ENTRE :
et
Requête présentée par écrit et tranchée sur la base des observations écrites, sans comparution des parties
le 28 octobre 2024 à Ottawa (Canada)
Devant : Juge adjointe Sophie Matte
ORDONNANCE
VU la requête de l’appelant en annulation du désistement déposé le 13 août 2024;.
ET APRÈS lecture de l’avis de requête et de la déclaration sous serment au soutien de la requête;
ET APRÈS lecture des observations écrites de l’intimé s’opposant à la requête et de la réplique de l’appelant;
LA COUR rejette la requête, sans frais, pour les motifs ci-joints.
Référence : 2024 CCI 140
ENTRE :
ANTONY VEZINA,
appelant,
et
SA MAJESTÉ LE ROI,
intimé.
MOTIFS DE L’ORDONNANCE
La juge adjointe Matte
I. CONTEXTE
[1] Par voie de requête, l’appelant demande que le désistement qu’il a déposé le 4 mars 2024 soit annulé. Les motifs énoncés à l’avis de requête et à la déclaration sous serment de M. Robert Dufour, représentant de l’appelant, se résument à dire que des événements nouveaux sont survenus ou ont été découverts depuis le dépôt du désistement.
[2] L’intimé s’oppose formellement à la demande d’annulation du désistement au motif que ni la requête ni la déclaration sous serment du représentant de l’appelant ne démontrent l’existence d’une fraude ou d’un fait nouveau.
II. LES FAITS
[3] Le 4 mars 2024, le représentant de l’appelant dépose par télécopieur un désistement de la cause inscrite pour audition le 19 mars 2024. Le libellé de la lettre est clair; il se désiste de son appel.
[4] Le lendemain, le 5 mars 2024, le représentant de l’appelant fait parvenir à la Cour une télécopie indiquant « urgent – veuillez annuler la demande de désistement suite à des faits nouveaux »
.
[5] Le 6 mars 2024, le représentant de l’appelant fait parvenir par télécopieur une lettre à la Cour dans laquelle il réitère sa demande d’annulation du désistement de la cause suite à des informations importantes. Il ajoute cette fois-ci un paragraphe dans lequel il affirme « Le document annexe 5 de Revenu Canada ligne 30400 décrit la situation pour une personne dont l’état civil (conjoint de fait) a changé durant le cours de l’année. En cochant si OUI, le statut devient monoparental. »
[6] Dans une lettre à la Cour déposée le 7 mars 2024, l’intimé indique qu’en vertu du paragraphe 16.2(2) de la Loi sur la Cour canadienne de l’impôt (la « Loi »
), le désistement équivaut au rejet de la procédure en cause à la date à laquelle la Cour reçoit le désistement. L’intimé affirme être d’avis que si l’appelant désire demander l’annulation du désistement déposé le 4 mars 2024, il doit déposer une requête en vertu de l’alinéa 172(2)a) des Règles de la Cour canadienne de l’impôt (procédure générale) (les « Règles »
).
[7] Le 8 mars 2024, le représentant de l’appelant dépose une lettre dans laquelle il demande à la Cour « de réinscrire le dossier puisque des informations très importantes qui ont été fournies à Me Turcotte devraient être soumises à la Cour »
.
[8] Enfin, le 15 mars 2024, le greffe fait parvenir une lettre au représentant de l’appelant, l’informant qu’en raison de l’avis de désistement déposé le 4 mars 2024, l’appel est rejeté conformément au paragraphe 16.2(2) de la Loi et le dossier est clos. Le greffe avise le représentant de l’appelant qu’il doit déposer une requête s’il désire demander l’annulation du rejet de la procédure ou du désistement.
[9] Le représentant de l’appelant dépose la requête dont la Cour est saisie le 13 août 2024. L’intimé soumet à la Cour des observations écrites le 20 août 2024 et le représentant de l’appelant soumet une réplique le 22 août 2024.
III. DISCUSSION
[10] Comme mentionné plus haut, l’article 16.2 de la Loi prévoit qu’une partie qui a engagé une procédure devant la Cour peut s’en désister en tout temps par avis écrit. Ce désistement équivaut au rejet de la procédure en cause à la date à laquelle la Cour reçoit l’avis de désistement.
[11] Dans le présent dossier, l’avis de désistement déposé le 4 mars 2024 équivaut donc à un jugement de la Cour ayant rejeté l’appel de l’appelant.
