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Dossier : 2011-959(IT)I

ENTRE :

SHIRAZ VIRANI,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

Appel entendu les 3 février et 19 mars 2014
à Vancouver (Colombie-Britannique)

Devant : L’honorable juge Judith Woods


Comparutions :

 

Pour l’appelant :

L’appelant lui-même

Avocate de l’intimée :

Me Geraldine Chen

 

JUGEMENT

          L’appel relatif à une cotisation établie en vertu de la Loi de l’impôt sur le revenu pour l’année d’imposition 2007 est accueilli, et la cotisation est renvoyée au ministre du Revenu national pour nouvel examen et nouvelle cotisation, étant entendu que : 1) un revenu de placement de 525 $ qui a été inclus dans le revenu devrait être réduit à 231 $, et 2) l’appelant a droit à une déduction pour dépenses d’entreprise de 1 148 $.

          L’appel relatif à une cotisation établie en vertu de la Loi de l’impôt sur le revenu pour l’année d’imposition 2008 est rejeté.

          Chaque partie supportera les dépens qui lui sont propres.

          Signé à Ottawa (Ontario), ce 12e jour de juin 2014.

« J.M. Woods »

Juge Woods

Traduction certifiée conforme

ce 16e jour de juillet 2014.

 

S. Tasset

 


Référence : 2014 CCI 195

Date : 20140612

Dossier : 2011-959(IT)I

ENTRE :

SHIRAZ VIRANI,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 


MOTIFS DU JUGEMENT

La juge Woods

[1]             Shiraz Virani interjette appel de cotisations établies en vertu de la Loi de l’impôt sur le revenu pour les années d’imposition 2007 et 2008. Les questions à trancher sont les suivantes :

a)       l’appelant a‑t‑il droit à une déduction de 8 481 $ pour l’année d’imposition 2007 au titre de dépenses d’entreprise engagées dans le cadre d’une entreprise d’établissement de déclarations de revenus?

b)      l’appelant a‑t‑il droit à des déductions pour pertes locatives de 19 517 $ et de 13 147 $ pour les années d’imposition 2007 et 2008, respectivement?

Des questions préliminaires

[2]             Au début de l’audience, M. Virani a voulu soulever une nouvelle question qui n’était pas mentionnée dans l’avis d’appel. Il a laissé entendre qu’il y avait une erreur de calcul dans l’une des cotisations en ce qui concerne la prise en compte de retenues à la source de 4 876,26 $ (alinéa 10 d) de la réponse). L’avocate du ministère public n’avait pas prévu qu’il s’agirait d’une question litigieuse et elle n’était pas suffisamment préparée pour présenter des observations sur ce point.

[3]             J’ai informé M. Virani que la Cour n’est généralement pas compétente en matière de questions de retenues à la source, mais j’ai proposé d’ajourner l’audience avec dépens s’il souhaitait modifier l’avis d’appel pour y ajouter cette question. M. Virani a décliné cette offre.

[4]             Dans ses observations écrites, M. Virani fait valoir que le ministère public ne devrait pas pouvoir invoquer un argument relatif à la crédibilité parce que ce point n’a pas été soulevé en tant que question en litige dans la réponse. Je ne souscris pas à cette observation. L’argument relatif à la crédibilité est lié à l’importance qu’il convient d’accorder aux preuves produites au procès. Il ne s’agit pas d’une « question en litige » qui doit être soulevée dans les actes de procédure. De plus, le ministère public ne pourrait pas invoquer cet argument dans la réponse, car la question ne se pose qu’après la présentation de la preuve à l’audience.

[5]             De plus, deux concessions ont été faites pour l’année d’imposition 2007. Premièrement, le ministère public a concédé qu’il fallait réduire de 525 $ à 231 $ un revenu de placement reçu au cours de l’année d’imposition 2007 (alinéa 14 h)(ii) de la réponse). Deuxièmement, M. Virani a concédé qu’il ne fallait pas faire droit à une déduction de 513 $ pour la location d’un bureau.

Les dépenses d’entreprise

[6]             Dans la déclaration de revenus relative à l’année d’imposition 2007, M. Virani s’est prévalu d’une déduction pour dépenses d’emploi de 8 481 $ relativement à une entreprise d’établissement de déclarations de revenus exploitée sous le nom de Smith, Virani and Co.

