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Dossier : 2019-3822(IT)APP

ENTRE :

G DEWAR LAING,

demandeur,

et

SA MAJESTÉ LE ROI,

défendeur.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 


Demande entendue le 26 janvier 2023, à Windsor (Ontario)

Devant : l’honorable juge Jean Marc Gagnon

Comparutions :

Pour le demandeur :

Le demandeur lui-même

Avocate du défendeur :

Me Amanda De Bruyne

 

JUGEMENT

Vu la demande de prorogation du délai présentée par le demandeur pour signifier un avis d’opposition à la nouvelle cotisation établie en application de la Loi de l’impôt sur le revenu pour l’année d’imposition 2012;

Et après avoir entendu les observations des parties;

La demande est rejetée, sans dépens, conformément aux motifs du jugement ci-joints.

Signé à Québec (Québec), ce 19e jour d’avril 2023.

« J.M. Gagnon »

Le juge Gagnon


Référence : 2023 CCI 50

Date : 20230419

Dossier : 2019-3822(IT)APP

ENTRE :

G DEWAR LAING,

demandeur,

et

SA MAJESTÉ LE ROI,

défendeur.

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

MOTIFS DU JUGEMENT

Le juge Gagnon

I. Introduction

[1] M. Laing a présenté une demande de prorogation de délai pour déposer un avis d’opposition auprès du ministre du Revenu national (le ministre) conformément à l’article 166.2 de la Loi de l’impôt sur le revenu, L.R.C. (1985), ch. 1 (5e suppl.), et ses modifications (la LIR), à l’encontre d’une nouvelle cotisation établie par un avis de nouvelle cotisation daté du 14 novembre 2014 pour son année d’imposition 2012. La demande a été déposée au greffe de la Cour le 17 octobre 2019.

[2] M. Laing a témoigné à l’audience. Aucun autre témoin n’a été appelé à témoigner.

II. Contexte

[3] Le 30 avril 2014 ou aux alentours de cette date, le demandeur a produit sa déclaration de revenus pour l’année 2012.

[4] Quelques jours plus tard, le 8 mai 2014, un avis de cotisation (arbitraire) a été établi par le ministre à l’égard de l’année d’imposition 2012 du demandeur.

[5] Les 28 août, 23 septembre et 12 novembre 2014, l’Agence du revenu du Canada (l’ARC) a envoyé une lettre au demandeur au sujet de la production de sa déclaration de revenus pour l’année d’imposition 2012.

[6] La lettre du 23 septembre 2014 était une demande de renseignements et de documents visant à permettre à l’ARC d’apporter les modifications demandées, notamment à l’égard de l’année d’imposition 2012.

[7] La lettre du 12 novembre 2014 n’avait pas été mise à la disposition de la Cour et confirmait vraisemblablement que l’ARC ne pouvait pas apporter de modifications aux déclarations de revenus du demandeur pour les années d’imposition 2009, 2010, 2011 et 2012.

[8] Le 14 novembre 2014, un avis de nouvelle cotisation a été établi par le ministre pour l’année d’imposition 2012 du demandeur.

[9] Le 4 juillet 2019, un avis d’opposition a été signifié au ministre à l’égard de l’année d’imposition 2012 du demandeur. Le demandeur était alors représenté par un mandataire, M. Graig Miller, un comptable agréé de BDO Canada LLP.

[10] Le 18 juillet 2019, la Division des appels de l’ARC a informé le demandeur que l’avis d’opposition avait été déposé après le délai prescrit. La lettre confirmait que le ministre ne pouvait pas lui accorder une prorogation du délai pour déposer un avis d’opposition, car le demandeur aurait dû présenter cette demande le 12 février 2016 ou avant cette date.

[11] Le 17 octobre 2019, le demandeur a déposé la présente demande de prorogation du délai pour déposer un avis d’opposition auprès de la Cour canadienne de l’impôt. Cette demande de prorogation de délai était justifiée par le fait que [traduction] « j’avais l’intention d’interjeter appel. J’attendais les conseils du comptable. Nous avons raté le délai d’une journée ».

[12] Entre la fin de 2019 et l’année 2022, M. Miller a cessé d’agir au nom du demandeur. Aucun moment précis n’a été fourni par le demandeur.

