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Dossiers : 2021-338(GST)I

2020-2295(IT)I

ENTRE :

MICHAEL HALL,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LE ROI,

intimé.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

Appels entendus en même temps le 15 mai 2023, à St. John’s (Terre-Neuve-et-Labrador)

observations complémentaires reçues le 17 août 2023.

Devant : l’honorable juge Randall S. Bocock


Comparutions :

Pour l’appelant :

L’appelant lui-même

Avocat de l’intimé :

James Whittier

 

JUGEMENT

VU les motifs du jugement publié par la Cour ce jour;

LA COUR ORDONNE :

  1. Les appels contre les avis de cotisation numéros 5858901, 5858934 et 5858822, tous datés du 27 août 2019, concernant la responsabilité des administrateurs au titre du paragraphe 227.1(1) de la Loi de l’impôt sur le revenu et de l’article 323 de la Loi sur la taxe d’accise, sont rejetés; et

  2. Aucuns dépens ne sont adjugés.

Signé à Ottawa, Canada, ce 16e jour de novembre 2023.

« R. S. Bocock »

Le juge Bocock

 


Référence : 2023 CCI 158

Date : 20231116

Dossiers : 2021-338(GST)I

2020-2295(IT)I

ENTRE :

MICHAEL HALL,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LE ROI,

intimé.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]


MOTIFS DU JUGEMENT

Le juge Bocock

I. INTRODUCTION

[1] Les présents appels portent sur trois cotisations établies à l’égard de Michael Hall (« M. Hall ») sur le fondement de la responsabilité des administrateurs. Deux d’entre elles ont été établies sur le fondement de l’article 227.1 de la Loi de l’impôt sur le revenu (la « LIR »), pour défaut de verser des retenues, et une sur le fondement du paragraphe 323(1) de la Loi sur la taxe d’accise (la « LTA »), pour défaut de verser la TPS nette exigible en application de cette loi.

[2] M. Hall ne conteste pas l’impôt à payer au titre de la LIR ou de la LTA par le véritable contribuable, Eastern Restoration Limited (« ERI »). M. Hall admet également qu’il était administrateur d’ERI pendant les périodes concernées.

[3] De même, la preuve du ministre des deux tranches d’impôt impayées dues au titre de la LIR et de la tranche de taxe impayée due au titre de la LTA, dont le montant s’élève à 5 891,31 $, 3 917,54 $ et 21 056,00 $ en capital, pénalités et intérêts, n’est pas contestée. Les impayés se rapportent aux périodes de paie allant de janvier à décembre 2010 et de janvier à décembre 2011. La quasi-totalité des sommes dues à la Couronne concernait la période de 2010.

[4] M. Hall invoque des moyens de défense de diligence raisonnable fondés sur des dispositions identiques en substance de la LIR et de la LTA.

II. LES FAITS

[5] M. Hall est pompier à plein temps. Depuis quelque temps, il s’est lancé dans des entreprises secondaires en sus de cette vocation. Dans ce contexte, il a exercé des fonctions d’administrateur d’une société. De 2008 à 2011, son second travail consistait à gérer des activités de restauration et de rénovation menées dans le cadre de contrats avec des assureurs offrant une couverture de responsabilité civile pour dommages matériels dans la province de Terre-Neuve-et-Labrador. La société exploitante était un rénovateur local, 55668 Newfoundland & Labrador Ltd., faisant affaire sous la raison sociale Paul Davis Systems Newfoundland (« 556 Ltd. »). Les réparations de toiture associées à ces projets étaient effectuées par une société liée, Canadian Roofing Solutions inc. (« Canadian Roofing »).

