Jugements de la Cour canadienne de l'impôt

Informations sur la décision

Contenu de la décision

Dossier : 2022-558(IT)G

ENTRE :

BELLEVUE FÉLIX,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LE ROI,

intimé.

 

Requête présentée par voie d’observations écrites, à Ottawa, Canada


Devant : L’honorable juge Dominique Lafleur

Comparutions :

Pour l’appelant :

L’appelant lui-même

Avocats de l’intimé :

Me Antoine Lamarre

Me Noémie Vespignani

 

ORDONNANCE

VU l’avis de requête de l’intimé (la « requête ») du 18 mai 2022 afin d’obtenir une ordonnance radiant certains passages de l’avis d’appel conformément à l’alinéa 53(1)d) des Règles de la Cour canadienne de l’impôt (procédure générale), sans autorisation de modifier l’avis d’appel, à savoir :

  • i) les paragraphes 36 à 50 à la section A de l’avis d’appel, intitulée « Les faits pertinents qui servent de fondement à l’appel »;

  • ii) les questions (ii), (iii), (iv) et (v) à la section B de l’avis d’appel, intitulée « Les points en litige »;

  • iii) les paragraphes 65, 70, 73 à 91, 96 (y compris tous les sous‐paragraphes) et 97 à 100 à la section D de l’avis d’appel, intitulée « Les moyens »;

  • iv) à la section E de l’avis d’appel, intitulée « Conclusions recherchées », les conclusions correspondantes aux questions (ii), (iii), (iv) et (v) à la section B de l’avis d’appel intitulée « Les points en litige », soit les troisième et quatrième conclusions à la page 28 de l’avis d’appel, la première conclusion à la page 29 de l’avis d’appel ainsi que la conclusion subsidiaire de l’avis d’appel;

VU les documents déposés au dossier et la demande que la requête soit tranchée sur dossier sans comparution des parties;

ET VU les observations écrites des parties;

ET VU le consentement de l’appelant à ce que soient radiés la question (v) à la section B de l’avis d’appel, intitulée « Les points en litige », les paragraphes 97 à 100 à la section D de l’avis d’appel, intitulée « Les moyens », et la première conclusion à la page 29 à la section E de l’avis d’appel, intitulée « Conclusions recherchées »;

LA COUR ORDONNE CE QUI SUIT :

  1. Pour les motifs ci-joints, la requête est accueillie avec dépens à l’intimé et les passages suivants de l’avis d’appel sont radiés :

  • i) les paragraphes 36 à 50 à la section A de l’avis d’appel, intitulée « Les faits pertinents qui servent de fondement à l’appel »;

  • ii) les questions (ii), (iii) et (iv) à la section B de l’avis d’appel, intitulée « Les points en litige »;

  • iii) les paragraphes 65, 70, 73 à 91 et 96 (y compris tous les sous‐paragraphes) à la section D de l’avis d’appel, intitulée « Les moyens »;

  • iv) à la section E de l’avis d’appel, intitulée « Conclusions recherchées », les conclusions correspondantes aux questions (ii), (iii) et (iv) à la section B de l’avis d’appel intitulée « Les points en litige », soit les troisième et quatrième conclusions à la page 28 de l’avis d’appel ainsi que la conclusion subsidiaire de l’avis d’appel.

  1. Vu le consentement de l’appelant, les passages suivants de l’avis d’appel sont également radiés :

  • i) la question (v) à la section B de l’avis d’appel, intitulée « Les points en litige »;

  • ii) les paragraphes 97 à 100 à la section D de l’avis d’appel, intitulée « Les moyens »;

  • iii) à la section E de l’avis d’appel, intitulée « Conclusions recherchées », la première conclusion à la page 29.

  1. L’appelant n’est pas autorisé à modifier l’avis d’appel.

  2. Au plus tard 60 jours suivant la date de la présente ordonnance, l’intimé dépose et signifie la réponse à l’avis d’appel.

Signé à Ottawa, Canada, ce 18e jour de janvier 2023.

« Dominique Lafleur »

Juge Lafleur


Référence : 2023 CCI 5

Date : 2023 01 18

Dossier : 2022-558(IT)G

ENTRE :

BELLEVUE FÉLIX,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LE ROI,

intimé.


MOTIFS DE L’ORDONNANCE

La juge Lafleur

I. La requête

[1] L’intimé a déposé un avis de requête (la « requête ») du 18 mai 2022 afin d’obtenir une ordonnance radiant certains passages de l’avis d’appel conformément à l’alinéa 53(1)d) des Règles de la Cour canadienne de l’impôt (procédure générale), sans autorisation de modifier l’avis d’appel, à savoir :

  • i) les paragraphes 36 à 50 à la section A de l’avis d’appel, intitulée « Les faits pertinents qui servent de fondement à l’appel »;

  • ii) les questions (ii), (iii), (iv) et (v) à la section B de l’avis d’appel, intitulée « Les points en litige »;

  • iii) les paragraphes 65, 70, 73 à 91, 96 ( y compris tous les sous‐paragraphes ) et 97 à 100 à la section D de l’avis d’appel, intitulée « Les moyens »;

  • iv) à la section E de l’avis d’appel, intitulée « Conclusions recherchées », les conclusions correspondantes aux questions (ii), (iii), (iv) et (v) à la section B de l’avis d’appel intitulée « Les points en litige », soit les troisième et quatrième conclusions à la page 28 de l’avis d’appel, la première conclusion à la page 29 de l’avis d’appel ainsi que la conclusion subsidiaire de l’avis d’appel.

[2] L’appelant a convenu que les passages suivants devaient être radiés, à savoir :

  • i) La question (v) à la section B de l’avis d’appel, intitulée « Les points en litige »;

  • ii) les paragraphes 97 à 100 à la section D de l’avis d’appel, intitulée « Les moyens »;

  • iii) à la section E de l’avis d’appel, intitulée « Conclusions recherchées », la première conclusion à la page 29.

