourniture de ces types de polices est détaxée dans la mesure où la police est établie au titre d'un particulier qui, au moment de l'entrée en vigueur de la police, est un particulier non résidant.

[43] L'alinéa 2b) vise les polices collectives d'assurance‑vie, d'assurance‑accident ou d'assurance‑maladie. La fourniture de ces types de polices est détaxée dans la mesure où la police concerne des particuliers non résidants qui sont assurés aux termes de la police.

[44] L'alinéa 2c) porte sur les polices visant un immeuble. La fourniture de ces types de polices est détaxée dans la mesure où la police concerne un immeuble situé à l'étranger.

Les « risques » sont les objets

[45] Les alinéas 2a) à 2c) fournissent des éclaircissements très utiles sur l'ambiguïté textuelle du terme « risques ». Ils étayent fortement l'observation de l'intimée voulant que le terme « risques » signifie les objets de l'assurance. Ces trois alinéas portent sur les objets de l'assurance. Aucun de ces alinéas ne fait référence aux périls visés par l'assurance.

[46] L'alinéa 2c) porte entièrement sur l'immeuble assuré. Les alinéas 2a) et 2b) portent sur les particuliers assurés. Il n'est aucunement fait mention des probabilités que le péril se produise. Aux termes de l'alinéa 2a), si le particulier est un résident au moment de l'entrée en vigueur de la police d'assurance‑vie, la fourniture de la police sera une fourniture exonérée. Cela est vrai même s'il est plus vraisemblable que le particulier décédera à l'étranger plutôt qu'au Canada.

Les réclamations antérieures sont sans pertinence

[47] Selon les alinéas 2a) à 2c), on détermine si une police d'assurance donnée est exonérée ou détaxée selon les caractéristiques de l'objet de l'assurance au moment de la fourniture. Je ne trouve rien dans ces alinéas qui m'oblige à examiner si l'assureur a un historique de réclamations à l'étranger.

[48] Les endroits où d'autres particuliers assurés par la même compagnie sont décédés sont sans pertinence quant à la classification des polices aux termes des alinéas 2a) et 2b). De même, les endroits où d'autres particuliers, ou même les particuliers assurés, sont devenus malades ou ont été victimes d'un accident sont sans pertinence quant à la classification des polices aux termes de ces alinéas.

[49] De même, selon l'alinéa 2c), le fait que l'assureur ait reçu de nombreuses demandes d'indemnisation pour des incendies à des habitations en Californie n'a aucune incidence sur la classification de la police d'assurance‑incendie établie relativement à une habitation située au Yukon. Tout ce qui compte est l'endroit où l'habitation est située.

[50] Le fait qu'aucun de ces alinéas ne tienne compte de l'historique des réclamations de l'assureur renforce ma conclusion selon laquelle l'interprétation offerte par l'appelante est erronée.

Critère multifactoriel

[51] Il est révélateur qu'aux alinéas 2a) et 2b), on utilise la résidence du particulier comme facteur déterminant de la classification de la police. La question de savoir si un particulier réside ou non au Canada est une autre façon de demander où cette personne est habituellement située. On ne détermine pas la résidence d'un particulier simplement par son emplacement physique principal. On utilise un critère multifactoriel pour examiner tous les liens du particulier avec un pays. En raison de ce critère multifactoriel, un particulier qui s'absente du Canada pour toute l'année peut néanmoins demeurer résident canadien.

[52] L'utilisation d'un critère multifactoriel aux alinéas 2a) et 2b) donne fortement à penser que, pour déterminer si les objets d'une police d'assurance sont habituellement situés à l'étranger, je devrais examiner différents facteurs pour comprendre la façon dont les objets sont liés au Canada.

Répartition selon chacun des objets

[53] Les alinéas 2a) à 2c) étayent l'idée selon laquelle la fourniture d'une police d'assurance doit être divisée en partie exonérée et en partie détaxée, selon chacun des objets. Si une police d'assurance‑vie sur deux têtes payable au premier décès est établie à deux frères ou à deux soeurs, dont l'un est un résident et l'autre est un non‑résident, l'alinéa 2a) traite la fourniture de la police comme une fourniture exonérée dans la mesure où elle est établie au titre du frère ou de la soeur qui est résident (un objet de l'assurance) et comme une fourniture détaxée dans la mesure où elle est établie au titre du frère ou de la soeur qui est non‑résident (l'autre objet de l'assurance). Si une société dont les employés se trouvent tant au Canada qu'à l'étranger a une police d'assurance‑vie et d'assurance‑maladie collective, l'alinéa 2b) traite la fourniture de la police comme une fourniture exonérée dans la mesure où elle concerne les employés qui sont résidents (certains objets de l'assurance) et comme une fourniture détaxée dans la mesure où elle concerne les employés qui sont non‑résidents (d'autres objets de l'assurance). Enfin, si un particulier possède des habitations au Canada et en Inde et qu'il assure ces habitations aux termes d'une police d'assurance‑immeuble unique, l'alinéa 2c) traite la fourniture de la police comme une fourniture exonérée dans la mesure où elle concerne l'habitation au Canada (l'un des objets de l'assurance) et comme une fourniture détaxée dans la mesure où elle concerne l'habitation en Inde (l'autre objet de l'assurance).

[54] Le fait que les alinéas 2a) à 2c) établissent une répartition entre les fournitures exonérées et les fournitures détaxées selon chacun des objets appuie fortement l'hypothèse selon laquelle il faut faire une répartition semblable selon l'alinéa 2d).

L'expression « habituellement situés » par opposition à l'expression « situé »

[55] L'alinéa 2c) emploi le terme « situé » plutôt que l'expression « habituellement situés ». Comme un immeuble ne peut pas bouger, il n'est guère surprenant que le terme « habituellement » ne soit pas mentionné à l'alinéa 2c). L'absence du terme à l'alinéa 2c) indique néanmoins que sa présence dans l'alinéa 2d) est délibérée et qu'il faut lui donner un sens.

