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Dossier : 2018-528(IT)G

ENTRE :

6398316 CANADA INC.,

appelante,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

Appel entendu les 19 et 20 octobre 2020, à Toronto (Ontario).

Devant : L’honorable juge B. Russell


Comparutions :

Avocat de l’appelante :

Me Mark S. Grossman

Avocate de l’intimée :

Me Rebecca L. Louis

 

JUGEMENT

L’appel interjeté à l’encontre des deux déterminations de pertes établies le 23 septembre 2015 aux termes de la Loi de l’impôt sur le revenu fédérale pour les années d’imposition 2012 et 2013 de l’appelante est rejeté sans dépens.

Signé à Halifax (Nouvelle-Écosse), ce 4e jour de mars 2021.

« B. Russell »

Le juge Russell

Traduction certifiée conforme

ce 17e jour de mai 2021.

François Brunet, réviseur


Référence : 2021 CCI 17

Date : 20210304

Dossier : 2018-528(IT)G

ENTRE :

6398316 CANADA INC.,

appelante,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.


[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

MOTIFS DU JUGEMENT

Le juge Russell

Introduction :

[1] La société appelante, qui exploite une entreprise sous le nom de Global Sustainable Solutions, interjette appel de deux déterminations de pertes établies aux termes de la Loi de l’impôt sur le revenu fédérale (Loi) rendues le 23 septembre 2015 par le ministre du Revenu national (ministre). Ces déterminations de pertes portent respectivement sur ses années d’imposition 2012 et 2013. Plus précisément, l’appel concerne le rejet par le ministre, reflété dans les déterminations de pertes, de la demande de déduction des dépenses de recherche scientifique et de développement expérimental (RS&DE) (et, par conséquent, des crédits d’impôt à l’investissement remboursables) aux termes de la Loi. Ces dépenses déclarées ont été engagées dans un projet de construction réalisé par l’appelante au cours de ces deux années. Le projet portait sur la construction d’une maison, dans le sud de l’Ontario, qui devait être tout particulièrement écoénergétique tout en restant dans la fourchette de prix d’une « maison ordinaire ».

Question en litige :

[2] La Cour est appelée à décider si le ministre a commis une erreur en concluant qu’aucune des dépenses de l’appelante relatives à ce projet de construction ne constituait une dépense de RS&DE.

Droit applicable :

[3] L’appelante a déclaré des dépenses de RS&DE relevant de la catégorie « développement expérimental ». La partie pertinente de la définition de la RS&DE au paragraphe 248(1) de la Loi est ainsi rédigée :

248(1) activités de recherche scientifique et de développement expérimental Investigation ou recherche systématique d’ordre scientifique ou technologique, effectuée par voie d’expérimentation ou d’analyse, c’est-à-dire : [. [.

c) le développement expérimental, à savoir les travaux entrepris dans l’intérêt du progrès technologique en vue de la création de nouveaux matériaux, dispositifs, produits ou procédés ou de l’amélioration, même légère, de ceux qui existent. [. [.

[4] La jurisprudence la plus souvent citée en matière de RS&DE provient de notre Cour, sous la plume du juge Bowman (tel était alors son titre) et s’intitule Northwest Hydraulic Consultants Ltd. c. La Reine, [1998] 3 CTC 2520 (CCI). Au paragraphe 15, le juge Bowman a établi une approche en cinq étapes pour déterminer si des activités de RS&DE avaient été menées, par opposition, par exemple, à des activités de recherche et développement de base. Par la suite, dans l’arrêt C.W. Agencies Inc. c. Canada, 2001 CAF 393, la Cour d’appel fédérale a avalisé le critère en cinq étapes consacré par la décision Northwest Hydraulic.

