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Dossier : 2022-917(IT)G

ENTRE :

DAVID CARONI,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LE ROI,

intimé.

 

Appel entendu les 18, 19 et 20 mars 2025, à Montréal (Québec). Observations écrites déposées par l’appelant le 31 mars 2025 et par l’intimé le 4 avril 2025.

Devant : l’honorable juge Michael U. Ezri.


Comparutions :

 

Pour l’appelant :

Me Richard Généreux

Avocat de l’intimé :

Me Marie-Claude Landry

 

JUGEMENT

Conformément aux motifs du jugement ci-joints :

1. La feuille de travail FT3000R-1 de la vérificatrice de l’Agence du revenu du Canada, Diana Ngo, qui était cotée comme document X-3 seulement à des fins d’identification, est maintenant cotée comme pièce I-10.

2. La feuille de travail FT3000R de la vérificatrice de l’Agence du revenu du Canada, Diana Ngo, qui était cotée comme document X-2 seulement à des fins d’identification, est maintenant cotée comme pièce I-11.

3. L’appel de la cotisation établie en vertu de la Loi de l’impôt sur le revenu (la « Loi ») pour l’année d’imposition 2012 est rejeté.

4. L’appel de la cotisation établie en vertu de la Loi pour l’année d’imposition 2013 est accueilli, et la cotisation est annulée.

5. Les appels des cotisations établies en vertu de la Loi pour les années d’imposition 2010, 2011, et 2014 sont accueillis, et les cotisations sont renvoyées au ministre du Revenu national pour nouvel examen et nouvelles cotisations pour les motifs suivants :

  1. pour les années d’imposition 2010 et 2011, les pénalités imposées en vertu du paragraphe 163(2) de la Loi sont annulées;

  2. pour l’année d’imposition 2014, le montant à inclure dans le revenu de l’appelant à titre de revenu non déclaré passe de 134 562 $ à 60 062 $, et les pénalités imposées en vertu du paragraphe 163(2) de la Loi sont annulées.

6. Vu l’issue des appels et mes remarques dans les motifs concernant le déroulement de ces appels, aucuns dépens ne sont adjugés.

Signé ce 1ier jour d’août 2025.

« Michael Ezri »

Le juge Ezri

 


Référence : 2025 CCI 101

Date : 20250801

Dossier : 2022-917(IT)G

ENTRE :

DAVID CARONI,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LE ROI,

intimé.

 


MOTIFS DU JUGEMENT

Le juge Ezri

I. Aperçu

[1] L’Agence du revenu du Canada (l’« ARC ») a établi des cotisations à l’égard de David Caroni pour avoir omis de déclarer certains revenus pour les cinq années d’imposition allant de 2010 à 2014. Lorsque l’ARC a établi les cotisations, toutes les années étaient prescrites et les pénalités prévues au paragraphe 163(2) de la Loi de l’impôt sur le revenu (la « Loi ») s’appliquaient à chacune d’elles. L’appelant aurait omis de déclarer un montant d’environ 50 000 $ pour chaque année d’imposition allant de 2010 à 2013 et un montant de 135 000 $ pour l’année d’imposition 2014.

[2] L’appel visant l’année d’imposition 2012 sera rejeté. Celui visant l’année d’imposition 2013 sera accueilli en totalité, et la cotisation sera annulée. Quant aux autres années, les résultats sont partagés. Les pénalités seront annulées pour 2010, et 2011 et, en ce qui concerne 2014, le revenu non déclaré sera redressé à la baisse et les pénalités seront annulées.

[3] La Cour doit trancher les trois questions suivantes :

  1. Les cotisations sont-elles exactes?

  2. Existe-t-il un motif justifiant la réouverture des années prescrites?

  3. Les pénalités sont-elles justifiées?

[4] Au procès, des questions de preuve ainsi que la requête en non-lieu présentée par l’appelant ont fait l’objet de discussions.

II. Contexte factuel

[5] David Caroni a grandi en France, où il a travaillé dans le domaine de la gestion de l’information. Il est également titulaire d’une maîtrise en administration des affaires. M. Caroni a commencé sa carrière professionnelle en tant que vendeur de systèmes de gestion de l’information. En 1993, il a fondé la société Absystems France (« Absystems »), dont les activités se sont ultérieurement étendues dans différentes régions de la France ainsi qu’en Belgique et au Luxembourg. En 2001, M. Caroni a déménagé au Canada et a alors modifié la structure de propriété de ses actions en constituant une société de portefeuille. Celle-ci détenait une partie des actions d’Absystems et devait donc une importante somme d’argent à M. Caroni. En 2006, Absystems a été vendue à la société Cyborg. Cette dernière devait verser des paiements à la société de portefeuille de M. Caroni, ce qu’elle a fait jusqu’en 2010 inclusivement.

[6] Une fois au Canada, M. Caroni et son épouse ont fondé une famille, et M. Caroni a travaillé dans différentes entreprises de technologie, desquelles il recevait un revenu inscrit sur un feuillet T4. En 2008, alors que Biocognisafe, son employeur de l’époque, s’apprêtait à clore un tour de financement, la crise financière mondiale a frappé et les ententes de financement ne se sont pas concrétisées. M. Caroni s’est donc retrouvé, en quelque sorte, à la croisée des chemins.

[7] M. Caroni a pris la décision de se retirer du monde de la technologie et de se tourner vers le domaine de la construction et de l’aménagement. En 2009, il a créé la société 9219-9355 Québec inc. (« 9219 »). En 2010, 9219 a fait l’acquisition d’une maison située au 567, chemin Lakeshore, à Beaconsfield, dans le but de la démolir, d’en construire une nouvelle, puis de la vendre. Selon ma compréhension de la preuve, M. Caroni a avancé à 9219 un montant d’argent tiré de ses fonds personnels pour l’achat de la maison ainsi qu’un montant d’argent pour la construction provenant de prêts envoyés par sa mère qui habite en France. Ces prêts s’élevaient approximativement à 600 000 euros.

[8] Au même moment, M. Caroni a également accepté d’être chargé de projet en lien avec une autre propriété pour un dénommé M. Merlin. M. Caroni a déclaré qu’il s’était assuré que 9219 facture le montant de 84 000 $ plus taxes à M. Merlin.

[9] En 2013, les travaux de rénovation de la maison située au 567, chemin Lakeshore se sont terminés et la maison a été vendue, quoiqu’à perte. La vente a toutefois permis de libérer l’argent qui était immobilisé dans la maison, de sorte que ces fonds pouvaient désormais être utilisés pour d’autres projets.

[10] M. Caroni s’est plus particulièrement intéressé au projet de construction de murs préfabriqués pour les immeubles commerciaux de quatre étages ou plus. Les arrangements pour ce projet étaient quelque peu complexes : une société créée par M. Caroni, 8480842 Canada inc. (« 848 »), a acheté les actifs et le nom d’une entreprise de murs préfabriqués nommée Tibetral, alors que 9219 a loué une usine située à Granby. Finalement, 9219 a pris part à plusieurs projets, dont l’un à l’hôtel de ville de Brossard, au Québec. Toutefois, les circonstances n’étaient pas en faveur de M. Caroni. Les problèmes survenus sur le chantier à Brossard combinés au ralentissement du travail à forfait dans l’ensemble du Québec par suite de l’enquête menée par le gouvernement provincial au sujet de la corruption municipale (la Commission Charbonneau) ont mené 9219 à la faillite en 2017.

[11] À la lumière de ce contexte, l’appelant demande à la Cour de tirer les trois conclusions importantes suivantes :

  1. L’appelant n’avait pratiquement aucune source de revenu imposable pendant les années 2010 à 2014, à l’exception, peut-être, du travail à forfait effectué pour M. Merlin.

  2. L’appelant n’avait aucune entreprise rentable dont il pouvait retirer des fonds puisque ni le projet au 567, chemin Lakeshore, ni le projet de murs préfabriqués n’étaient rentables.

  3. Toutes les sources de fonds à la disposition de l’appelant étaient non imposables :

  1. prêts et dons reçus de sa mère;

  2. prêts et dons reçus de ses beaux-parents;

  3. financement hypothécaire.

[12] À la lumière de ces faits, l’appelant allègue qu’il ne pouvait pas y avoir de revenu non déclaré.

A. Aperçu de la vérification et des cotisations de l’ARC

[13] Malgré l’absence manifeste de revenu imposable de l’appelant, l’ARC a mené une vérification et a établi des cotisations à son égard pour les années 2010 à 2014. Dans le cadre des vérifications visant les années 2010 et 2011, l’ARC s’est limitée à inclure dans le calcul du revenu les avances versées au compte de prêt de l’actionnaire de 9219 et les retraits de ce compte, qui n’avaient pas été correctement consignés par 9219. Dans la nouvelle cotisation initiale pour 2010, l’ARC a ajouté le montant de 650 000 $ au revenu de l’appelant. Toutefois, à l’étape de l’opposition, grâce aux documents relatifs aux prêts provenant de la famille de l’appelant, ce montant a été ramené à 48 250 $. Aucun changement n’a été apporté pour 2011. Pour les années 2012 à 2014, l’ARC a mené une analyse complète de l’avoir net, qu’elle a corroborée en examinant les dépôts et les retraits. Ces nouvelles cotisations n’ont pas fait l’objet de modifications à l’étape de l’opposition.

[14] Toutes les années étaient prescrites, et les cotisations pour ces années ont été établies en vertu du paragraphe 152(4) de la Loi. De plus, les pénalités prévues au paragraphe 163(2) de la Loi s’appliquaient à chacune de ces années.

B. Remarque préliminaire sur l’interrogatoire préalable, ou l’absence d’interrogatoire préalable, dans le présent appel

[15] Je suis d’avis que le total des redressements en cause, à l’exception de celui pour 2014, semble inférieur au seuil qui nécessiterait l’application de la procédure générale de la Cour. On pourrait donc conclure que la procédure générale a été appliquée en vue de permettre aux parties de prendre part à un interrogatoire préalable et de circonscrire les questions en litige avant le procès. Malheureusement, cette conclusion est erronée. Bien que les parties aient échangé des documents, elles ne se sont pas prêtées à un interrogatoire préalable oral ou écrit. Cette omission a eu une plus grande incidence sur l’appelant que sur l’intimé. L’appelant a passé beaucoup de temps à essayer de comprendre et à vérifier le travail effectué par l’ARC, comme le démontre l’examen détaillé de certains virements en provenance de la famille de l’appelant dont il est question plus loin.

[16] L’appelant a expliqué que l’interrogatoire préalable n’était pas nécessaire puisqu’en l’espèce, le fardeau de la preuve incombait à l’intimé. Ce genre de raisonnement est inacceptable. Les cotisations fondées sur l’avoir net sont complexes et tiennent compte de douzaines, voire de centaines de redressements qui peuvent être contestés. L'une des principales fonctions de l’interrogatoire préalable est de limiter les questions à trancher au cours du procès. Le fait qu’une partie croit que le fardeau de la preuve lui incombe ou non au procès n’a aucune incidence sur cet objectif. Au contraire, devant la Cour canadienne de l’impôt, le fardeau de la preuve incombe rarement à la Couronne. Toutefois, il lui arrive souvent (mais curieusement pas en l’espèce) de mener un interrogatoire préalable afin de mieux comprendre les faits et les documents, que l’appelant connaît déjà souvent très bien.

[17] Les parties qui insistent pour se présenter devant la Cour sans avoir effectué le travail préparatoire nécessaire pour circonscrire les questions en litige doivent s’attendre à faire face aux conséquences au moment de l’adjudication des dépens.

C. Questions relatives à la preuve

(1) Les principes généraux et les observations

[18] L’interrogatoire préalable est un exercice utile puisqu’il permet également aux parties de limiter, ou du moins, de cerner les difficultés liées à l’admissibilité de la preuve. En l’espèce, l’absence d’interrogatoire préalable a compliqué la présentation de la preuve.