Habituellement situés

[56] L'expression « habituellement situé » ou « habituellement situés » est employée à quelques autres occasions dans la LTA [17] . Chaque fois que l'expression est employée, elle renvoie à un bien meuble corporel. L'appelante soutient que, si le législateur avait voulu que le terme « risques » signifie les objets assurés, il aurait créé un alinéa distinct pour préciser qu'il faisait référence aux biens meubles corporels. Je ne suis pas de cet avis.

[57] Si le terme « risques » signifie les objets d'une police d'assurance, il signifie alors tous les objets, et non seulement les biens meubles corporels. Ce terme s'entend des objets des polices d'assurance, notamment les biens incorporels, la responsabilité des administrateurs, la responsabilité générale, les pertes d'exploitation, et ainsi de suite. Il aurait été inutile que le législateur insère un alinéa distinct visant les biens meubles corporels, puisque ces biens sont déjà visés par les dispositions générales de l'alinéa 2d).

Conclusion contextuelle

[58] En résumé, je conclus que l'analyse contextuelle confirme que l'interprétation offerte par l'appelante est erronée. Plus important encore, elle résout l'ambiguïté textuelle du terme « risques ». Elle précise que le terme « risques » signifie les objets de l'assurance. Elle confirme également que la répartition d'une fourniture donnée entre fourniture exonérée et fourniture détaxée doit être effectuée selon chacun des objets. Enfin, elle laisse penser qu'il convient d'adopter une approche multifactorielle lors de l'examen de la question de savoir où ces objets sont habituellement situés.

ix) Analyse téléologique

[59] L'appelante se fonde sur le document « Taxe sur les produits et services : document technique » d'août 1989 et sur le document « Taxe sur les produits et services » du ministère des Finances du 19 décembre 1989 pour soutenir que le législateur voulait que le terme « risques » signifie « périls ». Avec égards, ces documents ne fournissent aucun éclaircissement sur la question. Ils ne portent que sur l'emplacement du risque. Bien que cela puisse indiquer que le terme « situés » signifie « se trouver », cela n'apporte aucun éclaircissement sur le sens du terme « risques ».

[60] Selon l'appelante, la raison pour laquelle certains services financiers sont détaxés est d'assurer que les institutions financières canadiennes ne soient pas désavantagées lorsqu'elles entrent en concurrence avec des institutions financières étrangères pour effectuer ces fournitures. Les institutions financières canadiennes paient de la TPS sur une grande partie de leurs intrants, ce qui augmente leurs frais d'exploitation et peut les rendre moins concurrentielles sur le marché international. Le fait de traiter les services financiers dont l'objet est à l'étranger comme des fournitures détaxées permet aux institutions financières de récupérer certains de ces coûts et d'être donc plus concurrentielles à l'échelle internationale. Je conviens qu'il s'agit là de l'une des principales raisons pour lesquelles les services financiers sont détaxés [18] . Selon l'appelante, l'interprétation de l'intimée va à l'encontre de cet objectif. Je ne suis pas de cet avis.

[61] Prenons l'exemple d'un assureur canadien qui établit une police assurant huit pièces de monnaie rares. Si deux de ces pièces sont habituellement situées à l'étranger et que les six autres sont habituellement situées au Canada, la fourniture sera détaxée pour ce qui est des deux pièces et exonérée pour ce qui est des six autres pièces. L'assureur canadien pourra demander des CTI dans la mesure où il a acquis des biens ou des services pour consommation ou utilisation dans le cadre de la fourniture d'assurance à l'égard de ces deux pièces. Par conséquent, ses coûts d'exploitation seront réduits. L'objectif voulant que l'assureur canadien puisse soutenir la concurrence à égalité avec des assureurs étrangers qui tentent d'assurer ces mêmes deux pièces de monnaie a été atteint grâce à ces répartitions.

[62] L'appelante ne prétend pas que les alinéas 2a) à 2c) vont à l'encontre de l'objectif de la détaxation des services financiers exportés. Pourtant, ces alinéas jouent exactement le même rôle que l'alinéa 2d). Un assureur canadien qui lutte pour fournir une police d'assurance-vie à un non-résident est avantagé du fait que cette fourniture est détaxée et que ses coûts sont réduits en conséquence. Il en va de même pour un assureur canadien qui cherche à fournir une police d'assurance‑accident collective à des non‑résidents ou une police visant un immeuble situé à l'étranger.

[63] En fait, l'interprétation de l'appelante pourrait entraîner un abus de l'objectif même que l'appelante prétend vouloir protéger. Par exemple, supposons que deux assureurs canadiens différents se font concurrence pour assurer une collection de timbres‑poste appartenant à un musée canadien. Les timbres ne quittent jamais le Canada. Le premier assureur a déjà eu de nombreuses réclamations pour des vols survenus à l'étranger. Dans le passé, 70 % de ses indemnités ont été versées à l'égard de telles réclamations. Le deuxième assureur n'a jamais versé d'indemnité à l'égard d'un vol survenu à l'étranger. Si le terme « risques » signifie l'objet de l'assurance, alors les deux assureurs effectueraient une fourniture exonérée puisque les timbres sont habituellement situés au Canada. Aucun des assureurs n'aurait droit aux CTI à l'égard des biens ou des services acquis pour consommation ou utilisation dans le cadre de la fourniture. Ils seraient à armes égales. En revanche, selon l'interprétation de l'appelante, en raison du fait que le premier assureur a eu des pertes à l'étranger, 70 % de sa fourniture serait détaxée. Toutefois, comme le deuxième assureur a des antécédents différents, l'ensemble de sa fourniture serait exonéré. Le premier assureur bénéficierait d'un avantage concurrentiel parce qu'il pourrait demander des CTI à l'égard des biens et des services qu'il a acquis pour fournir 70 % de la fourniture en question. Il fonderait sa demande de CTI sur le fait qu'il exportait des services financiers, même si la fourniture était une fourniture effectuée par un assureur canadien à un consommateur canadien concernant des biens situés exclusivement au Canada. On aurait abusé de la détaxation des services financiers exportés.

