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Dossier : 2021-2010(GST)I

ENTRE :

NAVDEEP SINDHI,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LE ROI,

intimé.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

Appel entendu le 31 mai 2023, à Hamilton (Ontario)

Devant : l’honorable Eugene P. Rossiter, juge en chef


Comparutions :

Avocat de l’appelant :

Me Craig Burley

Avocat de l’intimé :

Me Sam Perlmutter

 

JUGEMENT

L’appel visant la cotisation établie par l’avis de cotisation du 10 septembre 2019, sous le régime des dispositions relatives aux demandes de remboursement pour habitations neuves de la partie IX de la Loi sur la taxe d’accise, est rejeté.

Signé à Ottawa, Canada, ce 17e jour de juillet 2023.

« E.P. Rossiter »

Le juge en chef Rossiter

 


Référence : 2023 CCI 102

Date : 07172023

Dossier : 2021-2010(GST)I

ENTRE :

NAVDEEP SINDHI,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LE ROI,

intimé.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]


MOTIFS DU JUGEMENT

Le juge en chef Rossiter

I. Contexte et faits :

[1] La Cour a été saisie de la présente affaire par suite de la production par l’Agence du revenu du Canada (l’« ARC ») d’un avis de cotisation à l’égard de l’appelant daté du 10 septembre 2019, aux termes duquel l’intimé rejette la demande de remboursement de la TPS/TVH pour habitation neuve faite par l’appelant. L’appelant a déposé un avis d’opposition le 19 septembre 2019, et par la suite, soit le 16 août 2021, un avis d’appel auprès de la Cour canadienne de l’impôt. L’intimé a déposé sa réponse le 15 juillet 2022, soumettant ainsi les questions dont la Cour est saisie.

[2] La question en litige concerne la résidence de l’appelant, sise au 108 Dunrobin Lane, à Grimsby, en Ontario. L’appelant affirme qu’il avait l’intention d’y résider. Le 8 juillet 2016, l’appelant a signé un contrat de vente d’un montant de 413 847,00 $ à l’égard de la résidence. L’appelant avait l’intention de se marier et d’élever une famille dans ce qu’il a décrit comme un quartier de choix pour les familles, calme et offrant de beaux espaces, tant au niveau de la résidence elle-même – laquelle devait offrir trois chambres – que dans les alentours.

[3] L’appelant a été en couple pendant environ deux ans et demi, mais sa relation a pris fin en janvier 2017.

[4] L’appelant était de retour au Canada après avoir travaillé pendant cinq ans au Kentucky (États-Unis) comme directeur général de stations-service appartenant à son père. L’appelant est revenu au Canada après que son père ait vendu les stations-service, et il a vécu avec ses parents à son retour.

[5] L’appelant avait l’intention de se lancer dans la gestion d’une entreprise de camionnage, laquelle devait appartenir et être établie par ses parents. Au départ, l’entreprise disposerait d’un camion et transporterait du fret en Ontario et aux alentours, l’appelant exerçant les fonctions de chauffeur et de directeur général de l’entreprise. En ce qui concerne le parcours de l’appelant, il a fait deux années d’études en sciences politiques à l’université de York, mais n’a pas terminé le programme. Il vivait avec ses parents et travaillait dans l’entreprise depuis leur domicile.

[6] En 2015, il a travaillé pour une entreprise de camionnage pendant environ quatre mois et a obtenu son permis de camionneur à cette époque. Ce permis l’autorisait à conduire des camions de transport. Comme indiqué, en 2016, ses parents ont créé leur propre entreprise de camionnage.

[7] Pour l’année 2016, le revenu de 60 000,00 $ de l’appelant provenait entièrement de son emploi au sein de l’entreprise de camionnage de ses parents. En 2017, son revenu a chuté, passant à 38 000,00 $, provenant encore entièrement de son emploi dans l’entreprise de camionnage de ses parents. En 2018, il n’a eu aucun revenu, bien qu’il ait continué à travailler dans l’entreprise de camionnage de ses parents.

