Jugements de la Cour canadienne de l'impôt

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Dossiers : 2014-1786(IT)G,

2014-1787(IT)G

ENTRE :

MARTIN FOURNIER GIGUÈRE,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LE ROI,

intimé.

 

Appels entendus concurremment et consécutivement avec les appels d’Antoine Bérubé (dossiers 2014-123(IT)G et 2014-461(IT)G) et de Philippe D’Auteuil (dossiers 2014-90(IT)G et 2014-1171(IT)G), les 13, 14, 15, 16, 20, 21, 22 et 23 septembre 2021,

à Québec (Québec).

Devant : L'honorable juge Réal Favreau


Comparutions :

Avocats de l’appelant :

Me Danny Galarneau

Me Bénédicte Dupuis

Avocats de l'intimé :

Me Grégoire Cadieux

Me Sonia Bédard

 

JUGEMENT

Les appels à l’encontre des nouvelles cotisations établies en date du 3 avril 2013 concernant les années d’imposition 2009 et 2010 de l’appelant sont rejetés sans frais conformément aux motifs du jugement ci-joints.

L’appel à l’encontre de la nouvelle cotisation établie en date du 3 avril 2013 concernant l’année d’imposition 2011 est accueilli partiellement sans frais et ladite cotisation est déférée à la ministre du Revenu national pour nouvel examen et nouvelle cotisation afin de diminuer le revenu imposable de l’appelant pour l’année d’imposition 2011 d’un montant de 279 830 $, conformément aux motifs du jugement ci-joints.

Signé à Montréal (Québec), ce 25e jour de novembre 2022.

« Réal Favreau »

Juge Favreau


Référence : 2022 CCI 132

Date : 20221221

Dossiers : 2014-1786(IT)G

2014-1787(IT)G

ENTRE :

MARTIN FOURNIER GIGUÈRE,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LE ROI,

intimé.


MOTIFS DU JUGEMENT MODIFIÉ

Le juge Favreau

[1] Il s’agit d’appels à l’encontre de nouvelles cotisations établies en vertu de la Loi de l’impôt sur le revenu, L.R.C. (1985) (5e suppl.), ch. 1, telle que modifiée (ci-après la « Loi ») par le ministre du Revenu national (le « ministre ») en date du 3 avril 2013 concernant les années d’imposition 2008, 2009, 2010 et 2011 de l’appelant.

I. Historique des cotisations et des appels

[2] Le ministre a établi, le 3 avril 2013, de nouvelles cotisations à l’encontre de l’appelant pour les années d’imposition 2008, 2009, 2010 et 2011. En vertu de ces nouvelles cotisations, le ministre a ajouté les montants suivants provenant de ses activités de poker aux revenus de l’appelant et a imposé des pénalités en vertu du paragraphe 163(2) de la Loi:

2008

2009

2010

2011

250 679 $

573 882 $

156 855 $

747 444 $

[3] La nouvelle cotisation du 3 avril 2013 pour l’année d’imposition 2008 a été établie à l’extérieur de la période normale de nouvelle cotisation pour cette année d’imposition.

[4] Suite à un consentement intervenu devant cette Cour sur la partie des appels de l’appelant qui concerne l’imposition de pénalités prévues au paragraphe 163(2) de la Loi en vertu des nouvelles cotisations datées du 3 avril 2013 concernant les années d’imposition 2008, 2009, 2010 et 2011, les appels de l’appelant ont été admis sans frais par un jugement daté du 23 juin 2015 et les nouvelles cotisations ont été modifiées par l’annulation des pénalités en vertu du paragraphe 163(2) de la Loi. De plus, par ce même jugement, l’appel à l’encontre de la nouvelle cotisation concernant l’année d’imposition 2008 a été admis, sans frais, et ladite cotisation a été annulée.

[5] Suite à un consentement partiel intervenu entre les parties le 13 septembre 2021 en vertu du paragraphe 172 de la Loi, les parties ont consenti, advenant que la Cour décide d’imposer les gains de poker de l’appelant à titre de revenus d’entreprise, que jugement soit rendu afin d’accueillir partiellement l’appel concernant l’année d’imposition 2011 et de modifier la nouvelle cotisation du 3 avril 2013 afin de diminuer de 279 830 $ le revenu imposable de l’appelant pour l’année d’imposition 2011 pour le motif que ce montant de 279 830 $ représente le solde dû de la quote-part de l’appelant du montant de 8 944 310 $ gagné par monsieur Jonathan Duhamel en novembre 2010 aux séries mondiales de poker de Las Vegas.

II. Question en litige

[6] La seule question en litige devant la Cour consiste à déterminer si les gains nets tirés des activités de jeu de poker de Martin Fournier Giguère doivent être inclus dans le calcul de son revenu à titre de revenu d’une source qui est une entreprise en vertu des articles 3 et 9 de la Loi pour les années d’imposition 2009, 2010 et 2011.

[7] Tel qu’indiqué ci-dessus, la question des gains nets tirés des activités de jeu de poker de Martin Fournier Giguère n’est pas en litige devant cette Cour.

III. Thèses des parties

A. Position de l’appelant

[8] Selon l’appelant, la Cour doit déterminer si le poker est un jeu de hasard et de chance (pari) ou s’il constitue un jeu d’habileté.

[9] Si la Cour en vient à la conclusion que le poker est un jeu de chance et de hasard, alors elle doit accueillir les appels et annuler les nouvelles cotisations sur la base de l’alinéa 40(2)) de la Loi.

[10] Selon l’article 3 de la Loi, il est nécessaire d’identifier la source de revenu d’un contribuable afin de déterminer la façon dont ce revenu sera traité pour fins fiscales.

[11] Les activités liées au jeu d’un contribuable peuvent constituer un revenu imposable si elles constituent une source de revenus. Règle générale, les gains provenant d’un jeu de hasard ne sont pas imposables puisqu’ils ne proviennent pas d’une source de revenus.

[12] Afin de déterminer si les activités d’un contribuable constituent une source de revenus tirés d’une entreprise ou non, la Cour Suprême du Canada a développé dans l’arrêt Stewart c. Canada, 2002 CSC 46 (« Stewart ») une approche à deux volets.

[13] Le premier consiste à déterminer si l’activité de poker est faite en vue de réaliser un profit ou s’il s’agit d’une démarche personnelle. Ce n’est que lorsque l’activité comporte un aspect personnel que cette première étape est pertinente car lorsque l’activité du contribuable n’est aucunement personnelle, il y aura nécessairement existence d’une source de revenus au sens de la Loi.

[14] Si l’activité du contribuable peut à la fois être un passe-temps et une entreprise, il faut alors se demander si cette activité est exploitée de manière suffisamment commerciale, soit avec l’intention subjective de réaliser un profit étayé par une preuve objective d’un comportement d’homme d’affaires sérieux (par. 54 de l’arrêt Stewart).

[15] Lors de l’analyse de cette intention subjective de réaliser un profit, il est important de prendre en considération tous les faits entourant l’activité du contribuable à la lumière d’un ensemble de facteurs. Dans l’arrêt Moldowan c. La Reine, [1978] 1 R.C.S. 480 (« Moldowan »), la Cour Suprême du Canada a suggéré les quatre critères suivants afin de déterminer objectivement si un contribuable a une expectative raisonnable de profit :

  • a) l’état des profits et des pertes pour les années antérieures;

  • b) la formation du contribuable;

  • c) la voie sur laquelle le contribuable entend s’engager; et

  • d) la capacité de réaliser un profit.

[16] Ces critères ne constituent cependant pas une liste exhaustive des critères à considérer. Il faut déterminer globalement si le contribuable exerce l’activité d’une manière commerciale. La jurisprudence a notamment mis de l’avant le critère de la minimisation du risque dans l’analyse de l’exploitation d’une entreprise par le contribuable. En effet, les tribunaux considèrent que la prise de risque est une caractéristique inhérente à toute activité génératrice des revenus et que c’est plutôt la minimisation du risque ou la gestion du risque qui est susceptible de faire de cette activité une source de revenus.

[17] La simple recherche du profit ne suffit pas à conclure qu’un contribuable exploite une entreprise. L’analyse de l’ensemble des critères doit être effectuée dans le contexte spécifique du jeu en l’espèce car il est évident que la totalité des joueurs ont l’intention de faire un profit lorsqu’ils s’adonnent à des activités ou jeux.

[18] D’après la décision Cohen c. La Reine, 2011 CCI 262 (« Cohen »), il doit y avoir plus que le simple espoir ou désir de gagner. Une expectative planifiée et raisonnable de réaliser un profit doit exister. Les gains de jeu d’un contribuable qui a l’intention de gagner mais qui ne mène pas ses activités comme le ferait un homme d’affaires sérieux, ne seront généralement pas imposables.

[19] Le second volet de l’approche développée par la Cour Suprême du Canada dans l’arrêt Stewart, à l’effet qu’il est nécessaire de déterminer si la source du revenu est celle d’une entreprise ou d’un bien n’a pas d’application en l’espèce si l’activité du contribuable ne représente pas une démarche personnelle et qu’il est déterminé que le contribuable avait l’intention subjective de réaliser un profit. L’appelant admet qu’il s’agirait alors d’un revenu d’entreprise.

