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Dossier : 2019-3529(IT)I

ENTRE :

BILLY LIANG,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

Appel entendu le 21 mars 2022 à Toronto (Ontario)

Devant : L’honorable juge suppléant Rommel G. Masse


Comparutions :

Pour l’appelant :

L’appelant lui-même

Avocat de l’intimée :

Me Mike Chen

 

JUGEMENT

L’appel des cotisations établies en application de la Loi de l’impôt sur le revenu pour les années d’imposition 2014, 2015 et 2016 est rejeté, conformément aux motifs de jugement ci-joints.

Signé à Kingston, Canada, ce 7e jour de juin 2022.

« Rommel G. Masse »

Le juge suppléant Masse

 


Référence : 2022 CCI 55

Date : 20220607

Dossier : 2019-3529(IT)I

ENTRE :

BILLY LIANG,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.


[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

MOTIFS DU JUGEMENT

Le juge suppléant Masse

[1] L’appelant interjette appel des cotisations établies par le ministre du Revenu national (le ministre) en application de la Loi de l’impôt sur le revenu, L.R.C. 1985, ch. 1 (5e suppl.) (la Loi), pour les années 2014, 2015 et 2016 (les années d’imposition).

A. LES FAITS

[2] L’appelant demandait des déductions de 30 000 $ à la ligne 232 « Autres déductions » de ses déclarations pour chaque année d’imposition pour ses investissements dans un abri fiscal qu’il a lui-même établi en application de l’article 237.1 de la Loi. L’appelant demandait aussi une déduction pour pertes et dépenses d’entreprise variant de 18 876 $ à 20 967 $ lors des années d’imposition.

[3] Le ministre a initialement établi la dette fiscale pour les années d’imposition selon les déclarations. Par la suite, la ministre a établi de nouvelles cotisations pour l’appelant pour les années d’imposition en émettant les avis de nouvelle cotisation du 10 août 2018 afin :

  1. de rejeter les déductions de 30 000 $ demandées à la ligne 232 de chaque déclaration lors des années d’imposition;

  2. de rejeter les dépenses d’entreprises demandées de 19 706 $ en 2014, de 19 276 $ en 2015 et de 21 367 $ en 2016.

[4] Le ministre était d’avis qu’il n’existait pas d’abri fiscal au sens de l’article 237.1 de la Loi et que, par conséquent, les déductions demandées n’étaient pas liées à un abri fiscal valable.

[5] En ce qui concerne les dépenses d’entreprise, le ministre a rejeté les déductions demandées au motif qu’elles n’avaient pas été engagées afin de tirer un revenu et qu’elles étaient soit des frais de subsistance, soit déraisonnables.

[6] Le ministre a établi une nouvelle cotisation pour l’appelant pour l’année 2014 après l’expiration de la période normale de nouvelle cotisation prévue au paragraphe 152(4) de la Loi et a imposé des pénalités pour faute lourde pour chaque année d’imposition en application du paragraphe 163(2) de la Loi.

[7] L’appelant a déposé un avis d’opposition à ces nouvelles cotisations. Le ministre a confirmé ces nouvelles cotisations au moyen d’un avis de confirmation daté du 4 juillet 2019, d’où l’appel interjeté devant notre Cour.

B. LES QUESTIONS EN LITIGE

[8] Les questions suivantes doivent être résolues par la Cour :

1). L’appelant avait-il droit de déduire 30 000 $ à titre d’autres déductions pour chacune des années d’imposition?

2). L’appelant avait-il droit de demander les déductions pour pertes et dépenses d’entreprise dans ses déclarations lors des années d’imposition?

3). Le ministre a-t-il établi à bon droit la cotisation de l’appelant pour l’année d’imposition 2014 après la période normale de nouvelle cotisation prévue au paragraphe 152(4) de la Loi?

4). Le ministre a-t-il établi à bon droit les pénalités pour faute lourde en application du paragraphe 163(2) de la Loi pour les années d’imposition?

C. L’ABRI FISCAL

[9] L’appelant est un monsieur d’un âge avancé qui aura bientôt 87 ans en août [1] . Il s’agit d’un homme intelligent et érudit qui a été architecte pendant toute sa vie professionnelle longue de 40 ans. Il a pris sa retraite il y a 22 ans.

[10] Au moment de prendre sa retraite, il a voulu se trouver une occupation intéressante et difficile qui le passionnerait et stimulerait sa créativité. Il a toujours eu la passion du cinéma. C’est pourquoi, le 5 janvier 2005, il a constitué une société à responsabilité limitée Pony Pictures Inc. (Pony) dans le but de financer, de produire et de distribuer un long métrage de fiction. L’appelant est l’unique actionnaire, administrateur, dirigeant et investisseur de Pony. L’appelant a écrit un scénario pour son film intitulé White Rosebud Burning (voir pièce A-4), scénario qu’il révise depuis 2006. Il fait tout le travail effectué jusqu’à présent sur ce projet. Cela lui procure du plaisir et c’est un exutoire artistique pour lui.

[11] Pony a demandé et obtenu un numéro d’inscription d’abri fiscal en application du paragraphe 237.1(2) d la Loi pour chaque année d’imposition. L’appelant retire 30 000 $ de son fonds enregistré de revenu de retraite (FERR) chaque année depuis la constitution de Pony, ce qui équivaut à 390 000 $ en 13 ans. Ces retraits sont obligatoires et imposables entre les mains de l’appelant. Il a investi ces fonds à l’aide d’une société professionnelle en gestion financière, ABC Funds. Ces fonds étaient affectés au projet de création de films de Pony. Cependant, il déposait ces fonds dans son compte à lui parce que, comme il le dit, si c’était sa société qui l’avait, ce serait l’argent de la société et non le sien.

[12] Pony a rempli le formulaire T5004 – Demande des pertes et des déductions rattachées à un abri fiscal, demandant 30 000 $ pour chacune des années d’imposition. Pony a de plus rempli et délivré le formulaire T5003 – État des renseignements sur un abri fiscal à l’appelant, qui est le seul investisseur, pour indiquer une perte ou une déduction de 30 000 $ pour chacune des années d’imposition. Il n’y avait pas de telle perte ni de telle déduction en aucun temps. En fait, Pony déclarait une augmentation de 30 000 $ dans ses investissements à court terme et dans son actif total pour chacune des années d’imposition.

[13] En calculant son revenu pour les années d’imposition, l’appelant demandait des déductions de 30 000 $ à la ligne 232 « Autres déductions » dans sa déclaration de chaque année, dans le même esprit que la délivrance des formulaires T5003 et T5004 par Pony.