[19] Au début du procès, les parties ont mentionné avoir conclu une « entente » pour que soient cotés comme pièces les deux volumes du recueil de documents de l’intimé, lesquels renferment 48 onglets, ainsi que le recueil de documents de 22 onglets de l’appelant. J’ajouterais que l’intimé semble avoir adopté une approche fourre-tout en ce qui concerne sa preuve. La « table des matières » de son recueil de documents correspondait plutôt à la liste de documents qu’il avait produite en application de l’article 81 des Règles de la Cour canadienne de l’impôt (procédure générale) (les « Règles »). Il n’a pas tenté d’organiser ses documents de façon concise et de ne présenter que ceux qui étaient réellement utiles au procès. En fin de compte, l’intimé a uniquement coté 14 pièces, dont un certain nombre provenait du recueil de documents de l’appelant. L’appelant n’a pas non plus présenté tous les documents de son recueil, lequel était moins volumineux que celui de l’intimé, mais qui contenait certains des mêmes documents figurant dans le recueil de l’intimé.

[20] Revenons à « l’entente » conclue entre les parties. J’ai refusé d’admettre les recueils de documents en preuve puisque les parties n’étaient pas parvenues à une entente pour déterminer dans quelle mesure les documents « admis » seraient présentés pour établir la véracité de leur contenu. En fait, aucune des deux parties ne comprenait vraiment pourquoi un document pourrait être présenté. On m’a expliqué que la façon de procéder proposée était courante au Québec. À vrai dire, elle l’est tout autant à l’extérieur du Québec et a attiré l’attention des tribunaux ontariens. Dans l’arrêt Girao v. Cunningham, la Cour d’appel de l’Ontario, renvoyant à l’ouvrage Sopinka on the Trial of an Action, a fait remarquer qu’il arrive souvent que l’avocat présente des documents conjoints au procès. Elle a renvoyé à sa propre jurisprudence antérieure :

[traduction]

54 Lorsqu’un recueil de documents est déposé au procès, l’utilisation que comptent en faire les parties doit ressortir clairement du dossier. Les parties peuvent notamment s’en servir simplement à titre de dépôt de documents, auquel cas chaque document doit être mis en preuve selon la procédure habituelle, convenir de l’authenticité des documents ou même convenir que les documents sont admissibles comme preuve de la véracité de leur contenu. En l’absence d’une entente sur l’utilisation permise du recueil de documents, le juge du procès doit trancher la question à titre préliminaire[1].

 

Dans le même arrêt, la Cour d’appel de l’Ontario reprend encore une fois la jurisprudence antérieure :

[traduction]

« Les avocats ne sont [souvent] pas d’accord sur la raison précise pour laquelle un document du recueil est présenté ou sur la question de savoir s’il aurait dû l’être, puisque les conséquences se manifestent au cours du procès. »

 

Elle a ensuite conclu en exposant les questions fondamentales que doivent examiner les avocats en ce qui concerne les documents, que je résume ainsi :

  1. S’agit-il de versions originales ou de copies?

  2. Quelle est la date des documents?

  3. Les documents ont-ils été présentés pour établir la véracité de leur contenu ou pour, par exemple, démontrer un état d’esprit?

  4. Y a-t-il des objections aux documents figurant dans le recueil?

  5. Existe-t-il des limites concernant les documents supplémentaires[2]?

[21] Dans l’affaire Paradis, les parties ont voulu présenter en une seule pièce plus de 1 600 documents figurant dans un recueil conjoint. La juge de la Cour fédérale a refusé et a jugé préférable de déposer les documents un à la fois au moment de l’interrogatoire des témoins. Elle était toutefois ouverte à l’idée que les parties citent en référence d’autres documents figurant dans le recueil à la fin du procès. La juge a également précisé que « le recueil conjoint de documents ne saurait servir de dépotoir[3] ». Dans le même sens, la Cour d’appel de l’Ontario rappelle aux juges ce qui suit :

[traduction]

Toute entente conclue entre les avocats à l’égard de l’admissibilité des documents ne lie pas automatiquement le juge du procès, lequel assume en tout temps son rôle d’arbitre en ce qui a trait à la preuve[4].

 

(2) Les documents contestés

[22] Au cours de l’audience, j’ai exclu certains des documents présentés à titre de pièces, mais je leur ai attribué les numéros X-1 à X-5 à des fins d’identification. L’avocat de l’intimé m’a demandé de revenir sur ma décision, compte tenu de la façon dont les documents ont été utilisés à l’audience. J’ai accepté de mettre la question en délibéré, et je statue sur cette question ci-dessous :

(3) Le document X-1 : le rapport de vérification

[23] Le rapport de vérification a été présenté à la vérificatrice lors de son interrogatoire principal et de son contre-interrogatoire. L’intimé a demandé que le rapport de vérification soit coté comme pièce, ce à quoi l’appelant s’est opposé, et ce que j’ai refusé de faire. Je l’ai toutefois désigné comme un aide-mémoire et je lui ai attribué le numéro d’identification X-1.

[24] Devant notre Cour, il n’y a pas de règle stricte concernant l’admissibilité des rapports de vérification, et il ne devrait pas y en avoir. Les rapports de vérification sont parfois admis à la demande du contribuable. Dans un tel cas, ils sont souvent considérés comme des aveux faits par une partie, une exception bien connue à la règle du ouï-dire. Dans d’autres cas, ils peuvent être admis à la demande de l’intimé, non pas pour établir la véracité de leur contenu, mais simplement pour démontrer que le ministre a formulé ou non des hypothèses de fait particulières.

[25] En l’espèce, il incombait à l’intimé de prouver que l’appelant avait omis de déclarer certains revenus. Les présomptions du ministre étaient donc moins litigieuses que d’habitude. La véritable question à trancher est celle de savoir si le rapport peut être utilisé pour établir la véracité des faits qu’il contient. Toutefois, à l’audience, Diana Ngo, la vérificatrice de l’ARC ayant rédigé le rapport, a témoigné en interrogatoire principal et a été contre-interrogée. Il est difficile d’évaluer ce que le rapport vient ajouter à son témoignage de sorte qu’il doit constituer une pièce. Si Mme Ngo n’avait pas été en mesure de se rappeler de sa vérification, le rapport aurait pu être déposé à titre d’enregistrement du souvenir. Cependant, elle avait semblé capable de témoigner sans avoir recours au rapport, sauf, peut-être, pour se rafraîchir la mémoire. Il n’y a aucune raison claire pour laquelle le rapport de vérification, qui constitue une déclaration extrajudiciaire et donc du ouï-dire, doit être admis en preuve. Je confirme mon refus d’admettre le rapport à titre de pièce, bien qu’il figurera toujours au dossier comme document coté X-1 à des fins d’identification, advenant qu’il soit nécessaire d’y faire référence en appel.

(4) Les documents X-4 et X-5 : les rapports relatifs aux paragraphes 152(4) et 163(2)

[26] L’intimé a également proposé de coter comme pièces le rapport de Mme Ngo concernant la réouverture des années prescrites (le rapport relatif au paragraphe 152(4)) et celui concernant l’imposition des pénalités prévues au paragraphe 163(2) de la Loi. Là encore, j’ai eu de la grande difficulté à comprendre la pertinence de ces rapports sur le plan de la preuve. Il se peut que Mme Ngo ait trouvé que les documents étaient utiles pour se rafraîchir la mémoire, mais ceux-ci n’ont pas remplacé son témoignage. Je ne vois aucune raison de modifier ma décision afin de coter ces rapports à titre de pièces. Les rapports resteront toutefois cotés respectivement X-4 et X-5 à des fins d’identification seulement.

(5) Les documents X-2 et X-3 : les feuilles de travail

[27] L’appelant s’est opposé à la présentation de certaines feuilles de travail puisque, comme pour le rapport de vérification, il jugeait qu’elles ne faisaient que résumer les conclusions de la vérificatrice et qu’elles n’étaient pas présentées pour établir la véracité de leur contenu. L’appelant était plus particulièrement préoccupé par la feuille de travail FT3000R. Selon ce document, la vérificatrice estimait que des avances non expliquées de 650 660 $ avaient eu lieu entre l’appelant et 9219 en 2010. À l’étape de l’opposition, l’ARC avait réduit ce montant à un montant d’un peu plus de 50 000 $. Cette partie de la feuille de travail n’avait donc pas été présentée pour établir la véracité de son contenu.

[28] Toutefois, après avoir réexaminé la question et pris connaissance de l’utilisation qui avait été faite des feuilles de travail, je conclus qu’elles devraient être cotées comme pièces produites au procès et non pas simplement cotées à des fins d’identification (aide-mémoire).

[29] La feuille de travail FT3000R-1 a été cotée X-3 à des fins d’identification seulement. Cette feuille expose chacune des opérations comprises dans les avances de l’actionnaire totalisant 1,15 million de dollars pour 2010, auxquelles un montant d’un peu plus de 505 000 $ a été retranché, puisqu’il provenait de la mère de l’appelant. Le solde était finalement de 650 000 $, lequel avait initialement fait l’objet d’une nouvelle cotisation. La feuille énumère également chacun des transferts réalisés en 2011 qui ont fait l’objet d’une nouvelle cotisation et qui n’ont pas été redressés à l’étape de l’opposition. Une telle présentation des opérations est utile et a une valeur probante, surtout en ce qui concerne 2011. Il existe d’autres documents, comme la pièce I-2[5], qui correspond à la liste complète des opérations liées aux prêts de l’actionnaire de 9219, mais celle-ci est beaucoup plus volumineuse et contient de nombreuses autres opérations. À mon avis, la feuille de travail établit la véracité de son contenu et devrait être admise en preuve, bien que les faits relatifs à 2010 aient été rectifiés. Cette feuille de travail sera cotée comme pièce I-10.

[30] La feuille de travail FT3000R a été cotée X-2 à des fins d’identification. Elle est semblable à la feuille FT3000R-1, puisqu’elle dresse une liste des avances de l’actionnaire pour 2010 et 2011 qui ne peuvent être vérifiées. Elle fait également référence aux demandes de l’ARC en vue d’obtenir des documents à l’appui, lesquels n’ont jamais été reçus. Selon la feuille de travail, en mars et en avril 2018, l’ARC a reçu les documents nécessaires pour procéder au redressement de 505 000 $ dont il est question plus haut. Dans ses observations, l’appelant a renvoyé au redressement important effectué pour l’année d’imposition 2010 à l’étape de l’opposition comme preuve de la fiabilité du travail de vérification. La feuille de travail brosse un portrait différent : l’ARC a eu de la difficulté à obtenir les documents en temps opportun et n’a pas eu accès à tout ce dont elle avait besoin pour accorder la totalité des redressements demandés. La feuille de travail FT3000R est pertinente et sera cotée comme pièce I-11.

[31] En ce qui concerne les pièces I-10 et I-11, je n’accorde aucun poids aux affirmations selon lesquelles il y avait, en 2010, des avances non expliquées de l’actionnaire totalisant 650 000 $, puisque l’ARC a fini par redresser ces montants.

D. Fardeau de la preuve et requête en non-lieu

[32] Au début de l’audience, l’appelant a mentionné que l’intimé devait présenter sa preuve en premier puisque toutes les années étaient prescrites. Il incombait également à l’intimé de prouver que les pénalités prévues au paragraphe 163(2) avaient été imposées à juste titre pour chacune de ces années. L’intimé a accepté et a appelé Mme Ngo à témoigner en premier. L’avocate de l’intimé n’a pas appelé l’appelant à comparaître comme témoin, bien qu’elle était libre de le faire.

