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Dossier : 2012-112(IT)G


ENTRE :

DAVID HERRING,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

Appel entendu le 20 septembre 2019,

les 1er, 2, 3, 4, 7, 8, 9, 10 et 11 octobre 2019, à Toronto (Ontario) et

observations verbales formulées les 7 et 8 octobre 2020 à Ottawa, Canada.

Devant : L’honorable juge Guy R. Smith

Comparutions :

Avocats de l’appelant :

Me Terry McCaffrey

Me Anahita Tajadod

Avocats de l’intimée :

Me Charles Camirand

Me Dan Daniels

 

JUGEMENT

Les appels concernant les années d’imposition 2002, 2003 et 2005 sont rejetés, conformément aux motifs de jugement ci-joints.

Aucuns dépens ne seront adjugés.


 

Signé à Ottawa, Canada, ce 31e jour de mars 2022.

« Guy R. Smith »

Le juge Smith

Traduction certifiée conforme

ce 20e jour de janvier 2023.

François Brunet, réviseur


 

Dossier : 2013-4197(IT)G


ENTRE :

KENNETH L. MILLEY,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

Appel entendu le 20 septembre 2019,

les 1er, 2, 3, 4, 7, 8, 9, 10 et 11 octobre 2019, à Toronto (Ontario) et

observations verbales formulées les 7 et 8 octobre 2020 à Ottawa, Canada.

Devant : L’honorable juge Guy R. Smith

Comparutions :

Avocats de l’appelant :

Me Terry McCaffrey

Me Anahita Tajadod

Avocats de l’intimée :

Me Charles Camirand

Me Dan Daniels

 

JUGEMENT

Les appels concernant les années d’imposition 2002, 2003, 2004 et 2005 sont rejetés, conformément aux motifs de jugement ci-joints.

Aucuns dépens ne seront adjugés.


 

Signé à Ottawa, Canada, ce 31e jour de mars 2022.

« Guy R. Smith »

Le juge Smith

Traduction certifiée conforme

ce 20e jour de janvier 2023.

François Brunet, réviseur


 

Dossier : 2014-361(IT)G


ENTRE :

GARRY INNANEN,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

Appel entendu le 20 septembre 2019,

les 1er, 2, 3, 4, 7, 8, 9, 10 et 11 octobre 2019, à Toronto (Ontario) et

observations verbales formulées les 7 et 8 octobre 2020 à Ottawa, Canada.

Devant : L’honorable juge Guy R. Smith

Comparutions :

Avocats de l’appelant :

Me Terry McCaffrey

Me Anahita Tajadod

Avocats de l’intimée :

Me Charles Camirand

Me Dan Daniels

 

JUGEMENT

Les appels concernant les années d’imposition 2002, 2003, 2004 et 2005 sont rejetés, conformément aux motifs de jugement ci-joints.

Aucuns dépens ne seront adjugés.


 

Signé à Ottawa, Canada, ce 31e jour de mars 2022.

« Guy R. Smith »

Le juge Smith

Traduction certifiée conforme

ce 20e jour de janvier 2023.

François Brunet, réviseur


 

Dossier : 2014-574(IT)G


ENTRE :

SONNY GOLDSTEIN,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

Appel entendu le 20 septembre 2019,
les 1er, 2, 3, 4, 7, 8, 9, 10 et 11 octobre 2019 à Toronto (Ontario) et
observations verbales formulées les 7 et 8 octobre 2020 à Ottawa, Canada.

Devant : L’honorable juge Guy R. Smith

Comparutions :

Avocats de l’appelant :

Me Terry McCaffrey
Me Anahita Tajadod

Avocats de l’intimée :

Me Charles Camirand

Me Dan Daniels

 

JUGEMENT

Les appels concernant les années d’imposition 2003, 2004, 2005 et 2006 sont rejetés conformément aux motifs de jugement ci-joints.

Aucuns dépens ne seront adjugés.


 

Signé à Ottawa, Canada, ce 31e jour de mars 2022.

« Guy R. Smith »

Le juge Smith

Traduction certifiée conforme

ce 20e jour de janvier 2023.

François Brunet, réviseur


 

Dossier : 2013-3357(IT)G


ENTRE :

THOMAS BREEN,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

Appel entendu le 20 septembre 2019,
les 1er, 2, 3, 4, 7, 8, 9, 10 et 11 octobre 2019 à Toronto (Ontario) et
observations verbales formulées les 7 et 8 octobre 2020 à Ottawa, Canada.

Devant : L’honorable juge Guy R. Smith

Comparutions :

Avocats de l’appelant :

Me Terry McCaffrey
Me Anahita Tajadod

Avocats de l’intimée :

Me Charles Camirand

Me Dan Daniels

 

JUGEMENT

Les appels concernant les années d’imposition 2004, 2005, 2006 et 2007 sont rejetés, conformément aux motifs de jugement ci-joints.

Aucuns dépens ne seront adjugés.


 

Signé à Ottawa, Canada, ce 31e jour de mars 2022.

« Guy R. Smith »

Le juge Smith

Traduction certifiée conforme

ce 20e jour de janvier 2023.

François Brunet, réviseur


 

 

 

Dossier : 2013-4320(IT)G


ENTRE :

LAURIE COGHLIN,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

Appel entendu le 20 septembre 2019,
les 1er, 2, 3, 4, 7, 8, 9, 10 et 11 octobre 2019 à Toronto (Ontario) et
observations verbales formulées les 7 et 8 octobre 2020 à Ottawa, Canada.

Devant : L’honorable juge Guy R. Smith

Comparutions :

Avocats de l’appelant :

Me Terry McCaffrey
Me Anahita Tajadod

Avocats de l’intimée :

Me Charles Camirand
Me Dan Daniels

 

JUGEMENT

Les appels concernant les années d’imposition 2004, 2006 et 2007 sont rejetés, conformément aux motifs de jugement ci-joints.

Aucuns dépens ne seront adjugés.


 

Signé à Ottawa, Canada, ce 31e jour de mars 2022.

« Guy R. Smith »

Le juge Smith

Traduction certifiée conforme

ce 20e jour de janvier 2023.

François Brunet, réviseur

Dossier : 2013-3466(IT)G


ENTRE :

MARC HALFORD,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

Appel entendu le 20 septembre 2019,
les 1er, 2, 3, 4, 7, 8, 9, 10 et 11 octobre 2019 à Toronto (Ontario) et
observations verbales formulées les 7 et 8 octobre 2020 à Ottawa, Canada.

Devant : L’honorable juge Guy R. Smith

Comparutions :

Avocats de l’appelant :

Me Terry McCaffrey
Me Anahita Tajadod

Avocats de l’intimée :

Me Charles Camirand
Me Dan Daniels

 

JUGEMENT

Les appels concernant les années d’imposition 2003, 2004, 2005, 2006 et 2007 sont rejetés, conformément aux motifs de jugement ci-joints.

Aucuns dépens ne seront adjugés.


 

Signé à Ottawa, Canada, ce 31e jour de mars 2022.

« Guy R. Smith »

Le juge Smith

Traduction certifiée conforme

ce 20e jour de janvier 2023.

François Brunet, réviseur


Référence : 2022 CCI 41

Date : 20220431

Dossier : 2012-112(IT)G

ENTRE :

DAVID HERRING,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

Dossier : 2013-4197(IT)G

ET ENTRE :

KENNETH L. MILLEY,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

Dossier : 2014-361(IT)G

ET ENTRE :

GARRY INNANEN,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

Dossier : 2014-574(IT)G

ET ENTRE :

SONNY GOLDSTEIN,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

Dossier : 2013-3357(IT)G

ET ENTRE :

THOMAS BREEN,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

Dossier : 2013-4320(IT)G

ET ENTRE :

LAURIE COGHLIN,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

Dossier : 2013-3466(IT)G

ET ENTRE :

MARC HALFORD,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.


[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

MOTIFS DU JUGEMENT

Le juge Smith

I. Aperçu [i]

[1] David Herring, Kenneth L. Milley, Garry Innanen, Sonny Goldstein, Thomas Breen, Laurie Coghlin et Marc Halford (les « appelants ») [ii] ont participé à un programme de dons avec effet de levier (le « programme ») par l’intermédiaire duquel ils ont versé à un organisme de bienfaisance enregistré nommé Banyan Tree Foundation (« Banyan ») des dons [iii] .

[2] Conformément aux modalités du programme, les appelants ont promis de faire don d’une certaine somme (la « somme promise ») en espèces provenant de leurs propres fonds et d’un emprunt souscrit auprès d’un tiers prêteur. Ils ont aussi versé un dépôt de garantie au prêteur (le « dépôt de garantie ») qui devait être investi afin de finalement rembourser le principal du prêt, y compris les intérêts courus et les impôts sur le revenu qui pourraient être dus par les donateurs sur le rendement annuel des placements.

[3] Pour chaque année durant laquelle ils ont participé, les appelants ont demandé des crédits d’impôt pour dons de bienfaisance relativement à la somme totale promise, en application du paragraphe 118.1(3) de la Loi de l’impôt sur le revenu, L.R.C., 1985, ch. 1 (5e suppl.) (la « Loi »).

[4] Le ministre du Revenu national (le « ministre ») a établi une nouvelle cotisation à l’égard des appelants en vue d’annuler les crédits d’impôt pour dons de bienfaisance au motif que les dons censément faits n’étaient pas valides selon la common law ou la Loi.

[5] Dans le cadre des présents appels, les appelants reconnaissent que le prêteur n’a jamais versé à Banyan le produit du prêt. Par conséquent, ils demandent à la Cour de trancher les questions suivantes :

  1. Une partie de la somme totale des dons constitue-t-elle un don selon la common law?

  2. Le don en espèces et le dépôt de garantie ou encore le don en espèces seul sont-ils admissibles à un crédit d’impôt en tant que dons fractionnés selon la common law et conformément au principe du bijuridisme?

  3. Les paragraphes 248(30) à (32) de la Loi s’appliquent-ils aux années d’imposition de 2003 à 2007 et, le cas échéant, quel est le montant admissible du don qui peut être déclaré en application du paragraphe 248(31) de la Loi?

  4. Si le dépôt de garantie n’est pas un montant admissible en application du paragraphe 248(31), les appelants ont-ils le droit de demander la déduction d’une perte en capital nette en application de l’alinéa 111(1)b) de la Loi?

[6] L’intimée prétend que ces arguments doivent être rejetés et elle soutient, à titre subsidiaire, que les appelants n’ont droit à aucun crédit d’impôt, étant donné que les reçus pour dons de bienfaisance ne contiennent pas les renseignements qu’exige le paragraphe 118.1(2) de la Loi.

[7] Au départ, l’intimée avait invoqué la règle générale anti-évitement en application de l’article 245 de la Loi, mais elle a choisi de ne présenter aucune observation écrite et il ne sera donc pas nécessaire de discuter cet argument.

[8] Pour les motifs énoncés ci-dessous, la Cour conclut que les appelants n’ont pas droit à des crédits d’impôt pour don de bienfaisance relativement à une partie des dons allégués, notamment la composante en espèces et le dépôt de garantie, et qu’ils n’ont pas le droit de demander la déduction du dépôt de garantie en tant que perte en capital nette. Par conséquent, les appels doivent être rejetés.

[9] Tous les renvois aux dispositions législatives sont des renvois à la Loi, y compris les règlements promulgués en vertu de la Loi, qui se rapportent aux cotisations ou aux nouvelles cotisations et aux années d’imposition en question dans la présente affaire.

II. Programme et chronologie

[10] Promittere Asset Management Limited (« Promittere ») et des vendeurs indépendants présents partout au Canada ont assuré la promotion du programme. Robert J. Thiessen (« Thiessen ») était le directeur à la fois de Banyan et de Promittere. Il se présentait comme le président de 1106999 Ontario Limited qui a plus tard changé de nom et pris celui de Rochester Financial Ltd. (« Rochester » ou le « prêteur »). Toutes ces entités travaillaient dans le même espace de bureau ou avaient la même adresse.

[11] Le programme a été présenté comme un [traduction] « programme de dons » destiné au [traduction] « versement de dons à des organismes de bienfaisance » dont les activités consistaient à [traduction] « soutenir des programmes pour les défavorisés, l’enseignement, le sport et la recherche médicale ». Plusieurs organismes de bienfaisance auxquels Banyan pouvait faire un don étaient énumérés dans les documents promotionnels. Comme nous le verrons plus loin, les fonds recueillis sont censés avoir été utilisés pour l’achat de rentes en faveur de certains organismes de bienfaisance bénéficiaires.

[12] La procédure de promesse de dons est indiquée dans les documents promotionnels. Les participants devaient remplir une série de documents, notamment un formulaire de promesse de dons (« le formulaire de promesse de dons ») dans lequel était mentionné le montant total du don, une demande de prêt, une procuration (la « demande de prêt ») et un billet à ordre (le « billet à ordre ») collectivement qualifiés de documents du programme (les « documents du programme »).

[13] Les participants devaient remplir et remettre les documents du programme, ainsi que deux chèques distincts, l’un pour la composante en espèces, à l’ordre de Banyan et l’autre pour le dépôt de garantie, à l’ordre du prêteur.

[14] La demande de prêt prévoyait que si elle n’était pas acceptée avant le 31 décembre de l’année applicable, les dépôts seraient [traduction] « immédiatement remboursés, sans intérêt ni retenue ». Si elle était acceptée, le prêteur était [traduction] « autorisé » à accorder directement à Banyan le produit du prêt et il recevait [traduction] « l’instruction de le faire ». Les participants ont plus tard reçu une confirmation écrite du montant du prêt et du dépôt de garantie indiquant que celui-ci serait investi pour rembourser le prêt, l’ensemble des intérêts courus et tous les impôts qui pourraient être dus par les participants sur le rendement des placements.

[15] La promotion du programme de 2002 a été faite en misant sur la possibilité pour les participants de faire un don en tirant parti de ressources en espèces correspondant à 14,5 % de la somme promise, avec un prêt pour 85,5 % du solde restant. Le dépôt de garantie était égal à 8,7 % de la somme promise. Le prêt, d’une durée de 25 ans, sans paiement du principal ou des intérêts, devait être remboursé au plus tard à la date d’échéance, selon un rendement des placements supposé de 9,85 % par an. Chaque année, le prêteur devait déclarer l’ensemble des revenus gagnés sur le dépôt de garantie et les participants seraient remboursés pour tous les impôts dus sur le rendement des placements.

[16] En raison des modifications apportées à la Loi (qui seront examinées ci-dessous), le programme a été modifié pour les années d’imposition allant de 2003 à 2007. La durée du prêt a été réduite à dix ans et son taux d’intérêt était celui indiqué dans le billet à ordre ou celui prescrit en application du paragraphe 143.2(7) de la Loi, selon le plus élevé des deux. La composante en espèces est demeurée la même, mais le dépôt de garantie a été augmenté pour correspondre à 14,5 % de la somme promise. Ces pourcentages ont légèrement varié au fil des ans ou d’un participant à l’autre. Le paiement du principal ou des intérêts n’était pas exigé et le prêt devait être remboursé au plus tard à la date d’échéance, selon un rendement des placements supposé de près de 35 % par an.

[17] De 2002 à 2007, les participants ont aussi eu le droit d’avancer l’intégralité de la somme promise et en aussi peu que 24 heures, 85,5 % de cette somme leur ont été remboursés au moyen d’un chèque certifié ou d’une traite bancaire. La somme remboursée a été prétendument convertie en un prêt, une fois un billet à ordre signé et cette somme aurait été versée à Banyan par le prêteur. Dans les présentes affaires, le prêteur a également reçu un autre paiement relativement au dépôt de garantie.

[18] Selon les documents promotionnels concernant le programme de 2002, une sortie de fonds totale correspondant à près de 23,2 % (14,5 % + 8,7 %) de la somme promise générerait une [traduction] « situation de trésorerie positive » égale à 100 % de la sortie de fonds, si on suppose un taux d’imposition marginal de 46,41 %. Selon les documents promotionnels concernant le programme de 2003 à 2007, une sortie de fonds correspondant à près de 29 % (14,5 % + 14,5 %) de la somme promise générerait une [traduction] « situation de trésorerie positive » équivalant à 60 à 70 % de la sortie de fonds, si on suppose un taux d’imposition marginal de 46,41 %.

[19] Un sommaire de ces calculs figure dans l’annexe « A » des présents motifs du jugement. La brochure était déclinée en plusieurs versions en fonction des différentes provinces, des taux d’imposition et des organismes de bienfaisance différents, mais je trouve que ces différences n’étaient pas importantes et que le programme était fondamentalement le même.

[20] Dans les documents promotionnels concernant le programme de 2003, il a été ajouté que le prêteur avait [traduction] « prévu une assurance relative au rendement pour s’assurer que [les] résultats du gestionnaire de placement [rembourser]aient le prêt et les intérêts ». Bien que l’ensemble de la preuve quant à l’existence de cette police d’assurance ne soit pas concluante, les brochures promotionnelles ont continué de mentionner son existence.

[21] Les documents promotionnels concernant le programme de 2003 mentionnaient aussi un [traduction] « avis fiscal de Fraser, Milner, Casgrain ». Plusieurs des appelants ont témoigné qu’ils avaient été avisés de cet avis juridique, mais peu d’entre eux l’avaient effectivement lu.

[22] En fait, Fraser Milner Casgrain S.E.N.C.R.L. (« FMC ») avait préparé plusieurs avis juridiques. Dans une version datée du 5 septembre 2003, FMC a opiné que le prêt [traduction] « sera un prêt comportant tous les moyens de recours » et que le [traduction] « prêteur souscrira une police d’assurance [...] qui assurera le risque que le dépôt de garantie [...] ne suffise pas pour rembourser le prêt ». [iv] Dans une autre version, également datée du 5 septembre 2003, FMC a opiné que le [traduction] « prêt sera un prêt à recours limité aux termes duquel le recours du prêteur sera limité au dépôt de garantie et à tous les accroissements s’y rapportant ». [v]

[23] Entre 2003 et 2005, le prêteur a fourni à tous les appelants des mises à jour annuelles sur les rendements des placements sur le dépôt de garantie, en déclarant au départ un rendement important fondé sur des gains accumulés liés à un projet immobilier et des placements gérés par un fonds de couverture. Par exemple, à la fin de 2004, le prêteur a déclaré des gains de 53,42 %, en faisant remarquer que [traduction] « ce pourcentage était nettement supérieur aux 35 % de rendement annuel nécessaire pour le remboursement du prêt à la fin de la période de dix ans ». En 2005, les participants ont été informés que les rendements sur les dépôts de garantie de 2003 et de 2004 étaient de 38,6 % et de 49,2 %, respectivement. Les appelants qui ont participé au programme de 2002 (MM. Herring, Milley et Innanen) ont finalement été informés que le rendement des placements sur leur dépôt de garantie avait généré un rendement suffisant pour rembourser leurs prêts respectifs.

[24] Cependant, en 2006, le prêteur a informé les participants que l’un de ses gestionnaires de placement avait détourné les fonds, de sorte qu’il n’y a eu aucun gain en capital en 2004 et 2005 et que les dépôts de garantie avaient été considérablement réduits.

[25] Par la suite, chaque appelant a reçu un relevé annuel accompagné d’une facture indiquant les intérêts à payer sur les soldes de prêts et qui précisait que le défaut de paiement à l’échéance de ces intérêts entraînerait l’exigibilité de l’intégralité du montant du prêt. Comme cela sera précisé plus loin, les appelants ont effectué les paiements des intérêts sur les prêts de 2003 à 2005 et leur principal prétendument impayé a fait l’objet de réductions correspondantes.

[26] Les appelants ont finalement été avisés d’une vérification menée par l’Agence du revenu du Canada (« ARC ») pour l’année d’imposition 2003 et il leur a été enjoint de confirmer leur solde des prêts, étant donné que l’ARC exigeait désormais comme moyen de recours des titres de créance. Ils ont en outre été informés qu’en effectuant des paiements pour le remboursement du prêt ou en confirmant le solde impayé, ils auraient de meilleures chances d’éviter de payer des impôts et les intérêts courus dus à l’ARC.

