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Dossier : 2020-1115(IT)G

ENTRE :

MÉLANIE DUBÉ,

appelante,

et

SA MAJESTÉ LE ROI,

intimé.

 

Appel entendu le 23 février 2023, à Montréal (Québec)

Devant : L’honorable juge Jean Marc Gagnon


Comparutions :

Avocat de l’appelante :

Me Louis-Denis Laberge

Avocat de l’intimé :

Me Christian Lemay

 

JUGEMENT

L’appel de la nouvelle cotisation établie le 15 mars 2018 conformément à la Loi de l’impôt sur le revenu à l’égard de l’année d’imposition 2014 de l’appelante est rejeté, sans frais.

Signé à Ottawa, Canada, ce 18e jour d’octobre 2023.

« J.M. Gagnon »

Juge Gagnon

 


Référence : 2023 CCI 148

Date : 20231018

Dossier : 2020-1115(IT)G

ENTRE :

MÉLANIE DUBÉ,

appelante,

et

SA MAJESTÉ LE ROI,

intimé.

 


MOTIFS DU JUGEMENT

Le juge Gagnon

I. Contexte

[1] L’appelante interjette appel d’une nouvelle cotisation établie en vertu de la Loi de l’impôt sur le revenu, LRC (1985), c 1 (5e suppl), telle que modifiée, (LIR) pour l’année d’imposition 2014, par laquelle la ministre du Revenu national (Ministre) a inclus un montant de 157 725 $ à titre de gain en capital tiré de la disposition d’un bien immeuble de l’appelante qui ne constituait pas sa « résidence principale ». La Ministre a également ajouté à l’avis de nouvelle cotisation adressé à l’appelante la pénalité prévue au paragraphe 163(2) LIR.

[2] Le 4 septembre 2014, par acte notarié, l’appelante dispose d’un terrain vacant (décrit comme sans bâtisse) connu et désigné comme étant le lot portant le numéro 5 548 410 du cadastre du Québec dans la circonscription foncière de Chambly (Lot 410). Le contrat notarié intervenu entre les parties traitant à distance réfère à un acte de vente fait en exécution d’un avant-contrat intervenu entre les mêmes parties en date du 25 mai 2014.

[3] Bien que l’appelante et l’intimé ne s’entendent pas sur la date d’acquisition du Lot 410, un gain en capital a résulté de la vente. L’appelante n’a pas déclaré le gain en capital dans sa déclaration de revenus produite pour son année d’imposition 2014 au motif qu’il s’agit d’un gain non imposable résultant de la disposition de sa résidence principale aux fins de la Loi.

II. Situation factuelle

[4] La Cour retient de la preuve à l’audition, incluant de l’entente partielle sur les faits admis par les parties concernant principalement l’historique des lots, la séquence factuelle suivante :

a. L’appelante, son conjoint de fait depuis environ 2002 et leur fille procèdent à la vente de leur domicile en 2011 avec une date d’occupation en juin 2012.

b. Au cours de la période débutant en juillet 2012 et se terminant en décembre 2014, l’appelante, son conjoint de fait et leur fille habitent la maison du 1530, rue Bourbeau, Saint-Bruno-de-Montarville, Québec (Maison) en vertu d’un bail. La Maison est présentement située sur le lot portant le numéro 5 111 256 du cadastre du Québec dans la circonscription foncière de Chambly (Lot 256). Bien que le bail intervenu aurait débuté début juillet 2012, aucun document en lien avec le bail n’est déposé en preuve et la Cour n’a aucun document faisant état d’information relativement aux termes et conditions, la durée, la désignation des parties, la superficie du fonds adjacents à la Maison visée par le bail.

c. La Maison est, à tout moment pertinent, construite, et initialement située sur le lot portant le numéro 2 418 655 du cadastre du Québec dans la circonscription foncière de Chambly (Lot 655).

d. Durant quelques semaines du mois de juin 2012 ayant précédé le début de l’occupation de la Maison en juillet 2012, la famille habite temporairement une roulote qu’elle possède et qui est stationnée sur le Lot 655 en bordure du garage automobile de la Maison.

e. Le 14 novembre 2012, le conjoint de l’appelante monsieur Danny Trottier et monsieur Richard Bourbeau (à titre de représentant autorisé des vendeurs) signent l’un en présence de l’autre un document (Document 1). Ce document d’une page confirme que monsieur Bourbeau reçoit de monsieur Trottier la somme de 28 000$ pour valoir à titre d’acompte sur l’achat par monsieur Trottier d’un lot vacant à être créé et devant porter le numéro 5 111 255 du cadastre du Québec dans la circonscription foncière de Chambly (Lot 255). Le Document 1 confirme également le solde à payer en contrepartie de la cession des titres de propriété du Lot 255 à monsieur Trottier identifié l’acheteur.

f. Le 10 décembre 2012, le Lot 655 est subdivisé en 2 lots : le Lot 255, et le Lot 256 sur lequel est érigé la Maison. La superficie totale du Lot 655 est de moins d’un demi-hectare.

g. Le 4 mars 2013, monsieur Bourbeau devient l’unique propriétaire des Lots 255 et 256.

h. Le 4 avril 2013, monsieur Trottier verse un deuxième dépôt sur l’achat du Lot 255 au montant de 10 000$ (Document 2). Ce document signé par monsieur Trottier et monsieur Bourbeau est au même effet que le Document 1. Le Document 2 confirme également le solde à payer en contrepartie de la cession des titres de propriété du Lot 255 à monsieur Trottier identifié l’acheteur. Bien que monsieur Bourbeau est maintenant l’unique propriétaire du Lot 255 depuis le 4 mars 2013, ce dernier signe toujours le Document 2 à titre de représentants autorisé des vendeurs.

i. Le 8 avril 2014, un troisième document est signé entre monsieur Trottier et monsieur Bourbeau (Document 3). Cette fois le Document 3 est décrit comme constituant une promesse de vente/d’achat intervenue entre ces deux mêmes parties et vise l’acquisition du Lot 256 par monsieur Trottier identifié l’acheteur.

j. Nonobstant les Documents 1 et 2, le 11 avril 2014, l’appelante acquiert seule par acte notarié le Lot 255, un terrain vacant, de monsieur Bourbeau. Le même jour, le 11 avril 2014, l’appelante met en vente un lot à être créé provenant de la subdivision du Lot 255 en deux lots de mêmes superficies.

k. Le 25 mai 2014, l’appelante accepte une promesse d’achat sur le lot à être créé. Le 22 août 2014, l’appelante scinde le Lot 255 en 2 lots de superficie égale : Lot 410 et lot portant le numéro 5 548 411 du cadastre du Québec dans la circonscription foncière de Chambly (Lot 411). Le Lot 410, le plus éloigné du Lot 256, est cédé par l’appelante aux promettant acheteurs de la promesse par acte notarié en date du 4 septembre 2014. L’appelante conserve le Lot 411 contigu au Lot 256.

l. Nonobstant le Document 3, le 19 décembre 2014, l’appelante et son conjoint de fait monsieur Trottier acquièrent de monsieur Bourbeau par acte notarié le Lot 256. L’acte notarié réfère à un avant-contrat et ses annexes portant la date du 14 et 18 novembre 2014. L’avant-contrat et ses annexes ne sont pas en preuve.

[5] Les présomptions de fait retenues par l’intimé aux fins de fixer l’impôt payable par l’appelante pour son année d’imposition 2014 sont les suivantes :

Gain en capital relatif au lot 5 548 410

a) Le 4 septembre 2014, l’appelante a disposé du terrain vacant désigné comme étant le lot portant le numéro 5 548 410 du cadastre du Québec dans la circonscription foncière de Chambly pour le prix de 294 000 $. [admis]

b) Le prix payé par l’appelante le 11 avril 2014 pour l’achat du terrain correspondant au lot 5 548 410 était de 135 000 $. [nié]

c) L’appelante n’a déclaré aucun gain en capital résultant de la disposition du lot 5 548 410. [admis]

d) Le ministre a calculé le gain en capital imposable réalisé par l’appelante de la façon suivante : [admis]

Produit de disposition

294 000$

Prix de base rajusté

Coût d’acquisition

Droit de mutation

 

(135 000$)

(1 275$)

Gain en capital

157 725$

Gain en capital imposable (50%)

78 863$

Circonstances entourant l’acquisition et la disposition du lot 5 548 410

e) Au cours de la période débutant en juillet 2012 et se terminant le 18 décembre 2014, l’appelante était locataire de la maison se situant sur le lot portant le numéro 5 111 256 du cadastre du Québec dans la circonscription foncière de Chambly et portant l’adresse 1530, rue Bourbeau, Saint-Bruno. [admis]

f) Le 11 avril 2014, l’appelante a acheté le lot 5 111 255, soit le terrain adjacent à la maison qu’elle louait. [admis]

g) Le prix payé par l’appelante pour l’acquisition du lot 5 111 255 était de 270 000$. [nié]

h) Le même jour de cette acquisition, l’appelante a mis en vente une partie de du lot 5 111 255. [admis]

i) Le 25 mai 2014, l’appelante a conclu un accord pour la vente du terrain correspondant à la moitié du lot 5 111 255. [admis]

j) Conformément à l’accord conclu le 25 mai 2014, le lot 5 111 255 a été divisé en deux parties égales, créant ainsi les lots portant les numéros 5 548 410 et 5 548 411 du cadastre du Québec dans la circonscription foncière de Chambly. [admis]

k) La superficie du lot 5 548 410 représente la moitié de la superficie du lot 5 111 255. [admis]

l) L’appelante a acquis le terrain correspondant au lot 5 548 410 avec l’intention de le revendre immédiatement. [nié]

m) Au moment de la vente du lot 5 548 410, ce lot était un terrain boisé vacant, ne contenant aucune bâtisse, ni garage, ni entrée asphaltée. [nié]

n) Au moment de la vente de ce lot, l’appelante n’était pas propriétaire de la résidence dans laquelle elle habitait. [nié]

o) Ce n’est que le 18 décembre 2014 que l’appelante a acheté le lot 5 111 256 sur lequel se situait la résidence dans laquelle elle habitait. [nié]

p) L’appelante a donc disposé du lot 5 548 410 avant l’acquisition de la résidence située sur le lot 5111 256. [nié]

q) Le 23 mars 2017, suite à une vérification entamée par l’Agence du Revenu du Québec le 17 février 2017, l’appelante a désigné les lots 5 111 255 et 5 111 256 comme étant sa résidence principale depuis 2012. [admis]

III. Position des parties

[6] L’appelante est d’avis que le gain en capital réalisé sur la vente du Lot 410 n’avait pas à être déclaré. Il s’agit de la disposition partielle de la résidence principale de l’appelante telle que définie aux fins de la LIR. Les Documents confirment que l’appelante détient notamment un droit de premier refus sur le Lot 255 et le Lot 256 rendant ainsi non équivoque l’intention de l’appelante d’utiliser le Lot 410, Lot 411 et Lot 256 à des fins personnelles et non pas en vue de générer un profit. Dès juillet 2012, l’appelante utilise les Lot 410, Lot 411 et Lot 256. Il a toujours été de l’intention de l’appelante et de son conjoint de fait d’utiliser le Lot 410 et le Lot 411 à des fins personnelles. En date du 11 avril 2014, le Lot 410, Lot 411 et Lot 256 constituent la résidence principale de l’appelante.