[8] Dans un premier temps, en 2016, l’appelant a fait appel à un courtier en hypothèques afin de financer l’achat de la résidence dont il est question en l’espèce. À l’époque, il pouvait se permettre un prêt hypothécaire d’environ 420 000,00 $, compte tenu des taux qu’il avait utilisés dans ses calculs. L’appelant a été informé par son courtier qu’il avait obtenu une préautorisation pour un prêt d’environ 420 000,00 $, en fonction de son revenu annuel de 2016, qui était de 60 000,00 $.

[9] L’appelant a signé le contrat de vente en mars 2018. À la date de clôture, l’appelant avait plusieurs sujets de préoccupation :

  • a)L’appelant avait mis fin à sa relation de couple en janvier 2017. Par conséquent, il ne disposait que d’un seul revenu pour effectuer les versements mensuels sur son prêt hypothécaire, lesquels deviendraient exigibles à la signature du contrat de vente en mars 2018.

  • b)L’entreprise de camionnage de ses parents (HS Steelers Transport), qui était son employeur, était en difficulté et, par conséquent, son revenu, qui s’élevait à 60 000,00 $ en 2016, a été ramené par la société à 38 000,00 $ en 2017, puis à zéro en 2018. L’appelant a poursuivi son travail en tant que camionneur et directeur général l’entreprise depuis le domicile de ses parents, où il vivait.

  • c)Au moment de la conclusion de la vente de la résidence en question, en mars 2018, l’appelant ayant des revenus limités, il n’a pas été en mesure d’obtenir un prêt hypothécaire conventionnel.

  • d)L’appelant a eu recours à un prêt hypothécaire privé, assorti de taux d’intérêt et de frais d’administration élevés. Le financement par prêt hypothécaire privé était extrêmement onéreux, et ce, même après que les parents de l’appelant aient fourni une hypothèque sur leur propre maison, en plus de l’hypothèque sur la résidence en question. Selon l’appelant, [traduction] « la situation [était] insoluble ».

  • e)La situation de l’entreprise de camionnage des parents de l’appelant a fini par se redresser, mais il était trop tard pour que l’appelant puisse obtenir un financement pour la résidence visée et, pendant cette période, il a dû demander à ses parents de l’aider financièrement.

[10] La personne avec laquelle l’appelant était en couple n’a jamais été partie au contrat de vente de la résidence. Elle n’a jamais conclu d’entente avec l’appelant prévoyant qu’elle contribuerait au remboursement du prêt hypothécaire après la signature du contrat de vente.

[11] En ce qui concerne l’occupation de la résidence en question une fois la vente menée à terme, l’habitation était chauffée au gaz naturel. L’appelant n’a préparé ni consommé aucun repas dans la résidence, n’y séjournant qu’environ deux nuits par semaine. Les seuls meubles ou articles ménagers qu’il possédait sur place étaient un matelas, des draps et des oreillers, ainsi qu’une table. L’appelant avait souscrit une assurance habitation pour résidence occupée, avait contracté un abonnement à Internet et était approvisionné en gaz naturel pour la cuisinière et le chauffage. Il a fini par vendre la résidence pour une somme de 455 000,00 $.

II. QUESTIONS À TRANCHER :

[12] La Cour est saisie de trois questions :

  • 1)L’appelant a-t-il acquis l’immeuble dans l’intention qu’il lui serve de lieu de résidence habituelle au sens de l’alinéa 254(2)b) de la Loi sur la taxe d’accise, L.R.C. (1985), ch. E-15 (la « LTA »)?

  • 2)L’occupation de la résidence par l’appelant visée à l’alinéa 254(2)g) de la LTA suppose-t-elle que le particulier occupe l’immeuble pour qu’il lui serve de résidence habituelle ou simplement qu’il l’occupe à titre résidentiel?

  • 3)L’appelant a-t-il été empêché de réaliser son intention d’occuper les lieux à titre résidentiel et, dans l’affirmative, l’empêchement a-t-il existé ou s’est-il même appliqué de telle sorte qu’il y a eu une fourniture exonérée aux fins du sous-alinéa 254(2)g)(ii)?