[27] En février 2008, le prêteur a signalé aux appelants qu’en raison de la fraude décrite précédemment, outre le paiement du principal à l’échéance, moins le reste du dépôt de garantie, les participants devraient continuer à payer des intérêts pendant le reste de la durée du prêt.

[28] À titre subsidiaire, les participants ont été informés que le prêteur avait convenu d’accepter le remboursement anticipé des prêts au taux d’escompte de 22,5 % du solde impayé payable en quatre versements égaux sur une période de douze mois.

[29] En septembre 2008, le statut d’organisme de bienfaisance de Banyan a été révoqué.

[30] En 2010, un recours collectif a été déposé contre Banyan, ses promoteurs, le prêteur et FMC, au nom de 2 825 participants au programme et il a été approuvé par la Cour supérieure de justice de l’Ontario (Robinson c. Rochester et al., 2010 ONSC 463). Il était allégué qu’une [traduction] « disposition expresse ou [...] implicite du contrat indiquait que les participants ne risqueraient pas de devoir rembourser les prêts obtenus de Rochester ». Il a été allégué que les défendeurs ont fait preuve de négligence en omettant de veiller à ce que [traduction] « le risque que les participants soient contraints de rembourser le prêt obtenu pour faciliter leur participation au programme n’existe pas » et que les avis juridiques [traduction] « étaient nécessaires et utiles pour commercialiser le programme de dons [...] » (par. 1 et 2).

[31] Un règlement quant au recours collectif a finalement été conclu avec FMC et il a été approuvé par la Cour supérieure de justice de l’Ontario (Robinson c. Rochester Financial Limited, 2012 ONSC 911). Le montant du règlement s’est élevé à 11 millions de dollars, sans aveu par FMC de sa responsabilité. Tous les participants, sauf un petit groupe qui a choisi d’y renoncer, devaient recevoir un paiement proportionnel.

[32] L’approbation par la Cour du règlement comprenait une déclaration selon laquelle [traduction] « les contrats de prêts et les billets à ordre signés par les membres du recours collectif en lien avec le programme de dons sont non exécutoires par les défendeurs, leurs successeurs et leurs ayants droit » (par. 15).

III. Témoignages des appelants

[33] Même si les participants au programme résidaient dans plusieurs provinces différentes, les appelants dans l’espèce résidaient soit au Manitoba soit en Ontario. Ils ont tous été informés du programme, directement ou indirectement, par l’intermédiaire de leur conseiller financier respectif. Tous les appelants étaient d’avis que le programme était intéressant, car il leur permettait de [traduction] « donner plus » aux organismes de bienfaisance ou d’améliorer la manière dont les dons étaient versés à ceux-ci en tirant parti des ressources en espèces existantes au moyen d’un financement par emprunt.

[34] Les appelants ont témoigné qu’ils croyaient à l’authenticité du prêt, compte tenu de la possibilité qu’il faille le rembourser si le rendement des placements sur le dépôt de garantie était en fin de compte insuffisant. En fait, les appelants ont payé des intérêts sur les prêts de 2003, de 2004 et de 2005. Tous les appelants ont reçu des feuillets T3 pour le rendement des placements sur le dépôt de garantie, ainsi qu’un chèque, parfois appelé « chèque d’allègement fiscal » pour payer des impôts à un taux d’imposition marginal pour les particuliers présumé de 35 %. En 2008, le prêteur aurait déduit ces sommes pour couvrir les frais juridiques afférents à la défense de la vérification en cours menée par l’ARC.

[35] En 2009, le prêteur a proposé de rembourser les prêts au taux réduit de 22,5 % du solde impayé. Certains appelants ont accepté cette offre. Sous réserve de ces versements, aucun des appelants n’a payé les prêts à la date d’échéance.

[36] Les appelants se sont finalement rendu compte que leurs prêts n’étaient pas véritables, étant donné que le produit des prêts n’avait jamais été accordé à Banyan. À l’issue du recours collectif, ils ont tous obtenu leur part proportionnelle du produit de règlement.

[37] L’annexe « B » jointe aux présentes énonce la somme promise pour chaque appelant, y compris la composante en espèces et le dépôt de garantie, ainsi que le pourcentage de la somme en espèces et du dépôt de garantie relativement aux prétendus dons.

[38] Voici un résumé du témoignage de chaque appelant.

Marc Halford (1er témoin)

[39] M. Halford était un résident du Manitoba où il a obtenu un diplôme universitaire en génie industriel. Il a admis s’être [traduction] « essayé au marché boursier » avec un groupe de connaissances afin d’apprendre et [traduction] « de s’amuser un peu sur les marchés ».

[40] Personnellement, il a fait appel aux services d’un conseiller financier du nom de Robert Eger pour qu’il réponde à ses besoins en assurance et lui fournisse des renseignements en matière de placements. Comme il percevait plus d’argent, il a demandé de l’aide pour faire des dons à des organismes de bienfaisance [traduction] « en versant des sommes plus importantes d’une manière mieux organisée ». En 2003, M. Eger lui a présenté la Banyan Tree Foundation.

[41] M. Halford a reçu de la [traduction] « documentation » qu’il a passée en revue, mais c’est M. Eger qui, en gros, lui a expliqué le programme [traduction] « oralement ». Il a reconnu le [traduction] « résumé » écrit du [traduction] « programme de dons de 2004 » lorsqu’il lui a été présenté. Une liste d’organismes de bienfaisance enregistrés capables de recevoir des dons de Banyan, dont certains lui étaient familiers, y figurait. Il a compris que le programme lui permettrait de [traduction] « maximiser » ses dons de bienfaisance. Il a expliqué qu’il [traduction] « espérait » que la croissance du dépôt de garantie garantirait le paiement intégral du prêt avant l’échéance.

[42] M. Halford a été avisé de certains avis juridiques, mais il n’en a pas pris connaissance, étant donné que M. Eger les lui a expliqués [traduction] « en termes simples ». Il a déclaré qu’il ne s’y est pas fié avant sa participation. Il comprenait que le programme était un [traduction] « système licite qui avait fonctionné en 2002 » et [traduction] « qu’il n’y avait aucun problème avec ce programme ou avec le ministère du Revenu ».

[43] Il a participé au programme et a promis de verser 26 000 $, 30 000 $, 32 000 $ et 41 000 $ pour 2003, 2004, 2005 et 2007, respectivement. Un crédit relativement à certaines sommes versées a été demandé en 2006 comme report prospectif des exercices précédents.

[44] M. Halford a expliqué que si le rendement des placements sur le dépôt de garantie ne suffisait pas pour payer les intérêts sur les prêts, il serait tenu d’effectuer ces paiements dans les 30 jours suivant la fin de l’année civile. Si les prêts n’étaient pas remboursés avant l’expiration de la période de dix ans, il comprenait que cette période serait prolongée ou qu’il serait personnellement tenu de les rembourser.

[45] Lorsqu’on lui a demandé si quelqu’un lui avait déjà dit qu’il n’était [traduction] « pas tenu de rembourser le prêt », il a affirmé que [traduction] « cela n’a jamais été discuté ». Lorsqu’on lui a demandé s’il avait entendu parler d’une [traduction] « assurance relative au rendement » concernant le dépôt de garantie, M. Halford a répondu qu’il n’en avait [traduction] « absolument pas » entendu parler et que M. Eger l’avait informé que l’assurance n’avait été mise en place qu’en 2002, mais pas les années suivantes. Lorsqu’on lui a demandé s’il avait participé au recours collectif, il a indiqué que sur les conseils de M. Eger, il avait décidé de [traduction] « ne pas y participer ».

[46] Incidemment, M. Halford a expliqué qu’il a été au départ impressionné par le rendement exceptionnel des placements sur les dépôts de garantie communiqué par le prêteur et qu’il a organisé une rencontre avec M. Eger et ses connaissances intéressées par les placements afin de mettre en commun l’argent qui serait investi dans un programme connu sous le nom de Promittere S&P 500 Limited, géré par G.H. Lewis & Associates (« G.H. Lewis »), par l’intermédiaire d’une nouvelle société, en retenant les services des mêmes conseillers en placement que ceux auxquels Banyan a fait appel. M. Halford a investi personnellement 35 000 $ en 2004 et 20 000 $ supplémentaires en 2005. Il a qualifié cela de [traduction] « plan de secours », au cas où il devrait rembourser les prêts relatifs au programme qu’il avait contractés. Lorsqu’on lui a demandé pourquoi il n’avait pas diversifié ses placements en faisant appel aux services d’un autre gestionnaire, il a mentionné le [traduction] « fantastique rendement » déclaré par le prêteur.

[47] En novembre 2006, M. Halford a été informé par le prêteur et Promittere que le rendement des placements auparavant communiqué avait été [traduction] « inventé » et que les dépôts de garantie avaient été considérablement réduits. Il a été appelé à verser 1 012,05 $, 1 167,75 $ et 820,80 $ d’intérêts sur les prêts de 2003, de 2004 et de 2005, respectivement. Il a payé ces intérêts. Finalement, les placements auprès de G.H. Lewis ont aussi fait l’objet d’un [traduction] « détournement », comme l’a décrit M. Halford et une action aurait été intentée contre les conseillers en placement afin de recouvrer les pertes. Pensant qu’un nouveau gestionnaire de placement avait été nommé, M. Halford a versé à Banyan un autre don en 2007.

[48] En contre-interrogatoire, M. Halford a reconnu que comparativement aux 110 000 $ dont il avait fait don à Banyan, ses derniers dons de bienfaisance avaient été assez modestes. Il a indiqué qu’il pensait au départ que les prêts étaient de véritables obligations juridiques, mais il a avoué qu’il ne les avait pas remboursés lorsqu’ils sont devenus exigibles, malgré la déclaration contenue dans le billet à ordre, selon laquelle les sommes d’argent seraient dues [traduction] « sans qu’il soit nécessaire d’en faire la demande ». Il a reconnu que le versement des intérêts indiqué précédemment avait en réalité considérablement réduit le principal des prêts, mais il ne pouvait pas donner une explication à cela. Il a une nouvelle fois prétendu qu’il ignorait l’état des prêts, indiquant qu’ils demeuraient potentiellement en souffrance. Il a aussi dans un premier temps nié avoir participé au recours collectif, mais lorsqu’on lui a présenté certains documents indiquant le contraire, il a finalement admis qu’il y avait participé et qu’il avait reçu sa part proportionnelle du fonds de règlement.

[49] M. Halford a reconnu que les documents promotionnels mentionnaient un avis juridique, mais il a nié avoir reçu des explications à ce sujet de la part de M. Eger. En ce qui concerne l’assurance relative au rendement, il a admis qu’elle était mentionnée dans la brochure promotionnelle, mais il a précisé qu’elle n’était offerte que pour le programme de 2002. Lorsqu’on lui a présenté la brochure de 2003, qui indiquait qu’il existait une assurance relative au rendement, il a avancé qu’il s’agissait vraisemblablement d’une erreur d’impression.

[50] Malgré les pertes subies, M. Halford a fait un autre don en 2007, mais il n’a pas pu expliquer pourquoi il avait fait un seul chèque à l’ordre de Banyan, sans faire un chèque à l’ordre du prêteur comme dépôt de garantie pour cette année d’imposition.

[51] M. Halford a également admis avoir auparavant sollicité un prêt hypothécaire et une ligne de crédit auprès d’une institution bancaire à qui il avait donné l’autorisation d’effectuer une vérification de sa solvabilité. En revanche, il a indiqué qu’à cette occasion, le prêteur n’a demandé aucun de ces documents pour ces prêts. Il a également reconnu que le prêteur, en guise d’incitatif pour l’encourager à payer les intérêts mentionnés précédemment, avait proposé de réduire le principal des prêts en 2006.

[52] Enfin, M. Halford a admis qu’en participant au programme, un crédit d’impôt correspondant à près de 46,41 % du total de la composante en espèces et de la composante du prêt lui a été accordé et que cela créerait une [traduction] « situation de trésorerie positive », même s’il n’était pas capable de se rappeler si cela lui avait été expliqué exactement de cette manière.

Garry Innanen (2e témoin)

[53] M. Innanen était un conseiller en gestion de l’information qui avait obtenu un baccalauréat en sciences de la Terre et une maîtrise en administration des affaires. Il résidait en Ontario au cours de la période pertinente. Au fil des ans, il a fait appel aux services de plusieurs conseillers en placement, notamment Doug Lawson qui lui a présenté le programme en 2003. Il a rencontré M. Thiessen, car M. Lawson travaillait dans les mêmes locaux à bureaux et il s’est souvenu avoir remarqué derrière le bureau de la réception plusieurs plaques sur lesquelles étaient inscrits des remerciements adressés à Banyan pour ses dons de bienfaisance.

[54] Avant 2002, lui-même et son épouse avaient fait des dons à plusieurs œuvres de bienfaisance ainsi que du bénévolat afin de recueillir des dons grâce au porte-à-porte. Il pensait que Banyan lui permettrait de soutenir plus d’organismes de bienfaisance que ce que ses [traduction] « moyens financiers limités » lui permettaient.

[55] M. Lawson lui a fourni de la [traduction] « documentation » décrivant le programme qu’il a lue. Il a pu faire la distinction entre les documents promotionnels de 2002 et les documents du programme remanié de 2003. Il s’est souvenu que FMC [traduction] « a donné un avis en 2002, puis de nouveau en 2003 » indiquant que Banyan [traduction] « était une véritable fondation ». Il a décidé de participer au programme, car il connaissait M. Lawson et lui faisait confiance, parce que cela semblait [traduction] « logique » et parce qu’il reconnaissait certains des organismes de bienfaisance. Il a aussi expliqué avoir lancé une affaire en 2002 et que la [traduction] « possibilité d’obtenir un effet de levier » le séduisait.

[56] Il a promis de faire don des sommes de 15 000 $, 20 000 $, 20 000 $ et de 25 000 $ pour 2002, 2003, 2004 et 2005, respectivement. Chaque année, il remplissait les documents du programme, recevait les reçus fiscaux et demandait un crédit en conséquence.

[57] Lorsqu’on lui a demandé si quelqu’un lui avait déjà dit qu’il ne serait pas chargé de rembourser les prêts, il a répondu qu’il [traduction] « qu’on ne l’avait jamais avisé de cela ». Il a également indiqué que les dépôts de garantie devaient [traduction] « servir à constituer un fonds afin de rembourser les prêts », mais que cela n’a [traduction] « jamais été garanti » et que si le rendement était insuffisant, il devrait [traduction] « combler l’insuffisance de fonds ». Il a reconnu que les documents promotionnels mentionnaient [traduction] « une certaine forme d’assurance relative au rendement », mais il a précisé qu’il n’avait jamais vu la police d’assurance.

[58] En novembre 2006, il a été appelé à verser 773,54 $, 509,35 $ et 641,25 $ d’intérêts sur les prêts de 2003, de 2004 et de 2005. Étant donné qu’il était au courant des préoccupations relatives au rendement et au détournement de fonds possible du gestionnaire de placement, il a pris des mesures afin de limiter ses pertes possibles en investissant dans des fonds à revenu fixe et dans des fonds communs de placement prudents en 2006 et 2007.

[59] Lors du contre-interrogatoire, M. Innanen a expliqué que M. Lawson avait [traduction] « convenu de faire la promotion » du programme, mais il a reconnu qu’il était également un administrateur de Banyan et qu’il était conscient de cela. Il a expliqué que le programme offrait un [traduction] « effet de levier supplémentaire » relativement à ses dons de bienfaisance, mais qu’il n’aurait pas songé à contracter un prêt bancaire à cette fin. Il a reconnu qu’il aurait [traduction] « peut-être » droit à un crédit d’impôt correspondant à 46,4 % du montant total des dons et que même si cela [traduction] « n’était pas un facteur déterminant, il n’en demeurait pas moins que c’était un facteur ». Il a indiqué qu’il n’était pas préoccupé par le rendement des placements nécessaire pour rembourser les prêts. Il ne s’est pas efforcé d’obtenir une copie de la police d’assurance relative au rendement, car il a accepté que dans le [traduction] « pire des cas », il puisse devoir rembourser le solde du prêt. Il a indiqué qu’en 2006, il avait versé des intérêts sur les prêts, mais il a également admis que le prêteur avait averti que s’il omettait de le faire, le prêt serait en souffrance. L’avertissement du prêteur révélait qu’il utiliserait [traduction] « tous les moyens disponibles pour recouvrer les fonds dus sur les prêts en souffrance ». Il a admis qu’il pourrait avoir discuté de cela avec M. Lawson.

[60] Lorsqu’on lui a demandé quel était l’état de ses prêts, il a affirmé qu’ils étaient [traduction] « en suspens », étant donné que les [traduction] « organismes n’existaient plus », mais il n’avait rien remarqué qui indiquait leur [traduction] « remboursement ». Il n’a pas tenté de rembourser les prêts et, lorsqu’on lui a présenté une copie de l’ordonnance approuvant le règlement du recours collectif, il a seulement admis qu’ils étaient en fait [traduction] « non exécutoires ».

Laurie Coghlin (3e témoin)

[61] M. Coghlin était un résident du Manitoba. Il a obtenu un baccalauréat en génie électrique et, avant de partir en retraite, il était copropriétaire d’une agence commerciale. Il possédait une expérience limitée en matière de placements et il a eu recours aux services de Robert Eger qui lui a donné des conseils en placement et l’a informé du programme.

[62] Il ne se souvenait pas précisément des documents promotionnels, mais il était certain de les avoir vus et il a affirmé que M. Eger les lui avait expliqués. Il n’était pas capable de se rappeler si l’assurance relative au rendement avait fait l’objet de discussions. Lorsqu’on l’a interrogé quant à l’existence d’un avis juridique, il s’est souvenu en avoir été avisé et il a précisé qu’il supposait qu’il s’agissait d’un [traduction] « avis raisonnable », sans quoi il n’aurait pas [traduction] « investi » dans le programme.

[63] Il a accepté de participer au programme en expliquant que [traduction] « l’arrangement était un moyen de faire un don plus important ». Il a promis de faire don des sommes de 65 000 $, 20 000 $ et 30 000 % en 2004, 2006 et 2007, respectivement. En 2003 et 2005, d’autres promesses de dons auraient été faites par son épouse. Il a accepté de participer en 2007, même s’il savait, et le formulaire de promesse de dons l’indiquait expressément, que les crédits d’impôt précédents et le programme étaient [traduction] « en cours d’examen » par l’ARC.

[64] M. Coghlin a admis qu’il ne possédait pas les copies des documents relatifs aux prêts de 2004 et 2006, car comme il l’a expliqué, soit on ne lui avait pas remis ces copies, soit elles avaient été égarées. En ce qui concerne le dépôt de garantie, il a expliqué qu’il serait utilisé [traduction] « pour la mise en place d’un véhicule de placement, dans l’espoir [...] » de rembourser le prêt. Il comprenait que si les choses ne fonctionnaient pas, il pourrait devoir payer des intérêts ou rembourser le principal sur le prêt. En 2006, il a reçu des factures relatives aux intérêts sur ses prêts de 2004 et de 2006. Son épouse a reçu des factures similaires liées à ses prêts. Avant de payer ces intérêts, il a appelé M. Eger pour savoir si ces [traduction] « factures étaient légitimes » et s’il devait les acquitter. Il a déclaré ne pas connaître l’état actuel des prêts ou de son dépôt de garantie. Il n’était pas capable de se rappeler si l’assurance relative au rendement avait fait l’objet de discussions.

[65] Lors du contre-interrogatoire, M. Coghlin a indiqué que M. Eger lui avait présenté Banyan et [traduction] d’« autres placements ». Il savait que Banyan constituait un abri fiscal qui réduirait l’impôt payable. Il a admis avoir fait un don en 2003 de 23 180 $ à un programme appelé « Canadian Gift Initiatives » représentant un autre abri fiscal et qui impliquait le don de produits pharmaceutiques dont il n’avait jamais pris possession.