[64] L'appelante soutient également que le fait d'exiger qu'un assureur détermine la classification de chacune de ses polices selon son objet serait un fardeau administratif et que le législateur ne peut avoir eu l'intention d'imposer un tel fardeau. Je ne suis pas de cet avis.

[65] Je ne vois rien d'inhabituel au fardeau administratif qu'impose l'article 2 aux institutions financières. Il s'agit exactement du même fardeau que la LTA impose à chaque inscrit. Les inscrits ne peuvent simplement facturer la TPS selon les moyennes antérieures. Ils doivent classer chaque bien ou service vendu comme imposable ou exonéré.

[66] Quoi qu'il en soit, la classification selon chacun des objets est en fait une approche très pratique. Prenons l'exemple d'un particulier qui souhaite assurer sept colliers sertis de diamants, dont six se trouvent au Canada et un au Pérou. Si l'article 2 était rédigé de manière à punir l'assureur qui assure tous les colliers aux termes de la même police, l'assureur établirait simplement deux polices distinctes, une pour les colliers au Canada et l'autre pour le collier au Pérou. L'assureur classerait la première police comme une fourniture exonérée et la seconde comme une fourniture détaxée. La détermination selon l'objet prévue à l'article 2 facilite les choses pour l'assureur en garantissant que l'endroit où se trouvent les six colliers ne compromet pas le statut de fourniture détaxée de la couverture du septième collier. L'assureur suit le même processus de classement, mais évite l'inconvénient de devoir établir une deuxième police.

[67] En outre, si on devait avancer un argument fondé sur les politiques générales pour interpréter l'article 2 de manière à ce que les assureurs puissent l'appliquer facilement, l'argument favoriserait l'interprétation du terme « risques » comme signifiant l'objet de l'assurance. Il est impossible de déterminer où un péril est habituellement situé. Il peut être difficile de déterminer où est habituellement située la probabilité que l'objet de l'assurance fasse l'objet du péril. En général, il devrait être facile de déterminer où l'objet de l'assurance est habituellement situé.

[68] En résumé, l'analyse téléologique ne révèle aucune ambiguïté sous-jacente dans le libellé de l'alinéa 2d). Au contraire, cette analyse démontre que l'interprétation textuelle et contextuelle de l'alinéa 2d) par l'intimée appuie l'objet de cette disposition.

(x) Sens de l'expression « concerne des risques qui sont habituellement situés à l'étranger »

[69] Compte tenu de l'analyse textuelle, contextuelle et téléologique qui précède, je conclus que le terme « risques » signifie l'objet d'une police d'assurance. Selon l'alinéa 2d), la fourniture d'une police d'assurance est détaxée dans la mesure où l'objet est habituellement situé à l'étranger. J'estime qu'il convient d'adopter une approche multifactorielle pour décider où l'objet est habituellement situé. Si la police assure plus d'un objet, toute répartition de la fourniture de cette police en parties exonérées et en parties détaxées doit se faire selon chacun des objets.

(xi) Application de ce sens aux fournitures de l'appelante

[70] L'appelante offre de l'assurance de parc automobile à des sociétés de camionnage. Les véhicules assurés circulent tant au Canada qu'aux États‑Unis.

[71] L'appelante a effectué une analyse historique des paiements d'indemnités à l'égard de ses polices d'assurance et a conclu que 33,3 % de ces paiements concernaient des périls survenus aux États‑Unis. Selon son interprétation de l'article 2 et cette analyse historique, l'appelante a soutenu que 33,3 % de ses fournitures étaient détaxées.

[72] L'appelante a adopté une mauvaise approche. Sa répartition entre fournitures exonérées et fournitures détaxées a été effectuée sur une base globale. Comme je l'ai déjà expliqué, l'article 2 est un article très particulier en application duquel la répartition est effectuée à l'égard d'une fourniture donnée selon chaque objet. L'appelante aurait dû procéder à une répartition distincte pour chaque police selon chacun des véhicules couverts par cette police.

[73] Tous les éléments de preuve présentés à l'audience étaient une preuve globale. On ne m'a présenté aucun élément de preuve précis concernant les polices précises en cause, et encore moins de preuve concernant les véhicules couverts par ces polices. Sans ces éléments de preuve, il m'est impossible de déterminer si la fourniture d'une police donnée était partiellement détaxée. L'absence d'éléments de preuve est un motif suffisant pour que je rejette les appels, ce que je fais pour ce motif.

[74] Cela dit, les parties ont fait beaucoup d'efforts pour établir le fondement factuel du présent appel et pour appliquer ce qu'elles pensaient être les règles de droit pertinentes à ces faits. L'appelante continue d'exploiter la même entreprise et souhaiterait sans aucun doute mieux comprendre sa situation fiscale à l'avenir. Dans les circonstances, il me semble approprié de donner certaines indications sur la façon dont j'aurais appliqué l'article 2 si j'avais été saisi des éléments de preuve pertinents.

[75] En supposant que les éléments de preuve dont je suis saisi représentent ce qu'aurait été la preuve à l'égard de chacune des polices, j'aurais conclu que ces polices concernaient des risques habituellement situés au Canada, que la fourniture de chaque police était une fourniture entièrement exonérée et que, par conséquent, les appels devraient être rejetés.

[76] J'aurais commencé mon analyse en examinant les objets de l'assurance (c.‑à‑d. les véhicules). J'aurais porté mon attention tant sur le nombre de jours que chaque véhicule passait à l'étranger que sur le pourcentage de kilomètres parcourus par chaque véhicule à l'étranger.

[77] J'aurais conclu que le fait que les véhicules étaient tous assurés selon les conditions types d'assurance‑automobile de l'Ontario était un facteur pertinent. Je n'aurais toutefois pas jugé pertinent que l'appelante est un assureur canadien.