[7] L’appelante soumet être propriétaire du Lot 256 au moment de la vente du Lot 410 en raison des effets juridiques engendrés par l’article 1710 du Code civil du Québec, RLRQ c CCQ-1991 (CCQ) à l’égard du Document 3.

[8] Alternativement, l’appelante soutient qu’elle a en réalité la propriété effective du Lot 256 conformément au paragraphe 248(3) LIR puisqu’elle avait en réalité un droit d’usage et d’habitation sur le Lot 256 depuis le 8 avril 2014 date du Document 3.

[9] Alternativement, si l’appelante ne détenait pas un droit d’usage et d’habitation, elle est propriétaire d’un droit de tenure à bail eu égard au Lot 256 aux fins de l’article 54 LIR.

[10] L’appelante soumet qu’elle détient la propriété effective du Lot 410 et Lot 411 en vertu d’un droit d’usage découlant de la promesse d’achat du 14 novembre 2012 au Document 1.

[11] En conséquence, l’exemption du gain en capital provenant de la vente d’une résidence principale aux fins de la LIR s’applique dans le cas présent. Il n’y a pas lieu de retenir l’application de la pénalité du paragraphe 163(2) LIR que l’intimé n’a pas réussi à établir. Si l’exemption du gain en capital pour résidence principale devait ne pas s’appliquer, la pénalité ne s’applique pas puisqu’il s’agit au plus d’une erreur sur la qualification juridique que d’une omission volontaire ou qui témoigne de négligence équivalente à faute lourde.

[12] Les montants du gain en capital et du gain en capital imposable faisant l’objet de l’appel tels que déterminés par l’intimé ne sont pas contestés par l’appelante, l’appelante ayant retiré à l’audition son moyen subsidiaire.

[13] L’intimé soutient que le Lot 410 ne constituait pas et n’a jamais fait partie de la résidence principale de l’appelante au sens de la définition de l’article 54 LIR. En conséquence, l’appelante ne peut bénéficier de l’exemption pour résidence principale prévue au paragraphe 40(2) LIR à l’égard du Lot 410. L’intimé ne soulève pas d’autres conditions ou raisons pour justifier le rejet de l’appel.

[14] De plus, l’intimé est d’avis que l’appelante a fait sciemment ou dans des circonstances équivalant à une faute lourde, une présentation erronée de ses revenus dans sa déclaration de revenus pour l’année d’imposition 2014 et que le ministre était justifié de lui imposer une pénalité, conformément au paragraphe 163(2) LIR.

[15] À titre de rappel, le fardeau de la preuve, en matière fiscale, appartient généralement à l’appelant. L’appelant a le fardeau de démolir les présomptions de fait que la Ministre a présumé dans le cadre de l’établissement de la cotisation, et prouver, selon la balance des probabilités, les faits qui supportent sa position que la cotisation est mal fondée [1]. C’est ce même fardeau que l’appelante doit assumer dans le présent appel et démontrer, selon la balance des probabilités, que la nouvelle cotisation est mal fondée relativement à l’absence de la disposition d’une résidence principale aux fins de la LIR. Quant au maintien de la pénalité du paragraphe 163(2) LIR, l’intimé conserve le fardeau d’établir les faits au soutien de la pénalité.

IV. Analyse

Article 54 LIR

[16] La définition de résidence principale au paragraphe 54b) LIR, telle qu’applicable aux années d’imposition visées, représente la principale disposition pertinente aux fins du présent appel :

54. résidence principale S’agissant de la résidence principale d’un contribuable pour une année d’imposition, bien — logement, ou droit de tenure à bail y afférent, ou part du capital social d’une société coopérative d’habitation acquise dans l’unique but d’acquérir le droit d’habiter un logement dont la coopérative est propriétaire — dont le contribuable est propriétaire au cours de l’année conjointement avec une autre personne ou autrement, à condition que :

a) le contribuable étant un particulier autre qu’une fiducie personnelle, le logement soit normalement habité au cours de l’année par le contribuable, par son époux ou conjoint de fait ou ex-époux ou ancien conjoint de fait ou par un enfant du contribuable;

a.1) le contribuable étant une fiducie personnelle, le logement soit normalement habité au cours de l’année civile se terminant pendant l’année par un bénéficiaire déterminé de la fiducie pour l’année, par l’époux ou le conjoint de fait ou l’ex-époux ou l’ancien conjoint de fait de ce bénéficiaire ou par un enfant de celui-ci;

b) le contribuable, étant une fiducie personnelle ou un particulier autre qu’une fiducie, ait fait soit le choix prévu au paragraphe 45(2) concernant le changement d’utilisation du bien au cours de l’année ou d’une année d’imposition antérieure (sauf un choix sur lequel le contribuable est revenu en vertu du paragraphe 45(2) dans sa déclaration de revenu pour l’une de ces années), soit le choix prévu au paragraphe 45(3) concernant le changement d’utilisation du bien au cours d’une année d’imposition ultérieure.

Toutefois sous réserve de l’article 54.1, le bien ne peut en aucun cas être considéré comme la résidence principale d’un contribuable pour une année d’imposition :

c) à moins que le contribuable, étant un particulier autre qu’une fiducie personnelle, ne l’ait désigné comme étant sa résidence principale pour l’année en la forme et selon les modalités réglementaires et qu’aucun autre bien n’ait été désigné pour l’année, pour l’application de la présente définition, par l’une des personnes suivantes :

(i) si l’année en question est antérieure à 1982, le contribuable,

(ii) si l’année en question est postérieure à 1981:

(A) soit le contribuable,

(B) soit une personne qui a été son époux ou conjoint de fait tout au long de l’année (sauf une personne qui, tout au long de l’année, a vécu séparée du contribuable en vertu d’une séparation judiciaire ou d’un accord écrit de séparation),

(C) soit un enfant du contribuable (sauf un enfant marié, vivant en union de fait ou âgé de 18 ans ou plus au cours de l’année),

(D) soit, si le contribuable n’était pas marié, ne vivait pas en union de fait ou n’était pas âgé de 18 ans ou plus au cours de l’année, l’une des personnes suivantes :

(I) la mère ou le père du contribuable,

(II) le frère ou la soeur du contribuable qui n’étaient pas mariés, ne vivaient pas en union de fait ou n’étaient pas âgés de 18 ans ou plus au cours de l’année;

c.1) à moins que, le contribuable étant une fiducie personnelle, les conditions suivantes soient réunies :

(i) la fiducie a désigné le bien, en la forme et selon les modalités réglementaires, comme étant la résidence principale du contribuable pour l’année,

(ii) la désignation comporte le nom de chaque particulier (appelé « bénéficiaire déterminé » à la présente définition) qui, au cours de l’année civile se terminant pendant l’année :

(A) d’une part, a un droit de bénéficiaire dans la fiducie,

(B) d’autre part, sauf dans le cas où la fiducie n’a le droit de désigner le bien pour l’année que par l’effet de l’alinéa b), habitait normalement le logement ou à un époux ou un conjoint de fait, un ex-époux ou un ancien conjoint de fait ou un enfant qui l’habitait normalement,

(iii) nulle société de personnes ou société, sauf un organisme de bienfaisance enregistré, ne détient de droit de bénéficiaire dans la fiducie au cours de l’année,

(iv) aucun autre bien n’a été désigné, pour l’application de la présente définition, pour l’année civile se terminant au cours de l’année par un bénéficiaire déterminé de la fiducie pour l’année, par une personne qui a été l’époux ou conjoint de fait du bénéficiaire tout au long de cette année civile (sauf une personne qui, tout au long de cette année civile, a vécu séparée du bénéficiaire en vertu d’une séparation judiciaire ou d’un accord écrit de séparation), par un enfant du bénéficiaire (sauf un enfant marié ou âgé de 18 ans ou plus au cours de cette année civile) ou, dans le cas où le bénéficiaire n’était pas marié, ne vivait pas en union de fait ou n’était pas âgé de 18 ans ou plus au cours de cette année civile, par une des personnes suivantes :

(A) la mère ou le père du bénéficiaire,

(B) le frère ou la soeur du bénéficiaire qui n’étaient pas mariés, ne vivaient pas en union de fait ou n’étaient pas âgés de 18 ans ou plus au cours de cette année civile;

d) par l’effet de l’alinéa b), dans le cas où, par le seul effet de cet alinéa, le bien aurait été, sans le présent alinéa, la résidence principale du contribuable durant au moins quatre années d’imposition antérieures.

En outre, pour l’application de la présente définition :

e) la résidence principale d’un contribuable pour une année d’imposition est réputée comprendre (sauf si le bien est une part du capital social d’une société coopérative d’habitation) le fonds de terre sous-jacent au logement ainsi que la partie du fonds de terre adjacent qu’il est raisonnable de considérer comme facilitant l’usage du logement comme résidence; toutefois, dans le cas où la superficie totale du fonds de terre sous-jacent et de cette partie excède un demi-hectare, l’excédent n’est réputé faciliter l’usage du logement comme résidence que si le contribuable établit qu’il était nécessaire à cet usage;

f) le bien qu’une fiducie désigne pour une année en application de l’alinéa c.1) est réputé être un bien désigné pour l’application de la présente définition par chaque bénéficiaire déterminé de la fiducie pour l’année civile se terminant pendant l’année. (principal residence)

[17] D’autres dispositions législatives soulevées à l’audition seront traitées plus loin.