[66] En ce qui concerne les documents relatifs aux prêts de 2007, il a reconnu qu’ils contenaient une clause restrictive selon laquelle la somme du don effectué serait retenue [traduction] « pendant une période d’au moins dix ans ». Il n’a pas été capable d’expliquer pourquoi le don n’a pas été distribué à d’autres organismes de bienfaisance, comme cela a été encouragé. Il n’a pas pu se rappeler s’il en avait discuté avec M. Eger.

[67] Il a admis bien connaître les produits de prêts comme les prêts hypothécaires et les cartes de crédit et l’obligation de rembourser le principal et les intérêts. Il a reconnu qu’aucune vérification de sa solvabilité n’a été effectuée et que son épouse n’a pas été tenue de cosigner l’un de ses contrats de prêts à cette occasion. Il a avoué ne pas avoir pris de mesures afin de rembourser les prêts devenus exigibles. Il a admis que le don fait à Banyan en 2004 excédait son revenu d’emploi et qu’il ne correspondait pas à la définition d’un [traduction] « investisseur qualifié » dont la valeur des actifs dépasse un million de dollars, d’après les documents de prêts. Il n’a pas été capable d’expliquer pourquoi le versement des intérêts sur les prêts réduisait également le principal dû.

[68] Même s’il a témoigné qu’il ignorait l’état de ses prêts, il a confirmé sa réponse aux engagements selon laquelle le recours collectif avait abouti à une déclaration voulant que tous les prêts fussent [traduction] « non exécutoires ». Il n’a pas non plus été capable de se souvenir s’il avait reçu sa part des fonds de règlement découlant du recours collectif.

Thomas Breen (4e témoin)

[69] M. Breen était titulaire d’un diplôme en administration des affaires et exerçait le métier de comptable général accrédité. Il était à la retraite, mais il avait été un registraire adjoint de coopératives de crédit dans la province du Manitoba. Robert Eger l’a informé du programme.

[70] Il a promis de faire don des sommes de 30 000 $, 35 000 $, 25 000 $ et 15 000 $ en 2004, 2005, 2006 et 2007, respectivement. Le 19 décembre 2006, il a versé 769,50 $ et 897,75 $ d’intérêts sur les prêts de 2004 et de 2005, respectivement.

[71] Il possédait une expérience limitée en matière de placements. Il s’essayait à des actions cotées en cents et il faisait confiance à M. Eger relativement aux produits d’assurance. Banyan lui a été décrite comme un [traduction] « programme de dons de bienfaisance » dans le cadre duquel les prêts produiraient un effet de levier et lui permettraient d’augmenter la somme d’argent dont il pouvait faire don, avec l’avantage fiscal additionnel. Il a confirmé avoir examiné la brochure et avoir reconnu au moins quatre organismes de bienfaisance ayant des liens avec le Manitoba. Il a entendu qu’un avis juridique indiquait que le programme [traduction] « était conforme aux lois qu’appliquait Revenu Canada », mais il ne l’avait pas lu. Apparemment, M. Eger l’avait lu et il s’était renseigné, en exerçant essentiellement une [traduction] « diligence raisonnable ». Cela l’a satisfait.

[72] Il comprenait que le dépôt de garantie serait géré par un fonds de couverture, mais il ne possédait aucune information sur leurs activités. M. Breen a déclaré qu’il était intéressé par le rendement élevé promis sur les dépôts de garantie et qu’un rendement de 35 % correspondait à ses attentes. Si le rendement était insuffisant, il comprenait qu’il [traduction] « pourrait » devoir rembourser les prêts ou combler l’insuffisance de fonds, mais il n’avait prévu aucun plan de secours dans ce cas-là. Il ne possédait pas de copies des documents de prêts pour 2004 et 2005 et il n’était pas capable d’expliquer pourquoi. Il a reçu les feuillets T3 relativement au rendement des placements sur le dépôt de garantie qui a été déclaré aux fins fiscales.

[73] Au cours du contre-interrogatoire, M. Breen a indiqué que même s’il était au courant de la fraude commise par les gestionnaires de placement et de la vérification en cours menée par l’ARC, il a de nouveau participé au programme en 2007. En revanche, il n’a pas versé au prêteur un dépôt de garantie cette année-là. Hormis le paiement des intérêts qui réduisait également le solde du principal de ses prêts, il a admis ne pas avoir cherché à savoir comment le prêteur pouvait accorder des prêts à un taux d’escompte de 22,5 % du solde impayé. En 2007, M. Breen a signé une reconnaissance de dette en faveur du prêteur confirmant au 1er janvier 2007 un solde de prêts impayé de 22 828,50 $ et de 27 680,62 $ pour les prêts de 2004 et de 2005, respectivement. Or ces sommes dues n’ont jamais été acquittées.

[74] M. Breen a indiqué avoir auparavant fait un don à un organisme de bienfaisance appelé « All Charities », un organisme-cadre semblable à « United Way », mais il a admis qu’il n’aurait jamais songé à emprunter de l’argent pour faire un don à cet organisme de bienfaisance et qu’il n’a jamais discuté de cette possibilité avec M. Eger. Avant sa participation auprès de Banyan, il n’avait jamais participé à un programme de don avec effet de levier ou à un abri fiscal. Sa connaissance de ces produits émanait de M. Eger. Il comprenait qu’en promettant de faire un don à Banyan, il aurait droit à des crédits d’impôt dont la valeur dépasserait la valeur totale de sa sortie de fonds. Il a admis qu’il ne répondait pas à la définition de l’[traduction] « investisseur qualifié », mais qu’à la demande pressante de M. Eger, il avait signé les documents de prêts indiquant qu’il répondait à cette définition.

[75] M. Breen a reconnu avoir participé à un recours collectif et avoir accepté sa part proportionnelle du fonds de règlement. Il a convenu que le premier avis qu’il a reçu indiquait que le règlement proposé comprendrait une déclaration selon laquelle les prêts consentis par le prêteur étaient [traduction] « nuls et non exécutoires », même si elle a été plus tard modifiée pour ne mentionner que [traduction] « non exécutoires ».

[76] Lors du réinterrogatoire, M. Breen a indiqué qu’il n’était pas surpris par le fait que le prêteur n’avait pas demandé de vérifier sa solvabilité, car d’après l’expérience qu’il a acquise auprès de coopératives de crédit, par exemple, il ne s’agissait pas d’une pratique courante.

Kenneth L. Milley (5e témoin)

[77] M. Milley était un enseignant à la retraite qui résidait en Ontario. Il possédait une expérience limitée en matière de placements. Au fil des ans, il a fait des dons à plusieurs organismes de bienfaisance. Horst Janusch, un conseiller en placement qui travaillait avec sa femme, lui a présenté Banyan. Il en a aussi discuté avec un autre conseiller en placement.

[78] Il a examiné la [traduction] « documentation » qui décrivait le programme et dans laquelle figurait la liste des organismes de bienfaisance qu’il reconnaissait et auxquels il avait fait des dons par le passé. Il s’est rappelé qu’il existait un avis juridique, ce qui a [traduction] « renforcé sa confiance » envers le programme. Il a indiqué qu’il n’y avait aucune assurance relative au rendement, mais avec du recul, si elle avait existé, il [traduction] « l’aurait probablement souscrite ».

[79] Il a expliqué que le dépôt de garantie devait être investi et servir à payer les intérêts sur les prêts et à réduire le principal impayé. Il ne savait pas qui gérait les placements et il ne s’en préoccupait pas particulièrement. Il comprenait qu’en cas d’insuffisance de fonds, il en serait responsable.

[80] Il a promis de faire don des sommes de 29 000 $, 20 000 $, 15 000 $ et 15 000 $ en 2002, 2003, 2004 et 2005, respectivement. Il a expliqué que le solde de ses prêts en 2002 a été remboursé au cours de l’année 2008, du fait de la croissance de son dépôt. Il a payé les intérêts sur les prêts, qui s’élevaient à 778,50 $, 284,75 $ et 384,74 $, pour chacune des années d’imposition, à savoir 2003, 2004 et 2005, respectivement.

[81] Au cours des contre-interrogatoires, il a indiqué avoir fait don de près de 4 000 $ par an à un grand nombre d’organismes de bienfaisance. Il a reconnu que les sommes d’argent qu’il avait promis de verser à Banyan étaient importantes par rapport à son revenu de pension et qu’il n’aurait pas pu rembourser les prêts s’ils étaient devenus exigibles. Il espérait que les [traduction] « placements audacieux » réalisés par le prêteur finiraient par rembourser les prêts. Selon sa [traduction] « compréhension et ses attentes », le rendement des placements permettrait de rembourser les prêts.

[82] Il a également reconnu que le montant du crédit d’impôt pour don ordinaire était en réalité inférieur au montant du don, mais qu’en faisant un don à Banyan, il avait droit à un remboursement dont le montant dépassait celui de la sortie de fonds réelle. Cela constituait [traduction] l’« avantage ».

[83] Il a reconnu que les soldes de ses prêts pour 2003, 2004 et 2005 avaient été regroupés pour former une créance dont la date d’échéance a été prorogée jusqu’au 31 décembre 2015. Il a admis n’avoir pris aucun arrangement pour rembourser ces prêts, mais il a insisté sur le fait qu’il n’avait jamais reçu de facture. Il pense actuellement que les prêts sont [traduction] « frauduleux » en ce sens qu’ils n’ont jamais vraiment existé.

David Herring (6e témoin)

[84] M. Herring était un conseiller semi-retraité résidant en Ontario. Il a fréquenté une université et il a étudié les sciences sociales et l’économie. Il comptait une vaste expérience dans le domaine de l’immobilier commercial et industriel et une certaine expérience du marché boursier.

[85] Il a consulté quelques conseillers en placement, notamment Ed Quinn qui lui a présenté Banyan en la qualifiant d[traduction] « occasion ». Il a assisté à une réunion avec un groupe de clients. M. Thiessen y a fait une présentation. On lui a remis une brochure contenant le descriptif du programme et une liste d’organismes de bienfaisance potentiels, mais il se souvient que l’accent a été surtout mis sur [traduction] « l’aide apportée aux enfants ». Il se rappelle une discussion concernant un avis juridique de FMC qui [traduction] « approuvait » le programme, mais qu’il n’a, en réalité, pas lu. Il n’avait aucun souvenir d’une assurance relative au rendement. Il a expliqué qu’il n’y avait aucune garantie quant au fait que le rendement sur le dépôt de garantie permettrait de rembourser le prêt, même s’il a été indiqué que [traduction] « cela était possible ». Quoi qu’il en soit, il comprenait qu’il pouvait obtenir un prêt correspondant à près de 85 % de la promesse de dons, mais pour 2002 et 2003, il a décidé de rembourser la [traduction] « somme totale ». Ses collègues ont pris une décision similaire.

[86] Il a plus tard envoyé un chèque de don de 150 000 $ à l’ordre de Banyan pour 2002, mais il a convenu de convertir en prêt une partie de cette somme et il a signé la demande de prêt. Il a reçu du prêteur un chèque de 128 250 $ indiquant qu’il pouvait utiliser cette somme d’argent à quelque fin que ce soit. Il a également libellé un chèque distinct pour le dépôt de garantie. M. Herring a plus tard soutenu qu’en réalité, il n’avait pas reçu le produit du prêt, indiquant qu’il était perplexe, étant donné que le prêt était prévu pour faire des dons. Quoi qu’il en soit, il a répété le processus en faisant un don de 150 000 $ en 2003, puis en réduisant le montant de ses dons en 2004 et 2005 à 30 000 $.

[87] Il comprenait qu’en ce qui concerne les divers prêts, il était responsable de l’insuffisance de fonds. En fait, en janvier 2007, il a versé 5 838,75 $ d’intérêts sur le prêt de 2003 et il a effectué deux paiements de 769,50 $ sur les prêts de 2004 et de 2005, respectivement. En février 2008, il a été avisé du remboursement de son prêt de 2002. On lui a offert la possibilité de rembourser son prêt de 2003 au taux escompté de 22,5 % et il a accepté cette offre en remettant une série de chèques. Cependant, compte tenu de ses craintes au sujet de la vérification en cours menée par l’ARC, il n’a pas accepté l’offre qui lui a été faite de rembourser le reste des prêts.

[88] Au cours des contre-interrogatoires, M. Herring a admis avoir fait, de 1997 à 1999, des dons de bienfaisance qui lui ont permis de demander des crédits d’impôt dont le montant était supérieur à celui des dons en espèces réels, dont ceux versés à « Medi-Call » qui lui permettaient de [traduction] « réaliser des profits chaque année ». Il a admis que les autres dons prétendument versés à Banyan au cours de la période pertinente étaient assez modestes.

[89] Il a également reconnu qu’il était généralement dans la tranche d’imposition la plus élevée, de sorte qu’il aurait eu droit à près de 46,4 % du montant total du don fait à Banyan, soit une somme supérieure à sa sortie de fonds réelle. M. Herring a convenu qu’il a été [traduction] « fait mention » d’un avis juridique et que la brochure indiquait une assurance relative au rendement, mais il a considéré qu’il s’agissait d’une [traduction] « brochure publicitaire » et il s’est fié à ses conseillers en placement. En fin de compte, il a participé au programme en raison de la [traduction] « situation de trésorerie positive » qui ne serait possible qu’en utilisant un prêt pour maximiser le montant total des dons.

[90] M. Herring a accusé réception d’une lettre de Promittere signée par M. Thiessen, le 19 novembre 2002, adressée [traduction] « à qui de droit ». Elle indiquait que Promittere assumerait la responsabilité du billet à ordre d’un [traduction] « débiteur » décédé si les héritiers acceptaient de renoncer au montant restant du dépôt de garantie. Il a convenu que cela l’a [traduction] « conforté », car s’il décédait, ses héritiers ne seraient pas responsables du prêt.

[91] En ce qui concerne son don en 2002, M. Herring a reconnu avoir préparé une traite bancaire de 150 000 $, libellée à l’ordre de Banyan le 19 décembre, et avoir signé le jour suivant les documents relatifs au programme, notamment un billet à ordre de 128 250 $ et avoir reçu du prêteur un chèque certifié de ce montant le même jour. Il ne s’est pas soucié de cela. Selon lui, le produit du prêt était destiné à Banyan et il n’était pas au courant de l’arrangement comptable.

[92] M. Herring a admis avoir en réalité envoyé des chèques pour rembourser son prêt de 2003 à un taux d’escompte au milieu de l’année 2009. Il l’a fait pour augmenter ses chances d’obtenir les crédits d’impôt pour dons de bienfaisance accordés par l’ARC. Cependant, il n’a pas payé les prêts de 2004 et 2005, car il est demeuré certain que le dépôt de garantie finirait par rembourser le prêt et parce qu’il avait des craintes au sujet de la vérification effectuée par l’ARC. Il a concédé qu’il n’avait pas remboursé ces prêts à la fin de la période de dix ans. Il a finalement reconnu avoir participé au recours collectif et avoir accepté sa part proportionnelle du produit du règlement.

[93] Lors du réinterrogatoire, M. Herring a révélé la présence de risques liés au dépôt de garantie. Il y avait des [traduction] « garanties verbales », mais rien par écrit et [traduction] « aucune assurance ».

Sonny Goldstein (7e témoin)

[94] M. Goldstein résidait en Ontario et était un conseiller financier agréé. Il s’est fait recruter par un représentant de Banyan afin de promouvoir le programme à ses clients, mais il a refusé de le faire, en raison de sa [traduction] « complexité et de son risque inhérent ». Il a toutefois personnellement participé au programme en promettant de verser 100 000 $ pour chacune des années 2003, 2004, 2005 et 2006, durant lesquelles il a manifestement contracté une dette dont le montant total s’élevait à 356 000 $.

[95] M. Golstein a produit des reçus datés du 21 décembre 2006 qui confirment le versement de 4005 $ et de 2670 $ d’intérêts sur les prêts de 2003 et de 2004, respectivement. Il a également signé une reconnaissance de dette le 1er janvier 2007 qui confirme que les soldes de ses prêts s’élevaient à 72 802 $, 79 210 $ et 82 325 $ pour les prêts de 2003, 2004 et 2005, respectivement. Or, ces sommes d’argent n’ont jamais été payées.

[96] Il a fait preuve de diligence raisonnable en examinant notamment l’avis juridique de FMC et il a communiqué avec certains organismes de bienfaisance pour confirmer qu’ils avaient effectivement reçu des fonds de Banyan. En fin de compte, il était convaincu qu’il s’agissait [traduction] d’« un programme philanthropique légitime ». Il a expliqué que l’aspect philanthropique était [traduction] « au cœur » du programme, que le prêt lui permettrait de faire [traduction] « un don de bienfaisance important » qu’il n’aurait autrement pas pu se permettre de faire, ajoutant que [traduction] « l’allègement fiscal immédiat était assurément avantageux ».

[97] M. Goldstein a admis avoir conclu que le rendement des placements prévu sur le dépôt de garantie était [traduction] « excessivement optimiste » ou [traduction] « totalement irréaliste » et qu’il ne permettrait probablement pas de rembourser le prêt avant son échéance. Il ne s’est pas soucié de cela, étant donné qu’en tant que conseiller financier, il pensait qu’il pouvait investir son remboursement de taxe à un taux de 8 % par année, puis doubler ce taux après neuf ans, ce qui laissait suffisamment de fonds pour rembourser le prêt arrivé à échéance. Or, en raison de sa situation personnelle, il ne l’a pas fait.

[98] Au cours des contre-interrogatoires, M. Goldstein a expliqué qu’avant sa participation au programme, il s’était renseigné au sujet de l’assurance relative au rendement et qu’il a reçu une lettre du prêteur datée du 20 août 2003 confirmant qu’il avait [traduction] « obtenu une police d’assurance d’un assureur réputé » et qu’il s’agissait d’une [traduction] « police entièrement payée » et qui [traduction] « demeurerait en vigueur [...] pendant toute la durée du prêt ». Il a indiqué qu’il [traduction] « ne pensait pas qu’une compagnie d’assurance de renom offrirait ce type d’assurance ». Il a également admis avoir reçu du prêteur une autre lettre datée du 23 août 2003 qui confirmait qu’il [traduction] « s’en remettait principalement à la sûreté accessoire et à sa croissance » ainsi qu’à sa police d’assurance.

[99] M. Goldstein était considéré comme un participant qui avait été remboursé, car il était censé avancer la somme totale du don, puis être remboursé à hauteur de la somme du prêt. Il a admis que sa sortie de fonds réelle correspondait à 11 % et non à 14,5 % de la somme promise, en raison de la correction de l’estimation d’une commission de vente.

[100] M. Goldstein s’est engagé à faire un don de 100 000 $ en 2006. Son premier chèque de ce montant a été rejeté par la banque en raison de fonds insuffisants. Il l’a remplacé par un deuxième chèque qui a également été rejeté pour la même raison. Il a préparé un troisième chèque daté du 31 décembre 2006 qu’il a fait certifier le 15 janvier 2007. Il a néanmoins déclaré cette somme pour l’année d’imposition 2006. Je conclus qu’aucune explication crédible n’a été fournie concernant cet écart.

[101] M. Goldstein a admis qu’il faisait partie du comité qui travaillait avec le groupe de plaignants ayant intenté un recours collectif. Il a joué un rôle important pour veiller à ce que l’approbation par le tribunal du règlement du recours collectif qualifie tous les prêts de [traduction] « non exécutoires », plutôt que de [traduction] « nuls et non exécutoires ». Il voulait que l’adjectif [traduction] « nul » soit supprimé, en raison de ses effets possibles sur leur statut juridique dans le cadre d’une vérification en cours effectuée par l’ARC et de l’établissement de nouvelles cotisations.

[102] À la fin de son témoignage, M. Goldstein a insisté sur le fait que sa participation au programme était modeste, compte tenu de son avoir net et de ses activités de bienfaisance passées.

IV. Témoignages des vérificateurs de l’ARC

[103] Salvatore Tringali et Eva Markou ont comparu pour le compte de l’intimée. Leurs témoignages ne seront examinés que sommairement, étant donné que les appelants ont confirmé que le produit des prêts présumé n’a jamais été versé à Banyan.