[6] 556 Ltd. utilisait le nom commercial « Paul Davis System » et d’autres droits de propriété intellectuelle sous licence. M. Hall faisait passer sa portion de la rémunération de ces services entièrement par ERI. Ainsi, il facturait ses services personnels de consultation en rénovation à 556 Ltd. par l’intermédiaire d’ERI. Il a témoigné qu’ERI n’avait pas aucun autre employé et avait pour principale raison d’être [Traduction] « l’incidence fiscale » de ses honoraires. Pour l’essentiel, ERI avait pour unique rôle de recevoir la rémunération facturée par M. Hall à 556 Ltd. (et Canadian Roofing) et de la lui payer.

[7] 556 Ltd. a rencontré de grosses difficultés au dernier trimestre 2009. Au début de 2010, Paul Davis Systems, le concédant de licence, a expulsé 556 Ltd. de ses locaux, changé les serrures, saisi l’entreprise de consultation en rénovation et fini par trouver un nouveau franchisé.

[8] M. Hall ne s’est pas laissé faire. Il a engagé une procédure intensive, qui s’est avérée interminable, contre divers défendeurs devant la Cour suprême de Terre-Neuve-et-Labrador. Les parties au litige étaient toutes des personnes ayant participé aux activités de « Paul Davis Systems », tant avant le verrouillage que pendant la période où M. Hall en assumait la direction, et toute autre personne ayant la responsabilité d’exercer, de déclencher ou de recevoir les [Traduction] « droits » du franchiseur. Parmi celles-ci figurait le cessionnaire auquel le franchiseur a transféré les droits d’utiliser Paul Davis Systems dans la province de Terre-Neuve-et-Labrador.

[9] Les demandes et demandes reconventionnelles égrènaient toute une litanie de notions de droit de la propriété : complot, conversion de biens, perte économique causée par des moyens illicites, enrichissement sans cause, violation de l’obligation de bonne foi et recouvrement de créance concernant les redevances et les redevances de franchisage.

[10] À l’audience, M. Hall n’a pu fournir la copie de la décision ou sa référence. Il n’avait pas non plus les lettres de libération de l’ARC concernant sa responsabilité en qualité d’administrateur pour 556 Ltd. Et Canadian Roofing. Il a affirmé avec insistance que ces documents étaient pertinents et aideraient la Cour dans ses délibérations. Avec le consentement de l’intimé, il les a déposé et signifié ultérieurement, après quoi l’intimé a déposé des observations complémentaires. La Cour est maintenant en mesure de terminer la rédaction de ses motifs et de statuer sur les appels.

Le litige

[11] Le différend relatif à la franchise Paul Davis Systems a été jugé par la Cour suprême de Terre-Neuve-et-Labrador. Le procès, d’une durée de 27 jours, s’est étalé sur 27 mois à cause de la pandémie de COVID-19. La juge Knickle présente les conclusions de la Cour dans une décision de 98 pages : 55668 Newfoundland and Labrador Limited v Sullivan, 2022 NLSC 127. Ces conclusions peuvent être résumées ainsi :

a) Aucune des parties au litige n’a unilatéralement obtenu gain de cause. En définitive, la somme nette exigible par M. Hall s’élevait à environ 85 000 $. Il y a effectivement eu conversion des biens de 556 Ltd. et rétention fautive de fonds, mais une compensation s’opérait entre les sommes dues à ce titre et les redevances et droits de licence impayés.

b) 556 Ltd. était insolvable à la fin de l’année 2009, mais M. Hall n’a pas reconnu cet état de fait.

c) Le 22 janvier 2010, le franchiseur a changé les serrures, empêchant M. Hall d’accéder aux locaux de 556 Ltd.

d) Bien que M. Hall n’ait pas eu accès aux livres et registres de 556 Ltd., il a continué d’intervenir dans les affaires de celle-ci et d’en assurer la direction, et, comme l’a constaté la Cour, a signé la cession de bail au nouveau franchisé et était en mesure d’exercer un contrôle.

e) Il a également signé divers chèques tirés sur le compte de 556 Ltd. de janvier à mars 2010 et a continué d’avoir un certain contrôle et de pouvoir donner son avis sur certains fonds et sur les personnes payées à partir de ces fonds en mars 2010.

f) Au début 2010, il y a eu plusieurs vrais désaccords sur les créanciers à payer, des personnes ayant spécifiquement informé M. Hall des obligations légales de remise des retenues et de la TPS envers la Couronne.

g) Il n’y avait guère d’éléments de preuve permettant de penser que le paiement des créanciers par le nouveau franchisé aurait bénéficié à 556 Ltd., si les choses s’étaient passées différemment.

