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Dossier : 2012-2058(GST)I

ENTRE :

FRANCIS & ASSOCIATES,

appelante,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée,

 

Dossier : 2012-2061(IT)I

ET ENTRE :

J. PAUL FRANCIS,

appelant,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée,

 

Dossier : 2012-2062(IT)I

ET ENTRE :

MARIE L. FRANCIS,

appelante,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

Premier jour d’audience tenu le 11 septembre 2013;

suite de l’audience tenue le 9 décembre 2013 à Ottawa (Ontario);

observations écrites des avocats reçues le 13 février 2014.

Devant : L’honorable juge Randall S. Bocock



Comparutions :

 

Avocat des appelants :

Me Rod A. Vanier

Avocat de l’intimée :

Me Christopher Kitchen

 

JUGEMENT

1.     Les appels relatifs à la Loi de l’impôt sur le revenu (nos de dossiers de la Cour 2012-2061(IT)I et 2012-2062(IT)I) sont accueillis, étant entendu que :

a.     J. Paul Francis a droit à des dépenses additionnelles, déductibles de ses revenus professionnels, de 49 700,40 $, de 15 406,20 $ et de 31 764,60 $ pour chacune des années d’imposition 2002, 2003 et 2004, respectivement;

b.     Marie L. Francis a droit à des dépenses additionnelles, déductibles de ses revenus professionnels, de 33 133,60 $, de 10 270,80 $ et de 21 176,40 $ pour chacune des années d’imposition 2002, 2003 et 2004, respectivement;

c.      Les appels dont il est question dans le présent paragraphe sont renvoyés au ministre du Revenu national pour nouvel examen et nouvelle cotisation.

2.     L’appel de Francis and Associates (no du dossier de la Cour 2012-2058(GST)I))
est rejeté;

3.     Les appelants, J. Paul Francis et Marie L. Francis, ont droit à des dépens adjugés d’une manière conforme au tarif qui s’applique à leurs appels interjetés sous le régime des Règles de la Cour canadienne de l’impôt (procédure informelle).

Signé à Ottawa (Ontario), ce 9e jour de mai 2014.

« R.S. Bocock »

Juge Bocock

 

Traduction certifiée conforme

ce 24e jour de juillet 2014.

 

S. Tasset


Référence : 2014 CCI 137

Date : 20140509

Dossier : 2012-2058(GST)I

ENTRE :

FRANCIS & ASSOCIATES,

appelante,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée,

 

Dossier : 2012-2061(IT)I

ET ENTRE :

J. PAUL FRANCIS,

appelant,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée,

 

Dossier : 2012-2062(IT)I

ET ENTRE :

MARIE L. FRANCIS,

appelante,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]


MOTIFS DU JUGEMENT

I.                   Introduction et contexte

[1]             Les présents appels ont trait à des dépenses de Paul Francis et Marie Francis (les « appelants ») qui ont été refusées relativement aux années d’imposition 2002, 2003 et 2004 (la « période pertinente »). L’audience a porté sur trois appels entendus ensemble sur preuve commune : les deux premiers sont les appels concernant des dépenses refusées au titre de la Loi de l’impôt sur le revenu (la « Loi »), et le troisième a trait à des crédits de taxe sur les intrants (« CTI ») qui ont été demandés en vertu de la Loi sur la taxe d’accise (la « LTA ») au cours de la période pertinente et qui ont été refusés simultanément.

[2]             Les appelants sont associés au sein du cabinet d’avocats Francis and Associates (la « société de personnes »). La participation de M. Francis dans la société de personnes est de 60 %, et celle de Mme Francis est de 40 %.

[3]             Plus précisément, le ministre a refusé les déductions qui, aux dires des appelants, sont liées à :

a.     l’affectation annuelle de créances douteuses à des comptes de créances irrécouvrables (les « affectations de créances douteuses »);

b.     une erreur de comptabilité interne initiale qui s’est soldée par le non-recouvrement de montants par ailleurs facturables, mais non facturés (les « débours non recouvrés »), dépensés en vue d’acquérir des services accessoires pour le compte de clients et pour lesquels une déduction de dépenses d’entreprise est maintenant demandée;

c.      certaines dépenses de publicité et de promotion (les « dépenses promotionnelles »).

[4]             Les dépenses contestées et mentionnées ci-dessus qui sont visées par le présent appel s’établissent de la manière suivante :

 

Affectations de créances douteuses

2002

2003

2004

 

Affectation du ministre dans la nouvelle cotisation

44 604 $

36 541 $

19 142 $

 

Affectations des appelants dans les appels

18 929 $

77 641 $

3 889 $

(Ce n’est pas le total des créances douteuses qui suscite un différend important, mais simplement les réaffectations qui ont été faites entre chacune des années constituant la période pertinente.)


 

Débours non recouvrés

2002

2003

2004

 

Montant total refusé

82 834 $

25 677 $

52 941 $

 

 

Dépenses promotionnelles

2002

2003

2004

 

Montant total refusé

6 000 $

5 901 $

6 000 $

 

Règle des 50 % (art. 67.1)

3 000 $

2 901 $

3 000 $

 

Dépenses en argent comptant

3 000 $

3 000 $

3 000 $

 

 

 

 

 

[5]             Le ministre a également refusé à la société de personnes des crédits de taxe sur les intrants au titre de la LTA de 10 194 $ pour la période pertinente (les « CTI refusés »).