Salvatore Tringali

[104] M. Tringali était le chef de l’équipe de vérification de l’ARC dont le travail a commencé en juillet 2004. En se fondant sur les rencontres avec M. Thiessen et sur les réponses aux questions écrites, il a expliqué que sa principale crainte concernait la source des fonds pour les prêts prétendument accordés aux donateurs qui représentaient près de 85,5 % de la somme promise à Banyan.

[105] M. Thiessen lui a dit au départ que la source des fonds était une société distincte appelée PNH Financial inc. (« PNH »), dirigée par un certain Paul Hiley, un résident américain situé au Wyoming, aux États-Unis. PNH avait en outre la même adresse postale à Toronto que Banyan et Promittere. M. Tringali a reçu un billet à ordre de 41 686 896 $ daté du 2 janvier 2004 et négocié entre Rochester et PNH, mais après avoir effectué une enquête plus poussée, il s’est rendu compte que PNH a été constituée huit mois plus tard, le 3 août 2004. Le prêt était prétendument appuyé par un autre prêt et un billet à ordre négocié entre PNH et Providence Channel Insurance Company LMT (« Providence ») située à Nassau, aux Bahamas. Il n’est pas parvenu à obtenir de plus amples renseignements sur Providence, étant donné que cette dernière était située dans un pays non signataire d’une convention.

[106] Selon M. Thiessen, Paul Miley est intervenu pour planifier le placement des dépôts de garantie avec un gestionnaire de fonds de couverture américain appelé G.H. Lewis qui négociait des [traduction] « contrats S&P 500 en dollars américains ». On l’a informé qu’une certaine somme d’argent a aussi été investie dans un bâtiment situé à Toronto, mais il a conclu que M. Thiessen possédait personnellement ce bâtiment. Il a en outre conclu que ni PNH ni M. Miley n’étaient au courant des placements effectués. Il a conclu que M. Lewis résidait en réalité à Toronto (Ontario), mais il n’a pas été en mesure de conclure à la véritable existence du prétendu fonds de couverture ou à l’exercice d’une activité commerciale.

Eva Markou

[107] Mme Markou a obtenu le titre de comptable professionnelle agréée (CPA) et a travaillé pour un grand cabinet comptable et le ministre des Finances, avant de rejoindre l’ARC en tant que vérificatrice. Elle était la vérificatrice principale de Banyan de 2002 à 2007.

[108] D’après son examen des documents comptables et bancaires de Promittere, Banyan et Rochester, elle a conclu que les fonds de Banyan provenaient uniquement de la composante en espèces effectivement versée par les donateurs. Elle a conclu qu’aucune source de fonds appuyant les prêts prétendument consentis par le prêteur aux donateurs approuvés n’existait et qu’une série d’opérations circulaires entre ces entités qu’elle a qualifiées de [traduction] « d’opérations sur papier factices » se produisait. Certaines de ces opérations ont été facilitées par le recours à une facilité de caisse auprès de TD Bank. Pour les prêts prétendument accordés pour les années d’imposition allant de 2004 à 2006, Mme Markou a ajouté qu’une autre opération sur papier a été créée pour donner l’illusion que les fonds provenaient directement de Providence, constituée aux îles Vierges britanniques, mais dont un bureau se trouvait à Nassau, aux Bahamas. En ce qui concerne les donateurs qui ont versé la somme totale du don, elle a conclu qu’une partie de cette somme leur a été immédiatement remboursée, de sorte que ces donateurs avaient en fait [traduction] « autofinancé » leurs prêts respectifs.

[109] En fin de compte, elle a indiqué que l’ARC n’est pas parvenue à obtenir confirmation des prêts qui auraient été accordés à Rochester par PNH pour 2002 et 2003. Elle n’a pas non plus été en mesure d’obtenir des renseignements étayant l’existence de fonds provenant de Providence ou de Hampton Insurance Company Limited (« Hampton »), toutes deux situées à Nassau, aux Bahamas. Elle a ajouté que le Canada n’avait pas signé une convention ou un accord d’échange de renseignements avec les Bahamas ou les îles Vierges britanniques à la période pertinente, de sorte que l’ARC n’a pas pu obtenir des renseignements supplémentaires sur les prêts ou l’assurance. Même si, lors du contre-interrogatoire, elle a convenu que le Canada avait signé plus tard une convention de ce type, elle a fait remarquer qu’il n’était pas possible d’intervenir rétroactivement.

[110] De même, Mme Markou a conclu que les fonds qui auraient servi à acheter des rentes destinées au financement des dons faits aux [traduction] « organismes de bienfaisance bénéficiaires » ont été immédiatement restitués à Banyan ou Promittere et n’ont jamais été versés à la compagnie d’assurance. Toutes les sommes réellement versées ont été prélevées sur les fonds détenus en dépôts de garantie qui circulaient entre Rochester et Hampton ou Providence et qui étaient reversés à Banyan ou directement à ces organismes de bienfaisance, prétendument sous la forme de rentes versées.

[111] Enfin, Mme Markou a examiné la demande d’un numéro d’abri fiscal signée par M. Thiessen, ainsi que les documents promotionnels qui l’accompagnaient, dans lesquels figurait une déclaration selon laquelle l’assurance relative au rendement avait été obtenue afin de garantir que le rendement des placements sur le dépôt de garantie serait suffisant pour rembourser les prêts accordés aux donateurs.

V. Examen et analyse des questions en litige

Question en litige no 1 – une partie de la somme totale des dons constitue-t-elle un don selon la common law?

[112] La première question en litige qu’il faut trancher est celle de savoir si les appelants ont droit à un crédit d’impôt pour [traduction] « une partie » de la somme promise. Comme cela a été indiqué précédemment, les appelants ont soulevé cette question tout en reconnaissant que le produit des prêts n’avait jamais été versé.

[113] Le paragraphe 118.1(3) de la Loi autorise un particulier à demander un crédit d’impôt relativement au « total des dons de bienfaisance » qui est défini au paragraphe 118.1(1) de la Loi comme le total de toutes les sommes de dons, dont chacune représente un « montant admissible » d’un don fait notamment à un « donataire reconnu ». Aux termes du paragraphe 149.1(1) de la Loi, cela comprend « un organisme de bienfaisance enregistré ».

[114] Le mot « don » lui-même n’est pas défini dans la Loi. Cependant, il a souvent été examiné dans la jurisprudence où il a été qualifié de transfert de biens à titre gratuit qui n’est pas effectué en contrepartie d’un avantage ou d’un profit financier. L’arrêt de principe est La Reine c. Friedberg (1991) 92 DTC 6031 (Cour d’appel fédérale) (« Friedberg ») (confirmé par la Cour suprême du Canada) où le juge Linden a indiqué à la page 6032 :

[traduction] […] un don est un transfert volontaire à un donataire par un donateur d’un bien appartenant à ce dernier, en échange duquel aucune contrepartie ou aucun profit n’est versé au donateur […]. L’avantage fiscal n’est pas normalement considéré comme un « profit » selon la présente définition, car s’il l’était, un grand nombre de donateurs n’accéderaient pas à des déductions pour dons de bienfaisance.

[Non souligné dans l’original.]

[115] Par conséquent, tant qu’il y a i) transfert volontaire ii) à un donataire par un donateur d’un bien appartenant à ce dernier iii) en échange duquel aucune contrepartie ou aucun profit n’a été versé au donateur, il y a un don en droit.

[116] Comme cela a été noté dans l’arrêt Friedberg, un contribuable peut être motivé par un avantage fiscal et encore avoir l’intention requise de faire un don de bienfaisance. Dans l’arrêt Canada c. Marcoux-Côté [2001] 4 CTC 54 (CAF), il a été conclu que « l’obtention d’un reçu de la part de l’organisme bénéficiaire ne pouvait être considérée comme une contrepartie éliminant le caractère gratuit et libéral de la transaction » (par. 8) et dans la décision Mariano c. La Reine, 2015 CCI 244 (« Mariano »), le juge Pizzitelli a conclu que le fait qu’un contribuable s’attende à obtenir un reçu fiscal n’invalide pas le don, car ce n’est pas l’« ’avantage’ envisagé par l’arrêt Friedberg et les autres décisions » (par. 21). Dans la décision Cassan c. La Reine, 2017 CCI 174 (« Cassan »), le juge Owen a conclu que tel serait le cas « même si le montant dudit reçu fiscal est gonflé » (par. 297), en invoquant l’arrêt Canada c. Castro, 2015 CAF 225 (par. 43 à 48) (« Castro »).

[117] Dans la décision Mariano, le juge Pizzitelli a fait remarquer que la jurisprudence Friedberg corrobore la notion selon laquelle l’« intention libérale » est « l’élément essentiel d’un don » également décrit en droit romain comme « animus donandi ou l’intention libérale », ce qui signifie que le donateur « doit être prêt à s’appauvrir dans l’intérêt du bénéficiaire du don sans recevoir aucune contrepartie ». Il a ajouté ce qui suit :

[20] Il est clair que l’élément de l’« appauvrissement » est essentiel pour déterminer l’intention libérale, et que cet élément est souvent exprimé de la manière suivante : « s’appauvrir », « ne pas s’enrichir » ou « ne pas tirer profit du don », comme il est indiqué dans l’arrêt Berg, mais aussi dans de nombreuses affaires soumises à notre Cour, dont Bandi c. La Reine, 2013 CCI 230, et Glover c. La Reine, 2015 CCI 199, [2015] A.C.I. no 160 (QL).

[118] Le droit est bien fixé : l’existence d’une « intention libérale » est en fin de compte une question de fait qui ne peut pas être tranchée de façon subjective. Comme l’a observé le juge Iacobucci dans la décision Symes c. Canada [1993] 4 RCS 695, par. 74 (« Symes ») :

Comme dans d’autres domaines du droit, lorsqu’il faut établir l’objet ou l’intention des actes, on ne doit pas supposer que les tribunaux se fonderont seulement, en répondant à cette question, sur les déclarations du contribuable, ex post facto ou autrement, quant à l’objet subjectif d’une dépense donnée. Ils examineront plutôt comment l’objet se manifeste objectivement, et l’objet est en définitive une question de fait à trancher en tenant compte de toutes les circonstances ».

[Non souligné dans l’original.]

[119] Cependant, il ne faut pas confondre l’intention d’un contribuable avec ce qui pourrait inciter un particulier à agir. Comme l’a fait remarquer la Cour suprême du Canada dans l’arrêt Backman c. Canada, 2011 CSC 10 (« Backman »), la « motivation est ce qui pousse la personne à agir, alors que l’intention est l’objectif ou la fin que vise l’acte qui a été accompli » (par. 22). Dans la décision Klotz c. La Reine, 2004 CCI 147 (« Klotz »), le juge en chef adjoint Bowman (tel était alors son titre), a conclu que le contribuable souhaitait uniquement obtenir un reçu fiscal, mais que cela n’était pas pertinent. Il a expliqué ce qui suit :

25. […] Le fait d’avoir une âme charitable n’est pas une condition de l’obtention d’un crédit d’impôt pour don de bienfaisance. Les gens font des dons de bienfaisance pour bien des raisons : à des fins fiscales, commerciales, par vanité, pour des motifs d’ordre religieux, à cause de pressions sociales. Aucun motif en soi ne vicie les conséquences fiscales d’un don de bienfaisance.

[Non souligné dans l’original.]

[120] Comme cela a été examiné plus récemment dans la décision Cassan, « l’intention libérale [...] n’exige qu’aucune motivation spécifique n’ait abouti au transfert de bien à titre gratuit » et ni « l’altruisme » ni la « bienveillance » ou même la « magnanimité [et le] désintéressement » sont les conditions essentielles d’un don valide (par. 283 à 298).

[121] Les faits en l’espèce ressemblent de près à ceux de la décision Maréchaux c. La Reine, 2009 CCI 587 (« Maréchaux CCI ») qui comprenaient aussi un programme de dons financés par emprunt. Dans cette affaire, le contribuable a promis de faire don d’une certaine somme d’argent et il a versé 30 % de ses propres ressources. Les 70 % restants provenaient d’un prêt accordé par un prêteur associé à l’organisme de bienfaisance. Le prêt de 20 ans ne portait pas intérêt. Une somme d’argent supplémentaire, qui correspondait à 10 % de la somme promise, a été versée comme dépôt de garantie et à titre d’honoraires pour prendre les dispositions pour le prêt et couvrir le coût de l’assurance si le rendement des placements sur le dépôt de garantie ne suffisait pas pour finalement rembourser le prêt. Les participants pouvaient céder au prêteur le dépôt de garantie et la police d’assurance en remboursement intégral du prêt. L’appelant s’est prévalu de ce droit également qualifié d’« option de vente ».

[122] La juge Woods a conclu que le contribuable n’a pas effectué de don puisqu’il obtenait un important avantage en échange du don. Cet avantage était les arrangements de financement avec un prêt ne portant pas intérêt et la possibilité de céder le dépôt de garantie et la police d’assurance. Elle a conclu que « le financement n’était pas accordé indépendamment » du don et que les « deux étaient inextricablement liés par les ententes pertinentes ». Elle a ajouté qu’il s’agissait « certes d’un avantage important » (par. 33 et 34).

[123] Dans cette affaire, le contribuable soutenait qu’il avait effectué le don « principalement à des fins de bienfaisance, et que les économies d’impôt étaient une considération secondaire » (par. 40). La juge Woods a refusé de se fier à cette affirmation en indiquant qu’elle était « en bonne partie fondé[e] sur le témoignage intéressé ». Elle a conclu qu’une fois « qu’il est conclu que l’appelant prévoyait recevoir un avantage en échange du don, comme il en a en fait reçu, il n’y a pas de don » (par. 42).

[124] La juge Woods s’est ensuite penchée sur la question de savoir si l’appelant avait le droit d’effectuer un don partiel en « déboursant, de l’argent » de sa propre poche en faisant remarquer que « [d]ans certaines conditions, il peut être approprié de partager une opération en deux parties, de sorte qu’il y a d’une part un don et d’autre part quelque chose d’autre » (par. 48).

[125] Cependant, elle a conclu, « [e]u égard aux faits particuliers » de l’appel, qu’il n’était « pas approprié de partager ainsi l’opération », car il n’y avait « qu’un seul arrangement interdépendant » et « aucune partie de cet arrangement ne peut être considérée comme un don que l’appelant a effectué sans s’attendre à quoi que ce soit en échange » (par. 49).

[126] La Cour d’appel fédérale (Maréchaux c. La Reine, 2010 CAF 287) (« Maréchaux CAF ») a abondé dans le même sens, en concluant que « de nombreux éléments de preuve […] appuient la conclusion de la juge selon laquelle le prêt sans intérêt […] constituait un avantage important » qui « a été accordé en contrepartie du ‘don’ à l’organisme » (par. 9). La Cour a également rejeté l’idée selon laquelle le contribuable avait droit à un crédit d’impôt relativement à un don partiel, étant donné qu’il n’y a eu « qu’un seul arrangement interdépendant » (par. 12).

[127] La décision Kossow c. La Reine, 2012 CCI 325 (« Kossow CCI ») est similaire : le contribuable avait participé à un programme de dons financés par emprunt. La juge de première instance a rejeté l’appel, en invoquant la jurisprudence Maréchaux. En appel, dans l’arrêt Kossow c. Canada, 2013 CAF 283 (« Kossow CAF ») la Cour d’appel fédérale a abondé dans le même sens en concluant que le « prêt sans intérêt et le don étaient deux composantes d’un mécanisme consistant en une série d’opérations interdépendantes » et que les versements en espèces effectués « dépendaient de l’approbation et de l’obtention » des prêts sans intérêt (par. 28 et 29).

[128] Dans une affaire ultérieure Berg c. La Reine, 2012 CCI 406 (« Berg CCI »), un contribuable avait invoqué une série d’opérations interdépendantes et prédéterminées visant à gonfler la juste valeur marchande de biens donnés à un organisme de bienfaisance. Le juge de première instance a conclu que les « faux documents » ou « simulacres » n’avaient dès le début aucune valeur et que le contribuable n’avait « reçu aucun avantage, hormis les reçus gonflés aux fins de l’impôt » (par. 48).

[129] Dans l’arrêt Canada c. Berg, 2014 CAF 25, (« Berg CAF »), la Cour d’appel fédérale a exprimé son désaccord en concluant que « les simulacres de reçus avaient de la valeur lorsqu’ils ont été remis » au contribuable, de sorte que l’affaire « ne se distingu[ait] pas de l’affaire Maréchaux » (par. 28). La Cour a ajouté, dans une opinion incidente, que le contribuable n’avait pas « l’intention requise de faire un don », car « il avait l’intention de s’enrichir en invoquant la valeur faussement gonflée dont faisaient état les reçus de don de bienfaisance pour tirer avantage des demandes de crédits d’impôt exagérées » (par. 29).

[130] Dans la décision Markou c. La Reine, 2018 CCI 66 (« Markou CCI »), le juge Paris a également examiné un programme de don avec effet de levier. Il a rejeté l’argument selon lequel les appelants doivent avoir droit à un crédit d’impôt pour don partiel, en faisant remarquer que « la totalité du don […] dépendait de l’approbation du prêt par le prêteur », faute de quoi le dépôt devait être remboursé au donateur. Il a conclu que vu les « ententes contractuelles », on ne pouvait pas dire qu’ils avaient fait une partie quelconque du don « avec une intention libérale » (par. 110 et 111).

[131] Dans la décision Markou c. Canada, 2019 CAF 299 (autorisation de faire appel devant la CCS refusée, 2020 CanLII 32283) (« Markou CAF »), la Cour d’appel fédérale a abondé dans le même sens, concluant que le juge de première instance « était tenu de se conformer à la décision Maréchaux CCI, confirmée par l’arrêt Maréchaux CAF, qui portent que les ententes contractuelles prévoyant les prétendus dons ne permettaient pas le fractionnement du don, car les deux portions étaient inextricablement liées » (par. 48). On suppose que la Cour voulait parler d’un « don partiel » et non d’un « don fractionné ».

Thèse des appelants

[132] Les appelants affirment que le don en espèces fait et le dépôt de garantie consenti indirectement à Banyan constituaient un don volontaire, étant donné que celui-ci a servi à acheter des rentes ou au moins à faire des dons à certains organismes de bienfaisance, selon les témoignages de M. Markou pour l’intimée. Il est soutenu que ces sommes d’argent ne leur ont jamais été remboursées et qu’ils [traduction] « demeurent jusqu’à maintenant appauvris » de ces sommes d’argent qu’ils ont données [traduction] « pour conférer un avantage à » Banyan.

[133] Il est soutenu que [traduction] « pour une personne raisonnable, les documents relatifs au prêt révélaient l’existence d’un prêt commercial valable » et que le paiement par les appelants des intérêts [traduction] « lorsqu’ils étaient invités à le faire [...] est conforme à leur compréhension selon laquelle un prêt valable existait » dès le départ. Il est soutenu que [traduction] l’« obligation financière » assumée par les appelants est conforme à leur [traduction] « intention déclarée [...] d’avoir une plus grande incidence sur leurs dons philanthropiques ». Ainsi, les appelants soutiennent [traduction] qu’« au moins », ils [traduction] « ont eu l’intention libérale requise en ce qui concerne les dons en espèces et les dépôts de garantie ».

[134] Les appelants avancent que les prêts comprenaient [traduction] « tous les moyens de recours au moment où l’endettement était assumé » et [traduction] qu’« il n’y a aucune preuve indiquant » que les appelants pouvaient prévoir que le prêteur ne verserait pas à Banyan le produit des prêts ou que [traduction] « les prêts ne seraient pas rendus exécutoires par le prêteur ».

[135] Les appelants espéraient [traduction] « que le rendement des placements sur le dépôt de garantie permettrait de rembourser le prêt et les intérêts », mais selon leurs [traduction] « témoignages sans équivoque », [traduction] « si le rendement sur le dépôt de garantie était insuffisant, le prêt devrait être remboursé [...] à partir de leurs propres ressources ». Les appelants affirment que cela est étayé par le fait qu’ils avaient en fait tous payé les intérêts.