III. Question en litige

[13] La question dont la Cour est saisie est de savoir si la demande de prorogation du délai pour déposer l’avis d’opposition présentée par le demandeur doit être accordée.

IV. Thèse du demandeur

[14] M. Laing soutient qu’il a le droit de demander à la Cour d’accueillir sa demande, bien qu’il ne se souvienne pas parfaitement de la chronologie des événements, car la demande de prorogation du délai pour déposer un avis d’opposition et l’avis d’opposition y étant joint ont été déposés par son mandataire, M. Graig Miller, un comptable agréé de BDO Canada LLP. M. Laing a confirmé que M. Miller n’agit plus en son nom, et qu’après la fin du mandat de représentation, il n’a pas obtenu une copie de son dossier, y compris l’ensemble de la correspondance reçue de l’ARC à l’égard de son année d’imposition 2012. Compte tenu de la situation, M. Laing a admis qu’il ne comprenait pas bien toute la chronologie des événements entourant son année d’imposition 2012, tant en ce qui a trait à ce que lui-même ou M. Miller ont fait ou aux initiatives de l’ARC parce que le dossier complet est toujours en possession de M. Miller.

[15] Malgré ce qui précède, il a confirmé avoir produit tardivement sa déclaration de revenus pour l’année 2012, le 30 avril 2014 ou aux alentours de cette date. Toutefois, le 8 mai 2014, l’ARC a établi un avis de cotisation arbitraire à l’égard de son année d’imposition 2012. M. Laing a admis avoir reçu l’avis de cotisation initial pour l’année 2012. Il croit cependant qu’il n’a pas reçu une nouvelle cotisation pour son année d’imposition 2012, correspondant à la production de sa déclaration de revenus pour cette année-là. Il ne nie pas le fait qu’il ait pu recevoir un autre avis de cotisation ou de nouvelle cotisation le 14 novembre 2014 ou aux alentours de cette date, mais l’avis subséquent ne correspondait pas à la déclaration de revenus qu’il a produite pour l’année d’imposition 2012. Il croit que l’avis de nouvelle cotisation déposé devant la Cour à l’audience est une reproduction de la cotisation initiale.

[16] Selon M. Laing, l’ARC a commis une erreur en établissant une cotisation ou une nouvelle cotisation à son égard en novembre 2014. Toujours selon lui, notre Cour est tenue de respecter les règles d’équité et de justice, et les observations que l’intimé a présentées à la Cour prouvent que ce que l’ARC croyait être une nouvelle cotisation n’est pas en fait la nouvelle cotisation qui a été établie. Une erreur a été commise.

V. Thèse du défendeur

[17] Le défendeur est d’avis que le demandeur a présenté une demande de prorogation du délai pour déposer un avis d’opposition après le délai prescrit. Un avis de nouvelle cotisation a été établi le 14 novembre 2014 pour l’année d’imposition 2012 du demandeur. Le demandeur a déposé un avis d’opposition le 4 juillet 2019. L’avis d’opposition et la demande de prorogation du délai pour signifier l’avis d’opposition devaient être présentés le 12 février 2016 ou aux alentours de cette date. La demande ne satisfait pas à la condition énoncée à l’alinéa 166.2(5)a) de la LIR, et doit donc être rejetée.

VI. Analyse

(a) Dispositions législatives

[18] Le paragraphe 165(1) de la LIR permet à un contribuable de s’opposer à une cotisation établie par le ministre, sous réserve de certains délais :

165(1) Opposition à la cotisation Le contribuable qui s’oppose à une cotisation prévue par la présente partie peut signifier au ministre, par écrit, un avis d’opposition exposant les motifs de son opposition et tous les faits pertinents, dans les délais suivants :

a) lorsqu’il s’agit d’une cotisation relative à un contribuable qui est un particulier (sauf une fiducie) ou une fiducie testamentaire, pour une année d’imposition, au plus tard le dernier en date des jours suivants :

(i) le jour qui tombe un an après la date d’échéance de production qui est applicable au contribuable pour l’année,

(ii) le quatre-vingt-dixième jour suivant la date d’envoi de l’avis de cotisation;

[. . .]

[Non souligné dans l’original.]

