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Dossier : 2011-472(IT)I

ENTRE :

CLAUDE MASSON,

appelant,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée,

et

 

CHANTAL BOUTHILLIER,

partie jointe.

____________________________________________________________________

Appels entendus le 5 juin 2013, à Montréal (Québec).

Devant : L'honorable juge Réal Favreau

 

Comparutions :

 

Pour l'appelant :

l'appelant lui-même

Avocate de l'intimée :

Me Chantal Roberge

Julien Wohlhuter (stagiaire en droit)

Pour la partie jointe:

Personne n'a comparu

____________________________________________________________________

 

JUGEMENT

        Les appels à l’encontre des nouvelles cotisations établies par le ministre du Revenu national en vertu de la Loi de l’impôt sur le revenu en date du 14 décembre 2010 à l’égard de l’année d’imposition 2007 et en date du 17 septembre 2009 à l’égard de l’année d’imposition 2008 sont rejetés, conformément aux motifs du jugement ci-joint.

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 11e jour de septembre 2013.

 

« Réal Favreau »

Juge Favreau


 

 

 

 

Référence : 2013 CCI 277

Date : 20130911

Dossier : 2011-472(IT)I

ENTRE :

CLAUDE MASSON,

appelant,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée,

et

 

CHANTAL BOUTHILLIER,

partie jointe.

 

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT

 

 

Le juge Favreau

 

[1]             Il s’agit d’appels selon la procédure informelle à l’encontre de nouvelles cotisations établies par le ministre du Revenu national (le « ministre ») en vertu de la Loi de l’impôt sur le revenu, L.R.C. (1985), ch. 1 (5e suppl.), telle que modifiée (la « Loi ») et datées du 14 décembre 2010 à l’égard de l’année d’imposition 2007 et du 17 septembre 2009 à l’égard de l’année d’imposition 2008.

 

[2]             En vertu d’une ordonnance de la Cour datée du 17 avril 2012 émise en vertu de l’alinéa 174(3)(b) de la Loi, Chantal Bouthillier a été jointe aux appels de Claude Masson à l’encontre des nouvelles cotisations ci-dessus mentionnées. À l’ouverture de l’audience, les parties ont consenti à ce que les appels soient entendus malgré l’absence de la partie jointe.

 

 

[3]             Les questions en litige sont les suivantes :

 

(a)     Claude Masson peut-il déduire, dans le calcul de son revenu pour les années d’imposition 2007 et 2008, les sommes suivantes payées à Chantal Bouthillier au cours de chacune de ces années d’imposition à titre de pension alimentaire pour enfant :

 

2007 :         4 812 $

2008 :         4 440 $

 

(b)     Chantal Bouthillier doit-elle inclure, dans le calcul de son revenu pour les années d’imposition 2007 et 2008, les sommes suivantes reçues de Claude Masson au cours de chacune de ces années d’imposition à titre de pension alimentaire pour enfant :

 

          2007 :         4 812 $

          2008 :         4 440 $

 

[4]             Pour établir la nouvelle cotisation du 14 décembre 2010 pour l’année d’imposition 2007 et pour établir et maintenir la nouvelle cotisation pour l’année d’imposition 2008, le ministre s’est fondé sur les conclusions et hypothèses de fait suivantes décrites au paragraphe 8 de la Réponse à l’avis d’appel, à savoir :

 

a)         L’appelant et Madame Chantal Bouthillier, ex-conjointe de fait, ont cessé de faire vie commune le 1er janvier 1997; (admis)

 

b)         de leur union est née l’enfant J en 1996; (admis)

 

c)         depuis la séparation, l’appelant verse à son ex-conjointe, une pension alimentaire de 340 $ mensuellement, équivalent à un montant annuel de 4 080 $; (admis)

 

d)         une requête pour garde d’enfant et pension alimentaire a été déposée à la Cour Supérieure du Québec le ou vers le mois d’avril 1997 et a été signifiée à l’appelant le 7 mai 1997; (admis)

 

e)         en date du 17 juillet 1997, un jugement a été rendu par la Cour Supérieur  (sic) afin d’entériner le consentement sur mesures accessoires conclu entre les parties. Le jugement reconnaît que l’appelant a toujours payé, depuis janvier 1997, une pension alimentaire de 340 $ par mois et confirme qu’à compter du 1er juin 1997, l’appelant paiera à son ex-conjointe une pension alimentaire de 340 $ par mois; (admis)

