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Dossier : 2019-2413(IT)G

ENTRE :

ELEGANT DEVELOPMENT INC.,

appelante,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

Appel entendu les 4 et 5 juillet 2022, à Vancouver (Colombie-Britannique)

Devant : l’honorable juge Randall S. Bocock


Comparutions :

Avocate de l’appelante :

Me Katherine Ducey

Avocates de l’intimée :

Me Selena Sit
Me Zakiyya Karbani

 

JUGEMENT

ATTENDU QUE la Cour rend, en ce jour, les motifs de son jugement dans le présent appel;

LA COUR ORDONNE :

  1. L’appel de l’avis de cotisation no 4564832 du 7 septembre 2017 est accueilli parce que l’appelante n’avait aucune dette envers Paragon Developments Inc. le 6 janvier 2017 ou après cette date;

2. Les dépens entre parties sont adjugés à l’appelante conformément aux dispositions pertinentes du tarif; cependant, les parties peuvent présenter des observations allant dans un autre sens à la Cour dans les 30 jours suivant le présent jugement.

 

Signé à Hamilton, Canada, ce 31e jour d’août 2022.

« R.S. Bocock »

Le juge Bocock

Traduction certifiée conforme

ce 21e jour de juillet 2023.

Elisabeth Ross, jurilinguiste


Référence : 2022 CCI 97

Date : 20220831

Dossier : 2019-2413(IT)G

ENTRE :

ELEGANT DEVELOPMENT INC.,

appelante,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 


[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

MOTIFS DU JUGEMENT

Le juge Bocock

I. INTRODUCTION

[1] Au Canada, Sa Majesté la Reine (la « Couronne ») dispose de nombreux outils pour recouvrer les impôts dus. L’un de ces outils, l’article 224 de la Loi de l’impôt sur le revenu, L.R.C. (1985), ch. 1, dans sa version modifiée (la « Loi »), habilite la Couronne à exiger d’un débiteur désintéressé qu’il verse à Sa Majesté les fonds que ce débiteur doit à son créancier. Ce créancier doit être un « débiteur fiscal ». Il faut que le débiteur désintéressé soit tenu de payer une somme au débiteur fiscal au moment où le débiteur désintéressé reçoit une demande formelle de paiement (« DFP ») ou qu’il devienne débiteur dans un an. De plus, en cas de défaut de paiement, la Couronne peut établir une cotisation à l’égard du débiteur désintéressé équivalant au montant le moins élevé entre la dette fiscale du débiteur fiscal et le solde que le débiteur désintéressé doit encore à son créancier. Bref, si A (le débiteur fiscal) a une dette fiscale envers C (la Couronne) et que B (le débiteur désintéressé) a une dette envers A, alors C peut demander à B de payer la dette fiscale de A. Cependant, B doit avoir une dette envers A au moment où B reçoit la DFP.

[2] Dans le présent appel, le débiteur désintéressé est l’appelante, Elegant Development Inc. (Elegant). Le mot désintéressé veut dire non impliqué, indifférent et, le plus souvent, ignorant des événements ou des circonstances entourant la dette fiscale du débiteur fiscal envers la Couronne. Le débiteur fiscal en l’espèce s’appelle Paragon Developments Inc. (« Paragon »). La Couronne affirme qu’Elegant devait 700 000 $ à Paragon au moment où la Couronne a communiqué la DFP à Elegant.

[3] En général, les débiteurs contestent les cotisations issues d’une DFP non exécutée en invoquant divers fondements : il n’y avait pas de dette, la dette a été éteinte par divers moyens ou lors de circonstances diverses, l’argent n’était pas encore dû ou la Couronne a commis une erreur dans l’établissement de la cotisation du débiteur fiscal.

[4] Dans le présent appel, Elegant affirme tout simplement qu’elle n’était pas tenue de remettre de l’argent à Paragon au moment où elle a reçu la DFP le 6 janvier 2017 (la date de la DFP). Elegant croit qu’il y a deux raisons principales expliquant cette situation. Premièrement, Elegant avait remis de manière cumulative et implicite à Paragon, le débiteur fiscal, toutes les sommes dues à la date de la DFP. Deuxièmement, une entente de règlement signée le 31 octobre 2016, quatre mois avant la date de la DFP, atteste et confirme l’extinction de toute dette résiduelle d’Elegant envers Paragon. Bref, la dette d’Elegant envers Paragon n’existait plus en tant qu’obligation à la date de la DFP ou dans l’année qui a suivi.

II. LES FAITS

[5] Ce qui suit résume les faits que la Cour discerne à partir de l’exposé conjoint partiel des faits, du recueil conjoint de documents et des conclusions de fait tirées des témoignages.

Naissance d’une coentreprise

[6] Elegant est une société de promotion et de gestion immobilière dans la vallée du bas Fraser (ou Lower Mainland) en Colombie-Britannique. Son directeur, Jatinder Singh Minhas, s’est joint à Terry K. K. Lai et à Paragon au début de 2007 pour faire la promotion de terrains à New Westminster (les « terrains »). Ce plan atteste que Paragon possédait les terrains initialement et mettrait ces terrains à contribution dans le cadre d’une coentreprise chargée de faire la promotion des terrains (le « projet »). Le titre de propriété des terrains appartenait à une société à numéro de la Colombie-Britannique (la « société 074 »). La société 074 est devenue le fiduciaire « simple » des terrains. Une autre société, Queensgate Development Inc. (« Queensgate ») a été déclarée propriétaire bénéficiaire, mais, à son tour, est devenue la fiduciaire d’Elegant et de Paragon. Tous ces faits ont eu lieu en 2007.

