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Dossier : 2022-888(IT)I

ENTRE :

OM GUPTA,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LE ROI,

intimé.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

Appel entendu simultanément par vidéoconférence et téléconférence le 24 mai 2023, à Montréal (Québec).

Devant : L’honorable juge suppléant Gaston Jorré


Comparutions :

Pour l’appelant :

L’appelant lui-même

Avocate de l’intimé :

Marie-Ève Larocque

 

JUGEMENT

Conformément aux motifs du jugement ci-joints, l’appel interjeté par l’appelant concernant l’année d’imposition 2020 est rejeté sans dépens.

Signé à Ottawa, Canada, ce 8e jour de juin 2023.

« G. Jorré »

Le juge suppléant Jorré.


Référence : 2023 CCI 82

Date : 20230608

Dossier : 2022-888(IT)I

ENTRE :

OM GUPTA,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LE ROI,

intimé.


[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

MOTIFS DU JUGEMENT

Le juge suppléant Jorré

I. Introduction

[1] Les citoyens reçoivent fréquemment des avis de cotisation et de nouvelles cotisations de l’Agence du revenu du Canada qui comptent souvent quatre ou cinq pages. Il n’est pas étonnant qu’ils tiennent souvent pour acquis que les diverses sommes d’argent indiquées sur l’avis ont été « établies » ou « déterminées » par l’Agence en application de la Loi de l’impôt sur le revenu (la « Loi »).

[2] Le présent appel porte sur les sommes exactes, en droit, qui ont fait l’objet d’une « cotisation » ou d’une « nouvelle cotisation » en application de la Loi.

II. Contexte

[3] Il n’y avait aucune question à trancher relativement aux documents ou aux faits[1].

[4] L’appelant interjette appel d’une cotisation établie pour son année d’imposition 2020, qui a établi plus d’impôt qu’il ne l’avait prévu.

[5] L’augmentation découlait du fait que le ministre a conclu que le montant provenant des pertes en capital nettes que l’appelant pouvait réclamer était inférieur à la somme réclamée par l’appelant, donnant lieu à un revenu imposable et à un taux d’imposition plus élevés.

[6] L’intimé a réduit le solde de la perte en capital nette, car une partie de ce qui était inclus dans le solde était un montant provenant d’une perte en capital nette subie avant la libération de l’appelant comme failli, en 1994. Selon le sous-alinéa 128(2)g)(i) de la Loi de l’impôt sur le revenu, les pertes subies avant la libération d’une faillite ne peuvent pas être déduites au cours des années d’imposition qui suivent la libération de la faillite.

[7] L’appelant ne conteste pas l’application du sous-alinéa 128(2)g)(i).

[8] L’appelant ne prétend pas que l’avis de cotisation daté du 6 mai 2021 à l’égard de l’année d’imposition 2020 est hors délai.

[9] Ce que l’appelant conteste est le fait que l’intimé a rajusté le montant de la perte en capital reportée de nombreuses années après sa libération.

[10] Au fil des ans, l’appelant a reçu des avis de cotisation indiquant le solde de sa perte en capital nette, qui comprenait le montant du solde de sa perte en capital nette avant sa libération comme failli.

[11] Par exemple, 1) dans l’avis de cotisation daté du 23 août 2018 à l’égard de l’année d’imposition 2017[2] et 2) dans l’avis de cotisation daté du 13 mai 2019 à l’égard de l’année d’imposition 2018[3].

[12] Cela change dans l’avis de cotisation du 30 juin 2020 à l’égard de l’année d’imposition 2019. Une mention indique : [traduction] « Nous avons ramené votre perte en capital nette à l’égard des autres années à [....] Vous ne pouvez pas réclamer des pertes avant l’année de votre libération absolue comme failli cette année-là ou au cours d’une année ultérieure ».[4]

[13] L’appelant n’a jamais demandé ni reçu un avis de détermination d’une perte.

