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Dossier : 2020-251(GST)G

ENTRE :

HAGE REALTIES INC.,

appelante,

et

SA MAJESTÉ LE ROI,

intimé.

 

Appel entendu les 27, 28 et 29 mars 2023, à Montréal (Québec).

Devant : L’honorable juge Sylvain Ouimet


Comparutions :

Avocats de l’appelante :

Me Aaron Rodgers

Me Brian Moulaison

Avocat de l’intimé :

Me Ryan Allen

 

JUGEMENT

L’appel des nouvelles cotisations établies en vertu de la Loi sur la taxe d’accise pour les périodes de déclaration trimestrielles allant du 1er juillet 2012 au 30 septembre 2016 est rejeté avec dépens.

Signé à Ottawa, Canada, ce 14e jour de septembre 2023.

« Sylvain Ouimet »

Le juge Ouimet


Référence : 2023 CCI 131

Date : 20230914

Dossier : 2020-251(GST)G

ENTRE :

HAGE REALTIES INC.,

appelante,

et

SA MAJESTÉ LE ROI,

intimé.

MOTIFS DU JUGEMENT

Le juge Ouimet

I. INTRODUCTION

[1] Hage Realties Inc. (l’« appelante ») interjette appel des avis de nouvelle cotisation établis par le ministre du Revenu national (le « ministre ») le 22 septembre 2017 et le 7 novembre 2019 en vertu de la Loi sur la taxe d’accise, L.R.C. (1985), ch. E15 (la « LTA »). Ces avis visent les périodes de déclaration trimestrielles de l’appelante allant du 1er juillet 2012 au 30 septembre 2016. Par ces avis, le ministre a conclu, en application de l’article 191 de la LTA[1], que l’appelante est réputée avoir perçu, à titre de fournisseur, une taxe sur les produits et services (« TPS ») de 87 379,58 $ relativement à la fourniture à soi‑même d’immeubles (les « immeubles ») situés à Schefferville (Québec).

[2] De plus, le ministre a conclu que l’appelante a réclamé en trop, par erreur ou sans droit, des crédits de taxe sur les intrants (« CTI ») de 49 564,38 $ pour ces mêmes immeubles, en vertu de l’article 169 de la LTA[2]. Plus précisément, le ministre a refusé les CTI pour des dépenses générales directement liées à des activités exonérées. Ces CTI refusés sont les suivants :

CTI refusés (activités exonérées)

21 021,46 $

CTI refusés (dépenses communes)

28 269,10 $

CTI refusés (coût des immeubles)

273,82 $

Total

49 564,38 $

[3] Les personnes suivantes ont témoigné pour l’appelante lors de l’audience :

  • -Me Steven Roch, avocat chez Sodexo inc. (« Sodexo »);

  • -M. Misba Haque, représentant de Tata Steel Minerals Canada Limited (« Tata Steel »);

  • -Mme Yen Bui, la comptable de l’appelante;

  • -M. Elias Hage, le président de l’appelante.

[4] Les personnes suivantes ont témoigné pour l’intimé lors de l’audience :

  • -Mme Nathalie Bouchard, vérificatrice chez Revenu Québec.

II. LES QUESTIONS EN LITIGE

A. Question préliminaire

[5] Dans son avis d’appel, l’appelante soutient que le pourcentage des activités exonérées de TPS utilisé par le ministre est erroné. De plus, l’appelante soutient que l’interprétation de l’expression « presque exclusivement » relativement aux dépenses générales sur laquelle le ministre s’est fondé afin de refuser les CTI est incorrecte[3].

[6] Lors du procès, les avocats de l’appelante n’ont pas fait d'observations quant à ces deux questions. Par conséquent, la Cour conclut que ces deux questions ne font plus l’objet d’un litige entre les parties.

B. Les questions en litige

[7] La première question en litige est la suivante :

  • -Est-ce à bon droit que le ministre a conclu que l’appelante devait remettre une TPS de 87 379,58 $ en vertu de l’article 191 de la LTA?

[8] Afin de répondre à cette question, et compte tenu des observations des parties à l’audience, la Cour doit répondre à la question suivante :

  • -Est-ce à bon droit que le ministre a conclu que l'appelante a transféré les immeubles à Tata Steel en vue d’en permettre l’occupation à titre résidentiel?

[9] La deuxième question en litige est la suivante :

  • -Est-ce à bon droit que le ministre a conclu que l’appelante ne pouvait pas réclamer, en vertu de l’article 169 de la LTA, des CTI de 49 564,38 $ pour ces immeubles?

III. LES DISPOSITIONS LÉGISLATIVES PERTINENTES

[10] Les dispositions législatives pertinentes sont les suivantes :

PARTIE IX

123(1) Les définitions qui suivent s’appliquent à l’article 121, à la présente partie et aux annexes V à X.

[...]

acquéreur

a) Personne qui est tenue, aux termes d’une convention portant sur une fourniture, de payer la contrepartie de la fourniture;

b) personne qui est tenue, autrement qu’aux termes d’une convention portant sur une fourniture, de payer la contrepartie de la fourniture;

c) si nulle contrepartie n’est payable pour une fourniture :

(i) personne à qui un bien, fourni par vente, est livré ou à la disposition de qui le bien est mis,

(ii) personne à qui la possession ou l’utilisation d’un bien, fourni autrement que par vente, est transférée ou à la disposition de qui le bien est mis,

(iii) personne à qui un service est rendu.

