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Dossier : 2023-1618(IT)I

ENTRE :

PETER T. SCHROEDER,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LE ROI,

intimé.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

Appel entendu le 11 mars 2024 à Kelowna (Colombie-Britannique)

Devant : l’honorable juge Dominique Lafleur


Comparutions :

Pour l’appelant :

L’appelant lui-même

Avocate de l’intimé :

Crystal Choi

 

JUGEMENT

[1] Conformément aux motifs du jugement ci-joints, l’appel concernant une cotisation établie en vertu de la Loi de l’impôt sur le revenu (la « LIR ») pour l’année d’imposition 2021 de l’appelant est accueilli selon les termes suivants :

  1. L’appelant a droit à la déduction pour résidence des membres du clergé d’un montant de 22 000 $ en vertu de l’alinéa 8(1)c) de la LIR;

  2. Aucuns dépens ne sont alloués.

Signé à Ottawa, Canada, ce 2e jour de mai 2024.

« Dominique Lafleur »

La juge Lafleur

 


Référence : 2024 CCI 56

Date : 20240502

Dossier : 2023-1618(IT)I

ENTRE :

PETER T. SCHROEDER,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LE ROI,

intimé.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]


MOTIFS DU JUGEMENT

La juge Lafleur

I. CONTEXTE

[2] Monsieur Peter T. Schroeder a interjeté appel devant la Cour de la cotisation établie par le ministre du Revenu national (le ministre) en vertu de la Loi de l’impôt sur le revenu (S.R.C., 1985, ch. 1 (5e suppl.), telle que modifiée (la « LIR »)) pour son année d’imposition 2021.

[3] Dans la déclaration de revenus qu’il a produite pour cette année-là, M. Schroeder a demandé une déduction de 22 000 $ en vertu de l’alinéa 8(1)c) de la LIR, appelée « Déduction pour la résidence d’un membre du clergé ». Cette déduction a été refusée au motif que M. Schroeder n’avait tiré aucun revenu d’une charge ou d’un emploi au cours de l’année d’imposition 2021.

[4] En outre, le ministre a allégué que M. Schroeder n’avait pas fourni à l’Agence du revenu du Canada le formulaire T1223 prescrit pour la déduction pour la résidence d’un membre du clergé (le « formulaire T1223 »), formulaire qui constitue une condition préalable à la déduction en vertu du paragraphe 8(10) de la LIR.

[5] Lors de l’audience, M. Schroeder s’est représenté lui-même. Son témoignage était crédible et fiable. Le défendeur n’a cité aucun témoin.

[6] Tous les renvois à des dispositions législatives qui suivent dans les présents motifs renvoient à la LIR, sauf indication contraire.

II. DROIT APPLICABLE

[7] La partie pertinente de l’alinéa 8(1)c) est rédigée en ces termes :

8(1) Sont déductibles dans le calcul du revenu d’un contribuable tiré, pour une année d’imposition, d’une charge ou d’un emploi ceux des éléments suivants qui se rapportent entièrement à cette source de revenus, ou la partie des éléments suivants qu’il est raisonnable de considérer comme s’y rapportant :

[...]

c) lorsque le contribuable, au cours de l’année :

(i) d’une part, est membre du clergé ou d’un ordre religieux ou est ministre régulier d’une confession religieuse,

(ii) d’autre part :

(A) soit dessert un diocèse, une paroisse ou une congrégation,

(B) soit à la charge d’un diocèse, d’une paroisse ou d’une congrégation,

(C) soit s’occupe exclusivement et à plein temps du service administratif, du fait de sa nomination par un ordre religieux ou une confession religieuse,

le montant, n’excédant pas sa rémunération pour l’année provenant de sa charge ou de son emploi, égal :

[...]

[Non souligné dans l’original.]

III. FAITS

[8] M. Schroeder est un membre du clergé certifié et ordonné. Il a obtenu un diplôme de premier cycle de l’Université de l’Alberta puis a complété une maîtrise en théologie à la North American Baptist Divinity School et un doctorat en théologie pratique au North American Baptist Seminary (en 1992). Il a été ordonné au sein de l’église North American Baptist Denomination en 1983 (voir pièces A-1, A-2 et A-3).

[9] Après avoir servi dans sa paroisse pendant plus de 40 ans, M. Schroeder a démissionné en avril 2020 de son poste d’ecclésiastique et de pasteur principal de la Kelowna Trinity Baptist Church (l’« église »).

