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Dossier : 2012-4461(IT)I

ENTRE :

NOTTAWASAGA INN LTD.,

appelante,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

 

Appel entendu le 18 novembre 2013, à Toronto (Ontario).

Devant : L’honorable juge F.J. Pizzitelli

 

Comparutions :

 

Avocats de l’appelante :

Me Martha MacDonald

Me Geoffrey Hunniset

Avocate de l’intimée :

Me Rita Araujo

 

 

JUGEMENT

La Cour n’est pas compétente pour instruire la contestation d’une cotisation d’intérêts qui repose sur la contestation de la cotisation d’impôt sous-jacente lorsque cette dernière est une cotisation « néant ».

L’appel relatif à la nouvelle cotisation à l’égard d’intérêts sur arriérés pour l’année d’imposition 2007 de l’appelante est rejeté.

Signé à Ottawa, Canada, ce 27e jour de novembre 2013.

 

« F.J. Pizzitelli »

Juge Pizzitelli

Traduction certifiée conforme

ce 13e jour de janvier 2014.

 

S. Tasset


 

 

 

 

Référence : 2013 CCI 377

Date : 20131127

Dossier : 2012-4461(IT)I

ENTRE :

NOTTAWASAGA INN LTD.,

appelante,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

MOTIFS DU JUGEMENT

Le juge Pizzitelli

[1]             L’appelante interjette appel d’une nouvelle cotisation d’intérêts sur arriérés de 6 027 $ pour l’année d’imposition 2007 en faisant valoir que le ministre a commis une erreur en lui refusant le plein montant d’une déduction pour amortissement qu’elle avait demandée dans sa déclaration de revenus initiale parce qu’il a fait passer de la catégorie 13 aux catégories 1 et 8 une partie des coûts en capital qu’elle avait inscrits dans sa déclaration de 2007, ce qui a eu pour effet de réduire sa déduction pour amortissement d’un montant qui a donné lieu à un revenu imposable de 144 166 $; c’est sur ce revenu que les intérêts en question ont été calculés. Il est à noter que le présent appel se situe dans le contexte de la nouvelle cotisation ultérieure que le ministre a établie et qui s’est soldée par un montant d’impôt nul à payer, après que l’appelante eut demandé au ministre, à la suite de la nouvelle cotisation initiale, d’appliquer des pertes autres qu’en capital, jusqu’à concurrence de 144 166 $, à son année d’imposition 2007.

[2]             Les parties ont convenu qu’au lieu de procéder à l’instruction, la Cour devrait examiner la question de compétence soulevée par l’intimée, soit celle de savoir si l’appelante peut contester les intérêts sur arriérés en faisant valoir que le ministre a calculé de manière inexacte le montant d’impôt sous-jacent dans une situation mettant en cause une cotisation fiscale « néant ».

Le contexte factuel

[3]             Pour situer le contexte de la présente affaire, disons que l’appelante exploite de façon générale des installations hôtelières et récréatives, dont deux patinoires de glace à Alliston (Ontario), et que, en fait, elle loue à bail auprès d’une société sœur les bâtiments d’où elle exploite ses activités. L’appelante a ajouté la somme de 1 609 215 $ à son groupe de biens de la catégorie 13, pour lesquels elle a demandé en 2007 une déduction pour amortissement de 160 922 $. Elle a aussi déduit d’autres dépenses et, dans l’ensemble, elle a déclaré un revenu nul pour l’année d’imposition 2007.

[4]             Le ministre a d’abord établi la cotisation de l’appelante en se basant sur la déclaration que celle-ci avait produite pour l’année d’imposition 2007 et il a délivré un avis, daté du 19 février 2008, indiquant qu’il n’y avait pas d’impôt à payer. Le 14 février 2011, il a établi une nouvelle cotisation à l’endroit de l’appelante pour refuser diverses autres dépenses totalisant 77 028,33 $, et il a aussi réduit la déduction pour amortissement d’un montant de 67 138 $ par suite du fait que des biens en capital ont été inscrits dans des catégories différentes, assorties d’un taux d’amortissement inférieur. Cette nouvelle cotisation a eu pour résultat net de faire augmenter le revenu imposable de l’appelante de 144 166 $ et d’entraîner des intérêts sur arriérés exigibles de 6 027 $.