[14] Lors du contre-interrogatoire, l’appelant a avoué qu’il avait constitué en société Pony dans le seul but de mettre à l’abri de l’impôt les retraits de son FERR. Il y a lieu de mentionner que, depuis sa création, Pony n’a jamais déclaré de revenus ni de dépenses, sauf les 400 $ payés chaque année à l’appelant, conformément à une entente entre lui et Pony (pièce A-1, onglet 7). Les fonds communs de placement sont gérés professionnellement par ABC Funds et ils demeurent au compte de l’appelant, car Pony n’a son propre compte de banque d’entreprise ni aucun autre compte d’ailleurs.

[15] Pony n’a jamais produit ni réalisé de films depuis sa constitution et n’a jamais fait de travaux pour lancer la production à l’exception du script déjà mentionné. L’appelant n’arrive pas à dire à quel moment une partie de la production de film pourrait avoir lieu. Pony n’a pas utilisé aucune partie des fonds qui ont été investis depuis sa constitution pour la réalisation ou la production de films. De plus, l’appelant n’a subi aucune perte de ses investissements au fil des ans dans l’abri fiscal de Pony.

Analyse

(1) Pony était-elle un abri fiscal valable?

[16] L’article 237.1 de la Loi précise ce qui constitue un abri fiscal. Voici le texte de loi.

abri fiscal

a) […]

b) [...] bien (y compris le droit à un revenu), [...] pour lequel il est raisonnable de considérer, compte tenu de déclarations ou d’annonces faites ou envisagées relativement [...] au bien, que, si une personne devait [...] acquérir une part dans le bien, le montant visé au sous-alinéa (i) serait, à la fin d’une année d’imposition qui se termine dans les quatre ans suivant le jour où [...] la part, acquise, égal ou supérieur au montant visé au sous-alinéa (ii) :

(i) le total des montants représentant chacun :

(A) un montant ou, dans le cas d’une participation dans une société de personnes, une perte qui est annoncé comme étant déductible dans le calcul du revenu de la personne pour l’année ou pour une année d’imposition antérieure au titre [...] de la part dans le bien (y compris, si le bien est un droit à un revenu, un montant ou une perte afférent à ce droit qui est déclaré ou annoncé comme étant ainsi déductible),

(B) un autre montant qui est déclaré ou annoncé comme étant réputé, en vertu de la présente loi, être payé au titre de l’impôt payable par la personne, ou comme étant déductible dans le calcul de ses revenu, revenu imposable ou impôt payable en vertu de la présente loi, pour l’année ou pour une année d’imposition antérieure au titre [...] de la part dans le bien, à l’exclusion d’un montant ainsi déclaré ou annoncé qui est inclus dans le calcul d’une perte visée à la division (A),

would equal or exceed

(ii) l’excédent éventuel du montant visé à la division (A) sur le total visé à la division (B) :

(A) le coût, pour la personne, du bien acquis aux termes [...] de la part dans le bien à la fin de l’année, déterminé compte non tenu de l’article 143.2,

would exceed

(B) la valeur totale des avantages visés par règlement que la personne ou toute personne avec laquelle elle a un lien de dépendance pourrait recevoir, directement ou indirectement, au titre du bien acquis [...] au titre de la part dans le bien.

[17] Le promoteur d’un abri fiscal doit faire une demande pour se voir attribuer un numéro d’inscription à cet abri fiscal (paragraphe 237.1(2)). Cependant, l’obtention du numéro d’inscription ne prouve pas que l’abri fiscal est valable, car ce numéro n’a qu’une fonction administrative.

[18] La définition de l’abri fiscal tirée des textes de loi peut paraître quelque peu inextricable. Dans l’arrêt Canada c. Baxter [2] , le juge Ryer de la Cour d’appel fédérale fournit une longue description de ce que constitue un abri fiscal au sens de l’article 237.1. La voici :

6. La définition d’abri fiscal soulève essentiellement une question relativement aux acquisitions hypothétiques ou présumées par un acquéreur hypothétique ou éventuel (acquéreur éventuel). Si on y répond affirmativement, le bien constituera un abri fiscal et un certain nombre de conséquences en découleront. Il faut répondre à cette question avant la vente même du bien.

7. La question soulevée par la définition d’abri fiscal est relativement simple une fois qu’on l’a bien cernée. Mais la cerner n’est pas une mince affaire. Il faut d’abord trancher un certain nombre de questions préliminaires.

8. La définition d’abri fiscal vise tout bien offert en vente à des acquéreurs éventuels. Cependant, tout bien qui est offert en vente ne constituera pas nécessairement un abri fiscal.

9. La définition exige que des déclarations ou annonces soient faites à un moment donné relativement au bien offert en vente. En l’absence de ces déclarations ou annonces, le bien ne peut constituer un abri fiscal. Puisque le bien visé par la définition d’abri fiscal est un bien qui est présumé avoir été acquis par l’acquéreur éventuel et que des déclarations ou annonces doivent avoir été faites relativement à ce bien, les déclarations ou annonces doivent avoir été faites avant la conclusion de la vente. De plus, la définition ne précise pas qui doit faire les déclarations ou annonces ni à qui celles-ci doivent être faites, mais je suis d’avis qu’elles doivent être faites aux acquéreurs éventuels du bien par la personne qui propose de le vendre ou une personne agissant en son nom.

10. L’objet des déclarations ou annonces est essentiellement d’indiquer le montant que l’acquéreur éventuel pourrait déduire dans le calcul du revenu au titre de ce bien par suite de son acquisition présumée, autrement dit si l’acquéreur éventuel acquiert effectivement le bien, que ce montant représente le coût d’acquisition du bien, les frais engagés en vue d’obtenir le bien (comme les coûts de forage engagés en vue d’obtenir une part dans un bien relatif au pétrole et au gaz dans une opération d’amodiation), ou un montant alloué au détenteur du bien (comme une perte attribuée à un associé détenant une participation dans une société de personnes).

11. La définition d’abri fiscal ne précise pas la forme que doivent prendre les déclarations ou annonces, ni de quelle manière elles doivent être faites. Il est clair qu’il doit y avoir une communication aux acquéreurs éventuels, les informant que chacun d’eux pourrait avoir droit à une déduction par suite de l’acquisition du bien offert en vente. La définition n’indique nullement que cette communication doit être faite par écrit.

12. La définition n’indique pas si la communication des déclarations et annonces doit avoir un but ou un effet en particulier. Il paraît évident qu’en faisant les déclarations ou annonces, directement ou par l’intermédiaire d’un représentant, le vendeur éventuel du bien chercherait à encourager ou à inciter les acquéreurs éventuels à devenir des acquéreurs réels. Cependant, puisqu’il faut répondre à la question soulevée par la définition avant la conclusion de la vente, il est impossible et sans pertinence de déterminer les effets des déclarations et annonces sur les acquéreurs éventuels.

