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Dossier : 2012-3668(EI)

ENTRE :

 

TINA KLASSEN,

appelante,

et

 

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimé.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

____________________________________________________________________

 

Appel entendu le 9 octobre 2013 à Windsor (Ontario)

 

Par : L’honorable juge Judith M. Woods

 

Comparutions :

 

Pour l’appelante :

L’appelante elle-même

 

Avocat de l’intimé :

Me Shane Aikat

____________________________________________________________________

 

JUGEMENT

          VU l’appel interjeté à l’encontre de la décision de l’intimé selon laquelle l’appelante n’a pas exercé un emploi assurable auprès de Southpoint Growers au cours de la période allant du 1er janvier 2011 au 31 décembre 2011,

 

          LA COUR STATUE que l’appel est rejeté et que la décision de l’intimé est confirmée.

 

       Signé à Toronto (Ontario), ce 31e jour d’octobre 2013.

 

 

« J. M. Woods »

Juge Woods

 

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 20e jour de décembre 2013.

 

C. Laroche


 

 

Référence : 2013 CCI 351

Date : 20131031

Dossier : 2012-3668(EI)

ENTRE :

 

TINA KLASSEN,

appelante,

et

 

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimé.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT

 

La juge Woods.

 

[1]             Tina Klassen a travaillé comme directrice de bureau pour une entreprise d’horticulture de serre en démarrage. L’entreprise, Southpoint Growers, était détenue et exploitée par les parents et le frère de Mme Klassen sous forme de société de personnes. L’entreprise a fermé ses portes après une saison et Mme Klassen a ensuite demandé des prestations au titre de la Loi sur l’assurance-emploi (la « Loi »).

 

[2]             Dans une lettre datée du 18 mai 2012, le ministre a conclu que Mme Klassen n’exerçait pas un emploi assurable, au motif que les modalités d’emploi n’étaient pas à peu près semblables à celles d’une relation où il n’y a pas de lien de dépendance. Mme Klassen soutient que cette décision n’est pas raisonnable et a interjeté appel devant la Cour canadienne de l’impôt.

 

[3]             La période pertinente va du 1er janvier 2011 au 31 décembre 2011.

 

Le contexte factuel

 

[4]             Mme Klassen est une administratrice de bureau compétente et expérimentée.

 

[5]             Mme Klassen s’est vu offrir, par contrat verbal, le poste de directrice de bureau pour Southpoint Growers à un salaire hebdomadaire de 400 $. Les parties conviennent qu’il s’agit d’un taux de rémunération raisonnable pour une semaine de travail de 16 heures. Mme Klassen travaillait chez elle, où elle s’occupait également de ses trois enfants.

 

[6]             Mme Klassen a d’abord commencé à aider l’entreprise à démarrer ses activités sans être rémunérée à cette fin au cours des mois de janvier et février 2011.

 

[7]             En mars et avril 2011, Mme Klassen a touché une rémunération de 75 $ par semaine seulement, laquelle rémunération visait à lui permettre d’être admissible à des prestations de maternité. Le manque à gagner devait être comblé à même les chèques de paie ultérieurs. Mme Klassen a reçu un remboursement partiel du manque à gagner en touchant une rémunération hebdomadaire de 500 $ pendant plusieurs semaines. Cependant, les paiements additionnels étaient bien inférieurs au montant total à rembourser.

 

[8]             L’entreprise n’a pas connu de succès et a commencé à réduire progressivement ses activités après la saison de végétation. En décembre 2011, Mme Klassen n’a reçu que 150 $ par semaine, en raison de la mauvaise situation financière de l’entreprise.

 

[9]             Au cours de l’année 2012, qui ne fait pas partie de la période visée, Mme Klassen a continué à aider l’entreprise à mettre fin à ses activités sans être rémunérée.

 

[10]        Bien que Mme Klassen n’ait pas tenu de registre de ses heures de travail, elle estime qu’en général, elle a travaillé de 16 à 20 heures par semaine, sauf en janvier, février et décembre, mois au cours desquels elle a travaillé de 25 à 30 heures par semaine.

 

[11]        Dans le cadre de ses fonctions, Mme Klassen devait se déplacer entre la ferme et son bureau et ses frais de déplacement lui étaient remboursés. Elle avait également un téléphone cellulaire afin de pouvoir être disponible en cas d’urgence.