[5]             Le 20 avril 2011, l’appelante a demandé que l’on reporte rétrospectivement à son année d’imposition 2007 une perte de 144 166 $ subie au cours de l’année d’imposition 2010, ce qui réduirait ainsi à zéro son revenu imposable.

[6]             En mai 2011, l’appelante a déposé un avis d’opposition relatif à son année d’imposition 2007, manifestement par rapport à la nouvelle cotisation datée du 14 février 2011, et ce, avant que le ministre ait répondu à sa demande de modification de son année d’imposition 2007 par le report rétrospectif d’une perte autre qu’en capital. Par une lettre datée du 8 août 2012, le ministre a avisé l’appelante qu’il allait maintenir la somme de 144 166 $ ajoutée au revenu, mais qu’il ferait droit à la demande de l’appelante pour ce qui est d’appliquer la perte autre qu’en capital compensatoire de façon à réduire à zéro l’impôt à payer pour 2007; il a aussi fait savoir à l’appelante qu’une nouvelle cotisation suivrait. Cette dernière, établie le 26 septembre 2012, indiquait qu’il n’y avait pas d’impôt à payer, mais ne changeait rien aux intérêts sur arriérés de 6 027 $ qui avaient fait plus tôt l’objet d’une nouvelle cotisation. Le 8 novembre 2012, l’appelante a déposé un avis d’appel, modifié le 11 mars 2013, aux termes duquel elle ne conteste que les intérêts sur arriérés, mais en se fondant sur le fait que le ministre a commis une erreur en faisant passer des biens en capital de la catégorie 13 à la catégorie 1 ou 8.

[7]             Je prends note du fait qu’il n’était pas nécessaire que l’appelante dépose un avis d’opposition concernant expressément la seconde nouvelle cotisation datée du 16 septembre 2012 car, comme le prévoit le paragraphe 165(7) de la Loi de l’impôt sur le revenu (la « Loi »), l’appelante peut interjeter appel directement dans ces circonstances, sans signifier un autre avis d’opposition. Il convient également de signaler que l’appelante a modifié son avis d’appel initial en vue de changer la réparation demandée : au lieu de demander l’autorisation d’interjeter appel à l’égard du changement de catégorie de biens en capital, et de contester par le fait même l’impôt exigé, et d’interjeter appel à l’égard des intérêts sur arriérés, l’appelante contestait seulement les intérêts sur arriérés, mais en se fondant sur le fait que le ministre a commis une erreur lorsqu’il a fait passer des biens en capital dans d’autres catégories et a fixé ainsi un mauvais montant d’impôt sur lequel les intérêts sur arriérés ont été calculés.

La position des parties

[8]             L’intimée est d’avis que même si l’appelante a le droit de contester le calcul des intérêts sur arriérés, elle ne peut pas remettre en cause le montant d’impôt sous-jacent sur lequel ces intérêts sont fondés car le ministre a établi, à l’égard des montants d’impôt à payer, une cotisation « néant ». En fait, dit l’intimée, l’appelante ne peut pas contester indirectement le montant d’impôt ayant fait l’objet d’une nouvelle cotisation à la suite d’une cotisation « néant » pour réduire ses intérêts sur arriérés parce que, d’une part, elle ne peut pas contester directement le montant d’impôt en question à cause de la cotisation « néant » et que, d’autre part, elle n’a pas par ailleurs le droit d’interjeter appel à l’égard de ce montant d’impôt qu’elle ne conteste pas directement.

[9]             L’appelante est d’avis qu’un contribuable peut contester des impôts, des intérêts ou des pénalités et que, étant donné que la seconde nouvelle cotisation a eu pour résultat de confirmer des intérêts sur arriérés, elle est en droit de contester ces intérêts même s’il y a eu une cotisation « néant » à l’égard d’impôts à payer. Il s’ensuit, dit-elle, qu’étant donné qu’une cotisation d’intérêts demeure quand même une cotisation sous le régime de la Loi, le contribuable peut donc y faire opposition et interjeter appel en contestant la cotisation d’impôt sous-jacente sur laquelle les intérêts sont calculés.