Par ailleurs, la mention d’une personne au profit de laquelle une fourniture est effectuée vaut mention de l’acquéreur de la fourniture. (recipient)

[...]

constructeur Est constructeur d’un immeuble d’habitation ou d’une adjonction à un immeuble d’habitation à logements multiples la personne qui, selon le cas :

a) réalise, elle-même ou par un intermédiaire, à un moment où elle a un droit sur l’immeuble sur lequel l’immeuble d’habitation est situé :

(i) dans le cas d’une adjonction à un immeuble d’habitation à logements multiples, la construction de l’adjonction,

(ii) [Abrogé, 2014, ch. 39, art. 92]

(iii) dans les autres cas, la construction ou des rénovations majeures de l’immeuble d’habitation;

b) acquiert un droit sur l’immeuble à un moment où :

(i) dans le cas d’une adjonction à un immeuble d’habitation à logements multiples, cette adjonction est en construction,

(ii) dans les autres cas, l’immeuble d’habitation est en construction ou fait l’objet de rénovations majeures;

c) dans le cas d’une maison mobile ou d’une maison flottante, fournit la maison avant qu’elle soit utilisée ou occupée à titre résidentiel;

d) acquiert un droit sur l’immeuble d’habitation au moment suivant, en vue principalement soit d’effectuer par vente des fournitures de tout ou partie de l’immeuble, ou de droits sur celui-ci, soit d’effectuer des fournitures de tout ou partie de l’immeuble par bail, licence ou accord semblable au profit de personnes autres que des particuliers qui acquièrent l’immeuble ou la partie d’immeuble en dehors du cadre d’une entreprise, d’un projet à risques ou d’une affaire de caractère commercial :

(i) dans le cas d’un immeuble d’habitation en copropriété ou d’un logement en copropriété, soit à un moment où l’immeuble n’est pas enregistré à titre d’immeuble d’habitation en copropriété, soit avant qu’il soit occupé à titre résidentiel ou d’hébergement,

(ii) dans les autres cas, avant qu’il soit occupé à titre résidentiel ou d’hébergement;

e) dans tous les cas, est réputée par le paragraphe 190(1) être le constructeur de l’immeuble.

N’est pas un constructeur :

f) le particulier visé aux alinéas a), b) ou d) qui, en dehors du cadre d’une entreprise, d’un projet à risques ou d’une affaire de caractère commercial :

(i) soit construit ou fait construire l’immeuble d’habitation ou l’adjonction, ou y fait ou y fait faire des rénovations majeures,

(ii) soit acquiert l’immeuble ou un droit afférent;

g) le particulier visé à l’alinéa c) qui fournit la maison mobile ou la maison flottante en dehors du cadre d’une entreprise, d’un projet à risques ou d’une affaire de caractère commercial;

h) la personne visée aux alinéas a) à c) dont le seul droit sur l’immeuble est celui d’acheter du constructeur l’immeuble ou un droit afférent. (builder)

[...]

contrepartie Est assimilé à une contrepartie tout montant qui, par effet de la loi, est payable pour une fourniture. (consideration)

[...]

fourniture Sous réserve des articles 133 et 134, livraison de biens ou prestation de services, notamment par vente, transfert, troc, échange, louage, licence, donation ou aliénation. (supply)

[...]

habitation Maison individuelle, jumelée ou en rangée, unité en copropriété, maison mobile, maison flottante, appartement, chambre d’hôtel, de motel, d’auberge ou de pension, chambre dans une résidence d’étudiants, d’aînés, de personnes handicapées ou d’autres particuliers ou tout gîte semblable, ou toute partie de ceux‑ci, qui est, selon le cas :

a) occupée à titre résidentiel ou d’hébergement;

b) fournie par bail, licence ou accord semblable, pour être utilisée à titre résidentiel ou d’hébergement;

c) vacante et dont la dernière occupation ou fourniture était à titre résidentiel ou d’hébergement;

d) destinée à servir à titre résidentiel ou d’hébergement sans avoir servi à une fin quelconque. (residential unit)

[...]

immeuble d’habitation

a) La partie constitutive d’un bâtiment qui comporte au moins une habitation, y compris :

(i) la fraction des parties communes et des dépendances et du fonds contigu au bâtiment qui est raisonnablement nécessaire à l’usage résidentiel du bâtiment,

(ii) la proportion du fonds sous-jacent au bâtiment correspondant au rapport entre cette partie constitutive et l’ensemble du bâtiment;

b) la partie d’un bâtiment, y compris la proportion des parties communes et des dépendances du bâtiment, et du fonds sous-jacent ou contigu à celui-ci, qui est attribuable à l’habitation et raisonnablement nécessaire à son usage résidentiel, qui constitue :

(i) d’une part, tout ou partie d’une maison jumelée ou en rangée, d’un logement en copropriété ou d’un local semblable qui est, ou est destinée à être, une parcelle séparée ou une autre division d’immeuble sur lequel il y a, ou il est prévu qu’il y ait, un droit de propriété distinct des droits de propriété des autres parties du bâtiment,

(ii) d’autre part, une habitation;

c) la totalité du bâtiment visé à l’alinéa a) ou du local visé au sous-alinéa b)(i), qui est la propriété d’un particulier, ou qui lui a été fourni par vente, et qui sert principalement de résidence au particulier, à son ex-époux ou ancien conjoint de fait ou à un particulier lié à ce particulier, y compris :

(i) dans le cas d’un bâtiment visé à l’alinéa a), les dépendances, le fonds sous-jacent et la partie du fonds contigu qui sont raisonnablement nécessaires à l’usage du bâtiment,

(ii) dans le cas d’un local visé au sous-alinéa b)(i), la fraction des parties communes et des dépendances du bâtiment, et du fonds sous-jacent ou contigu à celui-ci, qui est attribuable à l’immeuble et raisonnablement nécessaire à son usage;

d) une maison mobile, y compris ses dépendances et, si elle est fixée à un fonds (sauf un emplacement dans un parc à roulottes résidentiel) destiné à en permettre l’usage résidentiel, le fonds sous-jacent ou contigu qui est attribuable à la maison et qui est raisonnablement nécessaire à son usage résidentiel;

e) une maison flottante.