[7]             À titre d’information, dans un appel antérieur que M. Virani a interjeté en vertu de la Loi sur l’assurance-emploi et du Régime de pensions du Canada, le juge Graham a conclu que M. Virani exploitait cette entreprise à titre de travailleur autonome. Les parties souscrivent à cette conclusion pour les besoins du présent appel, mais elles ont convenu que cela n’avait aucune incidence en l’espèce.

[8]             Pendant une partie de l’année d’imposition 2007, M. Virani a exploité une entreprise d’établissement de déclarations de revenus à partir d’un appartement qu’Ina Hansen possède ou loue.

[9]             Les dépenses en litige sont les suivantes :

Publicité et promotion

975,00 $

Fournitures de bureau

1 016,00 $

Cotisations professionnelles

679,00 $

Frais de déplacement et d’automobile

 

3 578,49 $

Téléphone, télécopieur et Internet

789,00 $

Électricité et services d’utilité publique

533,00 $

 

[10]        Pour avoir gain de cause sur ce point, M. Virani a la charge de « démolir », prima facie, l’hypothèse du ministère public selon laquelle il n’y a eu aucune dépense d’entreprise (Hickman Motors Ltd. c La Reine, [1997] 2 RCS 336, paragraphe 93). S’il s’acquitte de cette charge, celle‑ci passe ensuite au ministère public.

[11]        M. Virani a présenté une liste des dépenses dans la pièce A-11 et il a déclaré qu’il avait en mains des reçus que l’on pouvait consulter à l’audience.

[12]        J’admettrai pour les besoins du présent appel que les dépenses déclarées ont bel et bien été engagées. Cependant, la prétention de M. Virani selon laquelle ces dépenses étaient liées à l’entreprise de Smith, Virani and Co. présente plusieurs difficultés.

[13]        Premièrement, la preuve dans son ensemble donne à penser que M. Virani vivait dans l’appartement à partir duquel l’entreprise était exploitée. De ce fait, certaines des dépenses sont vraisemblablement des frais personnels ou de subsistance, plutôt que des dépenses d’entreprise.

[14]        M. Virani a témoigné qu’il vivait ailleurs, mais je n’ai pas trouvé sa preuve sur ce point était fiable. Premièrement, la preuve relative aux conditions de logement de M. Virani n’était pas suffisamment détaillée pour être convaincante. Deuxièmement, M. Virani n’a pas été constant dans son témoignage sur ses conditions de logement. À un moment donné, il a déclaré qu’il avait vécu chez un voisin, M. Kassam, pendant la quasi‑totalité de l’année 2007. Plus tard dans son témoignage, il a dit avoir vécu avec M. Kassam pendant quelques mois au début de 2007 et avoir ensuite vécu chez quelqu’un d’autre, quelques rues plus loin. Troisièmement, le témoignage de M. Virani ne concordait pas avec celui de M. Kassam, que le ministère public avait appelé à témoigner. M. Kassam a déclaré que M. Virani n’avait pas vécu dans son appartement en 2007. J’ai trouvé que M. Kassam était un témoin digne de foi.

[15]        Je suis d’avis que M. Virani vivait dans l’appartement où était exploitée l’entreprise d’établissement de déclarations de revenus de Smith, Virani and Co.

[16]        Deuxièmement, il ressort de la preuve que certaines des mêmes dépenses ont été vraisemblablement déduites relativement à une autre entreprise d’établissement de déclarations de revenus. Le ministère public a présenté des éléments de preuve qui donnent à penser que M. Virani exploitait une entreprise d’établissement de déclarations de revenus sous le nom de Finn McCool Financial Inc. (« Finn McCool »). Selon la décision du juge Graham, M. Virani était un employé de cette entreprise.

[17]        Dans ses observations écrites, M. Virani laisse entendre que le ministère public aurait dû produire plus d’éléments de preuve quant à une double déduction de dépenses pour Smith, Virani and Co. et Finn McCool. Je ne puis lui donner raison.

[18]        Il incombe à M. Virani de présenter une preuve prima facie selon laquelle il s’agissait de dépenses d’entreprise, et non de dépenses personnelles ou d’emploi liées à Finn McCool. M. Virani s’est fondé dans une large mesure sur son propre témoignage non corroboré selon lequel ces dépenses avaient trait à Smith, Virani and Co., mais cette preuve n’est pas suffisamment fiable pour établir une preuve prima facie.

