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Dossier : 2011-2196(IT)G

 

ENTRE :

HELEN JULIANNE GOLDHAWK,

appelante,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

 

 

Appel entendu le 1er novembre 2013, à Hamilton (Ontario).

 

Devant : L'honorable juge Johanne D'Auray

 

Comparutions :

 

Avocat de l'appelante :

Me Nicholas F. Ferguson

Avocat de l'intimée :

Me Marcel Prevost

 

 

JUGEMENT

 

          L'appel interjeté à l'encontre de la cotisation établie au titre du paragraphe 160(1) de la Loi de l'impôt sur le revenu, dont l'avis est daté du 2 avril 2005 et porte le numéro 15284, est rejeté.

 

          Les dépens sont adjugés à l'intimée.

 

Signé à Montréal (Québec), Canada, ce 2e jour de mai 2014.

 

 

« Johanne D'Auray »

La juge D'Auray

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 22e jour de juillet 2014.

 

 

 

Yves Bellefeuille, réviseur

 


 

 

 

 

Référence : 2014 CCI 132

Date : 20140502

Dossier : 2011-2196(IT)G

 

ENTRE :

HELEN JULIANNE GOLDHAWK,

appelante,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT

 

La juge D'Auray

 

La question à trancher

 

[1]             La question à trancher en l'espèce est de savoir si l'appelante, Mme Helen Julianne Goldhawk (« Mme Goldhawk »), est solidairement responsable de l'impôt dû par son époux, M. Albert Goldhawk (« M. Goldhawk »), à la suite du transfert à Mme Goldhawk de la part de M. Goldhawk du foyer conjugal, aux termes de l'article 160 de la Loi de l'impôt sur le revenu (la « Loi »).

 

Les faits

 

[2]             Madame Goldhawk est travailleuse sociale et M. Goldhawk, maintenant à la retraite, travaillait au cours de la période visée à titre de comptable agréé.

 

[3]             En 1989, M. Goldhawk a lancé une entreprise avec M. Quattrini, également comptable agréé. L'entreprise était exploitée comme société en nom collectif et fournissait des services de comptabilité.

 

[4]             Toutefois, avant la constitution de la société en nom collectif, M. Quattrini a tenu à ce que M. Goldhawk passe un contrat de mariage avec son épouse en vertu duquel, en cas de divorce ou de séparation, Mme Goldhawk n'aurait pas droit à la participation de M. Goldhawk dans la société en nom collectif désignée D. J. Quattrini, C.A. et Quattrini & Associates Limited (la « société en nom collectif »).

 

[5]             À l'époque de l'appel, Mme Goldhawk et M. Goldhawk étaient mariés depuis 46 ans. Avant 1989, les Goldhawk n'avaient pas de contrat de mariage. Par conséquent, avant de signer un contrat de mariage dans lequel elle abandonnerait ses droits concernant ses intérêts de conjointe dans la société en nom collectif, Mme Goldhawk a demandé l'avis d'un avocat.

 

[6]             L'avocat de Mme Goldhawk lui a déconseillé de signer un contrat de mariage de ce type, mais il s'agissait d'une situation délicate pour Mme Goldhawk; ainsi, on lui conseillait de ne pas signer le contrat de mariage, mais, par ailleurs, le fait de se conformer à ce conseil enlèverait à M. Goldhawk la possibilité de lancer son cabinet comptable.

 

[7]             Madame Goldhawk et M. Goldhawk ont tous deux témoigné qu'ils ont convenu que Mme Goldhawk signerait le contrat de mariage, abandonnant ses droits à la participation de M. Goldhawk dans la société en nom collectif, en échange de la part de M. Goldhawk dans la résidence conjugale. Selon leurs déclarations, l'entente orale a été conclue peu de temps avant que Mme Goldhawk ne signe le contrat de mariage le 5 juin 1989. Par contre, fait à souligner, la Cour ne dispose d'aucun document appuyant l'allégation qu'il y ait eu une entente orale, et aucun témoin ne confirme leur discussion.

 

[8]             Après la signature du contrat de mariage, M. Goldhawk a lancé son cabinet comptable avec M. Quattrini. Au fil des années 1990, la relation de M. Goldhawk avec M. Quattrini s'est détériorée. La tension dans leurs relations professionnelles a atteint son point culminant en mai 2001, lorsque M. Quattrini a interdit à M. Goldhawk l'accès au bureau en verrouillant les portes. Finalement, M. Goldhawk a eu gain de cause dans une poursuite civile contre M. Quattrini.

 

[9]             Monsieur et Mme Goldhawk ont déclaré que, compte tenu des difficultés auxquelles M. Goldhawk faisait face avec son associé d'affaires en 1999, et craignant que la société en nom collectif ne soit bientôt dissoute, ils ont pris des mesures pour veiller à ce que leur situation juridique soit en ordre.