13. Enfin, la question soulevée par la définition d’abri fiscal exige qu’on détermine une période de temps qui se termine dans les quatre ans suivant la date à laquelle l’acquéreur éventuel est réputé avoir acquis le bien.

14. Eu égard à ces éléments, la question soulevée par la définition d’abri fiscal est de savoir si, à la lumière des déclarations ou annonces communiquées à l’acquéreur éventuel, il est raisonnable de considérer, autrement dit de déterminer objectivement, qu’à la fin d’une année d’imposition quelconque de l’acquéreur éventuel se terminant dans la période de quatre ans, le montant qui a été annoncé ou communiqué à l’acquéreur éventuel comme étant déductible par suite de l’acquisition présumée est égal ou supérieur au coût de cette acquisition, déterminé à la fin de cette année d’imposition, moins le montant de tous les « avantages visés par règlement » que l’acquéreur éventuel pourrait recevoir, directement ou indirectement, au titre de ce bien. Ce calcul mathématique doit être fait au maximum quatre fois, à la fin de chaque année d’imposition de l’acquéreur éventuel dans cette période de quatre ans. Si, à un de ces moments, la réponse est affirmative, le bien constituera un abri fiscal. Si, par contre, elle est négative à chacun de ces quatre moments, le bien ne constituera pas un abri fiscal.

[19] Mon collègue, le juge Hogan, a récemment donné une description beaucoup plus simple de l’abri fiscal. Au paragraphe 254 de la décision Paletta c. La Reine [3] , le juge Hogan affirme que, selon une interprétation textuelle, contextuelle et de la finalité de l’article 237.1 de la Loi, les conditions à satisfaire pour qu’un bien soit un abri fiscal sont les suivantes :

  1. il doit y avoir un bien pour lequel des déclarations et des annonces sont faites ou proposées;

  2. ces déclarations et annonces doivent être faites par un « promoteur »;

  3. il doit être raisonnable de considérer, compte tenu des déclarations ou des annonces, qu’il existe une somme qui est présentée comme étant déductible à l’égard du bien;

  4. la somme déclarée comme étant déductible doit être supérieure ou égale au coût de l’investisseur dans le bien moins les « avantages à recevoir ».

[20] Compte tenu de tout ce qui précède et malgré le risque d’être répétitif à l’excès, un abri fiscal est, au sens de la loi et selon mon interprétation, l’investissement dans un bien pour lequel il est raisonnable de s’attendre, d’après les déclarations ou les annonces faites par le promoteur à l’acquéreur, de déduire le montant qui a été annoncé comme étant déductible dans le calcul du revenu par suite de l’acquisition du bien à la fin d’une année d’imposition quelconque au cours de la période de quatre ans suivant l’acquisition du bien, et ce montant doit être égal ou supérieur au coût de l’acquisition à la fin de cette année d’imposition (moins le montant des avantages visés par règlement). Les actions accréditives et les biens visés par règlement ne sont pas considérés comme des abris fiscaux.

[21] À mon avis, il existe deux éléments de la définition de l’abri fiscal qui, dans la présente affaire, ne sont pas satisfaits et s’avèrent par conséquent fatals à la thèse de l’appelant; ce sont l’exigence des déclarations ou des annonces et celle du calcul mathématique.

(i) Déclarations ou annonces

[22] L’existence de déclarations ou d’annonces en lien avec le bien est une condition nécessaire pour que l’abri fiscal en question soit valide. Un bien ne peut pas constituer un abri fiscal si aucune déclaration ni aucune annonce ne sont faites concernant le montant qu’un acquéreur éventuel pourrait déduire du calcul de ses revenus. Cependant, il ne suffit pas qu’il existe des annonces fiscales pour qu’un bien devienne un abri fiscal.

[23] Les déclarations ou les annonces doivent avoir été faites par le promoteur d’un bien à l’abri de l’impôt aux acheteurs potentiels du bien. En l’espèce, le promoteur et l’acheteur ne font qu’un. Il s’agit de l’appelant. Il est conceptuellement difficile d’imaginer un individu faisant la promotion d’un abri fiscal à lui-même. Habituellement, le promoteur d’un abri fiscal se sert d’un document d’offre et de matériel de promotion pour inciter les investisseurs potentiels à acheter le bien à l’abri de l’impôt. Les documents d’offre et le matériel de promotion contiennent souvent l’avis fiscal d’un cabinet comptable ou juridique précisant que certains montants devraient être déductibles. Ce document d’offre et ce matériel de promotion forment souvent ce sur quoi l’investisseur potentiel fonde sa décision d’investir ou non.

[24] L’appelant a fourni un recueil de documents formant la pièce A-1 au dossier de la Cour. Ce recueil contient entre autres choses un « résumé » non daté d’un long métrage intitulé « White Rosebud Burning », à l’onglet 1. L’onglet 2 contient un « mémorandum d’investissement privé » daté de janvier 2006 qui décrit le projet. Ce mémorandum indique clairement que l’achat de parts dans le projet comporte un degré de risque élevé [4] . De plus, ce document avertit clairement l’acheteur potentiel de ne pas considérer le contenu du mémorandum comme étant des conseils d’affaires, un avis juridique ou des conseils fiscaux. Le mémorandum n’a pas la prétention d’être une offre de vente ni un prospectus, mais serait simplement de nature informative. Il indique également que la date prévue de l’achèvement du film serait décembre 2008 [5] . Le capital total qui est prévu est de 500 000 $. Toute distribution sera effectuée sous forme de dividendes lorsqu’il y a des bénéfices [6] . L’onglet 3 est un « Mémorandum d’offre » qui ne porte pas de date. L’article 6 de ce mémorandum d’offre indique que le type de titres offert est celui de l’abri fiscal et que l’acheteur peut demander des pertes et déductions à ce titre sans préciser lesquelles; il n’y est pas fait mention d’une période de quatre ans. L’article 6.1 du mémorandum d’offre suggère aux investisseurs de consulter leur propre conseiller professionnel pour obtenir un avis sur les conséquences fiscales applicables aux investisseurs. Il ne s’y trouve aucun avis fiscal. L’onglet 5 est une document intitulé « Reconnaissance du risque » que tout investisseur devrait signer. Étant le seul investisseur, l’appelant est la seule personne à l’avoir signé.