[136] Il est soutenu qu’il n’y a aucun élément de preuve selon lequel les appelants ne voulaient pas dès le départ rembourser leurs prêts et que le fait que les prêts n’ont effectivement pas été remboursés ne veut pas dire que les appelants [traduction] « n’ont jamais voulu les rembourser ».

[137] Il est soutenu qu’il n’y avait ni hypothèse ni preuve portant que la durée des prêts, les intérêts exigés sur les prêts de 2003 à 2007 ou le fait qu’aucune vérification de solvabilité n’a été effectuée étaient [traduction] « commercialement déraisonnables ».

[138] Il est soutenu enfin [traduction] qu’« il n’y a aucune raison permettant de ne pas classer les crédits d’impôt pour les dons en espèces et le dépôt de garantie comme un don ».

La thèse de l’intimée

[139] L’intimée soutient que les appelants n’ont pas fait un don à Banyan, car les paiements ont été effectués dans le cadre [traduction] d’« une négociation contractuelle ». Les paiements faisaient partie [traduction] d’« un arrangement interdépendant en vue de réaliser un bénéfice » impliquant [traduction] « des flux bilatéraux entre des contreparties [...] en vue d’un enrichissement mutuel » qui étaient fortement tributaires de l’obtention du prêt accordé dans le cadre du programme. L’intimée fait valoir que les appelants ne voulaient pas [traduction] « s’appauvrir » et qu’ils n’avaient donc pas l’intention libérale requise.

[140] Elle affirme que les appelants ont tiré parti des déclarations et des garanties faites dans le cadre du programme selon lesquelles le versement du dépôt de garantie à lui seul était suffisant pour obtenir le prêt nécessaire pour verser la somme promise et rembourser la totalité du prêt, notamment le principal, les intérêts et les impôts sur le revenu.

[141] Plus précisément, elle soutient que les dépôts de garantie ne satisfaisaient à aucune des exigences de la common law relatives au « don », étant donné que cette somme d’argent n’a pas été versée à Banyan, mais au prêteur. Elle avance que ce paiement n’a pas été effectué volontairement, car la somme d’argent devait être détenue par le prêteur et investie pour finalement rembourser les prêts.

[142] L’intimée reconnaît, en invoquant la jurisprudence Friedberg, que [traduction] « la délivrance d’un reçu fiscal » et [traduction] « la demande de crédits d’impôt » n’invalident pas un don. Cependant, elle affirme que [traduction] « les conséquences fiscales ne permettent pas de faire un don ‘rentable’ ». L’intimée renvoie à l’arrêt Markou CAF, où la Cour a indiqué que « la personne qui prévoit recevoir des avantages fiscaux supérieurs au montant ou à la valeur d’un prétendu don n’a forcément pas d’intention libérale » (par. 60).

[143] Elle soutient que l’enseignement des décisions Maréchaux et Markou tranchent cette question.

Discussion et décision

[144] L’objet du programme n’est pas controversé. Le programme a été créé pour donner à des particuliers l’occasion de maximiser leurs ressources personnelles et de financer par un prêt la somme d’argent qu’ils pourraient verser à un organisme de bienfaisance. Les conseillers financiers respectifs de tous les appelants ont convaincu ces derniers de participer au programme qu’ils ont qualifié de programme de dons financé par emprunt et parfois d’occasion.

[145] Tous les appelants ont témoigné qu’ils étaient motivés à participer, du fait des objectifs philanthropiques du programme, et que les économies d’impôt étaient une considération secondaire. La Cour n’accorde aucun poids à ces témoignages, car comme cela est indiqué dans l’arrêt Klotz, le fait qu’un contribuable avait ou non une « âme charitable » n’a aucune importance étant donné que ce « n’est pas une condition de l’obtention d’un crédit d’impôt pour don de bienfaisance » (par. 25). Cela a aussi été clairement exprimé dans la décision Cassan. Deuxièmement, un argument similaire a été avancé à l’occasion de l’affaire Maréchaux CCI et la Cour a accordé peu d’importance à cet argument, car il était fondé sur un « témoignage intéressé » (par. 41).

[146] Au bout du compte, l’intention libérale ne peut pas être établie uniquement de façon subjective et le juge doit plutôt « examiner comment l’objet se manifeste objectivement [...] en tenant compte de toutes les circonstances » (Symes, par. 74).

[147] La Cour conclut que la pierre angulaire du programme, comme cela est clairement expliqué et énoncé dans les documents promotionnels, était l’accès au prêt. Il offrait un financement par emprunt et permettait aux participants d’obtenir une [traduction] « situation de trésorerie positive » où la somme d’argent ainsi obtenue dépassait leur sortie de fonds réelle de 60 à 100 % dans un court laps de temps. Tous les appelants ont indiqué qu’ils comprenaient cela.

[148] Il ressortait également clairement de leurs témoignages que les appelants n’auraient pas songé à demander un prêt auprès d’un établissement de crédit classique pour faire un don. En acceptant de participer au programme, un prêt leur a été accordé indépendamment de leur capacité de payer, sans preuve de revenu, relevé de leur avoir net, garantie personnelle d’un conjoint ou d’un tiers et sans vérification de leur solvabilité. Je conclus que cela était contraire aux pratiques généralement acceptées d’octroi des prêts. Certains des appelants ont fait valoir qu’ils étaient des investisseurs qualifiés dont les actifs liquides s’élevaient à plus d’un million de dollars et ils ont toutefois admis que tel n’était pas le cas. Beaucoup des appelants ont signé des documents de prêts dans lesquels les sommes indiquées dépassaient leur revenu annuel. Ce qui importe le plus en l’espèce est que tous les appelants ont automatiquement obtenu le prêt, sans que des questions soient posées ou qu’une enquête plus poussée soit menée. Dans le cadre du programme, la Cour considère cet accès au crédit comme un avantage important.

[149] La Cour conclut que les participants, MM. Herring et Goldstein, qui ont au départ versé 100 % de la somme promise, ont également obtenu un avantage puisqu’après avoir signé la demande de prêt dont le montant correspondait à la somme remboursée, ils ont immédiatement été remboursés entre 85,5 % et 89 % de cette somme. Dans la mesure où ces donateurs ont indiqué avoir pensé au prêt après coup, je conclus que leur témoignage n’était simplement pas crédible. Je conclus que cet arrangement a été planifié.

[150] En outre, les prêts ont été accordés à des conditions intéressantes. Le programme de 2002 accordait un prêt de 25 ans, sans paiement du principal (le prêt dans la décision Maréchaux était de 20 ans) et le programme de 2003 à 2007 consentait des prêts de dix ans avec intérêts, mais sans remboursement du principal. Je n’ai aucun mal à conclure que ces conditions avantageuses constituaient aussi un avantage important.

[151] Dans le cadre du programme, le dépôt de garantie devait être investi pour finalement rembourser les prêts, mais les appelants ont été remboursés chaque année, du moins dans un premier temps, pour tous les impôts sur le revenu qu’ils pourraient devoir payer sur le rendement des placements, à un taux d’imposition présumé de 35 %. Cela aussi constituait un avantage important.

[152] Les témoignages des appelants étaient axés sur leur conviction selon laquelle les billets à ordre étaient authentiques et le produit des prêts serait versé à Banyan à des fins de bienfaisance. Ils ont témoigné qu’ils étaient exposés à des risques et qu’ils seraient responsables au moins de l’insuffisance de fonds si le rendement des placements sur le dépôt de garantie ne suffisait pas pour rembourser le prêt. Pour les motifs énoncés ci-dessus, je conclus que ces témoignages sont intéressés et qu’ils sont donc intrinsèquement non fiables.

[153] Au bout du compte, la Cour conclut que les déclarations verbales et écrites ont été formulées par le promoteur et des vendeurs indépendants et qu’aucun d’entre eux n’a témoigné pour attester la véracité des témoignages des appelants. Ces déclarations indiquaient notamment que les participants ne seraient pas responsables du prêt et que le prêteur comptait principalement sur la croissance du dépôt de garantie. Les appelants ont été amenés à croire qu’il y avait peu de risque, sinon aucun, ou qu’il valait la peine de l’assumer, même s’il était faible, compte tenu de la [traduction] « situation de trésorerie positive » et de la promesse d’un remboursement de taxe notable. Je conclus que cela avait toutes les caractéristiques d’un placement, notamment d’un rendement du capital investi, comme cela était décrit dans les brochures.

[154] La Cour conclut également que les documents promotionnels indiquaient clairement que les prêts seraient à recours limité, ce qui signifie que le recours se [traduction] « limit[erait] au dépôt de garantie et à tous les accroissements s’y rapportant », comme cela a été décrit dans l’avis juridique de FMC. Les participants ont été priés de se fier à l’avis et plusieurs appelants ont indiqué que celui-ci leur a procuré de [traduction] l’« assurance » ou de la [traduction] « confiance » à l’égard du programme. Certains appelants ont reçu des garanties écrites selon lesquelles les prêts ne comporteraient aucun risque pour leurs biens personnels, pourvu que le dépôt de garantie ait été cédé au prêteur.

[155] Le fait que les appelants ont finalement payé des intérêts sur certains prêts à partir de 2006 n’est pas controversé, mais à ce moment-là, ils étaient au courant de la vérification effectuée par l’ARC. Ils avaient été avisés de la fraude ou du détournement de leur dépôt de garantie et ils avaient été informés que s’ils ne versaient pas des intérêts, les prêts deviendraient exigibles immédiatement. Ils ont aussi été amenés à croire qu’ils auraient une meilleure chance de voir l’ARC maintenir leurs crédits d’impôt s’ils payaient les intérêts et reconnaissaient l’existence des prêts.

[156] Sauf dans les quelques cas où des appelants ont accepté l’offre de rembourser les prêts escomptés à 22,5 % du solde impayé, les prêts n’ont pas été remboursés lorsqu’ils sont arrivés à échéance. Aucun des appelants n’a été en mesure d’expliquer dans quelle mesure un prêteur de bonne foi pouvait se permettre d’accorder un escompte de la sorte sur ses prêts.

[157] La Cour conclut également que les documents promotionnels indiquaient clairement que le prêteur obtiendrait une assurance sur le rendement, du moins pour le programme de 2003 à 2007, comme le confirme l’avis juridique de FMC. Des éléments de preuve documentaires ont été produits pour confirmer qu’une police d’assurance de ce type avait été obtenue, du moins dans un premier temps. Même si elle a été plus tard annulée ou elle n’a jamais existé, je reprends les conclusions tirées par le juge Evans dans l’arrêt Maréchaux CAF, selon lesquelles les appelants « avaient de bonnes raisons de croire » qu’elle existait (par. 11). Je suis parvenu à cette conclusion, même si certains appelants ont témoigné que cette assurance n’existait pas ou que si elle existait, ils ne s’y sont pas fiés. La Cour conclut que les appelants, comme certains d’entre eux l’ont indiqué, ne s’y sont pas fiés, car en échange des avantages promus par le programme, ils acceptaient le risque global que celui-ci comportait.

[158] Même si la Cour ne considère pas cela comme un avantage, tous les appelants ont participé, directement ou indirectement, au recours collectif contre le promoteur, M. Thiessen et FMC, qui a finalement été réglé. Même si les allégations présentées dans la déclaration demeurent difficiles à prouver, les appelants ont tous accepté leur part proportionnelle du fonds de règlement et ils bénéficient maintenant d’une ordonnance ou d’une déclaration selon laquelle les prêts sont [traduction] « non exécutoires ».

[159] Après avoir examiné la preuve de manière objective, la Cour doit conclure que les appelants n’avaient pas l’intention libérale requise, expression définie par la jurisprudence. Même s’ils pourraient avoir été motivés par les objectifs philanthropiques du programme, ils ont participé à ce dernier en raison de l’avantage qui leur était offert en échange de leur sortie de fonds. Comme l’a observé la juge Woods dans la décision Maréchaux CCI, « [u]ne fois qu’il est conclu que l’appelant prévoyait recevoir un avantage en échange du don, comme il en a en fait reçu, il n’y a pas de don » (par. 42).

[160] En outre, il ressort clairement de cela qu’en l’espèce, à l’instar de la décision Markou CCI, il n’y avait aucune intention libérale, étant donné que l’intégralité de la somme promise dépendait de l’approbation par le prêteur du prêt, faute de quoi la composante en espèces et le dépôt de garantie étaient remboursés. Les conditions de la demande de prêt étaient claires.

[161] Aux fins des présents appels, les appelants reconnaissent que le produit des prêts n’a jamais été consenti à Banyan, sauf indirectement pour l’achat présumé de rentes. Au cas où des doutes subsisteraient, la Cour conclut que les éléments de preuve de l’intimée sur cette question étaient concluants et qu’ils n’étaient pas sérieusement controversés.

[162] Étant donné que le produit des prêts n’a jamais été accordé directement à Banyan, les appelants concèdent qu’ils n’ont pas droit à un crédit d’impôt pour don pour la totalité de la somme promise. Cependant, ils soutiennent qu’ils avaient l’intention libérale requise pour la sortie de fonds et le dépôt de garantie et qu’ils se sont [traduction] « appauvris » en versant ces sommes d’argent qui ne leur ont pas été remboursées.

[163] Comme l’a expliqué la juge Woods au sujet de la question des dons partiels, dans la décision Maréchaux CCI, « [d]ans certaines conditions, il peut être approprié de partager une opération en deux parties » (par. 48), mais elle a ensuite conclu qu’il n’était « pas approprié de partager ainsi l’opération », étant donné qu’il n’y avait « qu’un seul arrangement interdépendant » et qu’« aucune partie de cet arrangement ne peut être considérée comme un don que l’appelant a effectué sans s’attendre à quoi que ce soit en échange » (par. 49). Dans l’arrêt Maréchaux CAF (par. 12), la Cour d’appel fédérale a retenu cette conclusion.

[164] En l’espèce, la Cour conclut qu’il n’existe aucun élément de preuve d’un don partiel, étant donné que la sortie de fonds et le dépôt de garantie ont été versés en échange de l’avantage du prêt décrit ci-dessus. Si la demande de prêt était, pour quelque raison que ce soit, refusée, ces sommes versées étaient remboursées. Par conséquent, la Cour doit conclure que les paiements faits gratuitement n’étaient pas volontaires, mais qu’il s’agissait d’une contrepartie payée dans le cadre d’une opération ou d’un arrangement interdépendant.

[165] La Cour suit également l’intimée pour dire que le dépôt de garantie ne peut en aucun cas être considéré comme un « don », puisqu’il n’a pas été versé à un « donataire reconnu », mais au prêteur. La preuve non controversée est que le dépôt de garantie a été versé au prêteur afin d’être détenu en garantie pour un prêt, comme cela a déjà été mentionné. La Cour n’accorde aucun poids à l’affirmation selon laquelle les fonds pourraient avoir été confondus avec les versements en espèces faits à Banyan ou utilisés pour l’achat de rentes destinées aux organismes de bienfaisance bénéficiaires.

[166] En fin de compte, je ne peux pas distinguer les faits en l’espèce de ceux des décisions Maréchaux CCI et Markou CCI, confirmées toutes les deux par la Cour d’appel fédérale. Je conclus qu’« aucune partie » du montant du don ne constituait un don selon la common law et que cela comprend à la fois la composante en espèces et le dépôt de garantie.

Question en litige no 2 – Les dons en espèces et le dépôt de garantie ou encore les dons en espèces seuls sont-ils admissibles à un crédit d’impôt en tant que « dons fractionnés » selon la common law et conformément au principe du bijuridisme?

[167] Si la Cour conclut qu’« aucune partie » de la somme totale des dons n’est admissible à un crédit d’impôt pour don, les appelants soutiennent subsidiairement que la sortie de fonds et le dépôt de garantie ou encore la sortie de fonds seule sont admissibles à un crédit d’impôt en tant que « dons fractionnés » selon la common law, conformément au principe du bijuridisme.

[168] Les appelants étaient des résidents du Manitoba ou de l’Ontario. Cependant, ils invoquent l’article 1806 du Code civil du Québec, RLRQ, c. C.C.Q.-1991 (le « C.C.Q ») qui définit un don comme un « contrat par lequel une personne, le donateur, transfère la propriété d’un bien à titre gratuit à une autre personne, le donataire » et l’article 1810 qui dispose qu’une « donation » comprend certains types d’opérations effectuées pour une contrepartie qui sont appelées des « donations rémunératoires » ou des « donations avec charge ».

[169] En outre, les appelants invoquent l’article 1811 en expliquant qu’il dispose que les [traduction] « opérations par lesquelles le donateur effectue, sur la base d’un compromis, un transfert de biens au donataire, sans contrepartie et avec l’intention que le donateur en tire un avantage sont réputées être un don ». À titre d’exemple, les appelants renvoient à l’arrêt Martin c. Martin, 2008 QCCA 7, où la Cour d’appel du Québec conclut que la vente d’un immeuble par un père à son fils à une fraction de sa juste valeur marchande est qualifiée de donation (par. 24 et 25).

[170] Les appelants font valoir que [traduction] « comme en droit civil, la common law reconnaît depuis longtemps qu’un don peut être fait et être reconnu comme tel », même si le donateur reçoit une certaine forme d’« avantage » ou de « contrepartie ». Ils affirment que notre Cour et la Cour d’appel fédérale ont admis des transferts de biens où les donateurs recevaient en retour un avantage sous la forme de « dons » admissibles à des crédits d’impôt.

[171] Dans ce contexte, les appelants soutiennent [traduction] qu’« il est possible de diviser un paiement unique en une partie ‘don’ et une partie qui n’est ‘pas un don’ » en invoquant la jurisprudence suivante : La Reine c. Zandstra, [1974] 2 FC 254, 74 DTC 6416 (CF 1re inst.) (« Zandstra »), La Reine c. McBurney, [1985] 2 CTC 214, 85 DTC 5433 (CAF) (« McBurney ») et Woolner c. La Reine, [1997] ACI no 1395, 2000 DTC 1956 (CCI), confirmé par [1999] ACF no 1615, 99 DTC 5722 (CAF) (« Woolner »). S’appuyant sur cette jurisprudence, les appelants affirment que les fonds transférés par des parents à l’école de leurs enfants peuvent être divisés en une partie « don » et une partie qui « n’est pas un don » ou que les sommes d’argent versées à une église peuvent [traduction] « correspondre au coût d’un enseignement laïque et le solde » peut [traduction] « constituer des dons valides ».

[172] Les appelants invoquent la jurisprudence French c. Canada, 2016 CAF 64, (« French CAF ») pour soutenir [traduction] qu’« implicitement, la possibilité que des dons fractionnés soient effectués était acceptée ».

[173] Les appelants affirment que la notion de « dons fractionnés » n’a pas été envisagée dans les décisions Maréchaux CCI et Kossow CCI, car il n’a pas été possible de conclure que les contribuables avaient eu une intention libérale, étant donné qu’ils [traduction] « s’attendaient à une contrepartie en retour ». De même, dans la décision Berg CCI, il a été conclu que le contribuable avait reçu une contrepartie.

[174] Les appelants affirment que [traduction] « s’il y a eu une contrepartie partielle pour le transfert du don en espèces et du dépôt de garantie, ces derniers demeurent admissibles en tant que don en common law et en droit civil québécois » et que [traduction] « l’opération peut être divisée en une partie « don » et une partie qui « n’est pas un don », de sorte que la contribution en espèces est admissible à un crédit d’impôt, tandis que le solde, notamment le montant du prêt, ne l’est pas ».

[175] Voici les arguments des appelants reproduits mot pour mot :

[traduction] 108. Par conséquent, dans la mesure où les prêts ou un aspect quelconque de ceux‑ci pourraient constituer une rémunération pour les participants, les dons moins la rémunération constituaient un « don » au Québec par l’application des articles 8.1 et 8.2 de la Loi d’interprétation.