[10]        Il convient de signaler que l’appelante a admis que, indépendamment de la nouvelle cotisation d’intérêts sur arriérés de 6 027 $, ce n’est que la partie de ce montant qui s’applique aux biens en capital que le ministre a fait passer à une autre catégorie qu’elle conteste, convenant de ce fait que tous les montants d’intérêt qui s’appliquent au revenu imposable par suite du fait que le ministre a refusé les autres dépenses totalisant 70 028,33 $ sont valides. L’appelante estime qu’environ la moitié du montant d’intérêt susmentionné est en litige.

[11]        En fait, ce que l’on demande à la Cour c’est de décider si un contribuable qui a fait l’objet d’une cotisation d’impôt « néant » mais qui doit des intérêts sur arriérés peut contester le fondement du montant d’impôt à payer, lequel, par ricochet, sert de fondement au calcul des intérêts sur arriérés. Il convient de signaler ici que même s’il a été conclu en l’espèce que la contribuable ne devait aucun montant d’impôt, cela est entièrement dû au report rétrospectif de pertes autres qu’en capital que l’appelante a demandé et que le ministre a autorisé et que, de ce fait, aux termes du paragraphe 161(7) de la Loi de l’impôt sur le revenu, le montant d’impôt ayant servi de base au calcul de ces intérêts en vertu du sous-alinéa 161(7)a)(iv) n’est pas effacé par le report de perte rétrospectif. En somme, les intérêts sur arriérés sont calculés à partir des montants d’impôt qui, selon la nouvelle cotisation, sont à payer, et ce, avant toute réduction effectuée pour tenir compte d’un report rétrospectif de perte qui, selon l’appelante, était attribuable à l’erreur commise par le ministre lorsqu’il a fait passer les biens en capital à une autre catégorie.

Le droit applicable

[12]        L’appelante se fonde sur le libellé des paragraphes 152(1) et (4) de la Loi à l’appui de sa position selon laquelle une cotisation ou une nouvelle cotisation peut s’appliquer à l’impôt à payer, aux intérêts ou aux pénalités.

[13]        Le paragraphe 152(1) exige que le ministre examine la déclaration de revenus d’un contribuable pour une année d’imposition et qu’il « fixe l’impôt pour l’année, ainsi que les intérêts et les pénalités éventuels […] ».

[14]        Le paragraphe 152(4) autorise en fait le ministre à établir une cotisation, une nouvelle cotisation ou une cotisation supplémentaire « concernant l’impôt pour une année d’imposition, ainsi que les intérêts ou les pénalités […] ».

[15]        L’appelante fait valoir que, de ce fait, une cotisation ou une nouvelle cotisation peut s’appliquer à l’impôt à payer, aux intérêts ou aux pénalités applicables ou à une combinaison de ces éléments, et le droit qu’a un contribuable de faire opposition à une « cotisation » ou à une « nouvelle cotisation » en vertu de l’article 165 ou de les porter en appel en vertu de l’article 169 signifie que ce droit s’applique à n’importe quel impôt à payer, ainsi qu’aux intérêts ou aux pénalités applicables ou à une combinaison de ces éléments. Toujours selon l’appelante, une cotisation d’impôt « néant » n’empêche pas de faire opposition ou d’interjeter appel à l’égard de tout montant d’intérêt imposé par la voie d’une cotisation ou d’une nouvelle cotisation, ni de contester le montant d’impôt sous-jacent sur lequel repose le calcul des intérêts.