[6]             Pendant la période pertinente, les déclarations de revenus (les « déclarations initiales ») de la société de personnes et des appelants ont été établies par Karl Von Bloedau. Ce dernier s’occupait censément de la comptabilité et de la tenue de livres de la société de personnes (M. Von Bloedau a nié ce fait à l’ARC, et il n’a pas témoigné à l’audience). Ses présumées fonctions consistaient à superviser les tâches comptables ordinaires de la société de personnes ainsi qu’à gérer le personnel comptable. Il est lié aux appelants, mais aujourd’hui n’a pas plus de contacts avec eux. Son emploi a pris fin avant qu’ait lieu la vérification décrite ci-dessous.

[7]             Au cours de la période pertinente, M. Francis a cosupervisé le personnel comptable de la société de personnes. Il coprésidait les réunions budgétaires de cette dernière, et il examinait aussi tous les mois sa situation financière. Il a déclaré qu’il tenait chaque mois une réunion en vue de passer en revue le compte de fiducie et les créances de la société de personnes. Si une créance n’était pas recouvrée, une série de lettres au ton de plus en plus insistant étaient envoyées et, au bout de six mois, M. Francis décidait s’il allait poursuivre les démarches de recouvrement de la créance. S’il décidait de renoncer à la créance, le montant était alors habituellement radié pour de bon à titre de créance irrécouvrable.

[8]             En août 2005, l’ARC a entrepris une vérification visant la société de personnes. Après la vérification, les appelants ont retenu les services d’un cabinet de comptables agréés, et plus particulièrement de M. K.E. Koshy, à la fin de l’été de 2005. Il est allégué qu’en examinant les livres et les registres de la société de personnes, M. Koshy a découvert deux erreurs importantes que M. Von Bloedau aurait commises ou n’aurait pas remarquées : certaines créances irrécouvrables n’avaient jamais été déduites comme il le fallait à titre de créances douteuses, et des sommes dépensées pour le compte de clients étaient restées non facturées dans certains comptes provisoires de débours.

[9]             En 2007, les appelants ont produit des déclarations de revenus révisées, établies par M. Koshy, pour la période pertinente (les « déclarations révisées »). Le ministre a établi de nouvelles cotisations à l’égard des déclarations révisées des appelants et a majoré les revenus de la société de personnes d’un montant nettement supérieur à 500 000 $. Les appelants ont contesté cette nouvelle cotisation et le ministre a modifié en fin de compte les nouvelles cotisations en février 2012, refusant du même coup les déductions décrites plus tôt, qui sont l’objet des présents appels. Il est convenu que les deux premières années d’imposition ont été l’objet d’une nouvelle cotisation après l’expiration de la période normale de nouvelle cotisation.

II.                Quelques commentaires et faits additionnels

[10]        Lors des deux jours d’audience, trois personnes ont témoigné pour le compte des appelants : M. Francis, M. Matthew Atkinson, un employé comptable de la société de personnes, de même que M. Koshy, CA, le comptable des appelants.

[11]        M. Denis Delores, agent des litiges en matière de TPS de l’ARC, ainsi que Mme Cathy Narvasa, vérificatrice de l’ARC à l’époque de la période pertinente, ont été appelés à témoigner par l’intimée.

[12]        Les relations entre les appelants (et leurs conseillers) et la vérificatrice et les agents des appels de l’ARC ont toujours été conflictuelles. Les témoignages ont également fait état de rapports moins que coopératifs entre les parties. Dans leurs observations écrites, les appelants se sont plaints que la vérification de l’ARC, qui s’était soldée en premier par une analyse des revenus et des dépenses et une nouvelle cotisation, était erronée et excessive et qu’elle n’avait pas mis au jour les erreurs qu’ils avaient eux-mêmes commises dans les déclarations initiales. Il est bien établi en droit que la méthode ou la conduite de l’ARC, qui donne lieu à la nouvelle cotisation ultime, n’est pas pertinente aux yeux de la Cour. Il est plutôt question de savoir si cette nouvelle cotisation ultime et les hypothèses sous-jacentes sont valides, pertinentes et exactes. Par ailleurs, en l’espèce, les appelants doivent accepter une part de responsabilité pour le montant que l’ARC a surestimé dans la cotisation initiale du fait de l’état dans lequel se trouvaient au départ leurs propres registres et leurs déclarations initiales. Enfin, l’ARC n’est aucunement responsable du fait de ne pas avoir découvert les erreurs des appelants qui se cachaient dans les déclarations initiales, les documents originaux ou d’autres informations transmises à l’ARC. Par ailleurs, la Cour a constaté la fréquence à laquelle les deux parties se sont contredites et ont eu recours à des termes vagues en tentant de faire une distinction entre les affectations de créances douteuses et les débours non recouvrés. Ces problèmes de communication deviendront évidents dans le corps des présents motifs.

[13]        Voici peut-être la meilleure façon de résumer la preuve des appelants à l’appui de la demande concernant les affectations de créances douteuses (en utilisant la terminologie uniforme de la Cour, qui n’était pas toujours présente dans les témoignages ou les observations) :

a)     les listes des créances produites en 2005 ont révélé la présence de créances irrécouvrables en 2002, en 2003 et en 2004;

b)    le témoignage direct de M. Francis, selon lequel ce dernier vérifiait habituellement, à la fin de chaque exercice, les créances des clients afin de déterminer si certaines d’entre elles étaient irrécouvrables;

c)     les témoignages de MM. Francis et Koshy, selon lesquels aucune des créances douteuses réaffectées n’avait été antérieurement radiée ou comptabilisée en double par une écriture dans une provision pour créances douteuses non rapprochée;

d)    le témoignage de M. Koshy, selon lequel certains honoraires professionnels constituant les affectations de créances douteuses ont été initialement facturés aux clients, mais n’ont jamais été passés en charges à titre de provision pour créances douteuses et ont plutôt été directement affectés à des créances douteuses dans les déclarations révisées.