III. La loi :

[13] Le paragraphe 254(2) de la LTA dispose que :

Remboursement – habitation neuve

(2) Sous réserve du paragraphe (3), le ministre rembourse un particulier dans le cas où, à la fois :

a) le constructeur d’un immeuble d’habitation à logement unique ou d’un logement en copropriété en effectue, par vente, la fourniture taxable au profit du particulier;

b) au moment où le particulier devient responsable ou assume une responsabilité aux termes du contrat de vente de l’immeuble ou du logement conclu entre le constructeur et le particulier, celui-ci acquiert l’immeuble ou le logement pour qu’il lui serve de lieu de résidence habituelle ou serve ainsi à son proche;

c) le total des montants – appelé « contrepartie totale » au présent paragraphe – dont chacun représente la contrepartie payable pour la fourniture de l’immeuble ou du logement et pour toute autre fourniture taxable, effectuée au profit du particulier, d’un droit sur l’immeuble ou le logement est inférieur à 450 000 $;

d) le particulier a payé la totalité de la taxe prévue à la section II relativement à la fourniture et à toute autre fourniture, effectuée à son profit, d’un droit sur l’immeuble ou le logement (le total de cette taxe prévue au paragraphe 165(1) étant appelé « total de la taxe payée par le particulier » au présent paragraphe);

e) la propriété de l’immeuble ou du logement est transférée au particulier une fois la construction ou les rénovations majeures de ceux-ci achevées en grande partie;

f) entre le moment où les travaux sont achevés en grande partie et celui où la possession de l’immeuble ou du logement est transférée au particulier en vertu du contrat de vente :

i) l’immeuble n’a pas été occupé à titre résidentiel ou d’hébergement,

ii) le logement n’a pas été occupé à titre résidentiel ou d’hébergement, sauf s’il a été occupé à titre résidentiel par le particulier, ou son proche, qui était alors l’acheteur du logement aux termes d’un contrat de vente;

g) selon le cas :

i) le premier particulier à occuper l’immeuble ou le logement à titre résidentiel, à un moment après que les travaux sont achevés en grande partie, est :

(A) dans le cas de l’immeuble, le particulier ou son proche,

(B) dans le cas du logement, le particulier, ou son proche, qui, à ce moment, en était l’acheteur aux termes d’un contrat de vente,

(ii) le particulier effectue par vente une fourniture exonérée de l’immeuble ou du logement, et la propriété de l’un ou l’autre est transférée à l’acquéreur de cette fourniture avant que l’immeuble ou le logement n’ait été occupé à titre résidentiel ou d’hébergement.

Le remboursement est égal au montant suivant :

h) si la contrepartie totale est de 350 000 $ ou moins, un montant égal à 6 300 $ ou, s’il est inférieur, le montant représentant 36 % du total de la taxe payée par le particulier;

i) si la contrepartie totale est supérieure à 350 000 $ mais inférieure à 450 000 $, le montant calculé selon la formule suivante :

A × [(450 000 $ - B)/100 000 $]

où :

A représente 6 300 $ ou, s’il est moins élevé, 36 % du total de la taxe payée par le particulier;

B la contrepartie totale.

[14] L’appelant et l’intimé ont cité de nombreuses décisions faisant autorité dans leurs conclusions finales, dont voici la liste : Gagné c. La Reine, 2007 CCI 175, une décision du juge Favreau; Sozio c. La Reine, 2018 CCI 258, une décision du juge Bocock; Fard c. La Reine, 2022 CCI 42, une décision du juge suppléant Masse; Gill c. La Reine, 2016 CCI 13, une décision du juge Smith; Kniazev c. La Reine, 2019 CCI 58, une décision du juge Smith; Margolin c. La Reine, 2018 CCI 36, une décision du juge suppléant Masse; Virani c. La Reine, 2010 CCI 113, une décision de la juge Campbell; Berkovich c. La Reine, 2014 CCI 268, une décision de la juge Lyons; Sivakumar c. La Reine, une décision de la juge Campbell et Kandiah c. La Reine, 2014 CCI 276, une décision du juge C. Miller.