[3] Ainsi, la Cour ne se prononcera pas sur ces passages.

II. Conclusion

[4] La requête est accueillie avec dépens à l’intimé et les passages suivants de l’avis d’appel sont radiés :

  • i) les paragraphes 36 à 50 à la section A de l’avis d’appel, intitulée « Les faits pertinents qui servent de fondement à l’appel »;

  • ii) les questions (ii), (iii) et (iv) à la section B de l’avis d’appel, intitulée « Les points en litige »;

  • iii) les paragraphes 65, 70, 73 à 91 et 96 (y compris tous les sous‐paragraphes) à la section D de l’avis d’appel, intitulée « Les moyens »;

  • iv) à la section E de l’avis d’appel, intitulée « Conclusions recherchées », les conclusions correspondantes aux questions (ii), (iii) et (iv) à la section B de l’avis d’appel intitulée « Les points en litige », soit les troisième et quatrième conclusions à la page 28 de l’avis d’appel ainsi que la conclusion subsidiaire de l’avis d’appel.

III. Les faits

[5] L’appelant en appelle des nouvelles cotisations établies par le ministre du Revenu national (le « ministre »), dont les avis sont datés du 7 août 2015, qui ont ajouté au revenu de l’appelant selon la Loi de l’impôt sur le revenu [1] (la « Loi ») des revenus de location pour les années d’imposition 2006 à 2009 et qui ont refusé la déduction de dépenses de location pour les années d’imposition 2006 à 2008.

[6] Selon l’avis d’appel, la vérification fiscale de l’appelant a commencé en novembre 2009, lorsqu’un vérificateur de l’Agence du revenu du Canada (l’« ARC ») lui a fait parvenir une lettre demandant les documents pertinents à cette vérification. En mai 2009 (l’appelant voulait probablement plutôt indiquer mai 2010), l’appelant et son mandataire auraient remis quatre boîtes de documents ou pièces justificatives au vérificateur.

[7] En juillet 2010, le dossier de l’appelant aurait été transféré à la division des enquêtes criminelles de l’ARC. Lors de l’enquête, les enquêteurs auraient fait parvenir des demandes péremptoires à la Caisse Desjardins, la Banque Laurentienne, la Banque Nationale du Canada, Hydro‐Québec et Equifax Également, l’appelant aurait remis aux enquêteurs de l’ARC quatre boîtes de documents contenant des renseignements concernant l’année 2009.

[8] Enfin, en février 2014, le dossier de la division des enquêtes criminelles pour l’appelant a été transféré à la division de la vérification de l’ARC. Aucune accusation pénale ou criminelle n’a été portée contre l’appelant.

IV. Les principes généraux applicables

[9] Le pouvoir de radier en tout ou en partie un acte de procédure est prévu à l’article 53 des Règles, qui dispose :

53 (1) La Cour peut, de son propre chef ou à la demande d’une partie, radier un acte de procédure ou tout autre document ou en supprimer des passages, en tout ou en partie, avec ou sans autorisation de le modifier parce que l’acte ou le document :

a) peut compromettre ou retarder l’instruction équitable de l’appel;

b) est scandaleux, frivole ou vexatoire;

c) constitue un recours abusif à la Cour;

d) ne révèle aucun moyen raisonnable d’appel ou de contestation de l’appel.

(2) Aucune preuve n’est admissible à l’égard d’une demande présentée en vertu de l’alinéa (1)d).

(3) À la demande de l’intimé, la Cour peut casser un appel si :

a) elle n’a pas compétence sur l’objet de l’appel;

b) une condition préalable pour interjeter appel n’a pas été satisfaite;

c) l’appelant n’a pas la capacité juridique d’introduire ou de continuer l’instance.

53 (1) The Court may, on its own initiative or on application by a party, strike out or expunge all or part of a pleading or other document with or without leave to amend, on the ground that the pleading or other document

(a) may prejudice or delay the fair hearing of the appeal;

(b) is scandalous, frivolous or vexatious;

(c) is an abuse of the process of the Court; or

(d) discloses no reasonable grounds for appeal or opposing the appeal.

(2) No evidence is admissible on an application under paragraph (1)(d).

(3) On application by the respondent, the Court may quash an appeal if

(a) the Court has no jurisdiction over the subject matter of the appeal;

(b) a condition precedent to instituting an appeal has not been met; or

(c) the appellant is without legal capacity to commence or continue the proceeding.

[10] Dans l’arrêt R. c. Imperial Tobacco Canada, [2011] 3 R.C.S. 45, 2011 CSC 42, la Cour suprême du Canada a établi les principes en matière de radiation d’une demande en justice. La requête en radiation ne doit pas être prise à la légère et représente « une importante mesure de gouverne judiciaire essentielle à l’efficacité et à l’équité des procès » et « permet d’élaguer les litiges en écartant les demandes vaines et en assurant l’instruction des demandes susceptibles d’être accueillies » (par. 19). Ainsi, le critère développé par la Cour suprême est le suivant :

[...] Le tribunal doit plutôt se demander si, dans l’hypothèse où les faits allégués seraient avérés, il est raisonnablement possible que l’action soit accueillie. L’approche doit être généreuse et permettre, dans la mesure du possible, l’instruction de toute demande inédite, mais soutenable. (par. 21)

[11] À mon avis, ces principes s’appliquent également dans les circonstances qui nous occupent, bien qu’on ne cherche à faire radier que certains passages de l’avis d’appel.

[12] Le critère pour accueillir une requête en radiation est donc rigoureux. La Cour ne doit radier tout ou partie d’un acte de procédure que s’il est évident et manifeste, notamment, qu’il ne révèle aucun moyen raisonnable d’appel et que l’appel n’a aucune chance d’être accueilli (Main Rehabilitation Co. Ltd. c. La Reine, 2004 CAF 403, au par. 3).