109. Si les participants avaient résidé au Québec lors des années d’imposition, ils auraient sans aucun doute eu droit, aux termes de l’article 118.1 de la Loi, à la déduction de la partie des dons qui excédait la rémunération.

110. Le législateur n’a pas envisagé que l’article 118.1 de la Loi produise, pour les contribuables du Québec, des résultats radicalement différents qui ne s’appliqueraient pas aux contribuables du reste du Canada (affaire French, par. 26).

[176] Ils affirment enfin que [traduction] « d’après les principes de dons fractionnés reconnus selon la common law et du bijuridisme, le don en espèces ou les dépôts de garantie constituent des dons valides admissibles à un crédit d’impôt [...] ».

La thèse de l’intimée

[177] L’intimée indique que les appelants ont conclu [traduction] « une seule opération interdépendante » et qu’ils ont [traduction] « négocié et obtenu un reçu pour don de bienfaisance en échange du versement d’une fraction de la valeur nominale indiquée sur le reçu ».

[178] Invoquant la jurisprudence Markou CAF, l’intimée affirme qu’il n’est pas nécessaire d’examiner [traduction] « si des dons fractionnés pouvaient être faits en common law avant 2002 lorsque les dispositions relatives aux dons fractionnés sont entrées en vigueur ou si les dons présumés peuvent être considérés comme des dons fractionnés aux termes du C.C.Q. ».

[179] Enfin, l’intimée soutient que les appelants n’ont pas établi des faits matériels permettant de distinguer le programme de 2002 des programmes évoqués dans les décisions Maréchaux et Markou qui lient toutes les deux notre Cour et qui tranchent la question des dons fractionnés.

Discussion et décision

[180] L’arrêt French CAF invoqué en l’espèce par les appelants concernait un appel d’une ordonnance interlocutoire (2015 CCI 35) où le juge C. Miller avait accepté de radier certains paragraphes des actes de procédure qui mentionnaient les articles 8.1 et 8.2 de la Loi d’interprétation, L.R.C. 1985, ch. I-21 :

Tradition bijuridique et application du droit provincial

8.1 Le droit civil et la common law font pareillement autorité et sont tous deux sources de droit en matière de propriété et de droits civils au Canada et, s’il est nécessaire de recourir à des règles, principes ou notions appartenant au domaine de la propriété et des droits civils en vue d’assurer l’application d’un texte dans une province, il faut, sauf règle de droit s’y opposant, avoir recours aux règles, principes et notions en vigueur dans cette province au moment de l’application du texte.

Terminologie

8.2 Sauf règle de droit s’y opposant, est entendu dans un sens compatible avec le système juridique de la province d’application le texte qui emploie à la fois des termes propres au droit civil de la province de Québec et des termes propres à la common law des autres provinces, ou qui emploie des termes qui ont un sens différent dans l’un et l’autre de ces systèmes.

[181] Comme l’a résumé la Cour d’appel fédérale, le juge Miller avait conclu que « l’intention du législateur était d’appliquer le concept de don du droit civil de la province du Québec à l’ensemble du Canada » (French CAF, par. 1). Comme l’a expliqué le juge en chef Noël, la question était de savoir, au regard de ces dispositions, s’il était « possible [...] que l’intention du législateur fédéral ait été de donner au mot ‘don’ tel qu’il apparaît au paragraphe 118.1(3) de la LIR le sens reconnu par le droit civil » (par. 27).

[182] Le juge en chef Noël a ensuite examiné un grand nombre des décisions que les appelants ont mentionnées aux présentes, notamment Zandstra, McBurney, Woolner, Maréchaux, Kossow et Berg. Il a accueilli l’appel annulant l’ordonnance, en concluant ainsi :

[42] En somme, il ne peut pas être établi avec certitude qu’avant les modifications de 2002, la signification de « don » excluait la notion du fractionnement de don dans les provinces de common law et que l’objectif de ces modifications était de modifier l’état des choses. En fait, il est tout aussi plausible que ces modifications visaient la clarification d’un aspect du droit qui était nébuleux.

[183] La question a été réexaminée plus tard dans la décision Markou CCI où le juge Paris a fait remarquer que « [m]ême si le droit civil du Québec reconnaît diverses catégories de dons fractionnés, y compris les donations rémunératoires, il doit quand même y avoir une intention libérale en ce qui concerne la partie d’un transfert qui est censée être un don » et que l’« exigence de l’intention libérale pour qu’un transfert soit un don semble être la même en droit civil québécois qu’en common law » (par. 101 et 102).

[184] Le juge Paris a ensuite renvoyé à la décision Maréchaux CCI et à la conclusion de la juge Woods selon laquelle « [l]e financement n’était pas accordé indépendamment du don » et les « deux étaient inextricablement liés par les ententes pertinentes » (par. 33). Il a conclu que si la demande de prêt n’était pas acceptée, le dépôt devait être remboursé au donateur éventuel, sans intérêt ou déduction et que vu « les ententes contractuelles conclues par les appelants, on ne peut pas dire qu’ils ont fait une partie quelconque de leurs dons […] avec une intention libérale » (par. 111).

[185] La Cour d’appel fédérale a abondé dans ce sens (Markou CAF) en concluant que « les ententes contractuelles prévoyant les prétendus dons ne permettaient pas le fractionnement du don, car les deux portions étaient inextricablement liées » (par. 48). La Cour a expliqué que cette conclusion « découle nécessairement de [...] des contrats de prêts qui assujettissait l’intégralité de chacun des dons des appelants à l’approbation du prêt par le prêteur » (par. 49) et elle a conclu qu’il « n’y a pas eu de don, que la question soit examinée sous l’angle de la common law ou du droit civil » (par. 51).

[186] La Cour a déjà conclu que les participants ont obtenu des avantages importants, dont l’octroi des prêts à des conditions favorables et la déclaration selon laquelle le prêt serait finalement remboursé. Comme l’a affirmé l’intimée, cela avait le même effet que l’« option de vente » décrite dans la décision Maréchaux CCI. En outre, comme cela a déjà été expliqué, et comme cela a été conclu dans la décision Markou CCI, les appelants ont versé la composante en espèces et les dépôts de garantie qui, si le prêteur refusait la demande de prêt, devaient tous les deux être remboursés.

[187] Je conclus qu’il n’y a aucune raison de distinguer les faits dans les décisions Maréchaux ou Markou de ceux en l’espèce et que la Cour est liée par cette jurisprudence.

[188] Par conséquent, je conclus encore une fois que les appelants n’avaient pas l’intention libérale requise et que ni la composante en espèces ni le dépôt de garantie ne peuvent être considérés comme des dons fractionnés. Pour ce motif, je rejetterais cet argument.

Question en litige no 3 – Les paragraphes 248(30) à (32) de la Loi jouent-ils?

[189] S’il est conclu qu’aucune partie de la composante en espèces et des dépôts de garantie ne constitue un don valide selon la common law et qu’elle ne peut pas être qualifiée de « don fractionné », les appelants affirment que [traduction] « la question suivante est de savoir si elle constitue un ‘montant admissible’ aux termes du paragraphe 248(31) de la Loi ».

[190] Les appelants indiquent [traduction] « qu’une fois adoptés, les paragraphes 248(30) à (32) avaient effet rétroactif au 20 décembre 2002 ». Ils avancent qu’ils [traduction] « ont codifié le principe de don fractionné selon la common law » de sorte [traduction] qu’« un transfert pourrait constituer un don, même si le contribuable obtenait un avantage relativement au transfert ». Ces dispositions prévoient ce qui suit :

Intention de faire un don

(30) Le fait qu’un transfert de bien donne lieu à un montant d’un avantage ne suffit en soi à rendre le transfert inadmissible à titre de don à un donataire reconnu si, selon le cas :

a) le montant de l’avantage n’excède pas 80 % de la juste valeur marchande du bien transféré;

b) le cédant établit à la satisfaction du ministre que le transfert a été effectué dans l’intention de faire un don.

Montant admissible d’un don ou d’une contribution monétaire

(31) Le montant admissible d’un don ou d’une contribution monétaire correspond à l’excédent de la juste valeur marchande du bien qui fait l’objet du don ou de la contribution sur le montant de l’avantage, le cas échéant, au titre du don ou de la contribution.

Montant de l’avantage

(32) Le montant de l’avantage au titre d’un don ou d’une contribution monétaire fait par un contribuable correspond au total des sommes suivantes :

a) le total des sommes, sauf celle visée à l’alinéa b), représentant chacune la valeur, au moment du don ou de la contribution, de tout bien ou service, de toute compensation ou utilisation ou de tout autre bénéfice que le contribuable, ou une personne ou une société de personnes qui a un lien de dépendance avec lui, a reçu ou obtenu, ou a le droit, immédiat ou futur et absolu ou conditionnel, de recevoir ou d’obtenir, ou dont le contribuable ou une telle personne ou société de personnes a joui ou a le droit, immédiat ou futur et absolu ou conditionnel, de jouir, et qui, selon le cas :

(i) est accordé en contrepartie du don ou de la contribution,

(ii) est accordé en reconnaissance du don ou de la contribution,

(iii) se rapporte de toute autre façon au don ou à la contribution;

b) la dette à recours limité, déterminée selon le paragraphe 143.2(6.1), relative au don ou à la contribution au moment où il est fait.

[191] Les appelants affirment que le paragraphe 248(31) de la Loi [traduction] « permet de fractionner les dons lorsque le donateur obtient un avantage en retour » pour le don fait et que [traduction] « le montant admissible du don est l’excédent de la juste valeur marchande du bien transféré par rapport à la valeur de l’avantage obtenu ». Ils avancent que les alinéas 248(30)a) et b) de la Loi, ainsi que le paragraphe 248(31) de la Loi, [traduction] « lorsqu’ils sont lus de concert », disposent que [traduction] « tant que l’avantage ne dépasse pas 80 % ou si le ministre est convaincu que l’auteur du transfert avait l’intention de faire un don, le transfert, dont sa valeur sera soustraite de la valeur de l’avantage, demeurera un don ».

[192] Les appelants soutiennent que [traduction] « l’objet de ces dispositions est de limiter le crédit d’impôt en application des articles 110.1 et 118.1 de la Loi relativement aux transferts de biens à des donataires reconnus lorsque le coût économique du transfert pour l’auteur du transfert est directement ou indirectement diminué ».

[193] Ils soutiennent qu’aux termes des [traduction] « paragraphes 248(30) à (32) de la Loi, un transfert de biens était présumé être un don en droit privé pour établir la valeur de l’avantage apporté par ce don » et que [traduction] « le ‘montant de l’avantage’ permet d’établir si le seuil de 80 % prévu à l’alinéa 248(30)a) de la Loi a été dépassé ou non ».

[194] Les appelants soutiennent que [traduction] « si un donateur n’obtient pas un avantage [...] ce transfert est un don valide en common law », mais que [traduction] « si le contribuable obtient un avantage relativement à un don, le paragraphe 248(30) de la Loi joue ». En d’autres termes, ils affirment qu’en application de l’alinéa 248(30)a) de la Loi, [traduction] « l’absence d’intention libérale ne constitue plus un obstacle aux crédits d’impôt pour dons de bienfaisance pour des transferts à des donataires reconnus, à condition que le seuil de 80 % relativement à la valeur de l’avantage ne soit pas dépassé ».

[195] Les appelants avancent que la prochaine étape de la discussion consiste à établir, s’il y a lieu, [traduction] « le montant de l’avantage » au sens du paragraphe 248(32) de la Loi.

[196] Ils soutiennent que l’alinéa 248(32)a) de la Loi [traduction] « porte sur les avantages sous forme de bien, de service, de compensation ou d’utilisation », qui impliquent [traduction] « les mêmes contreparties que celles impliquées dans l’analyse d’un don en common law, et sur la question de savoir si le donateur a reçu une contrepartie à la suite du don ».

[197] En ce qui concerne l’application pratique du droit aux faits en l’espèce, les appelants soutiennent que la conclusion d’un « avantage » exige l’existence d’un « bénéfice », au sens de l’alinéa 248(32)a) de la Loi, ou d’une dette à recours limité, au sens de l’alinéa 248(32)b) de la Loi, [traduction] « dont le montant, lorsqu’il s’ajoute au montant initial, dépasse d’au moins 80 % le montant de la contribution ».

[198] Les appelants affirment que les prêts [traduction] « n’étaient pas à recours limité au moment où ils ont été conclus », mais ils concèdent [traduction] « qu’ils n’auraient pas eu droit à un crédit d’impôt pour le prêt, car indépendamment de leur volonté [...] aucun prêt n’a jamais été accordé par le prêteur » à Banyan. Par conséquent, ils soutiennent [traduction] « que le prêt ne doit pas être considéré comme un avantage au sens de l’alinéa 248(32)b) de la Loi, étant donné qu’il est entendu que le produit des prêts n’a jamais été accordé et qu’il ne peut pas y avoir de prêt, limité ou autre, si en réalité, un prêteur allégué n’a avancé aucun fonds à un emprunteur ou à un tiers désigné par l’emprunteur ». À cet égard, ils font valoir [traduction] qu’« il serait absurde de conclure qu’un prêt qui n’a jamais été accordé [...] constitue un avantage [...] et le considérer comme tel reviendrait à pénaliser deux fois les participants pour la même chose qui, en premier lieu, s’est produite indépendamment de leur volonté ».

[199] Pour ce motif, les appelants exhortent la Cour à conclure que [traduction] « si le prêt est retiré de l’équation », ils n’ont obtenu [traduction] « aucun avantage au sens de l’alinéa 248(32)a) de la Loi relativement à leur don qui comprend le don en espèces et le dépôt de garantie ».

[200] Invoquant l’arrêt Castro (par. 43 à 48) (un appel de la décision David, comme cela est indiqué ci-dessous), les appelants soutiennent que [traduction] « même si le montant du reçu est gonflé, ce reçu pour don de bienfaisance [...] ne constitue pas en soi un avantage conféré au cédant ». Subsidiairement, ils soutiennent que [traduction] « même si le prêt est pris en compte en application de l’alinéa 248(32)b) de la Loi, le montant du don en espèces et celui du dépôt de garantie combinés » pour chacun des appelants [traduction] « dépassent le seuil de 20 % ».

[201] Les appelants rejettent également l’idée selon laquelle le produit qu’ils ont reçu du recours collectif devrait être considéré comme un avantage pour l’application de l’alinéa 248(32)a) de la Loi, étant donné que cette disposition [traduction] « repose sur l’existence d’une ‘valeur’ au moment où la contribution a été faite ». Les appelants font remarquer qu’il est fait référence, dans [traduction] l’« ordonnance de règlement » du 17 juillet 2012, à des prêts [traduction] « non exécutoires » au moment où la déclaration a été faite, mais qui ne sont pas rétroactifs à la date à laquelle la dette a été contractée, étant donné qu’aucun avantage, [traduction] « absolu ou conditionnel, n’a été envisagé au moment où les participants ont versé leur contribution ».

[202] Compte tenu de ce qui précède, ils soutiennent que [traduction] « rien ne justifie le refus ou la diminution des crédits d’impôt pour les dons en espèces et les dépôts de garantie [...] ».

[203] Subsidiairement encore, ils affirment que si la Cour conclut que la contrepartie reçue par les appelants dépasse 80 % aux termes de l’alinéa 248(30)a) de la Loi, [traduction] « l’analyse devrait porter sur la question de savoir si les dispositions de l’alinéa 248(30)b) de la Loi ont été satisfaites et si le transfert a été effectué avec l’intention de faire un don ». À cet effet, les appelants réitèrent et invoquent les arguments précédents selon lesquels ils avaient l’intention libérale requise relativement au don en espèces et au dépôt de garantie.

[204] Dans leurs observations en réponse, les appelants affirment que si l’absence d’une intention libérale invalidait la conclusion de l’existence d’un don aux termes de l’alinéa 248(3)a) de la Loi, [traduction] « il aurait été absurde d’adopter l’alinéa 248(30)b) de la Loi, étant donné que ces deux alinéas sont disjonctifs ».

[205] Enfin, les appelants soutiennent que [traduction] « si l’avantage est inférieur à 80 %, une intention libérale n’est pas requise », car autrement, [traduction] « il serait inutile de prévoir un seuil de 80 % et tout texte législatif à cet égard serait absurde ».

La thèse de l’intimée

[206] L’intimée soutient que les appelants n’avaient pas l’intention libérale de faire un don en versant la somme intégrale de ce don, affirmant que les paiements effectués [traduction] « n’étaient pas des dons, mais une contrepartie aux termes de contrats motivés par le profit ». Elle affirme que l’alinéa 248(30)a) de la Loi [traduction] « ne peut pas être invoqué pour considérer qu’une intention libérale existe, même si le seuil de 80 % n’est pas franchi ».

[207] Pour étayer l’idée voulant que [traduction] « l’absence d’une intention libérale à elle seule donne lieu à une conclusion d’absence de don, même durant les années où le montant de l’avantage relatif à un don ne dépasse pas le seuil de 80 % », l’intimée invoque les observations incidentes du juge Near dans l’arrêt Berg CAF, comme cela a déjà été mentionné.

[208] Elle fait valoir que [traduction] « l’absence d’intention libérale [des appelants] est fatale » et que les appels doivent être rejetés pour ce motif. L’intimée soutient qu’une [traduction] « intention libérale est requise, même si le montant de l’avantage ne dépasse pas le seuil de 80 % », expliquant que l’alinéa 248(30)a) de la Loi prévoit simplement que [traduction] « l’existence du montant d’un avantage relativement à un transfert de biens n’empêche pas en soi ce transfert d’être un don » si le montant de l’avantage ne dépasse pas le seuil de 80 %, mais que si le [traduction] « législateur avait souhaitait éliminer l’exigence d’une intention libérale, il l’aurait indiqué explicitement ». L’intimée avance que le libellé de l’alinéa 248(30)b) de la Loi [traduction] « confirme » que le législateur ne souhaitait pas [traduction] « éliminer l’exigence d’une intention libérale si le montant du don dépassait le seuil de 80 % », étant donné qu’il dispose qu’un cédant peut demander d’établir, à la satisfaction du ministre, [traduction] « que le transfert a été effectué avec l’intention de faire un don ».

[209] Étant donné que le ministre n’a pas été convaincu de l’existence d’une intention libérale, en application de l’alinéa 248(30)b) de la Loi, elle affirme que [traduction] « l’intention libérale demeure une question que notre Cour doit trancher ».

[210] Subsidiairement, l’intimée soutient que « le montant de l’avantage », établi aux termes de l’alinéa 248(32)a) de la Loi, dépassait le seuil de 80 %, de sorte que le don est inadmissible ou, aux termes de l’alinéa 248(32)b) de la Loi, que le montant du prêt est « une dette à recours limité » au sens du paragraphe 143.2(1) de la Loi :

« montant à recours limité » Principal impayé d’une dette à l’égard de laquelle le recours est limité dans l’immédiat ou pour l’avenir et conditionnellement ou non.

[211] Elle fait valoir de façon générale que le montant total des prêts correspond à cette définition, car i) les renseignements liés aux prêts étaient situés à l’extérieur du Canada; ii) les appelants n’ont conclu aucun arrangement de bonne foi, constaté par écrit, pour rembourser les prêts; iii) les prêts étaient conditionnels et à remboursement conditionnel; iv) les appelants n’ont pas payé des intérêts sur les prêts; v) les prêts étaient soumis à des garanties et vi) les prêts faisaient partie d’une série de prêts et de remboursements qui s’étendait au-delà de dix ans.