III. Analyse

[14] La thèse défendue par l’appelant équivaut à soutenir que le solde de la perte en capital nette indiqué dans les divers avis de cotisation avant le 30 juillet 2020 représente une détermination établie dans une cotisation il y a de nombreuses années, selon laquelle le solde de la perte en capital nette comprenait les pertes subies avant sa libération comme failli.

[15] Il soutient de plus qu’environ 25 ans plus tard, il était beaucoup trop tard le 30 juillet 2020 pour le ministre de modifier cette détermination et de procéder à un rajustement du solde de la perte en raison de la libération d’un failli, en 1994. De fait, l’appelant fait valoir qu’un tel rajustement est frappé de prescription du fait de la détermination antérieure contenue dans une cotisation antérieure.

[16] L’appelant invoque les délais prévus au paragraphe 152(4) de la Loi de l’impôt sur le revenu et les dispositions du paragraphe 152(1.3) de la même loi. [5]

[17] Les mots-clés du paragraphe 152(1.3)[6] sont les suivants :

(1.3) […] lorsque le ministre détermine le montant [...] d’une perte en capital nette [...] subie par un contribuable [...], le montant ainsi déterminé lie à la fois le ministre et le contribuable […][7]

[18] Je ne suis pas d’accord.

[19] La Loi de l’impôt sur le revenu est très précise sur ce qui est établi ou déterminé. En ce qui concerne les cotisations et nouvelles cotisations, la disposition clé se trouve dans les premiers mots du paragraphe 152(1) de la Loi de l’impôt sur le revenu.

Le ministre [...] examine la déclaration de revenus d’un contribuable pour une année d’imposition, fixe l’impôt pour l’année, ainsi que les intérêts et les pénalités éventuels payables [...][8]

[Non en caractères gras dans l’original.]

[20] En ce qui concerne la détermination des pertes en capital nettes, la disposition clé se trouve au paragraphe 152(1.1) de la Loi de l’impôt sur le revenu.

Lorsque le ministre établit le montant [...] de la perte en capital nette [...] subie par un contribuable [...] et que le contribuable n’a pas déclaré ce montant comme perte dans sa déclaration de revenus pour cette année, le ministre doit, à la demande du contribuable [...], déterminer le montant de cette perte et envoyer un avis de détermination [...][9]

[Non en caractères gras dans l’original.]

[21] Plusieurs autres dispositions de la Loi de l’impôt sur le revenu prévoient des déterminations très précises, mais aucune d’entre elles n’est pertinente en l’espèce.

[22] Afin d’établir une cotisation pour une année d’imposition, le ministre se fonde sur certains faits et sur un cadre analytique donné. Ces faits et cette analyse ne sont pas « établis » ou « déterminés » au sens donné au paragraphe 152(1) ou 152(1.1) ci-dessus. Certains faits concernent des années antérieures. Par exemple, si un bien est aliéné, il est nécessaire de tenir compte de son coût d’acquisition. De même, pour déterminer la déduction pour amortissement du bien, le montant réclamé pour amortissement au cours des années antérieures peut être pertinent.

[23] Les délais prévus au paragraphe 152(4) de la Loi de l’impôt sur le revenu empêchent uniquement les nouvelles cotisations concernant l’impôt, les intérêts et les pénalités établies pour une année donnée. Ils ne rendent pas obligatoires toutes les autres sommes indiquées dans l’avis de cotisation.

[24] De la même façon, l’effet du paragraphe 152(1.1) de la Loi de l’impôt sur le revenu est de rendre obligatoire la détermination d’une perte précise réclamée par le contribuable et transmise au contribuable par avis de détermination. Le paragraphe 151(1.1) s’arrête là.

[25] Par conséquent, il est bien établi que le ministre peut tenir compte des faits réels des années antérieures, même si en établissant une cotisation pour une année antérieure, il s’est appuyé sur un fondement factuel différent[10]. De même, si au cours d’une antérieure le ministre commet une erreur dans l’application de la loi, il peut corriger l’erreur lorsqu’il établit la cotisation pour une année ultérieure.