[15] Il y a un point qu’il convient de traiter, à savoir la question de l’occupation de la résidence en cause; il y a une différence entre le libellé de l’alinéa 254(2)b) et celui de l’alinéa 254(2)g). À l’alinéa 254(2)b), la disposition vise spécifiquement l’intention de l’appelant d’utiliser l’immeuble « comme lieu de résidence habituelle ». L’alinéa 254(2)g) omet l’adjectif « habituelle » et parle simplement d’occupation de l’immeuble « à titre résidentiel ». Cette différence entre les dispositions peut être significative au moment de leur application. Après avoir examiné la jurisprudence citée et appliqué les règles d’interprétation législative, je suis d’avis qu’une autre interprétation s’impose.

IV. ANALYSE :

[16] Je suis convaincu par la preuve présentée par l’appelant qu’au moment de la signature du contrat de vente, ce dernier avait l’intention d’occuper l’immeuble à titre de résidence habituelle.

[17] L’alinéa 254(2)b) de la LTA prévoit que le particulier qui acquiert un immeuble doit avoir l’intention de l’acquérir pour qu’il lui serve comme lieu de résidence habituelle. Il faut établir l’intention au moment où l’appelant a conclu le contrat de vente, et non au moment de l’occupation (Wong c. La Reine, 2013 CCI 23). L’intention d’un contribuable est une question de fait et, pour la définir, on ne doit pas s’en tenir à la seule intention déclarée de celui-ci, mais également examiner toutes les circonstances factuelles (Kukreja c. La Reine, 2014 CCI 56). Pour déterminer si la preuve appuie l’intention en question, il faut prendre en compte divers facteurs. En l’espèce, l’appelant n’avait aucune véritable expérience du marché de l’immobilier[1]. L’appelant n’a pas eu à faire d’efforts[2] en vue de vendre un ancien bien immobilier, car il n’avait pas d’ancien bien immobilier. L’intention était celle du contribuable seul; il aurait agi en tant que particulier et célibataire, bien qu’il ait eu une brève discussion avec son ou sa partenaire concernant l’achat. Cette personne n’a pas participé au contrat de vente visant l’immeuble en question, n’était tenue à aucune obligation découlant de celui-ci et n’y est pas devenue partie. Selon l’appelant, ses revenus au moment de la signature du contrat de vente étaient suffisants pour lui permettre d’honorer les obligations mensuelles qui découleraient du prêt hypothécaire envisagé.

[18] J’ai trouvé que l’appelant a fait preuve d’ouverture et de franchise lors de son témoignage. Il a répondu de manière directe et n’a pas cherché à éviter les questions difficiles. Je pense qu’il a fait preuve d’une certaine naïveté quant à ses perspectives à long terme, mais ce n’est pas surprenant, étant donné qu’il s’agissait de sa première incursion sur le marché de l’immobilier. Je suis convaincu qu’au moment de la signature du contrat de vente, l’appelant avait l’intention que la résidence lui serve de lieu de résidence habituelle.

A. L’appelant a-t-il occupé l’immeuble à titre résidentiel?

[19] Comme mentionné ci-dessus, le critère de résidence au titre des dispositions de l’alinéa 254(2)b) diffère de celui de l’alinéa 254(2)g) : le premier exige que l’immeuble serve de « résidence habituelle » au contribuable, tandis qu’il suffit pour le second que l’immeuble soit utilisé « à titre résidentiel ».