Ne sont pas des immeubles d’habitation tout ou partie d’un bâtiment qui est un hôtel, un motel, une auberge, une pension ou un gîte semblable, ni le fonds et les dépendances qui y sont attribuables, si le bâtiment n’est pas visé à l’alinéa c) et si la totalité ou la presque totalité des baux, licences ou accords semblables, aux termes desquels les habitations dans le bâtiment ou dans la partie de bâtiment sont fournies, prévoient, ou sont censés prévoir, des périodes de possession ou d’utilisation continues de moins de 60 jours. (residential complex)

fourniture exonérée Fourniture figurant à l’annexe V (exempt supply).

191(3) Fourniture à soi-même d’un immeuble d’habitation à logements multiples

(3) Pour l’application de la présente partie, lorsque les conditions suivantes sont réunies :

a) la construction ou les rénovations majeures d’un immeuble d’habitation à logements multiples sont achevées en grande partie,

b) le constructeur, selon le cas :

(i) transfère à une personne, qui n’est pas l’acheteur en vertu du contrat de vente visant l’immeuble, la possession ou l’utilisation d’une habitation de celui-ci aux termes d’un bail, d’une licence ou d’un accord semblable conclu en vue de l’occupation de l’habitation à titre résidentiel,

(i.1) transfère à une personne la possession ou l’utilisation d’une habitation de l’immeuble aux termes d’une convention prévoyant :

(A) d’une part, la fourniture par vente de tout ou partie du bâtiment faisant partie de l’immeuble,

(B) d’autre part, la fourniture par bail du fonds faisant partie de l’immeuble ou la fourniture d’un tel bail par cession,

(ii) étant un particulier, occupe lui-même à titre résidentiel une habitation de l’immeuble,

c) le constructeur, la personne ou tout particulier qui a conclu avec celle-ci un bail, une licence ou un accord semblable visant une habitation de l’immeuble est le premier à occuper une telle habitation à titre résidentiel après que les travaux sont achevés en grande partie,

le constructeur est réputé :

d) avoir effectué et reçu, par vente, la fourniture taxable de l’immeuble le jour où les travaux sont achevés en grande partie ou, s’il est postérieur, le jour où la possession ou l’utilisation de l’habitation est transférée à la personne ou l’habitation est occupée par lui;

e) avoir payé à titre d’acquéreur et perçu à titre de fournisseur, au dernier en date de ces jours, la taxe relative à la fourniture, calculée sur la juste valeur marchande de l’immeuble ce jour-là.

Transfert de possession attribué au constructeur

(10) Pour l’application du présent article, dans le cas où les conditions suivantes sont réunies :

a) le constructeur d’un immeuble d’habitation ou d’une adjonction à un immeuble d’habitation à logements multiples effectue la fourniture par bail, licence ou accord semblable — fourniture exonérée visée aux articles 6.1 ou 6.11 de la partie I de l’annexe V — de l’immeuble ou d’une habitation de celui-ci ou de l’adjonction,

b) l’acquéreur de la fourniture acquiert l’immeuble ou l’habitation en vue de l’utiliser ou de le fournir dans le cadre de fournitures exonérées et, à l’occasion d’une fourniture exonérée, la possession ou l’utilisation de l’immeuble, de l’habitation ou d’habitations de l’immeuble est transférée par l’acquéreur aux termes d’un bail, d’une licence ou d’un accord semblable qui prévoit l’occupation de l’immeuble ou de l’habitation à titre résidentiel ou d’hébergement,

c) le constructeur transfère la possession de l’immeuble ou de l’habitation à l’acquéreur aux termes de l’accord,

le constructeur est réputé, au moment de ce transfert, transférer la possession de l’immeuble ou de l’habitation à un particulier aux termes d’un bail, d’une licence ou d’un accord semblable conclu en vue d’en permettre l’occupation résidentielle.

ANNEXE V – FOURNITURES EXONÉRÉES - PARTIE I – IMMEUBLES

6 La fourniture :

a) d’un immeuble d’habitation ou d’une habitation dans un tel immeuble, par bail, licence ou accord semblable, en vue de son occupation continue à titre résidentiel ou d’hébergement par le même particulier dans le cadre de l’accord pour une durée d’au moins un mois;

b) d’une habitation, par bail, licence ou accord semblable, en vue de son occupation à titre résidentiel ou d’hébergement si la contrepartie de la fourniture ne dépasse pas 20 $ par jour d’occupation.

6.1 La fourniture par bail, licence ou accord semblable d’un bien — fonds ou bâtiment, ou partie de bâtiment, qui consiste uniquement en habitations — effectuée au profit d’un acquéreur (appelé « preneur » au présent article) pour une période de location, au sens du paragraphe 136.1(1) de la loi, durant laquelle le preneur ou un sous-preneur effectue une ou plusieurs fournitures du bien, de parties du bien ou de baux, licences ou accords semblables visant le bien ou des parties du bien, ou détient le bien en vue d’effectuer pareilles fournitures, et la totalité ou la presque totalité de ces fournitures sont :

a) soit exonérées aux termes des articles 6 ou 7;

b) soit effectuées au profit d’autres preneurs ou sous-preneurs visés au présent article ou il est raisonnable de s’attendre à ce qu’elles soient ainsi effectuées.

IV. LES FAITS

A. Le témoignage de M. Haque

[11] M. Misba Haque travaille au sein de l’administration de Tata Steel depuis 10 ans. Il a expliqué à la Cour que Tata Steel extrait et traite du minerai de fer. L’une des mines est située au lac Timmins, dans la province de Terre-Neuve-et-Labrador. L’aéroport le plus près de la mine est situé à Schefferville, au Québec, à une vingtaine de kilomètres de la mine.