[16]        L’intimée ne nie pas qu’une cotisation d’impôt « néant » n’empêche pas l’appelante de faire opposition ou d’interjeter appel à l’égard d’une cotisation ou d’une nouvelle cotisation d’intérêts, mais précise que tout appel de cette nature se limite à contester l’exactitude du calcul des intérêts que le ministre a fait, comme la Loi l’exige, c’est-à-dire en vertu de l’article 161, et non le revenu imposable sous-jacent qui résulte d’une cotisation « néant » établie d’une manière conforme à la Loi. Comme il a été mentionné plus tôt, étant donné que la nouvelle cotisation qui faisait suite à la demande de l’appelant d’appliquer des reports rétrospectifs de pertes de 144 166 $ s’est soldée par une élimination du montant d’impôt à payer, ou une cotisation d’impôt « néant », le montant d’impôt, pour le calcul des intérêts en vertu du sous-alinéa 161(7)a)(iv) de la Loi, était toujours de 144 166 $, et non de zéro. Le texte de ce sous-alinéa est le suivant :

161(7) Pour le calcul des intérêts à verser en application des paragraphes (1) ou (2) sur l’impôt ou sur une partie d’un acompte provisionnel pour une année d’imposition […] :

a) l’impôt payable par le contribuable pour l’année en vertu de la présente partie et des parties I.3, VI et VI.1 est réputé être égal à la somme qui serait payable à ce titre si les conséquences de la déduction, de la réduction ou de l’exclusion des montants ci-après n’étaient pas prises en compte :

(iv) un montant déduit […] en application de l’article 111, à l’égard d’une perte subie pour une année d’imposition ultérieure,

[17]        L’appelante soutient que le fait qu’une cotisation inclue une cotisation d’intérêt ainsi qu’une cotisation d’impôt « néant » lui donnerait quand même le droit de contester le fondement du montant d’impôt déterminé en vertu du paragraphe 161(7), c’est-à-dire le fait que le ministre a commis une erreur en faisant passer les biens en capital à des catégories assorties d’un taux d’amortissement inférieur pour l’année.

Analyse

[18]        Il serait utile de clarifier ce que l’on entend par une « cotisation “néant” » et, par voie de conséquence, une « cotisation », car il semble que ces termes soient utilisés de manière incohérente.

[19]        Dans mon esprit, une cotisation « néant » ne décrit pas une situation dans laquelle aucun montant total d’impôt, d’intérêts et de pénalités n’est imposé. Ce terme décrit à vrai dire la situation dans laquelle aucun montant d’impôt n’est réclamé. Comme l’a déclaré le juge Noël, de la Cour d’appel fédérale, dans l’arrêt Canada c Interior Savings Credit Union, 2007 CAF 151, aux paragraphes 16 et 17 :

16 […] L’expression « cotisation portant qu’aucun impôt n’est payable » ne figure nulle part dans la Loi. Lorsque le ministre traite le dossier d’une personne qui ne doit pas d’impôt, la Loi l’autorise à faire parvenir à cette dernière un avis portant « qu’aucun impôt n’est payable » (paragraphe 152(4)).

17 Néanmoins, l’expression « cotisation portant qu’aucun impôt n’est payable » (ou cotisation « néant ») est souvent employée dans la jurisprudence pour désigner une cotisation dont on ne peut faire appel. Il existe deux raisons pour lesquelles ce type de cotisation ne peut faire l’objet d’un appel. Premièrement, l’appel doit viser une cotisation et la cotisation aux termes de laquelle aucun impôt n’est payable n’est pas une cotisation (voir l’arrêt Okalta Oils Limited c. MRN, 55 DTC 1176 (CSC), à la page 1178 : [traduction] « Aux termes de ces dispositions, il n’y a pas de cotisation si aucun impôt n’a été réclamé »). Deuxièmement, il n’existe aucun droit d’en appeler d’une cotisation portant qu’aucun impôt n’est payable puisque [traduction] « [t]oute opposition autre que celle qui se rapporte au montant réclamé [au titre des impôts] est dépourvue de l’objet dont découle le droit d’appel … » (Okalta Oils, précité, à la page 1178).