[33] Il n’y avait guère de différence entre la thèse de l’intimé concernant l’exactitude des cotisations et sa thèse sur la réouverture des années prescrites et l’imposition des pénalités prévues au paragraphe 163(2). Si les cotisations s’avèrent exactes, l’appelant a alors omis de déclarer des revenus de plus de 50 000 $ annuellement, pendant cinq ans, ce qui pourrait justifier la réouverture des années prescrites et l’imposition des pénalités.

[34] La Couronne ayant présenté sa preuve, l’appelant a présenté une requête afin que l’appel soit accueilli sommairement au motif que la Couronne avait présenté une preuve insuffisante pour s’acquitter de son fardeau de prouver une présentation erronée des faits qui justifierait la réouverture de l’une ou l’autre des années en litige.

[35] Dans les présents motifs, je rejette cette requête. Toutefois, en raison de la complexité des arguments que j’ai entendus, et parce que la requête n’a pas d’incidence sur l’issue de l’affaire, j’énonce mes motifs à la fin du présent jugement.

E. Différends relatifs à la méthode de vérification et aux résultats

[36] Les principaux points litigieux entre les parties concernant les redressements de revenu sont les suivants :

  1. Mme Ngo a soulevé des doutes quant au fait que l’appelant avait des dépenses personnelles importantes et qu’il avait avancé des fonds à 9219 alors qu’il n’avait déclaré presque aucun revenu. L’ARC a également exprimé des réserves quant à la fiabilité des livres comptables de la société. De plus, l’ARC savait que M. Caroni avait accès à des fonds en Europe, mais elle était souvent incapable de suivre la trace de ces fonds jusqu’au Canada, ce qui donne à penser que ceux-ci ne constituaient pas une source de fonds durant les périodes en litige.

  2. L’appelant a fait valoir qu’aucune cotisation ne pouvait être établie à son égard puisqu’il n’avait aucune source de revenu imposable et que ses sociétés avaient finalement fait faillite alors qu’elles devaient encore lui rembourser d’importants prêts d’actionnaire. Sans restreindre sa thèse, l’appelant s’est penché sur plusieurs redressements après vérification, notamment les suivants :

i. Pour 2010 et 2011, l’appelant conteste l’allégation selon laquelle certaines de ses contributions au compte de prêt de l’actionnaire ne pouvaient pas être rattachées à des sources de revenu non imposable.

ii. Pour 2012, l’appelant conteste l’inclusion, dans le calcul de l’avoir net fait par l’ARC, de 39 000 $, qui correspond à des paiements de cartes de crédit personnelles effectués par 9219. Pour la même année, l’ARC a ajouté l’inclusion de 43 000 $, qui correspond à des dépenses d’entreprise payées par l’appelant. Selon lui, l’ARC a agi de manière contradictoire en ajoutant à l’avoir net des paiements de cartes de crédit personnelles effectués par 9219 et des dépenses d’entreprise payées personnellement par l’appelant.

iii. Pour 2012 à 2014, l’appelant fait valoir que la vérificatrice n’a pas autorisé de déduction suffisamment importante pour les achats faits à l’aide de cartes de crédit personnelles aux fins de la poursuite des activités de la société.

iv. Pour 2014, l’appelant allègue que la vérificatrice a commis une erreur en omettant d’inclure, à titre de passif, une partie du produit de l’hypothèque.

F. Argument de l’appelant sur les « sources de revenu non imposable »

[37] J’estime que l’argument de l’appelant selon lequel il n’avait aucune source de revenu imposable est insuffisant pour lui donner gain de cause en l’espèce.

[38] Tout d’abord, malgré le manque d’expérience de Mme Ngo en 2016, je considère qu’elle a bien justifié la vérification à laquelle elle a procédé. Elle a expliqué avec soin que, lorsqu’on lui a assigné le dossier de vérification, elle a effectué des tests de fiabilité, à savoir une analyse sommaire des dépôts et un aperçu de l’avoir net. Les résultats des tests ont révélé un écart de plus de 200 000 $ pour 2012 et pour 2013. En raison de l’absence de revenu déclaré et de l’impossibilité de retracer les sources de revenu de l’appelant, Mme Ngo a jugé qu’il était nécessaire de procéder à une analyse de l’avoir net. Elle a pris soin d’expliquer chacun des redressements. Elle a également mentionné qu’elle avait corroboré son travail à l’aide d’une analyse des dépôts. Elle a veillé à redresser les montants qui pouvaient être vérifiés ou comptabilisés à titre de dépenses d’entreprise. Mme Ngo a expliqué avoir soustrait de l’avoir net tous les montants qui pouvaient être rattachés aux comptes bancaires canadiens de l’appelant ou de sa société et qui provenaient de sa mère. Ces montants soustraits totalisaient près d’un million de dollars pour les années d’imposition 2012 à 2014. Elle a également soustrait d’autres dépôts totalisant 400 000 $, qui pouvaient par ailleurs s’expliquer par d’autres sources de revenu non imposable ainsi que par des virements qui lui ont été expliqués au cours de la vérification.

[39] Mme Ngo a exposé à la Cour le compte de prêt de l’actionnaire de 9219. Elle a souligné les dépôts non identifiés qu’avait faits l’appelant dans ce compte de prêt. Comme elle l’a expliqué, de tels dépôts doivent être rattachés à des sources de revenu non imposable ou doivent être déclarés puisqu’ils pourraient être ultérieurement retirés du compte de prêt en franchise d’impôt. Ainsi, à titre d’exemple, Mme Ngo avait initialement identifié des virements électroniques dans le compte de prêt totalisant 505 039,93 $ et provenant de la mère de M. Caroni, de sorte qu’ils n’étaient pas imposables. À la suite d’observations présentées ultérieurement, Mme Ngo a pu identifier d’autres avances, ce qui lui a permis de réduire à 48 460 $ le revenu ajouté aux fins de l’établissement de la dernière cotisation pour 2010.

[40] Mme Ngo a expliqué que 9219 ne comptabilisait pas non plus tous les retraits du compte de prêt de l’actionnaire. Par exemple, en 2012, des retraits du compte de prêt de l’actionnaire totalisant environ 39 000 $ ont été effectués afin de payer des dépenses engagées avec la carte de crédit de M. Caroni, mais ces retraits n’ont pas été consignés dans les livres comptables de la société. Mme Ngo a expliqué que ces retraits étaient seulement imposables au nom de M. Caroni et qu’ils n’étaient pas également considérés comme un revenu de société supplémentaire.

[41] Comme exemple d’opération ayant eu lieu en 2010 qu’elle n’a pas acceptée[6], Mme Ngo a fait référence à un retrait de 14 000 euros du compte de la société européenne de l’appelant, réalisé le 19 novembre 2010, qui a été déposé dans le compte personnel de M. Caroni en France[7]. Mme Ngo n’a toutefois pas soustrait ce montant du revenu utilisé aux fins de l’établissement de la cotisation pour 2010 puisqu’elle n’était pas en mesure de conclure que les fonds s’étaient rendus jusqu’au Canada.

[42] En contre-interrogatoire, Mme Ngo a démontré une bonne compréhension de son dossier. L’avocat de l’appelant lui a demandé de retracer différentes opérations effectuées entre 2012 et 2014 et qui, selon lui, devraient être exclues des montants utilisés aux fins de l’établissement des cotisations. En voici deux exemples :

  1. Un virement de 11 700 euros (17 000 $ CA) du compte bancaire de la société européenne de M. Caroni à son compte au Canada, réalisé le 11 juillet 2014[8], et que Mme Ngo a exclu du calcul de l’avoir net. Ce virement faisait partie d’une série de virements provenants de la France vers le Canada, totalisant 28 000 $ qui avaient été exclus pour 2014[9];

  2. Un chèque de 35 000 $ d’un cabinet d’avocats reçu par M. Caroni le 10 octobre 2012[10], que Mme Ngo a exclu du calcul de l’avoir net à titre de dépôt justifié.

[43] Pour ce qui est de l’appelant, j’estime qu’il a témoigné de manière franche. Cependant, je considère que son témoignage était plutôt général et qu’il n’avait pas tenté d’affaiblir le témoignage de Mme Ngo, sauf en réitérant qu’il n’avait aucune source de revenu imposable ni aucun bénéfice d’entreprise à utiliser. Ces arguments ne me convainquent pas. L’appelant avait obtenu le produit de la vente de la maison que 9219 avait construite et il avait au moins une source de revenu d’entreprise, à savoir son contrat avec M. Merlin. De plus, la rentabilité de la société de M. Caroni est peu, voire aucunement utile pour déterminer s’il avait un revenu imposable. Pendant l’audience, l’avocat de la Couronne a fait valoir que l’appelant, en faisant des retraits du compte de prêt de l’actionnaire de 9219 plutôt qu’en recevant un salaire, avait organisé ses affaires de manière à éviter de payer de l’impôt. Je mentionne plus haut qu’il était loisible au contribuable de structurer ses affaires de la sorte, mais cela va dans les deux sens. Les paiements qui ne sont pas correctement consignés, comme les paiements de 39 000 $ effectués par 9219 en 2012 sur les cartes de crédit de l’appelant, sont susceptibles d’être imposés en fonction de l’avoir net, tout comme les dépôts et les dépenses dont la source ne peut être identifiée, même dans les cas où les affaires ne sont finalement pas rentables.

[44] M. Caroni n’a appelé à témoigner ni le directeur financier de 9219, Pablo Hernandez, ni les comptables qui ont préparé les états financiers de 9219, ce qui ne l’a pas aidé. Je ne tire aucune conclusion défavorable de cette décision, mais j’estime que M. Caroni n’avait pas une connaissance suffisamment détaillée des subtilités des activités financières quotidiennes de sa société pour livrer le type de témoignage détaillé nécessaire pour véritablement réfuter les conclusions particulières de l’ARC.

[45] L’appelant a souligné l’importante diminution, à l’étape de l’opposition, du revenu ajouté aux fins de l’établissement de la cotisation pour 2010 comme preuve que la vérificatrice de l’ARC n’était pas fiable. Je ne suis pas d’accord. Durant la vérification et jusqu’à l’étape de l’opposition, l’ARC n’a cessé de recevoir de nouvelles informations se rapportant à l’année d’imposition 2010, ce qui explique la nouvelle cotisation qu’elle a établie pour cette année.

[46] Tout bien considéré, j’accorde plus de poids aux explications concrètes données par la vérificatrice quant à sa démarche et au raisonnement derrière celle-ci qu’à la diatribe de l’appelant fondée sur ses perceptions subjectives selon lesquelles la vérification devait être erronée puisqu’il n’avait aucune source de revenu imposable pendant la période en litige.

[47] Passons aux nombreux redressements qui ont été contestés à l’audience.

G. 2010 et 2011

[48] En 2010, sept avances de fonds totalisant 48 460 $ ont été versées au compte de prêt de l’actionnaire. Ce montant a été ajouté au revenu de 2010 de l’appelant. Des sept avances, la plus élevée était de 30 000 $ et représentait un virement effectué au compte le 18 juin 2010. L’ARC, que ce soit à l’étape de la vérification ou à celle de l’opposition, n’a pas été en mesure de rattacher l’un ou l’autre de ces sept virements à l’une des sources de revenu non imposable de l’appelant. Dans son témoignage, l’appelant n’a pas traité de ces virements. Aucun redressement n’est justifié à l’égard de ce montant inclus dans le revenu.

[49] En 2011, l’appelant a effectué sept virements non expliqués au compte de prêt de l’actionnaire de 9291, lesquels totalisaient 55 310 $. Les deux virements les plus élevés étaient les suivants : 24 000 $ le 7 mars 2011 et 22 000 $ le 15 mars 2011, soit une semaine plus tard. Là encore, l’ARC n’a été en mesure de rattacher aucun de ces virements aux sources de revenu non imposable de l’appelant, et celui-ci n’a pas fait mention de ces virements dans son témoignage. Par conséquent, aucun redressement n’est justifié à l’égard de ce montant inclus dans le revenu.