[78] Peu d'éléments de preuve ont été présentés sur les points suivants, mais si une telle preuve avait été présentée, j'aurais conclu à sa pertinence : le ressort où étaient établis les propriétaires des parcs automobiles, l'endroit où était effectué l'entretien régulier des véhicules, le ressort qui avait remis les permis de conduire aux conducteurs ainsi que l'endroit où les véhicules étaient entreposés lorsqu'ils n'étaient pas utilisés.

[79] J'aurais pu également tenir compte de la raison pour laquelle les véhicules quittaient le Canada. Par exemple, il me semble qu'un véhicule qui quitte le Canada pour prendre une cargaison à Detroit et la livrer à Seattle a un lien de type différent avec les États‑Unis qu'un véhicule qui ramasse une cargaison à Toronto pour la livrer à Calgary, mais qui passe par les États‑Unis afin d'éviter le long trajet du côté nord du lac Supérieur.

[80] Les parties avaient des opinions très différentes sur la question de savoir si je devrais tenir compte du ressort où les véhicules étaient immatriculés. J'aurais accordé un certain poids à ce facteur. Je reconnais que les véhicules immatriculés dans un ressort donné peuvent circuler partout au Canada et aux États‑Unis. Je reconnais également que, selon le Plan international d'immatriculation [19] , les droits d'immatriculation sont partagés entre les provinces et les états dans lesquels les véhicules circulent, et que ce partage se fait peu importe l'endroit où les véhicules sont immatriculés. Ces éléments ne changent rien au fait que le propriétaire des véhicules a choisi d'immatriculer les véhicules dans un ressort donné. Ce choix crée un certain lien entre le véhicule et ce ressort. Bien que cette immatriculation ne soit absolument pas un critère déterminant quant à la question de savoir si le risque est habituellement situé à l'étranger, il s'agit d'un facteur que j'aurais pris en compte.

[81] Je disposais d'une preuve abondante sur la façon dont l'appelante établissait le tarif de ses polices d'assurance. Cette méthode aurait été très pertinente si j'avais conclu que le terme « risques » signifiait la probabilité d'une réclamation à l'égard d'un véhicule donné. Toutefois, comme j'ai conclu que le terme « risques » désigne les véhicules eux‑mêmes, je n'en aurais pas tenu compte.

[82] De même, il n'aurait pas été pertinent de tenir compte de l'analyse de l'appelante démontrant que 33,3 % de ses paiements d'indemnités concernaient des périls survenus aux États‑Unis. Cette information aurait pu être pertinente si j'avais conclu que le terme « risques » signifiait la probabilité d'une réclamation à l'égard d'un véhicule donné. Cela aurait toutefois causé un préjudice grave à la thèse de l'appelante, car elle indique clairement que les probabilités de réclamation à l'égard d'un véhicule donné étaient habituellement situées au Canada, et non aux États‑Unis.

C. Calcul des crédits de taxe sur les intrants

[83] Puisque j'ai conclu que l'appelante n'effectuait que des fournitures exonérées, il n'est pas nécessaire que je me penche sur la question de savoir si l'appelante a demandé à juste titre les CTI. Une partie de la question relative à la CTI porte sur l'article 141.02. À ma connaissance, notre Cour ne s'est jamais penchée sur cet article. Il vaut mieux reporter cette question à une autre occasion.

D. Dispositif et dépens

[84] Compte tenu de tout ce qui précède, les appels sont rejetés.

[85] Les parties disposent d'un délai de 30 jours pour parvenir à un accord sur les dépens, faute de quoi les parties disposeront d'un délai supplémentaire de 30 jours pour signifier et déposer leurs observations écrites sur les dépens. Chaque partie disposera ensuite d'un délai de 10 jours pour signifier et déposer une réponse par écrit. Ces observations ne doivent pas dépasser dix pages. Si les parties n'informent pas la Cour qu'elles sont parvenues à un accord et qu'il n'y a pas de dépôt d'observations dans les délais susmentionnés, chaque partie supportera ses propres dépens.

Signé à Ottawa, Canada, ce 4e jour de décembre 2020.

« David E. Graham »

Le juge Graham


Annexe A

[TRADUCTION]

2017-1289(GST)G

COUR CANADIENNE DE L'IMPÔT

ENTRE :

SOCIÉTÉ D'ASSURANCE DES ENTREPRISES NORTHBRIDGE

appelante,

et

SA MAJESTÉ LA REINE

intimée.

EXPOSÉ CONJOINT PARTIEL DES FAITS

A. Aperçu des cotisations visées par l'appel

1. Les cotisations visées par l'appel sont les suivantes :

a) La première série de cotisations porte sur les périodes de déclaration de l'appelante du 1er janvier 2011 au 31 décembre 2011. Les 12 avis de cotisation ou de nouvelle cotisation portent la date du 12 mai 2016 (les « avis de cotisations de 2016 »).

b) La deuxième série de cotisations porte sur les périodes de déclaration de l'appelante du 1er janvier 2012 au 31 décembre 2012. Les 12 avis de cotisation ou de nouvelle cotisation portent la date du 12 juin 2017 (les « avis de cotisation de 2017 »).

c) La troisième série de cotisations porte sur les périodes de déclaration de l'appelante du 1er janvier 2013 au 31 décembre 2016. Les quatre avis de cotisation ou de nouvelle cotisation portent la date du 2 mars 2018 (les « avis de cotisation de mars 2018 »).

d) La quatrième et dernière série de cotisations porte sur les périodes de déclaration de l'appelante du 1er janvier 2007 au 31 décembre 2010. Les 48 avis de cotisation ou de nouvelle cotisation portent la date du 13 juillet 2018 (les « avis de cotisation de juillet 2018 »).