[20] Selon les procureurs de l’appelant, l’application des critères établis par la jurisprudence aux faits particuliers de l’appelant démontre que :

  • a) le poker est une activité à caractère personnelle;

  • b) les activités de poker de l’appelant servaient uniquement à générer des fonds pour des activités de loisirs et n’avaient pas pour but de maximiser ses revenus;

  • c) avant 2008, l’appelant s’adonnait au poker de façon récréative et amicale;

  • d) l’appelant a témoigné à l’effet qu’il regardait des tournois de poker diffusés à la télévision et qu’il consultait des forums et des blogues sur divers sites internet. Il était lui-même rédacteur pour un blogue consacré au poker et il y racontait notamment certaines de ses parties de poker. L’appelant a également développé une entreprise de type « coaching » où il commentait en direct certaines parties de poker. L’appelant n’a jamais suivi ou eu une formation particulière, pertinente et significative sur le jeu de poker;

  • e) l’appelant ne réinvestit pas ses gains de poker dans le jeu, non plus, qu’il investit ses gains exception faite d’un condominium en Floride et d’une résidence à Québec achetée avec monsieur Philippe D’Auteuil. L’appelant cherchait avant tout la compétition, l’adrénaline, le « thrill ». L’appelant n’avait aucune tenue de livre ou de comptabilité et il n’avait aucun plan pour développer une entreprise viable. La situation de l’appelant s’apparentait davantage à un problème de jeu pathologique qu’à un comportement d’un homme d’affaires raisonnable ayant une expectative de générer un profit;

  • f) même si l’appelant a généré plus de gains que de pertes durant les années en litige, sa capacité de réaliser un profit est imprévisible et instable. L’appelant ne peut contrôler le résultat des parties de poker parce que c’est ultimement la chance qui détermine qui réalisera un gain ou subira une perte;

  • g) l’appelant n’avait pas de comportement permettant la minimisation du risque. Il ne choisissait pas ses opposants et il se limitait à accéder aux tables disponibles. Il s’adonnait à jouer à de multiples tables simultanément (jusqu’à 12 tables en même temps) à un point où il en perdait le contrôle. L’appelant jouait sous l’influence d’alcool et de drogues et il a témoigné qu’il était incapable de contrôler ses « tilt » (comportements). Au cours des années en litige, l’appelant a perdu 100% des tournois « live » (en personne) auxquels il a participé;

  • h) le fait que l’appelant jouait en ligne de manière fréquente et pendant une période prolongée ne fait preuve de rien. Le nombre et la fréquence des parties sont davantage révélateurs d’un comportement compulsif et d’un trouble de dépendance que de la commercialisation d’une activité.

[21] Les procureurs de l’appelant ont soutenu que les jeux de hasard n’ont pas les caractéristiques inhérentes essentielles à la détermination que l’appelant exploitait une activité commerciale pouvant générer un revenu imposable.

[22] Lors de l’audience, il a été démontré que peu de fiabilité et de crédibilité peuvent être accordées aux extraits que l’on retrouve dans les divers forums et blogues disponibles en ligne sur internet. C’est pour cette raison que l’intimé a retirée près de trois quarts des pièces au dossier de l’appelant, lesquelles pièces ont été consultées aux fins de la rédaction du rapport de vérification de l’appelant et du rapport d’expertise de monsieur Randal D. Heeb, docteur en économie, déposé au dossier de l’appelant. Il est soumis que si les passages du rapport de vérification et du rapport d’expertise de monsieur Heeb qui font référence aux pièces retirées et dont la preuve n’a pas été faite lors de l’audition, le rapport de vérification et le rapport d’expertise seraient ténus, voire factuellement infondés.

[23] Les procureurs de l’appelant ont attaqué le rapport de l’expert Heeb retenu par l’intimé sur plusieurs fronts :

  • a) étant docteur en économie, ce dernier ne possède pas les connaissances approfondies et la compréhension poussée et très technique que requiert une expertise mathématique et statistique afin de déterminer avec un degré de certitude scientifique si le jeu de poker est un jeu de chance ou d’habileté;

  • b) l’expert Heeb mentionne avoir témoigné comme expert dans le cadre de cinq procès aux États-Unis et un procès au Canada (Cohen c. Canada (Citoyenneté et Immigration) 2015 CF 1192). Contrairement à ce que l’expert souhaite laisser croire, ses conclusions sur le jeu de poker n’ont jamais été analysées et encore moins avalisées ou confirmées par un tribunal au Canada. Par contre, aux États-Unis, un juge de première instance a effectivement conclu que le poker est un jeu où les habiletés prédominent sur la chance mais la Cour d’appel dans la même affaire a renversé le jugement de première instance (voir United States v. Di Cristina, 12-3720 (726 F.3d 3292) et la Cour suprême des États-Unis a refusé de se saisir de l’appel formulé par le défendeur Di Cristina, mettant ainsi fin au débat;

  • c) le témoignage de l’expert s’apparente davantage à celui d’un témoin de fait s’auto qualifiant de joueur de poker professionnel plutôt qu’à celui d’un expert en économie impartial et indépendant. Lors de son témoignage, l’expert a référé à ses propres habitudes de jeu, a inféré des conclusions sur les comportements des joueurs alors qu’il n’a pas les qualifications requises pour ce faire et a formulé des énoncés généraux sans aucune source à l’appui. Selon le témoignage global de l’expert, ce dernier ne présente pas une opinion objective à la Cour et il n’a pas le degré requis d’indépendance et de crédibilité pour que son opinion et son expertise soient retenues.

[24] Les procureurs de l’appelant ont déposé deux rapports de contre-expertise. Un premier rapport de monsieur Mathieu Dufour, docteur en mathématiques ayant rédigé sa thèse de doctorat sur la théorie des jeux, visait à analyser et à déterminer la part de hasard dans le résultat du jeu de poker de type Texas Hold’em. Selon cet expert, deux conclusions s’imposent :

  • a) l’issue d’une partie de poker dépend manifestement à la fois du hasard par la distribution des cartes et de l’habileté des joueurs;

  • b) décrivant la théorie des jeux, la part du hasard et de chance prédomine toujours sur la part d’habileté. Selon son analyse statistique des résultats de l’appelant, les résultats de ce dernier ne sont pas supérieurs à la moyenne.

[25] L’expert Dufour a émis plusieurs critiques à l’égard des rapports de l’expert Heeb, dont les suivants :

  • a) les tests effectués ne sont pas indépendants;

  • b) une erreur scientifique et logique est commise en ce quil démontre qu’il y a une partie d’habileté dans le jeu de poker mais qu’il ne démontre pas que l’habileté est prépondérante; et

  • c) la « mesure de contribution d’habileté » développée ne répond à aucun des critères nécessaires à une mesure statistique robuste et fiable.

[26] Le deuxième rapport de contre-expertise est celui de monsieur Jeffrey Rosenthal, docteur en statistiques, lequel visait à déterminer la part de contribution de la chance et de l’habileté dans le jeu de poker en ligne et de déterminer si les tests statistiques effectués par l’expert Heeb respectent les enseignements statistiques requis.

[27] Cet expert a conclu avec certitude que les tests et analyses effectués par l’expert Heeb ne permettent pas de déterminer que les habiletés prédominent sur la chance au poker. Selon lui, il est impossible de déterminer le degré réel que jouent la chance et l’habileté au poker et qu’il est indéniable que l’habileté ne prédomine pas sur la chance et ce, malgré des centaines de mains jouées. Il réfute d’emblée la conclusion tirée par l’expert Heeb à l’effet qu’après seulement 3 000 mains, la chance est occultée par les habiletés.

B. Position de l’intimé

[28] L’intimé souligne le sens très large donné à la définition du terme « entreprise » au paragraphe 248(1) de la Loi : sont compris parmi les entreprises, les professions, métiers, commerces, industries ou activités de quelque genre que ce soit et […] les projets comportant un risque ou les affaires de caractère commercial.

[29] Selon l’analyse de l’arrêt Cohen, lorsque les activités d’un contribuable comportent un élément personnel (comme dans le cas présent) la Cour doit déterminer si cette activité est exploitée de façon suffisamment commerciale pour se qualifier d’entreprise et être considérée comme une source de revenu aux fins de la Loi.

[30] Selon l’arrêt Stewart, 2002 CSC 46, pour qu’une activité d’un contribuable puisse être qualifiée de commerciale par nature, le contribuable doit avoir l’intention subjective de réaliser un profit. Cette détermination doit se faire en fonction de facteurs objectifs et cette activité doit être exercée conformément à des normes objectives de comportement d’homme d’affaires sérieux.

[31] La nature commerciale d’une activité se caractérise par l’existence d’un système organisé dans le but de gérer ou d’atténuer les risques. L’absence d’un tel système distingue un joueur invétéré d’un joueur professionnel (voir Balanko c. MNR, 81 DTC 887).

[32] L’application du critère de l’intention subjective de réaliser un profit aux causes de gains réalisés par le jeu ou les paris « consiste à essayer de voir quel est l’objectif dominant de la personne en cause, à savoir s’il s’agissait d’exploiter une entreprise ou de simplement se divertir » (voir MNR c. Mordern, 61 DTC 126 à la page 1267).

[33] Dans l’arrêt Moldovan, les facteurs objectifs suivants ont été utilisés afin de déterminer l’intention subjective de réaliser un profit :

  • a) l’état des profits et pertes des années antérieures;

  • b) la formation du contribuable;

  • c) la voie sur laquelle il entendait s’engager; et

  • d) la capacité de l’entreprise à réaliser un profit.

[34] La liste de facteurs énoncés dans l’arrêt Moldovan n’est pas exhaustive et d’autres facteurs peuvent être considérés.

[35] L’application de ces critères aux faits de la présente cause démontre que :

États des profits et pertes des années antérieures :

  • la vérification de l’appelant démontre un avoir net de 101 877 $ en 2007 et de 321 555 $ en 2008. L’appelant a lui-même estimé ses gains de poker à 290 000 $ en 2008, ce qui est supérieur aux gains cotisés par l’Agence du Revenu du Canada (l’« ARC ») de 250 679 $ en 2008.