Preuve introduite à l’audition

[18] Le principal témoignage au soutien de la position de l’appelante est celui de monsieur Trottier, le conjoint de fait de l’appelante. Monsieur Trottier a longuement témoigné principalement afin d’expliquer les circonstances entourant l’arrivée de la famille dans le secteur de la rue Bourbeau située à St-Bruno-de-Montarville, Québec, les différents scénarios d’acquisition considérés, les enjeux financiers, les positions des parties impliquées, et finalement ce qui aurait été convenu entre les parties. La Cour reviendra sur le témoignage de monsieur Trottier plus loin.

[19] L’appelante a également témoigné. Toutefois, son témoignage a été beaucoup plus succinct. Bien qu’il s’agisse de son appel, principalement lié à des faits et des actes juridiques pouvant lui être attribuables justifiant ou supportant le traitement fiscal auquel l’appelante soutient être assujettie personnellement, la Cour n’a entendu que très peu de choses du témoignage en chef de l’appelante. Après avoir confirmé habiter le 1530 rue Bourbeau depuis juin 2012, l’unique élément confirmé par l’appelante est sa description du projet de la rue Bourbeau dans les mots suivants :

En juin 2012. Donc, on a, on s’est cherché une maison. Finalement, on a trouvé ce terrain-là, qui était dans un quartier qu’on voulait. Donc, le projet, c’était de construire la maison sur, sur, sur le, le terrain. En attendant, on a habité dans le 1530, puis on utilisait notre terrain pour entreposer la roulotte, puis on avait un module de jeu pour les enfants qui était sur ce terrain-là. Donc, on entretenait le terrain puis on habitait à côté, le, au 1530.

Aussi, on a, on a commencé des démarches pour faire de l’implantation de la maison, de trouver un contracteur, les plans de la maison, et tout ça, dans, dans cette, dans cette période-là.

...C’est sûr que c’est une situation complexe, mais, dans le fond, c’est, c’est simple. Nous, on voulait habiter dans cette, dans - on voulait avoir - parce que [Inaudible]. On voulait habiter dans, dans cette rue-là, avoir la maison puis avoir une maison là. Puis c’est pour ça, on s’est rendu compte que ce n’est pas - bien, c’est un [Inaudible]. Mais on s’est rendu compte que ce n’était pas évident d’avoir le financement pour construire la maison. Donc, puis quand qu’on s’est rendu compte qu’on pouvait acheter la, la maison, le 1530, où est-ce qu’on habitait - on l’aimait, cette maison-là, puis en même temps, je ne voulais pas me retrouver sans maison [Inaudible].

[20] La Cour n’en apprend pas davantage de l’appelante en ce qui concerne le projet, les actes, les ententes, les termes et conditions intervenus, les discussions avec les vendeurs, les acheteurs, et les raisons motivant les gestes posés et les décisions prises. Par exemple, l’appelante n’a abordé le bail de la Maison sous aucun angle. Elle n’a pas non plus confirmé ou même soulevé avoir consenti un mandat ou une procuration à son conjoint de fait. De cette situation, la Cour retient que le niveau d’implication personnelle de l’appelante dans la conduite et la réalisation de ce projet dans son ensemble demeure limité.

[21] En contre-interrogatoire, les questions adressées à l’appelante par l’intimé ont principalement porté sur la préparation de la déclaration de revenus relative à son année d’imposition 2014, et plus particulièrement, à savoir si les services d’un comptable avaient été retenus aux fins de valider le traitement fiscal lié à la vente du Lot 410.

[22] De plus, la Cour retient de son contre-interrogatoire que l’acquisition du Lot 255 était en partie pour permettre l’acquisition du Lot 256 et au final habiter la Maison en tant que propriétaire. Ils n’étaient pas en mesure de réaliser le projet initial soit de financer la construction d’une maison sur le Lot 255. La vente du Lot 410 a aussi permis de financer l’acquisition du Lot 255.

[23] Quant à monsieur Trottier, il témoigne qu’au commencement de ce projet son intention était d’acheter et de rénover la Maison. Il précise qu’ils avaient un bail pour louer la Maison à compter de juillet 2012. Il confirme qu’il s’agissait d’un bail de location.

[24] Tôt lors de son témoignage on lui présente les pièces A-5 et A-8. Ces pièces d’une page chacune sont les Document 1 et le Document 2 intervenus entre monsieur Trottier, à titre d’acheteur, et monsieur Richard Bourbeau, à titre de représentant autorisé des vendeurs, le 14 novembre 2012 et le 4 avril 2013 respectivement. Sommairement, elles concernent la confirmation d’un dépôt versé par monsieur Trottier à monsieur Bourbeau pour la vente du Lot 255 à être créé. Les ententes confirment également le solde payable en contrepartie de la cession des titres de propriété du Lot 255 à monsieur Trottier, en plus de confirmer un droit de premier refus sur la vente à un tiers de toute autre portion restante du lot initial sur lequel est construit la Maison soit la portion du Lot 655 qui deviendra au moment de la création du Lot 255, le Lot 256. Pour les fins des présentes, et non sans soulever une ambigüité à sa face même, il suffit de souligner que ce droit de premier refus appartiendrait sous certaines conditions à monsieur Trottier, sa conjointe, un membre de sa famille ou toute autre entité corporative apparentée à monsieur Trottier aux mêmes prix et conditions. Ces ententes portent deux signatures, monsieur Bourbeau, représentant autorisé des vendeurs, et monsieur Trottier, l’acheteur.

[25] L’intimé a alors soulevé une objection et a demandé que soit établie l’authenticité de la confection des Documents puisqu’il s’agit de documents sous seing privé. En réponse à cette demande, l’avocat de l’appelante a demandé au témoin de confirmer sa propre signature et d’établir les circonstances entourant la préparation et signature des documents. Monsieur Trottier a confirmé avoir rencontré monsieur Bourbeau à sa maison en personne (j’assume la Maison) au moment de la signature des parties. Monsieur Trottier avait préparé une première ébauche et les deux discutaient, apportaient les changements convenus, et signaient en présence de l’autre. La même base de document a été utilisée toutes les fois que les deux mêmes individus ont signés un document sous seing privé. La Cour comprend que cette explication vaut pour les Document 1 et Document 2 sous objection et le Document 3 (pièce A-12) présenté plus tard au témoin et introduit plus loin ci-après. La Cour comprend que le témoignage de monsieur Trottier confirme que ce dernier a rencontré, discuté et échangé avec monsieur Bourbeau au sujet des lots en appel à quelques reprises et notamment lors de la signature d’actes notariés.

[26] Le témoin explique ensuite qu’un droit de premier refus lui a été consenti parce que son offre n’a pas été acceptée sur le Lot 256. Monsieur Trottier rencontrait des enjeux financiers pour acquérir le Lot 655 original.

[27] Monsieur Trottier réfère ensuite à la pièce A-8 et parle à la première personne. Ce n’est pas très surprenant puisqu’après tout il est seul signataire acheteur et ses explications sont formulées sans référence à l’appelante d’aucune façon précise. L’appelante, dans son témoignage, n’a pas non plus soulevé d’intérêt pour ces pièces. En conséquence, la Cour retient que les pièces A-5 et A-8 ne visent qu’un dépôt visant le Lot 255 effectué par monsieur Trottier pour son bénéfice.

[28] Le témoin passe ensuite à la pièce A-12. La pièce A-12 est le Document 3 portant la date du 8 avril 2014 et la signature de monsieur Bourbeau à titre de représentant autorisé des vendeurs (bien qu’à cette date il serait devenu l’unique propriétaire) et de monsieur Trottier à titre d’acheteur. Aucune mention n’est faite de l’appelante directement ou indirectement.

[29] Contrairement aux pièces A-5 et A-8 en lien avec le Lot 255, le Document 3 confirme qu’il s’agit d’une promesse de vente/promesse d’achat pour le Lot 256. Il n’est pas question du Lot 255. Et le document d’une page (avec annexes) ne confirme pas cette fois un simple dépôt sur l’acquisition ultérieure des titres de propriété du Lot 256 par monsieur Trottier. Le document fait plutôt état d’une promesse de vente et d’achat et de modalités financières pour compléter l’acquisition du Lot 256 entre monsieur Bourbeau et monsieur Trottier ainsi que du droit de l’acheteur, monsieur Trottier, de se comporter comme propriétaire en date du 8 avril 2014.

[30] Le témoignage de monsieur Trottier n’apportera pas de lumière sur le bail visant la Maison. La Cour ne dispose d’aucun détail concernant les parties au bail, les termes et conditions, l’étendue des lieux loués, la portée, la durée, etc.

[31] En contre-interrogatoire, il confirme que l’appelante trouvait cela dommage que son nom n’apparaisse pas sur aucun bien immobilier. Il confirme ne jamais avoir été propriétaire du Lot 255. Il confirme également que les pièces A-5, A-8 et A-12 n’ont pas été transmises à la vérification. Il laisse entendre que le bail était pour durer jusqu’à ce que le projet de construction soit complété sur le Lot 255. Il confirme également que la clause de premier refus n’a jamais été exercée. Il n’a pas non plus déposé en preuve quelque mandat ou procuration l’autorisant à agir pour le compte de l’appelante.

[32] L’appelante n’a fait entendre aucun autre témoin au soutien de sa position. La Cour note notamment l’absence de monsieur Bourbeau. Ce dernier a certes joué un rôle central dans la relation que l’appelante, mais principalement son conjoint de fait, et monsieur Bourbeau ont établie en lien avec les lots discutés à l’audition.

[33] De son côté, l’intimé n’a finalement appelé aucun témoin et s’est limité à un contre-interrogatoire des 2 témoignages pour l’appelante.

Objection de l’intimé en regard des pièces A-5, A-8 et A-12

[34] Tel qu’indiqué plus haut, lors du témoignage de monsieur Trottier, l’intimé a soulevé une objection lors du dépôt par l’appelante des pièces A-5, A-8 et A-12. Il a demandé que l’appelante établisse l’authenticité de la confection du Document 1, Document 2 et Document 3 puisqu’il s’agit de documents sous seing privé.