 

[19] Dans l’hypothèse où un avis d’opposition n’est pas déposé à l’encontre d’un avis de cotisation ou de nouvelle cotisation dans les délais prévus au paragraphe 165(1) de la LIR, les articles 166.1 et 166.2 de la LIR portent sur la possibilité pour un contribuable d’obtenir une prorogation du délai pour déposer un avis d’opposition :

166.1 (1) Prorogation du délai Le contribuable qui n’a pas signifié d’avis d’opposition à une cotisation en application de l’article 165 ni présenté de requête en application du paragraphe 245(6) dans le délai imparti peut demander au ministre de proroger le délai pour signifier l’avis ou présenter la requête.

[. . .]

(7) Conditions d’acceptation de la demande Il n’est fait droit à la demande que si les conditions suivantes sont réunies :

a) la demande est présentée dans l’année suivant l’expiration du délai par ailleurs imparti pour signifier un avis d’opposition ou présenter une requête;

b) le contribuable démontre ce qui suit :

(i) dans le délai par ailleurs imparti pour signifier l’avis ou présenter la requête,

(A) il n’a pu ni agir ni charger quelqu’un pour agir en son nom,

(B) ou il avait véritablement l’intention de faire opposition à la cotisation ou de présenter la requête,

(ii) compte tenu des raisons invoquées dans la demande et des circonstances de l’espèce, il est juste et équitable de faire droit à sa demande,

(iii) la demande a été présentée dès que les circonstances le permettaient.

166.2(1) Prorogation du délai par la Cour canadienne de l’impôt Le contribuable qui a présenté une demande en application de l’article 166.1 peut demander à la Cour canadienne de l’impôt d’y faire droit après :

a) le rejet de la demande par le ministre;

b) l’expiration d’un délai de 90 jours suivant la présentation de la demande, si le ministre n’a pas avisé le contribuable de sa décision.

Toutefois, une telle demande ne peut être présentée après l’expiration d’un délai de 90 jours suivant la date de la mise à la poste de l’avis de la décision au contribuable.

[. . .]

(5) Acceptation de la demande Il n’est fait droit à la demande que si les conditions suivantes sont réunies :

a) la demande a été présentée en application du paragraphe 166.1(1) dans l’année suivant l’expiration du délai par ailleurs imparti pour signifier un avis d’opposition ou présenter une requête;

b) le contribuable démontre ce qui suit :

(i) dans le délai par ailleurs imparti pour signifier l’avis ou présenter la requête,

(A) il n’a pu ni agir ni charger quelqu’un pour agir en son nom,

(B) ou il avait véritablement l’intention de faire opposition à la cotisation ou de présenter la requête,

(ii) compte tenu des raisons invoquées dans la demande et des circonstances de l’espèce, il est juste et équitable de faire droit à sa demande,

(iii) la demande a été présentée dès que les circonstances le permettaient.

[Non souligné dans l’original.]

[20] Il incombe au demandeur de prouver qu’il satisfait aux conditions qui permettraient à la Cour de lui accorder une prorogation de délai.

(b) Traitement applicable

question de la compétence

[21] La Cour estime que la question sous-jacente soulève une question de compétence selon le paragraphe 162.2(1) in fine de la LIR. La Cour doit d’abord examiner cette question afin de déterminer si elle est légalement saisie de la demande du demandeur. Si la Cour n’a pas compétence pour disposer de la demande, elle n’est pas habilitée à décider si les conditions donnant lieu à la demande du demandeur sont remplies et, par conséquent, elle doit rejeter la demande.

[22] Le 4 juillet 2019, le mandataire du demandeur a déposé un avis d’opposition auprès de l’ARC. Les principales raisons invoquées dans l’opposition portent sur l’établissement d’une cotisation arbitraire et la production tardive d’une déclaration de revenus par le contribuable pour la même année.

[23] Le 18 juillet 2019, le demandeur a reçu une réponse de l’ARC relativement à l’objection. L’ARC a confirmé qu’elle ne pouvait pas faire droit à la demande de prorogation du délai pour déposer une objection au motif que la demande aurait dû être déposée au plus tard le 12 février 2016.