[12] Afin de combler ses besoins en main-d’œuvre, Tata Steel embauche des ouvriers partout au Canada. Les ouvriers se rendent de leur résidence au lieu de travail pour une période allant de 14 jours à 21 jours consécutifs et y travaillent 12 heures par jour. Après la fin d’une période de travail, les ouvriers retournent à leur résidence pour une période de repos et sont alors remplacés par un nouveau groupe d’ouvriers pour une période de même durée. Selon M. Haque, il est rare qu’un employé travaille plus de 14 ou 21 jours consécutifs. Les ouvriers sont embauchés pour la durée d’un projet.

[13] Tata Steel assure le transport aller-retour de ses employés de leur résidence à Schefferville. Lorsque les employés sont dans la région de Schefferville ou du lac Timmins pour travailler, Tata Steel prend en charge leur hébergement, leurs repas et leur transport aller-retour entre le site minier et le lieu d’hébergement, et ce, pour toute la durée de leur séjour. Les employés n’ont jamais eu à payer pour les repas, l’hébergement et le transport.

[14] Selon M. Haque, Tata Steel avait besoin d’environ 50 à 70 chambres pour y loger ses employés. Tata Steel détenait un camp situé au lac Timmins pour y loger ses employés. En 2012, le camp a eu des problèmes de moisissure et il était devenu impossible d’y loger les employés. Tata Steel a donc communiqué avec Hage pour que cette dernière lui loue des immeubles pour y loger certains de ses employés. Les immeubles fournis par l’appelante étaient situés à Schefferville. Après que le problème de moisissure a été résolu, Tata Steel a continué à louer des immeubles de l’appelante pour y loger ses employés. Les ouvriers de Tata Steel étaient donc logés soit au camp appartenant à Tata Steel, soit dans des immeubles appartenant à l’appelante et loués par Tata Steel. Les chambres étaient assignées aux employés et ils n’avaient pas la possibilité de choisir leur chambre. Les chambres étaient meublées. Les employés n’avaient qu’à apporter leurs vêtements et effets personnels.

[15] M. Haque a décrit les immeubles fournis par l’appelante. Selon M. Haque, Hage a fourni deux types d’immeubles : des camps et des maisons Habitaflex. L’un des camps a 21 chambres et des salles de bains mitoyennes de type « Jack and Jill ». Les maisons Habitaflex sont des immeubles qui comportent trois ou quatre chambres, des salles de bains et une cuisinette. Cependant, selon M. Haque, la cuisinette n’était pas utilisée parce que les ouvriers pouvaient prendre leurs repas à la cafétéria au lac Timmins, près de la mine.

B. Le témoignage de M. Hage

[16] M. Elias Hage est le président de l’appelante. En 2012, la mine était en construction et l’appelante assurait le transport du matériel de Tata Steel vers Schefferville. Selon M. Hage, lorsque le camp des travailleurs de Tata Steel a connu des problèmes de moisissure, plusieurs personnes dans la région de Schefferville ont dû se chercher un logement. Il y avait un manque de logements dans la ville de Schefferville pour tous les travailleurs présents dans la région, au point où même l’hôtel de Schefferville ne pouvait plus accueillir les employés de l’appelante. Puisqu’elle devait trouver un endroit pour loger ses employés, l’appelante a acquis en juin 2012 des terrains vacants à Schefferville pour y installer des immeubles à logements. C’est alors que Tata Steel a communiqué avec l’appelante afin de lui demander si elle pouvait lui louer des logements pour ses employés et ses sous‑traitants. L’appelante a accepté de louer des logements à Tata Steel.

[17] Sur les terrains qu’elle a acquis, l’appelante a installé 13 logements modulaires et préfabriqués qu’elle a loués à Tata Steel. M. Hage a expliqué que 11 de ces logements étaient de type « maison » et deux étaient de type « camp ». Les logements pouvaient être transportés, placés sur des pieux et raccordés aux égouts et à l’électricité de la ville.

[18] Les maisons que M. Hage a décrites comme étant des « Habitaflex » pouvaient contenir trois ou quatre chambres. Le modèle à trois chambres était d’environ 760 pieds carrés. Il a expliqué que dans chaque chambre, il y avait un lit, des draps et un lavabo. Le modèle à quatre chambres comprenait une cuisinette, deux toilettes, deux douches, une laveuse et une sécheuse. L’un des camps contenait 21 chambres réparties sur deux étages. Dans ce camp, il y avait une toilette pour deux chambres. Il y avait une salle avec une sécheuse et une laveuse. L’autre camp contenait 16 chambres sur un seul et unique étage. Chaque chambre avait sa propre salle de bains. Une photo de l’une de ces chambres a été déposée en preuve. Selon M. Hage, la superficie des chambres était d’environ 100 pieds carrés. Elles comprenaient un lit avec des draps, un bureau, une chaise et une petite télévision. Les camps n’avaient pas de cuisine ou de salle commune.

[19] L’appelante et Tata Steel ont conclu plusieurs contrats de location. Les contrats de location couvraient généralement une période de quelques mois. Certains baux prévoyaient un coût par chambre par jour pour la durée prévue dans le contrat. D’autres baux prévoyaient un coût par immeuble par jour pour la durée prévue au contrat. En vertu du premier contrat de location, le coût d’une chambre était de 100 $. Par la suite, le coût par chambre a baissé pour être d’environ 50 $ à 60 $.

[20] Tata Steel était responsable de la réservation des chambres et de leur nettoyage. L’appelante était responsable de l'entretien et de la réparation des immeubles.

C. Le témoignage de Me Roch

[21] Depuis 2018, Me Steven Roch est l'avocat général chez Sodexo. Me Roch a expliqué que Sodexo offrait des services à Tata Steel. Plus précisément, Sodexo était responsable de l’entretien ménager des chambres occupées par les employés de Tata Steel et du service de traiteur pour ceux‑ci.

D. Le témoignage de Mme Bui

[22] Mme Yen Bui est comptable et détient une maîtrise en fiscalité. Elle travaillait pour le cabinet comptable Nexia Friedman, que l’appelante utilisait pendant la période en cause.