[14]        Une preuve cruciale qui a été présentée à l’appui des débours non recouvrés a été une sorte d’historique établi et attesté par M. Koshy. Ces informations ont également été plaidées dans l’avis d’appel. L’historique et le témoignage analysent la différence annuelle entre les créances courantes comptabilisées et les trois totaux cumulatifs annuels de débours non facturés qui, censément, n’ont jamais été facturés ou passés en charges. La preuve de cette non-facturation était la différence même entre, d’une part, le montant croissant des débours non facturés cumulatifs et des créances comptabilisées figurant dans le grand livre général et, d’autre part, le total des éléments d’actif à court terme figurant dans le bilan. Cette différence était uniforme tant sur le plan de la croissance que sur celui de la corrélation. Les montants de base ont été tirés des divers comptes du grand livre, tels qu’ils sont reproduits dans la balance de vérification de fin d’exercice de la société de personnes. Selon M. Koshy, en calculant la continuité de la différence entre les comptes débiteurs facturés et les débours qui auraient été faits par le compte de clients et qu’on aurait oublié de facturer ou de passer en charges, il était possible d’arriver à une somme qui représentait les dépenses non reportées que la société de personnes avait engagées en gagnant ses honoraires professionnels.

[15]        Il est ressorti du gros du témoignage des appelants concernant l’appel relatif à la TPS que des montants liés aux CTI ont été engagés pour fournir les services constituant les débours (débours non recouvrés) ou imputés aux clients au moment de la facturation des honoraires professionnels (les affectations de créances douteuses). Il a été affirmé qu’il y avait lieu d’accorder un CTI parce que la TPS avait été payée sur ces services – dans le cas des débours non recouvrés – ou facturée aux clients et versée à l’intimée au départ, mais jamais récupérée auprès des clients dans le cas des affectations de créances douteuses.

III.             L’analyse et la décision

a)      L’établissement d’une nouvelle cotisation après l’expiration de la période normale de nouvelle cotisation

[16]        L’intimée fait valoir qu’elle est en droit d’établir une nouvelle cotisation à l’égard des années d’imposition 2002 et 2003 après l’expiration de la période normale de nouvelle cotisation parce que les appelants, au moment de produire les déclarations initiales, ont fait des présentations erronées des faits par négligence, inattention ou omission volontaire.

[17]        Les appelants soutiennent que les erreurs commises dans leurs déclarations initiales, bien qu’importantes, ont été faites de bonne foi et sont généralement contraires à leurs intérêts et qu’elles sont attribuables à leurs conseillers professionnels. Ils allèguent que le paragraphe 152(4) ne s’applique pas aux erreurs de ce genre et que, de ce fait, les années d’imposition 2002 et 2003 sont frappées de prescription.

[18]        L’alinéa 152(4)a) autorise le ministre à établir une cotisation (« at any time » – à quelque moment que ce soit – est-il précisé dans la version anglaise de la Loi) après l’expiration de la période normale de nouvelle cotisation si le contribuable a fait une présentation erronée des faits, par négligence, inattention ou omission volontaire, ou s’il a commis une fraude. Aucune fraude n’est alléguée en l’espèce. Pour que le ministre puisse appliquer le sous-alinéa 152(4)a)(i), deux éléments sont requis : 1) une présentation erronée des faits, et 2) par négligence, inattention ou omission volontaire. Le ministre a le fardeau d’établir ces deux éléments selon le critère de la prépondérance des probabilités

[19]        Dans l’arrêt Nesbitt v. R., [1996] D.T.C. 6588, la Cour d’appel fédérale a conclu, à la page 6589 du recueil, au paragraphe 4, que c’est au moment où la déclaration est produite que l’on détermine si des faits ont été présentés de manière erronée :

[…] C'est au moment où la déclaration est produite que l'on peut déterminer s'il y a eu ou non présentation erronée de faits par négligence ou inattention en remplissant la déclaration. Des faits ont été présentés erronément s'il se trouve un élément inexact dans la déclaration, du moins un élément qui est important pour les fins de la déclaration ainsi que de toute nouvelle cotisation ultérieure [...].

[20]        Une présentation erronée de faits s’entend de n’importe quelle déclaration « inexacte » : MNR v. Foot, [1964] C.T.C. 317 (CSC). Par ailleurs, il a été indiqué dans plusieurs décisions que « toute » erreur commise dans une déclaration produite est assimilable à une présentation erronée des faits : MNR v. Taylor, [1961] C.T.C. 211 (C. de l’É.), Nesbitt c. la Reine, 1996 (CAF) et Ridge Run Developments Inc. v. R, [2007] 3 C.T.C. 2605 (CCI). C’est donc dire que le critère qui permet d’établir l’existence d’une présentation erronée des faits n’est pas strict. Le ministre a satisfait à cet élément en montrant que les appelants ont produit les déclarations initiales, ont constaté des erreurs et ont produit les déclarations révisées. À l’évidence, les déclarations initiales contenaient des erreurs, comme en font foi les révisions ultérieures effectuées par les appelants.