[35] Bien que l’impact du dépôt des pièces A-5, A-8 et A-12 sur l’issue de l’appel soit mitigé considérant l’absence de l’appelante aux Documents, la Cour souhaite se prononcer sur l’admissibilité des pièces en preuve.

[36] L’article 40 de la Loi sur la preuve au Canada, LRC 1985, c C-5, dicte que dans toutes les procédures qui relèvent de l’autorité législative du Parlement du Canada, les lois sur la preuve qui sont en vigueur dans la province où ces procédures sont exercées s’appliquent à ces procédures, sauf la présente loi et les autres lois fédérales [2].

[37] Des dispositions du Titre deuxième du Livre septième du CCQ portant sur les moyens de preuve, les articles 2826 et suivants dictent les règles de l’admissibilité en preuve des actes sous seing privé :

DES ACTES SOUS SEING PRIVÉ

2826. L’acte sous seing privé est celui qui constate un acte juridique et qui porte la signature des parties; il n’est soumis à aucune autre formalité.

2827. La signature consiste dans l’apposition qu’une personne fait à un acte de son nom ou d’une marque qui lui est personnelle et qu’elle utilise de façon courante, pour manifester son consentement.

2828. Celui qui invoque un acte sous seing privé doit en faire la preuve.

[...]

2829. L’acte sous seing privé fait preuve, à l’égard de ceux contre qui il est prouvé, de l’acte juridique qu’il renferme et des déclarations des parties qui s’y rapportent directement.

2830. L’acte sous seing privé n’a point de date contre les tiers, mais celle-ci peut être établie contre eux par tous moyens.

Néanmoins, les actes passés dans le cours des activités d’une entreprise sont présumés l’avoir été à la date qui y est inscrite.

[38] L’avocat de l’appelante soutient que le document parle par lui-même et ne voit pas ce qu’il pourrait faire de plus. Monsieur Trottier était présent lors de la signature de monsieur Bourbeau. En quelques mots, il soutient que le document est signé et sous seing privé, et que les règles de preuve admettent le dépôt d’un document sous seing privé. Il croit avoir rencontré son fardeau. Si cela était un enjeu on avait d’autres moyens de le soulever avant l’audition. À tout évènement, il prévoyait déposer l’original des pièces A-5, A-8 et A-12. Ce qui ne se réalisera finalement pas.

[39] Ces dispositions sont succinctes. La doctrine en référence aux dispositions et aux enseignements des tribunaux s’avère donc utile pour établir la portée du test permettant à la Cour d’accepter le dépôt en preuve de l’acte invoqué par une partie et qui veut l’opposer à l’autre partie. La question qui se pose est donc de déterminer si l’appelante, dans le cadre de l’introduction de ces pièces par preuve testimoniale, a rencontré son fardeau de preuve aux fins des dispositions citées?

[40] Selon l’article 2857 CCQ, la preuve que les signatures que le document porte sont authentiques et qu’il n’a pas été altéré depuis qu’elles y ont été apposées [3] peut être faite pas tout moyen : aveu de la partie adverse, témoignage des signataires, de personnes qui les ont vu signer, de personnes qui reconnaissent leur signature, d’un expert en écriture, etc [4]. Aussi, cette reconnaissance peut être explicite ou implicite. Elle est explicite lorsqu’un témoin compétent à ce faire identifie positivement la signature, tel le signataire ou toute autre personne en mesure de l’authentifier, par exemple celle qui a signé l’écrit à titre de témoin ou la partie adverse familière avec cette signature [5].

[41] L’intimé n’a pas attaqué avec succès les explications formulées par le témoin Trottier pour établir les circonstances des signatures apposées aux pièces A-5, A-8 et A-12 et reprises au paragraphe 25 plus haut. La réponse à l’avis d’appel modifié ne contient pas non plus de faits particuliers visant à attaquer l’authenticité des signatures aux pièces. L’intimé concède que nous ne sommes pas dans une situation aussi tranchée que la décision qu’il a soumise dans l’affaire 9191-2022 Québec inc. c Agence du revenu du Québec, 2020 QCCQ 1902 (9191-2022 Québec inc.). Il n’apprécie pas que les documents arrivent de façon impromptue. Cependant, il reconnaît qu’ils étaient dans la liste des documents produite.

[42] Le témoignage de monsieur Trottier a fait état de sa connaissance et de sa fréquentation de monsieur Bourbeau. Les contacts entre les 2 hommes se sont multipliés entre 2012 et 2014 et se sont même intensifiés à certains moments. Le témoignage de monsieur Trottier au moment de la signature des documents déposés en pièce A-5, A-8 et A-12 en présence de monsieur Bourbeau est acceptable et présente une valeur probante suffisante aux yeux de la Cour.

[43] La situation présente se distingue du cas présenté par l’intimé dans la décision 9191-2022 Québec inc. Contrairement à l’affaire 9191-2022 Québec inc. il est vraisemblable que monsieur Trottier soit en mesure de confirmer la signature de monsieur Bourbeau. Pour la Cour, la preuve soutient que cette signature a été exécutée en présence de monsieur Trottier dans un contexte de plusieurs rencontres ou discussions entre les deux hommes. Des actes notariés impliquant les parties des parties se sont également ajoutés à la liste des rencontres.

[44] L’authenticité de la signature de monsieur Bourbeau est établie. La Cour est disposée à accueillir en preuve le dépôt des pièces A-5, A-8 et A-12.

La pertinence des pièces A-5, A-8 et A-12 aux fins de la résolution de l’appel

[45] Pour débuter, la Cour retient des deux témoignages de la partie appelante très peu d’information sur la juste mesure à donner au bail visant la Maison pouvant exister entre les parties. Aucune information n’a été communiquée permettant de cadrer le rôle d’un bail pour une durée précédant l’achat de la Maison par l’appelante en indivision. La Cour ignore les détails essentiels qui auraient permis de lier l’appelante à un bail, l’étendue du droit d’habitation et la portée que ce bail permettait à l’appelante d’invoquer en lien avec l’appel. Il n’y a pas eu non plus de preuve au soutien qu’un bail aurait été résilié en considération d’un paiement à son locataire par le locateur. En conséquence l’usage du bail au soutien de la position de l’appelante est faible. Et ce n’est pas le bail qui fait l’objet d’une disposition mais bien la vente et la cession des droits de propriété du Lot 410 détenues par l’appelante.

[46] Et plus particulièrement en lien avec les documents aux pièces A-5, A-8 et A-12, la Cour n’est pas en mesure de tirer une conclusion favorable à l’appelante aux fins du présent appel. La Cour cherche à connaître la position dans laquelle se trouvait l’appelante au cours des années pertinentes au présent litige. Bien que les Documents présentés en pièce A-5, A-8 et A-12 peuvent faire preuve de leur contenu, il ne s’agit pas de l’appel du conjoint de fait de l’appelante. L’appel vise exclusivement l’appelante et la déclaration d’un gain en capital en lien avec la disposition du Lot 410. Les obligations et les droits du conjoint de fait de l’appelante ne sont pas les obligations et les droits de l’appelante. Au surplus, la preuve ne supporte pas, selon la balance des probabilités, que monsieur Trottier a agi en droit pour le compte de l’appelante ou qu’il était à même de lier l’appelante dans le cadre d’ententes contractuelles. Ni l’appelante ni monsieur Trottier n’ont été en mesure de convaincre la Cour à cet égard. Pour la Cour, l’unique conclusion pouvant être tirée de la preuve est l’absence de droit de l’appelante en lien avec le Document 1, le Document 2 et le Document 3.

[47] L’existence d’un projet commun entre conjoints de fait se déclarant chacun aux actes notariés célibataire pour ne s’être jamais marié ni uni civilement ne fait pas naître des droits envers les deux conjoints de fait lorsque l’un d’eux s’engage en son propre nom. Aucune preuve n’a permis d’établir de façon prépondérante un lien juridique entre l’appelante et les Documents des pièces A-5, A-8 et A-12. La preuve au dossier est insuffisante pour permettre à la Cour d’associer l’appelante à une vente ou à une promesse d’achat/vente du Lot 255 ou du Lot 256 aux termes des trois pièces, et aucune preuve n’a été faite pour convaincre la Cour que l’appelante avait mandaté son conjoint de fait, monsieur Trottier, à agir en son nom. Le droit de premier de refus conféré à l’appelante aux termes des pièces A-5 et A-8, et qui, au surplus, n’a jamais été exercé, n’équivaut pas à une vente, à un transfert de propriété ni à une promesse d’achat ouvrant droit à un examen en vertu de l’article 1710 CCQ [6].

[48] En particulier, l’absence de l’appelante à titre de signataire et de partie aux 3 Documents, l’absence d’un témoignage convaincant et éclairant de l’appelante ou de son conjoint de fait au sujet des droits de l’appelante dans les Documents, l’absence de preuve pouvant lier juridiquement l’appelante aux Documents sont autant d’éléments laissant peu de choix à la Cour si ce n’est de considérer n’avoir que peu d’impact aux fins d’établir ou de soutenir la position de l’appelante dans le cadre de l’appel. À la lumière des pièces A-5 et A-8 et la preuve versée au dossier, la Cour n’est pas en mesure d’associer un droit de propriété du Lot 255 à l’appelante avant la signature de l’acte notarié en date du 11 avril 2014 confirmant son droit de propriété sur le Lot 255. L’absence de mention d’un avant-contrat au contrat notarié soutient également cette conclusion.

[49] Quant à la question de savoir si l’appelante peut être associée à la pièce A-12 datée du 8 avril 2014 en lien avec le Lot 256, le nom de l’appelante n’apparaît pas au Document 3, l’appelante n’est pas partie au Document, l’appelante n’a pas abordé ou soulevé lors de son témoignage pouvoir tirer profit à bon droit des conséquences pouvant avoir résulté du Document 3 et l’absence d’un témoignage de la partie venderesse sont autant d’éléments obligeant la Cour à devoir exclure l’appelante de quelque droit pouvant découler du Document 3. Le témoignage de monsieur Trottier n’a pas non plus permis à la Cour d’accepter, selon la balance des probabilités, que l’appelante détenait un droit quelconque en vertu du Document 3. Selon la preuve au dossier, la Cour ne dispose que de l’acte notarié en date du 19 décembre 2014 pour associer l’appelante à un droit de propriété sur le Lot 256. Aucun document antérieur à cette date, ni même l’avant-contrat et ses annexes datés des 14 et 18 novembre 2014 mentionnés à l’acte notarié, n’a été déposé en preuve pouvant lié l’appelante.