[24] En réponse à la lettre de l’ARC du 18 juillet 2019, le 17 octobre 2019, le demandeur a déposé auprès de notre Cour une demande de prorogation du délai pour déposer un avis d’opposition conformément à l’article 166.2 de la LIR. Dans cette demande, le demandeur mentionne expressément son intention d’interjeter appel, mais reconnaît qu’il attendait de recevoir des conseils du comptable et qu’il a finalement déposé la demande avec une journée de retard. La Cour comprend que le délai auquel le demandeur fait référence est celui du paragraphe 166.2(1) in fine de la LIR, cité au paragraphe 19 ci-dessus. La Cour comprend également que le comptable agissait toujours pour le compte du demandeur au moment du dépôt de la demande en ce que le 24 octobre 2019, le comptable a fait parvenir une lettre à la Cour confirmant qu’il représentait le demandeur et qu’il souhaitait présenter des documents à l’appui de la demande du demandeur.

[25] Le paragraphe 244(14) de la LTA est ainsi libellé :

(14) Pour l’application de la présente loi, la date d’envoi ou de mise à la poste d’un avis ou d’une notification, visés aux paragraphes 149.1(6.3), 152(3.1), 165(3) ou 166.1(5), ou d’un avis de cotisation ou de détermination est présumée être la date à laquelle cet avis ou cette notification a été envoyé par voie électronique ou posté, selon le cas.

[Non souligné dans l’original.]

 

[26] Le demandeur n’a pas affirmé ou allégué, à l’audience ou au moment du dépôt de la demande auprès de la Cour, que l’avis du 18 juillet 2019 n’avait pas été posté ou reçu.

[27] La demande de prorogation du délai pour déposer un avis d’opposition a été déposée à la Cour par le demandeur le 17 octobre 2019, soit après l’expiration d’un délai de 90 jours suivant la date de la mise à la poste de l’avis de la décision au demandeur. Il est très malheureux que le demandeur ait attendu jusqu’au 17 octobre 2019 pour déposer la demande auprès de la Cour puisque la demande est frappée de prescription. La Cour n’a pas le pouvoir de renoncer au délai prévu au paragraphe 166.2(1) in fine de la LIR.

[28] Les tribunaux ont fermement établi que ces délais sont obligatoires et ne peuvent pas être annulés. En appliquant l’article 166.1 de la LIR, le juge Bowie de la Cour canadienne de l’impôt, dans la décision Pereira (Pereira c. Canada, 2008 CCI 2, confirmée par la Cour d’appel fédérale dans l’arrêt 2008 CAF 264) a donné l’explication suivante :

22 [. . .] ni la malchance [du contribuable] ni la négligence apparente de son avocat ne m’autorisent à faire fi des dispositions impératives des deux lois adoptées par le législateur dans des termes très précis et pour de très bonnes raisons.

 

[29] Cela a également été examiné par la Cour d’appel fédérale dans l’arrêt Canada c. Carlson, 2002 CAF 145, où le juge Nadon a formulé les observations suivantes :

Comme notre Cour l’a statué à de nombreuses occasions, lorsqu’un contribuable n’est pas en mesure de respecter un délai prévu par la Loi, même à cause d’une défaillance du système postal, ni le ministre ni la CCI [la Cour canadienne de l’impôt] ne peuvent lui venir en aide. (Voir l’arrêt Schafer c. Sa Majesté la Reine [2000] A.C.F. no 1480 (C.A.F.); Bowen c. Ministre du Revenu national, 1991 CanLII 13528 (CAF)). Par conséquent, si une défaillance du système postal ne peut secourir un contribuable, il ne sera pas sauvé parce qu’il n’a pas saisi le sens d’un avis de cotisation qui lui a été signifié.

[30] Compte tenu de ce qui précède, la Cour n’a pas compétence pour entendre la demande du demandeur puisque le paragraphe 166.2(1) de la LIR l’en empêche, en ce que la demande a été déposée après l’expiration du délai obligatoire de 90 jours. Cela suffit à rejeter la demande du demandeur.

observation : les circonstances de l’espèce sur la question de la compétence

[31] Que le demandeur ait reçu ou non l’avis de nouvelle cotisation daté du 14 novembre 2014 n’a aucune incidence sur l’absence de compétence. Notre Cour s’est penchée sur une situation semblable dans la décision Burke c. La Reine, 2012 CCI 378 :