[23] Mme Bui a parlé de son rôle dans le dossier de l’appelante à partir du moment où Revenu Québec a présenté à l’appelante un projet de cotisation fondée sur la règle sur la fourniture à soi-même d’un immeuble d’habitation.

E. Le témoignage de Mme Bouchard

[24] Mme Nathalie Bouchard travaille pour Revenu Québec et a participé à la vérification fiscale de l’appelante.

[25] Lors de son témoignage, Mme Bouchard a discuté des feuilles de travail de Revenu Québec et a expliqué à la Cour les motifs pour lesquels les nouvelles cotisations ont été établies. Elle a expliqué que Revenu Québec a établi les cotisations en application de la règle sur la fourniture à soi-même d’un immeuble d’habitation. Revenu Québec a refusé les remboursements de taxe sur les intrants (RTI) demandés par l’appelante relativement aux immeubles exonérés et calculés selon le pourcentage d’activités taxables et exonérées.

V. LES POSITIONS DES PARTIES

A. La position de l’appelante

[26] L’appelante soutient que les rajustements faits par l’intimé à son autocotisation de la TPS pour les immeubles de Schefferville ainsi qu'aux CTI réclamés quant à ces immeubles n’ont pas été effectués conformément à la LTA. Elle soutient que les logements dans ces immeubles ont été utilisés par les employés de Tata Steel comme des logements provisoires et non comme des résidences. De plus, l’appelante soutient que les logements n’ont pas été occupés de façon continue à titre de résidences habituelles et que, pour ces motifs, ils ne sont pas des « immeubles d’habitation » au sens de la LTA.

[27] Plus précisément, l’appelante soutient que le régime d’autocotisation prévu à l’article 191 de la LTA ne s’applique pas aux immeubles qu’elle loue à Tata Steel, car les baux signés par Tata Steel n’ont pas été conclus en vue de permettre l’occupation des immeubles « à titre résidentiel », mais plutôt en vue d’en permettre l’occupation à titre d’hébergement provisoire. Selon l’appelante, l’une des conditions d’application du paragraphe 191(3) de la LTA est que le bail entre le constructeur et la personne soit conclu en vue de l’occupation de l’immeuble « à titre résidentiel », conformément au sous‑alinéa 191(3)b)(i) de la LTA et à l’alinéa 191(3)c) de la LTA. L’appelante soutient qu’il faut examiner l’intention du constructeur en ce qui concerne le type d’occupation — occupation résidentielle ou hébergement — visé par le bail. En l’espèce, puisque les immeubles ont été loués afin de recevoir des travailleurs venus de l’extérieur pour travailler pendant des périodes précises, l’intention de l’appelante au moment de la conclusion du bail était de fournir à Tata Steel des immeubles à occuper par les travailleurs comme hébergement provisoire et non à titre résidentiel[4]. Par conséquent, selon l’appelante, le paragraphe 191(3) de la LTA ne s’applique pas en l’espèce.

[28] L’appelante soutient également qu’elle n’a pas effectué de fourniture à « soi‑même » d’immeubles d’habitation, car les immeubles n’ont pas été utilisés à titre de résidence par les employés de Tata Steel. Selon l’appelante, l’expression « habitation à titre résidentiel » doit être interprétée comme signifiant que les occupants d’une chambre peuvent y vivre, manger et dormir à temps plein, qu’ils peuvent y recevoir leur courrier et leur journal, et qu’ils peuvent y organiser des rencontres familiales. En l’espèce, les employés n’occupaient pas les logements à titre résidentiel, et donc l’article 191 de la LTA ne devrait pas s’appliquer[5].

[29] L’appelante soutient aussi que la contrepartie que Tata Steel lui a versée pour la location des logements excède 20 $ par jour par logement. Selon l’appelante, elle n’a pas effectué de fourniture d’une habitation aux termes de l’article 6.1 de la partie I de l'annexe V, car l’acquéreur ou le preneur, soit Tata Steel, n’a pas à son tour effectué de fourniture exonérée aux termes de l’article 6 de la partie I de l’annexe V de la LTA. Selon l’appelante, Tata Steel n’a pas effectué de fourniture exonérée aux termes de l’alinéa 6b) de la partie I de l’annexe V de la LTA, puisque la contrepartie payée par Tata Steel pour la location des logements excède 20 $ par jour par logement et qu’il n’existe pas de contrepartie ou de fourniture entre Tata Steel et ses employés[6].

[30] L’appelante soutient que les employés de Tata Steel étaient des « acquéreurs » au sens de l'alinéa c) de la définition de ce terme au paragraphe 123(1) de la LTA. Même si elle soutient que les employés de Tata Steel étaient les acquéreurs et occupants des logements, l’appelante soutient qu’il n’y a qu’une seule fourniture d’une habitation et que celle‑ci a été effectuée par elle‑même à Tata Steel, pour une contrepartie de 48 $ par jour d’occupation en moyenne. Puisque cette contrepartie excède 20 $ par jour d’occupation, une des conditions à l’alinéa 6b) de la partie I de l’annexe V de la LTA n’est pas remplie. En d’autres mots, selon l’appelante, Tata Steel n’a pas effectué de fourniture à ses employés et, par conséquent, il ne peut y avoir eu de contrepartie versée à Tata Steel par ses employés[7].

[31] L’appelante soutient que si la Cour conclut qu’il y a une deuxième fourniture, et donc que Tata Steel a ensuite effectué la fourniture d’une habitation à ses employés, la Cour doit se demander s’il y a une contrepartie pour cette fourniture et quelle valeur il faut donner à cette contrepartie[8].