Deux fiduciaires pour le prix d’un

[7] Pour officialiser leurs intérêts dans le projet, Elegant et Paragon ont conclu un contrat de coentreprise, un contrat de gestion de projet et des ententes de fiducie qui décrivent le rôle du fiduciaire « simple » et celui du fiduciaire [traduction] « véritable ». Le contrat de coentreprise conclu le 29 juin 2007 prévoit le partage en parts égales au prorata entre Elegant et Paragon des actions et des obligations en ce qui a trait aux profits, aux pertes, aux besoins en capitaux, aux appels de fonds, selon le cas.

La contribution immobilière de Paragon a un prix

[8] Dès le départ, la contribution de Paragon au projet était les terrains qu’elle possédait ostensiblement. Pour ce faire, il était nécessaire que Paragon soit payée, créditée ou autrement indemnisée en bonne et due forme pour son apport des terrains au projet.

[9] Selon le contrat de coentreprise, l’évaluation des terrains était de cinq (5) millions de dollars. Pour que les terrains soient payés à Paragon (et à M. Lai), plusieurs avances ont été effectuées entre les parties concernées. Comme il est expliqué ci-dessous, le procédé a nécessité l’enregistrement d’un prêt de 700 000 $ consenti par Paragon à Elegant. Cette somme est devenue le prêt visé par la DFP de la Couronne et la cotisation qui en découle (la « dette envers Paragon »).

Elegant « paie » Paragon pour le condo... au fil du temps... peut-être

[10] Elegant a fait les contributions ci-après pour indemniser Paragon de la valeur des terrains. Les parties s’entendent généralement sur ces faits, sauf indication contraire plus loin dans les présents motifs.

1. Juillet 2007

Paiement d’espèces par Elegant à Paragon

1 275 000 $

2. Mai 2008

Avance sur prêt hypothécaire obtenue et remise (avance de Coast : voir ci-dessous)

1 562 000 $

3. Septembre 2011

Avance sur prêt hypothécaire versée à M. Lai (avance d’Addenda)

466 000 $

Montant total versé à Paragon/M. Lai à l’exclusion d’Elegant

[11] Dans le cadre de l’avance de mai 2008, un surplus de 700 000 $ avait été versé à Elegant en raison d’une anomalie inexplicable concernant l’avance de fonds. Pour équilibrer cet apport qui aurait dû être égal, une mention a été inscrite selon laquelle Elegant aurait emprunté cette somme de Paragon. Il s’agit d’un raccourci comptable qui rappelle implicitement que le créancier hypothécaire aurait dû payer 700 000 $ à Paragon. Au lieu de cela, cette somme a été versée à Elegant et la contribution restant à payer pour cette contribution « en nature » de Paragon, à savoir les terrains, devait être inscrite.

M. Lai avait menti

[12] Quant au projet, tout n’allait pas comme sur des roulettes. Le développement prévu des terrains s’est trouvé entravé par des règlements de zonage, de sorte que le projet n’avançait pas et que les liquidités ont fondu. Le créancier hypothécaire ne recevait plus de paiements. Cependant, le pire n’était pas encore arrivé. M. Lai s’était montré trompeur. Il n’était pas le seul actionnaire, administrateur et dirigeant de Paragon, contrairement à ce qu’il avait dit à Elegant. Il y avait un autre acteur : Mme Chan. Sans ménagement (et sans l’en informer), M. Lai avait retiré cette dernière de la liste des actionnaires inscrits et des dirigeants de la société 074. Tel un motif récurrent dans le présent appel, Mme Chan était une fiduciaire [traduction] « en quelque sorte » de sa sœur qui, à titre de bénéficiaire, avait fourni l’ingrédient essentiel pour l’achat initial des terrains : l’argent. Elegant et M. Minhas ignoraient eux aussi la tromperie de M. Lai.

Déferlement d’ordonnances

[13] Lorsqu’elle s’est rendu compte que les terrains faisaient maintenant partie du projet et qu’elle n’avait plus droit aux bénéfices, Mme Chan a intenté une action en justice (la « poursuite de Mme Chan »). Sans grande surprise en pareil cas, d’autres poursuites ont été intentées. Queensgate et Elegant étaient prises entre deux feux.

[14] Le 2 décembre 2014, Queensgate a déposé une réponse à la poursuite de Mme Chan.

[15] Le 14 février 2013, le créancier hypothécaire du projet intentait une procédure de forclusion visant les terrains.

[16] Le 23 juin 2014, la Couronne a enregistré un jugement à l’égard des terrains, pour une somme de 1 000 000 $ découlant d’une dette fiscale de M. Lai. Ce jugement a été prononcé contre l’intérêt de la société 078 B.C. Ltd. (la « société 078 B.C. ») dans ces terrains, en application de l’article 160 de la Loi. Ce litige est toujours en cours, comme nous le voyons ci-dessous.

[17] Le 29 août 2014, Mme Chan a fait enregistrer un certificat d’affaires en instance contre les terrains, ce qui a eu pour effet de paralyser le projet, qui déjà ne bougeait presque pas.