[13] Afin de déterminer si tout ou partie d’un acte de procédure doit être radié, les faits exposés dans l’acte sont tenus pour avérés. La Cour n’entend aucun témoignage. Comme l’a précisé notre Cour dans 881751 Ontario Limited c. La Reine, Roy c. La Reine, 2021 CCI 9 (au par. 15) :

[...] L’approche de la Cour doit être généreuse et permettre, dans la mesure du possible, l’instruction de toute demande inédite, mais défendable. Ce n’est pas la mission du juge des requêtes de décider si un argument mérite d’être examiné, ou d’en arriver à une conclusion concernant une question litigieuse sur l’interprétation de la loi. Par conséquent, pour qu’une requête en radiation puisse être accueillie, l’irrégularité ou la non-pertinence doit être évidente et manifeste au premier coup d’oeil.

[14] En l’espèce, l’intimé demande la radiation de certains passages de l’avis d’appel sans autorisation de modifier l’avis d’appel. Pour que la Cour refuse l’autorisation de modifier, il faut que les passages ne puissent être corrigés par une modification (Collins c. La Reine, 2011 CAF 140, au par. 26, et Simon c. Canada, 2011 CAF 6, [2011] 1 R.C.F. F‐17, au par. 8).

V. Analyse

5.1 Passages de l’avis d’appel sur les intérêts

[15] L’appelant prétend notamment que les intérêts imposés par le ministre sont exagérés; il demande à notre Cour de les réduire.

[16] Selon l’intimé, la Cour n’a pas compétence pour accorder les conclusions recherchées par l’appelant; il demande donc que ces passages soient radiés puisqu’ils ne révèlent aucun moyen raisonnable d’appel (alinéa 53(1)d) des Règles).

L’avis d’appel :

[17] Selon l’intimé, les passages suivants de l’avis d’appel sur les intérêts devraient être radiés :

  • i) les paragraphes 36 à 50 à la section A de l’avis d’appel, intitulée « Les faits pertinents qui servent de fondement à l’appel », dans lesquels l’appelant expose les actions qu’il a prises auprès de l’intimé de septembre 2015 à octobre 2021 pour obtenir une copie de son dossier de vérification, de son dossier en matière d’enquête criminelle et de toute autre correspondance pertinente, ainsi que ses demandes faites en vertu de la Loi sur l’accès à l’information [2] pour obtenir une copie de ses dossiers;

  • ii) le paragraphe 96 à la section D, intitulée « Les moyens », dans lequel on retrouve les arguments de l’appelant pour justifier sa demande de réduction des intérêts;

  • iii) la question iv) à la section B de l’avis d’appel, intitulée « Les points en litige » :

« (iv) Les intérêts sont nettement exagérés vu, notamment, le temps mis par l’intimée à procéder à une enquête criminelle improductive, le refus de donner des preuves à l’appelant et à émettre les avis de cotisation. »

  • iv) la conclusion subsidiaire (page 29 de l’avis d’appel, section E, intitulée « Conclusions recherchées ») :

« DIRE ET DÉCLARER que les intérêts imposés par l’Intimée sont nettement exagérés et les réduire ».

Discussion :

[18] C’est à bon droit que l’intimé demande la radiation des passages de l’avis d’appel concernant les intérêts. En effet, l’appelant ne prétend pas que le calcul des intérêts est erroné ou que les intérêts ne sont pas exigibles conformément aux dispositions de la Loi, mais plutôt que les intérêts qui lui sont imposés sont exagérés et devraient être réduits. Toutefois, le pouvoir de réduire ou d’annuler les intérêts est conféré au ministre conformément au paragraphe 220(3.1) de la Loi. Ce pouvoir est discrétionnaire et est assujetti au contrôle exclusif de la Cour fédérale, et non de notre Cour (Loi sur les Cours fédérales [3] , articles 18 et 18.1, et JP Morgan Management (Canada) Inc. c. Canada (Revenu national), 2013 CAF 250, [2014] 2 R.C.F. 557, au par. 90).

[19] En effet, lors de l’appel d’une cotisation, la compétence de notre Cour est prévue à l’article 171 de la Loi, qui dispose :

171 (1) La Cour canadienne de l’impôt peut statuer sur un appel :

a) en le rejetant;

b) en l’admettant et en :

(i) annulant la cotisation,

(ii) modifiant la cotisation,

(iii) déférant la cotisation au ministre pour nouvel examen et nouvelle cotisation.

171 (1) The Tax Court of Canada may dispose of an appeal by

(a) dismissing it; or

(b) allowing it and

(i) vacating the assessment,

(ii) varying the assessment, or

(iii) referring the assessment back to the Minister for reconsideration and reassessment.

[20] Ainsi, notre Cour doit déterminer la validité et le bien-fondé de la cotisation en fonction des dispositions applicables de la Loi et des faits donnant lieu à l’obligation du contribuable prévu par la Loi (Ereiser c. Canada, 2013 CAF 20, [2013] 2 R.C.F. F‐9, au par. 31).

[21] La jurisprudence est unanime pour dire que notre Cour ne peut ordonner au ministre d’exercer son pouvoir discrétionnaire en vertu du paragraphe 220(3.1) de la Loi (Raby c. La Reine, 2006 CCI 406, au par. 51, Madore c. La Reine, [1998] A.C.I. no 236 (QL), au par. 18).

[22] Pour ces motifs, vu que notre Cour n’a pas compétence pour statuer sur la demande de réduction des intérêts faite par l’appelant, les passages suivants de l’avis d’appel sont radiés, puisqu’ils ne révèlent aucun moyen raisonnable d’appel (alinéa 53(1)d) des Règles) :

  • i) les paragraphes 36 à 50 à la section A de l’avis d’appel, intitulée « Les faits pertinents qui servent de fondement à l’appel »;

  • ii) la question (iv) à la section B de l’avis d’appel, intitulée « Les points en litige »;

  • iii) le paragraphe 96 (y compris tous les sous‐paragraphes) à la section D de l’avis d’appel, intitulée « Les moyens »;

  • iv) à la section E de l’avis d’appel, intitulée « Conclusions recherchées », la conclusion subsidiaire de l’avis d’appel.

