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Dossier : 2012-4968(GST)APP

 

ENTRE :

ALAIN BELLEMARE,

requérant,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

____________________________________________________________________

Demande entendue le 29 octobre 2013, à Montréal (Québec).

 

Devant : L’honorable juge Patrick Boyle

 

Comparutions :

 

Avocat du requérant :

Me Marc B. Bilodeau

Avocat de l’intimée :

Me Philippe Gilliard

____________________________________________________________________

 

ORDONNANCE

VU la demande en vue d’obtenir une ordonnance de prorogation du délai pour produire un avis d’opposition à l’égard de la cotisation établie le 3 décembre 2010 en vertu de la Loi sur la taxe d’accise;

 

ET VU les plaidoiries des parties;

 

        LA COUR ORDONNE la demande soit rejetée, sans dépens.

 

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 29e jour de novembre 2013.

 

 

« Patrick Boyle »

Juge Boyle


 

 

Référence : 2013 CCI 381

Date : 20131129

Dossier : 2012-4968(GST)APP

 

ENTRE :

ALAIN BELLEMARE,

requérant,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE

 

Le juge Boyle

 

[1]             Le contribuable, M. Bellemare, veut s’opposer à une cotisation fondée sur la responsabilité des administrateurs, qui a été établie à son égard le 3 décembre 2010, par le ministre du Revenu du Québec (le « MRQ ») en vertu de l’article 323 de la Loi sur la taxe d’accise. La cotisation se rapporte à a une dette de Sinibelle inc. (« Sinibelle »). Cependant, étant donné qu’il n’avait pas déposé un avis d’opposition dans le délai imparti, M. Bellemare a demandé une prorogation du délai aux autorités fiscales, lesquelles n’ont pas fait droit à sa demande. M. Bellemare a présenté à la Cour une demande en vue d’obtenir la prorogation dont il a besoin.

 

[2]             L’épouse de M. Bellemare était l’unique actionnaire et administratrice de Sinibelle. Cependant, selon l’intimée, M. Bellemare était un administrateur de fait de Sinibelle, et c’est là-dessus que l’on s’est fondé pour établir la cotisation.

 

[3]             Avant la cotisation en question, M. Bellemare avait fait l’objet d’une cotisation à titre d’administrateur de 9092-8201 Québec inc. (« 9092 »), dont il était l’administrateur unique. La cotisation relative à 9092 n’est pas liée à celle qui se rapporte à Sinibelle, hormis le fait qu’elles ont toutes les deux été établies à l’égard de M. Bellemare en sa qualité d’administrateur et que la cotisation relative à 9092 n’avait pas encore été payée lors de l’établissement de celle se rapportant à Sinibelle. De plus, avant que la cotisation relative à Sinibelle soit établie, M. Bellemare avait fait une proposition concordataire qui visait notamment sa dette relative à la cotisation se rapportant à 9092.

 

[4]             Selon ce qu’a affirmé M. Bellemare lors de l’audition initiale de sa demande, il avait donné la cotisation relative à Sinibelle à son épouse lorsqu’il l’avait reçue, car elle était l’unique actionnaire et administratrice de Sinibelle. Il avait ensuite discuté de la cotisation avec son syndic de faillite, qui lui avait dit qu’elle devait avoir été établie par erreur, parce qu’il ne figurait pas comme administrateur dans les documents pertinents de Sinibelle.

 

[5]             Selon M. Bellemare, il n’a reçu rien d’autre des autorités fiscales concernant la cotisation relative à Sinibelle, et son syndic de faillite ne lui a rien dit de plus au sujet de cette cotisation durant la période de la proposition concordataire. Ensuite, une semaine après l’expiration de la période maximale d’un an et 90 jours pour faire opposition, l’institution financière de M. Bellemare a refusé un achat qu’il avait essayé d’effectuer au moyen de sa carte de débit à l’épicerie. Sa banque l’a avisé, après qu’il eut demandé des renseignements, que les autorités fiscales avaient saisi son compte. En fait, le 12 mars 2012, elles avaient saisi ses comptes à la Caisse Desjardins et à la Banque Nationale.