[32] Finalement, l’appelante soutient que le même employé n'a pas occupé les immeubles à titre résidentiel ou comme hébergement pour une durée d’au moins un mois. Selon l’appelante, l’article 6.1 de la partie I de l’annexe V de la LTA ne s’applique pas, parce que l’acquéreur ou le preneur, soit Tata Steel, n’a pas également effectué de fourniture exonérée aux termes de l’alinéa 6b) de la partie I de l’annexe V de la LTA, puisque la plupart des occupants y demeuraient pour au plus trois semaines. Il ne s’agissait donc pas d’une occupation continue pour une durée d’au moins un mois.

B. La position de l’intimé

[33] Selon l’intimé, il n’est pas nécessaire de déterminer si les employés utilisaient les immeubles à titre résidentiel ou comme hébergement pour que le paragraphe 191(3) de la LTA s'applique, en raison de la présomption au paragraphe 191(10) de la LTA. L’intimé soutient qu’en vertu de ces dispositions, si l’utilisation d’un immeuble est transférée à titre résidentiel ou d’hébergement, le transfert est réputé avoir été fait en vue d’en permettre l'occupation résidentielle. Selon l’intimé, les conditions prévues au paragraphe 191(10) sont toutes remplies. Par conséquent, le paragraphe 191(3) s'applique en l’espèce, peu importe que les immeubles aient été utilisés à titre résidentiel ou d’hébergement.

[34] Selon l’intimé, l’une des conditions à remplir énoncées au paragraphe 191(10) de la LTA est que le constructeur ait effectué une fourniture exonérée visée à l’article 6.1 de la partie I de l’annexe V de la LTA. L’intimé soutient que l’appelante a effectué une fourniture exonérée visée à l’article 6.1. Selon l’intimé, il y a eu deux fournitures des immeubles en l'espèce, et il est important de les distinguer.

[35] Lors de la première fourniture, l’appelante a fourni des logements dans les immeubles par bail à Tata Steel, soit le preneur, selon le terme utilisé à l’article 6.1 de la partie I de l’annexe V de la LTA. La contrepartie payée par Tata Steel pour cette fourniture excède 20 $ par jour.

[36] Lors de la deuxième fourniture, et c’est celle-ci qui importe en raison du libellé de l’article 6.1 de la partie I de l’annexe V de la LTA, Tata Steel a effectué, selon l’intimé, une fourniture exonérée des immeubles à ses employés, car, en vertu de l’alinéa 6b), une fourniture est exonérée si les employés étaient hébergés gratuitement, et donc à un prix inférieur à 20 $ par jour.

[37] L’intimé soutient également que la fourniture par Tata Steel des immeubles à ses employés est une fourniture exonérée au titre de l’alinéa 6a) de la partie I de l’annexe V de la LTA, car un même employé pouvait demeurer de façon continue dans l’immeuble pour une durée d’au moins un mois. L’intimé soutient que c'est le cas, car le contrat de travail des employés était d’une durée indéterminée et ceux-ci revenaient toujours aux mêmes immeubles pour la durée de leur contrat de travail.

[38] Finalement, selon l’intimé, si la Cour conclut que la fourniture des immeubles par Tata Steel à ses employés est exonérée aux termes des alinéas 6a) ou 6b) de la partie I de l’annexe V de la LTA, la fourniture des immeubles par l’appelante à Tata Steel est exonérée en vertu de l’article 6.1 de la partie I de l’annexe V de la LTA.

VI. DISCUSSION

A. Est-ce à bon droit que le ministre a conclu que l’appelante devait remettre une TPS de 87 379,58 $ en vertu de l’article 191 de la LTA?

[39] Le ministre a conclu que l’appelante avait omis de remettre une TPS de 87 379,58 $ pour les immeubles loués par Tata Steel afin d’y loger ses employés. Le ministre s'est fondé sur les paragraphes 191(3) et 191(10) de la LTA.

[40] Le paragraphe 191(3) de la LTA traite de la fourniture à soi‑même d’un immeuble d’habitation à logements multiples. En vertu de cette disposition, si certaines conditions sont remplies, le constructeur d’un immeuble est réputé avoir effectué et reçu, par vente, la fourniture taxable de l’immeuble le jour où les travaux sont achevés en grande partie ou, s’il est postérieur, le jour où la possession ou l’utilisation de l’habitation est transférée à une personne ou l’habitation est occupée par lui. En vertu de cette même disposition, le constructeur est réputé avoir payé à titre d’acquéreur et perçu à titre de fournisseur, au dernier en date de ces jours, la taxe relative à la fourniture, calculée sur la juste valeur marchande de l’immeuble ce jour‑là.

[41] Les conditions devant être remplies afin que le paragraphe 191(3) de la LTA s'applique sont énumérées au paragraphe 191(3) et sont les suivantes :

  • 1-la construction ou les rénovations majeures d’un immeuble d’habitation à logements multiples sont achevées en grande partie,

  • 2-le constructeur, selon le cas :

  • -transfère à une personne, qui n'est pas l'acheteur en vertu du contrat de vente visant l'immeuble, la possession ou l’utilisation d'une habitation de celui‑ci aux termes d’un bail, d’une licence ou d’un accord semblable conclu en vue de l’occupation de l’habitation à titre résidentiel;

  • -transfère à une personne la possession ou l’utilisation d'une habitation de l’immeuble aux termes d’une convention prévoyant :

  • a)d'une part, la fourniture par vente de tout ou partie du bâtiment faisant partie de l’immeuble,

  • b)d'autre part, la fourniture par bail du fonds faisant partie de l’immeuble ou la fourniture d’un tel bail par cession,

  • 3-le constructeur, la personne ou tout particulier qui a conclu avec celle‑ci un bail, une licence ou un accord semblable visant une habitation de l’immeuble est le premier à occuper une telle habitation à titre résidentiel après que les travaux sont achevés en grande partie.

[42] Les parties admettent que la première condition est remplie et ne fait pas l’objet du présent litige. En l’espèce, compte tenu des faits et des observations des parties, c’est le premier scénario de la deuxième condition qui s'applique puisque l’appelante a transféré l’utilisation des habitations à Tata Steel aux termes d’un bail. Par conséquent, afin de déterminer si la deuxième et la troisième condition sont remplies, la Cour doit uniquement déterminer si les immeubles ont été loués et occupés à titre résidentiel.