[212] L’intimée invoque plus précisément les dispositions suivantes :

Dette à recours limité relative à un don ou à une contribution monétaire

(6.1) La dette à recours limité relative au don ou à la contribution monétaire d’un contribuable, au moment où le don ou la contribution est fait, correspond au total des sommes suivantes :

a) chaque montant à recours limité à ce moment, du contribuable et des autres contribuables qui ont un lien de dépendance avec lui, qu’il est raisonnable de considérer comme se rapportant au don ou à la contribution;

b) chaque montant à recours limité à ce moment, déterminé selon le présent article dans son application à chaque autre contribuable sans lien de dépendance avec le contribuable et détenteur, de manière directe ou indirecte, d’une participation dans celui-ci, qu’il est raisonnable de considérer comme se rapportant au don ou à la contribution;

c) chaque somme qui représente le montant impayé à ce moment de toute autre dette d’un contribuable visé aux alinéas a) ou b), qu’il est raisonnable de considérer comme se rapportant au don ou à la contribution, dans le cas où cette dette ou toute autre dette est assortie d’une garantie, d’une indemnité ou d’un engagement semblable.

Remboursement de dette

(7) Pour l’application du présent article, le principal impayé d’une dette est réputé être un montant à recours limité sauf si :

a) des arrangements, constatés par écrit, ont été conclus de bonne foi, au moment où la dette est survenue, pour que le débiteur rembourse la dette et les intérêts y afférents dans une période raisonnable ne dépassant pas dix ans;

b) les intérêts sont payables au moins annuellement, à un taux égal ou supérieur au moins élevé des taux suivants, et sont payés sur la dette par le débiteur au plus tard 60 jours suivant la fin de chacune de ses années d’imposition qui se termine dans la période visée à l’alinéa a) :

(i) le taux d’intérêt prescrit en vigueur au moment où la dette est survenue,

(ii) le taux d’intérêt prescrit applicable pendant la durée de la dette.

and is paid in respect of the indebtedness by the debtor no later than 60 days after the end of each taxation year of the debtor that ends in the period.

[...]

Renseignements à l’étranger concernant une dette

(13) Pour l’application du présent article, lorsqu’il est raisonnable de considérer que des renseignements concernant une dette se rapportant à une dépense, à un don ou à une contribution monétaire d’un contribuable se trouvent à l’étranger et que le ministre n’est pas convaincu que le principal impayé de la dette n’est pas un montant à recours limité, le principal impayé de la dette qui se rapporte à la dépense, au don ou à la contribution est réputé être un montant à recours limité se rapportant à la dépense, au don ou à la contribution, sauf si, selon le cas :

a) les renseignements sont fournis au ministre;

b) les renseignements se trouvent dans un pays avec lequel le gouvernement du Canada a conclu une convention ou un accord fiscal qui a force de loi au Canada et qui comprend une disposition en vertu de laquelle le ministre peut obtenir les renseignements.

Discussion et décision

[213] Les paragraphes 248(30) à (32) de la Loi se trouvent dans la Partie XVII – Interprétation qui contient un grand nombre de définitions qui s’appliquent à l’ensemble des dispositions [traduction] « de cette Loi ». Ces dispositions précises découlent de modifications adoptées par le projet de loi technique de 2002 à 2013 (partie 5 – technique) [vi] le 26 juin 2013 pour les dons et les contributions effectués après le 20 décembre 2002.

[214] Les notes explicatives [vii] sont rédigées ainsi :

Pour être considéré comme un don, le transfert de bien doit être volontaire et être effectué dans l’intention de faire un don. En common law, on présume que cette intention n’est pas présente lorsque le cédant du bien reçoit une contrepartie ou un avantage. Le nouveau paragraphe 248(30) de la Loi, qui s’applique relativement aux transferts de biens effectués après le 20 décembre 2002 à des donataires reconnus (comme les organismes de bienfaisance enregistrés), permet de réfuter cette présomption. En effet, selon l’alinéa 248(30)a), le fait que le cédant reçoive un avantage ne suffit pas en soi à rendre le transfert inadmissible à titre de don si la valeur de l’avantage n’excède pas 80 % de la juste valeur marchande du bien transféré.

[215] Comme cela a déjà été expliqué, le mot « don » n’est pas défini dans la Loi, mais il a été généralement défini comme un transfert de biens volontaire et effectué par un donateur à titre gratuit, sans attente d’un avantage économique. La notion d’« intention libérale » est intégrée à cette définition.

[216] Le paragraphe 248(30) de la Loi ne contient pas explicitement l’expression « intention libérale », mais il est intitulé « intention de faire un don ». Il dispose que « le fait qu’un transfert de bien donne lieu à un montant d’un avantage ne suffit en soi à rendre le transfert inadmissible à titre de don » sous réserve des alinéas a) et b). Les notes explicatives indiquent que le fait que le cédant reçoive un avantage « ne suffit pas en soi à rendre le transfert inadmissible [...] » [non souligné dans l’original]. Ce libellé appelle une recherche plus approfondie.

[217] Dans la décision Markou CCI, le juge Paris a qualifié ces dispositions de « modifications en matière de dons fractionnés », expliquant que « certains transferts de biens faits sans intention libérale peuvent quand même être admissibles à titre de dons, malgré la réception d’une contrepartie par l’auteur du transfert en échange de celui‑ci, pourvu que la contrepartie reçue ne dépasse pas 80 % de la juste valeur marchande du bien transféré » et que « lorsque le seuil de 80 % n’est pas dépassé, l’absence d’intention libérale ne constitue plus un obstacle aux crédits d’impôt pour dons de bienfaisance pour des transferts à des donataires reconnus » (par. 112 et 113). Je remarque que ces observations étaient incidentes, étant donné que le juge Paris avait déjà conclu que « vu les ententes contractuelles », on ne pouvait pas dire qu’une « partie quelconque des [...] dons » avait été faite « avec une intention libérale » (par. 111).

[218] Je remarque aussi que la Cour d’appel fédérale, dans l’arrêt Markou CAF, n’a pas souscrit aux observations du juge Paris, puisque le juge en chef Noël a indiqué qu’il s’abstiendrait « de commenter l’assertion [...] selon laquelle l’intention libérale pourrait ne plus être requise pour l’application des dispositions relatives aux dons fractionnés lorsque le seuil de 80 % prévu à l’alinéa 248(30)a) n’est pas dépassé » (par. 61).

[219] Dans la décision Cassan, qui précède l’arrêt Markou CAF de seulement quelques mois, le juge Owen a examiné les paragraphes 248(30) à (32) de la Loi (par. 319 à 338) et sa conclusion a été la suivante :

[327] […] Il est raisonnable d’interpréter les paragraphes 248(30) et (32) de sorte qu’en droit privé, un transfert de bien est admissible à titre de don pour établir le montant de l’avantage apporté par ledit don aux termes du paragraphe 248(32). Le montant de l’avantage permet ensuite d’établir si le seuil de 80 % prévu au paragraphe 248(30)(a) a été dépassé ou non.

[...]

[333] […] Le paragraphe 248(30) prévoit une exception aux exigences du droit privé dans des circonstances où l’« existence d’un montant d’un avantage » rendrait autrement un transfert inadmissible à titre de don. L’exception joue si le montant de l’avantage exposé dans les premières phrases n’excède pas 80 % de la juste valeur marchande du bien transféré. [...]

[Non souligné dans l’original.]

[220] Il est évident que cette analyse était centrée sur des circonstances où il existait un avantage qui rendrait inadmissible un transfert de bien comme don en droit privé, sans l’application des paragraphes 248(30) à (32) de la Loi.

[221] Une analyse textuelle, contextuelle et téléologique de ces dispositions m’a amené à conclure que sans l’avantage reçu, elles ne s’appliquaient qu’en cas de transfert de bien admissible en tant que don en droit privé. Dans ces affaires, il y a lieu d’examiner le cadre législatif pour établir le « montant de l’avantage » et le « montant admissible du don ». Cependant, lorsque le transfert de bien fait partie d’un arrangement interdépendant ou qu’il est conditionnel à l’obtention d’un certain avantage contractuel, il n’est pas nécessaire d’examiner les dispositions, étant donné qu’il manque forcément une intention libérale.

[222] En l’espèce, la Cour a déjà conclu que les appelants n’avaient pas une intention libérale relativement au montant total du don allégué, étant donné que la composante en espèces a été versée à Banyan de façon conditionnelle. Le versement de cette composante était assorti de conditions claires et explicites. Par conséquent, on ne peut pas dire que le transfert était « volontaire » ou qu’il a été effectué « à titre gratuit ». La Cour a conclu qu’« aucune partie » du montant du don ne constituait un don et que rien ne justifiait la possibilité d’un « don fractionné ». On peut en dire autant du dépôt de garantie bien que, quoi qu’il en soit, rien ne justifie de conclure qu’il s’agissait d’un don.

Les paragraphes 248(30) à (32) ont-ils changé quelque chose en l’espèce?

[223] Ayant conclu à l’absence d’une intention libérale relativement à une partie du montant du don, j’apporterais un bémol aux observations du juge Paris dans la décision Markou CCI précitée et je conclurais qu’en raison des soi-disant modifications en matière de dons fractionnés, lorsque le seuil de 80 % n’est pas dépassé, l’absence d’intention libérale pourrait ne plus constituer un obstacle aux crédits d’impôt pour dons de bienfaisance pour des transferts à des donataires reconnus. L’alinéa 248(30)a) de la Loi dispose que l’obtention d’un avantage « ne suffit en soi à rendre [...] inadmissible [...] [le] don » [non souligné dans l’original]. Cette disposition n’indique pas qu’un avantage « ne rend pas inadmissible » ou « ne rendra pas inadmissible » ou elle n’utilise pas une phraséologie similaire. Il ne s’agit pas d’une « disposition déterminative » type.

[224] La Cour doit donc convenir avec l’intimée que si le législateur souhaitait éliminer la nécessité d’examiner l’existence d’une intention libérale, il aurait indiqué clairement que le fait de recevoir un avantage ne rend pas le transfert inadmissible à titre de don lorsque le montant de l’avantage ne dépasse pas 80 %. Je retiens la thèse de l’intimée portant que cela est manifeste lorsqu’on considère que l’alinéa 248(30)b) de la Loi permet au ministre de rendre admissible un don si la valeur de l’avantage dépasse 80 % et s’il est établi que « le transfert a été effectué dans l’intention de faire un don ». Cela serait conforme aux notes explicatives relatives aux modifications, mentionnées précédemment, qui indiquent que le fait de recevoir un avantage « ne suffit pas en soi à rendre le transfert inadmissible ».

[225] Ce qui précède suffit pour conclure qu’en l’espèce, les paragraphes 248(30) à (32) de la Loi ne s’appliquent pas. La Cour abonde dans le sens de l’intimée : l’absence d’une intention libérale est fatale. La Cour ayant conclu que les appelants n’avaient pas une intention libérale en ce qui concerne le montant intégral du don, les modifications en matière de dons fractionnés ne s’appliquent pas.

[226] Si j’ai conclu à tort que les modifications en matière de dons fractionnés ne s’appliquent pas, il est nécessaire de rechercher si la valeur de l’avantage que les appelants ont obtenu dépassait 80 % de la « juste valeur marchande du bien transféré ».

[227] Le paragraphe 248(31) de la Loi dispose que le « montant admissible d’un don » correspond à la différence entre la juste valeur marchande « du bien qui fait l’objet du don » et « le montant de l’avantage ». Le paragraphe 248(32) de la Loi prévoit un cadre législatif permettant d’établir le « montant de l’avantage ».

[228] L’alinéa 248(32)a) de la Loi est libellé en termes généraux et est censé viser « le total des sommes », notamment « tout bien ou service, [...] toute compensation » qu’une personne a « reçu ou obtenu, ou a le droit, immédiat ou futur et absolu ou conditionnel, de recevoir [...] » qui est lié au « don ou [à] la contribution » par l’application des sous-alinéas (i), (ii) ou (iii).

[229] La Cour a déjà conclu que le prêt offert aux participants du programme constituait un avantage important. Il est évident que le prêt était une « contrepartie du don » ou qu’il « se rapport[ait] de toute autre façon au don », conformément aux sous-alinéas 248(32)a)(i) ou (iii) de la Loi. Je conclus que sans la sortie de fonds versée directement à Banyan, le prêteur n’aurait pas accordé le prêt. Il n’est pas controversé que les prêts représentaient de 85,5 % à 89 % du montant total du don. Par conséquent, le seuil de 80 % énoncé à l’alinéa 248(30)a) de la Loi était clairement dépassé.

[230] Les appelants rejettent cette thèse et ils soutiennent que la Cour doit tenir compte du total de la sortie de fonds qui comprend la composante en espèces et le dépôt de garantie. Ces sommes, lorsqu’elles étaient examinées de concert, représentaient de 23 % à 29 % du montant total du don. En d’autres termes, ils affirment que les prêts représentaient de 71 % à 77 % du montant du don allégué, de sorte que le seuil de 80 % n’était pas dépassé.

[231] La Cour doit rejeter cette thèse. Comme l’a soutenu l’intimée, rien ne justifie de repenser le dépôt de garantie en tant que don. Le prêteur, même s’il était lié à Banyan ou jouait un rôle essentiel dans l’ensemble du programme, n’était pas un « donataire reconnu ». La preuve non controversée est que le dépôt de garantie a été versé au prêteur en garantie pour le prêt. Cela faisait partie de l’arrangement.

[232] Si j’ai conclu à tort que les prêts accordés aux appelants constituaient un « avantage » au sens de l’alinéa 248(32)a) de la Loi, je dois me pencher sur l’alinéa 248(32)b) de la Loi et conclure que les prêts en question étaient une dette à recours limité au sens du paragraphe 143.2(6.1) de la Loi. Si les prêts étaient une dette à recours limité dont le montant dépassait 80 % du montant total du don, le montant du don serait alors nul. Il n’est pas nécessaire d’étudier plus en détail cette question et je m’abstiendrai de le faire.

[233] Les appelants ont aussi affirmé que la Cour doit complètement ignorer le montant du prêt, car il n’a jamais été accordé à Banyan, indépendamment de sa volonté. La Cour conclut qu’il s’agit d’un argument circulaire, car si le prêt était ignoré parce qu’il n’avait jamais été consenti à Banyan, les dispositions relatives aux dons fractionnés ne s’appliqueraient alors simplement pas. Il serait seulement nécessaire d’établir si la sortie de fonds et le dépôt de garantie étaient des dons en droit. La Cour a déjà étudié cette question et elle a conclu qu’il ne s’agissait pas de dons, étant donné que les appelants n’avaient pas une intention libérale.

[234] Comme l’a affirmé l’intimée, le moment pertinent où le montant de tout avantage a été calculé correspond au moment où les dons présumés ont été faits. En outre, comme cela a été indiqué précédemment, les appelants ont tous témoigné en détail de ce qu’ils croyaient qu’ils étaient légalement responsables du prêt. Comme cela a été noté dans l’arrêt Berg CAF, le billet à ordre, au moment où il a été conclu, n’avait aucune valeur, même si selon la déclaration faite à l’issue du recours collectif, les prêts étaient finalement [traduction] « non exécutoires ». Cet argument pourrait avoir été plus logique si la Cour, dans son approbation décrite précédemment, avait déclaré que les prêts étaient également [traduction] « nuls ». Or cette déclaration n’a pas été incluse dans l’ordonnance définitive.

[235] Il suffit de dire qu’aucun don n’a été fait, étant donné que les appelants souhaitaient tirer parti de leurs ressources en espèces au moyen du produit des prêts. Comme cela a été mentionné précédemment, le prêt était une composante essentielle du programme et, pour reprendre les observations de la juge Woods, il était « inextricablement lié par les ententes pertinentes » (Maréchaux CCI). Dans ces circonstances, il n’est pas possible de les disjoindre. Voir aussi la décision Bandi c. La Reine, 2013 CCI 230 où le juge Hogan a conclu, en invoquant la jurisprudence Maréchaux CAF, « qu’il n’était pas indiqué de séparer des opérations faisant partie d’un arrangement interdépendant selon qu’elles ont été effectuées en argent ou non » (par. 16).

[236] Les appelants ont fait valoir que le ministre aurait pu ou qu’il aurait dû avoir procédé conformément à l’alinéa 248(30)b) de la Loi pour établir de façon [traduction] « raisonnable » que le transfert que les appelants ont effectué « a été effectué dans l’intention de faire un don ». La Cour conclut qu’il est implicite que le ministre n’était pas de cet avis et qu’elle n’est pas le for approprié pour rechercher si le ministre a agi de manière raisonnable.

[237] Compte tenu de l’analyse précédente et plus précisément de la conclusion de la Cour, selon laquelle les appelants n’avaient pas l’intention libérale requise en ce qui concerne la somme intégrale promise, je conclus que les paragraphes 248(30) à (32) de la Loi ne s’appliquent pas. De plus et à titre subsidiaire, le montant de l’avantage dépassait le seuil de 80 %.

Question en litige no 4 – Si le dépôt de garantie n’est pas un « montant admissible » en application du paragraphe 248(31), les appelants ont-ils le droit de demander la déduction d’une perte en capital nette en application de l’alinéa 111(1)b) de la Loi?

[238] Si la Cour conclut que le dépôt de garantie n’est pas un don valide, les appelants font valoir qu’il doit être [traduction] « qualifié de placement », car ils croyaient qu’il [traduction] « serait investi » et cette somme d’argent ne leur a pas été remboursée.

[239] Pour ce motif, les appelants soutiennent que le dépôt de garantie devrait [traduction] « constituer une perte en capital » déductible des gains en capital, le cas échéant, en tant que « pertes en capital nettes » en application de l’alinéa 111(1)b) de la Loi.

[240] L’intimée rejette cet argument en indiquant que les appelants n’ont [traduction] « pas présenté d’éléments de preuve concernant les éléments nécessaires pour établir l’existence d’une perte en capital », notamment ce qui suit :

[traduction]
i) l’année ou les années au cours desquelles les appelants ont cédé la totalité ou une partie du dépôt de garantie;

ii) le produit de la disposition pour chaque disposition de la totalité ou d’une partie du dépôt de garantie;

iii) le prix de base rajusté du dépôt de garantie ou d’une partie de celui-ci au moment de chaque disposition.

[241] Par conséquent, l’intimée affirme que les appelants [traduction] « ne sont pas en droit de demander la déduction d’une perte en capital relativement au dépôt de garantie pour chacune des années visées par l’appel ».

Discussion et décision

[242] Des pertes en capital sont généralement subies lorsque le montant du produit net de la disposition est inférieur au prix de base rajusté de l’immobilisation au moment de la disposition : alinéas 39(1)b) et 40(1)b) de la Loi. Si une perte en capital est subie, le contribuable peut demander la déduction d’une perte en capital déductible et déduire 50 % de la perte en capital déductible des gains en capital imposables : alinéa 38b) de la Loi.

[243] Pour demander la déduction d’une perte en capital déductible, le bien en question doit être de nature capitale, une disposition doit exister et le montant du produit net de la disposition doit être inférieur au prix de base rajusté de l’immobilisation.

[244] L’article 54 de la Loi définit ainsi les « immobilisations » :

« immobilisations » S’agissant des immobilisations d’un contribuable :

a) disposition de biens tous biens amortissables du contribuable;

b) tous biens (autres que des biens amortissables) dont la disposition se traduirait pour le contribuable par un gain ou une perte en capital.

[245] Jusqu’à récemment, la jurisprudence ne faisait la distinction qu’entre l’inventaire qui produit du revenu et l’immobilisation qui génère un gain ou une perte en capital. Cette distinction a été résumée par la Cour suprême du Canada dans l’arrêt Friesen c. Canada [1995] 3 RCS 103 (« Friesen ») où la Cour a indiqué que la Loi « crée ainsi un système simple qui ne reconnaît que deux catégories générales de biens » et « [l]a qualification d’un bien comme bien figurant dans un inventaire ou comme bien en immobilisation est fondée principalement sur le type de revenu qui sera tiré de ce bien » (par. 42).

[246] Cependant, dans l’arrêt Kruger Incorporée c. Canada, 2016 CAF 186 (« Kruger »), la Cour d’appel fédérale a conclu que les options sur devises n’étaient « ni des biens en immobilisation ni des biens figurant à l’inventaire », en expliquant que « bien que la Loi se fonde sur l’existence de deux grandes catégories de biens, elle ne limite pas les types […] de biens [...] susceptibles d’influer sur le calcul du revenu [...] » (par. 101).