  • l’appelant a lu quelques livres sur le jeu de poker et il a appris en jouant un volume important de mains sur les sites de poker en ligne;

  • l’appelant a participé à des forums de discussions de stratégie;

  • l’appelant a publié et commenté des mains jouées sur des forums de discussions.

Formation :

Voie sur laquelle il entend s’engager :

  • au-delà de l’adrénaline que le jeu de poker lui procurait, le témoignage de l’appelant et les entrevues qu’il a accordées sont à l’effet qu’il faisait une « carrière » et il aimait l’attention que cela lui apportait;

  • en 2012, l’appelant s’est peu à peu détaché du poker et, en 2013, il a définitivement tourné la page, le poker n’était plus la centre de sa vie;

  • les heures consacrées par l’appelant au jeu de poker (30 heures/semaine) sont nettement supérieures aux heures consacrées à ses activités de « coaching » (5 heures par semaine);

  • les revenus de « coaching » de l’appelant soient 46 315 $ en 2008, 47 775 $ en 2009 et 51 222 $ en 2010, soit très inférieurs à ses gains tirés de ses activités de poker, soit 250 679 $ en 2008, 573 882 $ en 2009 et 156 855 $ en 2010;

  • l’appelant faisait le suivi de ses gains (« Bankroll ») sur ses registres de jeu à l’aide de deux logiciels et il y analysait ses statistiques mensuelles.

Capacité de réaliser des profits :

  • les gains de l’appelant tirés de ses activités de poker sont de 250 679 $ en 2008, 573 882 $ en 2009, 156 855 $ en 2010, et de 468 614 $ en 2011;

  • selon le rapport de l’expert Heeb, l’appelant à un niveau d’habileté très élevé qui se traduit par une expectative de profit par main de 0,43 ¢;

  • selon la contre-expertise de l’expert Rosenthal, la probabilité de gain de l’appelant est de 79,9% après 58 946 mains jouées.

Gestion ou minimisation du risque selon des normes objectives de comportement d’homme d’affaires sérieux :

  • lorsqu’il participait à des tournois en présentiel, il partageait (« swapping ») et vendait (« staking ») souvent ses parts avec d’autres participants en fonction du coût des tournois :

  • - moins que 3 000 $ : il assumait seul les coûts;

  • - à 10 000 $ : il vendait 50% des parts;

  • - à plus de 10 000 $ : il vendait plus de 50% de ses parts;

  • l’appelant a fourni une liste de tournois en présentiel dans lesquels il a acheté des parts auprès d’autres joueurs. Cette liste ne comprend pas les tournois sur internet auxquels l’appelant a participé;

  • l’appelant utilisait deux logiciels qui lui permettaient d’obtenir certaines informations et des statistiques sur les tendances de jeu de ses adversaires dont l’afficheur HUD et les fonctions base de ces logiciels;

  • l’appelant adaptait ses stratégies en fonction des niveaux de tables et la force de ses adversaires. Il jouait un fort volume de mains sur des tables de basses limites avec des joueurs plus faibles;

  • l’appelant jouait un nombre de mains très volumineux, soit entre 50 000 et 75 000 mains par mois. Il pouvait jouer de longues sessions suivies de pauses de plusieurs journées;

  • lorsque son compte (« Bankroll ») sur le site Full Tilt Poker a été gelé, l’appelant a évalué l’opportunité de vendre à rabais le solde qui s’élevait alors à plus de 100 000 $.

  • Les affaires de jeu peuvent être rangées en trois catégories générales :

Analyse des catégories de joueurs énoncées par le juge Bowman dans l’affaire Leblanc c. La Reine, 2006 CCI 680 (« Leblanc »)

  • a) les joueurs pour qui le jeu constitue un divertissement ne sont pas assujettis à l’impôt même s’ils s’adonnent à cette activité régulièrement, et même d’une façon compulsive, en faisant preuve d’une certaine organisation ou en mettant en œuvre un système donné […];

  • b) les gains de jeu sont imposables lorsque le jeu est l’accessoire d’une entreprise qui était exploitée, comme c’est le cas pour le propriétaire d’un casino qui parie dans son propre casino […];

  • c) les gains de jeu sont imposables lorsqu’une personne utilise sa propre expertise et ses propres habilités pour gagner sa vie dans un jeu de hasard où l’habileté entre fortement en ligne de compte […].

  • Considérant les faits relatifs au jeu de poker de l’appelant, on doit conclure que les activités de poker de l’appelant ne sont pas qu’un simple divertissement et qu’il utilisait son expertise et ses habilités pour gagner sa vie au poker, un jeu où l’habileté entre fortement en ligne de compte.

[36] Les conclusions des rapports d’expertise produits par l’expert Heeb sont à l’effet que :

  • l’habileté prédomine sur la chance au poker et l’appelant a démontré son niveau supérieur d’habileté;

  • le niveau d’habileté de l’appelant est cohérent avec les gains qu’il a réalisés;

  • cet avantage explique les profits obtenus par l’appelant dans la mesure où il joue fréquemment et à long terme;

  • un bon joueur peut améliorer ses probabilités de gains potentiels en raison de ses décisions. La stratégie optimale a pour effet de maximiser la probabilité de victoire (cette assertion est en accord avec les conclusions de l’expert Dufour);

  • un joueur de poker peut utiliser son habileté pour augmenter sa probabilité de victoires et s’il joue souvent, il augmente son expectative de gain à long terme. Un joueur a une expectative de profit à long terme dans la mesure où il possède une probabilité de gain de plus de 50%, ce qui est le cas de l’appelant (cette assertion est en accord avec les conclusions de l’expert Rosenthal).

Témoignage de monsieur Martin Fournier Giguère (pseudonyme « Dr. Giggy »)

[37] Monsieur Martin Fournier Giguère a témoigné à l’audience pour expliquer d’où est venu son intérêt pour le poker et pour relater ses activités au cours des années en litige, soit les années 2009 à 2011.

[38] Il est né en 1987 au Bic près de Rimouski et il a complété un DEC en sciences humaines au CEGEP de Rimouski. Après son CEGEP, il s’est inscrit en administration à l’université Laval de Québec et il a déménagé à Québec où il a loué un appartement avec deux de ses amis. Il a passé le premier été à Québec sur le « party ».

[39] Il n’a fait qu’une demie session de l’année académique 2006/2007 et il jouait au poker trois à quatre soirs par semaine avec monsieur Philippe D’Auteuil qu’il a connu au CEGEP.

[40] Au début de 2007, il est parti en voyage en Europe avec monsieur Philippe D’Auteuil et d’autres amis. Le groupe a loué une maison dans les Alpes pour trois à quatre mois. Par la suite, il a visité des villes en France et d’autres villes en Europe comme Barcelone et Amsterdam. Les joutes de poker ont payé les frais du voyage.

[41] En 2008, il a effectué un voyage en Australie d’une durée de trois à quatre mois avec cinq autres personnes dont monsieur Antoine Bérubé et monsieur Philippe D’Auteuil. Le groupe avait un pied-à-terre pour jouer au poker. À la fin du voyage, le groupe s’est rendu aux îles Fiji. L’appelant a gagné plus d’argent qu’en 2007 et ses gains ont suffi à payer ses frais de voyage.

[42] À son retour du voyage, il a acheté en copropriété avec monsieur Philippe D’Auteuil une maison unifamiliale à Québec. Sa part était de 40 % et il a occupé le sous-sol. Deux colocataires qui ne payaient pas de loyer vivaient également dans la maison. Il avait alors 21 ans et avait beaucoup d’amis. La maison était porte ouverte et de gros partys de 50 à 100 personnes s’y déroulaient souvent.

[43] Concernant son style de jeu, l’appelant a dit qu’il jouait par séquence comme trois ou quatre jours consécutifs de douze heures par jour et il pouvait par la suite ne pas jouer pendant une ou deux semaines. Selon l’appelant, l’estimation du nombre d’heures jouées est basée sur le nombre de mains jouées. Par contre, il n’a pas remis de registre pouvant confirmer le nombre d’heures jouées par le nombre de mains jouées. Il changeait d’ordinateurs souvent et il ne gardait pas ses données de jeu. Quant au jeu lui-même, l’appelant a affirmé qu’il jouait presqu’exclusivement des parties libres de Texas Hold’em sans limite. Il jouait en moyenne de huit à quatorze tables en même temps au cours des années 2008 et 2009. Il participait à des tournois surtout lors de voyages à l’étranger ce qui pouvait représenter 10 à 15 % de ses heures de jeu. Il avait peu de succès aux tournois.

[44] En 2009, il s’est rendu à Las Vegas pour participer aux Séries Mondiales et à cinq ou six autres tournois. Il y a loué une maison pour un mois pour y loger une dizaine de joueurs québécois. Il s’est inscrit au tournoi principal (« Main Event ») et il a vendu des parts à d’autres joueurs dont à monsieur Philippe D’Auteuil. Il n’a jamais gagné un tournoi à Las Vegas. Les joueurs québécois à Las Vegas faisaient souvent la fête accompagnée de drogues et d’alcool. À son retour de Las Vegas, il a acheté un fumoir de marque Volcan pour fumer du cannabis et du haschich. Il dit qu’il fumait une à deux fois par jour et ce, pendant une dizaine d’années.

[45] Également, en 2009, il a acheté un condominium à Hallendale en Floride qu’il a payé 360 000 $ américains comptant. Son intention était d’y passer les hivers. En réalité, il n’y est allé que trois fois et a souvent prêté l’appartement à des amis avant de le vendre.

[46] En 2010, l’appelant a vécu à Québec en s’isolant de plus en plus. Il fumait de plus en plus de cannabis et jouait beaucoup la nuit, soit à partir de 20 à 21 heures le soir jusqu’à vers les 8 ou 9 heures le lendemain matin. Il était un joueur compulsif. Il n’aimait pas perdre et il pouvait jouer sans s’arrêter jusqu’à ce qu’il gagne.

