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Dossier : 2013-931(IT)APP

ENTRE :

 

MARTHA PALUBJAK,

requérante,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

 

Demande entendue les 26 juin et 15 juillet 2013 à Toronto (Ontario)

 

Devant : L’honorable juge Judith M. Woods

 

Comparutions :

 

Pour la requérante :

La requérante elle-même

 

Avocate de l’intimée :

Me Rita Araujo

 

 

 

ORDONNANCE

          La demande de prorogation du délai imparti pour déposer un avis d’opposition à l’égard d’une cotisation établie en vertu de la Loi de l’impôt sur le revenu pour l’année d’imposition 2008 est rejetée. Chaque partie supportera les dépens qui lui sont propres.

 

       Signé à Ottawa (Ontario), ce 13e jour de septembre 2013.

 

 

« J. M. Woods »

Juge Woods

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 4e jour de novembre 2013.

 

S. Tasset

 

 


 

 

Référence : 2013 CCI 285

Date : 20130913

Dossier : 2013-931(IT)APP

ENTRE :

 

MARTHA PALUBJAK,

requérante,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE

La juge Woods

[1]             La requérante, Martha Palubjak, demande la prorogation du délai imparti pour signifier un avis d’opposition. Le ministère public s’oppose à cette demande au motif que la requérante n’a pas présenté au préalable une demande en temps opportun au ministre du Revenu national, ainsi que le prescrit l’alinéa 166.2(5)a) de la Loi de l’impôt sur le revenu.

[2]             L’opposition a trait à une nouvelle cotisation établie en vertu de la Loi pour l’année d’imposition 2008. La question sur laquelle porte l’opposition consiste à savoir si Mme Palubjak a fait un don de bienfaisance valide dans le cadre d’un arrangement de donation appelé « Global Learning Donation Program ».

Les dispositions législatives applicables

[3]             Les exigences auxquelles il est nécessaire de satisfaire pour que la Cour accueille la demande sont exposées à l’article 166.2 de la Loi. Aux termes de l’alinéa 166.2(5)a), Mme Palubjak doit avoir demandé une prorogation de délai au ministre du Revenu national dans l’année suivant l’expiration du délai par ailleurs imparti pour signifier un avis d’opposition.

[4]             Les articles 166.1 et 166.2 sont tous deux pertinents, et leur texte est en partie le suivant :

166.1(1) Prorogation du délai par le ministre. Le contribuable qui n’a pas signifié d’avis d’opposition à une cotisation en application de l’article 165 ni présenté de requête en application du paragraphe 245(6) dans le délai imparti peut demander au ministre de proroger le délai pour signifier l’avis ou présenter la requête.

(2) Contenu de la demande. La demande doit indiquer les raisons pour lesquelles l’avis d’opposition n’a pas été signifié ou la requête, présentée dans le délai par ailleurs imparti.

(3) Modalités. La demande, accompagnée d’un exemplaire de l’avis d’opposition ou de la requête, est envoyée au chef des Appels d’un bureau de district ou d’un centre fiscal de l'Agence du revenu du Canada soit par personne, soit par courrier.

[…]

(7) Conditions d’acceptation de la demande. Il n’est fait droit à la demande que si les conditions suivantes sont réunies :

a) la demande est présentée dans l’année suivant l’expiration du délai par ailleurs imparti pour signifier un avis d’opposition ou présenter une requête;

b) le contribuable démontre ce qui suit :

(i) dans le délai par ailleurs imparti pour signifier l’avis ou présenter la requête, il n’a pu ni agir ni charger quelqu’un d’agir en son nom, ou il avait véritablement l’intention de faire opposition à la cotisation ou de présenter la requête,

(ii) compte tenu des raisons indiquées dans la demande et des circonstances de l’espèce, il est juste et équitable de faire droit à la demande,

(iii) la demande a été présentée dès que les circonstances le permettaient.

 

166.2(1) Prorogation du délai par la Cour canadienne de l’impôt. Le contribuable qui a présenté une demande en application de l’article 166.1 peut demander à la Cour canadienne de l’impôt d’y faire droit après :

            a) le rejet de la demande par le ministre;

                        b) l’expiration d’un délai de 90 jours suivant la présentation de la demande, si le ministre n’a pas avisé le contribuable de sa décision.

Toutefois, une telle demande ne peut être présentée après l’expiration d’un délai de 90 jours suivant la date de la mise à la poste de l’avis de la décision au contribuable.

(2) Modalités. La demande se fait par dépôt au greffe de la Cour canadienne de l’impôt, conformément à la Loi sur la Cour canadienne de l’impôt, de trois exemplaires des documents visés au paragraphe 166.1(3) et de trois exemplaires de l’avis visé au paragraphe 166.1(5).