[18] Le 20 juillet 2015, les terrains ont été vendus dans le cadre d’une procédure de forclusion engagée par le créancier hypothécaire. Le produit net de la vente, soit 2 506 130,88 $, a été versé à la Cour suprême de la Colombie-Britannique par le créancier hypothécaire après avoir pris l’argent qui lui était dû.

Le chemin cahoteux de la vente des terrains

[19] Entre le 20 juillet 2015 et le 30 mai 2016, des procédures judiciaires concernant la vente des terrains après forclusion se trouvaient devant la Cour suprême de la Colombie-Britannique. Ces procédures ont été réglées par jugement le 30 mai 2016 et la vente des terrains a été confirmée. Ce procès a révélé, par des affidavits déposés devant cette cour, que Mme Chan s’était opposée à la vente après forclusion, contrairement à toutes les autres parties.

Redevenons amis... pour nous partager les liquidités

[20] Le 31 octobre 2016, Elegant, Queensgate, Paragon, M. Minhas, M. Lai et Mme Chan ont signé une entente de règlement (l’« entente de règlement »). Lors du procès, ce document a fait l’objet d’une attention particulière. En voici les extraits essentiels :

[traduction]

  1. En juillet 2015 environ, 2 506 130,88 $ ont été versés à la Cour par Addenda Capital Inc., la somme du produit de la vente de quatre propriétés inscrites au nom de la société 0781995 B.C. Ltd (les « biens »), action numéro 1-1130173 du greffe de Vancouver.

  2. La Couronne du chef du Canada a enregistré un jugement à l’endroit de l’intérêt de la société 0781995 BC Ltd. à l’égard des biens en raison de la dette fiscale de M. Lai.

  3. Mme Chan a intenté une action et inscrit un certificat d’affaire en instance relatif aux biens relativement à l’intérêt bénéficiaire qu’elle affirme avoir sur les biens.

  4. Queensgate soutient que c’était elle qui était la propriétaire bénéficiaire des biens avant la vente des biens.

  5. Queensgate soutient qu’elle détenait l’intérêt bénéficiaire des biens en fiducie pour Elegant et Paragon en proportion des contributions versées à Queensgate.

  6. Mme Chai et M. Lai possèdent les actions de Paragon.

  7. M. Lai a reçu de Paragon des sommes supérieures à ses investissements dans Paragon, et Paragon doit à Mme Chan plus de 1,1 million de dollars.

[…]

1. Queensgate demandera à la cour une déclaration selon laquelle elle était la seule propriétaire bénéficiaire des biens de juillet 2007 jusqu’au 20 juillet 2015, date à laquelle les biens ont été vendus, sous réserve des créances de Julie Chan sur les biens.

[…]

3. Mme Chan acceptera de soutenir la demande de Queensgate [demande de paiement du solde des fonds] en ne prenant pas position contre la demande de Queensgate, conformément au paragraphe 1 ci-dessus.

4. Si Queensgate obtient gain de cause et reçoit le plein montant des fonds de la cour, ce montant sera versé dans le compte en fiducie de Campbell Froh May & Rice LLP (CFMR), aux conditions suivantes :

  • a)Julie Chan recevra 1 100 000 $ à titre de règlement total et définitif de ses procédures à l’endroit de M. Lai, de Paragon, de Queensgate et des biens;

  • b)Queensgate utilisera le solde des fonds pour payer ou régler les dettes et obligations en souffrance de Queensgate;

  • c)le reste des fonds sera versé à Elegant à titre de remboursement des prêts aux actionnaires.

5. Si la Couronne réussit à prouver à la cour qu’elle a un droit sur une partie des fonds détenus, il sera satisfait à ce droit d’abord à partir des fonds à payer à Elegant, sans dépasser les 450 000 $.

6. Si la Couronne réussissait à obtenir plus de 450 000 $, le solde à payer proviendra des actions à payer à Mme Chan et à Queensgate selon un rapport de 110 à 95, 110 s’appliquant à Mme Chan et 95 s’appliquant à Queensgate.

7. Après avoir reçu les fonds retenus par la Cour, chacune des parties de la présente entente libérera les autres parties de toute obligation envers elle.

8. Seuls Queensgate, Elegant, Minhas, M. Lai, Mme Chan, Paragon et leurs conseillers juridiques et comptables auront connaissance de la présente entente confidentielle.

[…]

[21] Le 22 décembre 2016, Queensgate, Elegant et M. Minhas ont demandé à la Cour suprême de la Colombie-Britannique, dans l’action no H130173, une ordonnance enjoignant que les fonds versés à cette Cour soient versés à l’avocat de Queensgate. La Couronne s’est opposée à cette demande de déblocage des fonds tout au long des procédures. Aucun témoin n’a comparu pour la Couronne et l’avocat de la Couronne n’a pas offert d’explication au procès des appels en l’espèce. Les parties ayant conclu l’entente de règlement ne connaissaient que la procédure de la Couronne contre la société 078 B.C. Cette procédure liée à l’article 160 découle du fait que la société 078 B.C. a reçu les terrains de M. Lai contre une contrepartie insuffisante. La société 078 B.C. indique dans sa défense qu’elle a reçu les biens en fiducie et non pour son propre bénéfice. Selon les avocats des deux parties, la Cour suprême de la Colombie-Britannique tranchera cette question du droit de la Couronne après que le présent appel aura été tranché.

