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Dossier : 2013-1231(IT)I

ENTRE :

NEIL JOHNSON,

appelant,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

____________________________________________________________________

Appel entendu le 30 octobre 2013 à Toronto (Ontario)

 

Devant : L’honorable juge Valerie Miller

 

Comparutions :

 

Pour l’appelant :

L’appelant lui-même

Avocate de l’intimée :

Me Erin Strashin

 

____________________________________________________________________

 

JUGEMENT

L’appel interjeté à l’encontre de la nouvelle cotisation établie en vertu de la Loi de l’impôt sur le revenu à l’égard des années d’imposition 2002 et 2003 de l’appelant est rejeté.

 

       Signé à Ottawa, Canada, ce 18e jour de mars 2014.

 

 

« V.A. Miller »

Juge V.A. Miller

 

Traduction certifiée conforme

ce 1er jour de mai 2014.

 

S. Tasset

 

 

 

 


 

 

 

 

Référence : 2014 CCI 84

Date : 2014-03-18

Dossier : 2013-1231(IT)I

ENTRE :

NEIL JOHNSON,

appelant,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

MOTIFS DU JUGEMENT

 

La juge V.A. Miller

[1]             Le présent appel vise les années d’imposition 2002 et 2003 de M. Johnson, pour lesquelles ce dernier a demandé des crédits d’impôt non remboursables à l’égard de dons de bienfaisance de 18 550 $ et de 15 500 $ respectivement qu’il aurait faits à la Canadian Foundation for Child Development (la « CFCD »).

[2]             Voici en substance le témoignage de l’appelant.

[3]             À son arrivée au Canada en 1995, il a fréquenté l’école. Après la fin de ses études, il a commencé à travailler et il gagnait 55 000 $ à fabriquer des pièces d’automobile. Il vivait avec ses parents; il n’avait ni loyer ni frais à payer. Il fréquentait l’église tant pendant ses années d’études qu’après avoir commencé à travailler. Il a rencontré quelques personnes à l’extérieur de l’église qui lui ont parlé de la CFCD et il voulait aider les « enfants nécessiteux ».

[4]             L’appelant a déclaré qu’il versait ses dons en espèces toutes les deux semaines au bureau de la CFCD sur le chemin Beaconfield, à Mississauga. À ses dires, il donnait « environ 350 $ » toutes les deux semaines. Il a déclaré qu’il n’avait aucune pièce justificative pour prouver qu’il avait fait ces dons parce que l’ARC a trop tardé à lui établir une nouvelle cotisation et que ses pièces justificatives étaient maintenant perdues ou détruites.

[5]             Pour appuyer son témoignage voulant qu’il ait fait des dons à la CFCD, l’appelant a présenté deux reçus de cette fondation, l’un pour l’année 2002 au montant de 18 550 $ et l'autre pour 2003 au montant de 15 550 $.

[6]             D’après son témoignage, il avait donné auparavant 15 400 $ en 2001 et demandé une déduction pour ce montant dans sa déclaration de revenus de 2001. En juillet 2002, l’Agence du revenu du Canada (l’« ARC ») lui a demandé de fournir une preuve de ses dons en 2001. Il a envoyé à l’Agence le reçu pour don de bienfaisance, qui a été accepté, et aucun redressement n’a été apporté à sa déclaration. Il croyait que ses dons de bienfaisance pour 2002 et 2003 étaient également acceptés, car il n’a pas fait l’objet d’une nouvelle cotisation pour ces années avant le 7 décembre 2009. Il estime qu’il a été induit en erreur par l’ARC.

[7]             L’appelant a déclaré que, pour l’une des années visées par l’appel, la déclaration de revenus a été préparée par sa sœur et envoyée par voie électronique par Cantax Tax Preparers. Il n’était pas certain s'il en avait été ainsi en 2002 ou en 2003. Toutefois, l'autre année, la déclaration de revenus a été préparée et produite par voie électronique par ADD Accounting Services (« ADD Accounting »). L’appelant a déclaré par la suite qu’en 2002 ou en 2003, il a produit une déclaration sur papier.

[8]             Selon les dossiers de l’ARC, les déclarations de revenus de 2002 et de 2003 ont toutes les deux été produites par voie électronique par ADD Accounting.

[9]             Barbara Lovie, ancienne employée de la Division des enquêtes de l’ARC, a déclaré dans son témoignage qu’en janvier 2006, elle a été affectée à l’enquête visant la CanAfrica International Foundation (la « CanAfrica ») et ADD Accounting. CanAfrica était un organisme de bienfaisance enregistré dont le but présumé était d’aider les femmes et les enfants pauvres d’Afrique. Ambrose Danso-Dapaah était le président de l’organisme de bienfaisance CanAfrica et l’unique propriétaire d’ADD Accounting. ADD Accounting était un service de préparation de déclarations de revenus. L’enquête de Mme Lovie portait sur les années 2002 à 2005 inclusivement.