[27] Pour ce qui est de l’année d’imposition 1999, Mme Burke n’a pas surmonté le premier obstacle. Le ministre a rejeté sa demande présentée en vertu du paragraphe 166.1(1) de la Loi en avril 2008 et l’en a avisée en mai 2008. Elle n’a pas présenté de demande à la Cour dans le délai requis de 90 jours. L’appelante soutient que, si l’on tient pour acquis que les avis de cotisation ou de nouvelle cotisation ont été mis à la poste pour les années 1998 et 1999, l’intimée n’a pas prouvé la date de mise à la poste et le délai demeure donc ouvert. Si je conclus - et c’est le cas - que les avis de cotisation relatifs aux années 1998 et 1999 ont été mis à la poste, il s’ensuit qu’en présentant au ministre la demande visée au paragraphe 166.1(1) de la Loi, il y a une certaine reconnaissance de la part de Mme Burke qu’elle était au courant de ce fait, manifestement avant d’avoir mis à la poste la demande visée au paragraphe 166.1(1) de la Loi. Il n’existe peut-être pas de preuve concluante de la part de l’intimée quant au moment exact où les avis ont été mis à la poste, mais je ne puis faire abstraction des exigences procédurales précises de la Loi. Lorsqu’un contribuable demande une prorogation au ministre, ce que Mme Burke a fait en avril 2008, et que cette demande est rejetée, ce qui a été le cas en mai 2008, le contribuable – Mme Burke en l’occurrence – bénéficie d’un délai de 90 jours pour présenter une demande à la Cour. Elle ne l’a pas fait et ne peut pas prétendre maintenant que cela importe peu parce qu’il n’existe aucune preuve de la date à laquelle l’avis de cotisation a été mis à la poste, ce qui revient en fait à choisir à quelle règle elle se conformera ou non. Après avoir décidé de présenter au ministre la demande visée au paragraphe 166.1(1) de la Loi, il lui incombait de suivre la procédure qu’elle avait choisie pour poursuivre son opposition. Elle ne l’a pas fait.

[28] La Cour n’a pas compétence pour faire droit à une demande de prorogation du délai imparti en vue de déposer un avis d’opposition relatif à l’année d’imposition 1999, si cette demande a été présentée après le délai de 90 jours que prévoit le paragraphe 166.2(1) de la Loi. La demande est annulée.

[Non souligné dans l’original.]

[32] Dans la décision De Lucia Estate c. La Reine, 2010 CCI 479 [De Lucia], le juge Hogan de notre Cour a également traité d’une situation semblable à celle en l’espèce. Dans cette décision, la demanderesse n’a pas soutenu que la nouvelle cotisation n’avait pas été dûment envoyée, et l’ARC n’a pas présenté d’éléments de preuve à cet égard, mais dans une lettre du 4 août 2009, l’ARC a rejeté l’avis d’opposition et la demande de prorogation de délai au motif que le délai de 90 jours au cours duquel la demanderesse pouvait déposer un avis d’opposition était expiré et que plus d’un an s’était écoulé depuis l’expiration du délai de 90 jours :

Dans sa lettre envoyée à la demanderesse le 4 août 2009, l’ARC a clairement indiqué qu’elle n’accorderait pas de prorogation de délai pour déposer un avis d’opposition. La demanderesse disposait donc de 90 jours à compter de cette date pour déposer la demande qui fait l’objet du présent contrôle judiciaire. Il est malheureux qu’elle ait attendu jusqu’au 19 février 2010 pour ce faire, puisque la demande est manifestement prescrite.

[Non souligné dans l’original.]

[33] La chronologie établie par le demandeur, qui comprend (i) un avis d’opposition déposé le 4 juillet 2019; (ii) une lettre de décision de l’ARC datée du 18 juillet 2019 refusant l’opposition du demandeur et sa demande de prorogation de délai; (iii) une demande déposée par le demandeur le 17 octobre 2019 devant notre Cour, confirmait les dispositions applicables de la LIR qui pouvaient autoriser la Cour à agir en l’espèce. La principale disposition est l’article 166.2 de la LIR.