H. 2012

[50] Pour la première fois en 2012, le calcul des montants à inclure dans le revenu a été réalisé à l’aide de la méthode de l’avoir net. Un montant de 50 902 $ a été inclus dans le calcul du revenu de 2012, dont le montant le plus important s’élevait à 39 226,60 $ et correspondait à des paiements effectués par 9219 sur les cartes de crédit personnelles de l’appelant. Ces paiements n’avaient toutefois pas été portés en diminution du compte de prêt de l’actionnaire. La question qui se pose est de savoir si une partie des 39 226,60 $ avait été dépensée pour le compte de 9219.

[51] Au procès, l’appelant a déclaré qu’il utilisait souvent ses cartes de crédit personnelles pour payer les dépenses d’entreprise. Dans la préparation de son analyse de l’avoir net, Mme Ngo en est venue à la même conclusion, mais elle n’a été en mesure d’identifier que 6 000 $ en dépenses d’entreprise payées par M. Caroni. Mme Ngo a soustrait ce montant des dépenses personnelles de l’appelant et l’a plutôt attribué à ses dépenses engagées pour le compte de 9219. Ainsi, la position de l’ARC en matière de cotisation était qu’en 2012, l’appelant n’avait pas dépensé plus de 6 000 $ à l’aide de ses cartes de crédit personnelles pour le compte de 9219.

[52] Pendant l’audience, j’ai fait part de mes réserves concernant le fait que l’intimé avait donné très peu de détails sur la nature du redressement de 6 000 $, de sorte que je n’étais pas convaincu que ce montant englobait toutes les dépenses d’entreprise payées par l’appelant. Cela dit, je suis persuadé que l’ARC a tenté d’isoler les dépenses d’entreprise payées par l’appelant. En contre-interrogatoire, Mme Ngo a expliqué qu’après avoir examiné les relevés bancaires et les relevés de cartes de crédit de M. Caroni, elle avait constaté que 9219 avait inscrit le montant de 6 000 $ à titre de dépenses d’entreprise payées par M. Caroni. En outre, l’ARC a présenté une liste détaillée des catégories de dépenses personnelles de l’appelant. Bon nombre de ces dépenses n’étaient manifestement pas liées aux activités de la société. Par exemple, parmi les dépenses de l’appelant pour 2012 figuraient des dépenses de 30 000 $ liées à l’épicerie, des droits de scolarité de 11 000 $ et des taxes municipales de 20 000 $.

[53] Par ses questions, l’avocat de l’appelant a laissé entendre que ce dernier avait peut-être engagé d’autres dépenses d’entreprise qui n’avaient pas été consignées dans les livres comptables de 9219. L’appelant n’a toutefois présenté aucun élément de preuve spécifiant qu’il avait payé des dépenses d’entreprise supérieures à 6 000 $. Au vu du témoignage de la vérificatrice, c’est ce qu’il devait faire.

[54] Enfin, la chronologie des évènements pose problème. L’appelant a déclaré que les travaux de rénovation de la maison située au 567, chemin Lakeshore par 9219 étaient en cours, mais aucun élément de preuve étayant cette affirmation n’a été présenté. L’appelant a témoigné que la maison avait été vendue en 2013, mais cela signifie-t-il que toutes les dépenses avaient été engagées en 2012? M. Caroni a indiqué que certains des entrepreneurs avaient été payés par carte de crédit (personnelle), mais il n’a donné aucune précision sur les montants payés ni sur les années d’imposition au cours desquelles les paiements ont été effectués. L’appelant a déclaré que, durant cette période, 9219 produisait chaque année une déclaration de TPS et envoyait donc toutes les factures au comptable. On peut supposer que, si les entrepreneurs facturaient 9219, l’appelant aurait été en mesure de fournir des détails quant aux montants et aux paiements, mais rien à cet égard n’a été déposé devant la Cour. Aucun élément de preuve ne me permettait de réduire l’avoir net d’un montant supérieur aux 6 000 $ que l’ARC avait déjà pris en considération.

I. 2013

[55] L’ARC a ajouté un peu moins de 50 000 $ au revenu déclaré par l’appelant pour l’année d’imposition 2013. Pour en arriver à ce résultat, il importe de tenir compte de deux opérations importantes.

[56] La première opération, d’environ 245 000 $, se rapportait au compte de prêt de l’actionnaire de 9219. Le 9 avril 2013, un montant de 145 457 $ avait été retiré du compte et, le 15 avril 2013, un montant de 100 000 $ avait été retiré du compte. Habituellement, ces retraits seraient « avantageux » pour l’appelant puisqu’ils viendraient réduire son actif, notamment le solde créditeur de son compte. Toutefois, la vérificatrice a essentiellement annulé les retraits en ajoutant le montant de 245 000 $ à l’avoir net à titre de dépenses non expliquées.

[57] En contre-interrogatoire, la vérificatrice a été informée que ces montants correspondaient à des virements qui avaient été faits à des sociétés liées. Mme Ngo n’a pas contesté cette explication, mais elle a déclaré que cela n’aurait eu aucune incidence sur l’avoir net. Selon elle, si elle avait su que l’appelant était propriétaire d’autres sociétés, elle aurait compensé la diminution apportée au compte de 9219 en augmentant les comptes de prêt d’actionnaire des autres sociétés. Cette manipulation n’aurait eu aucune incidence sur l’avoir net puisque la diminution apportée à un actif aurait été compensée par l’augmentation d’un autre actif. Ce serait l’équivalent de prendre de la monnaie dans sa poche gauche pour la mettre dans sa poche droite.

[58] Je suis d’accord avec la vérificatrice pour dire que les explications de l’appelant ne modifient pas l’avoir net. Le transfert de fonds d’un compte bancaire à un autre, alors que le contribuable est titulaire des deux comptes, n’entraîne aucun changement à l’avoir net.

[59] Je suis nettement moins convaincu par la deuxième opération survenue en 2013. Cette année-là, un montant de 200 000 $ a été retiré du compte de prêt de l’actionnaire de 9219 afin de rembourser certaines dettes que l’appelant avait envers sa mère. Habituellement, si un actif diminue de 200 000 $ pour le paiement d’une dette, le passif diminue du même montant, ce qui n’entraîne aucun changement à l’avoir net. Toutefois, Mme Ngo a expliqué qu’elle n’avait jamais établi de passif correspondant aux montants dus à la mère puisqu’elle n’avait pas été en mesure d’obtenir les soldes de prêts, de sorte qu’elle ne pouvait diminuer aucun passif. La vérificatrice a plutôt compensé la diminution apportée au compte de prêt de l’actionnaire en ajoutant 200 000 $ aux dépenses de l’appelant, comme elle l’avait fait avec le montant de 245 000 $ dont il est question plus haut. Toutefois, le montant de 200 000 $ provenait d’une source non imposable. Il y a donc une réduction d’actif de 200 000 $ qui n’est pas compensée par une réduction de passif ou par une dépense payée à même des sources de revenu imposable.

[60] Je ne peux malheureusement pas retenir les explications de la vérificatrice concernant l’inclusion du montant de 200 000 $ à titre de dépense non expliquée qui est nécessaire pour compenser la réduction apportée au compte de prêt de l’actionnaire. J’estime que, dans les circonstances, il s’agit d’une erreur de méthodologie. Si le montant ne permet pas de réduire un passif puisqu’aucun passif n’a été établi, il ne peut donc y avoir de redressement correspondant. À titre de comparaison, si l’appelant possédait un bien d’une valeur de 200 000 $ qui passait au feu en 2013 alors qu’il n’était pas assuré, son avoir net serait donc simplement réduit de ce montant au cours de l’année.

[61] De plus, je n’arrive pas à concilier le redressement avec le témoignage principal de la vérificatrice lors duquel elle a déclaré que, pour vivre, le contribuable doit gagner un revenu qui lui permet de payer ses dépenses personnelles et que le montant des dépenses doit donc être ajouté à l’avoir net. Toutefois, en l’espèce, la « dépense » de 200 000 $ provient d’une source de fonds non imposable. En revanche, la vérificatrice a inclus dans le calcul de l’avoir net des remboursements de 30 000 $ à la mère de M. Caroni en 2012 et des remboursements du même montant en 2013, lesquels ne provenaient pas d’une source non imposable. Il est contradictoire d’inclure dans le calcul du revenu des remboursements de prêts qui proviennent d’une source non imposable et des remboursements de prêts dont la source est inconnue et qui pourraient donc être imposables. Je ne peux faire mieux que de citer le témoignage de Mme Ngo à l’égard de la question de savoir dans quels cas il est approprié d’inclure dans le calcul de l’avoir net les remboursements de prêts à Mme Caroni :

Dans ce dossier-là, ce que j’ai vu dans les comptes bancaires, c’est qu’il y a eu des virements sortants à Mme Caroni. Et donc, il faut indiquer dans les ajouts un retrait de 30 000, 20 000 et 10 000 que vous voyez.

Donc, en ajoutant ce montant-là, c’est pour venir expliquer dans l’avoir net que le contribuable aurait dû avoir ces fonds-là pour être capable de rembourser à Mme Caroni[11].

Son témoignage permet de comprendre pourquoi les remboursements de prêts de 60 000 $ provenant d’une source inconnue ont été ajoutés au calcul de l’avoir net, mais pas pourquoi les remboursements de prêts de 200 000 $ provenant d’une source non imposable clairement identifiée (le compte de prêt de l’actionnaire) devraient être inclus dans le calcul du revenu.

[62] Ainsi, l’avoir net est surévalué de 200 000 $, ce qui dépasse largement le montant de 50 000 $ que l’ARC a inclus dans le calcul du revenu de 2013. Par conséquent, aucun montant ne devrait être inclus dans le calcul du revenu pour 2013.

J. 2014

[63] En 2014, M. Caroni a contracté une hypothèque personnelle en vue d’acheter de l’équipement pour 848, qui a par la suite été transféré à 9219. Ce transfert explique en partie l’augmentation du solde du compte de prêt de l’actionnaire pour l’exercice financier se terminant en 2015. Avec le produit de l’hypothèque, M. Caroni a acheté un chariot télescopique ainsi qu’une poinçonneuse pour percer les tôles de métal épaisses.

[64] L’ARC a ajouté un montant de 134 562 $ au revenu de l’appelant pour 2014 en raison de l’augmentation du solde du compte de prêt de l’actionnaire. En principe, tout montant d’argent provenant de l’hypothèque et versé au compte serait compensé par une nouvelle dette hypothécaire. De plus, tout transfert d’actif de 848 à 9219 serait également une opération sans effet fiscal. Toutefois, ce n’est pas ce qui s’est produit en l’espèce. L’ARC n’a pas établi de nouvelle dette hypothécaire et n’a consigné aucun transfert d’actif de 848.

[65] Par conséquent, je conclus que l’avoir net pour 2014 est surévalué puisque le solde du compte de prêt de l’actionnaire de 9219 a augmenté en raison du transfert de l’équipement de 848 sans qu’il n’y ait de diminution correspondante dans le compte d’actif ni d’augmentation dans le compte de passif. Toutefois, je limite cette surévaluation à 74 500 $, qui correspond à l’augmentation de la valeur de la machinerie et de l’équipement selon les états financiers de 2015 de 9219. Selon ces états financiers :

  1. il ressort du bilan de 9219 et des notes s’y rapportant (pièce A-6) que les immobilisations, plus particulièrement la machinerie et l’équipement, n’ont augmenté que de 74 500 $ entre avril 2014 et mars 2015; et

  2. au 30 avril 2014, le solde de clôture du compte de prêt de l’actionnaire s’élevait à presque 292 000 $, soit un montant se rapprochant du montant de 301 207 $ établi par la vérificatrice dans son calcul de l’avoir net. Au 31 décembre 2014, le solde était de 431 186,47 $.