[5] Les cinq étapes consacrées par la décision Northwest Hydraulic afin de déterminer si les activités en cause relèvent de la RS&DE sont les suivantes :

a) Existait-il un risque ou une incertitude technologique qui ne pouvait être éliminé par les procédures habituelles ou les études techniques courantes?

b) La personne qui prétend faire de la RS & DE a-t-elle formulé des hypothèses visant expressément à réduire ou à éliminer cette incertitude technologique?

c) La procédure adoptée était-elle complètement conforme à la discipline de la méthode scientifique, notamment dans la formulation, la vérification et la modification des hypothèses?

d) Le processus a-t-il abouti à un progrès technologique?

e) Un compte rendu détaillé des hypothèses vérifiées et des résultats a-t-il été fait au fur et à mesure de l’avancement des travaux?

[6] En formulant ce critère en cinq étapes, le juge Bowman a qualifié l'expression « études techniques courantes » (figurant à l’étape a)) comme faisant référence « aux techniques, aux procédures et aux données qui sont généralement accessibles aux spécialistes compétents dans le domaine ».

[7] C’est ce critère en cinq étapes qui doit être appliqué dans le présent appel pour déterminer si les diverses dépenses liées à la construction de la maison que l’appelante a désignées comme étant des dépenses de RS&DE sont effectivement admissibles.

Preuve :

[8] À l’ouverture de l’audience, l’avocat de l’appelante a observé que le total des dépenses de RS&DE déclarées par son client pour l’année d’imposition 2012 avait maintenant été réduit de 3 485,65 $, pour s’établir à 139 631,67 $; de même, le total pour l’année d’imposition 2013 avait maintenant été réduit de 34 032,69 $, pour s’établir à 61 752,60 $.

[9] La société appelante a appelé un témoin – M. Cory Smith. Pendant toutes les périodes pertinentes, M. Smith était le président de l’appelante. Aucune des parties n’a produit de preuve d’expert, et l’intimée n’a cité aucun témoin.

[10] M. Smith a témoigné qu’il compte de l’expérience dans la construction de maisons et qu’il a obtenu diverses accréditations en formation relatives à la construction de maisons. Il s’agit notamment d’un certificat délivré en 2008 par le Sir Sanford Fleming College, qui atteste qu’il a suivi un programme d’études de six mois sur la [traduction] « conception et la construction de bâtiments durables ». Il a parlé du projet de l’appelante de construire une petite maison (maison individuelle) dans le sud de l’Ontario en 2012 et 2013, en cherchant à ce qu’elle [traduction] « puisse fonctionner sans avoir besoin d’un soutien vital actif » (expression par laquelle il entend) [traduction] « l’énergie dépendante du réseau en guise de combustible », c’est-à-dire sans électricité ou gaz naturel ou tout autre combustible dépendant du réseau [1] . Il ajoute :

[traduction]

La maison peut encore utiliser l’électricité et le propane, selon les circonstances, ou le bois comme combustible, selon le choix du propriétaire, mais l’idée générale était de créer une maison qui pourrait fonctionner en manipulant les forces naturelles autour de nous pour un minimum d’entretien et ayant peu d’incidence sur l’environnement, mais aussi de le faire en même temps à un prix abordable pour que le marché domiciliaire grand public puisse avoir accès à une maison comme celle-ci [2] .

[11] Sa référence aux « forces naturelles » signifie principalement le soleil, le vent, la pluie et les fluctuations de température. Il s’est inspiré du concept de « maison passive ». Les dépenses en cause étaient essentiellement des paiements que l’appelante avait effectués à divers sous-traitants que l’appelante, par l’intermédiaire de M. Smith, avait engagés pour la construction de la maison concernée.

[12] Dans un premier temps, l’appelante a retenu les services d’une entreprise spécialisée dans la conception de maisons passives pour qu’elle lui fournisse des plans de conception officiels, générés par un logiciel, pour la petite maison. Ces plans ont été élaborés en collaboration étroite avec M. Smith et il était tenu compte des éléments et des concepts qu’il souhaitait inclure.