[10] Après sa démission, M. Schroeder a communiqué avec la Kelowna Trinity Baptist Church Legacy Foundation (la « Fondation ») pour savoir si la Fondation voudrait assurer son financement afin qu’il fournisse des services d’aumônerie aux membres et au personnel de la Gendarmerie royale du Canada (la « GRC ») dans la région de Kelowna.

[11] Après une rencontre informelle entre M. Shroeder et les administrateurs de la Fondation, cette dernière a accepté de rémunérer M. Shroeder directement pour ses services d’aumônerie auprès des membres et du personnel de la GRC. La Fondation et M. Schroeder, sous le nom de « Tim Schroeder National Ministry TS67 », ont conclu une convention de mandat officialisant leur accord. Le contrat devait entrer en vigueur le 15 avril 2020 et prendre fin le 31 décembre 2021 (la « convention de mandat ») (voir pièce A-8).

[12] Comme l’indique monsieur B.D. « Brad » Haugli, surintendant principal, chef de district, district du Sud-Est de la GRC, dans une lettre datée du 7 novembre 2023, M. Schroeder, en tant qu’aumônier [traduction] « [...] procure à la fois un soutien stratégique et préventif à nos membres en matière de bien-être, en plus de leur fournir une aide appropriée lorsqu’ils sont confrontés à des incidents traumatisants » (voir la pièce A-4). Selon ce qui est mentionné dans cette même lettre, et comme l’a déclaré M. Schroeder lui-même lors de l’audience, M. Schroeder fournit ces services dans une vaste région du sud-est de la Colombie-Britannique, à raison de quelque 110 heures par mois, grâce au parrainage de la Fondation. Cette région comprend quatre districts de la GRC.

[13] M. Schroeder a précisé qu’à Kelowna, il était le seul aumônier rémunéré offrant des services à plus de 300 membres et employés de la GRC. Sept aumôniers bénévoles fournissaient également des services d’aumônerie aux membres et au personnel de la GRC.

[14] En racontant comment se passait une semaine type, M. Schroeder a dit qu’il assistait généralement à une séance d’information à Kelowna, suivie d’une réunion avec le surintendant principal du district du Sud-Est de la GRC. Lorsque des événements bouleversants et tragiques se produisaient, il se rendait sur des lieux précis pour apporter son soutien aux membres et au personnel de la GRC.

[15] La GRC prenait en charge les « frais fixes » de M. Schroeder, notamment le coût de ses repas et de ses déplacements, en plus de lui verser une indemnité journalière. La Fondation payait pour son téléphone portable. En outre, la Fondation remboursait M. Shroeder lorsqu’il engageait des dépenses, comme lorsqu’il achetait des vêtements d’aumônier pour les aumôniers bénévoles et pour lui-même. M. Schroeder utilisait son véhicule personnel pour se déplacer entre les différents lieux où il fournissait des services d’aumônerie aux membres et au personnel de la GRC.

[16] Au cours de l’année fiscale 2021, la Fondation a versé une rémunération à M. Schroeder deux fois par mois. M. Schroeder a reçu un montant total de 66 000 $ (soit 2 750 $ x 24) de la part de la Fondation au cours de l’année d’imposition 2021 (voir pièce A-9), montant qu’il a déclaré comme un « revenu d’un travail indépendant de profession libérale ». M. Schroeder a demandé une déduction pour l’utilisation de son véhicule personnel au titre de dépense professionnelle aux fins de l’impôt sur le revenu. M. Schroeder a aussi déclaré des revenus de pension totalisant 21 949 $. Toutefois, au cours de l’année d’imposition 2021, M. Schroeder n’a pas déclaré de revenu tiré d’une charge ou d’un emploi.

[17] M. Schroeder a affirmé qu’il rencontrait [traduction] « au moins une fois par trimestre » les membres de la Fondation pour les tenir au courant de ses activités.

IV. QUESTION À TRANCHER

[18] La seule question à trancher en l’espèce est celle de savoir si la rémunération versée à M. Schroeder par la Fondation au cours de l’année d’imposition 2021 constitue un revenu tiré « d’une charge ou d’un emploi », de sorte que M. Schroeder aurait droit à la déduction pour la résidence d’un membre du clergé en vertu de l’alinéa 8(1)c), pour un montant total de 22 000 $.