 

[6]             Il est évident que ce n’est qu’après cet incident que M. Bellemare a présenté une demande en prorogation du délai pour faire opposition, soit plus d’un an après l’expiration de la période normale de 90 jours pour ce faire. Pour cette raison, c’est à bon droit que les autorités fiscales ne lui ont pas permis de produire une opposition tardive à la cotisation relative à Sinibelle.

 

[7]             Il est également évident que, après qu’il eut reçu la décision des autorités fiscales relativement à sa demande de production tardive, M. Bellemare n’a pas respecté le délai de trente jours pour demander à la Cour de lui permettre de produire une opposition tardivement. Ce délai était expiré depuis quelques jours seulement. Or, le délai de trente jours, tout comme celui d’un an et 90 jours, est prévu par la loi, et la Cour n’a pas compétence pour ne pas l’appliquer pour des motifs d’équité ou pour d’autres motifs. Pour ces deux raisons, la Cour doit rejeter la demande de production tardive d’une opposition, présentée par M. Bellemare.

 

[8]             Cependant, lors de l’audience initiale, M. Bellemare était préoccupé par le fait qu’il semblait que les autorités fiscales avaient attendu avant de prendre des mesures de recouvrement, ou même de lui envoyer des relevés de compte ou des rappels concernant la dette fiscale de Sinibelle, et ce, en vue de le priver du droit de faire opposition à la cotisation.

 

[9]             Dans les circonstances, la Cour a pris au sérieux la préoccupation de M. Bellemare. Les Canadiens seraient déçus, et avec raison, s’il s’avérait que les autorités fiscales guettent l’expiration des périodes d’appel avant de poursuivre les communications avec les contribuables ou de commencer le processus de recouvrement. M. Bellemare a certes déjà eu des démêlés avec les autorités fiscales. Les contribuables qui se présentent devant la Cour ne sont pas nécessairement entièrement sans reproche. Cependant, l’intimée est le gouvernement, et les Canadiens s’attendent, à juste titre, à ce que le gouvernement agisse de bonne foi en tout temps, pour des objets appropriés et de manière irréprochable. S’il en allait autrement, notre système de recouvrement de l’impôt, qui repose d’abord et dans une large mesure sur l’observation volontaire de la loi, ainsi que sur l’autodéclaration et l’autocotisation, s’écroulerait rapidement.

 

[10]        L’audience initiale a été ajournée pour permettre à l’intimée de présenter des éléments de preuve concernant la question de savoir si M. Bellemare avait raison d’affirmer qu’aucune mesure de suivi n’avait été prise avant l’expiration de tous ses droits d’appel, et, dans l’éventualité où l’affirmation de M. Bellemare serait erronée, de produire des éléments de preuve quant aux mesures effectivement prises.

 

[11]        L’audience a repris plusieurs mois plus tard, après que le défendeur eut produit un affidavit souscrit par une agente de perception de ministère du Revenu du Québec. Cette dernière a aussi temoigné à la reprise de l’audience et a produit des éléments de preuve documentaire.

 

[12]        Il semble que le MRQ, agissant pour le compte de l’Agence du revenu du Canada (l’« ARC »), n’a pas pris de mesures en vue de recouvrer la créance en question avant l’expiration du délai pour faire opposition comme l’indiquent les éléments énoncés ci-dessous.

 

(i)      Il n’y a eu aucun état de compte ou lettre qui faisait état du montant de la cotisation relative à Sinibelle, après que cette cotisation a été établie au départ.

 

(ii)     L’hypothèque légale grevant la maison de M. Bellemare n’a pas été modifiée pour faire passer la créance à un montant supérieur à celui de la cotisation relative à 9092. Aucune explication satisfaisante n’a pu être donnée à cet égard, quoique la maison en question ait été vendue et que le MRQ ait reçu, sur le produit de la vente, un montant correspondant à la cotisation relative à 9092.