[25] L’appelant soutient que le bien à l’abri de l’impôt qu’il a obtenu est une part dans l’aventure cinématographique qu’est Pony au coût de 30 000 $ par année, chaque année. Les déclarations ou les annonces qu’il a faites à titre de promoteur au nom de Pony à l’investisseur ou acquéreur, c’est-à-dire lui-même, sont issues du contrat conclu entre Pony et l’appelant dont une copie se trouve à l’onglet 7 de la pièce A-1. Il s’agit d’un court document non daté contenant un seul paragraphe, censé avoir été révisé le 20 septembre 2019. Il indique simplement ce qui suit :

[traduction]

« Pony Pictures Inc. paiera Billy Liang des frais annuels de 400 $ pour tous les frais de travail et d’installation et pour les dépenses courantes et autres, dont une certaine somme pour les honoraires des entreprises de gestion et de consultation; les dépenses dépassant ce seuil seront reportées. »

[26] L’appelant affirme que ce document est une annonce qui indique que, s’il devait acquérir une part dans ce bien, la pleine somme de 30 000 $ serait déductible dans le calcul de son revenu imposable à pour chaque année d’imposition pendant les quatre années suivant l’acquisition du bien à l’abri de l’impôt. Les déclarations ou annonces concernant la déductibilité des pertes, des crédits d’impôt et d’autres déductions qui, dans leur ensemble, égaleraient ou surpasseraient le coût net de l’investissement au cours des quatre années suivant l’acquisition, sont absentes de ce document. Un abri fiscal valable contient habituellement l’avis d’un cabinet d’avocats fiscalistes ou de comptables fiscaux en ce qui a trait aux conséquences fiscales d’un investissement dans le projet. Il ne s’agit pas d’une exigence, mais l’inclusion d’un avis fait partie des règles de l’art. Dans la présente affaire, il n’y a pas de lettre offrant un tel avis.

[27] En l’espèce, l’exigence de déclarations ou d’annonces n’est pas satisfaite, car les déclarations ou annonces concernant la déductibilité des pertes, des crédits d’impôt et d’autres déductions devant égaler ou surpasser le coût net de l’investissement au cours des quatre années suivant l’acquisition sont absentes de la documentation.

(ii) Le calcul mathématique

[28] Si ma conclusion sur l’exigence des déclarations ou annonces est erronée, je devrais poursuivre mon examen avec l’exigence du calcul mathématique. Comme le juge Ryer l’a affirmé dans l’arrêt Baxter, le calcul mathématique fait partie d’un abri fiscal valable. En d’autres termes, il faut que, à la fin d’une année d’imposition quelconque dans la période de quatre ans suivant l’acquisition du bien, la somme qui a été annoncée comme étant déductible du revenu soit égale ou supérieure au coût de l’acquisition du bien, le calcul étant fait à la fin de cette année d’imposition, moins le montant de tous les « avantages visés par règlement » que l’acquéreur éventuel pourrait recevoir, directement ou indirectement, au titre de ce bien.

[29] En l’espèce, Pony a été créé dans l’objectif prétendu de réaliser et de produire des films. Depuis la naissance de Pony, aucune activité relative à la réalisation et à la production de films ou de longs métrages n’a jamais eu lieu. Aucune! Pony n’a utilisé aucun des fonds qui ont été investis par l’appelant et elle n’a subi aucune perte ni réalisé aucun bénéfice découlant de la réalisation ou de la production d’un quelconque film. L’appelant a retiré 30 000 $ chaque année de son FERR pour ensuite déposer ces fonds dans un compte d’investissement personnel affecté pour Pony, mais aucun élément ne nous prouve que ces fonds ont réellement été transférés à Pony et Pony ne dispose pas d’un compte bancaire propre. Ces fonds demeurent sous le contrôle de l’appelant. Il demande par la suite une déduction de 30 000 $ à la ligne 232 de ses déclarations d’impôt personnelles. L’appelant n’a pas de mal à admettre qu’il a mis en place ce système pour éviter de payer de l’impôt ou d’en payer le moins possible à chaque retrait de son FERR. Les pertes subies par l’appelant en raison de ses investissements annuels de 30 000 $ sont nulles. Il est évident qu’il s’est servi de Pony, son abri fiscal, pour créer une déduction dans sa déclaration de revenus T1 sans encourir de risque.

[30] Dans les déclarations ou annonces qu’il s’est faites lui-même à lui-même, l’appelant ne pouvait raisonnablement envisager de subir des pertes déductibles aux fins de l’impôt qui dépasseraient le coût de l’achat de fonds communs, certainement pas dans les quatre premières années de ses investissements et peut-être même jamais. Il n’a subi aucune perte. En fait, les fonds communs de placement ont probablement pris de la valeur au fil des ans. L’appelant n’a exprimé qu’une pensée vague à l’égard de Pony qui, un jour, se servirait de ses fonds dans le but de réaliser un film.

[31] Il ne s’agit pas d’un abri fiscal. Ce n’est en fait que l’appelant qui achète des instruments financiers à l’aide d’un autre soi-même pour éviter ou retarder le paiement d’impôt lors des retraits de son FERR.

[32] Dans la présente affaire, le coût de l’achat de ce bien à l’abri de l’impôt est de 30 000 $ chaque année, et c’est cette somme qu’il verse dans les fonds en commun. Le montant de l’excédent des pertes, déductions ou crédits d’impôt supposés sur les coûts de l’achat moins les avantages visés par règlement est nul. Par conséquent, l’exigence du calcul mathématique relative à un abri fiscal n’a pas été satisfaite.

Conclusion

[33] En conclusion, Pony n’exploitait pas un abri fiscal valable selon la définition de l’article 237.1 de la Loi. Par conséquent, le ministre avait raison de rejeter la déduction de 30 000 $ demandée à la ligne 232 pour chacune des années d’imposition.

D. DÉPENSES ET PERTES D’ENTREPRISE

[34] L’appelant a déclaré un revenu d’entreprise de seulement 400 $ par année de Pony, son client exclusif, pour chacune des années d’imposition, ce qui est conforme au contrat non daté et non signé conclu entre lui-même et Pony (pièce A-1, onglet 7). Il devait également recevoir des avantages reportés « pour tous les frais de travail et d’installation et pour les dépenses courantes et autres, dont un certain montant pour les honoraires des entreprises de gestion et de consultation; les dépenses dépassant ce seuil seront reportées [7] ».

[35] Jusqu’à présent, aucune somme n’a été dépensée par l’appelant ou par Pony en vue de réaliser un film. Il est la seule personne qui travaille pour Pony, à titre d’employé, de représentant, d’entrepreneur, d’agent ou d’administrateur. Il a déclaré des dépenses d’entreprise de 19 706 $, de 19 276 $ et de 21 367 $ pour les années d’imposition 2014, 2015 et 2016, alors que son revenu annuel était de 400$. Les économies d’impôt se sont avérées considérables.

[36] L’intimée défend la thèse selon laquelle ces activités étaient entièrement de nature personnelle et n’étaient pas exercées de manière suffisamment commerciale pour devenir une source de revenus d’entreprise. Par conséquent, les dépenses déclarées n’ont pas été engagées dans le but de tirer un revenu et, de ce fait, ne peuvent être déduites du revenu.