Il reste encore des flèches dans le carquois de la Couronne

[22] Le 6 janvier 2017, le ministre du Revenu national (le « ministre ») a signifié à Elegant une DFP de 1 037 573,66 $ au receveur général.

[23] Elegant défend la thèse qu’elle n’avait plus de dette envers Paragon à la date de la DFP.

Déblocage de certains fonds et protection des intérêts de la Couronne

[24] Le 23 janvier 2017, la Cour suprême de la Colombie-Britannique a ordonné que tous les fonds détenus par cette Cour, sauf 1 200 000 $, soient versés à l’avocat de Queensgate. À l’heure actuelle, cette Cour détient 1 200 000 $ du produit de la vente en cautionnement pour la procédure de la Couronne.

[25] Le 7 septembre 2017, le ministre a établi une cotisation de 700 000 $ à l’endroit d’Elegant en application du paragraphe 224(4) de la Loi en raison du non-respect allégué de la demande formelle de paiement (la « cotisation »).

[26] À ce titre, notre Cour est maintenant saisie du présent appel.

III. LE DROIT

a) Les dispositions législatives

[27] Les dispositions pertinentes de la Loi applicables en l’espèce sont les suivantes :

Les DFP – Article 224, paragraphes (1) et (4). Article 227, paragraphe (10).

224(1) S’il sait ou soupçonne qu’une personne est ou sera, dans les douze mois, tenue de faire un paiement à une autre personne qui, elle-même, est tenue de faire un paiement en vertu de la présente loi (appelée « débiteur fiscal » au présent paragraphe et aux paragraphes (1.1) et (3)), le ministre peut exiger par écrit de cette personne que les fonds autrement payables au débiteur fiscal soient en totalité ou en partie versés, sans délai si les fonds sont immédiatement payables, sinon au fur et à mesure qu’ils deviennent payables, au receveur général au titre de l’obligation du débiteur fiscal en vertu de la présente loi.

224(4) Toute personne qui omet de se conformer à une exigence du paragraphe (1), (1.2) ou (3) est tenue de payer à Sa Majesté un montant égal au montant qu’elle était tenue, en vertu du paragraphe (1), (1.2) ou (3), selon le cas, de payer au receveur général.

227(10) Le ministre peut, en tout temps, établir une cotisation pour les montants suivants :

a) un montant payable par une personne en vertu des paragraphes (8), (8.1), (8.2), (8.3) ou (8.4) ou 224(4) ou (4.1) ou des articles 227.1 ou 235;

b) un montant payable par une personne ou une société de personnes en vertu des paragraphes 237.1(7.4) ou (7.5) ou 237.3(8);

c) un montant payable par une personne en vertu du paragraphe (10.2) pour défaut par une personne non-résidente d’effectuer une déduction ou une retenue;

d) un montant payable en vertu de la partie XIII par une personne qui réside au Canada.

Les sections I et J de la partie I s’appliquent, avec les modifications nécessaires, à tout avis de cotisation que le ministre envoie à la personne ou à la société de personnes.

b) Les précédents faisant autorité

[28] En général, les parties ont soutenu conjointement ou ont convenu que ce qui suit est un résumé exact de la jurisprudence applicable en l’espèce. En fait, le résumé final de l’avocat de l’intimée a bien présenté le droit applicable, de manière générale.

[29] Le législateur a donné à la Couronne le pouvoir de délivrer des DFP à certaines conditions :

  • a)il y a connaissance ou soupçon qu’une dette est à payer;

  • b)le débiteur du débiteur fiscal (le « débiteur ») est ou sera dans les douze mois tenu de faire un paiement[1];

  • c)le montant doit être payable immédiatement ou dans le futur.

[30] Si ces conditions sont remplies, le ministre peut délivrer une DFP au débiteur, qui devra verser à la Couronne le montant dû par le débiteur fiscal aux termes de la Loi. Le paiement doit être fait sans délai si les fonds sont payables immédiatement, sinon au fur et à mesure qu’ils deviennent à payer au débiteur fiscal dans l’année qui suit la date de la DFP[2].

[31] Si le contribuable ne donne pas suite à la DFP, le paragraphe 224(4) de la Loi crée une obligation personnelle pour le débiteur en tant que contribuable, qui devient responsable de la somme qui devait être payée. À son tour, sous réserve de la conformité à l’article 224, le débiteur faisant l’objet de la cotisation devient redevable envers la Couronne en sa qualité de contribuable de la somme que le débiteur est tenu de payer jusqu’au solde final de la dette fiscale.

[32] La demande présentée en vertu de l’article 224 impose une obligation personnelle au débiteur. Cette obligation naît lorsque le ministre délivre la DFP exigeant le versement des sommes qui sont dues au débiteur fiscal ou lorsque le paiement doit être fait au débiteur fiscal[3].

[33] Il est clair que tout fait se produisant entre le débiteur et le débiteur fiscal après la date de signification de la DFP n’a aucune incidence sur l’obligation du débiteur aux termes du paragraphe 224(1), même si ce fait est censé annuler l’obligation du débiteur envers le débiteur fiscal[4].