[47] Plus tard dans l’année, il a loué une maison à Las Vegas comme il l’avait fait en 2009. Il s’est inscrit au tournoi principal et a acheté une participation de 5 % de monsieur Jonathan Duhamel qu’il connaissait à cause du forum de discussions de poker collectif sur internet. Vu la victoire de ce dernier en novembre 2010, son investissement a rapporté 450 000 $ américains dont 300 000 $ américains lui a été versé sur le champ. Un impôt américain de 30 % sur son gain a été prélevé à la source qu’il a pu récupérer en totalité en 2011 en réclamant des pertes de jeux aux États-Unis pour un montant équivalent.

[48] De 2008 à 2012, l’appelant a agi comme instructeur « coach » de poker et a produit des vidéos pour le site BlueFire Poker Training pour 500 $ par vidéo. Il a de plus partagé ses connaissances de poker avec d’autres joueurs sur une base personnelle en chargeant entre 100 $ et 400 $ par heure. Il a dit qu’il a ainsi gagné de 40 000 $ à 50 000 $ par année de ces activités, lesquels revenus ont été rapportés dans ses déclarations de revenus.

[49] De 2008 à 2012, l’appelant a utilisé les logiciels Hold’em Manager et Poker Tracker pour conserver ses statistiques personnelles dont son historique de jeu, le nombre de mains jouées et ses gains. Ces logiciels ont notamment récolté et ont conservé ses statistiques en fonction des cartes reçues de même que les tendances des autres joueurs contre lesquels il jouait.

[50] En 2012, il sest détaché peu à peu du poker et a porté son attention au golf. En 2013, des problèmes de santé ont surgi à cause de son mode de vie malsain (manque de sommeil, psychose, stress, etc.).

[51] Étant un joueur compulsif, l’appelant était sujet au « tilt », i.e. l’état d’un joueur qui se fâche et qui perd la clarté de l’esprit. L’appelant avait un mauvais tempérament et il lui est souvent arrivé de casser son ordinateur et sa souris. À une occasion, il s’est fracturé une main en frappant le mur du garage de sa résidence de Québec. Maintenant, il dit être plus « zen » et contrôle mieux ses émotions. Il fait de la méditation et pratique le bouddhisme et les arts martiaux.

[52] En contre-interrogatoire, l’appelant a affirmé qu’il n’a pas fourni ses registres de jeu parce qu’il ne les avait pas. Il jouait 95 % du temps surtout sur le site Full Tilt Poker et seulement 5 % du temps sur le site de PokerStar. La raison de cette situation est qu’il ne pouvait jouer de parties libres « cash game » sur le site PokerStar.

[53] Dans la demande de renseignements concernant ses déclarations de revenu fournies à l’ARC, l’appelant a indiqué, qu’entre le 1er janvier 2008 et le 31 décembre 2010, il a joué sur les sites suivants de poker en ligne : Full Tilt Poker, PokerStars, PartyPoker et Ultimate Bet et à avoir utilisé les logiciels de statistiques de Hold’em Manager et Poker Tracker.

[54] Pour ce qui est de son temps de jeu, il a indiqué qu’au début, il jouait environ 30 heures par semaine et que, par la suite, son temps de jeu aurait été de 10 heures par semaine ce qui représentait environ de 8 000 à 10 000 mains par semaine. Selon l’appelant, ces informations sont très variables.

[55] Dans la demande de renseignements précitée, l’appelant a confirmé qu’il a agi comme entraîneur privé pour certains joueurs de poker. Il faisait des vidéos qu’il vendait sur le site de BlueFire Poker Training. Un abonnement était requis des joueurs pour avoir accès à ce site.

[56] Toujours en relation avec la demande de renseignements précitée, l’appelant a fourni en annexe à sa réponse, la liste des tournois en présentiel auxquels il a participé au cours de la période. Cette liste comprenait 14 tournois qu’il a tous perdus mais, à l’égard desquels, il a vendu des participations à d’autres joueurs pour la moitié de ces tournois qui étaient les plus dispendieux.

[57] En plus de la liste des tournois en présentiel, l’appelant a fourni des listes de tournois dans lesquels il a acheté des parts et qui lui ont rapporté de l’argent, soit dans six évènements. Lors de son témoignage, l’appelant a indiqué qu’il avait acheté des participations dans une dizaine d’autres évènements qui ne lui ont rien rapporté.

[58] Dans le cadre du contre-interrogatoire de l’appelant, l’intimé a mis en preuve plusieurs extraits de blogues personnels contenant des informations concernant, entre autres, le nombre de mains jouées par ce dernier. Dans un de ces blogues, l’appelant y a indiqué que, le 26 février 2009, il avait joué facilement de 50 000 mains à 60 000 mains par mois et qu’il espérait jouer 80 000 mains au mois de mars suivant. En juillet 2009, l’appelant a montré sur le même blogue, une capture d’écran de son jeu sur le site Full Tilt Poker pour la période du 1er janvier au 26 juillet 2009. On y voit, que pendant cette période et sur ce seul site, il a joué 179 277 mains en 234,25 heures, soit une moyenne de 765,32 mains par heure.

[59] Le 8 septembre 2007, l’appelant a mis sur son blogue des informations montrant qu’il a gagné 32 250 $ en huit jours. Le 21 février 2010, il a indiqué qu’il avait joué 60 000 mains en février et qu’il avait perdu 20 0000 $.

[60] Toujours sur son blogue, l’appelant a indiqué que le 21 octobre 2010, il avait joué 75 360 mains et qu’il avait joué jusqu’à ce qu’il se refasse. Le graphique y apparaissant est un très bel exemple d’analyse de performance. Sur cette même page, l’appelant a indiqué qu’il avait accès à toutes les mains qu’il a jouées au cours de l’année sur les sites PokerStars et Full Tilt Poker. Sur son blogue du 31 octobre 2010, l’appelant a indiqué qu’il avait joué 88 000 mains en une seule semaine.

[61] Dans son blogue du 12 novembre 2010, l’appelant a fait référence à la victoire de monsieur Jonathan Duhamel au championnat du monde de poker en y indiquant notamment qu’il avait acheté une participation de 5 % de monsieur Jonathan Duhamel dans l’évènement et que, la veille de la finale, il avait soupé avec lui et trois autres joueurs pour préparer une stratégie de jeu pour profiter au maximum du fait que monsieur Jonathan Duhamel avait plus de jetons que son adversaire parce qu’il avait éliminé plus de joueurs.

[62] Lors du contre-interrogatoire de l’appelant, l’intimé a mis en preuve des extraits d’entrevues accordées par l’appelant et des commentaires qu’il a formulés sur le forum de discussions du site PokerCollectif.

[63] Lors d’une entrevue mise sur internet le 20 mars 2008, alors que l’appelant était en voyage en Australie, l’appelant a fourni des informations sur sa stratégie de jeu. Il a dit qu’il jouait de façon agressive en misant fort et en faisant beaucoup de surenchère (« bluff »). Il a également mentionné qu’il lui arrivait souvent d’ajouter de l’argent dans le pot sans y être obligé, pour mettre ses adversaires hors de leur zone de confort et pour qu’il soit difficile pour ces derniers de s’adapter.

[64] Dans une entrevue datée du 27 octobre 2009 et publiée sur internet, l’appelant a indiqué qu’il utilisait le logiciel de poker HUD qui affiche en temps réel les statistiques des joueurs contre qui il jouait mais qu’il ne s’en servait que pour se rappeler le point de chute (« preflop range ») approximatif de chaque joueur.

[65] Pour démontrer la notoriété de l’appelant comme joueur de poker, l’intimé a mis en preuve des extraits du livre de Simon Gravel, intitulé « Les maîtres du poker » dont celui-ci : « Giguère qui fait la loi sur les tables à 1 000 $, possède un style inimitable. On ne peut plus parler de joueur agressif, il fait davantage penser à un agitateur, un provocateur ou carrément à un maniaque, selon les termes usités. […]. Dr. Giggy n ’est pas toujours en train de « bluffer ». Sa facilité à se faire payer ses grosses mains explique sa présence fréquente parmi les trente plus grands gagnants au monde dans les bilans mensuels. » L’appelant a reconnu que les extraits du livre qui le concerne reflètent bien le contenu de l’entrevue téléphonique qu’il a eu avec M. Gravel.

[66] L’appelant a également reconnu qu’il cherchait à se faire connaître en participant aux forums de discussions sur le site de PokerCollectif. À cet égard, l’intimé a mis en preuve des extraits où l’appelant à « posté » des mains avec des « bluffs » peu orthodoxes pour créer des discussions sur ceux qui ont bien fonctionné ou non. Ces extraits sont intéressants parce qu’ils démontrent la psychologie du jeu.

Témoignage du vérificateur

[67] Monsieur Mathieu Marois a témoigné pour le compte de l’ARC en tant que vérificateur du dossier de l’appelant. Il est un expert en évaluation d’entreprise et il détient un baccalauréat en administration des affaires et un certificat en comptabilité, C.G.A., C.B.V. et E.E.E.

[68] Le rapport de vérification en date du 11 mars 2013 a été déposé en preuve et les faits qui y sont énoncés n’ont pas été contestés sauf pour ce qui est des conclusions tirées des extraits des divers forums et blogues disponibles en ligne sur internet qui n’ont pas été mis en preuve par l’intimé. La période de vérification couvre les années d’imposition 2008 à 2011.

[69] L’appelant a répondu à un questionnaire sur ses habitudes de jeu au début de la vérification mais une entrevue initiale avec l’appelant n’a pu être effectuée parce que son représentant d’alors s’est opposé à une telle rencontre et à toute communication directe avec l’appelant.