[12] En vertu de l’alinéa 172(2)a) des Règles, une partie peut, par requête, demander l’annulation ou la modification d’un jugement en raison d’une fraude ou de faits survenus ou découverts depuis qu’il a été rendu.
[13] Dans l’affaire Supavititpavana c. La Reine, 2020 CCI 46, la Cour expliquent le caractère exceptionnel d’une telle demande :
La Cour a donc le pouvoir d’annuler un jugement (y compris un avis de désistement) lorsque les conditions énoncées à l’article 172 des Règles sont réunies. Toutefois, peu importe la compassion que suscite la situation du contribuable, notre Cour ne doit pas exercer ce pouvoir à la légère. Comme la Cour d’appel fédérale l’a déjà mentionné, « [...] il ne s’agit pas uniquement ici de sympathiser avec le point de vue des contribuables: (sic) le caractère définitif des décisions et l’administration efficace de la justice sont également en jeu. Je crois que l’article 16.2 de la Loi indique ces préoccupations fondamentales, en ce qui concerne la bonne administration de la justice » (Canada (Procureur général) c. Scarola, 2003 CAF 157, au paragraphe 13. Et j’ajouterais qu’elles se reflètent dans l’article 172 des Règles. Autrement dit, l’annulation d’un jugement est une mesure exceptionnelle (Sixgraph Informatique Ltée. c. La Reine, 97-440-IT-G et 97-462-IT-I (27 octobre 2000, CCI) parce que le caractère définitif des décisions est souhaitable et fondamental en vue d’assurer la bonne administration de la justice. [par. 11]
[14] Il incombe à l’auteur de la demande de démontrer que des faits nouveaux sont survenus ou ont été découverts après le jugement (Supavititpavana au paragraphe 12). Cette partie doit aussi démontrer que ces faits nouveaux n’auraient pas pu raisonnablement être découverts avant le prononcé du jugement et que ces faits auraient probablement donné lieu à un jugement différent s’ils avaient été présentés initialement (Supavititpavana au paragraphe 17).
[15] Or, dans sa déclaration sous serment déposée au soutien de la requête, le représentant de l’appelant se contente de dire qu’il demande l’annulation du désistement « à la suite d’événements nouveaux tel [sic] que 90 jours de séparation de l’appelant avec sa conjointe et la fin du couple tel que stipulé dans un jugement »
. Selon le représentant, ces éléments permettraient à l’appelant d’obtenir le crédit pour personne séparée prenant soin d’un enfant de moins de 18 ans, question qui faisait l’objet de l’appel déposé dans le présent dossier.
[16] Bien qu’aucune date ne soit fournie quant au moment de la séparation de l’appelant, du jugement ou de la découverte de ces nouveaux faits, la Cour ne peut concevoir que ceux-ci soient survenus ou aient été découverts après le prononcé du jugement, soit après le 4 mars 2024, date à laquelle la Cour a reçu le désistement.
[17] Dans ses observations écrites, l’intimé fait référence à un jugement de séparation daté du 24 septembre 2019. Ce jugement n’a pas été mis en preuve par les parties. Même s’il l’avait été, la Cour est d’avis qu’il devait être connu de l’appelant au moment du dépôt du désistement et ne constitue pas un fait nouveau ou la découverte d’un fait nouveau qui permettrait l’annulation du rejet de l’appel.
[18] D’autres éléments sont soulevés par l’appelant dans sa requête. Il s’agit de constatations quant au droit applicable aux faits en l’espèce qui, s’il ne l’était pas, aurait dû être connu de l’appelant ou de son représentant lors du dépôt du désistement.
IV. CONCLUSION
[19] Pour ces motifs, la requête de l’appelant est rejetée, sans frais.
Signé à Ottawa, Canada, ce 28e jour d’octobre 2024.
« Sophie Matte »
Juge adjointe Matte
RÉFÉRENCE :
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2024 CCI 140
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Nº DU DOSSIER DE LA COUR :
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INTITULÉ DE LA CAUSE :
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LIEU DE L’AUDIENCE :
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REQUÊTE PRÉSENTÉE PAR ÉCRIT:
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MOTIFS DE L’ORDONNANCE PAR :
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DATE DE L’ORDONNANCE :
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Représentant de l'appelant :
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Robert Dufour
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Avocate de l'intimée :
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Me Audrey Turcotte
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Nom :
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Cabinet :
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s.o. |
Shalene Curtis-Micallef
Sous-procureure générale du Canada
Ottawa, Canada |