[50] Les effets du contrat, tels qu’énoncés au CCQ, et plus particulièrement les dispositions relatives aux effets du contrat à l’égard des tiers, sont pertinents [7]:

§ 2. — Des effets du contrat à l’égard des tiers

I. — Dispositions générales

1440. Le contrat n’a d’effet qu’entre les parties contractantes; il n’en a point quant aux tiers, excepté dans les cas prévus par la loi.

1441. Les droits et obligations résultant du contrat sont, lors du décès de l’une des parties, transmis à ses héritiers si la nature du contrat ne s’y oppose pas.

1442. Les droits des parties à un contrat sont transmis à leurs ayants cause à titre particulier s’ils constituent l’accessoire d’un bien qui leur est transmis ou s’ils lui sont intimement liés.

II. — De la promesse du fait d’autrui

1443. On ne peut, par un contrat fait en son propre nom, engager d’autres que soi-même et ses héritiers; mais on peut, en son propre nom, promettre qu’un tiers s’engagera à exécuter une obligation; en ce cas, on est tenu envers son cocontractant du préjudice qu’il subit si le tiers ne s’engage pas conformément à la promesse.

III. — De la stipulation pour autrui

1444. On peut, dans un contrat, stipuler en faveur d’un tiers.

Cette stipulation confère au tiers bénéficiaire le droit d’exiger directement du promettant l’exécution de l’obligation promise.

1445. Il n’est pas nécessaire que le tiers bénéficiaire soit déterminé ou existe au moment de la stipulation; il suffit qu’il soit déterminable à cette époque et qu’il existe au moment où le promettant doit exécuter l’obligation en sa faveur.

1446. La stipulation est révocable aussi longtemps que le tiers bénéficiaire n’a pas porté à la connaissance du stipulant ou du promettant sa volonté de l’accepter.

1447. Seul le stipulant peut révoquer la stipulation; ni ses héritiers ni ses créanciers ne le peuvent.

Il ne peut, toutefois, le faire sans le consentement du promettant, lorsque celui-ci a un intérêt à ce que la stipulation soit maintenue.

1448. La révocation de la stipulation prend effet dès qu’elle est portée à la connaissance du promettant, à moins qu’elle ne soit faite par testament, auquel cas elle prend effet dès l’ouverture de la succession.

La révocation profite au stipulant ou à ses héritiers, à défaut d’une nouvelle désignation de bénéficiaire.

1449. Le tiers bénéficiaire et ses héritiers peuvent valablement accepter la stipulation, même après le décès du stipulant ou du promettant.

1450. Le promettant peut opposer au tiers bénéficiaire les moyens qu’il aurait pu faire valoir contre le stipulant.

[51] Une difficulté avec les jugements présentés en plaidoirie par l’appelante au soutien d’une promesse de vente qui équivaut à vente est que ces décisions ne traitent pas d’une problématique qui se pose ici. Dans ces décisions l’identité des parties agissant comme vendeur et acheteur sont les signataires des documents présentés en preuve. On ne prétend pas dans ces affaires que les droits des parties au contrat appartiennent à une personne non nommément désignée. La situation ici est toute autre et la preuve, selon la balance des probabilités, ne soutient pas la conclusion voulant que l’appelante puisse s’approprier des droits permettant de soutenir qu’une promesse de vente équivalent à vente existe en sa faveur.

[52] Compte tenu de l’absence de preuve établissant l’intérêt juridique de l’appelante à la face même des Documents aux pièces A-5, A-8 et A-12, le lien de l’appelante avec les Documents est insuffisant pour justifier l’application possible des articles 1710 et suivants CCQ et établir l’admissibilité des documents à titre de promesse de vente équivalant à vente en faveur de l’appelante.

La résidence principale aux fins de la LIR

[53] Aux fins du présent appel, les éléments suivants doivent être rencontrés si l’appelante désire qualifier pour une année d’imposition le Lot 410 de résidence principale telle que définie à l’article 54 LIR :

1. le Lot 410 doit être (i) un logement ou (ii) un droit de tenure à bail qui se rapporte à un logement (préambule de la définition);

2. l’appelante doit être propriétaire du Lot 410 au cours de l’année d’imposition seule ou autrement (préambule de la définition);

3. l’appelante, son conjoint de fait ou sa fille a habité le logement au cours de l’année (alinéa a) de la définition);

4. l’appelante a désigné le logement comme étant sa résidence principale pour l’année en la forme et selon les modalités réglementaires, sans que l’appelante ou l’une des personnes désignées dans la LIR à cette fin ait désigné un autre bien à titre de résidence principale pour l’année (alinéa c) de la définition).

[54] En plus des conditions du paragraphe 53 pour déterminer ce que peut constituer une résidence principale, l’alinéa e) de la définition ajoute, aux fins du présent appel, que la résidence principale d’un contribuable est réputée comprendre le fonds de terre sous-jacent au logement ainsi que la partie du fonds de terre adjacent qu’il est raisonnable de considérer comme facilitant l’usage du logement comme résidence. Il faut donc insister sur le constat que le législateur à l’alinéa e) répute le fonds de terre visé être compris dans la résidence principale et ne répute pas le logement comprendre le fonds de terre visé à l’alinéa e).

[55] On constate également qu’un logement doit exister tel que décrit au préambule et aux alinéas a) et suivants de la définition avant d’être en mesure de mesurer les effets de l’alinéa e). Dit autrement, l’alinéa e) de la définition ne peut constituer à lui seul une résidence principale aux fins de la LIR. Un logement éligible doit d’abord être reconnu aux fins de la définition.

[56] Aussi, la Cour note que la notion de tenure à bail n’est pas visée à l’alinéa e). Cette absence apparaît à bon droit puisque la disposition d’une tenure à bail signifie la cession d’un amalgame de droits que constitue la tenure à bail. En conséquence, la disposition d’une tenure à bail ne représente pas la disposition de droits autres que ceux conférés par la tenure à bail elle-même. Il ne serait donc pas souhaitable que la disposition des droits dans une tenure à bail puisse inclure autre chose.

[57] Dans ce contexte, puisque le bien à qualifier de résidence principale dans le cas présent est un lot vacant (Lot 410), à quel moment peut-on considérer l’appelante avoir acquis la propriété d’un bien qualifié de résidence principale auquel pourrait appartenir le Lot 410? À cette fin, les motifs établis plus haut soutiennent que l’acquisition possible d’un droit, incluant un droit de propriété, par le conjoint de fait de l’appelante n’est pas déterminante afin de connaître le traitement fiscal auquel est exposée l’appelante.

[58] La définition de résidence principale dans son préambule réfère à un bien qui est un logement ou à un droit de tenure à bail dans le logement. La preuve est manquante quant à l’existence d’une tenure à bail dans le cas de l’appelante. La Cour n’est pas convaincue que l’appelante, qui était célibataire à tout moment pertinent de l’appel, a acquis une tenure à bail. Aucune preuve n’a été introduite pour conclure à l’existence de droit dans un bail de location. Certes l’appelante habitait la Maison. Cependant, les témoignages entendus au soutien de la position de l’appelante n’ont pas ajouté suffisamment de lumière pour convaincre la Cour, selon la balance des probabilités, que l’appelante détenait des droits en vertu d’un bail. La Cour n’a vu aucun document pouvant soutenir un droit quelconque appartenant à l’appelante dans un bail. Pour une raison inconnue, l’appelante a choisi de ne pas soumettre en preuve le bail qui serait intervenu entre les parties. Le peu de références fait au bail durant les témoignages au soutien de la position de l’appelante est demeuré évasif. L’appelante n’a pas prononcé le mot bail durant son témoignage. Et aucun bailleur n’a témoigné.

[59] Lors de l’acquisition du Lot 255 par l’appelante, et bien que l’appelante n’a pas avancé l’argument, et que l’acte notarié ne contient aucune référence, et la preuve soient complètement silencieuse à ce sujet, la présence possible d’un garage pour voitures conventionnel sur ce lot ne suffit pas en soi à constituer un logement aux fins de la définition de résidence principale [8].

[60] Aussi, bien que la Cour ne soit pas en mesure de reconnaître un bail au nom de l’appelante dont les termes et modalités permettent d’avancer un droit réel distinct de l’appelante sur la Maison pour valoir à titre de résidence principale, un tel bien, au moment de l’acquisition du Lot 255 par l’appelante, aurait pu constituer à lui seul une résidence principale. Et le Lot 255 (scindé en 2 lots le Lot 410 et le Lot 411) dépendrait alors d’un logement pour être en mesure de se qualifier de résidence principale de l’appelante. Or, ce logement n’aurait pu être la Maison puisque déjà associée au droit réel lié au bail et le Lot 255 ne pourrait faire partie de ces droits considérant la cession par le locateur et l’acquisition par l’appelante des titres de propriété du Lot 255. La Maison n’aurait pu à la fois servir la qualification du droit réel découlant du bail et du Lot 255 lui-même aux fins de résidence principale. Le Lot 255 (indirectement les Lot 410 et 411) à titre de fonds de terre doit pouvoir être associé à un logement qui dans le cas présent n’existait pas. Tel que mentionné plus haut dans ces motifs, l’alinéa e) de la définition de résidence principale répute un fonds de terre sous-jacent et certains fonds de terre adjacents au logement faire partie de la résidence principale dans la mesure où elle existe.

[61] En conséquence, et considérant que le Lot 410 est un lot vacant et l’absence d’un droit réel découlant d’un bail, l’unique façon pour l’appelante d’acquérir un bien à titre de résidence principale aux fins du préambule de la définition est un logement constitué d’un droit de propriété dans la Maison. Était-ce le cas?

[62] En considérant la preuve versée au dossier de la Cour, deux documents peuvent être considérés aux fins de cette détermination : la pièce A-12 et la pièce I-3.