[37] L’appelant défend la thèse selon laquelle il exploitait une activité commerciale et que toutes les dépenses déclarées ont été engagées de façon légitime dans le but d’en tirer un revenu d’entreprise.

Y avait-il une source de revenu d’entreprise?

[38] La première question à déterminer est celle de savoir si l’appelant exerçait une activité commerciale. Dans l’arrêt Stewart c. Canada [8] , la Cour suprême du Canada a adopté le critère de la « recherche d’un profit » pour différencier une activité commerciale d’une activité personnelle. La Cour a établi un critère en deux volets pour déterminer la source de revenus :

  1. L’activité est-elle exercée en vue de réaliser un profit, ou s’agit-il d’une démarche personnelle?

  2. S’il ne s’agit pas d’une démarche personnelle, la source du revenu est-elle une entreprise ou un bien?

[39] Le premier volet du critère vise la question générale de savoir s’il y a ou non une source de revenus. Son objectif est simplement de faire la distinction entre les activités commerciales et les activités personnelles. Dans le deuxième volet, on qualifie la source d’entreprise ou de bien.

[40] Lorsque les activités du contribuable sont de nature purement commerciale et visent à réaliser un profit, le revenu est tiré d’une entreprise ou d’un bien et non pas d’activités personnelles. Nul besoin de chercher plus loin. Cependant, lorsque la nature des activités du contribuable comporte des aspects indiquant qu’elle pourrait être considérée comme un passe-temps ou une autre activité personnelle, cette entreprise sera considérée comme une source de revenus d’entreprise aux fins d’application de la Loi si l’entreprise est exploitée d’une manière suffisamment commerciale [9] . Dans la présente instance, l’appelant admet que la réalisation de films constitue sa passion. L’activité est passionnante et stimulante pour lui. En prenant sa retraite, il a décidé de s’y adonner. Il admet que, pour lui, il est passionnant de réaliser un film.

[41] Je considère que les activités de l’appelant contiennent des éléments qui suggèrent fortement celles d’un passe-temps ou d’une activité personnelle. La Cour doit par conséquent se demander si l’appelant exerçait cette activité d’une manière suffisamment commerciale pour qu’elle soit considérée comme une source de revenus d’entreprise.

[42] La Cour suprême affirme au paragraphe 54 de l’arrêt Stewart [10] ce qui suit :

[54] [...] pour qu’une activité soit qualifiée de commerciale par nature, le contribuable doit avoir l’intention subjective de réaliser un profit, il faut aussi [...] que cette détermination se fasse en fonction de divers facteurs objectifs. [...] Cela oblige le contribuable à établir que son intention prédominante était de tirer profit de l’activité et que cette activité a été exercée conformément à des normes objectives de comportement d’homme d’affaires sérieux.

[Non souligné dans l’original.]

[43] L’« expectative raisonnable de profit », le critère en usage avant l’arrêt Stewart [11] , doit évidemment être pris en considération si l’activité en question comporte un élément personnel ou est liée à un passe-temps. Ce critère n’est cependant plus le seul facteur. Il faut déterminer globalement si le contribuable exerce l’activité d’une manière commerciale. Au paragraphe 55 de l’arrêt Stewart [12] , la Cour suprême a fait siens les critères objectifs décrivant un comportement à caractère commercial énumérés par le juge Dickson dans l’arrêt Moldowan c. Ministère du revenu national [13] , à la page 486. Ces critères sont les suivants :

  • 1) l’état des profits et pertes pour les années antérieures;

  • 2) la formation du contribuable;

  • 3) la voie sur laquelle il entend s’engager;

  • 4) la capacité de l’entreprise de réaliser un profit.

[44] Ces critères ne sont pas exhaustifs et seront différents selon la nature et la portée de l’entreprise.

[45] Pour répondre à la question « Le contribuable a-t-il l’intention d’exercer une activité en vue de réaliser un profit et existe-t-il des éléments de preuve étayant cette intention? » [14] , le contribuable doit établir que son intention prédominante était de tirer profit de l’activité et que cette activité a été exercée conformément à un comportement d’homme d’affaires sérieux.

[46] En l’espèce, l’activité commerciale de l’appelant n’a jamais montré le moindre profit en plus de dix ans. En fait, il déclare que son activité commerciale a subi des pertes de près de 20 000 $ par année, alors que le revenu s’élevait à 400 $. Cette situation est toujours la même depuis la création de Pony en 2005. Cet état des profits et des pertes ne saurait se maintenir dans une entreprise réelle et indique le contraire d’une activité commerciale exploitée par l’appelant avec un comportement professionnel.

[47] L’appelant a suivi quelques cours de niveau collégial en réalisation de films et en techniques audio et visuelles. Je considère que ce sont des cours d’intérêt personnel. Il n’a pas encore connu de production de long métrage. Ses tentatives de production de long métrage par l’intermédiaire de Pony n’ont pas été couronnées de succès depuis 2005, à la naissance de Pony. Dans sa plaidoirie, il affirme qu’il a réalisé quelques « courts métrages », mais aucun d’eux n’était de nature commerciale.

[48] L’appelant était incapable de formuler avec clarté un plan d’action pour la réalisation de son film. Il a bien écrit un scénario, mais là s’arrête l’étendue de ses efforts.

[49] L’entreprise n’a jamais réalisé de bénéfice et il est probable qu’elle n’en réalise jamais. Ce n’est tout simplement pas ce qui s’appelle s’engager dans une activité de type entrepreneurial. Sous le prisme d’une lentille objective, l’entreprise est inactive et n’a pas avancé vers la réalisation de son but, produire un film. Sa seule raison d’être est celle d’un dépositaire pour les retraits du FERR de l’appelant.

[50] L’appelant a franchement admis que la réalisation d’un film le passionnait et que la réalisation de bénéfices n’aurait été qu’un effet secondaire de l’aventure. Il est juste de dire qu’il s’agit là de sa vocation. L’appelant ne m’a pas convaincu que son intention dominante était celle de réaliser un bénéfice grâce aux activités de son entreprise. Ce qui le pousse à agir, c’est l’amour du cinéma. De plus, il ne m’a pas persuadé qu’il menait ses activités à un degré suffisant de commercialité pour que celles-ci constituent une source de revenus d’entreprise. Tout ce qui peut être dit, c’est qu’il était engagé dans un plan conçu de façon à maximiser toutes les déductions possibles afin de payer le moins d’impôt possible.

[51] Par conséquent, les dépenses d’entreprise déclarées n’ont pas été engagées dans le but de tirer un revenu et, de ce fait, ne peuvent être déduites de son revenu. Le ministre avait par conséquent raison de rejeter les dépenses d’entreprise déclarées.