[23] Puisqu’il n’est pas possible de remédier aux vices par une modification, la Cour n’autorise pas l’appelant à modifier l’avis d’appel.

5.2 Passages de l’avis d’appel portant sur la Charte canadienne des droits et libertés [4] et les articles 231.1 et 231.2 de la Loi

[24] L’appelant demande que les cotisations soient annulées au motif que l’intimé a violé les articles 7 et 8 de la Charte et que les fonctionnaires de l’ARC n’ont pas respecté les règles prévues à l’article 231.1 et aux paragraphes 231.2(2) et (3) de la Loi.

[25] L’intimé demande la radiation des passages de l’avis d’appel portant sur la Charte et les articles 231.1 et 231.2 de la Loi, puisqu’ils ne révèlent aucun moyen raisonnable d’appel (alinéa 53(1)d) des Règles).

L’avis d’appel :

[26] Selon l’intimé, les passages suivants de l’avis d’appel portant sur la Charte et les articles 231.1 et 231.2 de la Loi devraient être radiés :

  • i) La question (ii) à la section B de l’avis d’appel, intitulée « Les points en litige »:

« (ii) Les nouvelles cotisations contreviennent à la Charte canadienne des droits et libertés; elles sont illégales; par conséquent, les revenus ajoutés et les dépenses refusées sont illégaux; »

  • ii) La question (iii) à la section B de l’avis d’appel, intitulée « Les points en litige »:

« (iii) Les nouvelles cotisations dérogent aux conditions requises par les articles 231.1(2) et 231.2 et l’alinéa 231.2(3)b) de la LIR; elles sont donc nulles et de nullité absolue. »

  • iii) À la section E de l’avis d’appel, intitulée « Conclusions recherchées », les conclusions correspondantes aux questions (ii) et (iii) à la section B de l’avis d’appel intitulée « Les points en litige », soit les troisième et quatrième conclusions à la page 28 de l’avis d’appel:

« ANNULER les cotisations pour les année 2006 à 2009 inclusivement en raison de la violation, par l’Intimée, des articles 7 et 8 de la Charte Canadienne des droits et libertés;

ANNULER les cotisations pour les années 2006 à 2009 inclusivement pour violation, par l’Intimée, de l’article 231.1 et des paragraphes 231.2(2) et 231.2(3) de la Loi de l’impôt sur le revenu et ses Règlements. »

  • iv) Les paragraphes 65 et 70 à la section D de l’avis d’appel, intitulée « Les moyens », qui se trouvent dans une sous-section de l’avis d’appel qui traite de l’établissement des avis de cotisation après la période normale de nouvelle cotisation et non dans la sous‐section traitant de l’atteinte aux droits fondamentaux, comme le prétend l’appelant :

« 65. D’autre part, ces nouveaux motifs émanent des enquêtes criminelles et non de la division de la vérification et ont été obtenus illégalement, comme il sera démontré plus loin;

[...]

70. L’absence de motif pour entamer une vérification et, de surcroit, une enquête criminelle est évidente; il s’agit d’une partie de pêche, tout simplement. »

  • v) Les paragraphes 73 à 91 à la section D de l’avis d’appel, intitulée « Les moyens », qui se trouvent dans une sous‐section de l’avis d’appel qui traite des arguments de l’appelant à l’égard de la Charte et des articles 231.1 et 231.2 de la Loi.

Les dispositions légales :

[27] Les articles 7 et 8 de la Charte disposent :

7 Chacun a droit à la vie, à la liberté et à la sécurité de sa personne; il ne peut être porté atteinte à ce droit qu’en conformité avec les principes de justice fondamentale.

8 Chacun a droit à la protection contre les fouilles, les perquisitions ou les saisies abusives.

7 Everyone has the right to life, liberty and security of the person and the right not to be deprived thereof except in accordance with the principles of fundamental justice.

8 Everyone has the right to be secure against unreasonable search or seizure.

[28] Les articles 231.1 et 231.2 de la Loi disposent :

Enquêtes

231.1 (1) Une personne autorisée peut, à tout moment raisonnable, pour l’application et l’exécution de la présente loi, à la fois :

a) inspecter, vérifier ou examiner les livres et registres d’un contribuable ainsi que tous documents du contribuable ou d’une autre personne qui se rapportent ou peuvent se rapporter soit aux renseignements qui figurent dans les livres ou registres du contribuable ou qui devraient y figurer, soit à tout montant payable par le contribuable en vertu de la présente loi;

b) examiner les biens à porter à l’inventaire d’un contribuable, ainsi que tout bien ou tout procédé du contribuable ou d’une autre personne ou toute matière concernant l’un ou l’autre dont l’examen peut aider la personne autorisée à établir l’exactitude de l’inventaire du contribuable ou à contrôler soit les renseignements qui figurent dans les livres ou registres du contribuable ou qui devraient y figurer, soit tout montant payable par le contribuable en vertu de la présente loi;

à ces fins, la personne autorisée peut :

c) sous réserve du paragraphe (2), pénétrer dans un lieu où est exploitée une entreprise, est gardé un bien, est faite une chose en rapport avec une entreprise ou sont tenus ou devraient l’être des livres ou registres;

d) requérir le propriétaire, ou la personne ayant la gestion, du bien ou de l’entreprise ainsi que toute autre personne présente sur les lieux de lui fournir toute l’aide raisonnable et de répondre à toutes les questions pertinentes à l’application et l’exécution de la présente loi et, à cette fin, requérir le propriétaire, ou la personne ayant la gestion, de l’accompagner sur les lieux.

Autorisation préalable

(2) Lorsque le lieu mentionné à l’alinéa (1)c) est une maison d’habitation, une personne autorisée ne peut y pénétrer sans la permission de l’occupant, à moins d’y être autorisée par un mandat décerné en vertu du paragraphe (3).

