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Dossier : 2013-3687(IT)I

ENTRE :

BAREND G. VAN HELDEN,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

Appel entendu le 11 avril 2014, à Calgary (Alberta).

Devant : L’honorable juge Valerie Miller


Comparutions :

 

Représentante de l’appelant :

Mme Susan Savage

Avocat de l’intimée :

Me Adam Gotfried

 

JUGEMENT

          L’appel formé contre la nouvelle cotisation établie en vertu de la Loi de l’impôt sur le revenu pour l’année d'imposition 2011 est rejeté.



Signé à Ottawa, Canada, ce 13e jour de juin 2014.

« V.A. Miller »

Juge V.A. Miller

 

 

Traduction certifiée conforme
ce 17e jour de juillet 2014.

S. Tasset


Référence : 2014CCI196

Date : 20140613

Dossier : 2013-3687(IT)I

ENTRE :

BAREND G. VAN HELDEN,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 


[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

MOTIFS DU JUGEMENT

La juge V.A. Miller

[1]             La question soulevée dans le présent appel est de savoir si l’appelant peut demander pour 2011 des crédits de 8 095 $ pour frais de scolarité au titre de la rémunération payée à des professeurs particuliers pour des leçons de piano données à ses deux enfants. Les enfants ont transféré les crédits pour frais de scolarité à l’appelant pour l’application de l’article 118.9 de la Loi de l’impôt sur le revenu (la « LIR »).

[2]             Le seul témoin était Susan Savage, l’épouse de l’appelant.

[3]             En 2011, l’appelant a demandé des crédits d’impôt de 10 000 $ au titre de frais de scolarité ou d’études que lui avaient transférés ses enfants. Ses filles, « D » et « G », étaient toutes deux inscrites à des cours de musique à l’Academy of Music de l’Université Mount Royal, à Calgary. L’appelant s’est vu accorder un crédit de 1 095 $ pour les frais de scolarité applicables à ces cours de musique et pour les frais d’examen payés au Royal Conservatory of Music (le « RCM »).

[4]             Le paragraphe 118.5(1) de la LIR dispose qu’un particulier peut, à certaines conditions, demander un crédit pour frais de scolarité. Cette disposition contient notamment ce qui suit :

(1)   Crédit d’impôt pour frais de scolaritéLes montants suivants sont déductibles dans le calcul de l'impôt payable par un particulier en vertu de la présente partie pour une année d'imposition :

a)      [établissement au Canada] – Sous réserve du paragraphe (1.1), si le particulier est inscrit au cours de l’année à l’un des établissements d’enseignement ci‑après situés au Canada :

(i)     établissement d’enseignement – université, collège ou autre – offrant des cours de niveau postsecondaire,

[5]             L’obtention du crédit prévu au paragraphe 118.5(1) était assujettie aux conditions suivantes : (1) les filles de l’appelant doivent avoir été inscrites à un établissement d’enseignement situé au Canada; (2) cet établissement d’enseignement devait être une université, un collège ou un autre établissement d’enseignement; (3) l’établissement d’enseignement devait offrir des cours de niveau postsecondaire.

[6]             En 2011, l’appelant a payé pour ses filles des cours particuliers de piano. Selon Mme Savage, chacune de ses filles suivait chaque semaine trois heures de cours particuliers de piano et une heure de solfège. Les professeurs de piano étaient Linda Kundert-Stoll et Lana Henchell. Les leçons étaient données au domicile des professeurs.

[7]             En 2011, la fille « D » de l’appelant a achevé sa 10e année en piano et a commencé à se préparer pour ses examens afin d’obtenir son diplôme d’ARCT en interprétation d’œuvres musicales. Sa fille « G » a achevé sa 9e année en piano.

[8]             L’appelant a produit une preuve montrant que les niveaux d’études en piano sont fixés par le RCM et que de nombreux systèmes scolaires au Canada confèrent un crédit d’études secondaires à l’élève qui réussit aux examens du RCM. En Alberta, le ministère de l’Éducation accorde un crédit de 12e année aux élèves qui réussissent à leurs examens de 8e année du RCM en piano. Se fondant sur cette preuve et sur une décision du juge W.W. Webb, Tarkowski c R, 2007 CCI 632, l’appelant a fait valoir que ses filles, qui avaient achevé la 9e année et la 10e année en piano, avaient suivi des cours au niveau postsecondaire en 2011.