[34] Les parties reconnaissent également que le moment crucial devant servir de point de référence pour la détermination des obligations d’Elegant envers Paragon pour les besoins du présent appel doit être la date de la DFP ou avant, et non pas après.

[35] Les parties reconnaissent que, si Elegant n’avait pas de dette envers Paragon à la date de la DFP, le ministre ne pouvait pas délivrer de DFP valable en vertu du paragraphe 224(1) et l’appel devra être accueilli. La Cour suprême du Canada (la « Cour suprême ») a affirmé que la personne à laquelle le ministre signifie la DFP doit avoir une obligation sur le plan du droit de faire un paiement au débiteur fiscal. Bref, la partie doit être juridiquement responsable en tant que débiteur. La Cour suprême a également scruté le droit inverse, celui du créancier. Elle a affirmé que « [l]e champ d’application du par. 224(1) n’est pas étroitement circonscrit : ce paragraphe s’applique chaque fois que le débiteur fiscal est légalement en mesure de contraindre au paiement celui à qui la demande péremptoire de paiement est signifiée ». Dans le présent appel, la question à trancher est celle-ci : Paragon pouvait-elle contraindre Elegant au paiement à la date de la DFP? « Une interprétation plus restrictive de ce paragraphe entraverait le bon fonctionnement du pouvoir qu’il confère au ministre[5]. »

[36] La Cour d’appel fédérale a formulé l’observation suivante : « Le sens ordinaire du mot “ tenu ” dans un contexte juridique est d’indiquer le fait qu’une personne est responsable en droit[6]. »

IV. DISCUSSION

[37] La seule question à trancher demeure celle-ci : Elegant devait-elle les 700 000 $ de la cotisation ou une somme inférieure à la date de la DFP?

a) La cotisation établie en vertu de l’article 224

[38] Le montant de la cotisation établie par le ministre à l’égard d’Elegant le 11 septembre 2017 était de 700 000 $. Il n’est pas controversé entre les parties que, même si la DFP originale portait sur l’entièreté de la dette fiscale de 1 037 573,66 $, le ministre a réduit ce montant à la date de la DFP. Je déduis que cela a été fait parce que la dette envers Paragon de 700 000 $ était la seule qu’Elegant pouvait être tenue de payer à Paragon le 7 mai 2008 (la « date du prêt »). Il n’est pas controversé entre les deux parties que la dette envers Paragon était exigible à la date du prêt; Elegant était tenue de payer cette dette et Paragon pouvait intenter une action en recouvrement pour ce prêt et obtenir gain de cause. Le projet était la seule relation d’affaires unissant Elegant et Paragon. Les parties ont simplement un avis différent sur les conséquences des faits qui se sont produits entre la date du prêt et la date de la DFP. Plus précisément, la question à trancher est la suivante : ces faits ont-ils supprimé la dette envers Paragon et, par symétrie, l’obligation d’Elegant de faire le paiement de 700 000 $ et le droit de Paragon d’exiger ce paiement?

[39] Les conclusions divergentes concernent les deux situations tangibles, à la fois distinctes et interconnectées, qui suivent :

  • a)l’état, le montant et la part respectifs d’Elegant et de Paragon des contributions à la coentreprise, des injections de liquidités et des éléments de passif (les « comptes de la coentreprise »);

  • b)la signature de l’entente de règlement en octobre 2016.

b) Ce qui arrive en premier, en deuxième, etc., quelqu’un doit le savoir

[40] Comment expliquer une telle disparité dans les interprétations lorsque ce ne sont que les mises en évidence et les effets de conséquence qui diffèrent? La Cour ne dispose d’aucune preuve irréfutable.

[41] Pour réussir à cartographier grossièrement ces paysages factuels, il faut apprécier la crédibilité et la fiabilité des éléments de preuve documentaire et des témoignages portant sur les comptes de la coentreprise. De plus, si le texte de l’entente de règlement est imprécis, la Cour pourra également examiner la situation au moment où le contrat a été établi pour y glaner des éléments objectifs indicateurs des faits[7]. Dans le présent appel, la justesse de la cotisation établie, à titre dérivé, n’est pas en litige; il s’agit plutôt de savoir si la dette envers Paragon, qui est une condition préalable imposée par la Loi pour que la cotisation soit juste, existait à la date de la DFP[8].

[42] Le cadre permettant d’analyser les éléments de preuve de ce type a été établi par diverses décisions de notre Cour au fil du temps[9]. Grosso modo, lorsque des questions de fait sont en cause, il faut apprécier la crédibilité d’un témoin, surtout s’il présente sa propre version des faits, en fonction d’indices de faiblesses, de disparités ou de lacunes qui se révèlent en comparant les versions. Voici un résumé des indices à analyser :

  • (i)les incohérences qui peuvent apparaître selon l’étape de la procédure ou la source;

  • a)lorsque le témoin est à la barre (les « incohérences internes »),

  • b)au regard de ce qu’il a déclaré auparavant (les « déclarations antérieures contradictoires »),

  • c)au regard d’autres conclusions de fait convaincantes, vraisemblables ou incontestées (les « incohérences externes »);

  • (ii)l’attitude, le comportement ou la conduite du témoin (l’« attitude »);

  • (iii)l’existence d’une raison pour inventer ou maquiller un élément de preuve (la « raison »);

  • (iv)d’un point de vue pratique, le caractère généralement invraisemblable de l’ensemble du témoignage (l’« invraisemblance logique »).