[20] L’intimé s’appuie sur la décision Gill c. La Reine, 2016 CCI 13, pour affirmer que l’alinéa 254(2)g) exige qu’un contribuable occupe l’immeuble à titre de résidence « habituelle ». Dans la décision Gill, au paragraphe 29, le juge Smith écrit à propos de l’alinéa 254(2)g) :

[…] Il doit y avoir un élément de permanence qui donne suite à l’intention d’acquérir l’immeuble pour en faire sa résidence habituelle. Une occupation transitoire ne saurait satisfaire au critère que l’acheteur soit « le premier à occuper l’immeuble (…) » au sens de l’alinéa 254(2)(g) [sic] de la LTA.

[21] En tout respect, je ne partage pas cet avis. Parmi les principes d’interprétation législative, il existe une présomption d’uniformité des expressions, selon laquelle, notamment, une différence de mots indique une différence de sens. Dans l’arrêt Jabel Image Concepts Inc. c. Canada, 2000 CanLII 15319 (CAF), le juge de la Cour d’appel fédérale explique, au paragraphe 12 :

Lorsqu’une loi emploie des mots différents pour traiter du même sujet, ce choix du législateur doit être considéré comme délibéré et être tenu pour une indication de changement de sens ou de différence de sens.

[22] Dans le cas des alinéas 254(2)b) et g), il faut présumer que le législateur a intentionnellement choisi de faire une distinction lorsqu’il a utilisé les expressions « lieu de résidence habituelle » à l’alinéa b) et « occupé à titre résidentiel » à l’alinéa g). Par conséquent, je rejette l’argument de l’intimé voulant que l’alinéa 254(2)g) exige que l’appelant ait occupé l’immeuble à titre de résidence habituelle.

[23] Nonobstant mon commentaire ci-dessus, je ne suis pas d’avis que l’appelant a véritablement occupé l’immeuble. Je trouve les commentaires du juge Bocock, au paragraphe 15 de la décision Sozio c. La Reine (précité), particulièrement éclairants :

[15] Chaque affaire représente un exercice d’analyse de l’intention subjective du contribuable à l’aide des faits particuliers à chaque appel se trouvant parmi une variété d’indices. Les faits fournissent l’orientation et indiquent l’application et la pondération qui doivent être données aux indices. En bref, il s’agit de déterminer si ce que déclare ou prévoyait un contribuable est corroboré par le cheminement vers l’occupation. Les indices d’occupation en tant que résidence habituelle relèvent de la logique :

a) la démarcation du lieu de résidence habituelle indiquée par un changement d’adresse;

b) la relocalisation d’une quantité suffisante d’effets personnels à la propriété concernée par le remboursement;

c) en l’absence d’occupation de la résidence, existe-t-il une preuve forte d’entrave à l’occupation;

d) la souscription d’une assurance du propriétaire occupant par opposition à une assurance de résidence secondaire ou de résidence donnée en location;

e) la mise en possession de la résidence habituelle précédente à un tiers;

f) s’il y a occupation double, alors la propriété concernée par le remboursement doit être occupée plus fréquemment, être mieux adaptée aux lieux tiers comme le lieu de travail, comporter davantage de commodités pratiques et convenir davantage aux besoins du contribuable.

[24] Je suis d’avis que l’occupation consiste en quelque chose de plus que le simple fait de disposer d’un matelas, de draps, de taies d’oreiller et d’une table sur place. Bien que l’appelant ait séjourné dans l’immeuble deux nuits par semaine, on ne peut certainement pas qualifier de tels séjours d’occupation des lieux. En réalité, il a pris des dispositions pour faire fonctionner le chauffage dans les lieux, ce que les conditions météorologiques rendaient nécessaire. Il a souscrit une assurance habitation, mais il s’agissait là d’une condition à l’obtention d’un prêt, que ce soit un prêt conventionnel ou auprès d’un prêteur privé. Il a contracté un abonnement à Internet, mais là encore, Internet est de nos jours une nécessité s’il avait l’intention de passer du temps sur place. Ce que l’appelant n’a pas fait en dit plus long sur le fait qu’il ait ou non occupé la résidence :

  • a)il n’a préparé ou confectionné aucun repas dans les lieux en question;

  • b)il n’a pas séjourné sur place ou occupé les lieux plus de deux nuits par semaine;