Les cotisations établies au titre de la responsabilité d’administrateur de 556 Ltd. et Canadian Roofing

[12] Après avoir reçu les documents après l’audience, la Cour a examiné la correspondance de l’ARC concernant la TVH et les remises exigées par la loi pour les sociétés d’exploitation. En 2014, le ministre a établi une cotisation à l’égard de M. Hall en sa qualité d’administrateur de Canadian Roofing et de 556 Ltd. pour les retenues à la source non remises par celles-ci. À titre d’exemple, ces cotisations comprenaient les montants suivants concernant Canadian Roofing :

Société

Date

Disposition de la loi

Montant

Canadian Roofing

9 décembre 2014

301(3) LTA

27 053,90

Canadian Roofing

9 décembre 2014

165(3) LIR

79 806,63

[13] M. Hall a contesté ces cotisations en 2016 en soumettant des observations concernant sa responsabilité en qualité d’administrateur pour 556 Ltd. et Canadian Roofing. M. Hall a insisté pour que la Cour examine ces situations, soutenant qu’elles constituaient la preuve des circonstances qui l’ont empêché de remédier au défaut de paiement.

La libération de M. Hall par l’ARC. en ce qui concerne 556 Ltd.

[14] Le ministre a libéré M. Hall de ces obligations. L’ARC a exonéré M. Hall de sa responsabilité du fait d’autrui en qualité d’administrateur à l’égard des retenues à la source et de la TPS non remises par les deux principales sociétés d’exploitation : 556 Ltd. et CanadianRoofingSolutions Inc. (« Canadian Roofing »).

[15] La lettre de libération est réfléchie, délibérée et complète. Elle se termine par l’énoncé suivant [les montants pertinents ont été ajoutés entre crochets afin de rendre compte exhaustivement de l’exonération par l’ARC en ce qui concerne la responsabilité de l’appelant en sa qualité d’administrateur de 556 Ltd.] :

[Traduction] Le fondement de votre opposition est que vous avez déployé des efforts suffisants en tant qu’administrateur de la société pour anticiper les difficultés financières de l’entreprise avant, pendant et après la vie de Canadian Roofing Solutions inc. et que des circonstances indépendantes de votre volonté vous ont empêché de régler le solde impayé sur le compte de TPS/TVH de la société.

Un examen des faits et des documents révèle que vous avez agi avec le degré de soin, de diligence et de compétence requis pour vous prévaloir d’une défense de diligence raisonnable en vertu du paragraphe 323(3) de la Loi sur la taxe d’accise [et du paragraphe 227.1(3) de la Loi de l’impôt sur le revenu] en ce qui concerne le défaut de remettre la taxe nette payable par Canadian Roofing Solutions inc., d’un montant de 27 053,90 $ [et 79806,63 $ en ce qui concerne 556 Ltd.]. En conséquence, la cotisation numéro 2926912 [et 2926928] est annulée.

[16] Les lettres de libération de la responsabilité en qualité d’administrateur n’indiquent pas clairement à quelles périodes elles se rapportent; toutefois, il est probable que dans l’ensemble, ces périodes coïncident avec les périodes pour lesquelles le ministre cherche à recouvrer les retenues à la source au titre de la LIR et la TPS non remises et dues par ERI auprès de M. Hall.

III. LA LOI

[17] On peut résumer ainsi la défense de diligence raisonnable présentée par M. Hall :

Un administrateur n’est pas responsable de l’omission visée au paragraphe (1) lorsqu’il a agi avec le degré de soin, de diligence et d’habileté pour prévenir le manquement qu’une personne raisonnablement prudente aurait exercé dans des circonstances comparables.