Mandat d’entrée

(3) Sur requête ex parte du ministre, le juge saisi peut décerner un mandat qui autorise une personne autorisée à pénétrer dans une maison d’habitation aux conditions précisées dans le mandat, s’il est convaincu, sur dénonciation sous serment, de ce qui suit :

a) il existe des motifs raisonnables de croire que la maison d’habitation est un lieu mentionné à l’alinéa (1)c);

b) il est nécessaire d’y pénétrer pour l’application ou l’exécution de la présente loi;

c) un refus d’y pénétrer a été opposé, ou il existe des motifs raisonnables de croire qu’un tel refus sera opposé.

Dans la mesure où un refus de pénétrer dans la maison d’habitation a été opposé ou pourrait l’être et où des documents ou biens sont gardés dans la maison d’habitation ou pourraient l’être, le juge qui n’est pas convaincu qu’il est nécessaire de pénétrer dans la maison d’habitation pour l’application ou l’exécution de la présente loi peut ordonner à l’occupant de la maison d’habitation de permettre à une personne autorisée d’avoir raisonnablement accès à tous documents ou biens qui sont gardés dans la maison d’habitation ou devraient y être gardés et rendre tout autre ordonnance indiquée en l’espèce pour l’application de la présente loi.

Inspections

231.1 (1) An authorized person may, at all reasonable times, for any purpose related to the administration or enforcement of this Act,

(a) inspect, audit or examine the books and records of a taxpayer and any document of the taxpayer or of any other person that relates or may relate to the information that is or should be in the books or records of the taxpayer or to any amount payable by the taxpayer under this Act, and

(b) examine property in an inventory of a taxpayer and any property or process of, or matter relating to, the taxpayer or any other person, an examination of which may assist the authorized person in determining the accuracy of the inventory of the taxpayer or in ascertaining the information that is or should be in the books or records of the taxpayer or any amount payable by the taxpayer under this Act,

and for those purposes the authorized person may

(c) subject to subsection 231.1(2), enter into any premises or place where any business is carried on, any property is kept, anything is done in connection with any business or any books or records are or should be kept, and

(d) require the owner or manager of the property or business and any other person on the premises or place to give the authorized person all reasonable assistance and to answer all proper questions relating to the administration or enforcement of this Act and, for that purpose, require the owner or manager to attend at the premises or place with the authorized person.

Prior authorization

(2) Where any premises or place referred to in paragraph 231.1(1)(c) is a dwelling-house, an authorized person may not enter that dwelling-house without the consent of the occupant except under the authority of a warrant under subsection 231.1(3).

Application

(3) Where, on ex parte application by the Minister, a judge is satisfied by information on oath that

(a) there are reasonable grounds to believe that a dwelling-house is a premises or place referred to in paragraph 231.1(1)(c),

(b) entry into the dwelling-house is necessary for any purpose relating to the administration or enforcement of this Act, and

(c) entry into the dwelling-house has been, or there are reasonable grounds to believe that entry will be, refused,

the judge may issue a warrant authorizing an authorized person to enter the dwelling-house subject to such conditions as are specified in the warrant but, where the judge is not satisfied that entry into the dwelling-house is necessary for any purpose relating to the administration or enforcement of this Act, the judge may

(d) order the occupant of the dwelling-house to provide to an authorized person reasonable access to any document or property that is or should be kept in the dwelling-house, and

(e) make such other order as is appropriate in the circumstances to carry out the purposes of this Act,

to the extent that access was or may be expected to be refused and that the document or property is or may be expected to be kept in the dwelling-house.

Production de documents ou fourniture de renseignements

231.2 (1) Malgré les autres dispositions de la présente loi, le ministre peut, sous réserve du paragraphe (2) et, pour l’application ou l’exécution de la présente loi (y compris la perception d’un montant payable par une personne en vertu de la présente loi), d’un accord international désigné ou d’un traité fiscal conclu avec un autre pays, par avis signifié ou envoyé conformément au paragraphe (1.1), exiger d’une personne, dans le délai raisonnable que précise l’avis :

a) qu’elle fournisse tout renseignement ou tout renseignement supplémentaire, y compris une déclaration de revenu ou une déclaration supplémentaire;

b) qu’elle produise des documents.

Avis

(1.1) L’avis visé au paragraphe (1) peut être :

a) soit signifié à personne;

b) soit envoyé par courrier recommandé ou certifié;

c) soit envoyé par voie électronique à une banque ou une caisse de crédit qui a consenti par écrit à recevoir les avis visés au paragraphe (1) par voie électronique.

Personnes non désignées nommément

(2) Le ministre ne peut exiger de quiconque — appelé « tiers » au présent article — la fourniture de renseignements ou production de documents prévue au paragraphe (1) concernant une ou plusieurs personnes non désignées nommément, sans y être au préalable autorisé par un juge en vertu du paragraphe (3).

Autorisation judiciaire

(3) Sur requête du ministre, un juge de la Cour fédérale peut, aux conditions qu’il estime indiquées, autoriser le ministre à exiger d’un tiers la fourniture de renseignements ou la production de documents prévues au paragraphe (1) concernant une personne non désignée nommément ou plus d’une personne non désignée nommément — appelée « groupe » au présent article —, s’il est convaincu, sur dénonciation sous serment, de ce qui suit :

a) cette personne ou ce groupe est identifiable;

b) la fourniture ou la production est exigée pour vérifier si cette personne ou les personnes de ce groupe ont respecté quelque devoir ou obligation prévu par la présente loi;

Requirement to provide documents or information

231.2 (1) Notwithstanding any other provision of this Act, the Minister may, subject to subsection (2), for any purpose related to the administration or enforcement of this Act (including the collection of any amount payable under this Act by any person), of a listed international agreement or, for greater certainty, of a tax treaty with another country, by notice sent or served in accordance with subsection (1.1), require that any person provide, within such reasonable time as is stipulated in the notice,

(a) any information or additional information, including a return of income or a supplementary return; or

(b) any document.