 

f)         en août 2003 les parties ont réciproquement demandé des requêtes devant la Cour afin de faire modifier le jugement rendu le 17 juillet 1997 en regard de la garde, des droits d’accès et de la pension alimentaire; (nié pour la pension alimentaire)

 

g)         compte tenu de l’élargissement des périodes de garde auprès de l’enfant, l’appelant a été informé par ses procureurs, en date du 15 août 2003, qu’il pourrait être justifié de demander une diminution de la pension alimentaire à 4 019,30 $ par année; (admis)

 

h)         on l’informait également qu’à moins d’avis contraire de sa part, la pension alimentaire sera maintenue sans changement; (admis)

 

i)          en date du 20 et du 26 août 2003, les parties et leur procureur respectif ont signé le consentement à jugement qui indique que la pension alimentaire que l’appelant versera à son ex-conjointe, pour le bénéfice de l’enfant, s’élèvera à 4 019,30 $ par année, payable conformément à la Loi facilitant le paiement des pensions alimentaires au moyen de deux versements le 1er et le 15 de chaque mois et ce, à compter du 1er septembre 2003; (admis)

 

[5]             En vertu du jugement rendu par la Cour Supérieure du Québec en date du 17 juillet 1997, le montant de la pension alimentaire payable à Chantal Bouthillier devait être indexé selon l’Indice des prix à la consommation pour Montréal (l’« IPC Montréal ») en janvier de l’année suivante selon la moyenne des douze (12) mois précédents.

 

[6]             En vertu du consentement à jugement entériné par la Cour Supérieure du Québec en date du 28 août 2003, le montant de la pension alimentaire que l’appelant devait verser à son ex-conjointe a été établi à 4 019,30 $ par année à compter du 1er septembre 2003 et ladite pension alimentaire devait être indexée conformément à la Loi (Code civil du Québec) le 1er janvier de chaque année.

 

[7]             Il a été mis en preuve que madame Bouthillier n’a pas initialement déclaré dans son revenu pour les années d’imposition 2007 et 2008 les montants de pension alimentaire que lui a versés son ex-conjoint mais elle a présenté le 24 novembre 2011 des demandes de redressement d’une T-1 pour chacune de ces années en ajoutant à la ligne 156 de ses déclarations de revenu un montant de 4 812 $ pour 2007 et de 4 740 $ pour 2008. La partie imposable des montants de pension alimentaire n’était pas précisée.

 

[8]             L’appelant a mis en preuve un ensemble de lettres et de documents provenant de son avocate, Me Edith Provost, relativement à son dossier matrimonial.

 

[9]             Dans une lettre adressée à l’avocate de madame Bouthillier, Me Yves Barron, en date du 15 novembre 2002, Me Provost propose que la pension alimentaire fixée antérieurement soit maintenue telle quelle et continue d’être fiscalisée.

 

[10]        Dans une autre lettre datée du 15 août 2003 adressée à l’appelant, Me Provost a indiqué ce qui suit à la page 4 de sa lettre déposée comme pièce A-3 :

 

« Nous avons pris note de votre volonté de maintenir, sans aucun changement, la pension alimentaire antérieure considérant que votre unique objectif est d’obtenir une présence et protection accrues auprès de votre fille et l’engagement de Madame de ne pas consommer en sa présence. »

 

[11]        Dans une requête à la Cour Supérieure du Québec datée du 1er juillet 2008, il a été alléguée ce qui suit :

 

14. La défenderese a toutefois consenti à la garde partagée à compter de l’année 2003, que conditionnellement au maintien de la pension alimentaire et des bénéfices fiscaux, tel qu’il appert plus amplement de l’engagement communiqué au soutien des présentes sous la cote P-4;

 

[12]        Dans une lettre sans destinataire datée du 23 octobre 2009, Me Provost a fourni l’information suivante :

 

Ainsi, notre client, soucieux d’obtenir des journées additionnelles de garde auprès de son enfant J, a accepté de n’effectuer aucune modification à la pension alimentaire antérieure, malgré un élargissement de ses temps de garde auprès de sa fille.