[26] Par exemple, dans la décision Coastal Construction & Excavating Ltd. v. R.[11], le juge Bowman, tel était alors son titre, a mentionné ce qui suit :

24. Enfin, l’appelant soutient que comme le ministre avait considéré, dans les années antérieures, l’exploitation comme étant un « établissement » au sens de la Loi sur les subventions au développement régional (LSDR), il n’avait pas le droit de modifier le report en avant du crédit d’impôt à l’investissement à partir des années frappées de prescription pour modifier le revenu imposable d’une année non frappée de prescription afin d’établir que son bien était admissible et non certifié. Cette interprétation impliquerait une conclusion selon laquelle l’établissement du solde du report pour les crédits d’impôt à l’investissement pour une année prescrite équivaudrait à une cotisation. Je ne considère pas que l’article 152 de la Loi de l’impôt sur le revenu puisse admettre une telle conclusion. Le ministre a l’obligation d’établir une cotisation en conformité avec les règles de droit en vigueur. Si la cotisation établie lors d’une année antérieure est inexacte et que cette année­là est devenue frappée de prescription, il sera impossible de modifier la cotisation de cette année­là, mais ce fait n’empêche pas de corriger l’erreur dans une autre année d’imposition qui, elle, n’est pas frappée de prescription, même s’il faut apporter une correction aux reports des années précédentes, pouvant être une perte ou un solde en crédits d’impôt à l’investissement. New St. James Ltd. v. Minister of National Revenue […] (renvois omis)

[Non en caractères gras dans l’original.]

[27] Plus récemment, dans la décision Peach c. La Reine[12] la juge Monaghan, tel était alors son titre, a déclaré ce qui suit :

[66] Le droit est clair :

« Si une erreur a été commise dans la cotisation établie pour une année frappée de prescription et que cette erreur affecte une autre année, le ministre, quand il établit une cotisation pour cette autre année, doit s’en tenir à la Loi, et si une erreur de droit a été commise pour une année antérieure, y compris une année frappée de prescription, cette erreur doit être corrigée de manière à ce que la cotisation établie pour l’année en cours soit exacte ».

[renvois omis]

[28] Il s’agit d’un principe général qui se limite seulement à certaines situations très précises aux termes de dispositions précises de la Loi de l’impôt sur le revenu.

[29] Il ressort clairement de la loi qu’en l’absence d’un avis de détermination, un énoncé contenu dans un avis de cotisation selon lequel une certaine somme représente le solde des pertes en capital nettes ne constitue pas une détermination à laquelle s’applique le paragraphe 152(1.3). En outre, un tel énoncé ne constitue pas une cotisation établie à l’égard de cette somme, assujettie au délai prescrit au paragraphe 152(4).

IV. Conclusion

[30] Par conséquent, étant donné l’absence d’un avis de détermination, le ministre pouvait tenir compte des conséquences de la faillite aux fins de l’établissement d’une cotisation à l’égard de l’année d’imposition 2020 de l’appelant.

[31] L’appel est rejeté.

Signé à Ottawa, Canada, ce 8e jour de juin 2023.

« G. Jorré »

Le juge suppléant Jorré


RÉFÉRENCE :

2023 CCI 82

No DU DOSSIER DE LA COUR :

2022-888(IT)I

INTITULÉ :

OM GUPTA c. SA MAJESTÉ LE ROI

LIEU DE L’AUDIENCE :

Montréal (Québec)[13]

DATE DE L’AUDIENCE :

Le 24 mai 2023

MOTIFS DU JUGEMENT :

L’honorable juge suppléant Gaston Jorré

DATE DU JUGEMENT :

Le 8 juin 2023

COMPARUTIONS :

Pour l’appelant :

L’appelant lui-même

Avocate de l’intimé :

Marie-Ève Larocque

AVOCAT INSCRIT AU DOSSIER :

Pour l’appelant :

Nom :

 

 

Cabinet :

 

Pour l’intimé :

Shalene Curtis-Micallef
Sous-procureure générale du Canada
Ottawa, Canada

 



[1] Selon une entente, les documents joints à l’avis d’appel et au recueil de documents de l’intimé, la pièce R-1, ont été produits en preuve. L’avis d’appel et les pièces jointes comptent au total 22 pages, dont les deux premières pages sont l’avis d’appel.