(i) Quelques conclusions de fait sur les comptes de la coentreprise

[43] La détermination de l’état des comptes de la coentreprise est fondamentale pour comprendre la création de la dette envers Paragon en premier lieu et l’annulation de cette dette par remboursement, compensation ou autrement en deuxième lieu. La difficulté la plus complexe sera d’évaluer si les éléments de preuve disponibles permettront que soit faite cette détermination. Même si les éléments de preuve documentaire présentés à la Cour au sujet des comptes de la coentreprise n’ont pas le format habituel d’états financiers, de diagrammes de flux de trésorerie ou d’états des résultats, les renseignements existaient néanmoins. Vu les litiges en cours ou résolus, une foule de renseignements provient des déclarations faites sous serment dans d’autres instances publiques. Se basant sur les témoignages de M. Minhas et de Mme Chan et sur leurs affidavits dans des dossiers remontant à près d’une décennie dans ces autres procédures connexes devant la Cour suprême de la Colombie-Britannique, la Cour estime que, tout bien pesé, ce qui suit représente un état des comptes assez vraisemblable du projet.

[44] L’ébauche de bilan de la société Queensgate de la coentreprise présente les changements suivants dans les dettes envers les créanciers garantis, les créanciers non garantis et les coentrepreneurs pour les années concernées.

 

2015

2014

2012

2011

2008

2007

Courant :

Dépôts de clients

-

500 000

-

-

-

 

Comptes fournisseurs

866 902

812 365

812 467

6 548

-

11 335

Emprunts

150 000

1 016 902

150 000

1 462 365

-
812 467

-
6 548

-

-
11 335

Hypothèque

-

3 700 000

3 700 000

3 700 000

3 000 000

-

À payer à Terry Lai

159 500

159 500

159 500

159 500

30 000

-

À payer aux actionnaires – Elegant

1 963 621

1 960 727

1 820 827

1 405 227

920 205

1 275 000

À payer aux actionnaires – Paragon

1 021 418

3 144 539

1 024 312

6 844 539

1 021 418
8 701 745

995 418
6 280 145

1 462 337
5 412 542

3 725 000
5 000 000

Bénéfices non répartis

(1 517 741)

-

-

-

-

-

 

2 643 700 $

8 306 904 $

7 514 212 $

6 266 693 $

5 412 542 $

5 011 335 $

[45] Pour ce qui est des contributions relatives aux dépenses, M. Minhas a affirmé sous serment et confirmé lors du procès qu’Elegant avait apporté 1 400 000 $ en espèces pour couvrir les dépenses du projet, notamment l’impôt foncier, les intérêts et les autres coûts de développement immobilier. À titre de comparaison, M. Minhas a affirmé que les contributions se limitaient à 175 000 $ dans le cas de l’autre coentrepreneur, Paragon, ou de son dirigeant visible, M. Lai, au nom de Paragon.

[46] Pour ce qui est des avances hypothécaires distribuées aux coentrepreneurs ou à leurs dirigeants, M. Minhas a relaté, soit dans son témoignage ou dans des affidavits antérieurs, ce qui suit :

  1. Mai 2008

 

Capital Mortgage (concomitant à l’enregistrement du prêt à Elegant par Paragon)

1 562 662,59

  1. Juillet 2011

Addenda Capital

466 299,90

[47] De plus, Paragon a reçu directement d’Elegant la contribution en espèces de 1 275 000 $ en juillet 2007.

(ii) L’entente de règlement

[48] L’entente de règlement est un document signé qui a été rédigé par un avocat. Elle est par ailleurs spartiate et issue de relations d’affaires tendues entre des entrepreneurs s’opposant dans des litiges épineux.

[49] M. Minhas et Mme Chan ont tous les deux affirmé clairement que, dès la signature de l’entente de règlement, plus rien n’était dû à Paragon ni à M. Lai. De plus, les deux croyaient que Paragon et M. Lai n’avaient droit à rien à cause de l’argent que les deux avaient versé à M. Lai et à Paragon au fil des ans. C’était en grande partie le résultat de la tromperie de M. Lai, qui n’avait pas divulgué à M. Minhas le rôle de Mme Chan ni à Mme Chan le rôle de M. Minhas.

c) Les faits déterminants et le fardeau de la preuve

[50] La décision finale sur la dette d’Elegant envers Paragon à la date de la DFP en est une qui doit être prise sur le fondement de la situation dans son ensemble, ce dont conviennent les avocats des deux parties. Il semble que les fonctionnaires de l’Agence du revenu du Canada ne l’aient jamais fait.

[51] L’avis de confirmation (il y a eu plusieurs autres communications envoyées à Elegant) indiquait simplement :

[traduction]
Votre opposition repose sur votre allégation voulant qu’aucune somme ne soit due à Paragon Development Inc. (Paragon).

L’examen des faits et des documents produits montre ce qui suit :

  • Une demande formelle de paiement a été délivrée à Elegant Development Inc. (Elegant), datée du 6 janvier 2017, à l’égard des sommes dues à l’ARC par Paragon.

  • Selon un affidavit et le témoignage du seul actionnaire d’Elegant, Jatinder Minhas, Paragon a consenti un prêt de 700 000 $ à Elegant.