[9]             L’appelant a aussi invoqué la décision Tarkowski pour prétendre que les professeurs qui donnaient des cours particuliers à ses filles étaient des « établissements d’enseignement ». Le passage pertinent de la décision Tarkowski est le suivant, où le juge W.W. Webb, tel était alors son titre, avait estimé que l’endroit où le fils du contribuable dans cette affaire‑là prenait des leçons de musique était un « établissement d’enseignement » pour l’application du paragraphe 118.5(1). Le juge Webb écrit ce qui suit :

10 La Mississauga School of Music était une école où l’on donnait les cours susmentionnés. Dans la décision Hillman c. La Reine, 2006 CCI 578 [procédure informelle], le juge Rip (tel était alors son titre) a fait les remarques suivantes :

[12] Bien que j’aie déjà décidé que BAR/BRI n’est pas un établissement d’enseignement situé au Canada, il peut être utile d’examiner la question de savoir s’il s’agit d’un établissement d’enseignement. Dans la décision Friedland v. R., le juge suppléant Rowe de la Cour canadienne de l’impôt, après avoir fait observer qu’il ne semble pas y avoir de définition universelle du terme « établissement d’enseignement », a tenté d’établir les paramètres de la définition dans le cadre de la Loi :

Le Oxford English Dictionary définit le mot « enseignement » (education) de la façon suivante :

[TRADUCTION]

3. Instruction, étude ou formation systématiques données aux jeunes gens afin de les préparer à une vie de travail; par extension, instruction ou formation obtenue à l’âge adulte. Désigne également le processus complet de l’instruction scolaire dont un individu a bénéficié. Souvent utilisé avec des mots restrictifs qui indiquent la nature ou l’objet principal de l’instruction ou le genre de vie auquel elle prépare, comme classique, juridique, médical, technique, commercial, artistique.

et définit le mot « établissement » (institution) ainsi :

[TRADUCTION]

7. Institution, organisation ou association fondée pour la promotion d’un certain objectif, particulièrement un objectif d’utilité publique ou générale, religieux, charitable, d’enseignement, etc., comme une église, une école, un collège, un hôpital, un asile, une maison de correction, un poste de missionnaire; [...] Ce mot est souvent familièrement utilisé pour désigner les édifices utilisés par un établissement de bienfaisance ou d’enseignement.

[13] Le Black’s Law Dictionary, 6e édition, définit un « établissement d’enseignement » (educational institution) de la façon suivante :

[TRADUCTION]

École, séminaire, collège, université ou autre institution d’enseignement, qui ne détient pas nécessairement de charte. Tel qu’il est utilisé dans les ordonnances de zonage, ce terme peut inclure les édifices ainsi que tous les terrains nécessaires pour mener à bien l’enseignement éducatif dans son ensemble, y compris les aspects essentiels du développement mental, moral et physique.

11 Mateusz Tarkowski suivait des cours d’harmonie, troisième et quatrième années, et de piano, neuvième année, à la Mississauga School of Music, dans les locaux de l’école. Un enseignant lui donnait les cours à l’école.

12 Par conséquent, il semble clair que la Mississauga School of Music était un établissement d’enseignement, étant donné que l’on y enseignait la musique à Mateusz Tarkowski. L’enseignement était donné par un professeur particulier, mais il s’agit tout simplement de la méthode employée pour ces cours. Le fait que la Mississauga School of Music elle‑même ne faisait pas passer d’examen ne veut pas dire pour autant que l’école n’enseignait pas à Mateusz Tarkowski ou que celui‑ci ne suivait pas de cours.

13 Dans le Canadian Oxford Dictionary, deuxième édition, le mot « course » (cours) est défini comme suit : [TRADUCTION] « Série de conférences, de leçons, etc., portant sur une matière particulière. » On peut donner un cours sans pour autant faire passer d’examen à la fin du cours. Il peut y avoir « instruction, étude ou formation systématiques » sans qu’il y ait d’examen. Je conclus donc que la Mississauga School of Music est un établissement d’enseignement.