2. L'appelante a déposé quatre avis d'opposition distincts (les « avis d'opposition ») aux cotisations visées par l'appel. Plus précisément :

a) Le 4 août 2016, l'appelante a déposé un avis d'opposition à l'égard des avis de cotisation de 2016 (l'« avis d'opposition pour 2011 »).

b) Le 25 août 2017, l'appelante a déposé un avis d'opposition à l'égard des avis de cotisation de 2017 (l'« avis d'opposition pour 2012 »).

c) Le 23 mai 2018, l'appelante a déposé un avis d'opposition à l'égard des avis de cotisation de mars 2018 (l'« avis d'opposition pour 2013 à 2016 »).

d) Le 4 octobre 2018, l'appelante a déposé un avis d'opposition à l'égard des avis de cotisation de juillet 2018 (l'« avis d'opposition pour 2007 à 2010 »).

3. Le ministre du Revenu national (le « ministre ») a envoyé trois avis de ratification distincts à l'appelante ratifiant les cotisations visées par l'appel. Plus précisément :

a) Le 1er mars 2017, le ministre a envoyé un avis de ratification pour les avis de cotisation de 2016.

b) Le 21 janvier 2019, le ministre a envoyé un avis de ratification pour les avis de cotisation de 2017 et les avis de cotisation de mars 2018.

c) Le 27 mars 2019, le ministre a envoyé un avis de ratification pour les avis de cotisation de juillet 2018.

B. Survol de l'appelante

4. L'appelante est une société constituée sous le régime des lois du Canada.

5. Son siège social est situé au 105, rue Adelaide Ouest, à Toronto (Ontario).

6. L'appelante est un inscrit à la taxe sur les produits et services et à la taxe de vente harmonisée (la « TPS/TVH ») et son numéro d'inscription est le 10352 6802 RT0001.

7. L'appelante est autorisée à souscrire des polices d'assurance des biens, d'assurance‑automobile, d'assurance‑accident, d'assurance‑maladie, d'assurance aérienne, d'assurance sur la responsabilité civile, d'assurance contre le bris des machines, d'assurance détournement et vol, d'assurance contre la grêle et d'assurance‑cautionnement.

8. Elle se spécialise dans la vente de polices d'assurance (les « polices ») aux entreprises de camionnage (les « assurés »). Les polices couvrent les parcs de porteurs-remorqueurs et de semi‑remorques des assurés (les « véhicules »).

9. Les polices peuvent inclure de l'assurance des marchandises à l'égard des produits ou des biens transportés partout au Canada et aux États‑Unis par les véhicules de l'assuré de l'appelante.

10. Les polices établies par l'appelante offrent des indemnités si un péril visé par l'assurance se produit pendant que le véhicule assuré roule dans une province canadienne ou dans les États‑Unis contigus.

11. L'appelante fournit de l'assurance à des sociétés canadiennes et américaines.

C. Le calcul des primes

12. L'appelante calcule les primes des assurances selon la meilleure estimation actuarielle qu'elle peut faire du risque de sinistres pour chaque police (le « calcul des sinistres »).

13. Des actuaires au service de l'appelante effectuent le calcul des sinistres.

14. Le calcul des sinistres est le calcul du risque auquel l'appelante fait face.

15. Les actuaires de l'appelante participent à l'établissement des primes.

16. Les primes sont établies chaque année.

17. Les principaux facteurs lors de l'établissement des primes sont les suivants :

a) le calcul des sinistres;

b) le coût moyen des sinistres par véhicule dans chaque état ou province en Amérique du Nord où roulent les véhicules de l'assuré;

c) la distance (en pourcentage de la distance totale) parcourue par les véhicules de l'assuré dans chaque état ou province au cours de l'année précédente.

18. Le calcul des sinistres de l'appelante dépend des endroits précis et est fondé sur les états ou les provinces en Amérique du Nord où roulent les véhicules de l'assuré.

i. Exemple du calcul des primes (police P7175038)

19. À titre d'exemple, la méthode utilisée pour calculer la partie de la prime de la police P7175038 de l'appelante pour les lésions corporelles est jointe à la pièce A. Les garanties prévues par la police sont regroupées en catégories, à savoir les lésions corporelles, les dommages matériels, l'indemnisation directe en cas de dommages matériels, l'indemnité pour accident, l'assurance pour véhicule non assuré et l'assurance tous risques. Une méthode semblable à celle qui suit pour les lésions corporelles est utilisée pour calculer la prime pour les dommages matériels et l'indemnité pour accident. La même méthode a été utilisée pour calculer la prime pour chaque police que l'appelante a fournie à l'assuré.

a) Les lésions corporelles sont la partie de l'assurance visant la responsabilité de l'assuré en cas de blessures ou du décès d'autres personnes en raison de l'utilisation du véhicule assuré.

b) Les dommages matériels sont la partie de l'assurance visant la responsabilité de l'assuré en cas de préjudice à des biens en raison de l'utilisation du véhicule assuré. L'assurance pour les lésions corporelles et les dommages matériels est l'« assurance‑responsabilité ».

c) L'indemnisation directe en cas de dommages matériels est la partie de l'assurance qui vise le véhicule assuré et les biens qu'il transporte en cas de faute d'un autre conducteur. L'indemnisation directe en cas de dommages matériels permet à l'assuré de recouvrer des indemnités de l'appelante à l'égard des sinistres qu'elle vise, bien que l'assuré ne soit pas responsable de l'accident.

d) L'indemnité pour accident est l'indemnité à verser si l'assuré est blessé ou décède en conduisant le véhicule assuré. L'appelante offre également la possibilité d'obtenir une indemnité accrue.

e) L'assurance pour véhicule non assuré est l'assurance en cas de dommage au véhicule assuré ou en cas de lésions corporelles ou du décès de l'assuré en raison de la faute d'un autre conducteur, si cet autre conducteur n'a pas d'assurance‑automobile ou s'il a quitté le lieu de l'accident et qu'on ignore son identité (délit de fuite).

f) L'assurance tous risques est l'assurance collision ou renversement et l'assurance accident sans collision ni renversement. L'assurance collision ou renversement vise les dommages causés au véhicule assuré en cas de collision avec un objet ou de renversement du véhicule. La protection accident sans collision ni renversement vise les dommages au véhicule assuré ne découlant pas d'une collision ou d'un renversement, et peut viser des périls précisés dans la police.