[34] Par conséquent, et malgré les circonstances invoquées par le demandeur, l’article 166.2 de la LIR doit s’appliquer pour que la Cour ait compétence pour entendre la demande du demandeur. Malheureusement, le paragraphe 166.2(1) in fine de la LIR ne confère par à la Cour la compétence d’être saisie de la demande puisque cette dernière a été déposée à la Cour après l’expiration du délai de 90 jours suivant la date de la mise à la poste de l’avis de la décision au demandeur conformément au paragraphe 166.1(5) de la LIR.

autre observation : condition énoncée à l’alinéa 166.2(5)a) de la LIR

[35] Même si notre Cour reconnaît que le paragraphe 166.2(1) in fine de la LIR ne l’empêche pas d’avoir compétence pour entendre la demande du demandeur, compétence qu’elle n’a pas, il faudrait alors démontrer notamment que le demandeur a satisfait à la condition énoncée à l’alinéa 166.2(5)a) de la LIR.

[36] Conformément à la lettre de décision de l’ARC datée du 19 juillet 2019, la date ultime pour déposer une demande auprès du ministre en application du paragraphe 166.1(1) de la LIR, couvrant le délai de 90 jours pour déposer un avis d’opposition et le délai d’un an qui s’ensuivait, était le 12 février 2016.

[37] Le 4 juillet 2019, le demandeur et son mandataire déposaient l’avis d’opposition. Par conséquent, la seule chance qu’aurait eue le demandeur d’avoir gain de cause aurait été de démontrer que l’avis de nouvelle cotisation n’avait pas été envoyé ou posté par l’ARC le 14 novembre 2014. Par ailleurs, selon le paragraphe 248(7) de la LIR, l’avis est réputé avoir été reçu, et la question de savoir si le contribuable a reçu l’avis n’est plus pertinente (voir la décision Mpamugo c. La Reine, 2016 CCI 215 (confirmée en appel (2017 CAF 136) [Mpamugo]).

[38] Dans la décision Mpamugo, et plus tard dans la décision DaSilva c. La Reine, 2018 CCI 74, le juge Graham de notre Cour a examiné les quatre étapes à franchir lorsqu’un contribuable soutient que le ministre n’a pas posté ni envoyé l’avis de cotisation. Dans certains cas, cette question peut devenir pertinente puisque, conformément au paragraphe 165(1) de la LIR, le délai prévu pour déposer un avis d’opposition commence à la date d’envoi d’un avis de cotisation ou de nouvelle cotisation. Une fois que la date de l’envoi est établie (soit par présomption prévue dans la Loi, soit par la preuve indiquant une autre date), la cotisation est réputée avoir été établie à cette date (paragraphe 244(15) de la LIR) et l’avis de cotisation est réputé avoir été reçu à cette date (paragraphe 248(7) de la LIR).

[39] La première étape indiquée par le juge Graham consiste pour le contribuable à affirmer que l’avis de cotisation n’a pas été envoyé. Il le fait habituellement de deux façons. Il peut affirmer qu’il n’a pas reçu l’avis de cotisation et qu’il croit donc que cet avis n’a pas été envoyé. Sinon, le contribuable peut affirmer que l’avis a été posté à la mauvaise adresse sans qu’il y ait eu faute de sa part et que l’avis n’a donc pas été posté. Dans l’arrêt Mpamugo, la Cour d’appel fédérale a précisé que, si l’affirmation du contribuable n’est pas crédible, il n’est pas nécessaire de passer à la deuxième étape.

[40] Il n’est pas fait mention dans la demande déposée par le demandeur auprès de la Cour qu’une nouvelle cotisation n’a pas été envoyée. De plus, pendant le témoignage et le contre-interrogatoire du demandeur, la Cour est d’avis que, selon la prépondérance des probabilités, le demandeur n’a pas réussi à faire valoir que l’avis de nouvelle cotisation n’a pas été envoyé par l’ARC. Le demandeur était parfois certain, parfois incertain d’avoir reçu l’avis de nouvelle cotisation daté du 14 novembre 2014, et croyait parfois qu’il pourrait l’avoir reçu. Dans son témoignage, il a d’abord mentionné n’avoir jamais reçu la nouvelle cotisation. Au cours du dernier segment de son témoignage et des observations, il était [traduction] « absolument sûr qu’une nouvelle cotisation avait été établie, mais je ne l’ai jamais reçue ». Notre Cour professe que le fait que tous les documents du demandeur sont en possession de son ancien mandataire, combiné à sa compréhension limitée des raisons pour lesquelles le comptable a présenté une demande, a rendu le demandeur hésitant, incohérent et incertain quant aux faits importants. En outre, la procédure engagée devant la Cour relevait des conseils de son comptable à cette époque, et le demandeur ne comprenait pas bien sa valeur juridique. La question de savoir si l’avis a été reçu n’est pas pertinente pour les besoins du critère.