 

[13]        Dans une autre lettre sans destinataire datée du 6 décembre 2010, Me Provost a indiqué qu’elle a reçu de l’autre partie le projet de consentement indiquant la pension alimentaire de 4 019,30 $ qu’elle a présumée être identique à la pension alimentaire antérieurement payée. En voici quelques extraits tirés des pages 2 et 3 :

 

« C’est donc par erreur que la soussignée a alors précisé qu’il n’y avait pas de problématique à repréciser le montant de la pension alimentaire actuelle, puisqu’il s’agissait du même montant, sans en faire une vérification pointue.

 

De fait, il aurait été plus indiqué de préciser que la pension alimentaire fixée par l’entente antérieure était maintenue sans modification, et sans en préciser le montant et courir ainsi le risque d’une erreur d’inscription.

Malheureusement, une erreur d’inscription s’est glissée dans la transcription du montant de la pension alimentaire antérieure, en ce que la pension alimentaire indiquée au consentement de 4 019,30 $/par année aurait dû être plutôt inscrite au montant de 4 571,66 $. »

 

Prétentions des parties

 

[14]        L’appelant allègue qu’il a toujours eu l’intention de continuer de payer la pension alimentaire prévue à l’entente de juillet 1997 et qu’il a, dans les faits, constamment versé au cours des dernières années à madame Bouthillier des montants de pension supérieurs à ce qu’il aurait dû payer selon l’entente du mois d’août 2003.

 

[15]        La position de madame Bouthillier est à l’effet qu’il y a une entente modificatrice de la pension alimentaire après le 30 avril 1997, ce qui a fait perdre à l’appelant le bénéfice de la déductibilité des paiements de pension alimentaire.

 

Analyse et conclusion

 

[16]        Le traitement fiscal d’une pension alimentaire pour enfant dépend de la date à laquelle l’accord entre les parties a été conclu ou de la date à laquelle une ordonnance de la Cour ayant compétence en la matière a été rendue. Ce concept a été introduit dans la Loi par la définition de la «date d’exécution » que l’on retrouve au paragraphe 56.1(4) et qui se lit comme suit :

 

(4) Les définitions qui suivent s’appliquent au présent article et à l’article 56.

 

« date d’exécution » Quand à un accord ou une ordonnance :

 

a) si l’accord ou l’ordonnance est établi après avril 1997, la date de son établissement;

 

b) si l’accord ou l’ordonnance est établi avant mai 1997, le premier en date des jours suivants, postérieur à avril 1997 :

 

(i) le jour précisé par le payeur et le bénéficiaire aux termes de l’accord ou de l’ordonnance dans un choix conjoint présenté au ministre sur le formulaire et selon les modalités prescrits,

 

(ii) si l’accord ou l’ordonnance fait l’objet d’une modification après avril 1997 touchant le montant de la pension alimentaire pour enfants qui est payable au bénéficiaire, le jour où le montant modifié est à verser pour la première fois,

 

(iii) si un accord ou une ordonnance subséquent est établi après avril 1997 et a pour effet de changer le total des montants de pension alimentaire pour enfants qui sont payables au bénéficiaire par le payeur, la date d’exécution du premier semblable accord ou de la première semblable ordonnance,

 

(iv) le jour précisé dans l’accord ou l’ordonnance, ou dans toute modification s’y rapportant, pour l’application de la présente loi.

 

[17]        La Loi est très claire. Si un accord ou une ordonnance établie avant mai 1997 fait l’objet d’une modification après avril 1997 quant au montant de la pension alimentaire pour enfant qui est payable au bénéficiaire, la date d’exécution de l’accord ou de l’ordonnance devient celle où le montant modifié est à verser pour la première fois.

 

[18]        Sans tenir compte du facteur indexation, la pension alimentaire payée en 1997 est passée de 4 080 $ par année à 4 019,30 $ en 2003. En tenant compte du facteur indexation, la pension alimentaire aurait dû être de 4 608,08 $ selon l’IPC Montréal et de 4 571,66 $ selon le Code civil du Québec. Il y a donc eu une diminution substantielle du montant de la pension alimentaire attribuable à une augmentation du temps de garde de l’enfant par son père.