  • Selon le grand livre général de Queensgate Development Inc., Paragon a consenti un prêt à Elegant le 7 mai 2008.

Vous soutenez que vous ne devez rien à Paragon; cependant, vous ne nous avez rien fait parvenir pour étayer vos affirmations.

[52] Bien que l’avis de confirmation mentionne l’affidavit de M. Minhas, il n’y est pas fait mention de l’entente de règlement ni des injections de liquidités disproportionnées qu’Elegant affirme avoir versées dans le projet, la seule entreprise commerciale d’Elegant et de Paragon. De la même manière, la réponse ne fait mention ni de l’entente de règlement ni des comptes de la coentreprise, même si ces moyens et ces faits ont été invoqués dans l’avis d’appel.

[53] Dans un litige fiscal, le ministre peut se reposer sur ses hypothèses de fait jusqu’à la réception d’une réponse attaquant directement les hypothèses du ministre[10]. Indépendamment l’analyse ci-dessous, qui est nécessaire pour apprécier la qualité et de la fiabilité des éléments de preuve, le rassemblement des comptes de la coentreprise et de l’entente de règlement par Elegant, conjugués aux « yeux » détournés du ministre viennent changer l’équilibre des plateaux de la balance de notre Cour dans sa décision sur ce qui s’est vraisemblablement produit[11]. Ces éléments établissent une preuve à première vue pour Elegant. La Cour a mis ce fait en évidence pour les avocats lors des observations orales.

d) Analyse définitive et décision

[54] Pour les motifs qui suivent, qui sont liés à la preuve présentée au procès, l’appel est accueilli.

  1. Le procès et les témoignages antérieurs des seuls témoins étaient fiables et cohérents.

[55] Sur le plan factuel, les témoignages de Mme Chan et de M. Minhas étaient cohérents, francs et équilibrés. Le désintérêt de Mme Chan dans l’issue était rafraîchissant; elle affirmait catégoriquement que, si Paragon ou M. Lai devait de l’argent, l’entente de règlement avait résolu l’affaire. De même, M. Minhas, qui manifestement avait un intérêt dans l’issue du présent appel, a présenté de manière convaincante les sommes qu’Elegant avait avancées à Paragon ou au profit de Paragon.

  1. L’entente de règlement ne fait pas mention de la dette envers Paragon ni de la dette de qui que ce soit envers Paragon, mais elle mentionne d’autres dettes.

[56] L’entente de règlement existe, a été signée et mise en œuvre par les parties. Il ne s’agit pas d’un document parfait, loin de là. Il porte manifestement une date antérieure à la DFP et à toute allégation du ministre voulant qu’Elegant ait une dette envers Paragon. Ce fait donne au document un air d’authenticité en ce qui concerne le point de vue de toutes les parties, dont Paragon, sur qui vraisemblablement devait quoi à qui. Il n’y est aucunement question de la dette envers Paragon ni d’aucune autre dette à l’égard de Paragon ou de son dirigeant, M. Lai.

[57] Il y est question d’entités auxquelles de l’argent est dû ou à tout le moins qui l’affirment : Mme Chan et Queensgate. En fait, ce qui en ressort clairement, c’est que M. Lai, le dirigeant de Paragon, avait reçu trop d’argent, très probablement de la part d’Elegant. De même, M. Lai et Paragon ont reconnu que la priorité des remboursements à la libération des fonds par la Cour irait à tous sauf à eux-mêmes : d’abord Mme Chan, puis Queensgate et ensuite Elegant. Le remboursement de quoi? Le remboursement des prêts d’Elegant et non ceux de Paragon. Logiquement et implicitement, au 31 octobre 2016, si la dette envers Paragon avait encore existé, il aurait été plus probable qu’autrement que le droit d’Elegant aurait été redirigé, réduit ou payé à priorité égale.

  1. Impossible de ne pas tenir compte de la coentreprise et de ses comptes

[58] Les comptes de la coentreprise et la coentreprise elle-même ont créé la dette envers Paragon. L’intimée affirme que cela s’explique par l’irrégularité des paiements à Elegant ou plutôt par la tentative de rapprochement de Paragon et des parties, comme le montrent les comptes de la coentreprise. Cependant, lorsqu’elle est mise devant la prépondérance des contributions et des injections de fonds inégales d’Elegant après 2008, l’intimée nie la fiabilité de ces mêmes comptes et ignore le libellé du contrat de coentreprise. Ce contrat établit clairement l’exigence d’un partage en parts égales des responsabilités, des contributions et des profits. C’est ce mécanisme qui a annulé la dette envers Paragon.

  1. Les parties opposées ont agi sans avoir eu connaissance de la DFP

[59] Lorsque l’entente de règlement a été signée, les parties étaient confrontées à la demande de la Couronne visant les terrains, ou plus précisément, le produit de la vente de ces terrains, pour le recouvrement de la dette de M. Lai. Au 6 janvier 2017, personne n’avait connaissance de l’existence de la DFP. Quoi qu’il en soit, la somme versée à la Cour était supérieure. Et les parties n’avaient prévu aucun paiement pour Paragon ou pour M. Lai. Mme Chan devait récupérer son argent. Queensgate devait récupérer son argent pour rembourser ses dettes. Ensuite, à l’exclusion de Paragon (le créancier théorique en ce qui concerne la dette envers Paragon), Elegant obtenait le solde final de ce qui restait. Ce règlement de toutes les dettes, établi de cette manière, à cette date et selon une entente écrite, ne peut être concilié avec l’affirmation non documentée selon laquelle la dette envers Paragon existait encore. La Cour ne peut accepter qu’une dette qui existe encore tombe si facilement dans l’oubli ou qu’on y renonce si facilement.