[21]        La question la plus pressante est celle de savoir s’il y a eu présentation erronée des faits, par négligence, inattention ou omission volontaire. Il suffit au ministre d’établir le critère minimum qu’est le défaut de diligence raisonnable : Venne v. R., 1984 CarswellNat 210, [1984] C.T.C. 223, au paragraphe 16, où l’on fait une distinction entre le fardeau que prévoit le paragraphe 152(4) et le critère plus strict qu’exigent les dispositions du paragraphe 163(2), lequel prévoit l’imposition d’une pénalité.

[22]        Dans l’arrêt Regina Shoppers Mall Ltd. v. R., [1991] 1 C.T.C. 29, la Cour d’appel fédérale a cité, en y souscrivant, la formulation de la norme de diligence (appelée « soin ») que l’on exige du contribuable raisonnable, au paragraphe 7 :

[…] Il a également été établi que le soin nécessaire doit correspondre à celui d'une personne sage et prudente et que la déclaration doit être faite d'une façon que le contribuable croit véritablement appropriée. […]

[23]        En droit fiscal, comme en droit de la responsabilité délictuelle, la personne raisonnable est une personne prudente, et non parfaite. Dans la décision Reilly v. R., [1984] C.T.C., au paragraphe 51, le juge Muldoon a décrété :

Par conséquent, lorsque l’on dit aujourd’hui que la norme applicable est celle d’une personne sage et prudente, il faut se rappeler que la sagesse n’est pas infaillible et que la prudence n’est pas la perfection.

[24]        En l’espèce, les appelants ont imputé les erreurs commises dans les déclarations initiales à leur teneur de livres, M. Von Bloedau. Ainsi que l’a déclaré le juge Bowman (plus tard juge en chef) de la Cour dans la décision Snowball v. R., [1996] 2 C.T.C. 25, le fait de rejeter la faute sur un comptable négligent ou, comme c’est le cas en l’espèce, un teneur de livres, ne constitue pas un moyen de défense contre une prétention de négligence ou d’inattention. Le contribuable est indirectement coupable de négligence, d’inattention ou d’omission volontaire du fait des actes que son mandataire a commis lors de la préparation et de la production des déclarations de revenus.

[25]        Même en faisant abstraction de l’imputation de la conduite d’un mandataire à un contribuable, la conduite des appelants ne concordait pas avec celle d’un associé dans un cabinet d’avocats qui agit de manière sage et prudente. M. Francis avait acquis de nombreuses années d’expérience dans l’exploitation de la société de personnes. Il coprésidait la réunion budgétaire mensuelle de la société de personnes et il supervisait le personnel comptable interne. Dans l’exercice de ces fonctions, il n’a pas veillé à ce que les montants déclarés par la société de personnes soient exacts, et ce, par inattention, négligence ou omission volontaire, peu importe qu’il ait commis au départ les erreurs ou non. Le ministre s’est donc acquitté du fardeau et peut établir une nouvelle cotisation après l’expiration de la période normale prévue à cette fin.

b)      Le droit de déduire les affectations de créances douteuses et les débours non recouvrés

(i)      Les affectations de créances douteuses

[26]        Comme il a été indiqué plus tôt, l’intimée et les appelants qualifient de manière très différente ces deux éléments de dépenses. L’intimée soutient que les créances constituant les affectations de créances douteuses n’auraient pas pu être vérifiables en tant que créances irrécouvrables dans l’année d’imposition où elles avaient été déduites et qu’il ne s’agissait donc pas de créances douteuses. De plus, elle soutient que les appelants ont omis au départ d’inclure dans leurs revenus les débours non recouvrés. De ce fait, ni les affectations de créances douteuses ni les débours non recouvrés ne répondent aux exigences de l’alinéa 20(1)p) de la Loi, et ils ne sont donc pas déductibles à titre de créances irrécouvrables.

[27]        Quant aux affectations de créances douteuses, les appelants soutiennent que les montants ont été déduits valablement, conformément à l’alinéa 20(1)p). M. Francis a passé en revue les créances et a jugé qu’elles étaient irrécouvrables. Comme il a été indiqué plus tôt, les appelants décrivent de manière tout à fait différente la question des débours non recouvrés, et il en sera question séparément au point (ii) ci-après.

[28]        Les appelants ont fait valoir que l’alinéa 20(1)p) prévoit la déduction de pertes subies en raison de créances non recouvrées, acquises dans le cours normal des activités de l’entreprise. L’alinéa 20(1)p) doit être lu de pair avec l’alinéa 20(1)l), qui concerne à la déduction d’une provision pour créances douteuses. La provision peut être provisoire, applicable au moment où le recouvrement est incertain, et le contribuable la rajoute dans ses revenus l’année suivante, dans la mesure où il en a perçu une part quelconque. Par ailleurs, si la créance est définitivement irrécouvrable au cours d’une seule année, aucune provision pour créance douteuse n’est requise et cette dernière peut par ailleurs être directement considérée comme une créance irrécouvrable dans les rajustements de fin d’exercice définitifs.