- pièce A-12 : contrat intervenu entre messieurs Bourbeau et Trottier concernant le Lot 256

[63] Le Document 3 d’une page, daté du 8 avril 2014, réfère à une promesse de vente/d’achat pour l’immeuble portant l’adresse civique 1530 Bourbeau, Saint-Bruno-de-Montarville, Québec, incluant la totalité du Lot 256. Le document ne contient pas d’intitulé et les premiers paragraphes du document ne réfèrent pas au nom de l’acheteur. Le mot acheteur, pour décrire celui-ci, est utilisé plus loin notamment pour présenter les modalités de paiement du prix d’achat de la propriété et la possibilité pour l’acheteur de se comporter comme propriétaire légitime de la propriété à la même date. Le document est signé par monsieur Bourbeau, à titre de représentant autorisé des vendeurs, et monsieur Trottier, à titre d’acheteur. Tel que souligné plus haut, l’appelante n’a aucun droit associé au Document 3.

[64] Dans les circonstances, la Cour n’est pas en mesure d’accorder une reconnaissance de droit en faveur de l’appelante dans le Document 3 constituant la pièce A-12.

- pièce I-3 : contrat notarié en date du 19 décembre 2014 concernant le Lot 256

[65] Le contrat notarié en date du 19 décembre 2014 vise la vente du Lot 256 avec bâtisse dessus y érigée et portant le numéro civique 1530, rue Bourbeau, Saint-Bruno-de-Montarville. L’appelante comparaît à l’acte notarié à titre de coacquéreur dans une proportion de 50% indivis. L’acte confirme que les acquéreurs (l’appelante et monsieur Trottier) deviennent propriétaire de l’immeuble à compter du 19 décembre 2014 avec possession immédiate et occupation physique immédiate. L’acte ne fait aucune référence au Document 3 (pièce A-12) daté du 8 avril 2014, bien qu’il soit indiqué que la vente est faite en exécution de l’avant-contrat et de ses annexes datés des 14 et 18 novembre 2014 et confirme les ententes qui y sont contenues. Cet avant-contrat et annexes n’ont pas été déposés en preuve.

[66] Dans ce contexte, vu l’absence de lien juridique liant l’appelante avant la date de l’acte notarié, la Cour conclut que l’appelante a acquis un logement aux fins du préambule de la définition de résidence principale aux fins de la LIR en date du 19 décembre 2014.

[67] À la lecture l’alinéa e) de la définition de résidence principale, le temps de verbe est significatif quant à l’ordre d’acquisition pouvant survenir entre le moment de l’acquisition par le contribuable du logement et le moment de l’acquisition d’un fonds de terre adjacent au logement. Autrement dit, la propriété du logement par le contribuable doit précéder ou survenir au même moment que la volonté de qualifier de résidence principale un fonds de terre adjacent au logement.

[68] Dans le cas actuel, le Lot 410 a été acquis par l’appelante le 11 avril 2014 et disposé au plus tard le 4 septembre 2014 en faveur de tiers.

[69] Le Lot 410, que l’on tente de qualifier de résidence principale, est acquis et disposé dans la même année d’imposition que l’acquisition du logement auquel on prétend pouvoir invoquer l’alinéa e) pour faire du Lot 410 une partie de la résidence principale. Il est difficile de soutenir que l’acquisition du logement constitue la résidence principale de l’appelante et que la résidence principale comprend un fonds de terre adjacent qui peut raisonnablement être considéré comme facilitant l’usage du logement comme résidence et qui, au moment de l’acquisition du logement, n’est déjà plus la propriété de l’appelante. La Cour ne le croit pas. Le libellé de la définition de résidence principale aux fins de la Loi n’a pas cette portée.

[70] Considérant ce qui précède, la preuve versée au dossier ne permet pas à la Cour de conclure que, selon la balance des probabilités, l’appelante a rencontré son fardeau de preuve et permis de renverser la nouvelle cotisation visée par l’appel. Pour la Cour, la preuve requise demeure malheureusement insuffisante.

V. Pénalité sous le paragraphe 163(2) LIR

[71] La partie pertinente du paragraphe 163(2) aux fins des présentes et le paragraphe (3) LIR sont libellés comme suit :

Faux énoncés ou omissions

(2) Toute personne qui, sciemment ou dans des circonstances équivalant à faute lourde, fait un faux énoncé ou une omission dans une déclaration, un formulaire, un certificat, un état ou une réponse (appelé « déclaration » au présent article) rempli, produit ou présenté, selon le cas, pour une année d’imposition pour l’application de la présente loi, ou y participe, y consent ou y acquiesce est passible d’une pénalité égale, sans être inférieure à 100 $, à 50 % du total des montants suivants :

[...]

Charge de la preuve relativement aux pénalités

(3) Dans tout appel interjeté, en vertu de la présente loi, au sujet d’une pénalité imposée par le ministre en vertu du présent article ou de l’article 163.2, le ministre a la charge d’établir les faits qui justifient l’imposition de la pénalité.

[72] La pénalité du paragraphe 163(2) LIR a été appliquée par la Ministre dans le présent cas en raison de l’absence du gain en capital dans le calcul du revenu de l’appelante résultant de la disposition du Lot 410.

[73] Le paragraphe 163(2) LIR autorise la Ministre à imposer une pénalité aux contribuables qui, sciemment ou dans des circonstances équivalant à faute lourde, font un faux énoncé ou une omission dans leur déclaration de revenus. En vertu du paragraphe 163(3) LIR, la Ministre a la charge d’établir les faits permettant de justifier l’imposition de la pénalité.

[74] Bien que la pénalité puisse être communément appelée « pénalité pour faute lourde », elle peut être imposée soit en raison d’une faute lourde du contribuable en faisant une fausse déclaration ou une omission, soit en raison qu’une telle déclaration ou omission est faite par le contribuable en toute connaissance de cause.

[75] Dans l’affaire Wynter [9], et confirmé dans l’affaire Paletta [10], la Cour d’appel fédérale déclare :

Lorsque le législateur utilise d’autres termes, il est présumé avoir eu l’intention de prêter des sens différents à ces termes. En d’autres mots, le législateur ne se répète pas : voir Ruth Sullivan, Statutory Interpretation, 3e éd. (Toronto : Irwin Law Inc., 2016), à la page 43. L’article 163 permet l’imposition de pénalités dans les cas où le contribuable a connaissance des faits ou dans des circonstances équivalant à faute lourde. L’article n’est pas conjonctif, et ces deux termes sont présumés avoir un sens et une teneur différents.

Fondement des circonstances équivalant à faute lourde

[76] La définition du principe de faute lourde a été initialement établie dans l’affaire Venne [11], et plus tard confirmée par la Cour suprême du Canada dans Guindon [12] :

Dans son mémoire, la ministre soutient que la « conduite coupable » visée à l’art. 163.2 de la LIR [traduction] « n’est pas censée différer de la faute lourde et de la norme qui s’y rattache au par. 163(2) » (par. 79). Dans Venne c. Canada (ministre du Revenu national — M.R.N.), 1984 CanLII 5717 (FC), [1984] A.C.F. no 314 (QL) (1re inst.), une affaire relative à la pénalité prévue au par. 163(2), la Cour fédérale explique qu’« une indifférence au respect de la Loi » ne s’entend pas que d’une simple inattention ou négligence; elle suppose « un degré important de négligence qui corresponde à une action délibérée » (p. 11). Cela s’apparente en somme à faire l’autruche (Sirois (L.C.) c. Canada, 1995 CarswellNat 1974 (WL Can.) (C.C.I.), par. 13; Keller c. Canada, 1995 CarswellNat 569 (WL Can.) (C.C.I.)). Dans Sidhu c. La Reine, 2004 CCI 174, la Cour canadienne de l’impôt, pour expliquer sa décision dans Venne, développe les expressions « équivaut à une conduite intentionnelle » et « montre une indifférence quant à l’observation de la présente loi » :

[77] Considérant que la pénalité pour faute lourde est destinée à sanctionner la faute grave qui va au-delà de la diligence raisonnable ou de l’inattention ordinaire [13], la question est de déterminer si le comportement du contribuable s’écarte :

[...] de façon tellement marquée de la conduite à laquelle on est en droit de s’attendre qu’elle correspond à un haut degré de négligence qui peut être qualifié d’écart marqué par rapport aux normes, aux pratiques et à la diligence raisonnable attendues de la part d’un contribuable responsable. La mise en garde exprimée par la Cour suprême dans l’arrêt Guindon, au paragraphe 61, s‘applique tout autant en l’espèce : ces pénalités « vise[nt] à sanctionner une conduite grave, non la négligence ordinaire ou la simple erreur » [14].

[78] La Cour peut prendre en considération tout facteur pertinent pour déterminer si un contribuable a fait preuve de faute lourde. Il peut s’agir, entre autres, de l’ampleur de l’omission relative au revenu déclaré, de la possibilité qu’avait le contribuable de découvrir l’erreur, de son niveau d’éducation et d’intelligence apparente, et l’effort sincère du contribuable pour se conformer à la loi [15].

[79] Les connaissances générales d’un contribuable en matière commerciale et fiscale sont pertinentes pour déterminer si une infraction a été commise avec le degré de négligence requis. Cette subjectivité a été notée par le juge Strayer dans l’affaire Venne :

I should note here, as it is relevant to the whole question of the application of penalties under sub-section 163(2), that there seems to be a certain element of subjectivity recognized in the case law with respect to assessing the knowledge or gross negligence of a taxpayer with respect to misstatements in his returns [...] The taxpayer here is a man with a grade five education, working and paying taxes in a language which is not his first language nor that in which he was educated, a man who is more at ease in a garage than in an office. Not only do these factors militate against a finding that the misstatements in his returns were made knowingly by him, but also his entire course of conduct is not consistent with that of a person who had deliberately set out to conceal large amounts of taxable income [16].

Fondement établissant en toute connaissance de cause (sciemment)

[80] Pour prouver la « connaissance », la Ministre doit prouver que le contribuable avait une connaissance subjective du fait qu’il faisait une fausse déclaration ou omission dans sa déclaration de revenus [17]  :

Comme l’indique également l’arrêt Wynter, la connaissance subjective de l’appelant peut être prouvée au moyen d’éléments de preuve établissant, selon la prépondérance des probabilités, que l’appelant a fait preuve d’ignorance volontaire quant à la véracité des énoncés contenus dans la déclaration de revenu et la demande. Il s’agit là d’une précision utile sur le fait que l’ignorance volontaire permet d’imputer une connaissance subjective à l’appelant et que l’ignorance volontaire et la faute lourde sont des concepts juridiques différents.