[13] M. Smith a témoigné que les aspects du projet sur lesquels s’appuyait la demande de RS&DE étaient les diverses interactions de forces naturelles telles que la masse thermique, le pontage thermique, la ventilation transversale passive, le chauffage et le refroidissement passifs, et l’étanchéisation à l’air. La masse thermique est la capacité d’absorber et de stocker l’énergie thermique – en l’espèce, dans les semelles de béton du bâtiment. En hiver, la chaleur de la température diurne plus élevée serait libérée pendant la nuit plus froide. Le pontage thermique est le mouvement de la chaleur à travers un objet plus propice à ce mouvement que les matériaux environnants. Par exemple, l’air chaud peut assez facilement migrer à travers une ossature en bois de l’intérieur vers l’extérieur, ce qui résulte en une perte d’énergie thermique. La ventilation passive consiste à manipuler le mouvement de l’air dans l’environnement du bâtiment en l’absence totale ou partielle de sources de ventilation active, comme une chaudière. La ventilation transversale passive, un néologisme créé par M. Smith, fait référence à une distribution uniforme et passive d’air chaud et d’air froid.

[14] Le chauffage et le refroidissement passifs sont généralement liés à la conception de bâtiment solaire passif, c’est-à-dire à l’utilisation sélective de l’énergie solaire pour améliorer l’efficacité énergétique. Enfin, l’étanchéité à l’air fait référence au scellement des espaces dans l’enveloppe du bâtiment pour éviter les pertes de chaleur ou de froid. Comme il a été indiqué, l’objectif de M. Smith avec ce bâtiment était d’intégrer ces différentes forces dans un bâtiment passif ne nécessitant pas de soutien vital sous la forme de sources d’énergie dépendantes du réseau.

[15] L’appelante a commencé les travaux en août 2012 et a terminé la structure à l’automne 2013. Le témoignage de M. Smith s’est concentré sur diverses mesures d’énergie passive prises au cours de la construction. L’une de ces mesures consistait à utiliser de la mousse de polystyrène rigide pour isoler le pourtour des semelles de béton de la structure ainsi que le dessous de la dalle de béton, dans une mesure nettement supérieure à celle utilisée dans la construction habituelle de maisons, y compris, selon lui, les maisons sur mesure. La mousse de polystyrène agit comme résistance thermique pour réduire le pontage thermique.

[16] En outre, l’appelante, en collaboration avec un entrepreneur en béton, a essayé plusieurs mélanges de matériaux recyclés de proportions différentes (30, 45 et 60 %) dans le mélange de béton pour voir si de tels rajustements pouvaient avoir une incidence sur la masse thermique intérieure et la ventilation transversale passive. Avec 60 % de matériaux recyclés, le béton prenait trop de temps à durcir. L’appelante a fini par conserver le mélange standard de 15 % de matériaux recyclés.

[17] De la mousse de polystyrène a également été posée sur le bord supérieur intérieur des semelles, [traduction] « afin de fournir une résistance thermique pour interrompre le processus de pontage thermique qui se produit généralement dans une maison construite selon les normes, entre l’extérieur de la maison et l’intérieur » [3] . De plus, M. Smith a scellé les joints de mousse de polystyrène avec du ruban adhésif pour empêcher la transmission de chaleur. À plusieurs reprises, il a comparé favorablement ces mesures à la norme que l’on trouve dans une maison [traduction] « construite selon le code du bâtiment ».

[18] De plus, la construction des murs comprenait l’utilisation de coffrages à béton isolé (CBI) pour les murs, allant des semelles jusqu’aux avant-toits. Cela se fait ailleurs, mais ce n’est pas courant [4] . Quatre pouces de mousse isolante ont été ajoutés sur le côté extérieur, et une isolation supplémentaire a également été ajoutée sur le côté intérieur. L’ajout de quatre pouces d’isolation extérieure va [traduction] « bien au-delà » de la norme [5] .