[29]        Les passages pertinents des alinéas 20(1)l) et p) sont les suivants :

(1) Déductions admises dans le calcul du revenu tiré d’une entreprise ou d’un bien – Malgré les alinéas 18(1)a), b) et h), sont déductibles dans le calcul du revenu tiré par un contribuable d’une entreprise ou d’un bien pour une année d’imposition celles des sommes suivantes qui se rapportent entièrement à cette source de revenus ou la partie des sommes suivantes qu’il est raisonnable de considérer comme s’y rapportant : […]

l) Créances douteuses – la provision égale au total des montants suivants :

(i) un montant raisonnable au titre de créances douteuses (sauf une créance à laquelle s’applique le sous-alinéa (ii)) incluses dans le calcul du revenu du contribuable pour l’année ou pour une année d’imposition antérieure, […]

p) Créances irrécouvrables – le total des montants suivants :

(i) les créances du contribuable qu’il a établies comme étant devenues irrécouvrables au cours de l’année et qui sont incluses dans le calcul de son revenu pour l’année ou pour une année d’imposition antérieure, […]

[30]        L’intimée est d’avis que les appelants n’ont pas établi de manière factuelle que les affectations de créances douteuses et, comme elle le soutient, les débours non recouvrés sont devenus irrécouvrables dans l’année d’imposition où la déduction a été demandée. De plus, ces montants n’ont pas été inclus dans les revenus pour les années à l’égard desquelles la déduction a été demandée.

[31]        Le fait que l’intimée combine les affectations de créances douteuses avec les débours non recouvrés est une erreur; la position qu’elle adopte est exacte en ce qui a trait aux affectations de créances douteuses qui, comme il a été mentionné plus tôt, ne sont qu’une question d’affectations à l’intérieur même de la période pertinente. Le contribuable est tenu de prendre les mesures nécessaires pour établir que la créance est irrécouvrable dans l’année d’imposition où la déduction correspondante est demandée. Dans la décision Clackett v. R., [2008] 2 C.T.C. 2215, le juge McArthur a déclaré, au paragraphe 6 :

Avant qu’il puisse déduire une créance, il incombe au contribuable d’établir, selon la prépondérance des probabilités, que cette créance est devenue irrécouvrable pendant une année d’imposition (1997 en l’espèce) et qu’elle était incluse dans le calcul de son revenu pour l’année en cause ou pour une année antérieure. L’appelant n’a pas été en mesure de répondre à l’un ou l’autre de ces critères. Il n’a pas prouvé qu’il existait une créance irrécouvrable en 1997 et il ne l’a pas incluse dans son revenu pour une année antérieure ou quelque autre année que ce soit. 

[32]        Selon le témoignage de M. Francis lui-même, la société de personnes n’a retenu les services de M. Koshy qu’en 2005. Ce n’est qu’à ce moment-là que les appelants ont pris conscience des créances douteuses et des débours non facturés. Les affectations de créances douteuses ont été calculées en passant en revue la liste des créances et en les réaffectant parmi les années qui constituent la période pertinente. Cela a été fait après le mois d’août 2005. La liste des créances, par client, qui a été fournie à l’ARC et produite à l’audience, est datée du 15 août 2007.

[33]        C’est donc dire que les affectations de créances douteuses n’auraient pas pu être des « créances [que le contribuable] a établies comme étant devenues irrécouvrables au cours de l’année » de la déduction, ainsi que l’exige la Loi. Les affectations de créances douteuses des appelants se rapportent aux années d’imposition 2002 à 2004. Cette discordance entre l’origine des créances et la mise en application, longtemps retardée, de la décision concernant leur caractère irrécouvrable et leur réaffectation, si cela était permis, serait une planification fiscale rétroactive, ce qui est interdit selon la jurisprudence. Lorsqu’il est exigé qu’un acte positif soit exécuté dans un délai prescrit, on ne peut pas agir après l’expiration du délai pour modifier l’assujettissement à l’impôt, à moins d’une erreur démontrable : Irmen c. Sa Majesté la Reine, 2006 CCI 475, au paragraphe 9.

[34]        Les appelants n’ont pas droit aux affectations de créances douteuses parce que, à première vue, il n’a été possible de déterminer la nature irrécouvrable des comptes ou d’en rajuster l’affectation que vers la fin de l’année 2005, soit nettement au-delà de la période pertinente. La présomption du ministre en ce qui concerne la période pertinente demeure valable, et les appels des appelants sont rejetés sur ce point.

ii)      Les débours non recouvrés

[35]        Dans les présents appels, il faut considérer les débours non recouvrés comme une question secondaire différente. M. Koshy et la vérificatrice de l’ARC, Mme Narvasa, ont offert d’abondants témoignages contraires sur la preuve et la qualification de ces débours, et il est donc nécessaire d’analyser quelque peu la source et la genèse de cette confusion.

[36]        Les avis d’appel et le témoignage de M. Koshy ont confondu certains termes comptables mais, collectivement, ils ont permis en fin de compte à la Cour de comprendre que :

a.     la société de personnes de personnes avait trois comptes de grand livre dans son logiciel de comptabilité PC Law : [traduction] « Débours client – Recouvrables (#1210), Compensation de débours (#2005) et Compensation – Débours (#2006) » (les comptes « débours » provisoires);

b.     il était prévu de facturer aux clients les montants contenus dans les comptes « débours » provisoires, mais cela n’a jamais été fait;

c.      même s’ils n’ont pas été facturés, les montants accumulés dans les comptes « débours » provisoires représentent néanmoins des frais d’entreprise engagés dans le but de générer des honoraires professionnels;

d.     les montants figurant dans les comptes « débours » provisoires sont des [traduction] « éléments d’actif […] (qui) […] devraient être radiés à titre de dépenses » (soulignement ajouté pour illustrer la confusion de M. Koshy).