[70] Selon les informations fournies par l’appelant, il exerce principalement ses activités sur des sites de poker en ligne suivants : PokerStars, Full Tilt Poker, PartyPoker et Ultimatebet. Il participe également à des tournois de poker en personne dont les World Series of Poker à Las Vegas et le WRT à Niagara Falls.

[71] Selon l’appelant, il joue environ 10 heures par semaine au poker en ligne à un rythme variant entre zéro et cinq fois par semaine, ce qui représente environ 8 000 à 10 000 mains par semaine.

[72] L’appelant a reconnu avoir utilisé les logiciels Hold ’em Manager et PokerTracker qui conservent ses statistiques, son historique de jeux ainsi que plusieurs autres données pertinentes à ses activités de poker. L’appelant a soutenu qu’il n’avait pas conservé ses statistiques aux jeux alors que le vérificateur a été en mesure de constater le contraire.

[73] L’appelant n’a fourni aucun registre de jeux des sites de poker en ligne qu’il a fréquentés, ni les statistiques de jeux enregistrés dans les logiciels qu’il utilisait lorsqu’il jouait au poker en ligne. Le représentant de l’appelant a mentionné par écrit que le registre de jeux du site Full Tilt Poker n’était pas disponible et que lui et son client ne feraient pas de démarches auprès des autres sites de jeux sur internet pour obtenir lesdits registres.

[74] Les revenus d’entreprise non-déclarés de l’appelant ont été établis à partir de la méthode de l’avoir net après vérification des registres bancaires personnels de l’appelant, de ses relevés de cartes de crédit, du rapport d’Equifax, du registre foncier relatif à la résidence acquise par l’appelant, située au 3637 rue Robert- Lepage à Québec, du dossier de l’appelant auprès de la Société d’assurance automobile du Québec, des diverses entrevues accordées par l’appelant et des autres informations concernant l’appelant disponibles sur internet.

[75] L’avoir net de l’appelant a été complété après avoir considéré un document intitulé « Sommaire de l’actif et du passif à partir de février 2012 » que le représentant de l’appelant a remis lors d’entrevue initiale avec ce dernier. Les écarts globaux démontrés par l’avoir net concordent avec ceux démontrés par l’analyse des dépôts.

[76] Puisque le poker constitue la seule activité génératrice de revenu de l’appelant, le vérificateur a considéré que les écarts établis par avoir net proviennent exclusivement de gains du poker qui n ’ont pas été déclarés. Selon le vérificateur, les gains de poker de l’appelant proviennent de ses joutes en ligne, des tournois de poker en personne, des échanges « SWAP » de parts du coût d’entrée des différents tournois avec d’autres joueurs (par exemple, l’appelant a échangé des parts au World Series of Poker de 2010 avec le champion Jonathan Duhamel, ce qui lui a permis de réaliser un profit de près de 450 000 $ et de ses activités de « coach » de poker pour lesquelles il est rémunéré entre 100 $ et 400 $ l’heure pour partager ses connaissances avec d’autres joueurs qui comme lui, se spécialisent dans le poker en ligne.

[77] Les activités de poker de l’appelant lui ont permis de générer un profit de plus de 1 700 000 $ sur une période de quatre ans.

[78] Toujours selon le rapport du vérification, l’appelant a été en mesure de faire l ’acquisition de trois actifs importants au cours de la période de vérification à l’aide de ses gains de poker. Il s’est procuré une automobile de marque Buick Enclave 2008 au coût de 43 855 32 $ qu’il a payé par chèque. Il a acquis 40% d’une résidence pour un coût total de 527 500 $ à laquelle n’est greffé aucun prêt et il a acquis un condominium en Floride au coût de 267 777 17 dollars américains par transfert bancaire. Ces acquisitions d’actifs démontrent que l’appelant croit être en mesure de continuer à réaliser des profits importants et qu’il sera en mesure de continuer à subvenir à ses besoins dans le futur à l’aide des profits de poker.

Expertises présentées par l’intimé

[79] L’expert présenté par l’intimé est monsieur Randal D. Heeb, PhD (Economics), économiste-conseil et associé de la firme de consultation économique Bates White LLC. La Cour a reconnu monsieur Heeb à titre d’expert en économie et en théorie du jeu. Il est un joueur de poker professionnel aux États-Unis et il joue avec succès au poker depuis plus de 25 ans tant en présentiel qu’en ligne. Il a témoigné et produit des rapports dans cinq causes dont une au Canada, Cohen c. La Reine, 2011 CCI 262.

[80] Son mandat était de résumer et de mettre à jour les opinions qu’il a exprimées dans le cadre de la cause intitulée United States v. Di Cristina, entendue en 2012 par le US District Court of the Eastern District of New York, 2012 U.S. Dist. Lexis 118037, dans un rapport d’expert initial daté du 5 juillet 2012, dans un rapport d’expert supplémentaire daté du 13 août 2012 et dans une déclaration datée du 20 août 2012, lesquels portaient sur la question de savoir si l’habileté prédominait sur la chance dans les parties de poker de type Texas Hold’em sans limite jouées en ligne.

[81] L’expert Heeb a produit un rapport initial daté du 21 août 2020 auquel il a annexé les rapports produits dans le dossier Di Cristina. Après une analyse de données fournies par PokerStars, représentant 415 millions de mains de parties libres au jeu de Poker Texas Hold’em sans limite jouées sur le site de PokerStars (les « Données PokerStars ») dans ce litige américain, et après une analyse de données obtenues de HandHQ, une source de données indépendante, représentant des données d’observation de plus de 170 millions de mains de poker de PokerStars pour la même période, soit d’avril 2010 à mars 2011, au même niveau de jeu des Données PokerStars (il faut comprendre ici que ces données sont essentiellement des données sous-jacentes aux Données PokerStars, telles qu’observées par une source indépendante), l’expert Heeb a conclu que le poker est un jeu où l’habileté et la chance jouent un rôle dans les résultats mais que l’habileté des joueurs prévalait sur la chance au poker.

[82] Son opinion se fonde notamment sur les facteurs suivants :

  • le jeu de poker est un jeu qui implique un nombre considérable de décisions complexes qui peuvent influencer les résultats;

  • de nombreuses personnes vivent du poker et gagnent régulièrement;

  • les joueurs qui ont du succès gagnent régulièrement plus que les joueurs qui ont moins de succès et ce, virtuellement, avec toutes les mains de départ;

  • le niveau d’habileté des joueurs basé sur l’analyse statistique des Données PokerStars en tenant compte des nombreuses variables concernant les statistiques et les tactiques utilisées par les joueurs est un bon indicateur des résultats (i.e. combien d’argent un joueur gagne par partie jouée);

  • les techniques de simulation Monte Carlo ont démontré que les joueurs les plus habiles dominaient les joueurs les moins habiles, à tous les niveaux de jeu. Cet exercice visant à déterminer après combien de mains un joueur habile pouvait dominer un joueur moins habile dans au moins 90% des cas (i.e. de gagner plus d’argent ou de perdre moins d’argent);

  • plusieurs autres tests indépendants dont chacun tendant à établir que l’habileté prédominait sur le hasard au jeu du poker, ont procuré un niveau de confiance très élevé en cette conclusion;

  • l’analyse des jeux en argent en ligne du Texas Hold’em sans limite joués à des tables de six joueurs au maximum aux niveaux de 0,50 c/1 $ jusqu’à 10 $/20 $, a permis à l’expert de formuler l’opinion que le jeu de poker est un jeu où l’habileté prédomine sur la chance, et ce, pour plusieurs autres jeux de poker similaires;

  • le poker en présentiel accorde une place plus grande à l’habileté des joueurs parce que ces derniers doivent « lire » leurs adversaires et déduire les cartes que ces adversaires ont en leur possession;

  • en réponse à une question de la Cour dans l’affaire Di Cristina, l’expert Heeb a exprimé, qu’à son avis, le ratio d’habileté au poker par rapport à la chance est d’au moins 81% pour l’habileté et de 19% pour la chance, après 300 mains de jeu. Après 3 000 mains, l’habileté domine nettement la chance;

  • en réponse aux arguments et aux observations formulées par l’expert retenu par le gouvernement américain, le Dr. David DeRosa, dans la cause Di Cristina, l’expert Heeb a expliqué que la raison pour laquelle plus de joueurs perdent de l’argent plutôt qu’en gagner était attribuable aux frais exigés par l’opérateur des jeux de poker, communément appelés le « rake », qui est calculé en fonction d’un petit pourcentage déduit de chaque pot gagné;

  • dans sa déclaration datée du 20 août 2012 qui était en réponse à une lettre du gouvernement américain datée du 17 août 2012, l’expert Heeb, a entre autres choses, réfuté l’argument du gouvernement à l’effet que le degré d’habileté d’un joueur de poker devait être mesuré par rapport à chaque main jouée plutôt que sur une plus longue période reflétant le nombre réel de mains jouées.

[83] Dans la dernière partie de son rapport, l’expert Heeb a passé en revue la littérature académique traitant de l’habileté et de la chance au poker. L’étude la plus intéressante est celle menée en 2019 par des experts en informatique de l’Université Carnegie Mellon qui a démontré que Pluribus, une créature d’intelligence artificielle, a été capable de battre un groupe d’élite de cinq joueurs professionnels à une table de six joueurs jouant au Texas Hold’em sans limite via internet. L’étude d’une séquence de 10 000 mains a démontré que Pluribus a nettement dominé les joueurs professionnels.