[19]        Sur cette toile de fond, voici les conclusions auxquelles je suis arrivée à propos de ces dépenses particulières :

a)       Pour ce qui est des frais de déplacement et d’automobile, M. Virani les a tout d’abord déduits à 100 % à titre de dépenses d’entreprise. Il a plus tard fait passer son pourcentage d’utilisation de l’automobile à 90 % pour l’entreprise et à 10 % à titre personnel. Il est impossible de vérifier ce chiffre de manière raisonnable, car aucun relevé de kilométrage contemporain n’a été soumis à la Cour. De plus, des frais d’automobile ont également été déduits pour Finn McCool. Comme il n’y a aucun moyen d’attribuer de façon raisonnable des dépenses à Smith, Virani and Co., je conclus que M. Virani ne s’est pas acquitté du fardeau d’établir qu’un montant quelconque était une dépense d’entreprise. Ce résultat peut paraître sévère, mais c’est parce que M. Virani n’a pas fourni de documents appropriés.

b)      Quant aux dépenses de promotion et de publicité, j’ai des doutes semblables. Ces dépenses semblent liées surtout à des repas pris au restaurant et je ne suis pas convaincue qu’il existe un lien entre elles et Smith, Virani and Co. Je signale que les dépenses énumérées à la pièce A-11 sont assorties de noms de client en vue d’identifier leur nature. Cependant, une version différente de cette liste a été fournie à l’Agence du revenu du Canada (l’« ARC ») lors de la vérification et elle ne contenait pas de noms de clients (pièce R‑1, onglet 2). Je ne suis pas convaincue que les noms de clients qui apparaissent dans la pièce A-11 sont fiables. À défaut d’une preuve fiable établissant qu’il s’agit de dépenses d’entreprise raisonnables, ces déductions sont refusées dans leur intégralité.

c)       Pour ce qui est des fournitures de bureau, je propose d’admettre la somme de 508 $, soit la moitié de la déduction demandée. Cette somme semble raisonnable par rapport aux revenus d’entreprise gagnés (25 559,56 $) et elle tient compte du fait qu’une autre entreprise d’établissement de déclarations de revenus était exploitée dans les mêmes locaux.

d)      En ce qui concerne les cotisations professionnelles, je propose également de faire droit à la moitié de la déduction demandée, pour tenir compte de l’exploitation de Finn McCool. Le montant admis sera de 340 $.

e)       Quant aux dépenses liées au téléphone, au télécopieur et à Internet, je propose de faire droit à la somme de 200 $, soit 25 % environ de la déduction demandée. Cela tient compte du fait que la moitié de ces dépenses étaient peut-être de nature personnelle et que la partie restante peut être raisonnablement partagée avec Finn McCool.

f)       Pour ce qui est des dépenses liées à l’électricité et aux services d’utilité publique, je propose de faire droit à la somme de 100 $, soit 20 % environ de la déduction demandée. Je n’ai pas accepté davantage, car M. Virani n’a pas établi le temps qu’il consacrait à l’entreprise de Smith, Virani and Co.

[20]        Le montant total qui sera admis est donc de 1 148 $ (508 $, 340 $, 200 $ et 100 $).

Les dépenses locatives

[21]        M. Virani a acheté un condominium de trois chambres à coucher en septembre 2007, et il a déclaré en avoir fait l’achat uniquement à titre de bien de placement.

[22]        M. Virani soutient que, malgré d’importants efforts pour louer ce bien, il n’a pas eu grand succès avant 2009. Le bien, a-t-il déclaré, a été loué pendant une brève période en décembre 2007 et, comme il n’avait pas de locataires en 2008, il s’y est lui-même installé.

[23]        M. Virani a déduit des pertes locatives de 19 517 $ et de 13 147 $ pour les années d’imposition 2007 et 2008, respectivement. Il a déclaré que cette déduction représentait la totalité (100 %) des dépenses relatives au condominium en 2007 et les deux tiers des dépenses relatives à l’année 2008, époque où il occupait l’une des trois chambres à coucher.

[24]        Pour établir les cotisations, le ministre a formulé les hypothèses suivantes :

a)       pour 2007, M. Virani a touché un revenu locatif brut de 600 $, comme il l’avait déclaré, et il n’a pas engagé plus de 600 $ en dépenses locatives;

b)      pour 2008, M. Virani n’a pas loué les locaux ni essayé de le faire.

[25]        J’ai conclu qu’il ne convient pas d’accorder à M. Virani, pour les dépenses relatives au condominium, un allègement supérieur à la somme de 600 $ que le ministre a accordée.