[10]        L’appelant a aussi fait valoir que, comme la Mississauga School of Music avait été considérée comme un « établissement d’enseignement » dans la décision Tarkowski, les professeurs particuliers en l’espèce devraient eux aussi être considérés comme des établissements d’enseignement. Ici, les professeurs particuliers étaient parfaitement qualifiés et, pour le prouver, l’appelant a présenté le curriculum vitæ de chacun d’eux. Mme Savage a avancé l’argument suivant au nom de l’appelant :

[traduction]

La Mississauga Music School entendait bien être un établissement d’enseignement sans égard à son statut de personne morale. En conséquence de l’analyse faite par le juge, les frais de scolarité payés étaient déductibles au titre du sous-alinéa 118.5(1)a)(i) de la LIR. Puisque le statut de personne morale de l’établissement d’enseignement n’aurait aucune incidence sur la qualité de l’enseignement postsecondaire dispensé, il en découle que des professeurs indépendants seraient eux aussi considérés comme des établissements d’enseignement aptes à dispenser le même niveau d’enseignement qu’une entité ayant le statut de personne morale.

[11]        L’intimée n’a pas contesté que les filles de l’appelant avaient suivi des cours au niveau postsecondaire en 2011. Cependant, son avocat a mis en doute le montant de la rémunération effectivement payée aux professeurs particuliers et s’est demandé si un professeur de piano qui dispense son enseignement à son domicile est un « établissement d’enseignement » pour l’application du paragraphe 118.5(1) de la LIR.

La rémunération et les heures

[12]        L’appelant n’a produit aucune preuve documentaire à l’appui de ses affirmations selon lesquelles une rémunération de 8 095 $ avait été payée aux professeurs particuliers. Mme Savage a plutôt apporté des éléments de preuve à l’appui de la rémunération demandée en 2013‑2014 par Linda Kundert-Stoll et de la rémunération demandée en 2011‑2012 par Lana Henchell, mais elle n’a pas présenté de reçus correspondant à la rémunération effectivement payée à ces professeurs en 2011. Elle a déclaré que la rémunération demandée par Linda Kundert-Stoll en 2011 était semblable à celle qu’elle a demandée en 2013‑2014. Elle a aussi évoqué des sommes payées à Kathy Dornian pour des services d’accompagnatrice, ainsi qu’à Babette Jenson pour des leçons de solfège. Mme Savage n’a pas non plus présenté de preuve documentaire à l’appui de ces sommes.

[13]        L’avocat de l’intimée, quant à lui, a produit deux reçus qui totalisaient 3 117,50 $. L’un d’eux montrait qu’une somme de 1 865 $ avait été payée par « D » à Lana Henchell pour des leçons de piano en prévision de l’examen administré par le RCM pour le diplôme d’ARCT en piano, et l’autre montrait qu’une somme de 1 252,50 $ avait été payée par « G » pour des leçons de piano en prévision de l’examen de piano de 9e année administré par le RCM. Ces reçus montraient aussi que « D » avait reçu en 2011 environ 26,6 leçons de piano d’une heure, tandis que « G » avait reçu 17,9 leçons de piano d’une heure auprès de Lana Henchell en 2011.

Établissement d’enseignement

[14]        Je suis d’avis que le juge Webb est allé trop loin dans la décision Tarkowski quand il a dit que la Mississauga School of Music était un établissement d’enseignement pour l’application du paragraphe 118.5(1). Cependant, quand bien même emploierait‑on les définitions sur lesquelles il s’est fondé, les professeurs particuliers, dans le présent appel, ne sont pas un « établissement d’enseignement ». Ils ne sont pas une école, un séminaire, un collège, une université ou une autre institution d’enseignement.