[41] À partir de la demande, du témoignage et des observations, la Cour a conclu que le demandeur n’a pas soutenu que l’avis de nouvelle cotisation n’avait pas été envoyé. Le manque de cohérence dans le témoignage du demandeur au sujet de l’avis de nouvelle cotisation n’en fait pas un témoin crédible sur cette question centrale. La Cour ne peut pas conclure que le demandeur était crédible s’il a cherché à faire valoir que l’avis de nouvelle cotisation n’avait pas été envoyé. Malheureusement, les explications fournies par le demandeur à cet égard sont ambivalentes et imprécises. Avec le recul, elles ne sont pas suffisamment convaincantes ou persuasives pour permettre à la Cour de retenir un témoignage crédible de la part du demandeur, de sorte que la première étape soit franchie avec succès. Même s’il est possible que l’avis de nouvelle cotisation puisse ne pas avoir été reçu, ce qui je le rappelle n’est pas suffisant en soi, les éléments de preuve et les observations présentés à l’audience n’expliquent pas les raisons ou les circonstances qui auraient pu être imputables ou pertinentes au fait de ne pas avoir reçu la nouvelle cotisation, bien que toutes les autres lettres aient été reçues. La gestion et la diligence du demandeur à l’égard de ses documents fiscaux révélés à l’audience n’étaient pas non plus des facteurs qui semblaient étayer sa cause.

[42] Par conséquent, comme je l’ai déjà mentionné, même si la Cour reconnaît que le paragraphe 166.2(1) in fine de la LIR ne l’empêche pas d’avoir compétence pour entendre la demande du demandeur, compétence qu’elle n’a pas, la première étape n’aurait pas été franchie puisque qu’aucune preuve ou explication crédible sur la question du non-envoi de l’avis de nouvelle cotisation n’a été présentée ou alléguée à l’audience ou dans les procédures.

[43] Notre Cour est un tribunal créé par la loi. Ce n’est pas une cour d’equity, et elle ne peut malheureusement pas corriger les situations injustes.

VII. Conclusion

[44] Bien que l’analyse ci-dessus aborde divers facteurs qui auraient pu avoir une influence déterminante dans d’autres circonstances, l’absence de compétence en l’espèce suffit à justifier la décision de la Cour. Malheureusement, et même si la situation en l’espèce suscite de la sympathie, il n’y a aucun fondement juridique ou factuel ou une combinaison des deux qui permet de conférer à notre Cour le pouvoir d’accueillir la demande.

[45] Pour tous ces motifs, la demande de prorogation du délai pour déposer un avis d’opposition auprès du ministre en application de l’article 166.2 de la LIR à l’égard de l’année d’imposition 2012 du demandeur sera rejetée, sans dépens.

Signé à Québec (Québec), ce 19e jour d’avril 2023.

« J.M. Gagnon »

Le juge Gagnon

 


RÉFÉRENCE :

2023 CCI 50

NO DU DOSSIER DE LA COUR :

2019-3822(IT)APP

INTITULÉ :

G DEWAR LAING c. SA MAJESTÉ LE ROI

LIEU DE L’AUDIENCE :

Windsor (Ontario)

DATE DE L’AUDIENCE :

Le 26 janvier 2023

MOTIFS DU JUGEMENT :

L’honorable juge Jean Marc Gagnon

DATE DU JUGEMENT :

Le 19 avril 2023

COMPARUTIONS :

Pour le demandeur :

Le demandeur lui-même

Avocate du défendeur :

Me Amanda De Bruyne

AVOCATE INSCRITE AU DOSSIER :

Pour le défendeur :

Shalene Curtis-Micallef
Sous-procureure générale du Canada
Ottawa, Canada

 

 

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