[10]        Conformément aux mandats de perquisition délivrés au cours de l’enquête, Mme Lovie a saisi les dossiers financiers et un ordinateur à la résidence d’Ambrose Danso-Dapaah. Elle a recensé approximativement 3 800 dossiers Cantax sur le disque dur de l’ordinateur. Cantax est un logiciel utilisé pour préparer les déclarations de revenus. Plus précisément, elle a retrouvé les déclarations Cantax de 2002, 2003 et 2004 de l’appelant sur le disque dur de l’ordinateur d’Ambrose Danso‑Dapaah. D’après ces déclarations, l’appelant a fait don de 18 550,21 $ et de 15 500 $ à CanAfrica en 2002 et en 2003 respectivement. La déclaration Cantax de l’appelant pour 2003 comprenait un reçu de 1 550 $, soit 10 % du don qu’il aurait fait cette année-là.

[11]        Mme Lovie a déclaré qu’Ambrose Danso-Dapaah a été accusé de fraude de plus de 5 000 $. Il a plaidé coupable à des accusations de vente de faux reçus pour dons de bienfaisance. Il facturait à ses clients des frais correspondant à 10 % du faux don pour établir les reçus pour dons de bienfaisance. Le montant total des faux reçus pour dons de bienfaisance remis à des contribuables par Ambrose Danso-Dapaah était de 21 400 000 $, ce qui correspond à 6 200 000 $ en faux crédits d’impôt non remboursables.

[12]        L’appelant a nié avoir fait le moindre don à CanAfrica, déclarant que ses dons ont été faits à la CFCD.

[13]        Les questions à trancher en l’espèce sont : 1) est-ce que l’appelant a fait un don à un organisme de bienfaisance en 2002 et en 2003 qui lui donnerait le droit de demander des crédits d’impôt non remboursables en application de l’article 118.1 de la Loi de l’impôt sur le revenu (la « Loi »)?; 2) est-ce que les reçus délivrés par la CFCD ont été établis de la manière prescrite conformément au paragraphe 118.1(2) de la Loi et aux articles 3500 et 3501 du Règlement de l’impôt sur le revenu (le « Règlement »)? et 3) est-ce que le ministre du Revenu national (le « ministre ») avait le droit d’établir pour l’appelant une nouvelle cotisation après la période normale de nouvelle cotisation?

[14]        À mon avis, l’appelant n’a pas fait le moindre don à la CFCD en 2002 et 2003. En plus du fait qu’il n’a aucun document appuyant son assertion selon laquelle il a fait ces dons en espèces, j’ai conclu, d’après les éléments de preuve produits par l’appelant, qu’il n’était pas crédible. Son témoignage était imprécis, confus et il a changé sa version des faits lorsqu’il a été interrogé. À titre d’exemple, lorsqu’on lui a demandé s’il avait appris l’existence de la CFCD de personnes de son église, il a répondu avoir rencontré son représentant à un bureau itinérant à l’extérieur de l’église; par la suite, il a dit avoir rencontré le représentant à un centre commercial situé près de son église. Il a déclaré qu’un dimanche, en sortant de l’église, il a vu une affiche portative et un homme qui parlait devant un groupe de personnes réunies autour de l’affiche. Il passait devant le centre commercial et s’est arrêté pour écouter. Il a appris qu’il pouvait aider des enfants de Singapour (sic), en Afrique, s’il faisait des dons à la CFCD.

[15]        L’appelant a déclaré avoir fait don de 350 $ en espèces toutes les deux semaines à la CFCD. Lorsque l’avocate de l’intimée lui a fait remarquer que ce montant ne correspondait pas aux présumés dons, l’appelant a dit qu’il avait donné « environ 700 $ » toutes les deux semaines en 2002 et « environ 600 $ » toutes les deux semaines en 2003. Il a d’abord déclaré que ses dons, au cours de ces deux années, avaient tous été faits en espèces. Par la suite, au contre-interrogatoire, il a dit qu’en 2002, il avait fait ses dons à 95 % en espèces et à 5 % en nature, à savoir un téléviseur, un lecteur de DVD et quelques vêtements. En 2003, il n’a fait que des dons en espèces.

[16]        Au départ, l’appelant a déclaré s’être rendu au bureau de la CFCD sur le chemin Beaconfield à Mississauga pour y effectuer ses dons. Lorsque je lui ai rappelé que l’adresse inscrite sur les reçus de la CFCD était sur le chemin Battleford à Mississauga, l’appelant a modifié son témoignage.