[81] La norme de « connaissance » peut inclure soit la connaissance réelle, soit la connaissance imputée. Comme il est peu probable que le contribuable admette qu’il avait une connaissance réelle d’une inexactitude dans sa déclaration de revenus, la norme fréquemment débattue est de savoir si le contribuable était délibérément aveugle ou aurait dû savoir que la déclaration de revenus était incorrecte.

[82] L’aveuglement volontaire est utilisé pour « attribuer une connaissance subjective » au contribuable et se distingue de la faute lourde [18]. La Ministre peut confirmer cette connaissance subjective en établissant que le contribuable était délibérément ou volontairement aveugle quant à la question de savoir si les déclarations faites dans la déclaration de revenus sont exactes ou non [19].

[83] Le juge Miller dans l’affaire Torres [20] a présenté sommairement les principes de gouvernance, pour les fins du paragraphe 163(2) LIR, de l’aveuglement volontaire :

Vu cette jurisprudence et les éléments de preuve qui m’ont été produits dans les six appels dont je suis saisi, je dégage les principes suivants :

a) La connaissance d’un faux énoncé peut être déduite d’un aveuglement volontaire.

b) La notion d’aveuglement volontaire peut être appliquée aux pénalités pour faute lourde prévues par le paragraphe 163(2) de la Loi, et il convient d’appliquer cette notion en l’espèce.

c) Pour savoir s’il y a eu ou non aveuglement volontaire, il faut tenir compte du niveau d’instruction et d’expérience du contribuable.

d) Pour conclure à un aveuglement volontaire, il doit y avoir eu nécessité de s’informer, ou soupçon d’une telle nécessité.

e) Les facteurs laissant supposer la nécessité de s’informer avant la production d’une déclaration, ou faisant apparaître « des feux rouges clairs », expression que j’employais à l’occasion de l’affaire Bhatti, comprennent ce qui suit :

i) l’importance de l’avantage ou de l’omission;

ii) le caractère flagrant du faux énoncé et la facilité avec laquelle il peut être décelé;

iii) l’absence, dans la déclaration elle-même, d’une attestation du spécialiste qui a établi la déclaration;

iv) les demandes inusitées du spécialiste;

v) le fait que le spécialiste était auparavant inconnu du contribuable;

vi) les explications inintelligibles du spécialiste;

vii) le point de savoir si d’autres personnes ont eu recours au spécialiste ou ont fait des mises en garde à l’encontre de ce dernier, ou le point de savoir si le contribuable lui-même hésite à s’en ouvrir à d’autres.

f) Le dernier critère de l’aveuglement volontaire est le fait que le contribuable ne s’enquiert pas auprès du spécialiste pour comprendre la déclaration de revenus, ni ne s’enquiert aucunement auprès d’un tiers, ou auprès de l’ARC elle-même.

[84] Bien que le fait de se fier à un tiers puisse annuler la constatation d’une « pénalité pour faute lourde » si le contribuable honnêtement, mais à tort, que le tiers avait raison, le contribuable ne peut pas éviter la pénalité du paragraphe 163(2) LIR s’il a simplement accordé une confiance aveugle au tiers sans prendre de mesures pour examiner et vérifier la déclaration de revenus afin d’y déceler d’éventuelles erreurs [21]. Cette situation est particulièrement vrai s’il y avait quelque chose d’inhabituel ou de suspect à propos de la production de la déclaration de revenus qui aurait conduit un contribuable raisonnable à s’informer davantage.

Défense attribuable à une diligence raisonnable

[85] Le contribuable peut se prévaloir d’une défense de diligence raisonnable en ce qui concerne la pénalité prévue à l’article 163 LIR. Une fois que la Ministre a prouvé qu’une pénalité s’applique, le contribuable est assujetti à cette pénalité, à moins que le contribuable ne puisse prouver qu’il a fait preuve de diligence raisonnable.

[86] Il incombe au contribuable de prouver sa défense selon la prépondérance des probabilités. Il incombe toujours au contribuable de prouver qu’il a fait preuve de diligence raisonnable, sans égard au fardeau de la Ministre d’établir les faits au soutien de la pénalité ou au contribuable de démolir les présomptions de fait retenues par la Ministre [22].

[87] Le test de la défense de diligence raisonnable a été discuté dans l’affaire École Polytechnique [23], et suivi par la même Cour d’appel fédérale dans l’affaire Résidences Majeau [24]. Le test, tel qu’énoncé dans École Polytechnique, est le suivant :

La défense de diligence raisonnable permet à une personne d’éviter l’imposition d’une pénalité si elle fait la preuve qu’elle n’a pas été négligente. Elle consiste à se demander si cette personne a cru, pour des motifs raisonnables, à un état de fait inexistant qui, s’il eut existé, aurait rendu son acte ou son omission innocent ou si elle a pris toutes les précautions raisonnables pour éviter l’événement qui mène à l’imposition de la peine? Voir La Reine c. Sault Ste-Marie, 1978 CanLII 11 (CSC), [1978] 2 R.C.S. 1299; La Reine c. Chapin, 1979 CanLII 33 (CSC), [1979] 2 R.C.S. 121. En d’autres termes, la diligence raisonnable excuse soit l’erreur de fait raisonnable, soit la prise de précautions raisonnables pour se conformer à la loi.

[88] Il est à noter que la bonne foi n’est pas suffisante pour établir une défense de diligence raisonnable [25]. Le contribuable doit soit avoir eu une croyance objectivement raisonnable (mais erronée) sur un ensemble de faits qui, s’ils avaient existé, aurait rendu l’acte ou l’omission sans conséquence, soit avoir pris toutes les précautions raisonnables pour éviter l’événement qui a conduit à la pénalité.

- croyance erronée/erreur de fait

[89] Une erreur de fait raisonnable aux fins du test comporte un élément subjectif et un élément objectif. Le critère subjectif est rempli si le contribuable établit qu’il s’est trompé sur une situation de fait qui, si elle avait existé, aurait rendu l’acte ou l’omission sans conséquence. L’élément objectif est rencontré si l’erreur était telle qu’une personne raisonnable dans les mêmes circonstances aurait commis la même erreur [26].

[90] L’erreur du contribuable doit être une erreur de fait et non une erreur de droit [27]. Cette distinction est souvent en cause dans les recours devant cette Cour. Une erreur de fait objectivement raisonnable est une erreur qu’une personne raisonnable aurait commise dans les mêmes circonstances [28]. Par exemple, dans l’affaire Mignault [29], le juge Webb a estimé que l’incompréhension d’un contribuable quant aux conséquences d’un retrait de fonds de son régime enregistré d’épargne-retraite (REÉR) ne pouvait pas être utilisée pour étayer une défense de diligence raisonnable parce qu’il s’agissait d’une erreur de droit plutôt que d’une erreur de fait. Dans le contexte d’un retrait d’un REÉR, a expliqué le juge Webb, l’erreur de fait devrait être une erreur sur la question de savoir si le contribuable a reçu les montants retirés du REÉR. Dans l’affaire Mignault, le contribuable n’a manifestement pas commis une telle erreur de fait puisqu’il savait qu’il avait reçu un chèque pour les montants encaissés [30].

- précautions raisonnables

[91] Un contribuable peut également faire preuve de diligence raisonnable s’il prouve qu’il a pris toutes les précautions raisonnables pour éviter l’acte ou l’omission entraînant l’imposition de la pénalité. Par exemple, une précaution raisonnable peut inclure l’obtention de conseils auprès d’un fiscaliste, les efforts sincères pour récupérer les feuillets de renseignements manquants ou contacter l’Agence du revenu du Canada pour se renseigner sur les mesures à prendre dans les circonstances. Chaque situation est un cas d’espèce à la lumière des faits applicables.

Cas présent

[92] Les conditions exposées plus haut peuvent retenir l’assujettissement à la pénalité du paragraphe 163(2) LIR sous l’un de deux tests. L’un d’entre eux est de déterminer si l’appelante a sciemment fait un faux énoncé ou une omission dans sa déclaration de revenus 2014. Si ce test est satisfait, il n’y a pas lieu d’appliquer l’autre test.

[93] L’appelante est technicienne en documentation. Elle est la conjointe de fait de monsieur Trottier depuis environ 2000/2001.

[94] Lors de son interrogatoire en chef, l’appelante a admis toujours faire affaire avec un comptable lors de la préparation de la déclaration de revenus. Toutefois, en contre-interrogatoire, lorsque que l’appelante a été appelé à préciser si le comptable avait été consulté relativement à la qualification de la vente du Lot 410, l’appelante a répondu avoir tout donné les documents pour le comptable et que ce dernier n’en a pas demandé plus. L’intimé a alors demandé à l’appelante si elle avait demandé au comptable quoi faire avec la vente du Lot 410, sa réponse a été :

Bien, comme je pen... comme on considérait que c’était une partie de notre maison, de, de notre propriété, on n’a pas, on n’a pas demandé au comptable, mais il ne nous a pas demandé de, de documents non plus.

[95] La Cour retient de la preuve au dossier que l’appelante savait avoir acquis et disposé le Lot 410 à quelques mois d’intervalle seulement au cours de l’année d’imposition 2014, et que l’absence à la déclaration de revenus 2014 de la déclaration du gain en capital concernant l’aliénation du Lot 410 était volontaire puisqu’elle était d’avis avec son conjoint de fait qu’il s’agissait de la vente d’une partie de la résidence principale.

[96] L’appelante avait certes connaissance réelle des faits au soutien des actes de vente visant le Lot 255, les Lots 410 et 411, et le Lot 256, et de la situation entourant l’usage de la Maison.

[97] De plus, considérant que la Cour retient du témoignage de l’appelante qu’elle n’a pas consulté ou impliqué, à proprement parlé, le comptable pour connaître son avis eu égard à la déclaration du gain en capital dans sa déclaration de revenus, la Cour croit que l’appelante a fait acte d’aveuglement volontaire et a choisi délibérément de s’en tenir à sa compréhension du traitement fiscal applicable. Il lui était loisible d’aborder la question avec le comptable, d’autant plus que cela n’aurait pas entraîné une consultation isolée puisque ce dernier s’occupait déjà de la préparation des déclarations de revenus de l’appelante. Le montant du gain en capital réalisé à la vente du Lot 410 était important, la situation particulière, quasi-unique et isolée pour l’appelante de réaliser un gain en capital important particulièrement en proportion de ses autres revenus moindres (un gain en capital au montant de 157 725$ (imposable 78 863$) et un revenu déclaré total d’autres sources de 33 826$), sont autant d’éléments qui militent en faveur d’un aveuglement volontaire. L’appelante a fait ce choix.

