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Dossier : 2012-5059(IT)I

ENTRE :

 

NGOC NAM VO,

appelant,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

____________________________________________________________________

 

Appel entendu le 10 octobre 2013 à Windsor (Ontario).

 

Devant : L’honorable juge Judith M. Woods

 

Comparutions :

 

Pour l’appelant :

L’appelant lui‑même

 

Avocate de l’intimée :

Me Alexandra Humphrey

____________________________________________________________________

 

JUGEMENT

          L’appel interjeté à l’encontre des cotisations établies au titre de la Loi de l’impôt sur le revenu relativement aux années d’imposition 2004 et 2005 est rejeté. Chaque partie assumera ses propres frais.

 

 

       Signé à Ottawa (Ontario), ce 28e jour d’octobre 2013.

 

 

« J. M. Woods »

Juge Woods

 

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 10e jour de décembre 2013.

 

C. Laroche

 


 

 

 

 

Référence : 2013 CCI 343

Date : 20131028

Dossier : 2012-5059(IT)I

ENTRE :

 

NGOC NAM VO,

appelant,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

MOTIFS DU JUGEMENT

 

La juge Woods

 

[1]             M. Ngoc Nam Vo fait appel des cotisations établies au titre de la Loi de l’impôt sur le revenu relativement aux années d’imposition 2004 et 2005, pour lesquelles les déductions effectuées pour des dons de bienfaisance lui ont été refusées. D’après ce qui est indiqué dans la réponse de la Couronne, les déductions demandées correspondaient à des dons de 13 612 $ et 17 136 $, respectivement.

 

[2]             Dans l’avis d’appel, M. Vo soutient que les déductions demandées devraient lui être accordées, car il a effectué ces dons en toute bonne foi.

 

[3]             La Couronne a présenté plusieurs arguments au soutien des cotisations établies. Elle soutient notamment qu’aucun don n’a été effectué.

 

[4]             À l’audience, M. Vo a témoigné pour son propre compte. La Couronne, quant à elle, a appelé comme témoin M. John Kajin, de l’Agence du revenu du Canada (l’« ARC »).

 

Le contexte

 

[5]             En 2009, l’ARC a amorcé une enquête au sujet d’un vaste stratagème de dons de bienfaisance frauduleux mis au point par MM. Festus Bayden et Eric Armah. Le stratagème consistait à produire des déclarations de revenus dans lesquelles des crédits étaient demandés pour de faux dons de bienfaisance. L’ARC estime à près de 10 millions de dollars le montant des réductions et remboursements d’impôt bidon qui ont été demandés. M. Bayden a quitté le territoire; M. Armah a plaidé coupable aux accusations et a été condamné à trois ans d’emprisonnement.

 

[6]             On trouve dans la transcription du procès pénal de M. Armah une description des principaux éléments du stratagème :

 

[traduction]

 

Le stratagème fonctionnait ainsi : les contribuables se rendaient au cabinet E & F pour la préparation de leur déclaration de revenus. Eric Armah ou Festus Bayden informait ces clients du fait qu’ils pouvaient obtenir un remboursement ou une réduction d’impôt plus importants s’ils faisaient un don à un organisme de bienfaisance donné, étant entendu que plus le don était élevé, plus le remboursement ou la réduction d’impôt seraient importants. Il s’agissait d’un faux don de bienfaisance en ce que le client versait à MM. Bayden et Armah, pour ce don, une somme bien moindre que celle figurant sur le reçu pour don de bienfaisance ou dans la déclaration de revenus du contribuable. En échange, MM. Armah et Bayden exigeaient du client un paiement égal à environ dix pour cent de la valeur nominale de la somme demandée dans sa déclaration de revenus pour le prétendu don de bienfaisance. Cette somme constituait, en réalité, le seul paiement effectué par les clients au titre du faux don de bienfaisance. Par ailleurs, MM. Armah et Bayden exigeaient généralement de chaque client une somme additionnelle variant entre 40 $ et 50 $ pour la production de chaque déclaration.

 

MM. Bayden et Armah remettaient aux clients qui le leur demandaient de faux reçus pour don de bienfaisance servant de justificatifs aux crédits demandés à ce titre dans leurs déclarations de revenus. Ces reçus portaient les noms de divers organismes de bienfaisance, dont les suivants : l’International Aid and Support Organization, l’Ave Development Foundation, Jesus is the Answer, Le Redemption Power International Ministry, Le Jesus Healing Center, All Nations Full Gospel, les City Chapel Ministries International, les Peace Light Ministries, la Liberty Parish, la Canafrica International Foundation, la Redeemer’s Victory Church, la Pentecostal Assembly Church International et la Christ Power Mission.

 

[7]             L’ARC a identifié M. Vo comme étant l’une des personnes ayant pris part au stratagème grâce à des documents qui appartenaient à MM. Bayden et Armah et qu’elle a saisis.

 

[8]             M. Vo a produit des reçus de dons pour les montants demandés. Ces reçus indiquent que des dons s’élevant à 13 612 $ et à 17 136 $, respectivement, auraient été faits à l’Ave Development Foundation (la « fondation »), l’un des organismes mentionnés dans l’extrait précité de la transcription.