[37]        Lors de son témoignage, la vérificatrice de l’ARC a établi que l’utilisation régulière des mots [traduction] « la radiation d’éléments d’actif » l’avait induite en erreur. La raison principale pour laquelle la vérificatrice et l’agent des appels ont refusé la [traduction] « radiation » des débours non recouvrés était que les montants, même si cela était prévu au départ, ne sont jamais devenus des créances, ce qui aurait permis de les considérer comme irrécouvrables et, par la suite, de constituer une provision pour créances douteuses (alinéa 20(1)l)) ou de les inclure dans les créances irrécouvrables (alinéa 20(1)p)). La méprise de l’intimée sur ce point, méprise dans laquelle a certes joué la description de M. Koshy, a influencé le rapport de vérification initial en 2007, le rapport sur l’opposition en 2011, la réponse et les observations écrites de l’avocat de l’intimée (ce dernier cas lui-même attesté par le fait que l’avocat des appelants a indiqué dans ses observations en réponse que l’intimée, dans ses observations finales, avait omis de traiter de l’argument distinct des « dépenses » invoqué dans le cadre des appels).

[38]        Du reste, dans le témoignage qu’il a fait à l’audience, M. Koshy a souvent fait état du souhait et du droit de la société de personnes de [traduction] « radier » les débours non recouvrés. À part la confusion d’ordre terminologique, la question demeure : existe-t-il une preuve suffisante de l’existence des débours non recouvrés pour que la Cour les reconnaisse comme une déduction de dépense (c.-à-d. une dépense engagée en vue de permettre à la société de personnes de gagner des revenus)?

[39]        MM. Francis et Atkinson ont témoigné et confirmé la pratique bien établie qu’ont les cabinets d’avocats de débourser des montants sous forme de chèques ou de fonds de petite caisse en vue de recourir aux services de recherchistes juridiques, de préposés au dépôt, de bureaux de shérif, de greffes de tribunal, d’entreprises de messagerie, de bureaux de poste, etc., et de compléter ainsi les services juridiques de la société de personnes. Par contraste, d’autres entreprises, après avoir utilisé des fonds en vue d’acquérir de tels services, effectueraient une double inscription dans, à la fois, le compte du grand livre de banque et un compte général ou précis dans le grand livre des dépenses. En comptabilité, cela donnerait lieu à une réduction de l’argent comptant en banque, mais à une addition aux dépenses (une telle addition est une déduction du revenu). La seconde mesure apparaîtrait dans l’état des revenus, en réduisant les revenus nets.

[40]        Cependant, comme cela se fait dans la plupart des cabinets d’avocats et chez quelques autres fournisseurs de services professionnels, certains frais payés pour acquérir des services peuvent être facturés directement aux clients et recouvrés auprès de ces derniers, séparément et en plus des honoraires d’avocat; le problème est qu’une comptabilité en partie double oblige à procéder à une écriture de compensation chaque fois qu’un débours est fait, même si cela a lieu avant la facturation. Dans le cas présent, c’est un compte d’actif (l’un des comptes « débours » provisoires) qui a permis de le faire, en créant une réserve provisoire afin de garantir que le grand livre général était en équilibre jusqu'à la création du compte débiteur. Cette mesure permet aussi de clore la fin de mois avant d’affecter le débours à un client particulier aux fins de facturation, car cette affectation devrait, en temps et lieu, correspondre logiquement à la création du compte débiteur. Selon les deux témoins, cette affectation aux clients n’a jamais eu lieu. Le fait d’avoir ainsi omis d’affecter et de facturer et, de ce fait, de convertir les actifs inscrits dans les comptes « débours » provisoires en revenus (comptes débiteurs de la société de personnes) donne lieu à la création d’éléments d’actif isolés dans le bilan, à savoir les débours non recouvrés.

[41]        Si la société de personnes n’avait pas eu l’intention de « facturer » les débours, ces derniers représenteraient une dépense d’entreprise. C’est ce qu’a déclaré la vérificatrice de l’ARC, Mme Narvasa, lorsqu’elle a admis que les débours non recouvrés (l’intimée les appelle les [traduction] « erreurs du GL ») n’ont jamais été refusés en fonction de la question de savoir s’ils constituaient une dépense, mais en fonction du fait qu’ils ne pouvaient pas répondre au critère de l’alinéa 20(1)p) à titre de créance irrécouvrable : l’argument du [traduction] « jamais facturé ».

[42]        La société de personnes avait deux choix : facturer les débours et les recouvrer ou les passer en charges, et les déduire du total des honoraires professionnels. Le premier choix obligeait à prendre en temps voulu des mesures et des décisions additionnelles pour que les débours puissent être déductibles à titre de dépenses au titre des alinéas 20(1)l) ou p). Indépendamment du premier choix, à condition qu’il existe une preuve suffisante de ces dépenses, la déduction des débours ne requiert pas d’autres mesures discrétionnaires ou rapides, à défaut de modifier l’état des revenus et les déclarations de revenus, comme cela a été fait dans les déclarations révisées.