[98] Le gain en capital de l’appelante réalisé lors de la vente du Lot 410 n’a pas été inclus dans le calcul de son revenu pour l’année d’imposition 2014.

[99] Considérant ce qui précède, la preuve supporte qu’il y eu sciemment un faux énoncé ou une omission dans la déclaration de revenus que l’appelante a produite pour son année d’imposition 2014.

[100] Il incombait à l’appelante de prouver selon la balance des probabilités qu’elle a fait preuve de diligence raisonnable.

[101] Tel qu’exposé plus haut, est-ce que l’appelante a réussi à établir qu’elle a eu une croyance objectivement raisonnable (mais erronée) sur un ensemble de faits qui, s’il avait existé, aurait rendu l’acte ou l’omission sans conséquence, ou a-t-elle pris toutes les précautions raisonnables pour éviter l’événement qui a conduit à la pénalité?

[102] Malheureusement, la Cour ne croit pas que la preuve a permis d’établir, selon la balance des probabilités, que l’appelante s’est trompée sur une situation de fait. L’appelante connaissait la situation entourant l’acquisition par elle et la vente rapide par elle du Lot 410. La question de la détermination de la qualification de la résidence principale n’était pas une situation nécessairement courante dans le cas présent et la Cour croit qu’une personne raisonnable dans les circonstances aurait cherché le conseil auprès d’un conseiller compétent. Bien que l’appelante, et son avocat en plaidoirie, ont pu laisser entendre qu’il s’agissait d’un dossier simple, la trame factuelle et les nombreuses prétentions soulevées par l’appelante au soutien de sa position, la Cour est d’avis que la situation justifiait aisément qu’une consultation d’un conseiller compétent s’avérait pertinente. La zone grise quant à cette qualification a d’ailleurs été abordée par l’appelante en plaidoirie.

[103] Au surplus, l’erreur de l’appelante s’avère une erreur de droit. La qualification retenue aux fins fiscales par l’appelante s’est avérée malheureusement incorrecte.

[104] La preuve ne supporte pas non plus que les précautions raisonnables ont été prises par l’appelante. Le fait qu’elle s’est questionnée pour ensuite croire disposer d’une partie de sa résidence principale, sans consulter, ne suffisent pas pour établir qu’elle a pris toutes les précautions raisonnables pour éviter l’acte ou l’omission ayant entraîné l’imposition de la pénalité. Le comptable n’a pas été consulté ou impliqué délibérément.

[105] La preuve ne permet malheureusement pas à la Cour d’intervenir en faveur de l’appelante, et la Cour est forclose d’invoquer les règles d’équité.

[106] Étant donné que les conditions nécessaires applicables à la pénalité sont réunies et que le moyen de défense fondé sur la diligence raisonnable n’a pas été établi, la pénalité doit être confirmée.


VI. Conclusion

[107] Considérant tout ce qui précède, l’appel à l’encontre de la nouvelle cotisation de l’appelante établie pour l’année d’imposition 2014 en date du 15 mars 2018 est rejeté sans frais, et la pénalité du paragraphe 163(2) LIR maintenue.

Signé à Ottawa, Canada, ce 18e jour d’octobre 2023.

« J.M. Gagnon »

Juge Gagnon

 


RÉFÉRENCE :

2023 CCI 148

No DU DOSSIER DE LA COUR :

2020-1115(IT)G

INTITULÉ DE LA CAUSE :

MÉLANIE DUBÉ ET SA MAJESTÉ LE ROI

LIEU DE L’AUDIENCE :

Montréal (Québec)

DATE DE L’AUDIENCE :

le 23 février 2023

MOTIFS DE JUGEMENT PAR :

L’honorable juge Jean Marc Gagnon

DATE DU JUGEMENT :

Le 18 octobre 2023

COMPARUTIONS :

Avocat de l’appelante :

Me Louis-Denis Laberge

Avocat de l’intimée :

Me Christian Lemay

AVOCAT INSCRIT AU DOSSIER :

Pour l’appelante:

Nom :

Me Louis-Denis Laberge

Cabinet :

Bernard & Brassard

2265 boulevard Fernand-Lafontaine,

bureau 300

Longueuil (Québec)

Canada J4G 2R8

Pour l’intimé :

Shalene Curtis-Micallef

Sous-procureure générale du Canada

Ottawa, Canada

 



[1] Le fardeau de la preuve en matière d’appel fiscal a fait l’objet de discussions récentes dans plusieurs décisions de la Cour d’appel fédérale et la Cour canadienne de l’impôt. Le juge Webb dans Sarmadi v The Queen, 2017 FCA 131 (Sarmadi) a revisité le fardeau de la preuve en matière fiscale sans toutefois recevoir l’aval de ses collègues le juge Stratas et la juge Woods qui ont préféré ne pas se prononcer définitivement sur la question. Dans Eisbrenner v The Queen, 2020 FCA 93 (Eisbrenner), le juge Webb, au nom de la Cour d’appel fédérale, a réitéré la même ligne de commentaires soutenue dans Sarmadi en lien avec le fardeau de la preuve. La demande d’autorisation d’appel de l’arrêt de la Cour d’appel fédérale a été rejetée le 14 janvier 2021. Depuis la décision Eisbrenner, la position du juge Webb en regard du fardeau de la preuve en matière fiscale a été confirmée ou reprise dans quelques décisions de la Cour d’appel fédérale: Kufsky v Canada, 2022 FCA 66, Chibani v Canada, 2021 FCA 196, European Staffing Inc. v Canada (National Revenue), 2020 FCA 219 et Van der Steen v Canada, 2020 FCA 168. Les principales décisions de la Cour canadienne de l’impôt traitant de cette question récente sont les décisions du juge Owen dans Morrison v The Queen, 2018 TCC 220 et Damis Properties Inc. v The Queen, 2021 TCC 24.

[2] Canada (Revenu national) c Hardy, 2018 CAF 103.

[3] Léo Ducharme, Précis de la preuve, 6e éd, Montréal, Wilson & Lafleur , 2005, no 382; Jean-Claude Royer et Sophie Lavallée, La preuve civile, 4e éd, Cowansville, Éditions Yvon Blais, 2008, no 357.

[4] Claude Marseille, Les objections à la preuve en droit civil, Montréal, LexisNexis, 2015, no 39-7.

[5] Collection de droit 2023, École du Barreau du Québec, vol 2, Preuve et procédure, La preuve devant le tribunal civil, Les qualités et les moyens de preuve, 2023-2024, p 251.

[6] En résumé, un pacte de préférence en soi ne crée que des obligations personnelles et il n’est pas opposable aux tiers. Un contrat conclu en violation d’un pacte de préférence non respecté permet au bénéficiaire lésé de considérer un recours en dommages-intérêts. Dans ce contexte, les parties demeurent libres de vendre et d’acheter. Voir Denys-Claude Lamontagne, Droit de la vente, 4e éd., Montréal, Yvon Blais, 2019, nos 61-62.

[7] En vue d’assurer l’application de la LIR dans la province de Québec, la Cour doit avoir recours aux règles, principes et notions en vigueur au Québec lorsqu’il s’agit de traiter du domaine de la propriété et des droits civils, si cela est nécessaire et en l’absence d’une règle de droit s’y opposant dans la LIR. À cet effet, voir Loi d’interprétation, LRC 1985, c I-21. Aussi, Canada c 9101-2310 Québec Inc., 2013 CAF 241.

[8] Flanagan c MRN, 89 DTC 615 (CCI), Rebus c La Reine, 2002 CanLII 842 (CCI).

[9] Wynter c R, 2017 CAF 195 (Wynter).

[10] Canada c Paletta, 2022 CAF 86 (Paletta).

[11] Venne v Canada, 1984 CanLII 5717 (Venne).

[12] Guindon c Canada, 2015 CSC 41 (Guindon).

[13] Xia c La Reine, 2019 CCI 30.

[14] Wynter, paragraphe 21.

[15] Gray c La Reine, 2016 CCI 54 (Gray); DeCosta c La Reine, 2005 CCI 545; Bhatti c La Reine, 2013 CCI 143; McLeod c La Reine, 2013 CCI 228.

[16] Venne, supra note 8.

[17] Peck c La Reine, 2018 CCI 52 citant Wynter.

[18] Ibid.

[19] Ibid.

[20] Torres c La Reine, 2013 CCI 380 (Torres).

[21] Voir Gray et Torres.

[22] Galachiuk c La Reine, 2014 CCI 188 (Galachiuk) et Symonds c Canada, 2011 CCI 274.

[23] Corporation de l'école polytechnique c Canada, 2004 CAF 127 (École Polytechnique).

[24] Les Résidences Majeau c La Reine, 2010 CAF 28 (Résidences Majeau).

[25] Voir École Polytechnique.

[26] Ibid.

[27] Deux exceptions existent à l’erreur de droit. Aux fins des présentes, il importe de référer à l’une d’entre elles seulement (c.-à-d. l’erreur de droit provoquée par une personne en autorité) : l’erreur du contribuable peut-être une erreur de droit provoquée par une personne en autorité lorsqu’il s’agit de la position en droit que le contribuable a considéré la sienne, a consulté une personne en autorité compétente en la matière, a obtenu un avis raisonnable et s’est fondé sur cet avis pour accomplir ses actes. Voir R c Jorgensen, [1995] 4 RCS 55 et École Polytechnique.

[28] Voir Résidences Majeau.

[29] Mignault c La Reine, 2011 CCI 500 (Mignault).

[30] Dans Polubiec c La Reine, 2019 CCI 146, le contribuable ne pouvait pas invoquer la défense de diligence raisonnable parce que l'erreur qu'il avait commise sur la question de savoir si les montants qu'il avait retirés de son REÉR étaient imposables était (a) une erreur de droit et (b) une erreur qu'une personne raisonnable aurait commise dans les circonstances. Le contribuable a échoué à prouver qu'il avait fait preuve de diligence raisonnable par erreur de fait, tant sur le plan subjectif que sur le plan objectif.

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