[19] En ce qui concerne l’isolation du grenier, 27 pouces d’isolant cellulosique (papier journal recyclé mélangé à un liant) ont été mis en place, dont le taux de résistance thermique est particulièrement élevé. La maison a été positionnée de façon à être exposée au sud pour maximiser la chaleur solaire entrant par les fenêtres (le « vitrage ») sur la façade sud, ainsi que sur le mur est, pour maximiser la capture de l’énergie solaire au lever du soleil. Le vitrage exposé au sud est conçu pour capter l’énergie solaire d’un soleil d’hiver situé plus bas dans le ciel qu’en été. L’énergie solaire excessive de l’été a également été quelque peu bloquée par des stores extérieurs installés sur le vitrage de l’exposition en plein midi. De la mousse isolante rigide a été installée autour du périmètre des ouvertures de fenêtres du rez-de-chaussée afin d'assurer une résistance thermique permettant de transmettre la chaleur à travers le béton jusqu’à la vitre de la fenêtre et dans le plan de béton suivant [6] .

[20] Il était prévu d’installer des panneaux solaires, mais cela n’a pas été fait en raison de difficultés liées à l’admissibilité aux subventions d’Hydro One. Ces panneaux auraient été censés [traduction] « alimenter la maison » [7] .

[21] Le raccordement entre les fermes et le sommet des murs a fait l’objet d’une étanchéisation à l’air à l’aide d’une membrane autocollante pour assurer l’étanchéité [8] . Il s’agit d’une plus grande étanchéité à l’air que dans une maison construite selon le code du bâtiment, mais elle est importante, car une grande partie de la perte de chaleur se produit généralement par le grenier. Le grenier n’est pas non plus pénétré par les services électriques. Au lieu de cela, tout le câblage a été effectué juste en dessous de la zone du grenier.

[22] De plus, un [TRADUCTION] « système d’échange de chaleur souterrain » a été installé, consistant en une boucle souterraine installée autour de la fondation avant le remblayage. Cela a été fait parce qu’un système géothermique approprié aurait coûté plus de 30 000 $. M. Smith a déclaré que le système qu’il a conçu (selon ses dires) représentait un dixième de ce coût et fournissait [traduction] « approximativement » un dixième de la demande énergétique. La boucle serait raccordée à un [traduction] « module de serpentin eau-air » dans la maison. Le résultat escompté était de fournir de l’air plus chaud en hiver et plus frais en été, même si cela n’a pas été expliqué en détail dans le témoignage [9] .

[23] M. Smith a témoigné qu’il n’existait pas de données lui permettant de mettre à l’essai son [traduction] « système de chauffage et de refroidissement personnalisé », de manière à mesurer ou à quantifier son efficacité, ou à le coter [10] .

[24] La maison telle qu’elle a été construite a reçu une cote d’efficacité « ÉnerGuide » de 91 %. Le document ÉnerGuide (ex. A-17) prévoit notamment que la [traduction] « cote typique » d’une [traduction] « maison nouvellement construite selon les normes minimales du code du bâtiment » serait de « 65 à 70 % ». Le document prévoit que la cote typique de sa catégorie supérieure, soit une [traduction] « maison à haut rendement énergétique », serait de « 80 % ou plus ».

Discussion :

[25] Conformément à ce qui précède, la première et la deuxième des cinq étapes consacrées par la décision Northwest Hydraulic qui constituent le critère de détermination de l’existence de RS&DE sont les suivantes : a) « existait-il un risque ou une incertitude technologique qui ne pouvait être éliminé par les procédures habituelles ou les études techniques courantes? », et b) « la personne qui prétend faire de la RS & DE a-t-elle formulé des hypothèses visant expressément à réduire ou à éliminer cette incertitude technologique? »

[26] Dans ses observations verbales, l’avocat de l’appelante a discuté ces deux étapes. Il a soutenu [11] :

[traduction]