Notice

(1.1) A notice referred to in subsection (1) may be

(a) served personally;

(b) sent by registered or certified mail; or

(c) sent electronically to a bank or credit union that has provided written consent to receive notices under subsection (1) electronically.

Unnamed persons

(2) The Minister shall not impose on any person (in this section referred to as a “third party”) a requirement under subsection 231.2(1) to provide information or any document relating to one or more unnamed persons unless the Minister first obtains the authorization of a judge under subsection 231.2(3).

Judicial authorization

(3) A judge of the Federal Court may, on application by the Minister and subject to any conditions that the judge considers appropriate, authorize the Minister to impose on a third party a requirement under subsection (1) relating to an unnamed person or more than one unnamed person (in this section referred to as the “group”) if the judge is satisfied by information on oath that

(a) the person or group is ascertainable; and

(b) the requirement is made to verify compliance by the person or persons in the group with any duty or obligation under this Act.

Thèses des parties :

[29] Selon l’appelant, la preuve obtenue par la division des enquêtes criminelles ne satisfait pas aux exigences du paragraphe 231.1(2) et de l’article 231.2 de la Loi. Par conséquent, les cotisations contreviennent aux articles 7 et 8 de la Charte. De même, selon l’appelant, le ministre ne peut utiliser les renseignements obtenus par la division des enquêtes pour établir sa responsabilité fiscale. Pour soutenir ces arguments, l’appelant renvoie au principe établi dans l’arrêt R. c. Jarvis, 2002 CSC 73, [2002] 3 R.C.S. 757 (Jarvis), selon lequel un contribuable visé par une enquête a droit à la protection de l’article 7 de la Charte.

[30] Ainsi, selon l’appelant, les enquêteurs ne l’ont pas informé de ses droits prévus par la Charte, ce qui contrevient aux principes établis par l’arrêt Jarvis. De plus, selon l’appelant, l’arrêt Jarvis a établi le principe selon lequel lorsqu’une vérification administrative et une enquête criminelle sont menées simultanément, les enquêteurs ne peuvent utiliser que les renseignements obtenus conformément aux pouvoirs de vérification avant le début de l’enquête criminelle et ne peuvent utiliser les renseignements obtenus lors de la vérification après le début de l’enquête sur la responsabilité pénale. De plus, aucun mandat n’a été obtenu d’un tribunal pour obtenir les informations et les documents d’Equifax, d’Hydro‐Québec et des diverses banques, contrairement à ce que prévoit l’alinéa 231.2(3)b) de la Loi. Selon l’appelant, puisque l’objet dominant de l’enquête était d’établir sa responsabilité pénale, les pouvoirs d’enquête prévus aux articles 231.1 et 231.2 de la Loi ne pouvaient être utilisés par le fisc.

[31] L’appelant demande donc l’exclusion de tous les éléments de preuve obtenus illégalement selon lui par la division des enquêtes et transmis illégalement au service de la vérification de l’ARC.

[32] Selon l’intimé, l’appelant reconnaît qu’aucune accusation n’a été portée contre lui. L’appelant admet aussi que les renseignements obtenus au moyen des demandes péremptoires ont été envoyés au service de vérification de l’ARC. Selon l’avis d’appel, il est clair que ce n’est pas la responsabilité pénale ou criminelle de l’appelant qui est en litige devant notre Cour, mais bien la validité et le bien‐fondé des cotisations eu égard à la Loi.

[33] Selon l’intimé, l’enquête pénale étant écartée (comme l’a admis l’appelant), le seul objet qui demeure est l’établissement de l’obligation fiscale de l’appelant. Or, les articles 231.1 et 231.2 de la Loi confèrent indéniablement au ministre des pouvoirs qui peuvent être exercés afin d’établir l’obligation fiscale de l’appelant.

[34] Selon l’intimé, dans l’arrêt Jarvis, la Cour suprême a ordonné l’exclusion de certains registres bancaires de toute procédure criminelle ultérieure, puisqu’ils avaient été obtenus d’une manière qui porte atteinte aux droits garantis par l’article 7 de la Charte, puisque l’enquête était bien en cours au moment de la demande péremptoire (Jarvis, au par. 105). L’arrêt Jarvis ne justifie toutefois pas qu’on exclue des éléments de preuve lors d’une procédure civile (fiscale) ultérieure.

[35] En conclusion, selon l’intimé, contrairement à ce que prétend l’appelant, les paragraphes 231.2(2) et (3) de la Loi ne s’appliquent pas, puisque ces paragraphes visent des personnes non désignées nommément dans la demande de renseignements, ce qui n’est pas le cas en l’espèce. De plus, le paragraphe 231.2(1) de la Loi peut s’appliquer sans qu’une autorisation préalable ne soit requise.

Discussion :

[36] Tout d’abord, il faut noter que l’appelant ne soulève pas la question de la constitutionnalité d’une disposition de la Loi. L’appelant prétend plutôt que ses droits fondamentaux n’ont pas été respectés; il soulève les articles 7 et 8 de la Charte, ainsi que les articles 231.1 et 231.2 de la Loi.

[37] Pour les motifs suivants, et selon les principes jurisprudentiels bien établis décrits ci-dessous, la Cour ne peut retenir les arguments présentés par l’appelant. L’appelant ne peut invoquer les articles 7 et 8 de la Charte pour exclure les éléments de preuve obtenus par le ministre dans l’exercice de ses pouvoirs d’enquête prévus à l’article 231.1 de la Loi et par l’envoi de demandes de renseignements en vertu de l’article 231.2 de la Loi. De plus, contrairement à ce que prétend l’appelant, lors de la vérification fiscale de l’appelant, le ministre ne devait obtenir aucune autorisation judiciaire préalable.