[43] En vertu du paragraphe 191(10) de la LTA, un constructeur est réputé, au moment du transfert de l’utilisation d’un immeuble aux termes d’un bail, le transférer en vue d’en permettre l'occupation résidentielle si certaines conditions sont réunies. Ces conditions sont les suivantes :

  • 1-le constructeur d’un immeuble d’habitation ou d’une adjonction à un immeuble d’habitation à logements multiples effectue la fourniture par bail, licence ou accord semblable — fourniture exonérée visée à l’article 6.1 de la partie I de l’annexe V — de l’immeuble ou d’une habitation de celui-ci ou de l’adjonction;

  • 2-l’acquéreur de la fourniture acquiert l’immeuble ou l’habitation en vue de l’utiliser ou de le fournir dans le cadre de fournitures exonérées et, à l’occasion d’une fourniture exonérée, la possession ou l’utilisation de l’immeuble, de l’habitation ou d’habitations de l’immeuble est transférée par l’acquéreur aux termes d’un bail, d’une licence ou d’un accord semblable qui prévoit l’occupation de l’immeuble ou de l’habitation à titre résidentiel ou d’hébergement;

  • 3-le constructeur transfère la possession de l’immeuble ou de l’habitation à l’acquéreur aux termes de l’accord.

[44] Selon l’intimé, il lui suffit de prouver que les conditions du paragraphe 191(10) de la LTA sont remplies pour que le paragraphe 191(3) de la LTA s'applique, puisque l’appelante sera alors réputée avoir transféré la possession des immeubles en vue d’en permettre à titre résidentiel. En l’espèce, la deuxième et la troisième condition pour que le paragraphe 191(10) de la LTA s’applique ne font pas l’objet du présent litige.

[45] La Cour est d’accord avec l’intimé. En vertu du paragraphe 191(10) de la LTA, un constructeur est réputé transférer la possession d’un immeuble en vue d’en permettre l’occupation à titre résidentiel lorsque les conditions sont remplies. Le paragraphe 191(10) énonce clairement que le paragraphe 191(3) de la LTA s’applique aux constructeurs qui effectuent une fourniture exonérée visée à l’article 6.1 de la partie I de l’annexe V de la LTA. Il crée une présomption selon laquelle, dans les circonstances visées par l’article 6.1, le constructeur est réputé avoir transféré la possession de l’immeuble en vue d'en permettre l'occupation à titre résidentiel.

[46] Par conséquent, en l’espèce, afin de déterminer si l’appelante est réputée avoir transféré les immeubles à Tata Steel en vue d’en permettre l’occupation à titre résidentiel, la Cour doit déterminer si la première condition du paragraphe 191(10) de la LTA est remplie. À cette fin, la Cour doit déterminer si l’appelante a effectué une fourniture exonérée visée à l’article 6.1 de la partie I de l’annexe V de la LTA.

[47] L’article 6.1 de la partie I de l’annexe V de la LTA traite des fournitures exonérées et prévoit :

6.1 La fourniture par bail, licence ou accord semblable d’un bien — fonds ou bâtiment, ou partie de bâtiment, qui consiste uniquement en habitations — effectuée au profit d’un acquéreur (appelé « preneur » au présent article) pour une période de location, au sens du paragraphe 136.1(1) de la loi, durant laquelle le preneur ou un sous-preneur effectue une ou plusieurs fournitures du bien, de parties du bien ou de baux, licences ou accords semblables visant le bien ou des parties du bien, ou détient le bien en vue d’effectuer pareilles fournitures, et la totalité ou la presque totalité de ces fournitures sont :

a) soit exonérées aux termes des articles 6 ou 7;

b) soit effectuées au profit d’autres preneurs ou sous-preneurs visés au présent article ou il est raisonnable de s’attendre à ce qu’elles soient ainsi effectuées.

[48] En vertu de cette disposition, une fourniture est exonérée si les conditions prévues aux alinéas 6.1a) et b) de la partie I de l’annexe V de la LTA sont remplies. L’alinéa 6.1b) ne fait pas l’objet du présent litige. L’alinéa 6.1a) renvoie à l’article 6 qui prévoit :

6 La fourniture :

a) d’un immeuble d’habitation ou d’une habitation dans un tel immeuble, par bail, licence ou accord semblable, en vue de son occupation continue à titre résidentiel ou d’hébergement par le même particulier dans le cadre de l’accord pour une durée d’au moins un mois;

b) d’une habitation, par bail, licence ou accord semblable, en vue de son occupation à titre résidentiel ou d’hébergement si la contrepartie de la fourniture ne dépasse pas 20 $ par jour d’occupation.

[49] L’article 6 prévoit deux situations où une fourniture est exonérée. La première situation est prévue à l’alinéa 6a) et la deuxième à l’alinéa 6b). Dans les deux cas, un particulier doit avoir occupé un immeuble d’habitation à titre résidentiel ou d’hébergement. En l’espèce, le « particulier » est un employé de Tata Steel. Or, il est clair que les employés de Tata Steel étaient hébergés dans les immeubles durant leur séjour et les parties n’ont pas mis ce fait en question. De plus, les parties n’ont pas soutenu que les employés n’avaient pas été logés dans les immeubles en vertu d’un « accord semblable » à un bail.

[50] La première situation porte sur la fourniture d’un immeuble d’habitation par bail, licence ou accord semblable en vue de son occupation continue à titre résidentiel ou d’hébergement par le même particulier dans le cadre de l’accord pour une durée d’au moins un mois. En l’espèce, les employés de Tata Steel occupaient les chambres pour une durée de deux à trois semaines seulement. Donc, le même particulier n’occupait pas un des immeubles pour une période d’au moins un mois. Par conséquent, la Cour conclut que la fourniture des chambres n’est pas exonérée en vertu de cette disposition.