[84] L’expert Heeb a produit un second rapport daté du 8 septembre 2020 en réponse à un mandat de la part de l’intimé d’évaluer si l’appelant a démontré une grande habileté au poker (si possible, jusqu’à quel degré) et si les gains de poker obtenus par l’appelant au cours des années 2009, 2010 et 2011 correspondaient à son niveau d’habileté. Pour réaliser son mandat, l’expert a consulté ses rapports en relation avec l’affaire Di Cristina et des documents publics dont le livre de Simon Gravel intitulé « Les Maîtres du poker », des entrevues, des extraits de forums de discussions et plusieurs autres documents et vidéos sur internet et des données de HandHQ concernant des mises de 0,50 ¢/1 $ jusqu’à 10 $/20 $.

[85] Selon les données de HandHQ, l’appelant a joué 58 946 mains et a gagné 25 563 $ pour une moyenne de 0,43 c par main au cours de la période du mois d’avril 2010 au mois de mars 2011. L’expert Heeb a comparé ces résultats avec ceux de trois groupes de comparaison, soit la « population totale » qui comprend l’ensemble des joueurs, les « joueurs récréatifs » qui comprend tous les joueurs qui ont joué moins de 1 000 mains et la moitié des joueurs qui ont joué plus de 1 000 mains, et les « joueurs très habiles » qui comprend la moitié des joueurs qui ont joué plus de 1 000 mains mais qui ont été exclus des « joueurs récréatifs » et qui ont réalisé un profit par main, supérieur à la moyenne dans leur premier deux-tiers de mains. La catégorie des « joueurs récréatifs » représentait 90.8 % des joueurs ayant joué aux parties 10 $/20 $ et 88.8 % des joueurs ayant joué aux parties 5 $/10 $. Par conséquent, la catégorie des « joueurs très habiles » représentaient 9.2 % des joueurs ayant joué aux parties 10 $/20 $ et 11.2 % des joueurs ayant joué aux parties 5 $/10 $.

[86] Les comparaisons entre les résultats de l’appelant et ceux des différents groupes de joueurs effectuées par l’expert Heeb lui ont permis de conclure que :

  • après 58 946 mains, la moyenne des résultats par main jouée pour les joueurs de la catégorie de la « population totale » est négative à 0,16 ¢ par main;

  • l’appelant à une grande probabilité d’obtenir des résultats plus profitables après 58 946 mains qu’un joueur faisant partie de la catégorie de la « population totale »;

  • sur une base annuelle, 37.5 % des joueurs de la catégorie des « joueurs très habiles », qui jouent le même nombre de mains et avec le même mélange de parties aux mises 5 $/10 $ et 10 $/20 $ que les parties jouées par l’appelant, ont une expectative d’obtenir un profit et les joueurs les plus habiles de cette catégorie sont capables de gagner régulièrement et de gagner leur vie en jouant au poker;

  • après 58 946 mains, les joueurs de la catégorie des « joueurs très habiles » ont 88.3 % plus de probabilités d’obtenir de meilleurs résultats que les « joueurs récréatifs »;

  • l’appelant est un joueur très habile dont les résultats de profit par main dominent non seulement les joueurs de la catégorie des « joueurs récréatifs » mais également la plupart des joueurs de la catégorie des « joueurs très habiles »;

  • les joueurs faisant partie de la catégorie des « joueurs récréatifs » ont une expectative de profit négative à 0.67 ¢ par main alors que l’appelant à un résultat réel positif de 0.43 ¢ par main, ce qui place l’appelant à un percentile de 99.96 % des joueurs de cette catégorie pour les résultats anticipés de profit. Un joueur de cette catégorie n’a que 0.04 % de chance de gagner autant que l’appelant après 58 946 mains, soit quatre joueurs sur 10 000 joueurs de cette catégorie;

  • par rapport aux joueurs de la catégorie des « joueurs très habiles », l’appelant se situe dans le 94 28ième percentile des joueurs en terme de gains.

[87] L’expert retenu par l’intimé a également produit un rapport de contre-expertise daté du 25 novembre 2020 suite au rapport du professeur Jeffrey Rosenthal, un des deux experts retenus par l’appelant. Suite à la révision du rapport du professeur Rosenthal, l’expert Heeb a maintenu les opinons qu’il a rendues dans ses deux rapports précédents. Selon lui, le poker est un jeu où la contribution de l’habileté des joueurs prédomine sur la contribution du facteur chance dans la détermination des résultats des parties. L’expert a, de plus, réaffirmé que l’appelant était un très habile joueur de poker car il se situe dans le percentile 95.95 % des gains par main des joueurs faisant partie de la catégorie de la « population totale » et dans le percentile 99.96 % des joueurs faisant partie de la catégorie des « joueurs récréatifs ».

[88] L’expert Heeb a également estimé que l’appelant avait une probabilité de 79.9 % de gagner la moyenne le salaire annuel d’un entrepreneur américain de 50 000 $ américains et qu’il avait une probabilité de 98.6 % de gagner un profit net annuel en présumant qu’il s’adonne au poker à plein temps.

[89] Le 14 juillet 2021, l’expert Heeb a produit un autre rapport de contre-expertise au rapport du Dr. Mathieu Dufour, un des deux experts retenus par l’appelant. Après avoir fait une révision exhaustive du rapport du Dr. Dufour, l’expert Heeb a maintenu toujours que le poker est un jeu d’habileté en ce sens que la contribution du facteur habileté est plus important que la contribution du facteur chance dans la détermination des résultats au poker. Contrairement à l’opinion du Dr. Dufour, l’expert Heeb est d’avis que l’appelant est un joueur très habile et que le succès financier substantiel et répété de ce dernier en jouant du poker est compatible avec son haut niveau d’habileté.

[90] L’expert Heeb a en premier lieu, abordé et réfuté les trois principaux points de désaccord soulevés par le Dr. Dufour, à savoir que :

  • les différents critères d’habileté utilisés ne sont pas indépendants;

  • les critères et les analyses proposés sont des critères pour déterminer si le degré d’habileté au poker est plus grand que zéro, et non pour déterminer si la contribution de l’habileté est plus grande que la contribution du facteur chance;

  • la mesure du degré d’habileté manque d’un indice de confiance (i.e. une marge d’erreur), n’a pas de définition non ambigüe, ne mesure pas le concept désiré d’habileté et ne génère pas de résultat constant.

[91] Par la suite, l’expert a clarifié des points qui portaient à confusion dont le critère d’habileté, le calcul du nombre de mains jouées et le rythme de jeu d’un joueur de poker professionnel qui joue en ligne. Concernant ce dernier point, l’expert Heeb a discuté de trois sources possibles de confusion.

[92] La première source de confusion concerne le nombre de parties jouées en personne par des professionnels. Selon l’expert Heeb, le rythme de jeu en personne d’un professionnel est environ de 30 mains par heure, soit 300 mains par session quotidienne de dix heures par session et 1 500 mains pour une semaine de 50 heures alors que les joueurs professionnels en ligne vont normalement jouer 50 mains à l’heure, et ce, pour chaque table à laquelle ils jouent.

[93] La seconde source de confusion concerne le nombre de tables auxquelles un joueur peut jouer en ligne simultanément. Selon l’expert Heeb, les joueurs expérimentés peuvent facilement jouer à quatre tables à la fois et certains joueurs peuvent même jouer jusqu’à 12 tables et plus en même temps. Un joueur qui joue à quatre tables simultanément pendant dix heures par jour et cinq jours par semaine aura jouer 10 000 mains dans une semaine (soit 50 mains à l’heure x 4 tables x 10 heures par jour x 5 jours par semaine).

[94] La troisième source de confusion concerne le rythme de jeu annuel de l’appelant parce que les experts se concentrent uniquement sur les données obtenues de HandHQ, qui réfèrent à une seule suite de jeu (PokerStars) et seulement pour les mises de 0.50 ¢/1 $ à 10 $/20 $ et pour une période de 12 mois se terminant en mars 2011. Dans le cas de l’appelant, seulement 58 946 mains ont été prises en compte alors qu’il a reconnu avoir joué intensément sur au moins deux autres sites, soit sur Full Tilt Pocker et PartyPoker. Par conséquent, le nombre de mains jouées par l’appelant dont il a été tenu compte ne représente qu’une infime partie du nombre de mains réellement jouées dans une année.

[95] L’expert Heeb a apporté des précisions concernant le taux de commission exigé par le site PokerStars (le « rake ») parce que le Dr. Dufour a présumé que ce taux était de 5 % des mises. Selon l’expert Heeb, ce taux est incorrect et a pour effet de biaiser substantiellement l’impact du « rake ». Le taux réel du « rake » exigé par le site PokerStars est d’environ 5% jusqu’à un maximum de 3 $ pour les mises de 5 $/10 $ et de 10 $/20 $. Lorsque le pot d’une partie atteint 60 $, il n’y a pas de « rake » additionnel. L’effet du « rake » par main par joueur pour la période au cours de laquelle les données de PokerStars sont disponibles est de 0.18 ¢ par main par joueur pour les mises de 10 $/20 $ et de 0.16 ¢ par main par joueur pour les mises de 5 $/10 $.

Expertises présentées par l’appelant

[96] Un premier expert mandaté par le procureur de l’appelant est monsieur Jeffrey S. Rosenthal, lequel détient un BSc en mathématiques et physique et en science informatique de l’Université de Toronto (1988) et un doctorat en mathématiques de l’Université de Harvard (1992). Depuis 1993, il est professeur de statistiques à l’Université de Toronto.

[97] Son mandat consistait à évaluer les contributions relatives du facteur habileté et du facteur chance des joueurs de poker en ligne et, en particulier de réviser et commenter les différents rapports et conclusions de l’expert Heeb dans le cadre du litige de l’appelant avec l’ARC. Le professeur Rosenthal a produit un rapport daté du 19 octobre 2020 et il a témoigné à l’audience. Pour exécuter son mandat, le professeur Rosenthal a eu accès aux différents rapports de l’expert Heeb dans la cause Di Cristina et dans la cause de l’appelant et de celles de messieurs Philippe D’Auteuil et Antoine Bérubé, ainsi qu’à des dossiers financiers et à des courriels concernant les gains et les pertes de l’appelant résultant de son jeu en ligne et aux données détaillées portant sur les 187 millions de parties jouées en ligne sur le site de PokerStars au cours de la période d’avril 2020 à mars 2011.