Votre honneur, lors de l’interrogatoire, vous avez demandé si une maison mieux conçue comporte plus d’isolation. La réponse est affirmative. Donc, il n’y a pas d’astuce pour ajouter plus d’isolation. Il aurait scellé le tout encore une fois; il n’y a pas vraiment d’astuce pour être plus prudent en ce qui concerne les fuites d’air. Mais ce n’est pas l’hypothèse avancée. L’hypothèse est que je peux construire une maison sans... qui n’a pas besoin d’une chaudière, à un prix comparable à celui d’une maison ordinaire. Voilà l’hypothèse avancée. Et l’incertitude technique [sic : technologique] est le coût. [Non souligné dans l’original]

[27] Ainsi, la thèse de l’appelante ne porte pas qu’il y avait un problème technologique en ce qui a trait aux divers aspects de la construction mentionnés dans le témoignage de M. Smith sur la construction de cette maison écoénergétique. Et j'abonderais dans son sens. Aucun de ces divers aspects, y compris l’isolation supplémentaire des semelles et des fondations, des murs et du grenier, l’application d’un ruban adhésif supplémentaire sur les interstices et les joints, ainsi que le développement de la boucle souterraine modifiée en tant que système géothermique moins cher et moins efficace sur le plan énergétique, n’a été qualifié par M. Smith de reflet de nouvelles connaissances technologiques. En d’autres termes, aucun de ces divers aspects sur lesquels M. Smith a témoigné ne reflète le développement de connaissances technologiques nouvelles dans le secteur de la construction de maisons.

[28] De plus, l’appelante n’a présenté aucune preuve d’expert quant à l’état des connaissances technologiques dans ce secteur, qui pourrait indiquer que l’appelante a innové sur le plan technologique en construisant cette maison écoénergétique. Aucune connaissance prétendument nouvelle n’a été relevée par M. Smith, et encore moins par un témoin expert, comme ayant été recherchée ou développée lors de la construction de cette maison.

[29] Selon la thèse de l’appelante cependant, le maintien du coût de construction d’une maison si écoénergétique qu’elle ne nécessite pas de chaudière, à un niveau équivalent au coût de construction d’une maison construite selon les normes habituelles du code du bâtiment, constitue en soi un progrès technologique.

[30] Je ne puis retenir cette thèse. D’un point de vue conceptuel, il n’y a pas d’aspect technologique implicite dans la notion d’un article dont le prix est de « x » plutôt que de « y » dollars. Bien sûr, l'on peut envisager que le coût (ou le prix) d’un article puisse être réduit dans le cas d’un progrès technologique donné. Mais la question pertinente en matière de RS&DE demeure la suivante : quel est le progrès technologique envisagé lui-même qui pourrait permettre d’atteindre l’objectif commercial d’un prix réduit, comparativement à celui d’un logement construit selon le code du bâtiment.

[31] En outre, et quoi qu’il en soit, cela ne correspondrait pas à la nature d’une hypothèse soulevée par la jurisprudence Northwest Hydraulic, à savoir une hypothèse « visant expressément à [. ..] [réduire] cette incertitude technologique ». Une hypothèse « visant expressément à » réduire un coût ou un prix s’éloigne complètement de l’objectif établi par la jurisprudence Northwest Hydraulic.

[32] Je note également que nous n’avons entendu aucune preuve structurée et précise sur la comparaison des coûts en ce qui concerne les coûts de construction ou d’exploitation après la construction par rapport aux maisons standards. Le fait que les factures d’électricité étaient plus ou moins équivalentes à celles d’une autre maison est insuffisant. C’est justement à ce titre qu’une preuve d’expert neutre aurait aidé ou aurait pu aider.