[19] Lors de l’audience, le défendeur a admis que M. Schroeder avait dûment soumis le formulaire T1223 à l’Agence du revenu du Canada (voir pièce A-7). En outre, le défendeur a indiqué à la Cour que le statut et la fonction de M. Schroeder, tel que visés par les sous-alinéas 8(1)c)(i) et (ii), n’étaient pas contestés; il a également mentionné qu’il n’y avait pas d’opposition quant aux sommes versées par la Fondation à M. Schroeder à titre de rémunération au cours de l’année d’imposition 2021, ni quant au montant de la déduction pour la résidence d’un membre du clergé demandée.

V. CONCLUSION

[20] Pour les motifs exposés ci-dessous, je conclus que, selon la prépondérance des probabilités, M. Schroeder est un employé de la Fondation et a donc perçu un revenu tiré d’un emploi de la part de la Fondation au cours de l’année d’imposition 2021. L’appel est accueilli, sans dépens; M. Schroeder a droit à la déduction pour la résidence d’un membre du clergé d’un montant total de 22 000 $ en vertu de l’alinéa 8(1)c).

VI. POSITION DES PARTIES

[21] M. Schroeder fait valoir qu’il a droit à la déduction pour la résidence d’un membre du clergé, étant donné que la rémunération qu’il a reçue de la Fondation constitue un revenu tiré d’un « emploi ». Selon M. Schroeder, lorsque les facteurs pertinents sont appliqués à sa relation avec la Fondation, ils démontrent qu’il a agi à titre d’employé de la Fondation et non pas comme entrepreneur indépendant. Dans le cadre de la convention de mandat, il a exercé les mêmes fonctions ou des fonctions similaires à celles qu’il exerçait en tant que pasteur au sein de l’église et devrait donc être considéré comme un employé. À titre subsidiaire, M. Schroeder fait valoir que la rémunération qu’il a reçue de la Fondation constitue un revenu tiré d’une « charge », ce qui lui donne droit à la déduction pour la résidence d’un membre du clergé.

[22] Le défendeur soutient que M. Schroeder n’a pas droit à la déduction pour la résidence d’un membre du clergé, étant donné qu’il n’a pas perçu de revenu provenant « d’une charge ou d’un emploi » au cours de l’année d’imposition 2021. Le défendeur prétend que l’intention subjective et la réalité objective de la relation entre la Fondation et M. Schroeder étaient que M. Schroeder était un entrepreneur indépendant et non un employé de la Fondation.

VII. ANALYSE

[23] Comme indiqué ci-dessus, en l’espèce, tant le critère relatif au statut (sous-alinéa 8(1)c)(i)) que le critère relatif à la fonction (sous-alinéa 8(1)c)(ii)) sont remplis. La seule question à trancher dans le cadre du présent appel est de déterminer si la rémunération que M. Schroeder a reçue de la part de la Fondation constitue un revenu provenant d’une charge ou d’un emploi, ou s’il s’agit d’un revenu qu’il a perçu en sa qualité d’entrepreneur indépendant (ou à titre de revenu de profession libérale).

[24] Afin de déterminer si une personne est un employé engagé au titre d’un « contrat de louage de services » ou au titre d’un « contrat d’entreprise », notre Cour doit vérifier l’ensemble de la relation entre les parties (Wiebe Door Services Ltd. c. M.N.R., [1986] 3 C.F. 553 [Wiebe Door]).

[25] La question centrale est de savoir « si la personne qui a été engagée pour fournir les services les fournit en tant que personne travaillant à son compte » (671122 Ontario Ltd. c. Sagaz Industries Canada Inc., 2001 CSC 59, par. 47 [Sagaz]).

[26] Dans l’arrêt Sagaz (précité), la Cour suprême du Canada approuve l’approche adoptée par la Cour d’appel fédérale dans l’arrêt Wiebe Door (précité), où le juge MacGuigan fait référence aux différents facteurs qui doivent être pris en compte pour répondre à cette question, et résume les principes applicables comme suit :

[47] [...] Pour répondre à cette question, il faut toujours prendre en considération le degré de contrôle que l’employeur exerce sur les activités du travailleur. Cependant, il faut aussi se demander, notamment, si le travailleur fournit son propre outillage, s’il engage lui-même ses assistants, quelle est l’étendue de ses risques financiers, jusqu’à quel point il est responsable des mises de fonds et de la gestion et jusqu’à quel point il peut tirer profit de l’exécution de ses tâches.