[20]        Il ressort clairement du libellé du paragraphe 152(4) de la Loi et de l’arrêt de la Cour suprême du Canada qu’une cotisation « néant » désigne soit l’avis établi par le ministre qui indique qu’aucun impôt n’est payable, soit, d’après la jurisprudence, une cotisation qui ne peut pas être portée en appel parce qu’aucun montant d’impôt n’est réclamé. Dans la décision Okalta Oils, il n’y avait aucune cotisation d’intérêts ou de pénalités en litige. De plus, dans la décision Faucher c R, 94 DTC 1575, à laquelle il a aussi été fait référence dans l’arrêt Interior Savings Credit Union (précité), la juge Lamarre Proulx a déclaré, à la page 1579 du recueil : « il n’y a pas de droit d’appel d’une cotisation d’un montant néant, ni d’une cotisation dont on ne demande pas la réduction »; cette affaire concernait elle aussi uniquement le calcul d’un montant d’impôt nul.

[21]        Il est évident aussi que lorsqu’il n’y a pas de cotisation d’impôt, d’intérêts ou de pénalités, comme c’était le cas dans l’arrêt Interior Savings, précité, il n’existe de ce fait aucun motif d’appel, à plus forte raison à cause de la cotisation d’impôt « néant » car, comme l’a déclaré le juge Noël, au paragraphe 15 :

[…] Il s’ensuit qu’à moins de contester l’impôt, les intérêts et les pénalités fixés pour l’année, le contribuable ne peut faire appel et il n’existe en fait aucun recours que la Cour de l’impôt puisse consentir (Chagnon c. Norman, (1989) 16 RCS 661, à la page 662).

[22]        Cependant, il semble techniquement inexact de parler de cotisation « néant » quand il n’existe absolument aucun motif d’appel, car ce terme ne semble faire référence qu’à la partie « impôt » de la cotisation. Après tout, les tribunaux reconnaissent qu’une cotisation d’impôt est également distincte d’une cotisation d’intérêts ou de pénalités. Comme l’a déclaré le juge en chef Rip dans la décision McFadyen c R 2008 DTC 4513, au paragraphe 19 :

Le paragraphe 152(1) de la Loi prévoit que le ministre fixe l’impôt pour l’année, ainsi que les intérêts et les pénalités. La cotisation relative aux intérêts est différente de la cotisation relative à l’impôt; elle est le résultat d’une cotisation fiscale.

[23]        Cela concorde avec le libellé des paragraphes 152(1) et (4) de la Loi, où il est question de l’obligation ou du pouvoir qu’a le ministre d’établir une cotisation ou une nouvelle cotisation d’impôt, d’intérêts ou de pénalités, comme l’appelante l’a fait remarquer plus tôt.

[24]        Il s’ensuit donc que la Cour est compétente pour instruire un appel relatif à une cotisation d’intérêts, même s’il y a eu une cotisation portant qu’aucun impôt n’est payable qui n’est pas contestée.

[25]        Comme l’a toutefois fait valoir l’intimée, la Cour a une compétence restreinte pour ce qui est des appels relatifs aux cotisations d’intérêts. Dans la décision Moledina v R 2008 CTC 2139, le juge en chef Bowman a confirmé au paragraphe 5 les limites de cette compétence dans le cas des appels relatifs aux cotisations d’intérêt :

[…] Il est toutefois approprié, à ce stade‑ci, que je me penche brièvement sur la question de la compétence de la Cour à l’égard des intérêts. On dit parfois, à tort selon moi, que la Cour n’a aucune compétence dans les cas où un contribuable s’oppose à ce que soient exigés des intérêts sur l’impôt sur le revenu. Cela va trop loin. Si la question en litige est de savoir si les intérêts ont été calculés correctement, ou bien de savoir s’ils ont été exigés conformément aux dispositions de la Loi, de toute évidence, la Cour de l’impôt a compétence pour entendre l’appel. […]

[26]        Ces limites imposées à la compétence de la Cour à l’égard des cotisations d’intérêts trouvent écho dans la décision J Cloud v Canada 95 DTC 547, où le juge en chef Garon a conclu que la cotisation d’intérêts était confirmée parce que « l’appelant n’a pas réussi à établir que les intérêts imposés par la nouvelle cotisation du 12 janvier 1990 étaient mathématiquement inexacts ou établis selon des principes erronés ».