 

[12]        Les autres travailleurs de la ferme étaient des travailleurs migrants qui touchaient régulièrement une paie calculée en fonction du salaire minimum.

 

Les dispositions législatives applicables

 

[13]        Les dispositions législatives applicables sont reproduites ci-dessous.

 

5. (2) Restriction - N’est pas un emploi assurable :

 

a) l’emploi occasionnel à des fins autres que celles de l’activité professionnelle ou de l’entreprise de l’employeur;

 

b) l’emploi d’une personne au service d’une personne morale si cette personne contrôle plus de quarante pour cent des actions avec droit de vote de cette personne morale;

 

c) l’emploi exercé au Canada et relevant de Sa Majesté du chef d’une province;

 

d) l’emploi exercé au Canada au service du gouvernement d’un pays étranger ou de celui d’une subdivision politique d’un tel pays;

 

e) l’emploi exercé au Canada au service d’un organisme international;

 

f) l’emploi exercé au Canada dans le cadre d’un programme d’échange mais non rétribué par un employeur résidant au Canada;

 

g) l’emploi qui constitue un échange de travail ou de services;

 

h) l’emploi exclu par règlement pris en vertu du présent article;

 

i) l’emploi dans le cadre duquel l’employeur et l’employé ont entre eux un lien de dépendance.

 

(3) Personnes liées - Pour l’application de l’alinéa (2)i) :

 

a) la question de savoir si des personnes ont entre elles un lien de dépendance est déterminée conformément à la Loi de l’impôt sur le revenu;

 

b) l’employeur et l’employé, lorsqu’ils sont des personnes liées au sens de cette loi, sont réputés ne pas avoir de lien de dépendance si le ministre du Revenu national est convaincu qu’il est raisonnable de conclure, compte tenu de toutes les circonstances, notamment la rétribution versée, les modalités d’emploi ainsi que la durée, la nature et l’importance du travail accompli, qu’ils auraient conclu entre eux un contrat de travail à peu près semblable s’ils n’avaient pas eu de lien de dépendance.

 

Analyse

 

[14]        Tel qu’il est mentionné plus haut, Mme Klassen soutient que la décision du ministre n’est pas raisonnable. Voici un résumé des arguments qu’elle a exposés dans son avis d’appel.

 

a)  D’autres employeurs sont disposés à venir en aide à leurs employés dans des moments difficiles.

 

b)  Mme Klassen avait l’expérience nécessaire pour accomplir ce travail, puisqu’elle avait exercé des fonctions similaires dans un atelier de soudure.

 

c)     La rémunération a été déterminée par les propriétaires et les heures variaient d’une semaine à l’autre.

 

d)    Mme Klassen a trois jeunes enfants et a besoin de ces prestations d’assurance-emploi.

 

[15]   La question à trancher est de savoir s’il était raisonnable de la part du ministre de décider que Mme Klassen et Southpoint Growers n’auraient pas conclu entre elles un contrat de travail à peu près semblable si elles n’avaient pas eu de lien de dépendance.

 

[16]   Eu égard à la preuve présentée à l’audience, je serais disposée à conclure que la décision du ministre était raisonnable. Je comprends fort bien que Mme Klassen se trouve dans une situation financière difficile, mais il s’agit là d’un facteur externe qui ne devrait pas être pris en compte au cours de l’examen de la décision du ministre.

 

[17]   À mon avis, la preuve présentée au sujet de la rémunération que l’appelante a reçue en échange du nombre d’heures travaillées appuie amplement la décision du ministre. Pendant plusieurs mois, Mme Klassen n’a touché aucune rémunération ou a reçu une rémunération sensiblement inférieure à 400 $ par semaine, lequel montant représente, de l’aveu des parties, le salaire correspondant à une semaine de 16 heures de travail lorsqu’il n’y a pas de lien de dépendance entre l’employeur et l’employé. Mme Klassen a reçu un remboursement partiel du manque à gagner, mais ce n’était pas un remboursement complet. De plus, pendant trois mois, Mme Klassen a travaillé beaucoup plus que 16 heures par semaine.

 

[18]   À l’audience, l’avocat de la Couronne a soulevé la question de savoir si le travail non rémunéré en janvier et février devrait être pris en compte.