[51] La deuxième situation porte sur la fourniture d’une habitation, par bail, licence ou accord semblable, en vue de son occupation à titre résidentiel ou d’hébergement si la contrepartie de la fourniture ne dépasse pas 20 $ par jour d’occupation. En l’espèce, les employés de Tata Steel occupaient les chambres gratuitement en vertu de leur contrat de travail et/ou de leurs conditions d’emploi. Par conséquent, la fourniture des chambres est exonérée en vertu de cette disposition et la première condition pour que le paragraphe 191(10) de la LTA s’applique est donc remplie et conclut que l’appelante est réputée, au moment du transfert de l’utilisation des immeubles à Tata Steel, les avoir transférés en vue d’en permettre l'occupation résidentielle en vertu du paragraph 191(3) LTA. La cour conclut donc que c’est à bon droit que le ministre a conclu que l’appelante n'a pas versé une TPS de 87 379,58 $.

B. Est-ce à bon droit que le ministre a conclu que l’appelante ne pouvait pas réclamer, en vertu du paragraphe 169(1) de la LTA, des CTI de 49 564,38 $ pour les immeubles?

[52] Aucun CTI ne peut être réclamé relativement à la TPS payée pour des achats qui servent à effectuer des fournitures exonérées. Le paragraphe 169(1) de la LTA établit la formule pour calculer un CTI. D’une manière générale, le CTI est calculé en multipliant la TPS payée pour le produit ou le service par le pourcentage qui représente la mesure dans laquelle le produit ou le service est utilisé dans le cadre d’activités commerciales.

[53] La partie pertinente du paragraphe 169(1) de la LTA prévoit :

169(1) Sous réserve des autres dispositions de la présente partie, un crédit de taxe sur les intrants d’une personne, [...] relativement à un bien ou à un service qu’elle acquiert, importe ou transfère dans une province participante, correspond au résultat du calcul suivant si [...] la taxe relative à la fourniture [...] devient payable par la personne ou est payée par elle sans qu’elle soit devenue payable :

A × B

où :

A représente la taxe relative à la fourniture [...];

B

[...]

c) dans les autres cas, le pourcentage qui représente la mesure dans laquelle la personne a acquis [...] le bien ou le service [...] pour consommation, utilisation ou fourniture dans le cadre de ses activités commerciales.

[54] Pour avoir droit aux CTI en vertu de l’alinéa 169(1)c) de la LTA, une personne doit avoir acquis les biens ou les services pour « consommation, utilisation ou fourniture dans le cadre de ses activités commerciales ».

[55] Le terme « activité commerciale » est défini au paragraphe 123(1) de la LTA :

123(1) activité commerciale Constituent des activités commerciales exercées par une personne :

[...]

c) la réalisation de fournitures, sauf des fournitures exonérées, d’immeubles appartenant à la personne, y compris les actes qu’elle accomplit dans le cadre ou à l’occasion des fournitures. (Commercial activity)

[56] En l’espèce, en application de ces deux dispositions, et puisque la Cour a conclu que la fourniture des immeubles par l’appelante est exonérée, l'appelante ne peut pas réclamer des CTI pour la TPS payée pour les biens ou services qu’elle a acquis afin d’effectuer la fourniture des immeubles. Par conséquent, c’est à bon droit que le ministre a conclu que l’appelante ne pouvait pas réclamer des CTI de 49 564,38 $ pour les immeubles en application du paragraphe 169(1) de la LTA.

VII. CONCLUSION

[57] La Cour conclut que la fourniture des immeubles par l’appelante est exonérée en vertu de l’article 6.1 et de l’alinéa 6b) de la partie I de l’annexe V de la LTA. Par conséquent, en vertu des paragraphes 191(3) et 191(10) de la LTA, la Cour conclut que l’appelante est réputée avoir transféré les immeubles à Tata Steel en vue d’en permettre l’occupation à titre résidentiel. C’est donc à bon droit que le ministre a conclu que l’appelante a omis de remettre une TPS de 87 379,58 $ et qu’il a conclu que l’appelante ne pouvait pas réclamer des CTI de 49 564,38 $ pour les immeubles.

[58] Pour les motifs énoncés ci-dessus, l’appel est rejeté avec dépens.

Signé à Ottawa, Canada, ce 14e jour de septembre 2023.

« Sylvain Ouimet »

Le juge Ouimet



RÉFÉRENCE :

2023 CCI 131

Nº DU DOSSIER DE LA COUR :

2020-251(GST)G

INTITULÉ :

HAGE REALTIES INC. c. SA MAJESTÉ LE ROI

LIEU DE L’AUDIENCE :

Montréal (Québec)

DATES DE L’AUDIENCE :

Les 27, 28 et 29 mars 2023

MOTIFS DU JUGEMENT:

L’honorable juge Sylvain Ouimet

DATE DU JUGEMENT :

Le 14e septembre 2023

COMPARUTIONS :

Avocats de l’appelante :

Me Aaron Rodgers

Me Brian Moulaison

Avocat de l’intimé :

Me Ryan Allen

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Pour l’appelante :

Nom :

Me Aaron Rodgers

Me Brian Moulaison

Cabinet :

De Grandpré Chait s.e.n.c.r.l.

Montréal (Québec)

Pour l’intimé :

Shalene Curtis-Micallef

Sous-procureure générale du Canada

Ottawa, Canada

 



[1] Réponse à l’avis d’appel, au par. 30.

[2] Ibid.

[3] Avis d’appel, aux par. 48 et 49.

[4] Transcription du 29 mars 2023, p. 7, 8 et 39.

[5] Ibid., p. 86.

[6] Ibid., p. 49 à 55.

[7] Ibid.

[8] Ibid., p. 62 à 72.

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