[18] De quel manquement l’administrateur est-il tenu responsable? Dans le cas de la LIR, il s’agit du défaut de la société d’effectuer les retenues à la source sur la rémunération de ses employés ou du défaut de remettre à la Couronne les retenues effectuées. Dans le cas de la LTA, il s’agit du défaut de payer la TPS (ou TVH) nette.

[19] Les arrêts Buckingham (en ce qui concerne la LIR) et Balthazard (en ce qui concerne la LTA) rendus la même année[1] par le juge Mainville de la Cour d’appel fédérale sont à l’origine de l’approche moderne, légèrement revue, des appels en matière de responsabilité des administrateurs et continuent de bien la résumer.

[20] Les paragraphes 40 et 52 de l’arrêt Buckingham et 50 et 51 de l’arrêt Balthazard en donnent un premier avant-goût.

Voici tout d’abord un extrait de l’arrêt Buckingham :

[40] L’objectif de l’examen prévu aux paragraphes 227.1(3) de la Loi de l’impôt sur le revenu et 323(3) de la Loi sur la taxe d’accise différera toutefois de celui qu’exige l’alinéa 122(1)b) de la LCSA, car les premières dispositions requièrent que l’administrateur s’acquitte de son obligation de soin, de diligence et d’habileté de manière à prévenir les défauts de versement. Pour invoquer ces moyens de défense, l’administrateur doit par conséquent démontrer qu’il s’est préoccupé des versements requis et qu’il s’est acquitté de son obligation de soin, de diligence et d’habileté afin de prévenir le défaut de la société de verser les montants visés.

[52] Le Parlement n’a pas requis des administrateurs qu’ils soient assujettis à une responsabilité absolue relativement aux versements de leurs sociétés. En conséquence, le Parlement accepte qu’une société puisse, dans certaines circonstances, ne pas effectuer des versements sans que la responsabilité de ses administrateurs ne soit engagée. Ce qui est requis des administrateurs, c’est qu’ils démontrent qu’ils se sont effectivement préoccupés des versements fiscaux et qu’ils se sont acquittés de leur obligation de soin, de diligence et d’habileté afin de prévenir le défaut de la société de verser les montants visés.

Puis un extrait de l’arrêt Balthazard3[2]  :

[50] En effet, pour s’exonérer de leur responsabilité au moyen d’une défense de soin, de diligence et de compétence, les administrateurs doivent établir qu’ils ont pris les mesures appropriées en temps utile afin de limiter les montants à risque pour le fisc au titre des retenues fiscales ou des versements de la taxe nette liée à la TPS. Un administrateur raisonnablement prudent faisant face à la faillite imminente de sa société prendrait en effet des mesures appropriées afin de limiter les pertes du fisc. Bien que chaque dossier soit un cas d’espèce qui doive être analysé à la lumière de toutes les circonstances en cause, plus l’entreprise accumulera des retards dans ses remises fiscales, plus il sera difficile de soutenir que l’entreprise ne finance pas ses activités à même les montants dus au fisc. Il est donc important pour les administrateurs de prendre rapidement les décisions qui s’imposent s’ils veulent soutenir avec succès une défense de diligence à l’encontre de leur responsabilité solidaire.

IV. LES QUESTIONS

Les questions peuvent être définies comme suit :

(i) M. Hall a-t-il pris des mesures en temps utile pour limiter les défauts et ces mesures sont-elles suffisantes pour satisfaire au critère de la personne raisonnablement prudente? et

(ii) En conclusion, le seuil de la diligence raisonnable a-t-il été atteint?

Les positions des parties

  • (i)L’appelant

[21] M. Hall appelle l’attention de la Cour sur les mesures qu’il a prises dans le cadre du litige relatif à 556 Ltd., les observations de la Cour suprême de Terre-Neuve-et-Labrador et les précédentes conclusions de l’ARC concernant les cotisations obliques établies à son encontre pour les défauts de 556 Ltd. et Canadian Roofing et soutient que ces cotisations ayant été annulées, les cotisations connexes concernant ERI devraient être connaître le même sort.