[66] Aucune des parties n’a présenté en preuve une liste d’opérations pour l’exercice financier se terminant en 2014, laquelle aurait pu être utilisée pour approfondir l’examen de la question. Toutefois, il ressort des états financiers :

  1. qu’il existe une augmentation suffisamment importante dans le compte de prêt de l’actionnaire entre le 1er mai 2014 et le 31 décembre 2014 pour expliquer un transfert d’actif à 9219 s’élevant jusqu’à 130 000 $ (431 000 $ - 301 000 $);

  2. que, selon un examen de l’équipement figurant dans les états financiers de 2015 de 9219, pas plus de 74 500 $ ne pourrait être attribué au transfert.

À mon avis, l’avoir net pour 2014 est donc surévalué de 74 500 $.

[67] L’appelant a également attiré mon attention sur une feuille de travail énumérant des retraits non expliqués du compte de prêt de l’actionnaire de 9219[12]. Une écriture comptable de 50 000 $ datée du 30 avril 2014, définie comme étant une régularisation d’amortissement, correspondait à l’un de ces retraits. En interrogatoire principal, Mme Ngo a expliqué que, dans le calcul de l’avoir net, elle avait tenu compte des augmentations apportées au solde du compte de prêt de l’actionnaire sous forme d’avances faites à 9219 provenant de sources inconnues, puisque M. Caroni devait avoir les fonds nécessaires pour les injecter dans 9219.

[68] En contre-interrogatoire, l’avocat de l’appelant a laissé entendre qu’il ne s’agissait que d’une écriture comptable. Mme Ngo a répondu que tout ce qui pouvait enrichir l’appelant devait être pris en considération dans le calcul de l’avoir net. Elle a fait remarquer que même des écritures comptables peuvent donner lieu à des remboursements reçus en franchise d’impôt, comparativement aux sommes reçues à titre de salaire ou de dividende, de sorte qu’elles doivent être justifiées.

[69] L’appelant n’a pas expliqué l’opération et ne s’est pas prononcé sur la question de savoir s’il ne s’agissait effectivement que d’une écriture comptable sans véritables conséquences sur l’avoir net. Plus particulièrement, il n’a pas répondu à la question soulevée par Mme Ngo lors de l’interrogatoire principal, à savoir si l’écriture comptable était à l’origine d’un remboursement de fonds reçu en franchise d’impôt à cette date ou à une date ultérieure. En l’absence d’un témoignage des comptables ou du directeur financier de 9219 et de tout autre élément de preuve à cet égard, je ne suis pas disposé à retirer cet élément des redressements à l’avoir net.

[70] Enfin, l’appelant a reproché à la vérificatrice d’avoir considéré que certains redressements pour la période allant de janvier à avril 2014 étaient liés à des dépenses d’entreprise non identifiées payées par l’appelant totalisant 43 085 $. Ce dernier y voit là une incohérence dans la manière dont l’ARC a calculé l’avoir net. L’appelant faisait l’objet d’une cotisation lorsque 9219 payait ses cartes de crédit, mais également lorsqu’il payait les dépenses d’entreprise. Je ne vois aucune incohérence. Mme Ngo a déclaré qu’elle ne pouvait pas vérifier les opérations à l’origine des augmentations apportées au compte de prêt de l’actionnaire. Lorsque les retraits de comptes personnels pouvaient être liés à la société, ils étaient considérés comme réduisant les dépenses personnelles et, par le fait même, le redressement à l’avoir net de l’appelant. Par exemple, il ressort de la feuille de travail FT8000R-5 sur la période allant de janvier à avril 2014 qu’un montant de 10 260 $ avait ainsi été retiré de l’avoir net. Si l’appelant avait voulu démontrer que le montant aurait dû être plus élevé, il aurait pu le faire.

K. Conclusion sur les questions relatives à la vérification

[71] Après examen de la vérification, je constate que les redressements pour 2013 ne sont pas justifiés et que ceux pour 2014 sont surévalués et doivent être réduits de 74 500 $. Je ne vois aucun autre redressement à faire pour les autres années d’imposition. Passons à la question de la prescription et aux pénalités.

L. Années prescrites

[72] Le paragraphe 152(4) de la Loi interdit au ministre d’établir une nouvelle cotisation après l’expiration de la « période normale de nouvelle cotisation[13] » de trois ans.

[73] Pour 2013, il n’y a aucun montant restant à inclure dans le revenu de l’appelant. Il ne fait donc aucun doute que le ministre ne pouvait pas réouvrir cette année d’imposition et établir une cotisation après l’expiration du délai de prescription. Je me penche donc sur les autres années, soit 2010, 2011, 2012 et 2014.

[74] L’appelant a avancé les deux arguments suivants pour contester l’établissement de cotisations par l’ARC après l’expiration de la « période normale de nouvelle cotisation » :

  1. Tout d’abord, la vérificatrice de l’ARC n’avait pas de motif assez solide pour enquêter sur les affaires de l’appelant. La première fois qu’elle s’était entretenue avec lui, la vérificatrice savait qu’il recevait des fonds de sa mère et de son beau-père et que ces fonds étaient suffisants pour justifier l’absence de revenu déclaré.

  2. Les revenus utilisés aux fins de l’établissement des cotisations n’étaient pas élevés compte tenu du total de ses sorties de fonds pour les années d’imposition en litige. Par exemple, en 2012, le revenu de 51 000 $ utilisé aux fins de l’établissement de la cotisation ne représentait que 6 % de la totalité des fonds retirés de tous les comptes bancaires. En 2013, ce pourcentage était d’un peu moins de 6 % et, en 2014, il n’était que de 14 %.

[75] Le premier argument n’a aucune valeur juridique. Le paragraphe 152(4) vise la conduite du contribuable et non pas celle du ministre. Lors des premières étapes visant à établir une cotisation, le ministre a souvent un tableau incomplet ou même erroné des affaires du contribuable. L’important est de savoir si la dernière cotisation peut être justifiée au motif que le contribuable a fait une présentation erronée des faits, par négligence, inattention ou omission volontaire, ou a commis quelque fraude en produisant la déclaration ou en fournissant quelque renseignement sous le régime de la Loi.

[76] Le deuxième argument n’est pas dénué de fondement, mais il existe d’autres façons d’examiner la question. Par exemple, le revenu d’environ 50 000 $ utilisé aux fins de l’établissement de la cotisation pour 2012 représente 6 % de tous les retraits auxquels l’appelant a fait référence, mais il est également beaucoup plus élevé que le revenu déclaré par l’appelant, puisqu’il n’a déclaré aucun revenu imposable pour l’année en question. Des considérations semblables s’appliquent pour 2014, où l’appelant a déclaré un revenu de seulement 5 000 $. Même compte tenu du redressement que j’effectue pour 2014, le revenu de l’appelant pour cette année s’élève à environ 60 000 $, alors qu’il n’a déclaré que 5 000 $, soit moins du 1/12 de ce montant. Pour 2010, l’appelant a déclaré un revenu de seulement 3 900 $ alors que le revenu non déclaré ajouté aux fins de l’établissement de la cotisation pour cette année s’élevait à presque 49 000 $. Pour 2011, aucun revenu n’a été déclaré, et un revenu de 55 000 $ a été utilisé aux fins de l’établissement de la cotisation.

[77] Pour toutes les années en litige, à l’exception de 2013, l’appelant a fait une présentation complètement erronée des faits. La question à trancher est celle de savoir si cette présentation a été faite par négligence, inattention ou omission volontaire.

[78] Je n’ai aucune hésitation à conclure que M. Caroni a fait preuve, à tout le moins, de négligence ou d’inattention. Mon affirmation est fondée sur les motifs suivants :

  1. Les revenus non déclarés étaient élevés.

  2. M. Caroni était une personne relativement avertie, compte tenu de son intelligence, de ses études et de son expérience.

  3. Les dépenses d’entreprise et les dépenses personnelles étaient considérablement mélangées avec de lacunes importantes dans le suivi de ces dépenses. Ce mélange a entraîné une comptabilisation irrégulière des retraits du compte de prêt de l’actionnaire. L’avocat de M. Caroni a reconnu à juste titre que les écritures comptables étaient incomplètes, mais a fait savoir que ce n’était pas déterminant dans le calcul du revenu non déclaré. Même si c’était le cas, les omissions sont pertinentes lorsqu’il s’agit de décider si les années d’imposition sont prescrites.

  4. L’appelant avait tendance à faire preuve de négligence. Par l’année d’imposition 2014, il avait omis de déclarer des revenus pour quatre des cinq dernières années d’imposition.

  5. Je n’ai pas entendu de preuve contraire me permettant de conclure que M. Caroni avait fait preuve de diligence raisonnable au moment de préparer et de produire ses déclarations de revenus. Aucune preuve n’indiquait qui avait préparé les déclarations, comment M. Caroni avait examiné ses déclarations et quels systèmes ou mesures avaient été mis en place afin d’assurer la bonne tenue des livres comptables. Je réitère également que ni le directeur financier ni les comptables de 9219 n’ont témoigné au sujet de leur travail pour le compte de M. Caroni ou de 9219.

[79] Dans ses observations, l’avocat de l’appelant s’est appuyé sur l’arrêt Boies pour me convaincre que les faits relatifs à une année d’imposition ne devraient pas justifier la réouverture d’une autre année d’imposition prescrite. Je suis d’avis que l’appelant va trop loin. Dans l’arrêt Boies, la Cour d’appel du Québec a accueilli l’appel visant l’année d’imposition 2005, car le seul fait que le contribuable a fait une présentation erronée des faits pour l’année d’imposition en 2007 :

« ne permet pas, en l’absence d’autres éléments, d’inférer qu’il a fait de fausses déclarations dans l’ensemble de ses déclarations et de le cotiser pour des années prescrites sur cette seule base[14] ».

[80] La Cour d’appel du Québec a ensuite fait remarquer que la vérificatrice de Revenu Québec avait constaté des écarts pour 2005, mais qu’elle n’avait pas pu établir qu’ils résultaient d’une présentation erronée des faits.

[81] À mon avis, cet arrêt ne signifie pas que le tribunal ne peut jamais examiner la conduite que le contribuable a adoptée globalement sur une période donnée pour déterminer s’il a commis l’omission par inattention ou négligence. Cet arrêt signifie simplement qu’il ne conviendrait pas d’appliquer à une année donnée une conclusion tirée pour une autre année et ainsi justifier, sans aucune autre preuve, l’établissement d’une cotisation pour une année prescrite. C’est ce qu’a déclaré la Cour d’appel du Québec dans l’arrêt Boismenu rendu en 2024, où elle a renvoyé à plusieurs décisions, dont l’arrêt Boies, et a conclu ce qui suit :

L’ensemble de la preuve présentée peut donc être considérée par le juge pour déterminer si l’Agence démontre par prépondérance des probabilités que le contribuable a fait une fausse représentation des faits découlant d’une omission volontaire ou d’une incurie[15].

[82] La Cour d’appel du Québec a ensuite expressément conclu que le juge de première instance n’avait pas commis d’erreur en s’appuyant sur le fait que le contribuable avait produit à maintes reprises de fausses déclarations de revenus pour conclure que Revenu Québec s’était acquitté de son fardeau de preuve[16]. La Cour d’appel du Québec, renvoyant à sa propre jurisprudence, a écrit ce qui suit :

Au cours de la vérification, la collaboration de M. Boismenu est déficiente. Celui-ci plaide maintenant que ce n’est qu’au moment du dépôt de sa déclaration qu’il faut considérer ses agissements. Cet argument n’est pas fondé, comme l’explique la Cour dans l’arrêt Tanis c. Agence du revenu du Québec :

S’il est vrai que le moment pertinent à l’existence de la fausse représentation est celui correspondant au moment du dépôt de la déclaration du revenu erroné, les agissements du contribuable subséquents à ce dépôt, dont ceux lors de l’enquête, peuvent être considérés afin d’établir la faute objective lors de ce dépôt, en l’espèce l’incurie[17].