  • c)il a continué à vivre avec ses parents dans leur lieu de résidence;

  • d)il n’a pas changé l’adresse à laquelle il recevait son courrier;

  • e)il n’a pas déplacé suffisamment d’effets personnels dans les lieux;

  • f)il n’existe aucune preuve que l’immeuble était plus fréquemment occupé; en fait, il existe une preuve du contraire, à savoir que l’immeuble était moins souvent occupé que l’autre résidence de l’appelant, qu’il partageait avec ses parents;

  • g)il n’existe aucune preuve concernant la commodité d’un lieu tiers comme le lieu de travail ou d’autres installations plus pratiques et mieux adaptées aux besoins du contribuable.

[25] Il ne fait aucun doute dans mon esprit que l’appelant avait l’intention d’occuper les lieux comme lieu de résidence habituelle, mais je ne suis pas d’avis que les éléments de preuve permettent d’affirmer qu’il a occupé les lieux de façon à satisfaire aux conditions d’occupation. Par conséquent, l’appelant ne remplit pas la condition énoncée à l’alinéa 254(2)g).

B. Y a-t-il eu une entrave à l’occupation?

[26] L’appelant soutient qu’il a été empêché d’occuper l’immeuble. Il avance que cet empêchement résultait de son incapacité à obtenir un prêt hypothécaire conventionnel à long terme. Pour invoquer une entrave, il doit exister une situation où survient un événement fortuit échappant au contrôle de l’acheteur ayant empêché celui-ci d’occuper l’immeuble à titre de résidence habituelle (Sozio, précitée, par. 29). S’il est conclu qu’une telle entrave existait, l’appelant n’a pas l’obligation de satisfaire à la condition d’occupation énoncée au paragraphe 254(2) (Sozio, précitée, par. 12).

[27] L’absence d’un prêt hypothécaire traditionnel n’a pas pu empêcher l’appelant de satisfaire à la condition d’occupation prévue à l’alinéa 254(2)g). L’appelant a obtenu un prêt hypothécaire privé avant la conclusion de l’achat de la résidence, et ce prêt lui a permis d’occuper la résidence pendant au moins six mois. Je ne suis pas convaincu que le fait de disposer d’un prêt hypothécaire privé pendant les six premiers mois suivants l’achat, plutôt qu’un prêt hypothécaire traditionnel, ait empêché de quelque manière que ce soit l’appelant d’occuper l’immeuble. Par conséquent, je conclus que l’impossibilité d’obtenir un prêt hypothécaire traditionnel ne constitue pas une entrave.

V. CONCLUSION

[28] Pour les motifs qui précèdent, l’appel est rejeté.

Signé à Ottawa (Canada), ce 17e jour de juillet 2023.

« E.P. Rossiter »

Le juge en chef Rossiter

 


RÉFÉRENCE :

2023 CCI 102

No DU DOSSIER DE LA COUR :

2021-2010(GST)I

INTITULÉ :

NAVDEEP SINDHI c. SA MAJESTÉ LE ROI

LIEU DE L’AUDIENCE :

Hamilton (Ontario)

DATE DE L’AUDIENCE :

Le 31 mai 2023

MOTIFS DU JUGEMENT :

l’honorable Eugene P. Rossiter, juge en chef

DATE DU JUGEMENT :

Le 17 juillet 2023

COMPARUTIONS :

Avocat de l’appelant :

Me Craig Burley

Avocat de l’intimé :

Me Sam Perlmutter

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Pour l’appelant :

Nom :

Me Craig Burley

 

Cabinet :

 

Pour l’intimé :

Me Shalene Curtis-Micallef

Sous-procureure générale du Canada

Ottawa, Canada

 

 



[1] Virani c. La Reine, 2010 CCI 113, par. 15; Berkovich c. La Reine, 2014 CCI 268, par. 30.

[2] Kandiah c. La Reine, 2014 CCI 276, par. 24 et 28; Berkovich c. La Reine, 2014 CCI 268, par. 31.

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