[…]

(5) Acceptation de la demande. Il n’est fait droit à la demande que si les conditions suivantes sont réunies :

            ala demande a été présentée en application du paragraphe 166.1(1) dans l’année suivant l’expiration du délai par ailleurs imparti pour signifier un avis d’opposition ou présenter une requête;

            b) le contribuable démontre ce qui suit :

(i) dans le délai par ailleurs imparti pour signifier l’avis ou présenter la requête, il n’a pu ni agir ni charger quelqu’un d’agir en son nom, ou il avait véritablement l’intention de faire opposition à la cotisation ou de présenter la requête,

(ii) compte tenu des raisons indiquées dans la demande et des circonstances de l’espèce, il est juste et équitable de faire droit à la demande,

(iii) la demande a été présentée dès que les circonstances le permettaient.

[Non souligné dans l’original.]

Le contexte factuel

[5]             L’historique des cotisations relatives à l’année d’imposition 2008 est assez long, et les éléments de preuve qui suivent en révèlent la chronologie. Certaines des dates indiquées sont approximatives.

a)    26 mars 2009 – Établissement de la première cotisation.

b)    1er avril 2010 – Établissement d’une nouvelle cotisation.

c)    23 août 2010 – Établissement d’une nouvelle cotisation.

d)    6 octobre 2010 – Dépôt d’un avis d’opposition.

e)    7 avril 2011 – Établissement d’une nouvelle cotisation.

f)     avril ou mai 2012 – Dépôt d’un avis d’opposition.

g)    22 mai 2012 – l’Agence du revenu du Canada (ARC) reconnaît qu’un avis d’opposition relatif à l’année d’imposition 2008 a été déposé le 21 avril 2012, et indique que l’opposition est refusée car elle est hors délai. Elle fait savoir de plus qu’une demande de prorogation de délai peut être déposée et que le délai applicable à cette demande est le 6 juillet 2012.

h)    30 novembre 2012 – Dépôt d’un avis d’opposition.

i)     24 janvier 2013 – L’ARC informe Mme Palubjak que l’avis d’opposition est refusé car il est hors délai. La lettre l’informe également qu’elle a dépassé le délai imparti pour demander une prorogation.

j)     14 mars 2013 – Mme Palubjak demande à la Cour canadienne de l’impôt une prorogation du délai imparti pour le dépôt d’un avis d’opposition.

Analyse

[6]             Pour que la présente demande soit accueillie, Mme Palubjak doit avoir présenté une demande semblable au ministre du Revenu national au plus tard le 6 juillet 2012 (alinéa 116.2(5)a)). Ce délai est postérieur d’un an à la date prévue pour déposer un avis d’opposition à l’égard de la nouvelle cotisation établie le 7 avril 2011.

[7]             Si j’ai bien compris l’argumentation de Mme Palubjak, cette dernière fait valoir qu’elle a fait de son mieux pour se conformer à la loi. Elle soutient qu’elle avait affaire à des oppositions relatives à plusieurs années d’imposition et que les procédures étaient difficiles. Elle a déclaré que lorsqu’elle a reçu la troisième nouvelle cotisation, datée du 7 avril 2011, au sujet de l’année d’imposition 2008, on l’a informée qu’une autre lettre lui serait envoyée et qu’elle a déposé un avis d’opposition en mai 2012 dès qu’elle a reçu la lettre en question.

[8]             Je suis bien d’accord avec Mme Palubjak que les circonstances entourant ses affaires fiscales étaient compliquées. Elle avait affaire en même temps à des oppositions portant sur plusieurs années d’imposition et, pour l’année d’imposition 2008 seulement, quatre cotisations avaient été établies. Chacune de celles qu’elle contestait devait faire l’objet d’un avis d’opposition distinct. Par ailleurs, en plus d’avoir affaire à la Division des appels, Mme Palubjak devait aussi traiter, semble-t-il, avec le service du recouvrement.

[9]             La situation de Mme Palubjak est loin d’être unique. Le législateur a adopté un mécanisme d’opposition complexe dans lequel les contribuables et leurs conseillers ont parfois de la difficulté à naviguer. Les exigences législatives sont strictes et on ne peut pas accorder une réparation pour une simple question d’équité. Toutefois, les dispositions législatives applicables doivent être interprétées d’une manière qui favorise le règlement des litiges sur le fond.