[27]        Une telle limite de compétence dénote clairement que la Cour n’est pas compétente pour entendre une contestation concernant le revenu imposable sous-jacent que le ministre a déterminé et sur lequel les intérêts sont calculés conformément à la Loi dans les cas où aucun appel n’a été interjeté à l’égard d’une cotisation d’impôt ou dans le cas de cotisations portant qu’aucun impôt n’est payable.

[28]        L’appelante n’a pas prétendu que le ministre avait calculé de façon inexacte les intérêts contestés en prenant pour base le montant imposable de revenu réputé de 144 166 $ en vertu du sous-alinéa 161(7)a)(iv), comme nous l’avons vu plus tôt. La seule prétention de l’appelante est que le montant de revenu imposable était erroné parce que le ministre a commis une erreur en faisant passer ses biens en capital à une autre catégorie.

[29]        Par ailleurs, je ne puis souscrire à la position de l’appelante pour deux autres raisons, qui étayent l’interdiction relative au fait de contester une cotisation d’impôt sous-jacente dans un scénario de cotisation « néant ».

[30]        Premièrement, une nouvelle cotisation a été établie à l’endroit de l’appelante pour que son revenu imposable soit haussé à 144 166 $ après que le ministre fait passer des biens en capital à d'autres catégories. L’appelante aurait pu contester ces montants imposables en ne demandant pas au ministre de l’autoriser à reporter rétrospectivement des pertes autres qu’en capital, mais elle ne l’a pas fait. Elle lui a plutôt demandé d’appliquer le report rétrospectif d’une perte autre qu’en capital d’un montant semblable en vue d’éliminer les résultats de la nouvelle cotisation, ce qui a donné lieu à un solde nul d’impôt exigé ou à une cotisation d’impôt « néant ». Le ministre a consenti à la demande de l’appelante et a établi une seconde nouvelle cotisation dans ce sens. La loi, telle qu’elle a été exposée plus tôt, indique clairement que l’appelante ne peut interjeter appel contre une cotisation d’impôt « néant », et l’appelante n’interjette appel qu’à l’égard de la cotisation d’intérêts distincte, mais en faisant valoir que le ministre a commis une erreur dans la façon dont il est arrivé à la cotisation d’impôt.

[31]        Cependant, dans la décision Faucher, précitée, la juge Lamarre Proulx a déclaré, aux paragraphes 29 et 30 :

29 […] il y a un principe depuis longtemps établi en droit fiscal qu’il n’y a pas de droit d’appel d’une cotisation à moins que l’on ne conteste le montant de la cotisation pour en demander la réduction.

30. Il n’y a pas de droit d’appel d’erreurs présumées ou prétendues de la part du Ministre dans le calcul de l’impôt dû, à moins que le résultat de ce calcul ne soit en cause. Le droit d’appel existe en regard du résultat du calcul de l’impôt dû et non pas de la manière dont est fait le calcul.

[32]        En l’espèce, l’appelante n’a pas décidé de poursuivre un appel pour obtenir une réduction du montant d’impôt à payer après la première nouvelle cotisation. En demandant le report rétrospectif d’une perte en vue de réduire à néant son fardeau fiscal, elle a décidé de ne pas chercher à faire réduire ce montant imposable. Je ne souscris pas à la position de l’appelante selon laquelle le fait de chercher à faire réduire les intérêts qui lui ont été imposés revient au même que de chercher à faire réduire un montant d’impôt, qui se rapporte à une cotisation distincte.