20. Le montant final de la prime facturée pour la police P7175038 est 730 724 $, dont 172 731 $ sont facturés à l'égard des lésions corporelles.

21. La police couvre tous les véhicules que l'assuré possède, qu'il loue ou qu'il a immatriculés, ou que l'on conduit pour son compte. La prime est calculée pour 29 véhicules.

22. Les véhicules assurés aux termes de la police P7175038 ont circulé en Ontario et dans certains états américains au cours de l'année précédente.

23. L'appelante a regroupé tous les états américains, allant du groupe « USGROUP A » (groupe É.‑U. A) au groupe « USGROUP G » (groupe É.‑U. G), selon une analyse de l'historique des sinistres (voir le tableau qui suit). Dans le cas de la police P7175038, les véhicules ont circulé dans les états des groupes C à G au cours de l'année précédente.

USGROUP A

USGROUP B

USGROUP C

USGROUP D

USGROUP E

USGROUP F

USGROUP G

Wyoming

Alaska

Dakota du Nord

Dakota du Sud

Hawaï

Idaho

Montana

Nebraska

Alabama

Arkansas

Colorado

Indiana

Iowa

Kansas

Maine

Minnesota

Nouveau-Mexique

Utah

Vermont

Virginie-Occidentale

Wisconsin

Delaware

Kentucky

Michigan

Missouri

New

Hampshire

Oklahoma

Oregon

Rhode Island

Tennessee

Arizona

Caroline du Nord

Caroline du Sud

Géorgie

Maryland

Mississippi

Nevada

Ohio

Washington

Californie

Connecticut

District de Columbia

Floride

Illinois

Louisiane

New Jersey

Pennsylvanie

Virginie

Massachusetts

New York

Texas

24. L'appelante a regroupé les états américains dont l'historique de sinistres était semblable.

25. Selon les sinistres antérieurs et l'historique des coûts des réclamations pour chaque ressort (province ou état regroupé), l'appelante établit différents taux de base pour chaque province ou état regroupé, qui comprennent également sa meilleure estimation du coût du capital, des coûts indirects et du pourcentage prévu pour la commission (le « taux de base »). Le montant final de la prime facturée est fondé sur le taux de base.

26. Le taux de base établi par l'appelante augmente du groupe USGROUP A au groupe USGROUP G (c'est‑à‑dire que le groupe USGROUP A a le taux de base le plus faible et le groupe USGROUP G a le taux de base le plus élevé).

27. Plus le taux de base est bas, plus les sinistres sont rares et plus leur coût est faible, selon l'appelante. Plus précisément, un taux de base plus bas sous‑entend ce qui suit :

a) il est moins vraisemblable qu'un sinistre découle d'un péril assuré lorsqu'un véhicule est dans ce ressort, selon l'expérience de l'appelante;

b) l'indemnité que l'appelante devra verser en cas de sinistre sera moins élevée.

28. Pour établir la prime pour les lésions corporelles, le taux de base est multiplié (augmenté ou réduit) selon huit facteurs servant à établir la « prime calculée selon la province ou l'état » (facteurs 2 à 9).

a) Le facteur 2 est le « ressort ». On rajuste la prime selon le ressort où roulent les véhicules et selon que les véhicules roulent ou non dans plus d'un ressort.

b) Le facteur 3 est la « limite ». On rajuste la prime selon la limite (la valeur monétaire) de la couverture convenue avec l'assuré pour la police.

c) Le facteur 4 est le « rayon ». On rajuste la prime selon la distance pouvant être parcourue par les véhicules.

d) Le facteur 5 est les « marchandises transportées ». On rajuste la prime selon les marchandises que transportent les camions.

e) Le facteur 6 est la « carrosserie du véhicule ». On rajuste la prime selon la carrosserie des véhicules.

f) Le facteur 7 est la « franchise ». On rajuste la prime selon la franchise de la police.

g) Le facteur 8 est le « dossier du conducteur ». On rajuste la prime selon les dossiers des conducteurs.

h) Le facteur 9 est la « commission inhabituelle ». On rajuste la prime si la commission que l'on doit verser au courtier est inhabituelle.

29. Une fois que l'on a rajusté le taux de base en calculant la prime selon la province ou l'état, les actuaires de l'appelante calculent le pourcentage de la distance parcourue par les véhicules dans chaque ressort où ils ont roulé au cours de l'année précédente (la « répartition de la distance »).

30. En ce qui concerne la police P7175038, la répartition de la distance était de 63 % aux États‑Unis et de 37 % au Canada.

31. On calcule les primes pondérées selon le ressort (colonne « E » de la pièce A) en multipliant la prime calculée selon la province ou l'état (colonne « A ») par le pourcentage de la répartition de la distance (colonne « B »), et le résultat est ensuite multiplié par le nombre de véhicules assurés (colonne « D »).

32. La prime avant le rajustement (élément « F ») est la somme des primes pondérées selon le ressort qui s'appliquent aux états ou aux provinces où circulent les véhicules de l'assuré, avant rajustement (la « prime avant rajustement »).

33. Lorsque la prime avant rajustement est établie (élément « F » de la pièce A), on fait les rajustements nécessaires avant d'obtenir la prime finale pour les lésions corporelles (élément « K » de la pièce A).

ii. Les pouvoirs du souscripteur d'assurance

34. Le souscripteur peut modifier la prime avant rajustement, en l'augmentant ou en la réduisant.

35. Il peut modifier la prime avant rajustement selon la connaissance qu'il a de l'assuré, son évaluation et d'autres facteurs subjectifs, s'il l'estime approprié (éléments « H » et « I » de la pièce A).

36. Le pouvoir discrétionnaire du souscripteur de modifier la prime avant rajustement comporte toutefois des limites.

37. On peut effectuer un rajustement selon l'historique (élément « G » de la pièce A) selon les réclamations antérieures aux termes de la police.

