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Dossier : 2013-3290(GST)APP

 

ENTRE :

AMANULLAH SAHIBI,

requérant,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

____________________________________________________________________

 

Demande de prorogation de délai entendue

le 12 février 2014 à Toronto (Ontario).

 

Devant : L’honorable juge K. Lyons

 

 Comparutions :

 

Pour le requérant :

Le requérant lui-même

Avocat de l’intimée :

Me Stephen Oakey

 

____________________________________________________________________

 

ORDONNANCE

La demande de prorogation du délai d’opposition déposée en vertu de la Loi sur la taxe d’accise est rejetée conformément aux motifs de l’ordonnance ci-joints.

 

         Signé à Vancouver (Colombie-Britannique), ce 11e jour de mars 2014.

 

« K. Lyons »

Juge Lyons

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 24e jour d’avril 2014.

 

S. Tasset

 

 

 


 

 

 

 

Référence : 2014 CCI 79

Date : 2014-03-11

Dossier : 2013-3290(GST)APP

 

ENTRE :

AMANULLAH SAHIBI,

requérant,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE

 

La juge Lyons

 

[1]             Il s’agit d’une demande d’ordonnance de prorogation du délai pour faire opposition à des nouvelles cotisations établies en vertu de la Loi sur la taxe d’accise (la « Loi »). La demande est faite en application de l’article 304 de la Loi, par suite du refus du ministre du Revenu national (le « ministre ») d’octroyer au requérant une prorogation du délai pour déposer des avis d’opposition.

 

[2]             Les avis de nouvelle cotisation ont été établis le 9 mars et le 12 avril 2011 à l’égard des périodes de déclaration allant du 1er janvier 2006 au 31 décembre 2006 et du 1er janvier 2007 au 31 décembre 2007 respectivement (« 2006 » et « 2007 » et collectivement, les « périodes »).

 

[3]             Le requérant a reconnu ne pas avoir produit d’avis d’opposition (« avis d’opposition ») aux nouvelles cotisations à l’égard de ces périodes dans les 90 jours prévus au paragraphe 301(1.1) de la Loi.

 

[4]             Le requérant a présenté au ministre une demande de prorogation du délai pour produire ses avis d’opposition. La demande est datée du 23 juillet 2012 et le ministre l’a reçue le 25 juillet 2012.

 

[5]             Le 24 août 2012, le ministre informait le requérant de son refus parce que la demande n’avait pas été présentée dans un délai d’un an après l’expiration de la période de 90 jours pendant laquelle il pouvait faire opposition (« limite d’un an et 90 jours ») suivant la date de chaque nouvelle cotisation comme l’exige l’article 303 de la Loi.

 

[6]             Le 29 août 2013, le requérant a déposé auprès du greffier de la Cour une demande de prorogation du délai pour déposer des avis d’opposition.

 

[7]             Le requérant soutient qu’il a présenté une demande au ministre dans le délai prescrit d’un an et 90 jours.

 

[8]             L’intimée a soutenu qu’aucune demande de prorogation du délai pour présenter des avis d’opposition n’a été présentée au ministre avant le 23 juillet 2012. Puisque cette date est postérieure au délai d’un an et 90 jours suivant la date de chaque nouvelle cotisation à l’égard des périodes, le requérant n’a pu respecter le délai de rigueur précisé à l’alinéa 303(7)a) et, par conséquent, la Cour n’a pas compétence pour faire droit à une demande en vertu de l’article 304 de la Loi.

 

[9]             Le paragraphe 301(1.1) de la Loi permet à une personne, dans les 90 jours suivant le jour où l’avis de cotisation lui est envoyé par le ministre, de présenter au ministre un avis d’opposition à la cotisation.

 

[10]        À défaut de présenter un avis d’opposition dans les 90 jours, l’article 303 de la Loi permet à la personne de présenter au ministre une demande de prorogation du délai pour faire opposition dans le délai d’un an et 90 jours.

 

[11]        L’alinéa 303(7)a) de la Loi énonce la première des conditions qui doivent être réunies. En voici le libellé :

 

(7)        Conditions d’acceptation de la demande – Il n’est fait droit à la demande que si les conditions suivantes sont réunies :

 

a)         la demande est présentée dans l’année suivant l’expiration du délai par ailleurs imparti pour faire opposition […]

 

[12]        Si le ministre refuse de faire droit à la demande, comme dans le cas présent, la personne peut, en vertu de l’article 304, demander à la Cour canadienne de l’impôt une ordonnance pour qu'il soit fait droit à une demande de prorogation du délai pour accepter un avis d’opposition produit en retard.

 

[13]        Par contre, en vertu de l’alinéa 304(5)a) de la Loi, la Cour ne peut faire droit à une demande que si la demande présentée antérieurement au ministre l’a été dans un délai d’un an après l’expiration du délai de 90 jours pour produire un avis d’opposition, comme l’exige l’alinéa 303(7)a) de la Loi.