[2] L’avis est joint à l’avis d’appel. Voir la page 3 de l’avis.

[3] Voir la pièce R-1, onglet 1 à la première ligne du dernier paragraphe de la page 3 de l’avis.

Voir la pièce R-1, onglet 2, à la page 3.

[5] L’appelant s’est également fondé sur la décision rendue par le juge MacKay dans Placer Dome Inc. v. Canada (No. 1) 1991 CanLII 14095 (CF). Dans cette décision, la nouvelle cotisation en litige était frappée de prescription par une cotisation antérieure. Il s’agit d’une question tout à fait différente de celle en l’espèce.

[6] Bien que cela ne soit pas pertinent en l’espèce, je soulignerais qu’en raison des dispositions du paragraphe 152(1.2), à l’instar des cotisations, il y a une période pendant laquelle de nouvelles déterminations peuvent être établies, de même que certaines circonstances où le ministre peut établir de nouvelles déterminations au-delà de la période normale de nouvelle détermination.

[7] J’ai retiré les parties du paragraphe qui ne sont pas pertinentes en l’espèce. Le texte intégral de ce paragraphe est le suivant :

(1.3) Il est entendu que lorsque le ministre détermine le montant d’une perte autre qu’une perte en capital, d’une perte en capital nette, d’une perte agricole restreinte, d’une perte agricole ou d’une perte comme commanditaire subie par un contribuable pour une année d’imposition ou détermine un montant en application du paragraphe (1.11) en ce qui concerne un contribuable, le montant ainsi déterminé lie à la fois le ministre et le contribuable en vue du calcul, pour toute année d’imposition, du revenu, du revenu imposable ou du revenu imposable gagné au Canada du contribuable ou de l’impôt ou d’un autre montant payable par le contribuable ou d’un montant qui lui est remboursable, sous réserve des droits d’opposition et d’appel du contribuable à l’égard du montant déterminé et sous réserve de tout montant déterminé de nouveau par le ministre.

[8] Je ne fais que reproduire les mots-clés.

[9]Le texte intégral de ce paragraphe est le suivant :

Lorsque le ministre établit le montant de la perte autre qu’une perte en capital, de la perte en capital nette, de la perte agricole restreinte, de la perte agricole ou de la perte comme commanditaire subie par un contribuable pour une année d’imposition et que le contribuable n’a pas déclaré ce montant comme perte dans sa déclaration de revenus pour cette année, le ministre doit, à la demande du contribuable et avec diligence, déterminer le montant de cette perte et envoyer un avis de détermination à la personne qui a produit la déclaration.

[10] À cet égard, il est utile de se rappeler que de nombreuses déclarations de revenus font l’objet d’une cotisation, admises telles quelles, tandis que d’autres cotisations ou nouvelles cotisations peuvent donner lieu à un examen limité de certaines parties, mais non de la totalité de la déclaration.

[11] [1996] 3 C.T.C. pp. 2845 à 2856, 1996 CanLII 21537, à la dernière page (CCI), 97 D.T.C. 26.

[12] 2020 CCI 12

[13] L’audience devait se tenir par vidéoconférence. Cependant, en raison de problèmes techniques, l’appelant a participé à l’audience par téléphone. Le juge était dans la salle d’audience. L’appelant était chez lui et l’avocate de l’intimé était à son bureau.

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