38. D'autres rajustements qui peuvent être effectués à la prime avant rajustement sont la modification discrétionnaire du souscripteur (élément « H » de la pièce A) et la modification discrétionnaire du gestionnaire du souscripteur (élément « I » de la pièce A).

iii. La distance parcourue par les véhicules

39. L'assuré fournit un registre de la distance parcourue par chaque véhicule, comme l'exige l'Entente internationale concernant la taxe sur les carburants (International Fuel Tax Agreement, ou « IFTA »).

40. L'IFTA est un accord conclu entre chaque province canadienne et chaque état des États‑Unis contigus.

41. Ces états et provinces ont conclu l'IFTA afin de simplifier la déclaration de taxes sur le carburant pour les véhicules commerciaux qui circulent dans plus d'un ressort.

42. L'appelante exige que l'assuré fournisse un sommaire de ses déclarations pour l'IFTA montrant la distance que ses véhicules ont parcourue dans chaque état, province ou territoire en Amérique du Nord.

43. L'appelante utilise les sommaires des déclarations pour l'IFTA pour établir la répartition de la distance lors du calcul des primes.

44. Pour être enregistré aux termes de l'IFTA, l'assuré est tenu d'être enregistré aux termes du Plan international d'immatriculation (International Registration Plan, ou « IRP »).

45. L'IRP est une entente conclue entre chaque province canadienne et chaque état des États‑Unis contigus qui prévoit le paiement des droits d'immatriculation des véhicules dans chaque ressort où circulent les conducteurs de véhicules commerciaux afin de les répartir selon la distance parcourue dans chaque état ou chaque province.

46. L'IRP permet aux entreprises de camionnage d'immatriculer leurs camions dans leur territoire d'origine. Le territoire d'origine peut être tout ressort où une entreprise de camionnage a un établissement commercial reconnu (un immeuble qu'elle possède ou loue) d'où les camions parcourent une distance et où elle conserve les dossiers de son parc.

47. Selon l'IRP, on doit immatriculer un véhicule dans un territoire d'origine (le « territoire d'origine de l'IRP ») et apposer les plaques de ce territoire, mais le véhicule peut transporter des marchandises partout au Canada et aux États‑Unis sans qu'on doive respecter les diverses exigences d'immatriculation.

48. Les véhicules immatriculés en application de l'IRP sont immatriculés dans un territoire d'origine de l'IRP, c'est‑à‑dire une province ou un état qui est partie à l'IRP.

49. Les sommaires des déclarations pour l'IFTA d'un assuré confirment le territoire d'origine de l'IRP des véhicules.

50. La totalité ou presque des véhicules assurés par l'appelante sont immatriculés en application de l'IRP.

51. Les véhicules immatriculés en application de l'IRP peuvent transporter des marchandises dans tous les ressorts membres de l'IRP, quel que soit le ressort de l'immatriculation.

52. Avant d'établir une police, l'appelante demande à l'assuré des renseignements sur le territoire d'origine de l'IRP de chaque véhicule qu'il exploite.

53. L'appelante n'utilise pas le territoire d'origine de l'IRP dans le calcul de la prime.

54. L'appelante se sert de l'emplacement de base de l'IRP pour s'assurer qu'elle est autorisée à souscrire une police selon les lois du ressort en question.

55. Il n'est pas tenu compte de l'emplacement de base de l'IRP des véhicules dans le calcul de la prime.

56. Le territoire d'origine de l'IRP n'indique nullement la distance parcourue par le véhicule dans le ressort en question, ni le temps passé dans ce ressort, sauf que le véhicule doit forcément y avoir circulé et que l'assuré a un établissement commercial à cet endroit.

57. Bien qu'un véhicule puisse être immatriculé en application de l'IRP dans une province ou un état donné, cela ne signifie pas que le véhicule se trouve physiquement et en tout temps dans cette province ou cet état, ni qu'il y circule exclusivement.

58. Les assurés de l'appelante peuvent avoir des établissements commerciaux tant au Canada qu'à l'étranger, c'est‑à‑dire aux États‑Unis.

59. En exploitant son entreprise de vente d'assurances, l'appelante verse des indemnités en raison des sinistres assurés (c'est‑à‑dire des accidents mettant en cause les véhicules assurés) qui se sont produits aux États‑Unis et au Canada. Dans chaque police, l'assurance‑responsabilité (lésions corporelles et dommages matériels) et l'indemnité pour accident s'appliquent aux sinistres qui se produisent dans n'importe quel ressort membre de l'IRP ou n'importe où au Canada et aux États‑Unis, peu importe l'immatriculation du véhicule assuré et peu importe le ressort dont on a utilisé le taux de base.

D. Les crédits de taxe sur les intrants

60. L'appelante a demandé des crédits de taxe sur les intrants (les « CTI en litige ») pour toutes les périodes de déclaration en cause.

61. L'appelante a calculé les CTI en cause en utilisant un pourcentage de la TPS/TVH versée sur les intrants (le « pourcentage recouvrable »).

62. Le calcul du pourcentage recouvrable était fondé sur l'historique des coûts des réclamations que l'appelante était tenue de payer relativement aux sinistres assurés qui se sont produits aux États‑Unis et le total des coûts des réclamations en raison de sinistres assurés qui se sont produits aux États‑Unis et au Canada (la « méthode de répartition »).

63. Pour déterminer la partie des fournitures d'assurance de l'appelante qui était détaxée, l'appelante a calculé la mesure dans laquelle les fournitures concernaient des risques qui sont habituellement situés à l'étranger. (Le bien‑fondé de ce calcul est en litige. Les parties ont convenu uniquement qu'on a fait ce calcul.)

64. Pour déterminer la partie des fournitures d'assurance qui concernait des risques habituellement situés à l'étranger, l'appelante a utilisé la moyenne historique sur 5 ans, 10 ans et 15 ans des réclamations liées aux sinistres assurés s'étant produits aux États‑Unis par rapport à tous les sinistres. (Le bien‑fondé de ce calcul est en litige. Les parties ont convenu uniquement qu'on a fait ce calcul.)