[33]        Deuxièmement, en demandant le report rétrospectif d’une perte, ce qui a donné lieu à la seconde nouvelle cotisation – une cotisation d’impôt « néant » –, l’appelante n’a pas eu le bénéfice des déductions pour amortissement qu’elle avait demandées au départ. L’intimée a reconnu qu’il ne serait pas interdit à l’appelante de porter en appel, dans des années ultérieures, la décision du ministre de faire passer des biens en capital a d'autres catégories lorsqu’elle aurait un montant imposable positif, mais le fait est qu’à l’heure actuelle, elle n’a demandé ou utilisé aucune déduction de cette nature. À cause du report rétrospectif de la perte et de la nouvelle cotisation qui y a fait suite, il n’y a eu aucun impôt à payer et aucune déduction n’a été accordée pour la partie des biens en capital de la catégorie 13 que le ministre a fait passer à d'autres catégories après la déclaration initiale. La déduction n’existe pas à ce moment-ci. Comment donc l’appelante peut-elle demander que l’on considère que cette déduction existe pour réduire ses intérêts si cette déduction n’existe pas pour réduire son revenu? Cela est impossible. Cela donnerait à un contribuable le droit d’interjeter appel « d’erreurs présumées ou prétendues de la part du Ministre dans le calcul de l’impôt dû », comme l’a déclaré la juge Lamarre Proulx dans la décision Faucher, précitée, alors que le résultat du calcul d’impôt n’est pas mis en doute. À franchement parler, il n’y a pas même une garantie quelconque à ce stade-ci que l’appelante pourra un jour demander, voire utiliser, cette déduction à l’avenir.

[34]        L’autre résultat de la nouvelle cotisation découlant de l’application du report de perte rétrospectif est que le montant de revenu imposable, pour le calcul des intérêts en vertu du sous-alinéa 161(7)a)(iv), exclurait le montant de ce report, et il est donc clair que le ministre a calculé les intérêts d’une manière conforme à la Loi.

[35]        L’appelante a fait valoir en fait que, même si elle obtient gain de cause en contestant ultérieurement la décision du ministre de faire passer certains biens en capital à d'autres catégories, elle sera pénalisée parce qu’elle ne dispose d’aucun recours pour obtenir un remboursement des intérêts sur arriérés qui lui ont été imposés et qui sont en litige en l’espèce. Cela est peut-être bien vrai et il est regrettable pour l’appelante que la Loi ne prévoie aucun recours en cas de succès ultérieur, mais c’est l’appelante qui a choisi de demander que l’on applique à son année d’imposition 2007 des reports rétrospectifs de perte, vraisemblablement pour faire éliminer un paiement d’impôt ou réduire des intérêts sur des soldes impayés à ce moment-là, plutôt que de poursuivre l’appel sur cette question à ce stade-ci, et il lui faut donc se soumettre aux conséquences de sa décision.

[36]        Je conclus que la Cour n’est pas compétente pour instruire une contestation d’une cotisation d’intérêts qui repose sur une contestation de la cotisation d’impôt sous-jacente lorsque cette dernière est une cotisation « néant ». Je n’ai donc pas d’autre choix que de rejeter l’appel, car il n’y a pas eu d’autre motif invoqué dans l’avis d’appel pour contester le calcul des intérêts.

 

          Signé à Ottawa, Canada, ce 27e jour de novembre 2013.

 

« F.J. Pizzitelli »

Juge Pizzitelli

Traduction certifiée conforme

ce 13e jour de janvier 2014.

 

S. Tasset


RÉFÉRENCE :                                 2013 CCI 377

 

No DU DOSSIER DE LA COUR :    2012-4461(IT)I

 

INTITULÉ :                                      NOTTAWASAGA INN LTD. ET
SA MAJESTÉ LA REINE

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :               Le 18 novembre 2013

 

MOTIFS DU JUGEMENT :             L’honorable juge F.J. Pizzitelli

 

DATE DU JUGEMENT :                 Le 27 novembre 2013

 

COMPARUTIONS :

 

Avocats de l’appelante :

Me Martha MacDonald

Me Geoffrey Hunnisett

Avocate de l’intimée :

Me Rita Araujo

 

AVOCATS INSCRITS
AU DOSSIER :

 

          Pour l’appelante :                  

 

                           Noms :                   Martha MacDonald

                                                          Geoffrey Hunnisett

                        Cabinet :                   Osler, Hoskin & Harcourt LLP

 

              Pour l’intimée :                   William F. Pentney

                                                          Sous-procureur général du Canada

                                                          Ottawa, Canada

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