[17]        Selon les documents présentés par l’intimée, le revenu de l’appelant en 2002 et en 2003, après déductions, était de 39 336,88 $ et de 32 412,24 $ respectivement. Il me semble invraisemblable qu’il ait donné près de la moitié de son revenu à un organisme de bienfaisance dont il ignorait tout.

[18]        L’appelant a déclaré qu’il ne versait pas de loyer à ses parents et pourtant, en 2002, il a indiqué dans sa déclaration de revenus qu’il avait versé un loyer de 6 000 $.

[19]        Le témoignage de l’appelant sur la question de savoir qui avait préparé ses déclarations de revenus et qui les avait envoyées par voie électronique n’a cessé de changer. Il a dit que Cantax avait envoyé ses déclarations de revenus par voie électronique pour l’une des années visées, alors que Cantax n’est pas un service de préparation de déclarations de revenus enregistré pour produire des déclarations de revenus, mais plutôt un logiciel utilisé pour préparer les déclarations de revenus. L’appelant a déclaré qu’il n’est allé chez ADD Accounting qu’une fois pour envoyer par voie électronique une de ses déclarations. Toutefois, il ressort de la preuve qu’en 2002 et en 2003, les déclarations ont été envoyées par voie électronique par ADD Accounting.

[20]        ADD Accounting était la propriété d’Ambrose Danso-Dapaah, qui a plaidé coupable à des accusations de vente de faux dons de bienfaisance, et Ambrose Danso‑Dapaah était également administrateur et dirigeant de la CFCD.

[21]        Au vu de l’ensemble de la preuve, j’ai conclu que l’appelant n’a pas fait de dons de 18 550 $ et de 15 500 $ à la CFCD en 2002 et en 2003. Il a plutôt acheté des reçus pour dons de bienfaisance à 10 % de leur valeur nominale. Voir la pièce R‑3.

[22]        Je vais examiner les reçus produits par l’appelant.

[23]        Le paragraphe 118.1(2) de la Loi stipule que la preuve relative à un don de bienfaisance doit être produite sur un reçu officiel contenant les renseignements prescrits. Les renseignements prescrits sont précisés à l’article 3501 du Règlement :

 

(1) Tout reçu officiel délivré par une organisation enregistrée doit énoncer qu’il s’agit d’un reçu officiel aux fins de l’impôt sur le revenu et indiquer clairement, de façon à ce qu’ils ne puissent être modifiés facilement, les détails suivants :

a) le nom et l’adresse au Canada de l’organisation ainsi qu’ils sont enregistrés auprès du ministre;

b) le numéro d’enregistrement attribué par le ministre à l’organisation;

c) le numéro de série du reçu;

d) le lieu ou l’endroit où le reçu a été délivré;

e) lorsque le don est un don en espèces, la date ou l’année où il a été reçu;

e.1) lorsque le don est un don de biens autres que des espèces :

(i) la date où il a été reçu,

(ii) une brève description du bien, et

(iii) le nom et l’adresse de l’évaluateur du bien si une évaluation a été faite;

f) la date de délivrance du reçu;

g) le nom et l’adresse du donateur, y compris, dans le cas d’un particulier, son prénom et son initiale;

h) celle des sommes ci-après qui est applicable :

(i) le montant du don en espèces,

(ii) lorsque le don est un don de biens autres que des espèces, la juste valeur marchande du bien au moment où le don est fait;

h.1) une description de l’avantage, le cas échéant, au titre du don et le montant de cet avantage;

h.2) le montant admissible du don;

i) la signature, ainsi qu’il est prévu au paragraphe (2) ou (3), d’un particulier compétent qui a été autorisé par l’organisation à accuser réception des dons;

j) le nom de l’Agence du revenu du Canada et l’adresse de son site Internet.

[24]        Aucun des reçus produits par l’appelant ne contenait les renseignements prescrits aux alinéas e.1), f), h) et j) du paragraphe 3501(1).

[25]        L’appelant a déclaré qu’une partie des présumés dons effectués en 2002 se composait de dons en nature. À l’encontre de l’alinéa 3501(1)e.1), le reçu de 2002 n’indiquait pas la date où au présumé don et ne comportait pas de description des biens. Le reçu ne portait pas d’indication selon laquelle une évaluation des biens aurait été faite. La juste valeur marchande des biens au moment où le don a été fait n’était pas indiquée, contrairement à ce qu’exige le sous-alinéa 3501(1)h)(ii).