 

[9]             À l’audience, M. Vo a livré un témoignage très différent des observations qu’il avait faites dans l’avis d’opposition et dans l’avis d’appel. Il a déclaré avoir fait des dons en espèces à la personne qui avait préparé ses déclarations de revenus. Ces prétendus dons s’élevaient à environ 1 300 $ et 1 700 $, respectivement, soit dix pour cent des montants des dons inscrits dans ses déclarations. M. Vo a dit avoir voulu venir en aide aux enfants démunis en Afrique sans savoir quelles en seraient les répercussions sur l’impôt qu’il aurait à payer.

 

Analyse et conclusion

 

[10]        L’article 118.1 de la Loi définit le cadre juridique permettant au contribuable de demander des crédits pour les dons de bienfaisance versés au cours d’une année d’imposition. La question qui se pose en l’espèce peut être formulée en termes simples : M. Vo a-t-il fait des dons à un organisme de bienfaisance en 2004 ou en 2005?

 

[11]        Après avoir considéré la preuve dans son ensemble, je suis arrivée à la conclusion que l’appel devait être rejeté, car M. Vo n’a pas établi qu’il avait fait quelque don que ce soit à un organisme de bienfaisance enregistré au cours de l’année d’imposition 2004 ou 2005. Ma conclusion repose sur cinq motifs.

 

[12]        Premièrement, M. Vo a déclaré que les dons n’avaient pas été faits au cours de l’année d’imposition en cause, mais bien l’année suivante. Il s’ensuit que si des dons ont été faits, ils l’ont été en 2005 et en 2006. Étant donné qu’aucun don n’a été fait en 2004, l’appel relatif à cette année d’imposition devrait être rejeté.

 

[13]        Deuxièmement, la preuve révèle que la fondation n’était vraisemblablement pas un organisme de bienfaisance enregistré lors des années d’imposition pertinentes. L’enregistrement de la fondation n’a eu lieu que l’année suivante. Ce constat suffit pour trancher l’appel eu égard aux deux années d’imposition.

 

[14]        Troisièmement, à l’audience, M. Vo a modifié la position qu’il avait fait valoir antérieurement dans son avis d’opposition et son avis d’appel. Non seulement a-t-il dit avoir versé des sommes qui ne représentaient qu’une fraction de celles qu’il avait d’abord affirmé avoir payées, mais il a aussi faussement déclaré, dans son avis d’appel, que, ayant consulté le site Web de l’ARC pour s’assurer que la fondation était un organisme de bienfaisance en règle, il était convaincu de l’authenticité des dons. Or, à l’audience, M. Vo a reconnu que cela était faux. Cet aveu amène à douter de la fiabilité de l’ensemble de son témoignage dans la mesure où il n’est pas corroboré par d’autres éléments de preuve.

 

[15]        Quatrièmement, rien dans la preuve ne montre que l’argent versé par M. Vo soit parvenu à la fondation ou à un autre organisme de bienfaisance. Cet argent a vraisemblablement été empoché en majeure partie, voire en totalité, par MM. Bayden et Armah.

 

[16]        Cinquièmement, dans son témoignage, M. Vo s’est présenté comme quelqu’un qui n’entendait rien aux aspects fiscaux du stratagème. Il a affirmé qu’il avait simplement voulu venir en aide aux enfants vivant dans la pauvreté en Afrique. Il est tout simplement impossible de prêter foi à cette affirmation. M. Vo a pris part à un stratagème menant à des réductions d’impôt considérables. Il a également fait de fausses déclarations dans l’avis d’opposition et l’avis d’appel. Je ne crois pas M. Vo lorsqu’il affirme qu’il était animé par un dessein charitable et qu’il ne savait rien des incidences fiscales du stratagème.

 

[17]        C’est à M. Vo qu’incombe le fardeau d’établir que des dons ont été faits à un organisme de bienfaisance enregistré. Il ne s’est pas acquitté de ce fardeau.

 

[18]        En raison des conclusions auxquelles je suis arrivée précédemment, je n’ai pas à examiner les autres arguments présentés par la Couronne.

 

[19]        Les cotisations devraient être confirmées et l’appel sera rejeté.

 

 

       Signé à Ottawa (Ontario), ce 28e jour d’octobre 2013.

 

 

« J. M. Woods »

Juge Woods

 

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 10e jour de décembre 2013.

 

C. Laroche

 


RÉFÉRENCE :                                 2013 CCI 343

 

No DU DOSSIER DE LA COUR :    2012-5059(IT)I

 

INTITULÉ :                                      NGOC NAM VO et SA MAJESTÉ LA REINE

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                Windsor (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :               Le 10 octobre 2013 

 

MOTIFS DU JUGEMENT :             L’honorable juge J.M. Woods

 

DATE DU JUGEMENT :                 Le 28 octobre 2013

 

COMPARUTIONS :

 

Pour l’appelant :

L’appelant lui‑même

 

Avocate de l’intimée :

Me Alexandra Humphrey

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

       Pour l’appelant :

 

                          Nom :                     s.o.

 

                            Cabinet :              

 

       Pour l’intimée :                          William F. Pentney

                                                          Sous‑procureur général du Canada

                                                          Ottawa (Ontario)

 

 

 

 

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