[247] Les appelants affirment que le dépôt de garantie était un placement qui devait servir à rembourser les prêts. Selon la jurisprudence Friesen, le dépôt de garantie doit appartenir soit à la catégorie des « biens en immobilisation », soit à celle des « biens figurant à l’inventaire », mais si on tient compte de la jurisprudence Kruger, il est possible de conclure que le dépôt de garantie n’appartient à aucune de ces deux catégories.

[248] Afin de rechercher si un bien est de nature capitale, il convient de tenir compte de certains facteurs. Même si ces facteurs sont généralement analysés pour distinguer les gains en capital du revenu d’entreprise, ils « sont susceptibles de convaincre le tribunal que l’opération à l’examen est une opération de capital » : Canada Safeway Limited c. Canada, 2008 CAF 24, par. 47 (« Safeway »). Bien qu’aucun de ces facteurs ne soit déterminant en soi, « le facteur le plus déterminant est l’intention qu’avait le contribuable au moment de l’acquisition du bien » (par. 43).

[249] Lorsque la Cour tient compte des facteurs qui ont motivé les appelants à verser au prêteur le dépôt de garantie, elle doit conclure que ce versement devait s’inscrire dans une série d’étapes dans le cadre d’un arrangement. Il s’agissait d’un droit d’entrée ou de frais payés en échange du droit de participer au programme ou en échange de l’octroi présumé d’un crédit à des conditions favorables.

[250] Même si les participants ont été amenés à croire que le dépôt de garantie serait investi et détenu pour leur profit afin d’être appliqué au solde impayé à l’échéance, j’ai déjà conclu que selon les observations verbales et écrites formulées, les appelants ne seraient pas responsables du prêt, étant donné que le prêteur se fiait principalement à la croissance du dépôt de garantie ou à l’assurance sur le rendement, comme cela est expliqué dans l’avis juridique de FMC décrit précédemment.

[251] Vu que le produit du prêt n’a jamais été versé à Banyan ou que le prêt n’était pas en fait valide, comme l’ont reconnu les appelants, cela tend à confirmer que le dépôt de garantie se voulait être des frais ou un droit de participation au programme. Il n’a jamais été destiné à être un placement.

[252] En fin de compte, la Cour ne peut pas conclure que les appelants ont acquis une « immobilisation ». Cette conclusion suffit, à elle seule, à rejeter cet argument.

Question en litige no 5 – Les reçus contenaient-ils les renseignements prescrits?

[253] Si la Cour conclut que le produit des prêts n’a jamais été versé à Banyan, l’intimée affirme que [traduction] « la seule conclusion que peut tirer la Cour est que les reçus émis [...] n’indiquaient pas le montant des espèces reçues » et par conséquent, [traduction] « les appelants n’ont pas droit à un crédit d’impôt pour dons de bienfaisance ».

[254] L’intimée invoque la décision Plante c. La Reine, [1999] 2 CTC 2631, [1999] ACI no 51 (« Plante ») où le juge Tardiff a examiné la nécessité d’un reçu contenant les renseignements prescrits. Il a fait remarquer qu’il ne s’agit pas d’exigences « futiles et sans importance » et que si les renseignements prescrits ne sont pas présents, « [le reçu] devra être écarté » et cela fera perdre les bénéfices fiscaux réclamés à « son détenteur » (par. 46 à 49.)

[255] Le paragraphe 118.1(2) de la Loi dispose que pour que le « montant admissible d’un don soit inclus dans le total des dons de bienfaisance […] le versement du don doit être attesté par la présentation au ministre », conformément à l’alinéa a), d’« un reçu contenant les renseignements prescrits ».

[256] Une liste détaillée des renseignements prescrits est énoncée à l’article 3501 du Règlement. Cette liste comprend les éléments suivants :

3501(1) Tout reçu officiel délivré par une organisation enregistrée doit énoncer qu’il s’agit d’un reçu officiel aux fins de l’impôt sur le revenu et indiquer clairement, de façon à ce qu’ils ne puissent être modifiés facilement, les détails suivants :

[...]

h) celle des sommes ci-après qui est applicable :

(i) le montant du don en espèces,

(ii) [...]

h.1) une description de l’avantage, le cas échéant, au titre du don et le montant de cet avantage;

h.2) le montant admissible du don;

[...]

3501(6) Tout formulaire de reçu officiel sur lequel un ou plusieurs des renseignements ci-après sont inscrits de façon incorrecte ou illisible est considéré comme inutilisable :

a) la date de réception du don;

b) le montant du don, dans le cas d’un don en espèces;

c) une description de l’avantage, le cas échéant, au titre du don et le montant de cet avantage;

d) le montant admissible du don.

[257] L’intimée cite également la décision David c. La Reine, 2014 CCI 117 (« David ») : les contribuables avaient été invités par un préparateur de déclarations de revenus à faire des dons à un organisme de bienfaisance enregistré, mais ils ne devaient verser que 10 % de la valeur nominale du reçu en espèces. Le ministre a refusé les crédits d’impôt en totalité.

[258] La juge Woods a cite la jurisprudence Canada c. Doubinin, 2005 CAF 298, en concluant que les reçus fiscaux gonflés ne sont pas des avantages qui vicient un don et qu’en l’absence d’avantage, les paragraphes 248(30), (31) et (32) de la Loi ne s’appliquent pas. Elle a conclu que chaque appelant avait droit à un crédit d’impôt équivalant à 10 % de la valeur nominale du reçu.

[259] Dans l’appel appelé Castro (décrit précédemment) (autorisation d’interjeter appel à la CSC refusée le 14 avril 2016), qui visait la décision David, les contribuables soutenaient notamment qu’aucune autorité n’appuyait la thèse du ministre selon laquelle l’absence de renseignements prescrits invalidait un don par ailleurs valide (par. 70).

[260] Le juge Scott a fait remarquer que la juge de première instance « n’a pas traité de la question de savoir si les reçus délivrés […] satisfaisaient aux exigences de l’article 118.1 de la Loi de même qu’aux exigences en matière de renseignements prescrits par l’article 3501 […], car cette question n’a pas été soulevée devant elle » (par. 25). Il a néanmoins accueilli l’appel et rejeté les reçus d’impôt, en soulignant que du fait que « le montant exact du don en espèces n’appara[issait] pas sur les reçus pour don de bienfaisance », cela contrevenait « aux exigences du paragraphe 118.1(2) de la Loi et du sous-alinéa 3501(1)h)(i) du Règlement » (par. 31).

[261] Le juge Scott a ajouté que le paragraphe 118.1(2) de la Loi dispose que « le montant admissible d’un don doit être attesté par la présentation […] d’un reçu contenant les renseignements prescrits » (par. 59) et qu’en application de l’alinéa 3501(6)b) du Règlement, « le montant d’un don en espèces doit figurer sur le reçu officiel, faute de quoi ce dernier est réputé inutilisable » (par. 64). Il a noté que, selon la version française, « le reçu est considéré comme inutilisable », ce qui signifie qu’il ne peut pas servir à réclamer un crédit d’impôt (par. 83 et 84).

[262] Dans leurs observations en réponse, les appelants affirment qu’il y a lieu de faire une distinction entre la présente affaire et l’affaire Castro, car cette dernière faisait intervenir un préparateur de déclarations de revenus [traduction] « en collusion avec les contribuables » qui ont alors [traduction] « rendu des témoignages incohérents et peu fiables » relativement au véritable montant de leurs dons. En l’espèce, les appelants font valoir que [traduction] « le ministre connaissait ou aurait dû connaître le montant exact de la sortie de fonds et du dépôt de garantie, compte tenu de la demande d’abri fiscal » présentée par le promoteur.

[263] Les appelants invoquent l’enseignement des arrêts Chabot c. Canada, 2001 CAF 383 (« Chabot ») et Mitchell c. Canada, 2002 CAF 407 (« Mitchell ») cités par la Cour d’appel fédérale dans l’arrêt Castro pour avancer la thèse portant qu’il [traduction] « faut interpréter l’article 3501 du Règlement avec souplesse lorsque l’ensemble des renseignements est facilement accessible au ministre ».

[264] Les appelants soutiennent également que les reçus pour dons de bienfaisance délivrés par Banyan indiquaient la somme d’argent exacte au moment de leur délivrance et que, contrairement aux contribuables dans l’arrêt Castro, les appelants n’ont pas eu la possibilité de demander que Banyan produise un reçu officiel corrigé.

Discussion et décision

[265] Il n’est pas controversé que les reçus d’impôt présentés par les appelants n’indiquaient pas le montant exact du don en espèces présumé, étant donné qu’ils indiquaient la somme totale promise, notamment le produit du prêt dont le versement n’avait jamais été effectué. Pour ce motif, je conclus que les reçus sont inutilisables, étant donné qu’ils n’indiquent pas le montant exact du don en espèces, contrairement à ce qui est exigé à l’alinéa 3501(6)b) du Règlement.

[266] Subsidiairement, étant donné que la Cour a conclu que l’octroi du prêt dans le cadre du programme était un avantage, en application des paragraphes 248(30) à (32) de la Loi, il faut alors aussi conclure que les reçus sont inutilisables, car ils n’indiquent pas le « montant de l’avantage » ou le « montant admissible du don », comme l’exigent les alinéas 3501(6)c) et d) du Règlement.

[267] Dans l’arrêt Castro, la Cour d’appel fédérale a mené une analyse textuelle, contextuelle et téléologique de l’article 3501 (par. 77 à 84) en concluant que même s’il était établi qu’un don avait été fait, ce qui n’est pas le cas en l’espèce, il n’y avait « aucun reçu officiel » et les contribuables n’avaient pas droit à un « crédit d’impôt » (par. 85).

[268] Même si le programme avait été décrit dans la demande d’abri fiscal présentée par le promoteur, je ne suis pas convaincu que l’ensemble des renseignements relatifs à chaque appelant était facilement accessible au ministre. En outre, je ne suis pas convaincu que l’interprétation souple d’une disposition législative défendue en l’espèce par les appelants, qui s’appuient sur les arrêts Chabot et Mitchell, permette à notre Cour d’ignorer les exigences du paragraphe 118.1(2) de la Loi ou les renseignements prescrits. Cela exigerait un texte législatif clair que le législateur n’a pas produit et qu’il n’est pas possible d’incorporer dans les dispositions législatives.

[269] La Cour conclut que la jurisprudence Castro constitue le dernier mot. Les appelants n’ont pas le droit de demander un crédit d’impôt pour une somme d’argent versée à Banyan, car les reçus ne contiennent pas les renseignements prescrits, contrairement à ce qu’exige le paragraphe 118.1(2) de la Loi. En outre, je conclus que les reçus sont « inutilisables », étant donné qu’ils ne satisfont pas aux exigences des alinéas 3501(6)b), c) et d) du Règlement.

VI. Conclusion

[270] Pour tous les motifs qui précèdent, les appels sont rejetés.

[271] Conformément au consentement déposé le 15 décembre 2020, la Cour ordonne que chaque partie assume ses propres dépens dans les présents appels.

Signé à Ottawa, Canada, ce 31e jour de mars 2022.

« Guy R. Smith »

Le juge Smith

Traduction certifiée conforme

ce 20e jour de janvier 2023.

François Brunet, réviseur


 

Annexe A

Banyan Tree Foundation – Programme de 2002

Montant du don

10 000 $

20 000 $

50 000 $

Don composé

d’espèces

d’un prêt

Total du don

Besoins de trésorerie :

Dons

Garantie pour le prêt

Total des besoins de trésorerie

1 450 $

8 550

10 000 $

1 450 $

870

2 320 $

2 900 $

17 100

20 000 $

2 900 $

1 740

4 640 $

7 250 $

42 750

50 000 $

7 250 $

4 350

11 600 $

Total des dons à des fins fiscales

Crédit d’impôt pour dons à 46,41 %

Moins : Besoins de trésorerie

SITUATION DE TRÉSORERIE POSITIVE

Comme pourcentage des besoins de trésorerie

10 000 $

4 641 $

(2 320)

2 321 $

100,00 %

20 000 $

9 282 $

(4 640)

4 642 $

100,00 %

50 000 $

23 205 $

(11 600)

11 605 $

100,00 %

Banyan Tree Foundation – Programme de 2003 à 2007

Montant du don

10 000 $

30 000 $

60 000 $

Don composé

d’espèces

d’un prêt

Total du don

Besoins de trésorerie :

Dons

Garantie pour le prêt

Total des besoins de trésorerie

1 350 $

8 650

10 000 $

1 350 $

1 380

2 730 $

 

4 050 $

25 950

30 000 $

4 050 $

4 140

8 190 $

 

8 100 $

51 900

60 000 $

8 100 $

8 280

16 380 $

 

Total des dons à des fins fiscales

Crédit d’impôt pour dons à 46,41 %

Moins : Besoins de trésorerie

SITUATION DE TRÉSORERIE POSITIVE

Comme pourcentage des besoins de trésorerie

10 000 $

4 640 $

(2 730)

1 910 $

70 %

30 000 $

13 920 $

(8 190)

5 730 $

70 %

60 000 $

27 840 $

(16 380)

11 460 $

70 %


Annexe B

David Herring

Année

Somme promise

Argent comptant

Prêt

Reçu pour don

Dépôt de garantie

% de la composante en espèces relativement aux dons

% du dépôt de garantie relativement aux dons

2002

150 000 $

150 000 $

128 250 $

150 000 $

13 050 $

14,5

8,7

2003

150 000 $

150 000 $

129 750 $

150 000 $

20 700 $

13,5

13,8

2005

30 000 $

4 350 $

25 650 $

30 000 $

4 350 $

14,5

14,5

Kenneth L. Milley

Année

Somme promise

Argent comptant

Prêt

Reçu pour don

Dépôt de garantie

% de la composante en espèces relativement aux dons

% du dépôt de garantie relativement aux dons

2002

19 000 $

2 755 $

16 245 $

19 000 $

1 653 $

14,5

8,7

2003

20 000 $

2 700 $

17 300 $

20 000 $

2 760 $

13,5

13,8

2004

15 000 $

2 175 $

12 825 $

15 000 $

2 175 $

14,5

14,5

2005

15 000 $

2 175 $

12 825 $

15 000 $

2 175 $

14,5

14,5

Marc Halford

Année

Somme promise

Argent comptant

Prêt

Reçu pour don

Dépôt de garantie

% de la composante en espèces relativement aux dons

% du dépôt de garantie relativement aux dons

2003

26 000 $

3 510 $

22 490 $

26 000 $

3 588 $

13,5

13,8

2004

30 000 $

4 050 $

25 950 $

30 000 $

4 140 $

14,5

13,8

2005

32 000 $

4 640 $

27 360 $

32 000 $

4 640 $

14,5

14,5

2007

41 000 $

5 945 $

35 055 $

41 200 $

5 945 $

14,5

14,5

Thomas Breen

Année

Somme promise

Argent comptant

Prêt

Reçu pour don

Dépôt de garantie

% de la composante en espèces relativement aux dons

% du dépôt de garantie relativement aux dons

2004

30 000 $

4 350 $

26 650 $

30 000 $

4 350 $

14,5

14,5

2005

35 000 $

5 075 $

29 925 $

35 000 $

5 075 $

14,5

14,5

2006

25 000 $

3 063 $

21 938 $

25 000 $

3 725 $

12,25

14,9

2007

15 000 $

2 175 $

12 825 $

7 835 $

Nul

14,5

s. o.

Garry Innanen

Année

Somme promise

Argent comptant

Prêt

Reçu pour don

Dépôt de garantie

% de la composante en espèces relativement aux dons

% du dépôt de garantie relativement aux dons

2002

15 000 $

2 175 $

12 825 $

15 000 $

1 305 $

14,5

8,7

2003

20 000 $

2 700 $

17 300 $

20 000 $

2 760 $

13,5

13,8

2004

20 000 $

2 900 $

17 100 $

20 000 $

2 900 $

14,5

14,5

2005

25 000 $

3 625 $

21 375 $

25 000 $

3 625 $

14,5

14,5

Laurie Coghlin

Année

Somme promise

Argent comptant

Prêt

Reçu pour don

Dépôt de garantie

% de la composante en espèces relativement aux dons

% du dépôt de garantie relativement aux dons

2004

65 000 $

8 775 $

56 225 $

65 000 $

8 970 $

13,5

13,8

2006

20 000 $

2 450 $

17 550 $

20 000 $

2 980 $

12,25

14,9

2007

30 000 $

4 350 $

+ 200 $

25 650 $

30 200 $

4 350 $

15

14,5

Sonny Goldstein

Année

Somme promise

Argent comptant

Prêt

Reçu pour don

Dépôt de garantie

% de la composante en espèces relativement aux dons

% du dépôt de garantie relativement aux dons

2003

100 000 $

100 000 $

89 000 $

100 000 $

12 200 $

11

12,2

2004

100 000 $

100 000 $

89 000 $

100 000 $

15 130 $

11

15,13

2005

100 000 $

100 000 $

89 000 $

100 000 $

15 130 $

11

15,13

2006

100 000 $

100 000 $

89 000 $

6 753 $

+ 100 000 $

15 000 $

11

15

 


RÉFÉRENCE :

2022 CCI 41

NO DU DOSSIER DE LA COUR :

2012-112(IT)G et al.

INTITULÉ :

DAVID HERRING, KENNETH L. MILLEY, MARC HALFORD, THOMAS BREEN, GARRY INNANEN, LAURIE COGHLIN, SONNY GOLDSTEIN ET SA MAJESTÉ LA REINE

LIEU DES AUDIENCES :

Toronto et Ottawa (Ontario)

DATE DES AUDIENCES :

Le 20 septembre 2019,
Les 1er, 2, 3, 4, 7, 8, 9, 10, 11 octobre 2019 et observations verbales formulées les 7 et 8 octobre 2020

MOTIFS DU JUGEMENT :

L’honorable juge Guy R. Smith

DATE DU JUGEMENT :

Le 31 mars 2022

COMPARUTIONS :

Avocats de l’appelant :

Me Terry McCaffrey

Me Anahita Tajadod

Avocats de l’intimée :

Me Charles Camirand

Me Dan Daniels

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Pour l’appelant :

Nom :

Me Terry McCaffrey

Me Anahita Tajadod

Cabinet :

Benson Law LLP

Pour l’intimée :

François Daigle

Sous-procureur général du Canada

Ottawa, Canada

 


 



[i] La Cour a également examiné les observations écrites des appelants datées du 22 novembre 2019, les observations écrites de l’intimée du 19 décembre 2019 et les réponses des appelants aux arguments de l’intimée datées du 24 janvier 2020.

[ii] Ces appels sont des « causes types » aux termes de l’article 146.1 des Règles de la Cour canadienne de l’impôt (procédure générale), DORS/90-688a. Près de 328 contribuables, dont les appelants, ont accepté d’être liés par l’issue de ces causes types.

[iii] Le ministre a reconnu que jusqu’au 20 septembre 2008, date à laquelle son enregistrement a été révoqué, la Banyan Tree Foundation était un organisme de bienfaisance enregistré.

[iv] Pièce R-1, vol. 1, onglet 209, p. 3, par. 7 et 10.

[v] Pièce A-27, onglet 9, p. 23, par. 7.

[vi] Le projet de loi C-48, Loi modifiant la Loi de l’impôt sur le revenu, la Loi sur la taxe d’accise, la Loi sur les arrangements fiscaux entre le gouvernement fédéral et les provinces, la Loi sur la taxe sur les produits et services des Premières Nations et des textes connexes, 1re s., 41e l., 2013 (sanctionnée le 26 juin 2013); C.S. 2013, ch. 34.

[vii] Notes explicatives concernant la Loi de l’impôt sur le revenu, la Loi sur la taxe d’accise et des textes connexes, Partie 5 : autres modifications de la Loi de l’impôt sur le revenu et des lois et règlements connexes – Loi de l’impôt sur le revenu publiées le 24 octobre 2012, avec Avis de motion de voies et moyens visant à modifier la Loi de l’impôt sur le revenu, la Loi sur la taxe d’accise et des textes connexes.

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