[48] Ces facteurs, il est bon de le répéter, ne sont pas exhaustifs et il n’y a pas de manière préétablie de les appliquer. Leur importance relative respective dépend des circonstances et des faits particuliers de l’affaire.

[Non souligné dans l’original.]

[27] En abordant la question centrale, c’est-à-dire celle de savoir « si la personne qui a été engagée pour fournir les services les fournit en tant que personne travaillant à son compte », la Cour d’appel fédérale a défini dans l’arrêt 1392644 Ontario Inc. (Connor Homes) c. Canada (Revenu national), 2013 CAF 85 [Connor Homes] (par. 39 et suivants), une approche en deux étapes qu’il convient de suivre.

[28] La première étape consiste à cerner l’intention subjective de chacune des parties à la relation. Pour déterminer l’intention subjective des parties, il convient d’examiner le contrat écrit qu’elles ont passé, ainsi que le comportement effectif de chacune d’elles, par exemple en examinant les factures des services rendus, et les points de savoir si la personne physique intéressée s’est enregistrée aux fins de la TPS et produit des déclarations d’impôt en tant que travailleur autonome.

[29] La seconde étape consiste à déterminer si la réalité objective confirme l’intention subjective des parties. Les différents facteurs décrits dans l’arrêt Wiebe Door (précité) sont alors pertinents pour vérifier si les faits de la situation sont compatibles avec l’intention subjective des parties. Comme l’indique la Cour d’appel fédérale dans l’arrêt Connor Homes, « [a]utrement dit, l’intention subjective des parties ne peut l’emporter sur la réalité de la relation telle qu’établie par les faits objectifs. À cette seconde étape, on peut aussi prendre en considération l’intention des parties, ainsi que les modalités du contrat, puisqu’elles influent sur leurs rapports. » (par. 40).

[30] En outre, la Cour d’appel fédérale a indiqué qu’en appliquant le critère, la première étape devrait toujours consister à déterminer l’intention des parties, pour ensuite « [...] examiner sous le prisme de cette intention la question de savoir si leurs rapports, concrètement, révèle des rapports d’employeur à employé ou de client à entrepreneur indépendant » (voir Connor Homes, par. 42).

A. La première étape : l’intention subjective des parties

[31] Pour les motifs qui suivent, je conclus que, selon la prépondérance des probabilités, l’intention subjective de la Fondation et de M. Schroeder était que leur relation soit une relation d’employeur à employé.

[32] Bien que les éléments de preuve montrent que M. Schroeder a déclaré la rémunération qu’il a reçue de la Fondation au titre de revenu de travail indépendant et qu’il a déduit les dépenses liées à l’utilisation de son véhicule personnel, je note que le formulaire T1223 a été signé par le directeur général de la Fondation en tant qu’« employeur ». Je tiens également compte du fait que M. Schroeder n’a adressé aucune facture à la Fondation pour les services qu’il a rendus aux membres et au personnel de la GRC.

[33] Au cours de l’audience, le défendeur a fait référence à diverses dispositions de la convention de mandat conclue entre la Fondation et M. Schroeder pour appuyer la position selon laquelle M. Schroeder était un entrepreneur indépendant et non pas un employé de la Fondation. Par exemple, il a cité l’article 10 de la convention de mandat, qui prévoit que [traduction] « le représentant national du ministère [religieux] Tim Schroeder sera responsable de se conformer à toutes les exigences en matière de déclaration des salaires, de la TPS ou de toute autre obligation légale relative aux fonds dépensés au titre de ce ministère ». La convention de mandat contient également une disposition exonérant la Fondation de toute responsabilité et de toute dépense liée à des dommages corporels pouvant résulter du travail de M. Shroeder.

[34] Cependant, la convention de mandat contient aussi diverses dispositions indiquant que la Fondation contrôle certains aspects des activités professionnelles de M. Schroeder. Conformément à la convention de mandat, M. Schroeder, agissant en tant d’agent, devait promouvoir les objectifs caritatifs de la Fondation en fournissant aux membres et au personnel de la GRC des services à titre de ministre du culte. L’article 3 de la convention de mandat prévoit que des comptes rendus écrits seront fournis à la Fondation tous les six mois et que la Fondation se réserve le droit de contrôler le déroulement du projet. Par ailleurs, il est clair selon la formulation de la convention de mandat que la Fondation prévoyait superviser le travail de M. Schroeder.