[26]        En ce qui concerne l’année d’imposition 2007, il ressort de la preuve dans son ensemble que M. Virani n’a pas loué les locaux du tout. Aucune preuve n’en corrobore la location, comme un bail ou une preuve de chèques de loyer. Plus troublant encore est le fait que les détails fournis sur le locataire (Mark Spencer, de l’Angleterre) sont presque identiques aux détails fournis à l’ARC sur un locataire éventuel en 2008 (Michael Spencer, de l’Angleterre).

[27]        Si le bien n’a pas été loué, cela veut dire que M. Virani disposait du bien tout entier pour son usage personnel. Même s’il avait pour objectif de gagner des revenus de location, le fait de disposer du bien tout entier en vue d’un usage personnel donne à penser qu’il faudrait affecter la totalité des dépenses à cet usage. M. Virani a déclaré qu’il n’avait pas vécu dans ce bien en 2007, mais ce témoignage vague et intéressé ne m’a pas convaincue.

[28]        Quant au dernier commentaire au sujet de l’année 2007, même si une personne du nom de Mark Spencer avait bel et bien loué les lieux en décembre 2007, les dépenses que le ministre a admises sont une affectation raisonnable des dépenses à cette entreprise de location.

[29]        À cet égard, M. Virani a déclaré que M. Spencer avait causé pour 15 000 $ de dommages au bien quand il avait vécu à cet endroit en décembre 2007. À part une facture non détaillée d’un montant de 15 000 $, qui a été censément réglée en argent comptant, cette dépense n’est corroborée d’aucune manière. Il est plus plausible que cette dépense, si elle a bel et bien été engagée, se rapportait à des travaux de construction liés à l’usage personnel que M. Virani faisait de son condominium acheté depuis peu.

[30]        Le solde des dépenses locatives déduites doit être réparti entre l’usage personnel et l’usage locatif. M. Virani a vraisemblablement occupé les lieux pendant trois ou quatre mois. S’il a partagé le condominium avec M. Spencer pendant un mois, une réaffectation raisonnable des dépenses à l’entreprise de location, si tant est qu’il en existât une, n’excéderait pas la somme de 600 $ que le ministre a admise.

[31]        Pour ce qui est de l’année d’imposition 2008, M. Virani a déclaré qu’il avait essayé de louer les lieux, mais sans succès. Il a toutefois ajouté qu’il avait tiré un revenu de l’entreprise de location au cours d’années ultérieures.

[32]        Ce témoignage ne me convainc pas non plus. Pour l’année d’imposition 2011, M. Virani a produit en preuve sa déclaration de revenus en vue d’établir qu’il avait tiré cette année-là un profit de l’entreprise de location. Comme l’a fait remarquer le ministère public, M. Virani semble avoir manipulé la déclaration de revenus afin de donner à penser qu’il avait tiré un profit de cette entreprise. Cependant, si l’on tient compte des frais d’intérêt liés au condominium qui ont été déduits ailleurs dans la déclaration, aucun profit n’a été tiré de l’entreprise de location.

[33]        Même si M. Virani a effectivement essayé de louer le condominium, il n’est pas raisonnable d’attribuer des dépenses à une entreprise de location en 2008. Le bien tout entier était à la disposition de M. Virani, et les dépenses devraient être attribuées à un usage personnel.

La conclusion

[34]        L’appel relatif à l’année d’imposition 2007 est accueilli afin de permettre la déduction de dépenses d’entreprise de 1 148 $ et de faire passer un élément de revenu de placement de 525 $ à 231 $.

[35]        L’appel relatif à l’année d’imposition 2008 est rejeté.

[36]        Chacune des parties supportera ses propres dépens.

          Signé à Ottawa (Ontario), ce 12e jour de juin 2014.

« J.M. Woods »

Juge Woods

Traduction certifiée conforme

ce 16e jour de juillet 2014.

 

S. Tasset

 

 


RÉFÉRENCE :

2014 CCI 195

No DU DOSSIER DE LA COUR :

2011-959(IT)I

INTITULÉ :

SHIRAZ VIRANI et SA MAJESTÉ LA REINE

LIEU DE L’AUDIENCE :

Vancouver (Colombie-Britannique)

DATE DE L'AUDIENCE :

Les 3 février et 19 mars 2014

MOTIFS DU JUGEMENT :

L’honorable juge Woods

DATE DU JUGEMENT :

Le 12 juin 2014

 

COMPARUTIONS :

 

Pour l’appelant :

L’appelant lui-même

Avocate de l’intimée :

Me Geraldine Chen

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Pour l’appelant :

Nom :

S.O.

 

Cabinet :

 

Pour l’intimée :

William F. Pentney

Sous-procureur général du Canada

Ottawa (Ontario)

 

 

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