Dépenses et pertes d’entreprise

[52] Dans l’éventualité où j’aurais commis une erreur en concluant qu’il n’existait aucune source de revenu d’entreprise, je devrais poursuivre en me demandant si les dépenses et pertes d’entreprise déclarées pourraient être déduites d’une autre façon. Les dépenses d’entreprise déclarées par M. Liang ne sont légitimes que s’il peut établir que ces dépenses ont été engagées en vue de tirer un revenu de l’entreprise (alinéa 18(1)a) de la Loi [15] ), qu’elles n’ont pas été engagées pour des frais personnels ou de subsistance du contribuable (alinéa 18(1)h) de la Loi) et qu’elles étaient raisonnables dans les circonstances (article 67 de la Loi).

[53] Le revenu, les dépenses et les pertes déclarés sont résumés dans le tableau suivant :

État des résultats des activités d’une entreprise ou d’une profession libérale

 

2014

2015

2016

Revenu d’entreprise

400,00

400,00

400,00

Dépenses

 

 

 

Repas et divertissement

1 093,25

399,27

293,00

Assurances

-

788,40

895,00

Intérêts

786,96

-

-

Frais de bureau

1 022,66

1 825,90

-

Fournitures

-

351,78

1 989,00

Honoraires

-

-

96,00

Entretien et réparations

1 108,40

2 113,33

1 497,00

Taxes foncières

4 515,58

4 611,66

4 749,00

Téléphone et commodités

4 871,11

4 803,56

4 400,00

Frais de véhicule à moteur

2 672,69

2 563,01

2 782,00

Déductions pour amortissement

3 400,00

1 025,85

2 796,00

Autres dépenses

253,39

793,57

1 866,00

Dépenses totales de l’entreprise

19 707,04

19 276,33

21 367,00

Revenu (perte) d’entreprise net

(19 306,04)

(18 876,33)

(20 967,00)

[54] Selon l’intimée, les dépenses déclarées étaient des frais de subsistance et étaient, par conséquent, non déductibles aux termes de l’alinéa 18(1)h) de la Loi. Ces dépenses étaient également déraisonnables et, de ce fait, non déductibles aux termes de l’article 67 de la Loi.

[55] L’appelant a présenté la pièce A-5 en preuve pour étayer les dépenses déclarées pour les années d’imposition. Inexplicablement, il existe des divergences entre les sommes déclarées dans les déclarations d’impôt de l’appelant et celles des listes de la pièce A-5. Cependant, ces divergences sont d’ordre secondaire.

[56] La pièce A-5 est composée de listes de dépenses déclarées. L’appelant n’a pas présenté de documents sources, comme des reçus ou des factures, à l’appui de ses déclarations. Ce manquement constitue une difficulté pour l’appelant, car, en l’absence de documents sources, il n’est pas possible de vérifier la validité et l’exactitude des renseignements présentés dans ces listes.

Dépenses personnelles ou d’entreprise?

[57] Ce qui est le plus préoccupant pour un grand nombre de ces dépenses, c’est le fait qu’elles ont évidemment l’air de frais de subsistance. Par exemple, en 2014, l’appelant a déclaré des dépenses totalisant 360,82 $ pour du Revitive (un analgésique), un massage de cou et un produit Oral-B (soins dentaires). Il a demandé 83,36 $ pour une montre et des caleçons longs. Il a demandé 1 339,88 $ en épicerie et en repas. En 2015, il a demandé 2 113,22 en réparations et entretien [16] . Il a demandé 421 $ pour des frais de médecin, des batteries de prothèses auditives, des frais de dentiste pour l’extraction d’une dent, une clinique à Oshawa et de la physiothérapie. Il a demandé 285,24 $ pour une amende à la bibliothèque, des chaussures en caoutchouc et des médicaments de l’Assurance-santé de l’Ontario. Il a encore demandé 1 322,79 $ en épicerie et en repas. En 2016, il a encore demandé 1 451,87 $ en repas et en épicerie. Sous la rubrique de dépenses diverses, il a demandé des dépenses engagées à la pharmacie Phillips, au Medicine Shoppe et au renouvellement d’un permis de port d’armes. Je ne vois pas en quoi des produits pharmaceutiques, des médicaments et un permis de port d’armes seraient nécessaires à l’exploitation d’une entreprise cinématographique. L’appelant n’explique pas de quelle façon les dépenses en repas et en épicerie sont liées à l’exploitation de l’entreprise et il n’a présenté aucun reçu pouvant justifier de telles dépenses. Il soutient qu’il doit manger pour rester en vie parce que, s’il n’était pas vivant, il serait dans l’incapacité d’exploiter son entreprise. L’argument est fallacieux.

Bureau à domicile

[58] Il a demandé une déduction pour un bureau à domicile, c’est-à-dire à sa résidence du croissant Hawley à Whitby. Il s’agit d’une maison de 2000 pieds carrés (185 m2). Il n’a pas précisé la proportion de son espace habitable qui est dédiée à ses activités commerciales. Selon sa thèse, son bureau occupe l’entièreté de sa maison. L’appelant admet que tout l’impôt foncier et tous les frais de téléphone, de services publics [17] , d’assurance, d’entretien et de réparations nécessaires au maintien de sa résidence personnelle ont été déclarés comme étant des dépenses d’entreprise à 100 %. Il soutient que toute sa maison est son lieu de travail. Il affirme catégoriquement qu’il voue tout temps sur à ses activités professionnelles, même lorsqu’il dort, car c’est à ce moment qu’il puise son inspiration pour réaliser ses rêves. Il soutient que les dépenses de toutes sortes qui peuvent paraître comme étant des frais de subsistance sont en fait des dépenses liées à son entreprise. Selon son raisonnement, il doit manger, dormir, s’abriter et se garder en vie pour mener ses activités d’affaires. Il affirme qu’il lui est impossible de séparer les dépenses personnelles de ses dépenses professionnelles.

[59] Je ne suis pas disposé à autoriser les dépenses d’aucune sorte pour le bureau à domicile. Ce sont tous des frais de subsistance. Quoi qu’il en soit, l’alinéa 18(12)b) de la Loi prévoit que les déductions liées au bureau à domicile ne peuvent dépasser le revenu du particulier tiré de son entreprise pour l’année, et ce revenu s’élève à seulement 400 $. Par conséquent, si j’autorisais de quelconques dépenses pour le bureau à domicile, ces dépenses auraient un seuil de 400 $ par année.