65. L'appelante a calculé qu'en moyenne, le coût des réclamations aux États‑Unis représentait 33 % du coût total des réclamations et que le taux de 33 % était le taux de recouvrement approprié pour demander les CTI en litige. (Le bien‑fondé de ce calcul est en litige. Les parties ont convenu uniquement qu'on a fait ce calcul.)

66. Le coût des réclamations antérieures est calculé par les actuaires de l'appelante.

FAIT à Montréal, Canada, ce 15e jour de septembre 2020.

EY Cabinet d'avocats s.r.l./S.E.N.C.R.L.

900, boulevard de Maisonneuve Ouest

Bureau 2100

Montréal (Québec)

H3A 0A8

Avocats de l'appelante

FAIT à Ottawa, Canada, ce 15e jour de septembre 2020.

Procureur général du Canada

Ministère de la Justice

Services du droit fiscal

99, rue Bank, 11e étage

Ottawa (Ontario)

K1A 0H8

Par : Dan Daniels

Tanis Halpape

Avocats de l'intimée


RÉFÉRENCE :

2020 CCI 132

NO DU DOSSIER DE LA COUR :

2017-1289(GST)G

INTITULÉ :

SOCIÉTÉ D'ASSURANCE DES ENTREPRISES NORTHBRIDGE c. SA MAJESTÉ LA REINE

LIEU DE L'AUDIENCE :

Toronto (Ontario)

DATES DE L'AUDIENCE :

Les 28 et 29 septembre 2020

MOTIFS DU JUGEMENT :

L'honorable juge David E. Graham

DATE DU JUGEMENT :

Le 4 décembre 2020

COMPARUTIONS :

Avocats de l'appelante :

Me Marie-Claude Marcil

Me David Douglas Robertson

Me Jasmine Jolin

Avocats de l'intimée :

Me Dan Daniels

Me Tanis Halpape

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Pour l'appelante :

Noms :

Me Marie-Claude Marcil

Me David Douglas Robertson

Me Jasmine Jolin

Cabinet :

EY Cabinet d'avocats s.r.l./S.E.N.C.R.L.

Pour l'intimée :

Nathalie G. Drouin

Sous-procureure générale du Canada

Ottawa, Canada

 



[1] L'appelante a également interjeté appel à l'encontre des pénalités pour production tardive, mais elle a abandonné cette partie de l'appel.

[2] La pièce A de l'exposé conjoint partiel des faits n'est pas jointe. Elle renferme des renseignements confidentiels et a été mise sous scellés.

[3] Ken Yong‑Ping (un souscripteur principal de l'appelante), Charles Paré (le premier vice‑président de la tarification actuarielle de l'appelante) et Steven Donohoe (le vice‑président des affaires fiscales de l'appelante).

[4] Voir, par exemple, les articles 136, 136.2 et 136.3.

[5] Voir, par exemple, O.A. Brown Ltd. c. La Reine, [1995] A.C.I. no 678 (QL) (C.C.I.); Oxford Frozen Foods Ltd. c. La Reine, [1996] A.C.I. no 1222 (QL) (C.C.I.); Club Med Sales Inc. c. La Reine, [1997] A.C.I. no 294 (QL) (C.C.I.); Hidden Valley Golf Resort Assn. c. La Reine, [2000] A.C.F. no 869 (QL) (C.A.F.); Global Cash Access (Canada) Inc. c. La Reine, 2013 CAF 269; La Great‑West, Compagnie d'assurance‑vie c. La Reine, 2016 CAF 316; SLFI Group c. La Reine, 2019 CAF 217.

[6] Boivin, Denis, Insurance Law, 2e éd. (Toronto, Irwin Law, 2015), à la page 29.

[7] Merriam‑Webster's Collegiate Dictionary, 11e éd., (Springfield (Mass.), Merriam‑Webster Inc., 2003), à la page 1076, définition 3b.

[8] Black's Law Dictionary, 9e éd., Bryan A. Garner, rédacteur en chef (St. Paul (Minn.), West Publishing Co., 2009), à la page 1442, définition 5.

[9] À la page 1076, définition 3c.

[10] À la page 1442, définition 6.

[11] À la page 1076, définition 3a.

[12] À la page 1442, définition 3.

[13] Boivin, Denis, Insurance Law, 2e éd. (Toronto, Irwin Law, 2015), à la page 28.

[14] L.R.O. 1990, chap. I.8, art. 1.

[15] Insurance Act (Colombie‑Britannique), R.S.B.C. 2012, ch. 1, art. 1; Insurance Act (Alberta), R.S.A. 2000, ch. I‑3, alinéa 1aa); The Insurance Act (Saskatchewan), S.S. 2015, ch. I‑9.11, art. 1 et 2; Loi sur les assurances (Manitoba), C.P.L.M. 1987, ch. I40, art. 1; Insurance Companies Act (Terre‑Neuve‑et‑Labrador), R.S.N. 1990, ch. I‑10, alinéa 2x); Insurance Act (Nouvelle‑Écosse), R.S.N.S. 1989, ch. 231, alinéa 3k); Insurance Act (Île‑du‑Prince‑Édouard), R.S.P.E.I. 1988, ch. I‑4, alinéa 1j).

[16] Bell ExpressVu Limited Partnership c. Rex, 2002 CSC 42, [2002] 2 R.C.S. 559, par. 37.

[17] Par. 142(1), 142(2) et 240(3.1), art. 4 et 10.1 de la partie V de l'annexe VI, et art. 2 et 3 de la partie II de l'annexe IX.

[18] CIBC World Markets Inc. c. Canada, 2019 CAF 147, [2019] 3 R.C.F. F‑2, par. 37 et 55.

[19] Adopté en septembre 1973 (avec ses modifications), à l'onglet 17 du recueil conjoint de documents.

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