[35] Ce type de convention de mandat est généralement conclu par les organismes de bienfaisance pour s’assurer de respecter les exigences de la LIR, afin de mener leurs propres activités de bienfaisance lorsque des agents sont engagés pour mener à bien un projet de l’organisme de bienfaisance à l’extérieur du Canada.

[36] Bien que M. Schroeder, en tant que « ministre national Tim Schroeder TS67 », et la Fondation aient conclu un tel accord, je n’accorde qu’un poids modeste à la convention de mandat dans mon analyse de l’objectif visé par les ententes de ce type.

B. Deuxième étape : la réalité objective de la relation

[37] Dans un deuxième temps, après avoir pris en considération tous les facteurs pertinents, je dois déterminer si la relation entre les parties était, en réalité, celle qu’elles voulaient qu’elle soit.

[38] Pour les motifs qui suivent, après avoir apprécié tous les facteurs pertinents, j’estime que, selon la prépondérance des probabilités, M. Schroeder était un employé de la Fondation et qu’il a donc reçu de celle-ci un revenu tiré d’un emploi au cours de l’année d’imposition 2021.

[39] En l’espèce, j’estime que les facteurs pertinents à prendre en considération sont : le degré de contrôle que la Fondation exerçait sur les activités de M. Schroeder; le fait que M. Schroeder fournissait ou non son propre équipement; la question de savoir si M. Schroeder avait ou non la possibilité de réaliser un profit en exécutant ses tâches lorsqu’il fournissait des services d’aumônerie aux membres et au personnel de la GRC; la question de savoir si M. Schroeder gérait et assumait un risque de perte lorsqu’il fournissait des services aux membres et au personnel de la GRC.

(1) Degré de contrôle

[40] La Fondation ne contrôlait pas l’emploi du temps de M. Schroeder, ni son travail quotidien, ni ses activités. M. Schroeder n’a pas présenté de calendrier ou de relevés détaillant les activités spécifiques qu’il a entreprises. M. Schroeder était également libre de fournir ses services de la manière qu’il souhaitait.

[41] Les exigences en matière de rapports à la Fondation étaient minimes. Le défendeur a produit en preuve un rapport de projet semestriel fourni par M. Schroeder à la Fondation; ce document ne donne qu’un bref aperçu des activités de M. Schroeder (voir la pièce R-1, « Respondent’s Book of Documents - Tab 2 - Six Month Project Review Report » (Cahier de preuves documentaires du défendeur, Onglet 2 – Rapport d’examen semestriel du projet)).

[42] Cependant, M. Schroeder devait fournir 110 heures par mois de services d’aumônerie aux membres et au personnel de la GRC, et la GRC lui demandait de se rendre à des endroits précis pour fournir ces services d’aumônerie. J’ai supposé qu’après sa rencontre avec le surintendant principal de la GRC, M. Schroeder devait se rendre là où ses services d’aumônerie étaient nécessaires et utiles.

[43] Bien que les faits susmentionnés montrent que la Fondation exerçait un contrôle limité sur les activités et le travail quotidien de M. Schroeder, j’estime que ce facteur indique une relation employé-employeur entre M. Schroeder et la Fondation. M. Schroeder étant engagé par la Fondation pour fournir des services d’aumônerie professionnels et confidentiels, il est compréhensible que la Fondation ait exercé moins de contrôle sur ses activités que sur celles d’un employé ordinaire.

[44] Pour évaluer ce facteur, j’ai tenu compte du fait que M. Schroeder devait fournir des services d’aumônerie aux membres et au personnel de la GRC pendant au moins 110 heures par mois, et qu’il devait offrir ses services partout où la GRC lui demandait de se rendre. J’ai également tenu compte du fait qu’il devait faire rapport à la Fondation et qu’il devait se comporter de manière à contribuer à l’objectif de la Fondation. Ces exigences en matière de rapports et de conduite montrent que la Fondation exerçait un contrôle ou avait la capacité d’exercer un contrôle sur les activités de M. Schroeder.