[33] Il est concevable que la combinaison unique de plusieurs procédés connus qui ont pour résultat de rendre un processus plus efficace puisse constituer de la RS&DE. Toutefois, tel ne serait le cas que si cette combinaison unique est elle-même accomplie par l’adoption de la méthode scientifique envisagée par la jurisprudence Northwest Hydraulic. La simple combinaison de procédés connus propres au logement durable d’une manière peut-être unique (bien que si tel est le cas, cela n’ait pas été précisé) ne constitue pas pour autant de la RS&DE. Là encore, une preuve d’expert, qui n’a pas été présentée dans le présent appel, serait certainement nécessaire pour déterminer que de nouvelles connaissances technologiques en avaient découlé.

[34] La troisième étape du critère établi consiste à savoir si « la procédure adoptée était complètement conforme à la discipline de la méthode scientifique, notamment dans la formulation, la vérification et la modification des hypothèses ». Le peu de preuve d’essais qu’il y avait en l’espèce, consistant essentiellement à mettre à l’essai trois pourcentages différents de matériaux recyclés dans le mélange de béton, m’a semblé relever entièrement des études techniques courantes, et ne pas être fondé sur des hypothèses clairement définies. Il semble que l'on ait procédé par tâtonnements en ce qui concerne cet essai.

[35] La quatrième des cinq étapes du critère consacré par le jurisprudence Northwest Hydraulic consiste à répondre à la question suivante : le processus a-t-il abouti à un progrès technologique? Nous avons déjà répondu à cette question par la négative. Bien sûr, le progrès technologique comprend les nouvelles connaissances qui découlent même d’une tentative ratée de réaliser un progrès technologique. Nous ne disposons d’aucune preuve en l’espèce de nouvelles connaissances de nature technologique.

[36] La cinquième étape du critère consacré par la jurisprudence Northwest Hydraulic consiste à répondre à la question suivante : un compte rendu détaillé des hypothèses vérifiées et des résultats a-t-il été fait au fur et à mesure de l’avancement des travaux? Je conclus qu’aucun essai de méthodologie scientifique n’a été effectué dans la présente affaire. Quoi qu’il en soit, il n’y a pas eu de compilation détaillée des résultats des hypothèses mises à l’essai, conservés au fur et à mesure de l’avancement des travaux.

Décision :

[37] En conclusion, bien que le travail effectué par l’appelante soit admirable, il ne relève pas de la RS&DE. Par conséquent, l’appel sera rejeté. Les deux déterminations de pertes portées en appel, établies le 23 septembre 2015, seront maintenues.

Signé à Halifax (Nouvelle-Écosse), ce 4e jour de mars 2021.

« B. Russell »

Le juge Russell

Traduction certifiée conforme

ce 17e jour de mai 2021.

François Brunet, réviseur


RÉFÉRENCE :

2021 CCI 17

NO DU DOSSIER DE LA COUR :

2018-528(IT)G

INTITULÉ :

6398316 CANADA INC. c. SA MAJESTÉ LA REINE

LIEU DE L’AUDITION :

Toronto (Ontario)

DATES DE L’AUDIENCE :

Les 19 et 20 octobre 2020

MOTIFS DU JUGEMENT :

L’honorable juge B. Russell

DATE DU JUGEMENT :

Le 4 mars 2021

COMPARUTIONS :

Avocat de l’appelante :

Me Mark S. Grossman

Avocate de l’intimée :

Me Rebecca L. Louis

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Pour l’appelante :

Nom :

Me Mark S. Grossman

Cabinet :

Shuh Cline & Grossman

Kitchener (Ontario)

Pour l’intimée :

Nathalie G. Drouin

Sous-procureure générale du Canada

Ottawa, Canada

 

 



[1] Transcription, aux pages 25 et 26.

[2] Ibid.

[3] Transcription, à la page 58.

[4] Transcription, aux pages 70 et 71.

[5] Ibid.

[6] Transcription, à la page 79.

[7] Transcription, aux pages 75 et 76.

[8] Transcription, à la page 78.

[9] Transcription, aux pages 95 et 96.

[10] Transcription, à la page 98.

[11] Transcription, à la page 255.

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