 

[10]        Le 21 octobre 1999, M. Goldhawk a transféré à Mme Goldhawk sa part du foyer conjugal. À l'époque du transfert du foyer conjugal à Mme Goldhawk, M. Goldhawk devait payer de l'impôt au titre de la Loi. La juste valeur marchande du foyer conjugal était de 225 000 $.

 

[11]        Dans le transfert du titre sur la résidence conjugale, sous la rubrique [TRADUCTION] « Contrepartie », on peut lire [TRADUCTION] « Amour et affection naturels ainsi que 1 $ ». Il y est également précisé ceci : [TRADUCTION] « Acte consenti pour conférer le titre de propriété au nom de l'épouse seule et pour nulle autre raison ».

 

[12]        Dix années se sont écoulées entre le moment où les Goldhawk ont censément transféré oralement la résidence conjugale et le moment du transfert proprement dit du titre. Mme Goldhawk a expliqué que la raison pour laquelle il y avait eu un retard de 10 ans pour le transfert du titre est que tous deux menaient une vie très occupée.

 

[13]        Aucun des documents produits en preuve au cours de l'instance ne faisait état du supposé accord oral par lequel M. Goldhawk aurait cédé sa part de la résidence conjugale à Mme Goldhawk, son épouse, en échange du contrat de mariage de 1989.

 

Les positions des parties

 

La position de l'appelante

 

[14]        Madame Goldhawk estime qu'elle a versé une contrepartie suffisante pour la part de son époux qu'elle a obtenue dans la résidence. Elle a soutenu que le transfert concernant la résidence a été fait en échange de concessions auxquelles elle a consenti dans le contrat de mariage, et donc qu'elle avait versé une contrepartie suffisante et valable, de sorte que l'article 160 de la Loi ne devrait pas s'appliquer.

 

La position de l'intimée

 

[15]        L'intimée affirme que la juste valeur marchande de la résidence au moment du transfert de titre en 1999 était de 225 000 $ et que la contrepartie versée par l'appelante en retour de la participation de M. Goldhawk dans leur résidence était de 1 $. Ainsi, aux termes de l'article 160 de la Loi, Mme Goldhawk et M. Goldhawk sont solidairement responsables du montant exigible de M. Goldhawk au titre de la Loi à l'égard de l'année d'imposition 1999 et de toute année précédente, soit un total de 26 341,90 $. L'intimée nie l'allégation voulant que Mme Goldhawk et son époux aient conclu une entente orale en 1989.

 

Analyse

 

[16]        Madame Goldhawk n'a pu expliquer pour quelle raison l'entente orale entre elle et son époux concernant le transfert de la résidence conjugale n'était mentionnée dans aucun des documents produits en preuve devant la Cour.

 

[17]        À titre d'exemple, lorsque l'intimée a voulu savoir pourquoi il n'y avait aucune mention de l'entente orale dans le contrat de mariage du 5 juin 1989, Mme Goldhawk n'a pu expliquer pourquoi il en était ainsi.

 

[18]        Lorsque la même question a été posée à M. Goldhawk, il a déclaré que la seule fin du contrat de mariage était de donner suite à la demande et aux préoccupations de son associé. Il a expliqué que le contrat de mariage ne faisait aucunement mention de l'entente orale, puisque le transfert de la résidence conjugale était une question personnelle entre lui et son épouse et que, pour l'essentiel, il n'y avait aucun motif pour que son associé soit tenu au courant de son entente personnelle avec son épouse.

 

[19]        Madame Goldhawk n'a pu expliquer pourquoi l'acte lui transférant la part de M. Goldhawk dans la résidence conjugale ne faisait pas état de l'entente orale. Bien au contraire, en fait, il est précisé à l'acte que la contrepartie était [TRADUCTION] « Amour et affection naturels » et on a ajouté qu'il s'agit d'un [TRADUCTION] « acte consenti pour conférer le titre de propriété au nom de l'épouse seule et pour nulle autre raison. Aucune contrepartie n'a été échangée entre les parties. »

 

[20]        Monsieur Goldhawk a laissé entendre qu'il s'agissait d'une erreur commise par l'avocat qui a rédigé le contrat. L'avocat qui a établi l'acte de transfert de la résidence pour les Goldhawk n'a pas été appelé à témoigner.

 

[21]        En outre, dans l'avis d'opposition de Mme Goldhawk du 18 juillet 2005, il n'est pas fait mention d'entente orale lui transférant la part de M. Goldhawk de la résidence conjugale. Le seul motif soulevé pour s'opposer à la cotisation établie au titre de l'article 160 était :

 

[TRADUCTION]

 

Le montant que vous affirmez être exigible d'AE Goldhawk est erroné, car les paiements ont été effectués.