[38] C’est donc à bon droit que l’intimé demande la radiation des passages de l’avis d’appel portant sur la Charte et les articles 231.1 et 231.2 de la Loi.

[39] La vérification de l’appelant a commencé en novembre 2009; le dossier de l’appelant a été transféré à la division des enquêtes de l’ARC en juillet 2010. Lors de cette enquête, le ministre a fait parvenir des demandes de renseignements à diverses entreprises, notamment Equifax, Hydro‐Québec et la Banque Nationale du Canada. Par la suite, en février 2014 le dossier de l’appelant a été transféré à la section de la vérification afin d’établir les cotisations qui font l’objet de l’appel à notre Cour.

[40] Ainsi, les renseignements obtenus par l’envoi des demandes de renseignements ont servi à établir les cotisations de l’appelant, et non pas à établir une quelconque responsabilité pénale ou criminelle au titre de la Loi. En effet, aucune accusation pénale ou criminelle n’a été portée contre l’appelant, ce dont l’appelant convient dans son avis d’appel. Comme mentionné auparavant, le litige devant notre Cour porte sur la validité et le bien-fondé des nouvelles cotisations dont les avis sont datés du 7 août 2015; il ne vise pas à établir une quelconque responsabilité pénale ou criminelle de l’appelant. De plus, même si le ministre a envoyé les demandes de renseignements alors que l’appelant était sous enquête, la preuve ainsi obtenue peut-être utilisée pour établir une cotisation fiscale.

[41] Dans l’arrêt Jarvis, la Cour suprême du Canada devait déterminer si la preuve obtenue par l’exercice par le ministre de ses pouvoirs d’enquête prévus à l’article 231.1 de la Loi, ainsi que par l’envoi de demandes de renseignements en vertu de l’article 231.2 de la Loi, pouvait être utilisée lors d’une poursuite relative à une infraction aux termes de la Loi (article 239 de la Loi).

[42] Selon la Cour suprême, ces pouvoirs ne pouvaient être exercés pour obtenir des déclarations verbales ou la production de documents écrits dans le but de faire progresser une enquête criminelle (Jarvis, au par. 97). Ainsi, « dès qu’un examen ou une question a pour objet prédominant d’établir la responsabilité pénale du contribuable, il faut utiliser les techniques d’enquête criminelle. À titre corollaire, toutes les garanties prévues par la Charte, pertinentes dans le contexte criminel, s’appliquent obligatoirement » (Jarvis, au par. 98). Et dans un tel cas, le ministre ne peut plus utiliser ses pouvoirs d’enquête prévus à l’article 231.1 de la Loi ou envoyer des demandes de renseignements en vertu de l’article 231.2 de la Loi pour obtenir des éléments de preuve servant à établir la responsabilité criminelle du contribuable.

[43] Toutefois, la tenue d’une enquête pénale n’écarte pas la possibilité que soit menée simultanément une enquête dont l’objet prédominant est d’évaluer l’obligation fiscale du contribuable. Ainsi, selon la Cour suprême :

[...] il est évident que l’on peut continuer d’avoir recours aux pouvoirs de vérification, même après le commencement d’une enquête, quoique les résultats de cette vérification ne puissent pas servir pour les besoins de l’enquête ou de la poursuite. (Jarvis, au par. 103)

[44] Plus récemment, la Cour d’appel fédérale a conclu qu’en utilisant les pouvoirs conférés par le paragraphe 231.1(1) de la Loi alors qu’une enquête était en cours, le ministre n’avait pas violé les droits du contribuable garantis par les articles 7 et 8 de la Charte (Romanuk c. La Reine, 2013 CAF 133 (Romanuk)). Ainsi, les éléments de preuve recueillis lors de l’exercice des pouvoirs d’enquête prévus au paragraphe 231.1(1) de la Loi pouvaient servir à des fins administratives, comme l’établissement d’une cotisation (Romanuk, au par. 7). La Cour d’appel fédérale a conclu ainsi :

[8] L’usage de tels renseignements ou documents pour les besoins de l’administration de la Loi et l’établissement des nouvelles cotisations de l’appelante ne porte pas atteinte à ses droits garantis par les articles 7 et 8 de la Charte, puisque l’ARC a le droit de continuer à utiliser ses pouvoirs de vérification, pour autant que les renseignements ou documents ainsi recueillis ne soient utilisés qu’aux fins d’administration de la Loi. S’ils doivent servir à une enquête ou à une poursuite au titre de l’article 239 de la Loi, le tribunal saisi de la poursuite devra alors déterminer si l’exercice de ces pouvoirs avait pour objet prédominant de recueillir des renseignements ou des documents aux fins d’une telle enquête ou poursuite.

[Je souligne]

[45] Par la suite, dans l’arrêt Piersanti c. La Reine, 2014 CAF 243, la Cour d’appel fédérale a confirmé que notre Cour avait à bon droit rejeté la requête présentée par le contribuable au début de l’audience afin d’exclure tous les documents utilisés par le ministre pour établir les avis de nouvelle cotisation au motif que ces documents avaient été obtenus sans autorisation judiciaire au cours d’une enquête criminelle et en violation des droits que lui garantissait la Charte. Après avoir renvoyé aux principes établis dans l’arrêt Romanuk, la Cour d’appel fédérale a conclu ainsi :

[9] La juge n’a commis aucune erreur de droit lorsqu’elle a conclu que l’ARC n’a pas porté atteinte aux droits de l’appelante garantis par les articles 7 et 8 de la Charte lorsqu’elle a utilisé les renseignements recueillis pendant l’enquête criminelle pour établir de nouvelles cotisations à l’égard des obligations fiscales de l’appelante pour les années en question. La conclusion juridique de la juge est compatible avec l’arrêt Jarvis et avec le régime fiscal d’autocotisation et d’autodéclaration. [...]