 

[19]        Selon ce qui a été mis en preuve, non seulement le montant de la pension alimentaire a-t-il été diminué mais également, il y a eu des modifications quant aux modalités d’indexation et quant au mode de versement de la pension alimentaire. Selon l’ordonnance de 2003, la pension alimentaire doit être indexée conformément à la Loi, le 1er janvier de chaque année alors qu’en vertu de l’ordonnance de 1997, la pension alimentaire devait être indexé en vertu de l’IPC Montréal en janvier de l’année suivante selon la moyenne des douze (12) mois précédents. Pour ce qui est du mode de versement de la pension alimentaire, l’ordonnance de 1997 prévoyait le versement d’une pension alimentaire payable le 1er jour de chaque mois alors que l’ordonnance de 2003 prévoyait le paiement d’une pension alimentaire de 4 019,30 $ par année, payable conformément à la Loi facilitant le paiement des pensions alimentaires au moyen de deux versements le 1er et le 15 de chaque mois. Il faut mentionné ici que les parties ont consenti à ce que le père soit exempté de l’obligation de verser la pension alimentaire directement au Ministère du revenu du Québec pour le bénéfice de l’enfant, en conformité avec l’article 3 de la Loi facilitant le paiement des pensions alimentaires moyennant son engagement à fournir la sûreté exigée par le Ministère du revenu du Québec pour garantir le paiement de la pension alimentaire.

 

[20]        La principale prétention de l’appelant repose sur le fait que son ex-conjointe et lui-même n’avaient pas l’intention d’apporter une modification au montant de la pension alimentaire payable en vertu de l’ordonnance de 1997 et il a fait référence aux lettres de son avocate pour confirmer l’intention des parties.

 

[21]        Les procureurs de l’intimée ont cité l’arrêt Friedberg c Canada, (C.A.F.) [1991] A.C.F. no 1255 pour établir le principe que « la preuve d’une intention subjective ne peut servir à « rectifier » des documents qui s’orientent clairement vers une direction précise ». Selon eux, les lettres de l’avocate de l’appelant n’ont aucune valeur probante parce que l’auteure de ces lettres n’a pu être contre-interrogée et parce que madame Bouthillier n’était pas partie à ces lettres dont certaines ont été rédigées à la demande de l’appelant dans le cadre de son litige avec l’Agence du revenu du Canada plus de sept (7) ans après les faits survenus en 2003.

 

[22]        Quelle qu’ait été l’intention des parties à l’ordonnance de 2003, la preuve ne révèle aucunement que les montants payés par l’appelant à titre de pension alimentaire pour les années 2007 et 2008 correspondent au montant payable selon l’entente du 5 avril 1997. Même si l’appelant a toujours payé plus que le montant de 4 019,30 $ par année à compter du 1er septembre 2003, il n’en demeure pas moins que cet état du fait ne lui confère pas le bénéfice de la déductibilité des paiements de pension alimentaire si les critères d’admissibilité énoncés dans la Loi ne sont plus satisfaits.

 

[23]        Je ne peux souscrire à la thèse de l’appelant que la diminution du montant de la pension alimentaire à compter du 1er septembre 2003 était théorique et fictive et ne correspondait pas à la réalité.

 

[24]        Lors de l’audience, la Cour fut informée que le juge Georges Massol de la Cour du Québec avait rendu une décision en date du 29 mai 2012 par laquelle il a rejeté les appels de monsieur Claude Masson concernant la déductibilité aux fins de la Loi sur les impôts du Québec, des paiements de pension alimentaire versés à madame Bouthillier au cours des années d’imposition 2005, 2006, 2007 et 2008.

 

[25]        Pour ces raisons, les appels de l’appelant sont rejetés.

 

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 11e jour de septembre 2013.

 

 

 

« Réal Favreau »

Juge Favreau

 

 


RÉFÉRENCE :                                 2013 CCI  277

 

Nº DU DOSSIER DE LA COUR :    2011-472(IT)I

 

INTITULÉ DE LA CAUSE :            Claude Masson et Sa Majesté la Reine et Chantal Bouthillier

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                Montréal (Québec)

 

DATE DE L’AUDIENCE :               le 5 juin 2013

 

MOTIFS DU JUGEMENT PAR :     L'honorable juge Réal Favreau

 

DATE DU JUGEMENT :                 le 11 septembre 2013

 

COMPARUTIONS :

 

Pour l'appelant :

l'appelant lui-même

Avocate de l'intimée :

Me Chantal Roberge

Julien Wohlhuter (stagiaire en droit)

Pour la partie jointe :

Personne n'a comparu

 

AVOCAT INSCRIT AU DOSSIER :

 

       Pour l'appelant:

 

                     Nom :                          

 

                 Cabinet :

 

       Pour l’intimée :                          William F. Pentney

                                                          Sous-procureur général du Canada

                                                          Ottawa, Canada

 

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