 

[22]        Madame Goldhawk n'a pu expliquer pourquoi l'avis d'opposition ne faisait aucune mention de l'entente orale. De plus, elle n'a pu expliquer pour quelle raison, dans l'avis d'appel déposé en son nom, il n'avait pas été question de l'entente orale du transfert de la résidence conjugale à titre d'argument annulant l'application de l'article 160 de la Loi.

 

[23]        En ce qui a trait au témoignage de M. Goldhawk, j'admets ce qu'il a déclaré, à savoir que le contrat de mariage du 5 juin 1989 visait exclusivement à répondre aux préoccupations de son associé d'affaires. J'estime concevable que ce soit là la raison pour laquelle aucune mention n'a été faite du transfert de la résidence conjugale dans le contrat de mariage.

 

[24]        Toutefois, je suis préoccupée par le fait que, dans le transfert du titre, on n'ait pas fait mention de l'accord oral. Tout au contraire, en fait, il est expressément mentionné au transfert que le titre devait être porté au nom de Mme Goldhawk pour nulle autre fin et sans contrepartie. Par conséquent, la preuve orale contredit directement la preuve documentaire.

 

[25]        Monsieur Goldhawk ne m'a pas convaincue par son témoignage que l'absence de mention de l'accord oral dans l'acte de transfert du titre résultait d'une erreur commise par l'avocat. Je suis plutôt encline à croire que le document rend compte de l'intention des parties, à l'époque où il y a eu le transfert du titre de propriété. En d'autres termes, je crois que le transfert de titre n'a pas été effectué pour parachever une quelconque entente précédente. Le transfert de titre en 1999 a peut‑être été motivé par des préoccupations concernant l'associé d'affaires de M. Goldhawk, ou peut‑être l'intimée a‑t‑elle raison d'alléguer que M. Goldhawk était inquiet à propos des montants qu'il devait à l'Agence du revenu du Canada. Dans un cas comme dans l'autre, je crois que, si M. Goldhawk avait transféré le titre selon un engagement contractuel précédent pris en 1989, cela aurait été mentionné dans la documentation, dans l'avis d'opposition et dans l'avis d'appel.

 

[26]        À mon sens, les témoins ont eu amplement l'occasion d'expliquer les motifs des différences importantes entre leurs témoignages et les documents, et ils n'ont donné aucune réponse acceptable ou suffisante susceptible d'expliquer pour quelle raison le transfert de titre ne rendait pas compte de l'accord oral. Mme Goldhawk n'a pu offrir la moindre explication à cet égard, et le témoignage de M. Goldhawk était intéressé lorsqu'il a affirmé qu'il s'agissait d'une erreur commise par l'avocat rédacteur, lequel n'a pas été appelé à témoigner. J'estime que Mme Goldhawk n'a pas réfuté les hypothèses de fait posées par le ministre à cet égard; par conséquent, je dois admettre que la nature du transfert de titre est celle présentée dans les documents, à savoir le transfert de la part de M. Goldhawk dans la résidence conjugale sans contrepartie.

 

[27]        En l'espèce, les conditions du paragraphe 160(1) de la Loi sont satisfaites :

 

1.       M. Goldhawk était responsable de l'impôt au moment du transfert de sa part de la résidence conjugale à Mme Goldhawk;

 

2.       La bénéficiaire, Mme Goldhawk, était l'épouse de l'auteur du transfert, M. Goldhawk;

 

3.       La juste valeur marchande de la part de M. Goldhawk dans la résidence conjugale dépassait la juste valeur marchande de la contrepartie accordée par Mme Goldhawk.

 

[28]        L'appel est rejeté avec dépens.

 

Signé à Montréal (Québec), Canada, ce 2e jour de mai 2014.

 

 

« Johanne D'Auray »

La juge D'Auray

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 22e jour de juillet 2014.

 

 

 

Yves Bellefeuille, réviseur

 


RÉFÉRENCE :

2014 CCI 132

 

NO DU DOSSIER DE LA COUR :

2011-2196(IT)G

 

INTITULÉ :

HELEN JULIANNE GOLDHAWK c. SA MAJESTÉ LA REINE

 

LIEU DE L'AUDIENCE :

Hamilton (Ontario)

 

DATE DE L'AUDIENCE :

Le 1er novembre 2013

 

MOTIFS DU JUGEMENT :

L'honorable juge Johanne D'Auray

 

DATE DU JUGEMENT :

Le 2 mai 2014

 

COMPARUTIONS :

 

Avocat de l'appelante :

Me Nicholas F. Ferguson

Avocat de l'intimée :

Me Marcel Prevost

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Pour l'appelante :

Nom :

Nicholas F. Ferguson

Cabinet :

Chown, Cairns LLP

St. Catharines (Ontario)

 

Pour l'intimée :

William F. Pentney

Sous-procureur général du Canada

Ottawa, Canada

 

 

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