  1. L’effet de la preuve dans son ensemble

[60] L’intimée affirme que l’entente de règlement serait de nature exécutoire ou précative : elle permettait de libérer les créances à une date ultérieure ou elle constituait une convention conditionnelle prévoyant un droit de résiliation en l’absence de paiement. La Cour ne partage pas cet avis ou, du moins, croit que cet avis n’a aucune incidence sur la non-existence de la dette envers Paragon au 31 octobre 2016 et par la suite. Qui plus est, cette thèse fait fi de la question plus précise de la Cour suprême : Paragon aurait-elle pu se faire rembourser la dette envers elle après le 31 octobre 2016? Tout bien pesé, l’événement est très improbable. L’entente de règlement fait état du point de vue de tout le groupe en ce qui concerne qui devait quoi à qui : Paragon, Elegant et M. Lai occupent une place prépondérante dans cette question.

[61] Si Paragon avait tenté de recouvrer la dette envers elle et qu’Elegant s’y était opposée, la conclusion la plus probable qu’aurait tirée le tribunal est que cette dette avait été annulée. Peut-être en raison d’un commun accord. Peut-être en raison d’un remboursement. Quoi qu’il en soit, l’action en recouvrement aurait vraisemblablement été rejetée.

V. CONCLUSION ET DÉPENS

[62] L’appel est accueilli et le résultat est équitable. La dette envers Paragon n’existait pas le 6 janvier 2017. L’intimée maintient toujours son action contre la société 078 B.C. et, si elle obtient gain de cause, son droit est garanti. À présent, ce litige peut suivre son cours pour déterminer à quel titre la société 078 B.C. détenait ces fonds.

[63] Les dépens entre parties sont adjugés à l’appelante conformément aux dispositions pertinentes du tarif; cependant, les parties peuvent présenter des observations allant dans un autre sens à la Cour dans les 30 jours suivant le présent jugement.

Signé à Hamilton, Canada, ce 31e jour d’août 2022.

« R.S. Bocock »

Le juge Bocock

Traduction certifiée conforme

ce 21e jour de juillet 2023.

Elisabeth Ross, jurilinguiste


RÉFÉRENCE :

2022 CCI 97

NO DU DOSSIER DE LA COUR :

2019-2413(IT)G

INTITULÉ :

ELEGANT DEVELOPMENT INC. ET SA MAJESTÉ LA REINE

LIEU DE L’AUDIENCE :

Vancouver (Colombie-Britannique)

DATE DE L’AUDIENCE :

Les 4 et 5 juillet 2022

MOTIFS DU JUGEMENT :

L’honorable juge Randall S. Bocock

DATE DU JUGEMENT :

Le 31 août 2022

COMPARUTIONS :

Avocate de l’appelante :

Me Katherine Ducey

Avocates de l’intimée :

Me Selena Sit

Me Zakiyya Karbani

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Pour l’appelante :

Nom :

En blanc

Cabinet :

En blanc

Pour l’intimée :

Me François Daigle

Sous-procureur général du Canada

Ottawa, Canada

 

 



[1] Canada c. National Trust Co, 1998 CarswellNat 1081, [1998] A.C.F. no 868 (CAF) (« National Trust »), par. 34.

[2] Ibid, par. 34 et 35.

[3] 3087-8847 Québec Inc. c La Reine, 2007 CCI 302, par. 47.

[4] De Vries c. La Reine, 2018 CCI 166, par. 65, dans une remarque incidente : la remise de dette ayant lieu après la délivrance de la DFP n’a aucun effet sur l’obligation du débiteur créée par la DFP si le débiteur était tenu de payer une somme au débiteur fiscal. Voir aussi Imperial Pacific Greenhouses Ltd c. La Reine, 2010 CCI 431 [Imperial], paragraphe 21, (conf. par 2011 CAF 79), où la Cour a conclu que, lorsqu’une dette est remise par le débiteur fiscal, le débiteur avait encore l’obligation de payer le receveur général; il en ressort qu’une remise de dette ultérieure n’invalide pas la DFP.

[5] Hypothèques Trustco Canada c. Canada, 2011 CSC 36, par. 65.

6 Imperial, précitée, par. 9.

[7] Sattva Capital Corp c. Creston Moly Corp, 2014 CSC 53 [Sattva], par. 49.

[8] Il s’agit d’une nuance, mais d’une différence de fait importante par rapport à l’affaire Anand c. La Reine, 2019 CCI 119 [Anand], où il fallait déterminer si le contribuable était dans une relation de mandant à mandataire avec une autre partie.

[9] Nichols c. La Reine, 2009 CCI 334, par. 22 et 23; citée et approuvée, entre autres, dans Gosselin c. M.R.N., 2016 CCI 158, par. 25, et Ngai c. La Reine, 2018 CCI 26, par. 108.

[10] Hickman Motors Ltd. c. Canada, [1997] 2 R.C.S. 336.

[11] Vine (Succession) c. Canada, 2015 CAF 125, par. 25.

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