[22] En outre, il affirme que le « verrouillage » du 22 janvier 2010 était une circonstance additionnelle qui faisait par ailleurs obstacle à des efforts plus concrets et des mesures plus démontrables de sa part pour régler les impayés aboutissant à davantage de résultats observables.

  • (ii)L’intimé

[23] L’avocat de l’intimé appelle l’attention de la Cour sur la norme de la personne raisonnablement prudente, par rapport à laquelle aucune preuve n’a été apportée de la prévention du défaut de remettre les sommes dues ou de la correction de ce défaut, une fois celui-ci connu. M. Hall, un administrateur chevronné et averti, n’a pas communiqué avec l’ARC concernant les défauts, n’a jamais modifié son statut d’administrateur et a fait preuve de passivité au lieu de s’attaquer directement aux défauts de remise. Au bout du compte, le long litige était un « pari » que M. Hall a perdu.

[24] Par ailleurs, l’intimé a soutenu que les libérations par l’ARC de la responsabilité du fait d’autrui de M. Hall en sa qualité d’administrateur de 556 Ltd. et de Canadian Roofing n’étaient pas pertinentes en ce qui concerne sa responsabilité du fait d’ERI, puisque ces libérations :

(i) [Traduction] concern[aient] une autre « période » et des circonstances différentes;

(ii) se rapport[aient] à d’autres sociétés et des entreprises fondamentalement différentes.

[25] En outre, l’intimé a avancé que dans sa décision sur 556 Ltd., la Cour suprême de Terre-Neuve-et-Labrador avait conclu que :

  • (i)[Traduction] l’appelant avait gardé un certain contrôle sur les livres comptables et les décisions financières de 556 Ltd.;

  • (ii)[l’appelant] avait pu se rendre sur place;

  • (iii)[l’appelant] avait pris des décisions d’affaires;

  • (iv)[l’appelant] avait eu accès, quoique tardivement, aux registres financiers;

(v) l’allégation selon laquelle il n’avait « aucun contrôle » sur le sort de 556 Ltd. ou Canadian Roofing était inexacte.

Un « verrouillage » est manifestement un ensemble de faits différent

[26] Dans la majorité des appels interjetés devant la Cour dans lesquels la défense de diligence raisonnable est invoquée, il est rare de trouver :

  1. un changement de serrure contre un propriétaire qui a [Traduction] « l’apparence d’un droit » d’occuper les locaux de la société exploitante;

  2. une guerre ouverte entre franchiseur et franchisés d’une entreprise; ou

  3. des revendications étendues et sans fin de droits de propriété et de droits civils devant les plus hauts tribunaux susceptibles de les entendre : les tribunaux supérieurs compétents dans les provinces.

Les circonstances observées concernant 556 Ltd. et Canadian Roofing sont-elles pertinentes à l’égard d’ERI et justifient-elles de statuer que M. Hall a déployé des efforts raisonnables pour prévenir les défauts et y remédier?

[27] Il est tout à fait possible que l’ARC ait considéré le verrouillage et le long litige comme étant des circonstances pertinentes et constituant des mesures raisonnablement prudentes visant à prévenir le défaut de paiement de 556 Ltd. et Canadian Roofing et à y remédier (ou une situation faisant obstacle à la prise de telles mesures). On peut comprendre ce point de vue dans les circonstances. Les éléments d’actif produisant un revenu susceptible de servir au paiement des sommes dues par 556 Ltd. et Canadian Roofing avaient, au pire, été saisis par une personne autre qu’un administrateur et au mieux étaient restreints et redéployés en faveur d’un tiers. Somme toute, ce scénario est plausible et M. Hall a été libéré de ses obligations découlant des impayés de ces deux sociétés exploitantes en 2010 et 2011 sur le fondement d’une défense de diligence raisonnable.