Frais d’automobile

[60] L’appelant a demandé en 2014 une déduction pour frais d’automobile de 2 672,69 $ [18] et une déduction pour amortissement de 3 400 $. En 2015, il a demandé 2 563,01 $ pour frais d’automobile et 1 025,85 $ pour frais d’amortissement. En 2015, il a demandé 2 782 $ pour frais d’automobile et 2 796 $ pour frais d’amortissement. Selon l’appelant, le coût d’acquisition de son véhicule, une Matrix 2010 usagée, était de 13 200 $. Cependant, il n’a présenté aucun document, un contrat de vente par exemple, à l’appui de sa prétention. Encore une fois, il est évident qu’il essaie de déduire toutes ses dépenses d’automobile et l’amortissement. Cela n’est tout simplement pas raisonnable. Il doit certainement avoir utilisé son véhicule personnel à des usages personnels. L’appelant n’a pas fourni de journaux indiquant les déplacements effectués à des fins professionnelles, la distance, le lieu et l’objet de ces déplacements. Par conséquent, la Cour n’a aucune idée de la proportion de la distance parcourue à des fins professionnelles de celle à des fins personnelles. Il affirme ne pas jamais se servir de son véhicule à des fins personnelles. Je ne puis accepter cette affirmation. Il incombe à l’appelant d’établir clairement, avec des éléments de preuve convaincants, le pourcentage des dépenses d’automobile attribuable aux activités d’entreprise et celui attribuable à l’usage personnel. C’est une tâche qu’il n’a pas faite.

Conclusion

[61] En conclusion, je suis d’avis que le ministre avait raison de rejeter les pertes d’entreprise de 19 306 $ déclarées en 2014, les dépenses d’entreprise de 19 276 $ déclarées en 2015 et les dépenses d’entreprise de 21 367 $ déclarées en 2016. À la lumière de l’ensemble de la preuve, je considère que les sommes demandées à titre de dépenses d’entreprise n’ont pas été engagées en vue d’en tirer un revenu, qu’elles étaient en grande partie des frais de subsistance et qu’un bon nombre de ces sommes étaient tout simplement déraisonnables.

E. ANNÉES FRAPPÉES DE PRESCRIPTION

[62] L’intimée soutient que l’appelant est assujetti à une nouvelle cotisation de sa déclaration pour l’année d’imposition 2014 après l’expiration de la période normale de cotisation aux termes du paragraphe 152(4) de la Loi.

[63] Pour donner aux contribuables un certain degré de certitude et d’irrévocabilité, il existe des délais limitant la capacité du ministre à établir de nouvelles cotisations pour les années d’imposition antérieures. La période normale de nouvelle cotisation s’étend sur trois (3) ans (alinéa 152(3.1)b)). Par conséquent, en l’espèce, l’année d’imposition 2014 est frappée de prescription.

[64] Le ministre peut établir une cotisation applicable au contribuable en tout temps aux termes de l’alinéa 152(4)a)i) de la Loi si le ministre démontre que le contribuable a fait une présentation erronée des faits par négligence, inattention ou omission volontaire. Le paragraphe 152(4) dispose comme suit :

[...] Une cotisation, une nouvelle cotisation ou une cotisation supplémentaire [...] ne [peuvent] être établie[s] après l’expiration de la période normale de nouvelle cotisation applicable au contribuable pour l’année que dans les cas suivants :

a) le contribuable ou la personne produisant la déclaration :

i) soit a fait une présentation erronée des faits, par négligence, inattention ou omission volontaire, ou a commis quelque fraude en produisant la déclaration ou en fournissant quelque renseignement sous le régime de la présente loi [...].

[65] Le fardeau de prouver qu’il y a eu présentation erronée des faits et que celle-ci a été faite par négligence, inattention ou action volontaire, selon la prépondérance des probabilités, incombe au ministre.

[66] En l’espèce, je suis d’avis qu’il y a eu présentation erronée en ce qui concerne la déclaration de revenus de l’appelant. Il a clairement fait des déclarations erronées ou des présentations erronées pour les déductions qu’il a demandées à titre d’abri fiscal et il a fait des déclarations erronées sur les sommes qu’il pouvait légalement demander à titre de dépenses d’entreprise. Ces présentations erronées ne sont pas d’ordre secondaire; ce serait le cas s’il s’agissait d’une faute légère ou d’une erreur de calcul. Elles sont d’une grande importance et leur nature est telle que l’appelant devait savoir que les renseignements fournis étaient carrément erronés et non conformes à la loi.

[67] Je suis également d’avis que cette présentation erronée est issue d’une omission volontaire de la part de l’appelant. Il s’agit d’un homme intelligent et instruit qui savait ce qu’il faisait. Il a fait le nécessaire pour s’informer sur les abris fiscaux et les étapes à suivre pour demander un numéro d’inscription d’abri fiscal. Il savait qu’il fallait que Pony remplisse et dépose le formulaire T5004 – Demande des pertes et des déductions rattachées à un abri fiscal et le formulaire T5003 – État des renseignements sur un abri fiscal en y inscrivant 30 000 $ pour chacune des années d’imposition. Il connaissait les dispositions pertinentes de la Loi. Il connaissait les éléments essentiels d’un contrat. J’accepte le fait qu’il ait une passion de réaliser un film et qu’il s’est essayé à faire du cinéma dans le passé. Cependant, ni lui ni Pony n’ont pris les mesures nécessaires à la réalisation de son long métrage. Je conclus que la raison principale pour laquelle il a mis en place Pony et son système d’abri fiscal était de mettre à l’abri de l’impôt les retraits de son FERR. Je conclus que l’appelant savait ou aurait dû savoir qu’il n’avait pas le droit de demander 30 000 $ par année à la ligne 232, « Autres déductions », de ses déclarations d’impôt pour investissement dans un abri fiscal, car ni lui ni Pony n’ont subi de pertes depuis la constitution en société de Pony, étant donné que Pony n’a jamais entrepris une activité quelconque. Il ne disposait d’aucune perte, d’aucune déduction, d’aucun crédit d’impôt découlant des activités de son abri fiscal. Je conclus qu’il ne pouvait raisonnablement envisager qu’il pouvait demander des pertes, des déductions ou des crédits d’impôt sur la base de déclarations et d’annonces qu’il s’est faites à lui-même étant donné qu’il était celui qui contrôlait les activités de Pony.

[68] Il devait également savoir qu’il ne pouvait pas déclarer l’entièreté de ses frais de subsistance à titre de dépenses d’entreprise. De plus, il savait ou devait savoir qu’un grand nombre des dépenses déclarées n’avaient aucun lien avec ses activités professionnelles alléguées et que ces dépenses étaient déraisonnables. Les explications qu’il donne à ce sujet sont illusoires et fallacieuses. Les déductions d’abri fiscal et les dépenses et pertes d’entreprise qu’il a déclarées sont considérables. C’est lui qui a tenu à jour les livres et les registres de Pony et les siens et c’est lui qui a préparé toutes les déclarations de revenus. Il ne peut donc pas invoquer l’ignorance.