[26]        La date de délivrance n’était inscrite sur aucun des deux reçus. Le nom et l’adresse du site Internet de l’ARC n’étaient inscrits sur aucun des reçus.

[27]        Les exigences précisées à l’article 3501 ne sont pas frivoles, mais absolument nécessaires pour vérifier qu’un don a bel et bien été fait. Leur objet est d’éviter les abus de toute nature : Plante c. La Reine, [1999] ACI no 51.

[28]        Par contre, même si les exigences exposées à l’article 3501 avaient été satisfaites, comme je l’ai mentionné précédemment, j’aurais conclu que l’appelant n’a pas fait de don à la CFCD. Il ne m’a été remis aucun élément de preuve crédible à l’appui de son affirmation selon laquelle il a fait les dons en question et j’ai conclu qu’il a acheté les reçus d’Ambrose Danso-Dapaah.

[29]        L’appelant a estimé que l’ARC l’avait induit en erreur en admettant qu’il avait fait un don en 2001 et qu’elle a mis trop de temps à établir de nouvelles cotisations pour 2002 et 2003.

[30]        Il est précisé au sous-alinéa 152(4)a)(i) de la Loi que le ministre peut établir une nouvelle cotisation n’importe quand si le contribuable ou la personne qui a produit la déclaration de revenus a fait une présentation erronée des faits, par négligence, inattention ou omission volontaire, ou a commis quelque fraude en produisant la déclaration. Il incombait à l’intimée d’établir que l’appelant était visé par le sous-alinéa en question.

[31]        En l’occurrence, l’avocate de l’intimée a démontré que l’appelant n’était pas crédible. Au fil des questions qui lui étaient posées, son témoignage a changé constamment. De plus, l’appelant n’avait aucune pièce justificative établissant qu’il avait fait des dons de quelque montant à quelque organisme de bienfaisance. J’ai déduit de ces deux facteurs que l’appelant a fait une présentation erronée en demandant des crédits pour dons de bienfaisance pour 2002 et 2003.

[32]        L’intimée a également établi qu’Ambrose Danso-Dapaah a été accusé de fraude et a plaidé coupable à l’accusation d’avoir vendu de faux reçus pour dons de bienfaisance. Ambrose Danso-Dapaah était administrateur et dirigeant de la CFCD. Trois éléments de preuve essentiels reliaient l’appelant à la fraude d’Ambrose Danso‑Dapaah. Le premier était que ses déclarations de revenus de 2002 et de 2003 ont été produites par voie électronique par Ambrose Danso-Dapaah. Le deuxième élément de preuve était un reçu de 1 550 $ pour l’année 2003 de l’appelant, retracé sur l’ordinateur d’Ambrose Danso-Dapaah. Le montant du reçu équivalait à 10 % du soi-disant don de l’appelant, c’est-à-dire le montant que facturait Ambrose Danso-Dapaah à ses clients pour de faux reçus de dons de bienfaisance. Le troisième élément de preuve était les reçus pour dons de bienfaisance eux-mêmes. Ambrose Danso-Dapaah, à titre d’administrateur et de dirigeant de la CFCD, avait accès à ces reçus.

[33]        À mon avis, l’intimée s’est acquittée du fardeau énoncé au sous-alinéa 152(4)a)(i).

[34]        J’estime que l’appelant n’a fait aucun don à un organisme de bienfaisance en 2002 ou en 2003 et que lui et la personne qui a produit ses déclarations de revenus pour ces années ont fait des présentations erronées attribuables à une fraude. C’est à juste titre que le ministre a établi une nouvelle cotisation à l’endroit de l’appelant en dehors du délai de prescription.

[35]        L’appel est rejeté.

 

         Signé à Ottawa, Canada, ce 18e jour de mars 2014.

 

 

« V.A. Miller »

Juge V.A. Miller

 

Traduction certifiée conforme

ce 1er jour de mai 2014.

 

S. Tasset

 

 

 


RÉFÉRENCE :                                 2014 CCI 84

 

NO DU DOSSIER DE LA COUR :   2013-1231(IT)I

 

INTITULÉ :                                      NEIL JOHNSON ET

                                                          SA MAJESTÉ LA REINE

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :               Le 30 octobre 2013

 

MOTIFS DU JUGEMENT :             L’honorable juge Valerie Miller

 

DATE DU JUGEMENT :                 Le 18 mars 2014

 

COMPARUTIONS :

 

Pour l’appelant :

L’appelant lui-même

Avocate de l’intimée :

Me Erin Strashin

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

       Pour l’appelant :

 

                          Nom :                    

 

                            Cabinet :

 

       Pour l’intimée :                          William F. Pentney

                                                          Sous-procureur général du Canada

                                                          Ottawa, Canada

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