 

[19]   L’approche générale en ce qui concerne le travail bénévole est exposée dans Dumais c MRN, 2008 CAF 301, au paragraphe 32 :

 

[32]   Trois facteurs m’apparaissent primordiaux aux fins de l’alinéa 5(2)i) dans l’analyse de l’impact d’un travail bénévole entre personnes liées : la nature des tâches exécutées, leur nombre et leur fréquence. Ce sont là, en fait, ce que le juge Marceau dans l’affaire Pérusse, précitée, appelait les circonstances qui se rapportent aux modalités du contrat et à ses conditions d’exécution : voir le paragraphe 5 des motifs de cette décision. Plus les tâches exécutées bénévolement sont semblables à celles qui étaient prévues au contrat de travail rémunéré, plus elles sont nombreuses et plus elles sont répétées, moins il devient possible et raisonnable de conclure que l’employeur et l’employé « auraient conclu entre eux un contrat de travail à peu près semblable s’ils n’avaient pas eu de lien de dépendance ». Si, comme c’est le cas en l’espèce, on y ajoute l’élément de continuité dans la prestation des services, la conclusion que l’emploi doit être exclu devient inévitable.

 

[20]   La seule période au cours de laquelle Mme Klassen a travaillé sans être rémunérée est la période de janvier et février. Même si Mme Klassen a soutenu que cette période était admissible aux fins de l’assurance-emploi, la meilleure approche consiste à considérer cette période comme une période antérieure au début de la relation de travail. C’est là une approche logique qui n’est pas incompatible avec la conclusion tirée dans Dumais.

 

[21]   Cependant, même s’il n’est pas tenu compte du travail accompli en janvier et février, la décision du ministre demeure très raisonnable, pour les motifs exposés ci‑dessus.

 

[22]   Mme Klassen a soutenu que d’autres employeurs viendraient en aide à leurs employés et que la rémunération a été fixée par l’employeur. Aucun de ces facteurs n’est utile pour Mme Klassen. D’abord, le fait que c’est l’employeur qui a fixé la rémunération n’a aucune importance. La question pertinente est de savoir s’il existait un lien de dépendance entre la partie qui l’a versée et celle qui l’a reçue.

 

[23]   En second lieu, le fait que d’autres employeurs viennent en aide à leurs employés n’est pas important non plus. Cet argument a été invoqué en réponse à l’affirmation du ministre selon laquelle Mme Klassen n’avait pas les compétences voulues pour accomplir le travail. J’estime à la lumière de la preuve qu’elle avait les compétences voulues. Il ne s’agit pas ici du cas d’un employeur venant en aide à un employé, mais plutôt de la situation inverse, soit celle d’un employé qui est venu en aide à l’employeur. Il peut sembler étrange que l’accès à l’assurance-emploi soit refusé dans ces circonstances, mais c’est le régime que le législateur a adopté.

 

[24]   En dernier lieu, j’aimerais souligner que la disposition invoquée par le ministre exige que Mme Klassen et l’employeur soient des personnes liées (alinéa 5(3)b) de la Loi). Mme Klassen ne conteste pas cet aspect de la décision, étant donné qu’elle est liée à tous les associés. Je ne commenterai pas plus longuement cette question, sauf pour dire qu’il semble raisonnable d’examiner la relation avec les associés en l’espèce.

 

[25]   L’appel sera rejeté, et la décision du ministre sera confirmée.

 

       Signé à Toronto (Ontario), ce 31e jour d’octobre 2013.

 

 

« J. M. Woods »

Juge Woods

 

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 20e jour de décembre 2013.

 

C. Laroche


RÉFÉRENCE :                                 2013 CCI 351

 

N0 DU DOSSIER DE LA COUR :    2012-3668(EI)

 

INTITULÉ :                                      TINA KLASSEN et LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                Windsor (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :               Le 9 octobre 2013

 

MOTIFS DU JUGEMENT :             L’honorable juge J.M. Woods

 

DATE DU JUGEMENT :                 Le 31 octobre 2013

 

COMPARUTIONS :

 

Pour l’appelante :

L’appelante elle-même

 

Avocat de l’intimé :

Me Shane Aikat

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

       Pour l’appelante :

 

                          Nom :                     s/o

 

                            Cabinet :              

 

       Pour l’intimé :                            William F. Pentney

                                                          Sous-procureur général du Canada

                                                          Ottawa (Ontario)

 

 

 

 

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