 

[14]        Le requérant a déclaré dans son témoignage que la principale raison pour laquelle il n’a pas produit d’avis d’opposition dans les 90 jours suivant les nouvelles cotisations (délais expirant le 7 juin 2011 pour 2006 et le 11 juillet 2011 pour 2007) est qu’il avait été mal informé par les comptables et n’avait pas les moyens de les payer d’avance. Ils lui ont dit qu’il n’était pas nécessaire de s’opposer aux nouvelles cotisations pour la taxe sur les produits et services (la « TPS ») pour les périodes tant que ses avis d’opposition à l’impôt sur le revenu pour 2006 et 2007 n’auraient pas été réglés. Il a dit que l’autre motif pour lequel il ne s’est pas opposé dans le délai de 90 jours était qu’il croyait que le même fonctionnaire de l’Agence du revenu du Canada (l’« ARC ») se serait occupé à la fois des questions d’impôt sur le revenu et des questions de TPS.

 

[15]        À un certain moment, le requérant a constaté que le délai d’opposition de 90 jours était dépassé.

 

[16]        Il a déclaré avoir envoyé un formulaire d’avis d’opposition (le « formulaire ») à l’ARC, manifestant son intention de s’opposer aux périodes. D’après ses estimations, le formulaire a probablement été produit quatre ou six semaines avant le 23 juillet 2012, mais il n’en était pas certain.

 

[17]        Au cours d’un appel téléphonique fait par la suite à l’ARC, il a découvert que le formulaire n’avait pas été reçu et il lui a fallu un certain temps pour obtenir un autre formulaire. L’autre formulaire est daté du 23 juillet 2012 et a été produit en preuve par l’intimée à l’audience, indiquant qu’il a été signé par le requérant et reçu à l’ARC le 25 juillet 2012 (la « demande du 23 juillet 2012 »). Le requérant a déclaré que la demande du 23 juillet 2012 était une demande de prorogation du délai pour présenter un avis d’opposition à la TPS pour les périodes et que, en raison de difficultés financières, il n’a pu retenir les services d’un avocat-fiscaliste.

 

[18]        Le 24 août 2012, le ministre informait le requérant qu’il ne pouvait accorder la prorogation, car la demande du 23 juillet 2012 était postérieure au délai d’un an et 90 jours suivant la date de chaque nouvelle cotisation pour 2006 et 2007.

 

[19]        Dans un affidavit signé par May Chui, agente du bureau de Toronto de l’ARC et déposé au nom de l’intimée, Mme Chui déclare être responsable des dossiers appropriés de l’ARC et connaître les pratiques de l’Agence et, en ce qui a trait à la demande de prorogation de délai présentée par le requérant pour s’opposer à la TPS pour les périodes, elle précise :

 

[traduction]
11.       Après avoir soigneusement examiné les dossiers de l’Agence, je n’ai rien trouvé qui indique que le requérant aurait produit une demande de prorogation du délai pour présenter au ministre des avis d’opposition concernant les périodes dans un délai d’un an et 90 jours suivant les dates des nouvelles cotisations.

 

[20]        Au contre-interrogatoire, le requérant a reconnu qu’en présentant sa demande du 23 juillet 2012 au ministre, et, par la suite, sa demande du 29 août 2013 à la Cour, il n’a aucunement mentionné avoir présenté de formulaire à l’ARC dans les semaines précédant sa demande du 23 juillet 2012 au ministre. Répondant à une question posée par l’avocat de l’intimée, le requérant a dit qu’il ne croyait pas qu’il devait mentionner qu’il avait présenté le formulaire et qu’il s’est trompé en n’en faisant mention dans aucune des demandes. Il a aussi reconnu que, dans le formulaire, il mentionnait simplement son intention de s’opposer à la TPS, sans fournir le moindre motif.

 

[21]        En ce qui a trait à 2006 (le délai d’un an et 90 jours étant échu le 6 juin 2012), même si le formulaire avait été envoyé à l’ARC selon l’indication estimative du requérant, qui affirme l’avoir envoyé de quatre à six semaines avant le dépôt de la demande du 23 juillet 2012, et même si son intention de faire opposition peut être interprétée comme constituant une demande, le formulaire aurait quand même été postérieur à la limite d’un an et 90 jours suivant la date de la nouvelle cotisation du 9 mars 2011.

 

[22]        En ce qui a trait à 2007 (le délai d’un an et 90 jours étant échu le 10 juillet 2012), pour les motifs qui suivent, je doute de la fiabilité du témoignage du requérant en ce qui a trait à l’envoi du formulaire. Si ce n’est qu’il a déclaré dans sa déposition que le formulaire a été envoyé à l’ARC, le requérant n’a produit aucun élément de preuve documentaire corroborant son témoignage, par exemple une copie du formulaire. Cet élément, à lui seul, n’aurait pas porté un coup fatal à la demande.