[83] En l’espèce, je ne saurais faire complètement abstraction du fait que l’appelant, un homme d’affaires compétent et expérimenté, a omis à maintes reprises de déclarer correctement ses revenus dans ma conclusion selon laquelle ses omissions, au moment de produire chaque déclaration, résultaient au mieux de son inattention ou de son indifférence dans l’exécution de ses obligations en matière d’autodéclaration prévues par la Loi. Je ne suis pas non plus confronté à un vide factuel comme l’étaient les juges du procès dans l’affaire Boies. J’ai eu l’avantage d’entendre le témoignage détaillé de la vérificatrice quant à la manière dont elle était parvenue aux montants de revenu non déclaré. Son témoignage concernant la mauvaise tenue des livres comptables et la difficulté qu’elle avait éprouvée à retracer les sources de fonds me permet de conclure que les omissions de l’appelant résultaient de son inattention ou de sa négligence.

M. Faute lourde

[84] L’ARC a également examiné les pénalités pour faute lourde. Toutefois, je ne crois pas qu’elle ait prouvé que, pour toutes les années en litige, l’appelant a agi sciemment ou dans des circonstances équivalant à faute lourde.

[85] Il est bien établi que la conduite nécessaire pour appuyer l’imposition d’une pénalité prévue au paragraphe 163(2) de la Loi est plus évidente et délibérée que la conduite permettant l’ouverture d’une année prescrite.

[86] Pour démontrer qu’un contribuable a agi sciemment, il faut établir que celui-ci savait en fait que la déclaration était fausse ou alors qu’il a fait preuve d’ignorance volontaire, c’est-à-dire qu’il a délibérément décidé de ne pas se renseigner[18].

[87] Selon moi, M. Caroni n’a pas agi sciemment ou n’a pas fait preuve d’ignorance volontaire. J’estime toujours qu’il est un homme honnête qui n’avait pas l’intention d’éviter de payer de l’impôt, mais qui ne s’était pas non plus donné la peine de s’assurer qu’il n’avait aucun impôt à payer.

[88] La question plus difficile à trancher est celle de savoir si M. Caroni a commis une faute lourde. La norme de la faute lourde a été examinée dans de nombreuses affaires, dont la plupart renvoient à l’affaire Venne. Dans cette décision, le juge a conclu ce qui suit :

La « faute lourde » doit être interprétée comme un cas de négligence plus grave qu’un simple défaut de prudence raisonnable. Il doit y avoir un degré important de négligence qui corresponde à une action délibérée, une indifférence au respect de la Loi[19].

[89] Je pense que M. Caroni ne savait pas qu’il avait des revenus à déclarer puisque ses activités commerciales entre 2010 et 2014 n’étaient pas rentables. Cela dit, je dois également déterminer si l’ignorance de M. Caroni quant à ses revenus à déclarer, surtout compte tenu du nombre d’années pour lesquelles il n’a rien déclaré, démontre un degré de négligence tel qu’il correspond à une action délibérée. En toute franchise, je trouve qu’il s’agit d’un cas limite, surtout pour 2012, soit la troisième année consécutive pour laquelle non seulement M. Caroni n’a pas déclaré le bon montant de revenu, mais il n’a tout simplement pas déclaré de revenu.

[90] Je suis d’avis que, pour les années 2010 et 2011, la conduite de M. Caroni est seulement négligente. La façon dont il a géré le compte de prêt de l’actionnaire de 9219, plus particulièrement le fait qu’il n’a pas correctement consigné les retraits de ce compte, n’est pas admirable, mais ne correspond pas à une inconduite délibérée.

[91] Selon moi, 2012 était l’année de trop. La conduite de M. Caroni constituait une faute lourde. C’était la troisième année consécutive pour laquelle il déclarait peu ou pas de revenu, il engageait d’énormes dépenses personnelles et il n’avait pas vraiment essayé de calculer correctement ses revenus. Je renvoie à nouveau au témoignage de Mme Ngo selon lequel 9219 avait effectué des paiements d’un peu plus de 39 000 $ sur les cartes de crédit de l’appelant sans qu’aucun montant ne soit porté en diminution du solde du compte de prêt de l’actionnaire. M. Caroni est trop intelligent et averti pour faire abstraction de cette omission survenue en 2012. La pénalité prévue au paragraphe 163(2) doit s’appliquer pour cette année d’imposition.

[92] Je ne crois pas qu’il en soit de même pour 2014. La conduite de M. Caroni en 2014 est négligente, sans plus. Il avait une nouvelle société qui n’était pas rentable, et sa situation financière avait commencé à se détériorer à un point tel qu’il ne se rendait peut-être pas compte qu’il pouvait encore avoir un revenu imposable. De plus, je conclus plus haut qu’il n’avait pas de revenu imposable non déclaré en 2013, ce qui vient en quelque sorte atténuer sa tendance à commettre des inconduites. Je ne maintiens pas la pénalité prévue au paragraphe 163(2) imposée pour 2014.

[93] Ainsi, les pénalités sont annulées pour toutes les années en litige, à l’exception de 2012.

N. Requête en non-lieu

(1) La nature de la requête de l’appelant

[94] Je me penche à nouveau sur la requête que l’appelant a présentée à la fin de la présentation de la preuve de l’intimé. Cette requête visait à obtenir un jugement accueillant les appels et annulant les nouvelles cotisations. L’avocat de l’appelant a présenté la requête puisqu’il estimait que la thèse de l’intimé était faible et qu’un témoignage de l’appelant porterait préjudice à ce dernier puisqu’il pourrait, par inadvertance, bonifier la preuve de l’intimé[20]. Il ressortait clairement des observations orales et écrites de l’avocat de l’appelant que la Couronne ne s’était pas acquittée de son fardeau de preuve. Il a déclaré ce qui suit :

[J]e veux dire par l’intimé puis ce qu’il y a eu comme fardeau de preuve, on considère qu’à ce stade-ci, ils n’ont pas rencontré le fardeau pour aller au cœur de la période prescrite, et pour éviter une iniquité avant qu’on début[e].

[L]a preuve est très faible pour la prescription et ne rencontre pas le fardeau, ça serait de perpétuer un abus de procédure[21].

Il a également fait valoir ce qui suit :

En effet, le fardeau de preuve de l’intimé pour la levée de la prescription des années en litige n’avait pas été rencontré dans le cadre de l’administration de sa preuve[22].

[95] Dans ses observations écrites, l’avocat de l’appelant a expliqué que sa requête s’apparentait à une requête en non-lieu en matière de droit pénal :

… rien ne nous empêche, compte tenu qu’il s’agit d’une prescription et c’est l’équivalent d’une fin de non-recevoir en droit, qu’on puisse faire une demande à la Cour pour présenter une requête de type de requête de non-lieu en matière pénale, mais une requête en rejet de la contestation puisque la preuve est close et qu’à notre humble avis, ils n’ont pas rencontré de prescription[23].

[96] Après avoir entendu, de manière sommaire, la requête de vive voix de l’appelant et après avoir pris une pause, j’ai attiré l’attention de l’avocat de l’appelant sur la décision 410812 Ontario Limited rendue par le juge en chef adjoint Bowman (plus tard juge en chef), dans laquelle il a décrit ce qui constitue selon lui une requête en non-lieu (« non-suit »)[24]. Ses remarques semblent décrire de façon précise la question soulevée par l’appelant. J’ai donc adopté son approche. Voici un résumé des propos du juge en chef adjoint Bowman :

  1. Le juge devrait demander à la partie qui demande le non-lieu si elle a l’intention de présenter une preuve avant de débattre de la requête. Si elle décide de présenter une preuve, le juge peut en tenir compte pour statuer sur la requête en non-lieu.

  2. Si le juge rejette la requête, la partie qui demande le non-lieu est liée par son choix et n’a pas le droit de présenter une autre preuve.

  3. Si le juge rejette la requête en non-lieu, l’appelant peut toujours soutenir que la preuve ne suffisait pas à satisfaire au fardeau de la preuve dont devait s’acquitter la partie adverse[25].

[97] En l’espèce, puisque l’appelant a décidé de présenter une preuve, j’ai mis la requête en délibéré. Dans ses observations supplémentaires, l’appelant fait valoir que le juge en chef adjoint Bowman, dans une décision ultérieure, a changé d’avis sur la question du choix de présenter une preuve[26]. En fait, selon la doctrine, le choix de présenter une preuve constitue toujours une composante importante de la requête en non-lieu[27]. En l’espèce, cela a peu d’importance puisque ma décision sur la requête est uniquement fondée sur la preuve de l’intimé plutôt que sur le témoignage livré par l’appelant après avoir décidé de présenter une preuve.

(2) La requête de l’appelant est une requête en non-lieu

[98] Dans ses observations écrites, l’appelant nie que sa requête est une requête en non-lieu, même si elle est d’une nature semblable. Il soutient qu’elle s’apparente plutôt à une requête en abus de procédure :

Il ne s’agit pas d’une « requête en non-lieu » même si nous avons des similarités. Il s’agit d’une requête en abus de procédure compte tenu de la fin de non-recevoir (la prescription)[28];

(3) Le critère juridique s’appliquant à la requête en non-lieu

[99] Je suis d’avis que sa requête est une requête en non-lieu et qu’elle ne peut être accueillie puisque la preuve présentée par l’intimé était suffisante pour faire en sorte que les questions soulevées soient examinées par un juge des faits. Une requête comme celle présentée par l’appelant ne permet pas à un juge des faits d’apprécier la preuve ou de déterminer si la partie à qui incombe le fardeau de la preuve s’en est acquittée selon la prépondérance des probabilités.

[100] Il est utile de revenir aux principes fondamentaux liés au déroulement d’un procès afin de mieux comprendre pourquoi la requête est rejetée. Le premier principe fondamental est si évident qu’il n’a presque pas besoin d’être répété. Le tribunal ne devrait pas apprécier la preuve dont il dispose (à moins que ce soit pour en déterminer l’admissibilité) jusqu’à ce que toute la preuve ait été présentée[29]. Agir autrement reviendrait à préjuger l’issue de l’affaire, ce qui est habituellement considéré comme une mauvaise pratique de la part d’un juge. Par conséquent, une requête présentée en milieu de procès concernant le caractère suffisant de la preuve de la partie adverse ne peut constituer une demande d’appréciation de la preuve. Il doit s’agir d’une affirmation selon laquelle la partie adverse n’a présenté aucune preuve sur un ou plusieurs des éléments constitutifs de l’affaire.

[101] Alors, comment le plaideur peut-il faire pour écourter le processus judiciaire et faire en sorte que le juge apprécie la preuve avant la fin du procès? L’appelant explique que sa requête repose sur un abus de procédure compte tenu du plaidoyer selon lequel les cotisations sont prescrites. À l’audience, il a été brièvement mentionné que la Cour aurait pu radier l’acte de procédure de l’intimé en vertu de l’article 53 des Règles puisque l’acte constitue un recours abusif. Toutefois, l’avocat a fait remarquer que les allégations de l’intimé seraient réputées vraies aux fins de l’application de l’article 53 des Règles, ce que l’appelant ne reconnaît pas, bien évidemment, et que l’appelant peut toujours obtenir gain de cause.

[102] J’ajouterais que, dans son ouvrage sur le droit en matière de prescription, le professeur Mew indique qu’en règle générale, le fait de ne pas intenter une action dans le délai prévu ne constitue pas un abus de procédure[30]. Je suis d’accord, et l’avocat de l’appelant n’a soulevé aucune jurisprudence selon laquelle une cotisation prescrite, même une cotisation annulée par le tribunal, constitue automatiquement un abus de procédure.