[43]        Le fait que les témoins des appelants présentent à l’audience la balance de vérification, l’historique des débours non recouvrés et le témoignage relatif à l’analyse comptable (quoiqu’un brin confus) obligeait l’intimée à produire des éléments de preuve ou à invoquer un argument en réplique en vue de contester les faits prima facie qu’établissaient ces preuves directes, documentaires et explicatives. Les appelants ont établi que l’intimée n’avait jamais pris en compte la déductibilité des débours non recouvrés lorsqu’elle avait refusé la dépense; il est devenu évident à l’audience que l’hypothèse sur laquelle l’intimée s’était fondée pour refuser ces débours avait trait au fait qu’il était impossible de considérer ces montants comme des créances irrécouvrables.

[44]        Les témoignages concernant le système et les méthodes comptables de la société de personnes, la composition, l’analyse et la nature des débours non recouvrés de même que les raisons logiques pour lesquelles ces derniers constituaient par ailleurs des dépenses d’entreprise déductibles (non déduites antérieurement) convainquent la Cour que ces dépenses existaient et que des déductions sont permises conformément à l’alinéa 18(1)a) de la Loi, dont le texte est le suivant :

Dans le calcul du revenu du contribuable tiré d’une entreprise ou d’un bien, les éléments suivants ne sont pas déductibles :

Restriction générale

a) les dépenses, sauf dans la mesure où elles ont été engagées ou effectuées par le contribuable en vue de tirer un revenu de l’entreprise ou du bien;

[45]        En bref, comme la société de personnes avait le choix de déduire les dépenses, l’hypothèse du ministre concernant la mesure additionnelle (laquelle vise les comptes débiteurs) ne s’applique pas si la société de personnes décide simplement d’absorber les « débours » à titre de frais non recouvrables et les déduit du total des revenus professionnels. Une telle mesure n’oblige pas à déterminer en temps opportun si ces montants sont irrécouvrables, car ces derniers n’ont jamais existé à titre de créances. Ces dépenses n’ont tout simplement pas été déduites par erreur ou omission. En fait, en se fondant sur la preuve, la Cour convient que ces dépenses ont été engagées en vue de tirer des revenus professionnels et qu’elles n’ont pas été par ailleurs déduites antérieurement à titre de dépenses ou facturées à titre de revenus et ensuite radiées. En conséquence, il y a lieu de faire droit à une déduction de dépenses sur les honoraires professionnels, jusqu’à concurrence du montant des débours non recouvrés.

c)       Le droit de déduire les dépenses promotionnelles

[46]        Pour ce qui est des dépenses promotionnelles, l’intimée soutient que la société de personnes n’a pas engagé la somme estimative de 3 000 $ en dépenses en argent comptant pour chacune des années d’imposition en litige (les « dépenses en argent comptant »). De plus, dans les cas où les appelants ont engagé certaines des dépenses promotionnelles, ces dernières s’appliquaient soit à des aliments soit à des divertissements et les appelants n’ont donc le droit de les déduire que dans une proportion de 50 %. En outre, les appelants n’ont pas organisé d’événements spéciaux (les « événements spéciaux ») au sens de l’alinéa 67.1(2)f) de la Loi. M. Francis a estimé avoir dépensé la somme de 6 000 $ par année pour les événements liés au personnel qui ont été énumérés plus tôt. Il avait prévu la somme de 600 $ par membre du personnel, ce qui correspondait habituellement à dix personnes.

i)       Les dépenses en argent comptant

[47]        Pour ce qui est des dépenses en argent comptant, les appelants n’ont produit aucun reçu ou aucune pièce justificative prouvant qu’ils avaient réellement engagé les dépenses. Il est bien établi en droit qu’il incombe au contribuable de prouver des dépenses non justifiées par un reçu. Dans la décision Muller's Meats Ltd. v. M.N.R., 69 DTC 172), le commissaire Davis a écrit, au paragraphe 24 :

[traduction] […] il est bien établi en droit que lorsqu’un contribuable ne parvient pas à justifier par des reçus appropriés ses prétentions concernant la déduction d’éléments de dépense particuliers, il ne peut s’en prendre qu’à lui-même si le ministre du Revenu national refuse qu’il déduise ces éléments de son revenu. Dans la décision Holmes (précitée), j’ai eu l’occasion de traiter en détail de cette question, et je me suis reporté au jugement du juge Cameron, de la Cour de l’Échiquier, dans Murray v. Minister of National Revenue, (1950) C. de l’É. 110, à la page 112 [50 DTC 723, à la p. 725], où il a décrété qu’il incombe au contribuable de produire une preuve acceptable qu’il a bel et bien dépensé les sommes qu’il déclare à titre de déductions.

[48]        Dans un exemple plus récent, 1345805 Ontario Ltd. v. R., [2005] 5 C.T.C. 2334, au paragraphe 15, le juge Bonner a conclu que [traduction] « un fardeau très lourd pèse sur les épaules du propriétaire d’une entreprise qui souhaite obtenir des déductions d’impôt sur le revenu à l’égard de dépenses censément payées en argent comptant, surtout si le paiement est de nature telle que le bénéficiaire serait tenu de l’inclure dans le calcul de son revenu ».