[98] Essentiellement, la position du professeur Rosenthal est que les conclusions de l’expert Heeb à l’effet que l’appelant est un joueur extrêmement habile et que cette habileté domine grandement sur le facteur chance après quelques milliers de mains ne sont pas adéquatement démontrées et sont mêmes contredites par les résultats réels obtenus par l’appelant, lesquels montrent des probabilités significatives de pertes et de longues périodes de pertes substantielles.

[99] Le professeur Rosenthal a observé une circularité dans l’analyse de l’expert Heeb en ce sens que les joueurs ont été sélectionnés dans différentes catégories et évalués en utilisant les mêmes données de l’année. La même chose s’est produite afin de mesurer les statistiques du modèle de paris et les gains réalisés au poker.

[100] Dans le cas particulier de l’appelant, le professeur Rosenthal a observé que son pourcentage d’habileté, calculé selon la formule de l’expert Heeb, était estimé être entre 0 % et 2.4 % (basé sur une seule main), de 20 % à 50 % (sur une base mensuelle) et de 59.9 % (sur une base annuelle). Au cours de la période où les données étaient disponibles, l’appelant a connu une longue période de pertes (deux mois) ce qui n’est pas conforme aux modèles de gains conçus par l’expert Heeb pour les joueurs les plus habiles. Au niveau recommandé de 3 000 mains, le pourcentage d’habileté estimé de l’appelant n’excède pas 16.2 %.

[101] Le deuxième expert mandaté par le procureur de l’appelant est le Dr. Matthieu Dufour lequel détient un doctorat en mathématiques de l’Université de Montréal et est un associé de la Société des actuaires. Monsieur Dufour est depuis 2001 professeur d’actuariat au Département de mathématiques à l’Université du Québec à Montréal et il a publié plusieurs articles sur la théorie des jeux.

[102] Son mandat, à titre d’expert indépendant en mathématiques, en théorie des jeux, en théorie des probabilités et en actuariat, était d’analyser et de déterminer la part du hasard dans le résultat du jeu de poker de type Texas Hold’em et d’établir s’il est possible d’y jouer avec une espérance de gain positive à long terme.

[103] Le professeur Dufour a produit un rapport daté 11 juin 2021 de même qu’une réplique datée du 11 août 2021 à la réponse de l’expert Heeb à son rapport. Pour exécuter son mandat, le professeur Dufour a eu accès aux avis d’appel et aux réponses aux avis d’appel concernant l’appelant et à tous les rapports d’expertise produits par l’expert Heeb et par le professeur Rosenthal dans le dossier de l’appelant.

[104] Le professeur Dufour a témoigné à l’audience. Son témoignage et son rapport ont fait ressortir trois principaux points de désaccord avec les conclusions de l’expert Heeb. Ces points de désaccord sont les suivants :

  • - les critères d’évaluation de l’expert Heeb ne sont pas indépendants et ils constituent tous des variations d’un seul et même critère, i.e., la constatation qu’en moyenne, les meilleurs joueurs de son échantillon font mieux que les moins bons. L’habilité des joueurs peut justifier une certaine part de leurs succès, mais la démonstration de l’expert Heeb au moyen de ses graphiques, est erronée, car les mêmes types de graphiques sont obtenus avec des résultats purement aléatoires pour lesquels seul le hasard est en cause;

  • - en aucun moment, l’expert Heeb a démontré que l’habilité est prépondérante sur la chance au poker;

  • - « la mesure de contribution de l’habilité » d’un joueur de poker, telle qu’élaborée par l’expert Heeb, ne répond à aucun des critères nécessaires à une mesure statistique robuste et fiable, à savoir une définition non ambigüe, l’existence d’un intervalle de confiance (marge d’erreur) une capacité à mesurer la chose voulue et une cohérence dans les résultats (valeurs négatives).

[105] Le professeur Dufour a également conclu que l’analyse des résultats de l’appelant pendant la période d’avril 2010 à mars 2011 de 0.40 ¢ par main lui procure une probabilité a priori de terminer l’année avec au moins le gain qu’il a obtenu n’est que de 20.9 %, ce qui est absolument non remarquable et ne ressort nullement de la moyenne.

[106] Dans sa réplique à la réponse de l’expert Heeb, le professeur Dufour a notamment traité des questions suivantes :

  • - la confusion entourant les conclusions à l’effet que « Il y a au poker de l’habilité » (conclusion courte) et « Au poker, l’habilité prédomine » (conclusion erronée);

  • - le critère d’évaluation de la « mesure d’habilité »; et

  • - la capacité d’un joueur aguerri à tirer parti des faiblesses de ses adversaires dans le jeu en ligne.

[107] Concernant la « prédominance de l’habilité », le professeur Dufour a souligné que l’expert Heeb n’a pas défini précisément la signification de cette notion.

[108] Concernant le critère d’évaluation de la « mesure d’habilité », le professeur Dufour a soutenu que ce test ne respecte pas les standards minimums de crédibilité pour un test statistique, notamment à cause de l’absence de toute mesure d’intervalle de confiance qui viendrait valider ce test.

[109] Concernant la capacité pour un joueur aguerri à tirer parti des faiblesses de ses adversaires dans le jeu en ligne, le professeur Dufour a affirmé, en se basant sur les théorèmes mathématiques de la théorie des jeux, que la chance était largement dominante dans le succès d’un joueur et que, pour cette raison, il faut un grand nombre de mains pour qu’un joueur beaucoup plus fort qu’un autre finisse par l’emporter de façon convaincante. Selon lui, il n’a pas été démontré que l’appelant avait un talent particulier qui lui permettait de détecter si ses adversaires en ligne « bluffaient » ou non.

Les dispositions législatives applicables

[110] Les dispositions de la Loi applicables au présent litige sont l’alinéa 3a), le paragraphe 9(1), l’alinéa 40(2)f) et le paragraphe 248(1).

[111] L’alinéa 3a) prévoit que, dans le calcul de son revenu, le contribuable doit inclure le revenu provenant d’une source au Canada ou à l’étranger, y compris le revenu tiré d’une entreprise. Le paragraphe 9(1) prévoit que le revenu que le contribuable tire d’une entreprise pour une année d’imposition est le bénéfice qu’il en tire pour cette année. L’alinéa 40(2)f) prévoit que le gain ou la perte d’un contribuable résultant de la disposition d’une chance de gagner un prix ou un pari ou d’un droit de recevoir une somme comme prix ou comme enjeu d’un pari est réputé être nul. Le paragraphe 248(1) précise que la définition du terme « entreprise » comprend les professions de même que les activités de quelque genre que ce soit et les projets comportant un risque ou les affaires de caractère commercial.

[112] Ces dispositions de la Loi se lisent comme suit :

Revenu pour l’année d’imposition

3 Pour déterminer le revenu d’un contribuable pour une année d’imposition, pour l’application de la présente partie, les calculs suivants sont à effectuer :

a) le calcul du total des sommes qui constituent chacune le revenu du contribuable pour l’année (autre qu’un gain en capital imposable résultant de la disposition d’un bien) dont la source se situe au Canada ou à l’étranger, y compris, sans que soit limitée la portée générale de ce qui précède, le revenu tiré de chaque charge, emploi, entreprise et bien;

Revenu

9 (1) Sous réserve des autres dispositions de la présente partie, le revenu qu’un contribuable tire d’une entreprise ou d’un bien pour une année d’imposition est le bénéfice qu’il en tire pour cette année.

Perte

(2) Sous réserve de l’article 31, la perte subie par un contribuable au cours d’une année d’imposition relativement à une entreprise ou à un bien est le montant de sa perte subie au cours de l’année relativement à cette entreprise ou à ce bien, calculée par l’application, avec les adaptations nécessaires, des dispositions de la présente loi afférentes au calcul du revenu tiré de cette entreprise ou de ce bien.

[…]

40(2) f) est nul le gain ou la perte du contribuable résultant de la disposition :

(i) soit d’une chance de gagner un prix ou un pari,

(ii) soit d’un droit de recevoir une somme comme prix ou comme enjeu d’un pari,

à l’occasion d’une loterie ou d’un pari collectif mentionné à l’article 205 du Code criminel;

[…]

248(1) entreprise Sont compris parmi les entreprises les professions, métiers, commerces, industries ou activités de quelque genre que ce soit et, sauf pour l’application de l’alinéa 18(2)c), de l’article 54.2, du paragraphe 95(1) et de l’alinéa 110.6(14)f), les projets comportant un risque ou les affaires de caractère commercial, à l’exclusion toutefois d’une charge ou d’un emploi. (business)

I. Analyse et conclusion

[113] Il ne fait aucun doute que le jeu de poker de type Texas Hold’em sans limite est un jeu de hasard et d’habileté. Les experts retenus par les parties s’entendent sur ce point. Le désaccord entre les experts porte essentiellement sur les conclusions de l’expert Heeb à l’effet que l’habileté prévaut sur le hasard.

[114] Cette question, quoique très intéressante, n’est pas vraiment pertinente pour déterminer si l’appelant exploitait ou non une entreprise au cours des années en litige, parce que, contrairement aux prétentions de l’appelant, le poker n’est pas un jeu de type « pari » visé par l’alinéa 40(2)f) de la Loi. Le droit de recevoir une somme comme enjeu d’un pari n’est pas gagné à l’occasion d’une loterie ou d’un pari collectif mentionné à l’article 205 du code criminel. Mentionnons ici que l’article 205 du code criminel a par ailleurs été aboli par la loi de 1985, L.R. ch. 52 (1er suppl.) a.1 sanctionné le 20 décembre 1985.