[103] De plus, le professeur Mew mentionne brièvement plusieurs autres options tirées des Règles de procédure civile de l’Ontario qui permettent de trancher une question de prescription :

  1. Jugement sommaire;

  2. Décision d’une question avant l’instruction;

  3. Question de droit sous forme d’exposé de cause;

  4. Décision d’une question à l’instruction.

[104] Ces options, à l’exception de la dernière, sont toutes des procédures préparatoires au procès qui, dans certains cas, sont analogues aux procédures de la Cour. Toutefois, puisque l’appelant ne s’est prévalu d’aucune de ces procédures, il ne reste que l’option de la décision de la question à l’instruction. Le professeur Mew affirme ce qui suit concernant cette option :

[traduction]

« L’action peut être autorisée à suivre son cours normal, de sorte que la question de la prescription comme moyen de défense est tranchée à l’instruction[31] ».

 

[105] Le professeur Mew nous enseigne donc qu’il existe plusieurs options lorsqu’il s’agit de trancher une question de prescription. Toutefois, en l’espèce, notre seule option est de décider de la question au procès qui suit son cours normal, ce qui nous ramène au point de départ. Habituellement, les juges n’examinent la preuve qu’à la fin du procès, ce qui signifie que l’appelant a avancé prématurément son affirmation selon laquelle l’intimé ne s’était pas acquitté de son fardeau de preuve.

[106] Toutefois, au procès, la partie peut présenter une requête en non-lieu (« non-suit ») à la fin de la présentation de la preuve de la partie à qui incombe le fardeau de la preuve, mais la seule question à trancher dans le cadre d’une requête en non-lieu est de savoir si la partie s’est acquittée de sa charge de présentation (« evidential burden »), et non pas de sa charge de persuasion (« persuasive burden »).

(4) La requête en non-lieu permet de savoir si une preuve a été présentée, et non de savoir si la partie s’est acquittée de son fardeau

[107] Le critère applicable à une requête en non-lieu n’est pas de savoir si la partie à qui incombe le fardeau n’a pas établi le bien-fondé de sa cause selon la prépondérance des probabilités. Il s’agit plutôt de savoir si la partie à qui incombe ce fardeau a présenté une preuve à l’appui de sa thèse. La partie qui présente une requête en non-lieu fait valoir que la partie adverse ne s’est pas acquittée de sa charge de présentation.

[108] En réponse, la partie à qui incombe la charge de présentation doit être en mesure de produire des éléments de preuve qui démontrent l’existence ou l’inexistence d’une question ou d’un fait donné afin que le juge des faits puisse examiner cette question de fait[32].

[109] La charge de présentation ne consiste pas à apprécier la preuve ni à déterminer les faits. La partie à qui incombe la charge de présentation n’est pas tenue de convaincre le juge des faits de quoi que ce soit. Elle n’a qu’à faire ressortir les éléments de preuve qui suggèrent l’existence de certains faits[33]. La Cour examine, en tant que question juridique et non en tant que question de fait, s’il existe des éléments de preuve suffisants pour satisfaire à la charge de présentation[34]. En matière civile, comme dans les procès civils pour négligence (et, je crois, par analogie, dans les litiges fiscaux également), la partie qui formule une allégation doit :

[traduction]

« […] présenter une preuve suffisante de la négligence du défendeur afin que soit rejetée la requête en non-lieu[35] ». Enfin, soyons clair, « le fait de s’acquitter de sa charge de présentation ne prouve rien, il ne vient que soulever une question[36] ».

 

[110] En revanche, la charge de persuasion consiste à établir le bien-fondé de sa cause hors de tout doute raisonnable ou selon la prépondérance des probabilités, selon le type d’affaire en cause[37]. La charge de persuasion soulève une question de fait plutôt qu’une question de droit[38]. Ainsi, il est nécessaire d’apprécier la preuve et de tirer des inférences ainsi que des conclusions de fait.

[111] Comme je le mentionne plus haut, la Cour devrait s’abstenir d’apprécier la preuve dont elle dispose avant la fin de la présentation de la preuve[39]. La requête en non-lieu ne vise donc pas à demander à la Cour d’apprécier la preuve; il s’agit d’une affirmation selon laquelle la partie adverse n’a présenté aucune preuve sur un ou plusieurs des éléments constitutifs de l’affaire.

O. Décision à l’égard de la requête en non-lieu

[112] Je rejette la requête en non-lieu puisque l’intimé a présenté des éléments de preuve à l’égard de toutes les questions dont je suis saisi. Plus particulièrement, l’intimé a appelé la vérificatrice de l’ARC à témoigner. Celle-ci a témoigné au sujet des montants ayant fait l’objet d’une cotisation et du fondement de la cotisation établie pour chaque année d’imposition. Elle a montré ses calculs et a démontré que, si ses éléments de preuve étaient admis, l’appelant avait omis de déclarer certains revenus pour chaque année en litige. Ces omissions étaient substantielles et permettaient de tirer une conclusion d’inattention, de négligence, d’omission volontaire ou de faute lourde. La vérificatrice a fait valoir que ce n’était pas toutes les opérations liées au compte de prêt de l’actionnaire de 9219 qui avaient été comptabilisées et qu’on ne pouvait donc pas se fier à ses livres comptables.

[113] La preuve produite était suffisante pour être présentée au juge des faits afin qu’il détermine si l’intimé s’était acquitté de son fardeau d’établir, selon la prépondérance des probabilités, que M. Caroni avait omis de déclarer des revenus et que cette omission était attribuable à l’inattention, la négligence ou l’omission volontaire de manière à permettre l’établissement de nouvelles cotisations en dehors de la période normale de nouvelle cotisation.

[114] L’argument de l’appelant selon lequel la preuve de l’intimé était faible et qu’il ne s’était donc pas acquitté de son fardeau de preuve constituait, au mieux, un argument voulant que l’intimé ne se soit pas acquitté de sa charge de persuasion. Puisque je ne pouvais pas me pencher sur cet argument sans apprécier la preuve et que je ne pouvais pas apprécier la preuve avant la fin du procès, la requête doit être rejetée.

(1) Le résultat est-il différent si la question est examinée selon le concept de « fin de non-recevoir » du Code civil du Québec?

[115] Dans ses observations écrites supplémentaires, l’appelant a invoqué ce que le Code civil du Québec (le « Code »), à l’article 2921, appelle la « fin de non-recevoir[40] », qui permettrait à la Cour de décider si le ministre était autorisé à établir une cotisation en dehors de la période normale de nouvelle cotisation.

[116] L’article 2921 fait partie du titre troisième du Code portant sur la prescription extinctive, lequel fait partie du livre huitième du Code portant sur la prescription. L’objet du livre huitième porte sur ce que les avocats de common law considèrent comme étant les règles relatives à la prescription. Ainsi, par exemple, le titre premier traite du régime général de la prescription, notamment les délais de prescription, l’interruption de la prescription, la renonciation à la prescription ainsi que la suspension de la prescription. Le titre deuxième porte, par exemple, sur la prescription acquisitive comme moyen d’acquérir le droit de propriété, ce qui, en common law, correspond à la possession adversative. Comme je le mentionne plus haut, le titre troisième traite de la prescription extinctive et prévoit que, par défaut, le délai de la prescription extinctive est de dix ans.

[117] Le fait de savoir que la « fin de non-recevoir » est une sorte de règle de prescription ne permet pas vraiment de régler le problème lié à la requête de l’appelant. L’appelant me demandait tout de même d’apprécier la preuve avant la fin du procès et de tirer une conclusion défavorable à l’intimé au motif que la négligence ou l’inattention n’avait pas été établie. Il m’est impossible de le faire, sauf dans le cadre d’une requête en non-lieu.

[118] Dans ses observations, l’appelant n’a pas non plus expliqué comment il est possible d’invoquer l’article 2921 du Code dans une affaire où le délai de prescription n’est pas prévu au Code ou dans une loi fiscale provinciale, mais bien dans la Loi. Dans l’arrêt Markevich, la Cour suprême du Canada a conclu que, lorsque la Loi ne précise pas de délai de prescription, alors les règles de droit fédérales ou même provinciales (dans le cas d’une dette fiscale provinciale) en matière de prescription peuvent s’appliquer. Toutefois, elle a explicitement mentionné que la Loi prévoit son propre délai de prescription pour ce qui est de l’établissement d’une cotisation et a déclaré ce qui suit :

Les dispositions de la LIR sur les cotisations sont claires en ce qui a trait à la prescription.

La Cour suprême du Canada a également indiqué ce qui suit :

De nombreuses dispositions de la LIR prévoient expressément que le ministre peut établir une cotisation en tout temps : voir les par. 152(4) […]. Le législateur démontre une intention claire de traiter de la question des délais de prescription dans la LIR lorsqu’il le juge nécessaire[41].

[119] Dans ses observations écrites, l’appelant a fait valoir, par analogie à la façon dont les tribunaux ont interprété les dispositions analogues de la Loi sur les impôts québécoise, que la période normale de nouvelle cotisation revêt un caractère absolu. En particulier, il a fait référence au paragraphe 33 de la décision Barber c. Québec. Cette décision ne saurait être utile en l’espèce puisque la question que devait trancher la Cour d’appel du Québec, au regard du contexte factuel complexe, n’avait rien à voir avec le fait d’établir l’existence d’une présentation erronée des faits.

[120] Dans l’affaire Barber, Revenu Québec a établi de nouvelles cotisations pour les années d’imposition 1988 à 1991 après l’expiration du délai prévu et a établi de nouvelles cotisations corrélatives pour 1992 et 1993 afin d’accorder les déductions connexes. En appel, Revenu Québec n’a pas démontré de présentation erronée des faits par négligence, et les nouvelles cotisations établies pour les années 1988 à 1991 ont été annulées. Revenu Québec a de nouveau établi de nouvelles cotisations pour les années 1988 à 1991 afin de soi-disant annuler l’impôt à payer indiqué dans les nouvelles cotisations annulées. Ces nouvelles cotisations étaient peut-être inutiles, mais elles ont permis à Revenu Québec d’établir de nouvelles cotisations corrélatives afin d’en retrancher les déductions précédemment accordées pour 1992 et 1993. Toutefois, les années 1992 et 1993 étaient alors prescrites, et ce sont les nouvelles cotisations établies pour ces deux années qui ont été contestées.

[121] À la lumière de ces faits, la Cour d’appel du Québec devait décider si Revenu Québec pouvait établir de nouvelles cotisations pour les années 1988 à 1991, ce qui lui permettrait d’établir de nouvelles cotisations corrélatives pour 1992 et 1993. Dans ce contexte, la Cour d’appel du Québec a comparé le pouvoir du ministre d’établir une cotisation suite à une décision judiciaire, ne portant pas sur la question de la prescription, avec ce même pouvoir suite à une décision judiciaire portant sur cette question. En ce qui concerne ce deuxième type de décision, la Cour d’appel du Québec a déclaré ce qui suit :

[33] Mais la situation, en cas de prescription, n’est pas celle-là. La prescription est une fin de non-recevoir absolue : elle éteint le droit de cotiser/recotiser du ministre, elle dispense le tribunal de se prononcer sur le fond de la question et elle fait en sorte qu’une cotisation pour le reste conforme à la loi soit annulée[42].

[122] Ces remarques portent sur ce qui se passe après que le ministre n’a pu établir l’existence d’une négligence suffisante pour réouvrir une année prescrite et qu’il veut ensuite établir d’autres nouvelles cotisations pour les années en question afin de justifier l’établissement d’autres nouvelles cotisations corrélatives pour les années qui sont maintenant prescrites et en aucun cas visées par des allégations de conduite négligente suffisantes qui permettraient par ailleurs leur réouverture. Les remarques quant aux caractéristiques générales de la prescription ne portent pas sur la question de savoir comment ou quand la partie peut contester la suffisance de la preuve du ministre selon laquelle le contribuable a fait une présentation erronée des faits par négligence ou par omission volontaire. Une cotisation établie après l’expiration de la « période normale de nouvelle cotisation » n’est manifestement pas nécessairement prescrite puisque le paragraphe 152(4) de la Loi prévoit expressément les cas où la prescription ne s’applique pas.