[49]        Les appelants ne se sont pas acquittés du fardeau de prouver qu’ils avaient engagé les dépenses en argent comptant. Aucun reçu, aucun état de banque ou aucun témoignage de personnes ayant censément reçu ces montants n’a été produit à l’audience. Les appelants n’ont pas « démoli » la présomption du ministre selon laquelle ils n’avaient pas engagé les dépenses en argent comptant, et leurs appels à cet égard doivent être rejetés.

ii)      Les événements spéciaux

[50]        Les appelants font valoir que, dans chaque année, une part de 6 000 $ de leurs dépenses promotionnelles tombait sous le coup de l’alinéa 67.1(2)f), lequel prévoit, pour les « événements spéciaux », une exception à l’application de la règle des 50 % visée au paragraphe 67.1(1). Ils prétendent avoir organisé plusieurs événements spéciaux auxquels l’ensemble de leur personnel était invité. Plus précisément, M. Francis a déclaré directement, mais de manière intéressée, qu’il s’agissait des événements suivants :

a.     une soirée « au homard » visant à recueillir des fonds pour le Club Kiwanis local, dont les appelants étaient membres, et à laquelle les membres du personnel avaient été conviés; la société de personnes avait acheté leurs billets à un prix d’environ 45 $ à 50 $ par personne. Environ 125 personnes avaient pris part à l’événement (personnel inclus);

b.     un garden-party annuel où environ 125 personnes (personnel inclus) avaient été conviées; M. Francis a déclaré qu’il s’agissait d’une activité importante, car elle permettait aux clients de rencontrer les membres de son personnel;

c.      une réception de Noël annuelle ainsi qu’une activité organisée dans le cadre de la Journée des secrétaires.

[51]        L’exception relative aux « événements spéciaux » qui s’applique à la règle déterminative énoncée au paragraphe 67.1(1) est ainsi rédigée :

(2) Exceptions – Le paragraphe (1) ne s’applique pas au montant payé ou payable par une personne pour des aliments, des boissons ou des divertissements dans les cas suivants : […]

f) le montant se rapporte à l’un d’un maximum de six événements spéciaux tenus au cours d’une année civile et à l’occasion desquels des aliments, des boissons ou des divertissements sont offerts, de façon générale, à l’ensemble des employés de la personne affectés à un lieu d’affaires donné de celle-ci et pris par ces employés.

[52]        Les appelants ne sont pas parvenus à « démolir » la présomption du ministre selon laquelle ces dépenses promotionnelles s’appliquaient de façon générale à des repas et à des divertissements pour les clients, et non spécifiquement et exclusivement à des événements spéciaux destinés aux membres du personnel. Pour cette raison, les dépenses engagées au titre d’événements spéciaux ne sont pas déductibles à 100 % conformément à l’alinéa 67.1(2)f), mais uniquement dans la proportion de 50 % qu’autorise le ministre.

IV.            Les CTI refusés

[53]        Par suite des conclusions tirées quant aux appels interjetés au titre de la Loi, il faudrait rejeter les appels concernant les CTI refusés au titre de la LTA puisqu’il s’agit en bonne partie de CTI demandés relativement aux déductions que le ministre a par ailleurs refusées et à l’égard desquelles la Cour rejette les appels interjetés. Cependant, un pourcentage – mais non la totalité – des CTI refusés était peut-être lié aux débours non recouvrés. Rien ne prouve quels débours non recouvrés incluaient ou non la TPS ou si les CTI connexes n’avaient pas déjà été récupérés séparément. La raison pour laquelle il existe trois comptes « débours » provisoires est peut-être liée à une tentative pour séparer les fournitures exonérées, détaxées et taxables dans les comptes « débours » provisoires; cependant, les appelants n’ont présenté aucune preuve ou observation sur ce point. À défaut d’une telle preuve, les CTI ne peuvent pas être demandés et l’appel est donc rejeté.

V.               Les dépens

[54]        Les présents appels sont interjetés sous le régime des Règles de la Cour canadienne de l’impôt (procédure informelle). Les appelants auront droit à leurs dépens, mais ceux-ci sont adjugés sur la base que prévoit le tarif, et la Cour n’exercera pas son pouvoir discrétionnaire pour s’en écarter. Cette décision est délibérément prise pour deux raisons : les appelants n’ont eu gain de cause qu’en partie, et l’état des registres de la société de personnes à la fin de la période pertinente (qui s’est étendue sur trois années d’imposition) a contribué au dépôt des présents appels et aurait dû être décelé et réglé avant toute vérification.

Signé à Ottawa (Ontario), ce 9e jour de mai 2014.

« R.S. Bocock »

Juge Bocock

 

Traduction certifiée conforme

ce 24e jour de juillet 2014.

 

S. Tasset


 


RÉFÉRENCE :

2014 CCI 137

Nos DES DOSSIERS DE LA COUR :

2012-2058(GST)I

2012-2061(IT)I

2012-2062(IT)I

INTITULÉ :

FRANCIS & ASSOCIATES

J. PAUL FRANCIS

MARIE L. FRANCIS

ET SA MAJESTÉ LA REINE

LIEU DE L’AUDIENCE :

Ottawa (Ontario)

DATE DE L’AUDIENCE :

Le 9 décembre 2013

MOTIFS DU JUGEMENT :

L’honorable juge Randall S. Bocock

DATE DU JUGEMENT :

Le 9 mai 2014

 

COMPARUTIONS :

 

Avocat des appelants :

Me Rod A. Vanier

Avocat de l’intimée :

Me Christopher Kitchen

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Pour les appelants :

Nom :

Rod A. Vanier

Cabinet :

Landry, Vanier
Nepean (Ontario)

Pour l’intimée :

William F. Pentney

Sous-procureur général du Canada

Ottawa, Canada

 

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