[115] D’une façon générale, les parties s’entendent sur les critères à utiliser pour déterminer si l’appelant exploitait ou non une entreprise (voir les paragraphes 12 à 19 et les paragraphes 29 à 34). Leurs divergences proviennent de l’application de ces critères aux faits qui sont propres à l’appelant.

[116] Au cours des années 2009, 2010 et 2011, les activités de poker de l’appelant étaient beaucoup plus qu’un divertissement. Il jouait au poker pour gagner sa vie; en ce sens, il était un joueur de poker professionnel. Il jouait au poker de façon non récréative dans le but de dégager un profit. Il organisait sa vie en fonction du poker. Il jouait même en vacances et il payait ses voyages avec ses gains de poker.

[117] Les activités de poker de l’appelant, à savoir le jeu, l’enseignement et sa participation à des forums de discussions, représentaient sa seule source de revenus. Il y consacrait la presque totalité de son temps à part dormir, manger et festoyer.

[118] Le jeu représentait de loin la principale activité de poker à laquelle l’appelant s’adonnait. L’appelant a affirmé avoir consacré seulement cinq heures par semaine à ses activités d’enseignement du poker et seulement cinq heures par semaine aux forums de discussions consacrés au poker en ligne.

[119] Dans sa réponse au questionnaire de l’ARC et lors de son témoignage, l’appelant a grandement sous-estimé le nombre d’heures consacrées au jeu de poker et le nombre de mains jouées. L’appelant n’a pas fourni ses registres de jeu et il a estimé qu’il y jouait environ 10 heures par semaine, ce qui représentait de 8 000 à 10 000 mains jouées par semaine. Lors de l’audience, l’intimé a démontré que l’appelant jouait plus de 50 000 à 60 000 mains par mois à un taux de 765 mains par heure et qu’il a même joué 86 000 mains en octobre 2010. L’appelant a également reconnu, lors de l’audience, qu’en 2008 et 2009, il jouait au poker environ 30 heures par semaine et que, par la suite, son temps de jeu était à la baisse.

[120] Dans les faits, l’appelant consacrait la quasi-totalité de son temps à ses activités de poker. Lors de son témoignage, il a répliqué qu’il consacrait peu ou pas de temps à l’entretien de la résidence qu’il a acquise en 2008 avec monsieur Philippe D’Auteuil. La politique de la maison en était une de porte ouverte et de grosses fêtes de 50 à 100 personnes y étaient souvent organisées. Selon lui, l’eau de la piscine était mal entretenue, les vidanges restaient dans le garage et les femmes de ménage se décourageaient et se succédaient à tour de rôle.

[121] Clairement, l’appelant a développé une dépendance au jeu de poker. Le jeu de poker était pour lui une obsession et il pouvait jouer plus de 24 heures consécutive.

[122] Avant 2008, l’appelant s’adonnait au jeu de poker de façon récréative et amicale. Il n’a jamais suivi ou eu une formation particulière sur le jeu de poker. Il a témoigné à l’effet qu’il regardait des tournois de poker diffusés à la télévision, qu’il consultait des forums et des blogues sur divers sites internet et qu’il a lu quelques livres sur le jeu de poker. Il a surtout appris en jouant avec ses amis 3 ou 4 fois par semaine et, par la suite, un volume important de mains sur les sites de poker en ligne.

[123] La vérification effectuée par l’ARC a démontré que l’appelant avait un avoir net de 101 877 $ en 2007 et de 321 555 $ en 2008. L’appelant a lui-même estimé ses gains de poker à 290 000 $ en 2008, soit un montant supérieur aux gains cotisés par l’ARC de 250 679 $.

[124] Les gains de l’appelant provenant de ses activités de jeu de poker ont été au minimum de 250 679 $ en 2008, 573 882 $ en 2009, 156 855 $ en 2010 et de 468 614 $ en 2011, soit un total de plus de 1 450 000 $ sur une période de 4 ans. Ces résultats font la démonstration que l’appelant avait une capacité de réaliser des profits sur une base annuelle constante et régulière même si l’appelant ne pouvait contrôler de façon prévisible les résultats des parties de poker qu’il jouait.

[125] À ce niveau de gains sur une aussi longue période, l’appelant pouvait raisonnablement s’attendre à pouvoir gagner sa vie en jouant au poker et même de lancer une carrière de joueur professionnel. Les achats du condominium en Floride et de la résidence à Québec démontrent que l’appelant avait confiance de réaliser ses objectifs.

[126] Les gains de jeu de l’appelant étaient également accessoires à ses activités de « coaching » dont les revenus ont été de 46 315 $ en 2008, 47 775 $ en 2009 et de 51 222 $ en 2010, soit plus de 145 000 $ sur une période de 3 ans.

[127] Malgré son mode de vie hors norme, l’appelant avait un comportement d’homme d’affaires sérieux. Il jouait au poker pour gagner. Il avait des stratégies qu’il adaptait selon les niveaux de tables et la force de ses adversaires. Il jouait un fort volume de mains sur des tables de basses limites avec des joueurs plus faibles. Il utilisait des logiciels qui lui permettaient d’obtenir des informations et des statistiques sur les tendances de jeu de ses adversaires. Il faisait le suivit de ses gains sur les sites de jeu à l’aide de deux logiciels qui lui permettait également d’analyser sur propres statistiques mensuelles.

[128] L’appelant a adopté des normes objectives de gestion et de minimisation de risques. Lorsqu’il participait à des tournois en présentiel, il partageait et vendait souvent des parts à d’autres joueurs en fonction des coûts d’entrée aux tournois et il achetait lui-même des parts d’autres joueurs, la plus célèbre étant la participation de 5 % de monsieur Jonathan Duhamel aux séries mondiales de poker de Las Vegas. Lorsque la compte de l’appelant sur le site de Full Tilt Poker a été gelé, l’appelant a alors considéré vendre à rabais la solde du compte qui s’élevait alors à plus de 100 000 $. Ces faits démontrent que les activités de poker de l’appelant avaient pour but à la fois de diminuer ses risques de pertes et de maximiser ses revenus. L’appelant réinvestissait constamment une partie de ses gains de poker dans le jeu.

[129] Compte tenu de ce qui précède, je viens à la conclusion que, selon la prépondérance des probabilités, l’appelant avait l’intention subjective de réaliser un profit en s’adonnant à ses activités de poker et qu’il utilisait son expertise et ses habilités pour gagner sa vie au poker, un jeu de hasard où l’habilité entre fortement en ligne de compte.

[130] En rédigant ces motifs, j’ai eu l’opportunité de lire le jugement que ma collègue, madame la juge Dominique Lafleur, a rendu le 22 juin 2022, dans le dossier de monsieur Jonathan Duhamel (réf, 2022 CCI 66). La juge Lafleur a accueilli l’appel de monsieur Duhamel, un autre joueur de poker. À mon avis, il n’y a pas d’incompatibilité entre le présent jugement et celui de la juge Lafleur parce que chaque cas est un cas d’espèce. Les critères utilisés pour déterminer si les gains tirés des activités du jeu de poker de l’appelant et de monsieur Duhamel doivent être inclus dans le calcul de leur revenu respectif à titre de revenu d’une source qui est une entreprise sont les mêmes mais l’application de ces critères aux faits qui sont propres à chacun des appelants a engendré des résultats différents. Le même exercice devra être fait à l’égard des appels de monsieur Antoine Bérubé et de monsieur Philippe D’Auteuil entendus concurremment et consécutivement aves les appels de l’appelant.

[131] Pour toutes ces raisons, (a) les appels à l’encontre des nouvelles cotisations établies en date du 3 avril 2013 concernant les années d’imposition 2009 et 2010 de l’appelant sont rejetés sans frais, et (b) l’appel à l’encontre de la nouvelle cotisation établie en date du 3 avril 2013 concernant l’année d’imposition 2011 est accueilli partiellement sans frais et ladite cotisation est déférée à la ministre du Revenu national pour nouvel examen et nouvelle cotisation afin de diminuer le revenu imposable de l’appelant pour l’année d’imposition 2011 d’un montant de 279 830 $.

Ces motifs de jugement modifiés sont émis en remplacement des motifs du jugement daté du 25 novembre 2022.

Signé à Montréal, Québec, ce 21e jour de décembre 2022.

« Réal Favreau »

Juge Favreau


 

RÉFÉRENCE :

 

2022 CCI 132

Nº DES DOSSIERS DE LA COUR :

2014-1786(IT)G

2014-1787(IT)G

INTITULÉ DE LA CAUSE :

Martin Fournier Giguère et SMR

LIEU DE L’AUDIENCE :

Québec (Québec)

DATES DE L’AUDIENCE :

les 13, 14, 15, 16, 20, 21, 22 et 23 septembre 2021

MOTIFS DE JUGEMENT PAR :

L'honorable juge Réal Favreau

DATE DU JUGEMENT :

Le 25 novembre 2022

DATE DU JUGEMENT MODIFIÉ

Le 21 décembre 2022

COMPARUTIONS :

Avocats de l’appelant :

Me Danny Galarneau

Me Bénédicte Dupuis

Avocats de l'intimé :

Me Grégoire Cadieux

Me Sonia Bédard

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Pour l’appelant:

Nom :

Me Danny Galarneau

Me Bénédicte Dupuis

Cabinet :

Fasken Martineau Du Moulin sencrl

Pour l’intimé :

François Daigle

Sous-procureur général du Canada

Ottawa, Canada

 

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