(2) La ride dans l’arrêt Misiak

[123] L’appelant est ensuite passé à la décision Misiak afin d’essayer, cette fois, de faire écarter la preuve de l’intimé de sorte qu’il n’ait aucune preuve à réfuter. La décision Misiak n’est d’aucune utilité pour l’appelant à cet égard. Dans cette décision, le juge Hogan a conclu que les cotisations prescrites fondées sur l’actif net devaient être annulées. Il était saisi d’une affaire où l’appelant avait témoigné qu’il vivait sobrement. L’intimée n’avait pas fait appel à un témoin de l’ARC et s’était uniquement appuyée sur les données de Statistique Canada concernant les frais de subsistance d’une famille typique. En l’espèce, dans ses observations écrites, l’appelant a cité le paragraphe 17 de la décision Misiak, où le juge a conclu ce qui suit :

[17] La preuve présentée par le ministre en l’espèce ne satisfait pas à cette norme de preuve[43].

[124] Il aurait peut-être été préférable que l’appelant cite le paragraphe 16 de la décision, lequel fournit d’importants renseignements sur le contexte. Il ressort de ce paragraphe que la Cour n’avait pas tranché la question dans le cadre d’une requête en non-lieu. Elle avait plutôt rendu une décision à la fin du procès selon la prépondérance des probabilités :

[16] Cependant, lorsque les rôles sont inversés et que l’année est par ailleurs prescrite, le ministre a la même charge de présentation que le contribuable : il doit produire des éléments de preuve fiables pour démontrer, selon la prépondérance des probabilités, que le contribuable n’a pas déclaré la totalité de son revenu par négligence, inattention ou omission volontaire[44].

[125] Puisque le procès était terminé, il était loisible au juge Hogan d’apprécier la preuve et de décider si la Couronne s’était acquittée de sa charge de persuasion. Le juge Hogan ne s’est pas prononcé sur la question de savoir si la preuve concernant un prétendu écart dans l’avoir net pouvait ou non être utilisée pour résister à une requête en non-lieu. Il n’a pas non plus déclaré que le ministre ne pouvait jamais s’appuyer sur l’écart dans l’avoir net pour tirer une conclusion d’inattention, de négligence ou d’omission volontaire suffisante pour justifier l’établissement d’une cotisation en dehors de la période normale de nouvelle cotisation. Le juge Hogan a simplement conclu qu’aucun écart de ce genre n’avait été établi selon la prépondérance des probabilités, compte tenu des faits qui lui avaient été présentés.

[126] Les références au Code ainsi qu’aux décisions Barber et Misiak ne sont d’aucune aide pour l’appelant. Le paragraphe 152(4) prévoit le délai de prescription et ses exceptions. Dans le cadre de la requête, la question devait se limiter à celle de savoir si une preuve avait été présentée pour établir que l’appelant avait fait une présentation erronée des faits par inattention, négligence ou omission volontaire. La requête n’était pas le recours approprié pour demander à la Cour d’apprécier la preuve en vue de déterminer si l’intimé s’était acquitté de son fardeau de prouver, selon la prépondérance des probabilités, la négligence ou l’inattention.

(3) Dernières remarques concernant les requêtes en non-lieu à la Cour canadienne de l’impôt

[127] Après avoir rédigé plus de 30 paragraphes au sujet des requêtes en non-lieu, je me questionne sur l’utilité non seulement de la requête en non-lieu présentée en l’espèce, mais également de ce type de requête en général. Les requêtes en non-lieu ne mènent à rien et devraient être pratiquement interdites devant la Cour canadienne de l’impôt. En effet, si, comme cela semble encore être le cas, la partie requérante est tenue de décider si elle a l’intention de présenter une preuve ou non, la requête en non-lieu n’est d’aucune utilité. Si la partie décide de présenter une preuve, alors aucune économie de temps n’a été réalisée et, si elle ne présente aucune preuve, le juge n’a alors pas besoin de trancher la requête en non-lieu puisqu’il peut simplement rendre une décision définitive à la lumière du dossier et des arguments. Pour faire cette déclaration, je m’appuie encore une fois sur l’ouvrage Sopinka, où les auteurs font essentiellement valoir le même point en ce qui concerne les requêtes en non-lieu :

[traduction]

En Ontario, dans un procès civil sans jury, le fait de présenter une requête en non-lieu n’est guère logique si le défendeur n’a pas l’intention de présenter une preuve, car, pour que sa requête soit accueillie, il doit démontrer qu’il n’existe aucune preuve valable à réfuter. Il s’agit d’un critère plus difficile à satisfaire que de faire valoir que la poursuite de la partie demanderesse devrait échouer puisqu’elle n’a pas établi le bien-fondé de sa cause selon la prépondérance des probabilités[45].

 

[128] Ce genre de requête pourrait notamment permettre d’avoir une idée de ce que le juge pense de la solidité de la thèse de la partie adverse. Cette pratique ne devrait pas être encouragée. Bien que le juge saisi d’une requête en non-lieu sache qu’il ne doit pas apprécier la preuve, la requête en l’espèce démontre à quel point il peut s’avérer difficile de tracer la ligne entre déterminer le caractère suffisant des éléments de preuve et trancher la question de savoir si la partie s’est acquittée de sa charge de persuasion. La requête en non-lieu peut rapidement devenir un piège et nuire à l’intégrité et à l’efficacité du procès.

[129] Enfin, je souligne que, bien que le fardeau de la preuve incombait à l’intimé en l’espèce, c’est souvent le contribuable qui doit s’acquitter d’un tel fardeau, ce qui ouvre la porte à une multiplication des requêtes en non-lieu présentées par la Couronne. De telles requêtes pourraient restreindre l’une des fonctions les plus importantes de notre Cour, soit celle de permettre au contribuable d’entendre l’ensemble des arguments de l’intimé et de ne pas simplement être confronté à une requête en non-lieu après avoir présenté les siens.

[130] Pour tous ces motifs, notre Cour ne devrait que rarement, voire jamais entendre de requête en non-lieu.

III. Dépens

[131] Puisque les deux parties ont partiellement gain de cause en l’espèce, aucuns dépens ne sont adjugés. Même si l’issue avait été différente, j’aurais été réticent à l’idée d’adjuger des dépens dans une affaire où les parties ne se sont pas prêtées à un interrogatoire préalable en vue de circonscrire les questions de fond ou de preuve en litige avant le procès.

Signé à Ottawa, Canada, ce 1ier jour d’août 2025.

« Michael Ezri »

Le juge Ezri

 

 

 


RÉFÉRENCE :

2025 CCI 101

NO DU DOSSIER DE LA COUR :

2022-917(IT)G

INTITULÉ :

DAVID CARONI c. SA MAJESTÉ LE ROI

LIEU DE L’AUDIENCE :

Montréal (Québec)

DATE DE L’AUDIENCE :

Les 18,19 et 20 mars 2025

MOTIFS DU JUGEMENT :

L’honorable juge Michael U. Ezri

OBSERVATIONS ÉCRITES :

Le 31 mars 2025 – appelant

Le 4 avril 2025 – intimé

DATE DU JUGEMENT :

Le 1ier août 2025

COMPARUTIONS :

Pour l’appelant :

Me Richard Généreux

 

Avocat de l’intimé :

Me Marie-Claude Landry

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Pour l’appelant :

Nom :

Me Richard Généreux

Cabinet :

Services Juridiques Evolex Inc.

Pour l’intimé :

Shalene Curtis-Micallef
Sous-procureure générale du Canada
Ottawa, Canada

 



[1] Girao v. Cunningham, 2020 ONCA 260, par. 25, renvoyant à Blake v. Dominion of Canada General Insurance Company, 2015 ONCA 165, par. 54.

[2] Ibid, par. 33.

[3] Paradis Honey Ltd. c. Canada (Agriculture et Agroalimentaire), 2024 CF 1921, par. 44.

[4] Bruno v. DaCosta, 2020 ONCA 602, par. 55.

[5]Recueil de documents de l’intimé, onglet 19.

[6] Pièce I-4, recueil de documents de l’intimé, onglet 5, relevés bancaires d’Absystem.

[7] Pièce I-5, recueil de documents de l’intimé, onglet 6.

[8] Inscription de 17 055 $ CA par Mme Ngo, pièce I-9, p. 66.

[9] Il est question de cette exclusion dans le résumé de l’avoir net de 2014, pièce A-2, p. 7, ligne intitulée « Virement provenant de la société de gestion en France ». Aux pages 64 et 65, Mme Ngo a relié le solde du redressement de 28 000 $ à la page 79 de la pièce I-9.

[10] Pièce I-9, p. 20, ligne 2, et exclusion.

[11] Transcription du témoignage principal de Mme Ngo, le 18 mars 2025, p. 71 et 72 [non souligné dans l’original].

[12] Pièce A-2, copie de la lettre et des pièces jointes de l’ARC fournie par l’appelant, p. 28 et 29, soit FT-8000R-18, p. 1 et 2; l’inscription se trouve au bas de la p. 29.

[13] Loi, par. 152(3.1), définition de « période normale de nouvelle cotisation » (« normal reassessment period »).

[14] Boies c. Agence du revenu du Québec, 2021 QCCA 107, par. 38 [non souligné dans l’original].

[15] Boismenu c. Agence du revenu du Québec, 2024 QCCA 962, par. 19.

[16] Ibid, par 27.

[17] Ibid, par. 28 [non souligné dans l’original].

[18] Wynter c. Canada, 2017 CAF 195, par. 17.

[19] Venne c. Canada (Ministre du Revenu national – MRN), 1984] C.T.C. 223, 84 D.T.C. 6247 (CF 1re inst.), par. 37

[20] Transcription de l’audience du 19 mars, p. 125, lignes 12 à 15.

[21] Transcription de l’audience du 19 mars, p. 128, lignes 24 à 26.

[22] Observations écrites supplémentaires de l’appelant, par. 5.

[23] Ibid, p. 124.

[24] 410812 Ontario Limited c. La Reine, 2001-3861-GST-I.

[25] Ibid, par. 34.

[26] 943372 Ontario Inc. c. La Reine, 2007 CCI 294, par. 14.

[27] Lederman et al., Sopinka, Lederman & Bryant - The Law of Evidence in Canada, 6e éd. (LexisNexis Canada Inc. 2022) [Sopinka] § 5.02 [1], par. 5.6 et 5.7.

[28] Observations écrites supplémentaires de l’appelant, par. 5.

[29] Sopinka § 3.03 [1], par. 3.10.

[30] Ibid.

[31] Voir G. Mew et al., The Law of Limitations, 4e éd. (Lexis Nexis Canada Inc. 2023), ch. 5.05.

[32] Ibid.

[33] R. c. Schwartz, [1988] 2 R.C.S. 443, p. 466 et 467 [non souligné dans l’original]; Sopinka § 3.26.

[34] Sopinka, 3.9 et voir aussi § 5.02 [1], 5.5.

[35] Ibid, § 3.03 [3], 3.26.

[36] Ibid, § 3.04 [1], 3.28, renvoyant à R. v. Hunt, [1987] A.C. 352, p. 385 (H.L.).

[37] Ibid, 3.8 et voir aussi § 5.02 [1], 5.5.

[38] Ibid, 3.12.

[39] Ibid, 3.10.

[40] Code Civil du Québec, S.Q., 1991, c. 64, art. 2921.

[41] Markevich c. Canada, 2003 CSC 9, par. 13 et 16.

[42] Barber c. Québec (Sous-Ministre du Revenu), 2008 QCCA 1421, par. 33.

[43] Misiak c. La Reine, 2011 CCI 1, par. 16.

[44] Ibid, par. 17, [non souligné dans l’original].

[45] Sopinka, 5.02 [1], 5.7

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