(2) Équipement

[45] M. Schroeder a déclaré qu’il utilisait son véhicule personnel pour se déplacer entre les différents sites de la GRC. Il a également utilisé son adresse électronique et son téléphone portable personnels pour communiquer dans le cadre de ses activités. M. Schroeder a déclaré que la Fondation lui remboursait le coût d’autres outils ou accessoires dont il avait besoin dans le cadre de ses fonctions, et a donné comme exemple les vestes d’aumônier qu’il avait acheté pour tous les aumôniers fournissant des services d’aumônerie à la GRC.

[46] L’utilisation de son propre outillage pour fournir des services est un indice que cette personne fournit des services en tant qu’entrepreneur indépendant (Sagaz, par. 47). Plus précisément, l’utilisation d’un véhicule personnel pour des activités liées au travail est également une indication que l’individu est un entrepreneur indépendant (Connor Homes, par. 50).

[47] Compte tenu du nombre limité des pièces d’équipement nécessaires pour fournir des services d’aumônerie, mais compte tenu du fait que M. Schroeder a utilisé son véhicule personnel pour fournir des services d’aumônerie aux membres et au personnel de la GRC, j’estime que ce facteur appuie la conclusion selon laquelle M. Schroeder travaillait à titre d’entrepreneur indépendant.

(3) Possibilité de réaliser un profit et risque de perte

[48] Si un travailleur peut augmenter le montant de son salaire en travaillant efficacement de façon à mener à bien davantage de projets, il a la possibilité de réaliser un profit. Plus un travailleur a de possibilités de réaliser un profit, plus cela indique qu’il est un entrepreneur indépendant (voir AE Hospitality Ltd. c. M.N.R., 2019 CCI 116, par. 150, conf. par 2020 CAF 207). Le facteur de risque se rapporte au risque financier assumé par l’individu dans le cadre de la prestation de ses services. Ces facteurs doivent être compris dans le sens entrepreneurial (voir 627148 Ontario Limited (Daily Care Health Services) c. M.N.R., 2013 CCI 169, au par. 27).

[49] M. Schroeder a déclaré avoir communiqué avec la Fondation après avoir donné sa démission à l’église, afin de conclure l’accord qui allait mener à la convention de mandat. Le défendeur a fait valoir que cela indique qu’il a pris un risque en concluant cet accord. Je ne souscris pas à ce point de vue.

[50] M. Schroeder est payé par la Fondation deux fois par mois. Les éléments présentés en preuve ne montrent pas qu’il était tenu de présenter des calendriers ou des relevés horaires pour être payé. M. Schroeder a déclaré qu’il était censé travailler 110 heures par mois, mais qu’il faisait souvent des heures supplémentaires. Qui plus est, rien n’indique que M. Schroeder pourrait achever le projet établi dans la convention de mandat plus vite que prévu et réaliser un profit grâce à cette avancée rapide.

[51] Mon examen des preuves m’amène à conclure que M. Schroeder n’avait aucune possibilité de réaliser un profit alors qu’il fournissait ses services d’aumônier aux membres et au personnel de la GRC. En outre, les preuves ont démontré que M. Schroeder n’a assumé aucun risque de perte alors qu’il fournissait ses services. J’estime donc que les facteurs relatifs au profit et au risque permettent de conclure que M. Schroeder était un employé de la Fondation.

Signé à Ottawa, Canada, ce 2e jour de mai 2024.

« Dominique Lafleur »

La juge Lafleur

 


RÉFÉRENCE :

2024 CCI 56

NO DU DOSSIER DE LA COUR :

2023-1618(IT)I

INTITULÉ :

PETER T. SCHROEDER c. SA MAJESTÉ LE ROI

LIEU DE L’AUDIENCE :

Kelowna (Colombie-Britannique)

DATE DE L’AUDIENCE :

Le 11 mars 2024

MOTIFS DU JUGEMENT :

L’honorable juge Dominique Lafleur

DATE DU JUGEMENT :

Le 2 mai 2024

COMPARUTIONS :

Pour l’appelant :

L’appelant lui-même

Avocate de l’intimé :

Crystal Choi

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Pour l’appelant :

Nom :

s.o.

Cabinet :

s.o.

Pour l’intimé :

Shalene Curtis-Micallef
Sous-procureure générale du Canada
Ottawa, Canada

 

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