 

(iii)    Alors que le témoin de l’intimée croyait que la réclamation faite dans le cadre de la faillite aurait été modifiée pour y ajouter le montant de la cotisation relative à Sinibelle, établie plus tard, aucune réclamation modifiée n’a été présentée en preuve, et le témoin de l’intimée ne s’était pas informé des actes ou du raisonnement de la personne qui avait été  chargée du dossier avant elle. M. Bellemare ne se souvient pas d’avoir vu une réclamation modifiée qui faisait mention de la cotisation relative à Sinibelle.

 

(iv)    La lettre que le MRQ a envoyée à M. Bellemare après que la proposition de ce dernier eut été annulée ne fait pas mention de la cotisation relative à Sinibelle, et le montant dont fait état la lettre ne comprend pas le montant de cette cotisation.

 

(v)     Il n’y avait pas de preuve établissant que M. Bellemare avait nouvellement ouvert les comptes bancaires saisis après l’expiration du délai pour faire opposition ou que le MRQ n’avait découvert ces comptes que récemment.

 

[13]        En résumé, après avoir ajourné l’audience pour permettre à l’intimée de présenter une réponse concernant la préoccupation de M. Bellemare, après avoir lu l’affidavit produit, après avoir entendu le témoin de l’intimée et après avoir lu la correspondance produite en preuve, je partage toujours la préoccupation de M. Bellemare. Le fait que le MRQ ait commencé à prendre ses mesures de recouvrement la semaine suivant l’expiration du délai dans lequel M. Bellemare pouvait faire opposition semble certes être une coïncidence remarquable. Il s’agit d’une coïncidence que le MRQ n’a pu expliquer d’une façon satisfaisante.

 

[14]        La Cour n’a pas compétence pour ordonner une réparation relativement à la préoccupation de M. Bellemare dans l’éventualité où celle‑ci s’avérerait fondée, ni pour dire à l’ARC ou au ministère du Revenu du Québec comment agir lorsqu’ils appliquent la législation fiscale canadienne. Cependant, ayant entendu la préoccupation de M. Bellemare et ayant accordé à l’intimée pleinement la possibilité de présenter une réponse, je reste préoccupé par la situation, et j’ose espérer que les personnes compétentes procéderont à l’examen de cette situation pour savoir s’il y a lieu d’apporter des améliorations aux processus, aux politiques ou à la formation internes à l’ARC et/ou au ministère du Revenu du Québec.

 

[15]        Manifestement, M. Bellemare n’est pas dans les délais pour obtenir de la Cour la prorogation du délai pour faire opposition à la cotisation relative à Sinibelle établie à son égard. La Cour doit donc rejeter sa demande. La demande est en conséquence rejetée.

 

 

Signé à Ottawa, Canada ce 29e jour de novembre 2013.

 

 

« Patrick Boyle »

Juge Boyle

 


RÉFÉRENCE :                                 2013 CCI 381

 

NO DU DOSSIER DE LA COUR :   2012-4968(GST)APP

 

INTITULÉ DE LA CAUSE:             ALAIN BELLEMARE et LA REINE

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                Montréal (Québec)

                                                                      

DATE DE L’AUDIENCE :               Le 29 octobre 2013

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE

PAR                                                   :        L’honorable juge Patrick Boyle

 

DATE DES MOTIFS DE

L’ORDONNANCE :                         Le 29 novembre 2013

 

COMPARUTIONS :

 

Avocat du requérant :

Me Marc B. Bilodeau

Avocat de l’intimée :

Me Philippe Gilliard

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

       Pour le requérant:

 

                             Nom :                   Me Marc B. Bilodeau

 

                            Cabinet :               326, boulevard St-Joseph Est #7

                                                          Montréal, Québec, H2T 1J2

 

       Pour l’intimée :                          William F. Pentney

                                                          Sous-procureur général du Canada

                                                          Ottawa (Canada)

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