 

[23]        Toutefois, cet aspect, jumelé aux facteurs qui suivent, m’amène à conclure que, d’après les éléments de preuve, il n’y a pas eu envoi de formulaire à l’intérieur du délai d’un an et 90 jours. Au cours de sa déposition, il a fait une estimation, comme je l’ai mentionné, du moment où il croyait avoir envoyé le formulaire, ajoutant toutefois qu’il n’en était pas certain. Il a dit qu’en remplissant le formulaire, il a fait une très brève déclaration, exprimant simplement son intention de faire opposition, sans fournir le moindre motif. Il a aussi dit avoir essayé de retenir les services de comptables, mais dans sa demande du 23 juillet 2012, il a déclaré ne pas avoir pu retenir les services d’un avocat-fiscaliste. Le requérant n’a pas, dans la demande du 23 juillet 2012 au ministre et la demande subséquente à la Cour, fait la moindre allusion à savoir qu’il aurait auparavant envoyé le formulaire à l’ARC. Je relève qu’il semble avoir fallu au requérant beaucoup de temps pour présenter sa demande à la Cour après que le ministre a rendu sa décision. On s’attendrait normalement à ce que le requérant ait mené ses affaires plus rigoureusement qu’il ne l’a fait comme en témoignent les diverses questions soulevées.

 

[24]        À mon sens, les éléments de preuve présents dans l’affidavit de Mme Chui sont plus fiables et je les préfère à ceux du requérant. Je conclus donc que la demande du 23 juillet 2012 était la seule demande produite concernant les périodes et qu'elle a été faite après le délai de rigueur d’un an et 90 jours indiqué à l’alinéa 303(7)a) de la Loi. Par conséquent, le ministre n’aurait pas pu faire droit à une telle demande, pas plus que la Cour ne peut le faire en vertu de l’article 304.

 

[25]        Dans son argumentation, l’avocat de l’intimée s’est appuyé sur les facteurs exposés dans la décision Ellenton c Canada, 2010 CCI 441, [2010] ACI no 352 (QL), qu’il a citée et s’est également appuyé sur une série d’arrêts de la Cour d’appel fédérale mentionnés dans la décision Ellenton selon lesquels il faut rigoureusement respecter les délais prescrits pour présenter des avis d’opposition et d’appel en vertu de la Loi et des dispositions analogues de la Loi de l’impôt sur le revenu. Les deux décisions les plus récentes à ce propos étaient Pereira v Canada, 2008 DTC 6709 (CAF), et Canada v Carlson, 2002 DTC 6893 (CAF).

 

[26]        Ainsi, la Cour n’a pas compétence et ne peut faire droit à la demande, le requérant n’ayant pas respecté le délai de rigueur.

 

[27]        Pour ces motifs, je conclus que la demande de prorogation du délai pour présenter des avis d’opposition faite à la Cour en vertu de l’article 304 et déposée le 29 août 2013 ne saurait être accueillie, car le requérant ne s’est pas conformé à l’alinéa 303(7)a) de la Loi et a fait sa demande au ministre au-delà du délai d’un an et 90 jours à compter de la date de chaque nouvelle cotisation pour les périodes.

 

[28]        J’ai donné ma conclusion précédemment. Toutefois, je ferais remarquer qu’il semble que la Cour n’aurait aucune compétence, quelle que soit l’éventualité, parce que le requérant a, de plus, omis de présenter la demande à la Cour (produite le 29 août 2013), dans les 30 jours suivant la décision du ministre (le 24 août 2012) comme l’exige le paragraphe 304(1) de la Loi. Ceci ressort d’une copie de la lettre recommandée du 24 août 2012 envoyée par le ministre au requérant et jointe à la demande présentée à la Cour par le requérant; la décision est également mentionnée dans une lettre de l’ARC datée du 9 mai 2013 adressée au requérant et déposée en preuve à l’audience. Ce point n’a pas été débattu à l’audience.

 

[29]        La demande est rejetée.

 

 

         Signé à Vancouver (Colombie-Britannique), ce 11e jour de mars 2014.

 

« K. Lyons »

Juge Lyons

 

Traduction certifiée conforme

ce 24e jour d’avril 2014.

 

S. Tasset

 

 

 


RÉFÉRENCE :                                 2014 CCI 79

 

NO DU DOSSIER DE LA COUR :  2013-3290(GST)APP

 

INTITULÉ :                                      AMANULLAH SAHIBI et

                                                         SA MAJESTÉ LA REINE

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                Toronto (Ontario)

                                                                      

DATE DE L’AUDIENCE :               Le 12 février 2014

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE :   L’honorable juge K. Lyons

 

DATE DE L’ORDONNANCE :       Le 11 mars 2014

 

 

COMPARUTIONS :

 

Pour le requérant :

Le requérant lui-même

Avocat de l’intimée :

Me Stephen Oakey

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

       Pour le requérant :

 

                          Nom :                     S.O.

 

                            Cabinet :

 

      

Pour l’intimée :                                 William F. Pentney

                                                          Sous-procureur général du Canada

                                                          Ottawa, Canada

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