[10]        Dans le cas présent, j’ai conclu que Mme Palubjak n’a pas satisfait à l’exigence énoncée à l’alinéa 166.2(5)a), à savoir qu’une demande de prorogation de délai doit être présentée au ministre dans le délai imparti.

[11]        La première lettre reçue après la nouvelle cotisation applicable a été un avis d’opposition déposé aux environs d’avril ou de mai 2012. L’ARC a informé Mme Palubjak, par une lettre datée du 22 mai 2012, que son opposition datée du 21 avril 2012 était hors délai et qu’il fallait demander une prorogation de délai. Une partie de cette lettre de l’ARC est reproduite ci-dessous :

[traduction

Vous pouvez demander une prorogation du délai imparti pour déposer votre opposition concernant l’année 2008. Pour ce faire, veuillez envoyer ce qui suit :

-          une lettre adressée au chef des Appels, indiquant pourquoi l’avis d’opposition n’a pas été déposé dans le délai imparti;

-          une copie de l’avis d’opposition, énonçant les faits et les motifs de l’opposition.

Vous devez déposer votre demande le plus tôt possible, mais pas plus tard que le 6 juillet 2012, soit un an après la date à laquelle vous deviez déposer votre opposition.

[12]        Cette lettre était une mesure raisonnable de la part de l’ARC. Pour pouvoir accorder une prorogation de délai, le ministre doit examiner pourquoi le contribuable n’a pas déposé un avis d’opposition dans le délai imparti. Le ministre a invité Mme Palubjak à fournir cette information avant l’expiration du délai, mais celle-ci ne l’a pas fait.

[13]        Mme Palubjak a déclaré qu’elle a trouvé la lettre du 22 mai 2012 déroutante, d’autant plus que cette dernière indiquait que la date de son avis d’opposition était le 21 avril 2012. Elle soutient que l’avis d’opposition a été déposé le 9 mai 2012.

[14]        Il s’agit là d’une explication insatisfaisante. Il ressort clairement de la lettre de l’ARC qu’il fallait déposer une demande de prorogation, expliquant pourquoi l’avis d’opposition n’avait pas été déposé dans le délai imparti. Même si Mme Palubjak, comme celle-ci le prétend, a déposé l’avis d’opposition le 9 mai 2012, la lettre de l’ARC du 22 mai 2012 lui a fait savoir que cet avis n’était vraisemblablement pas adéquat.

[15]        Bien que je sois quelque peu sensible au fait que Mme Palubjak a eu de la difficulté à naviguer à travers les exigences relatives aux avis d’opposition, la preuve ne me convainc pas qu’elle a satisfait aux conditions énoncées à l’alinéa 166.2(5)a).

[16]        La demande est rejetée.

[17]        Enfin, je tiens à souligner qu’à l’audience j’ai demandé aux parties d’examiner la question de savoir s’il fallait considérer l’avis d’opposition comme une demande de prorogation de délai.

[18]        Peu après l’audience, l’avocate du ministère public a porté à mon attention une décision de la Cour d’appel fédérale qui avait une incidence sur la question en litige en l’espèce : Pereira c La Reine, 2008 CAF 264. L’appel a été rouvert en vue d’entendre des observations sur cette décision.

[19]        Vu la conclusion à laquelle je suis arrivée, il n’est pas nécessaire que j’examine l’application possible de l’arrêt Pereira, dont les faits sont nettement différents de ceux dont il est question ici. Il vaut mieux laisser ce point en suspens pour le moment, mais je tiens à remercier l’avocate du ministère public d’avoir porté cette décision à mon attention.

 

       Signé à Ottawa (Ontario), ce 13e jour de septembre 2013.

 

 

« J. M. Woods »

Juge Woods

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 4e jour de novembre 2013.

 

S. Tasset

 

 


RÉFÉRENCE :                                 2013 CCI 285

 

No DU DOSSIER DE LA COUR :    2013-931(IT)APP

 

INTITULÉ :                                      MARTHA PALUBJAK et
SA MAJESTÉ LA REINE

 

LIEU DE L'AUDIENCE :                 Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :               Les 26 juin et 15 juillet 2013

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE :   L’honorable juge J.M. Woods

 

DATE DE L’ORDONNANCE :       Le 13 septembre 2013

 

COMPARUTIONS :

 

Pour la requérante :

La requérante elle-même

 

Avocate de l’intimée :

Me Rita Araujo

 

AVOCATS INSCRITS
AU DOSSIER

 

       Pour l’appelante :

 

                             Nom :                   S.O.

 

                        Cabinet :                  

 

              Pour l’intimée :                   William F. Pentney

                                                          Sous-procureur général du Canada

                                                          Ottawa (Ontario)

 

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