[28] Le cas d’ERI est, du point de vue factuel, une autre paire de manches. Son seul objet était de percevoir, comme intermédiaire, la rémunération payée par 556 Ltd. et Canadian Roofing à M. Hall. M. Hall, en qualité d’administrateur unique et dirigeant d’ERI, se payait à même les fonds reçus, vraisemblablement déduction faite des retenues imposées par la loi et de la TVH. Si aucune somme n’a été payée par 556 Ltd. ou Canadian Roofing à ERI, que pouvait verser ERI à M. Hall? Dès lors, que pouvait devoir celle-ci à la Couronne? En ce qui concerne [Traduction] « l’incidence fiscale », pour reprendre l’expression de M. Hall, il recevrait la rémunération correspondant aux factures établies, se paierait et tout irait pour le mieux. Toutefois, il a omis une étape.

[29] Le témoignage de M. Hall omet d’expliquer, en réponse aux hypothèses de la Couronne, pourquoi il n’a pas séparé, retenu et remis les sommes dues à la Couronne lorsqu’il – et personne d’autre – assumait seul la responsabilité de se payer et de remettre le solde à la Couronne. Il aurait suffi qu’il paie à la Couronne la portion appropriée des sommes détenues par ERI en même temps qu’il s’est payé lui-même, pour qu’il n’y ait aucune cotisation sur le fondement de la responsabilité des administrateurs. Il n’a pas été suffisamment prudent pour cela.

[30] M. Hall n’était pas un nouveau propriétaire d’entreprise ou un administrateur novice. Compte tenu de sa formation, de son expérience et de sa propre admission qu’il devait poser ces actes, il n’existe aucune preuve du fait qu’il aurait pris des mesures pour prévenir le non-paiement de la dette d’ERI envers la Couronne ou remédier au défaut de paiement, une fois celui-ci connu. Le litige mentionné ne concernait pas ERI. ERI n’avait pas d’éléments d’actif, de bail ou d’entreprise à saisir ou s’approprier. La seule activité d’ERI était de percevoir les honoraires de M. Hall et de les lui reverser, ce qu’elle a fait, sans rien verser à la Couronne, bien qu’elle ait reçu les retenues et la TPS à percevoir lorsqu’elle a été payée par 556 Ltd., Canadian Roofing ou les deux. Aucune circonstance ne justifie cette omission.

[31] M. Hall est responsable de la non-remise des sommes et les appels sont rejetés. Aucuns dépens ne sont adjugés.

Signé à Ottawa, Canada, ce 16e jour de novembre 2023.

« R. S. Bocock »

Le juge Bocock


RÉFÉRENCE :

2023 CCI 158

NO DU DOSSIER DE LA COUR :

2021-338(GST)I

2020-2295(IT)I

INTITULÉ :

MICHAEL HALL c. SA MAJESTÉ LE ROI

LIEU DE L’AUDIENCE :

St. John’s (Terre-Neuve-et-Labrador)

DATE DE L’AUDIENCE :

Le 15 mai 2023

MOTIFS DU JUGEMENT :

L’honorable juge Randall S. Bocock

DATE DU JUGEMENT :

16 novembre 2023

COMPARUTIONS :

Pour l’appelant :

L’appelant lui-même

Avocat de l’intimé :

James Whittier

AVOCATE INSCRITE AU DOSSIER :

Pour l’appelant :

Nom :

L’appelant lui-même

 

Cabinet :

S.o.

Pour l’intimé :

Shalene Curtis-Micallef

Sous-procureure générale du Canada

Ottawa, Canada

 



[1] Buckingham c. Canada, 2011 CAF 142, par. 33, 40 infra, 45 à 46, 49, 52 infra et 56. Les principes énoncés dans l’arrêt Buckingham sont résumés dans l’arrêt Balthazard c. La Reine, 2011 CAF 331, par. 32.

[2] Balthazard, précité, par. 50.

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