[69] Par conséquent, je conclus que le ministre a établi qu’il y a eu des présentations erronées importantes dans les déclarations d’impôt de l’appelant qui sont imputables à une action volontaire et, par conséquent, le ministre était justifié d’établir une nouvelle cotisation pour l’appelant pour l’année d’imposition 2014 frappée de prescription après l’expiration de la période normale de cotisation aux termes du paragraphe 152(4) de la Loi.

F. PÉNALITÉS POUR FAUTE LOURDE

[70] Le paragraphe 163(2) de la Loi dispose que le ministre peut imposer des pénalités pour faute lourde à un contribuable qui, sciemment ou dans des circonstances équivalant à faute lourde, fait un faux énoncé ou une omission dans sa déclaration de revenus ou y participe, y consent ou y acquiesce. Le paragraphe prescrit ce qui suit :

163(2) Toute personne qui, sciemment ou dans des circonstances équivalant à faute lourde, fait un faux énoncé ou une omission dans une déclaration, un formulaire, un certificat, un état ou une réponse (appelé « déclaration » au présent article) rempli, produit ou présenté, selon le cas, pour une année d’imposition pour l’application de la présente loi, ou y participe, y consent ou y acquiesce est passible d’une pénalité [...]

[71] Il incombe au ministre de prouver selon la prépondérance des probabilités qu’il y a eu faute lourde.

[72] Les points qui ont été soulevés concernant l’établissement d’une nouvelle cotisation après l’expiration de période normale de cotisation aux termes du paragraphe 152(4) s’appliquent tous également aux pénalités pour faute lourde.

[73] Je suis d’avis que l’appelant a volontairement fait un faux énoncé ou une omission dans ses déclarations sur le revenu pour les années d’imposition. Encore une fois, il s’agit d’un homme intelligent et instruit qui savait ce qu’il faisait. Il savait ou aurait dû savoir qu’il n’avait pas le droit de demander 30 000 $ par année à la ligne 232, « Autres déductions » de ses déclarations d’impôt, et pourtant il l’a fait. Il savait ou devait savoir qu’il ne pouvait pas déclarer l’entièreté de ses frais de subsistance à titre de dépenses d’entreprise, et pourtant il l’a fait. Les sommes demandées étaient importantes. Il tenait à jour la comptabilité et il préparait lui-même les déclarations de revenus de Pony et les siennes.

[74] Sa motivation pour constituer sa société était de mettre à l’abri de l’impôt les retraits obligatoires de son FERR. Il l’a fait pendant toute une décennie. Il a continuellement déclaré près de 20 000 $ en dépenses d’entreprise chaque année contre un revenu d’entreprise de 400 $ par année. Les dépenses d’entreprise demandées étaient considérables et irréalistes et il savait qu’il s’agissait de frais de subsistance et que ces frais ne sont pas déductibles. C’est de manière intentionnelle qu’il ne respectait pas la loi ou montrait une indifférence à son égard.

Conclusion

[75] Je conclus, par conséquent, que le ministre était justifié d’imposer des pénalités contre l’appelant en application du paragraphe 163(2) de la Loi pour sciemment avoir fait un faux énoncé ou une omission dans ses déclarations de revenu.


 

DÉCISION

[76] Pour tous les motifs qui précèdent, l’appel est rejeté.

Signé à Kingston, Canada, ce 7e jour de juin 2022.

« Rommel G. Masse »

Le juge suppléant Masse

 


RÉFÉRENCE :

2022 CCI 55

NO DU DOSSIER DE LA COUR :

2019-3529(IT)I

INTITULÉ :

BILLY LIANG ET SA MAJESTÉ LA REINE

LIEU DE L’AUDIENCE :

Toronto (Ontario)

DATE DE L’AUDIENCE :

Le 21 mars 2022

MOTIFS DU JUGEMENT :

L’honorable juge suppléant Rommel G. Masse

DATE DU JUGEMENT :

Le 7 juin 2022

COMPARUTIONS :

Pour l’appelant :

L’appelant lui-même

Avocat de l’intimée :

Me Mike Chen

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Pour l’appelant :

Nom :

Billy Liang

 

Pour l’intimée :

François Daigle

Sous-procureur général du Canada

Ottawa, Canada

 

 



[1] M. Liang a un accent prononcé lorsqu’il parle anglais. Il s’exprime pourtant très bien par écrit, comme le démontre son avis d’appel, un texte de 12 pages intitulé « Clarification » en réplique à la réponse du ministre, et sa réponse aux arguments de l’intimée qu’il a intitulée « Réponse à la transcription de l’intimée ».

M. Liang est également un malentendant. Lorsque l’avocat de l’intimée a terminé sa plaidoirie, il a signalé à la Cour qu’il n’avait pas entendu les mots de l’avocat. Par conséquent, la Cour a dû l’accommoder. La Cour a ordonné qu’il reçoive une copie de la transcription de la plaidoirie de l’intimée et a permis à l’appelant de fournir sa plaidoirie à la Cour par écrit au plus tard le 4 mai. Et c’est ce qu’il a fait.

 

[2] Canada c. Baxter, 2007 CAF 172.

[3] Paletta c. La Reine, 2019 CCI 205.

[4] En réalité, le risque est nul puisqu’il n’y a eu aucune perte depuis la constitution de Pony.

[5] Cela n’est jamais arrivé. Aucun film n’a jamais été produit par Pony depuis que la société a été constituée. La production de film n’a jamais entraîné de dépenses de fonds.

[6] Il n’y a jamais eu de profits.

[7] Il s’agit du libellé du contrat, qui est reproduit au paragraphe 25 des présents motifs.

[8] Stewart c. Canada, [2002] 2 R.C.S. 645.

[9] Stewart, ibid, ., par. 52.

[10] Stewart, ibid., par. 54.

[11] Précité, note 6.

[12] Ibid., par. 55.

[13] Moldowan c. Ministère du revenu national, [1978] 1 R.C.S. 480 ( C.S.C.).

[14] Stewart, précité, par. 61.

[15] Il se trouve qu’il ne l’a pas fait, eu égard à la discussion des paragraphes 38 à 50 des présents motifs.

[16] Autre dépense de 650 $ pour l’enlèvement d’un arbre, 598 $ pour un réfrigérateur et 866 $ pour la réparation de la laveuse et de la sécheuse. Toutes ces dépenses sont en lien avec sa résidence personnelle.

[17] Ensemble, le montant des services publics et des autres dépenses est assez élevé, avec un minimum de 4 400 $ en 2016 et un maximum de 4 611 $ en 2015.

[18] Il a même demandé 143,60 $ pour un attelage de remorque. L’appelant n’explique pas de quelle façon l’attelage de sa voiture peut servir raisonnablement à des fins professionnelles.

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