[Je souligne]

[46] Dans l’arrêt Bauer c. La Reine, 2018 CAF 62, la Cour d’appel fédérale a confirmé que, lors d’un appel à notre Cour, la preuve obtenue par l’envoi de demandes de renseignements en vertu de l’article 231.2 de la Loi ne pouvait être exclue selon l’article 8 de la Charte, et ce, même si une enquête avait commencé avant l’envoi des demandes de renseignements. Selon la Cour d’appel fédérale :

[14] Bien que le recours à des demandes péremptoires en vertu de l’article 231.2 de la LIR pour obtenir des renseignements ou des documents après le début d’une enquête puisse faire en sorte que ces renseignements ou ces documents ne soient pas admissibles dans une poursuite relative à des infractions visées à l’article 239 de la LIR, cela n’empêche pas que ces renseignements ou documents soient admissibles dans une instance devant la Cour canadienne de l’impôt lorsqu’il s’agit de la validité d’une cotisation établie en vertu de la LIR. C’est l’utilisation des renseignements ou des documents qui est pertinente, et non la personne, à l’ARC, qui a délivré la demande péremptoire de renseignements ou de documents.

[...]

[17] À mon avis, il est évident et manifeste que le pouvoir de l’ARC de délivrer des demandes péremptoires en vertu de l’article 231.2 de la LIR pour obtenir des renseignements ou des documents qui seront utilisés pour les besoins administratifs liés à l’établissement d’une nouvelle cotisation à l’égard d’un contribuable n’est pas suspendu par le lancement d’une enquête. Par conséquent, les renseignements ou les documents obtenus par suite de la délivrance des demandes péremptoires en l’espèce ne peuvent être exclus, sur le fondement de l’article 8 de la Charte, de la procédure devant la Cour canadienne de l’impôt concernant la validité des nouvelles cotisations relatives à l’obligation fiscale de M. Bauer pour 2007 et 2008.

[Je souligne]

[47] Enfin, la Cour d’appel fédérale a confirmé qu’une cotisation fiscale est de nature civile et ne touche que des intérêts économiques, et, par conséquent, elle « ne prive pas la personne à l’égard de laquelle elle est établie de sa vie, de sa liberté ou de la sécurité de sa personne au sens de l’article 7 de la Charte » (Gratl c. La Reine, 2012 CAF 88, au par. 8; voir également Johnson c. La Reine, 2022 CCI 31, aux par. 48 et 49).

[48] Pour ces motifs, la Cour conclut que le ministre pouvait utiliser ses pouvoirs d’enquête prévus à l’article 231.1 de la Loi de même que procéder à l’envoi de demandes de renseignements en vertu de l’article 231.2 de la Loi lors de la vérification fiscale de l’appelant même si une enquête était déjà en cours. En effet, l’objectif était d’établir l’obligation fiscale de l’appelant et non pas une quelconque responsabilité pénale ou criminelle. Les éléments de preuve ainsi obtenus par le ministre pourront être utilisés lors d’une audience devant notre Cour sur la validité et le bien-fondé des nouvelles cotisations établies en vertu de la Loi, dont les avis sont datés du 7 avril 2015.

[49] De plus, contrairement à ce que prétend l’appelant, le ministre ne devait obtenir aucune autorisation judiciaire préalable en vertu de la Loi. En effet, les paragraphes 231.2(2) et (3) de la Loi ne visent que les demandes de renseignements portant sur des personnes non désignées nommément, ce qui n’est pas le cas en l’espèce. La personne visée par la vérification est bel et bien l’appelant, qui est une personne désignée nommément. De plus, le paragraphe 231.1(2) de la Loi ne s’applique pas en l’espèce, puisque, selon l’avis d’appel, l’appelant a lui-même remis les documents à l’ARC et on n’affirme pas qu’une vérification a eu lieu dans une « maison d’habitation ».

[50] Pour ces motifs, les faits allégués dans l’avis d’appel et tenus pour avérés ne donnent pas ouverture aux conclusions recherchées par l’appelant. Ainsi, les passages suivants de l’avis d’appel sont radiés, puisqu’ils ne révèlent aucun moyen raisonnable d’appel (alinéa 53(1)d) des Règles) :

  • i) les questions (ii) et (iii) à la section B de l’avis d’appel, intitulée « Les points en litige »;

  • ii) les paragraphes 65, 70 et 73 à 91 à la section D de l’avis d’appel, intitulée « Les moyens »;

  • iii) à la section E de l’avis d’appel, intitulée « Conclusions recherchées », les conclusions correspondantes aux questions (ii) et (iii) à la section B de l’avis d’appel, intitulée « Les points en litige », soit les troisième et quatrième conclusions à la page 28 de l’avis d’appel.

[51] Puisqu’il n’est pas possible de remédier aux vices par une modification, la Cour n’autorise pas l’appelant à modifier l’avis d’appel.

Signé à Ottawa, Canada, ce 18e jour de janvier 2023.

« Dominique Lafleur »

Juge Lafleur


RÉFÉRENCE :

2023 CCI 5

No DU DOSSIER DE LA COUR :

2022-558(IT)G

INTITULÉ :

BELLEVUE FÉLIX

ET LE ROI

LIEU:

Ottawa, Canada

MOTIFS DE L’ORDONNANCE PAR :

L’honorable juge Dominique Lafleur

DATE DE L’ORDONNANCE :

Le 18 janvier 2023

COMPARUTIONS :

Pour l’appelant :

L’appelant lui-même

Avocats de l’intimé :

Me Antoine Lamarre

Me Noémie Vespignani

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Pour l’appelant :

Nom :

 

Cabinet :

 

Pour l’intimé :

François Daigle

Sous-procureur général du Canada

Ottawa, Canada

 



[1] L.R.C. (1985), ch. 1 (5e suppl.).

[2] L.R.C. (1985), ch. A‐1.

[3] L.R.C. (1985), ch. F‐7.

[4] Partie 1 de la Loi constitutionnelle de 1982, annexe B de la Loi de 1982 sur le Canada, 1982, ch. 11 (R.-U.) (la « Charte »).

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.