[15]        Les faits examinés dans la décision Kam c R, 2013 CCI 266 étaient très semblables à ceux de la présente affaire. M. Kam demandait des crédits pour frais de scolarité au titre de la rémunération payée pour des cours particuliers de piano donnés à son fils. M. Kam invoquait lui aussi la décision Tarkowski. Rejetant l’appel, le juge Favreau a fait les observations suivantes :

23 En tout état de cause, je ne suis pas lié par la décision Tarkowski, parce qu’elle a été rendue sous le régime de la procédure informelle, et je doute que le législateur ait jamais eu l’intention d’accorder des crédits pour frais de scolarité dans une situation comme l’espèce qui concerne des frais de scolarité payés à un professeur de piano donnant des cours particuliers à son domicile.

[16]        Je souscris à ses observations. Après examen des débats qui se sont déroulés à la Chambre des communes quand la version antérieure du paragraphe 118.5(1) a été proposée à l’origine, on constate que l’expression « établissement d’enseignement » n’était pas censée s’appliquer à des cas comme celui dont il s’agit ici.

[17]        Lors de la 4e session de la 24e législature, l’examen concernant la déductibilité des droits de scolarité avait porté sur la manière d’aider les étudiants à faire des études universitaires en allégeant leur fardeau financier. La mesure qui était proposée, intégrée dans un projet de loi devant modifier la LIR, était la suivante :

Que, pour l’année d’imposition de 1961 et les années d’imposition subséquentes, l’étudiant qui suit les cours réguliers d’une université en préparation d’un diplôme, est autorisé à déduire, dans le calcul de son impôt, les droits de sa scolarité qu’il a payés durant l’année à l’université, et que lesdits droits de scolarité sont également déduits dans le calcul du revenu de l’étudiant aux fins de déterminer si celui‑ci est une personne à charge[1].

[18]        Cette résolution a plus tard été retranchée, et la disposition a été élargie par l’inclusion des mots « collège ou autre établissement d’enseignement », pour qu’un nombre accru de personnes puissent bénéficier de la résolution. Celle‑ci était alors formulée ainsi :

Que, pour les années d’imposition 1961 et les années s’imposition subséquentes, l’étudiant qui suit les cours réguliers d’une université en préparation d’un diplôme, ou les cours réguliers d’un collège ou autre institution d’enseignement au Canada à un niveau post-secondaire, soit autorisé à déduire, dans le calcul de son revenu pour l’année, les droits de sa scolarité qu’il a payés à l’université, au collège ou autre institution d’enseignement à l’égard d’une période n’excédant pas douze mois commençant dans l’année et non compris dans le calcul d’une déduction relative à de semblables droits pour une année antérieure (sauf tous pareils droits payés à l’égard d’un cours qui n’exigeait pas sa présence à des cours réguliers pendant une période d’au moins trois mois consécutifs), et que lesdits droits de scolarité soient également déduits dans le calcul du revenu de l’étudiant aux fins de déterminer si l’étudiant est une personne à charge[2].

[Non souligné dans l'original.]

[19]        Le ministre des Finances de l’époque, prié d’expliquer le mode de fonctionnement de la résolution, avait répondu ce qui suit :

L’hon. M. Fleming : Monsieur le président, nous avons reçu, de temps à autre, des résolutions qui se rattachent, d’une façon générale, à ce sujet. Elles émanaient parfois d’associations d’étudiants. Depuis la présentation du budget supplémentaire, le 20 décembre, j’ai reçu un certain nombre de communications d’organismes d’étudiants et d’institutions s’occupant de l’instruction et de la formation du public, qui approuvaient énergiquement les recommandations dont il s’agit. Certains ont proposé de les élargir dans le sens prévu maintenant par l’amendement à l’étude.

Certains collèges, sans être affiliés à des universités, sont néanmoins des institutions éducatives du niveau post-secondaire tout à fait reconnues. On a examiné leur cas avec soin; mes collègues et moi-même, nous avons jugé que leur thèse était juste. Des demandes de cette nature nous ont amenés à élargir la portée de la résolution.

[Non souligné dans l'original.]

De simples étudiants nous ont également exposé leurs vues. Chaque exposé a fait l’objet d’une étude attentive et, à mon avis, la résolution dans sa forme modifiée et élargie, répondra à presque toutes les demandes que nous avons reçues à cet égard[3].

[20]        Finalement, l’intention à l’origine du crédit pour frais de scolarité était de faciliter l’accès à l’enseignement postsecondaire au moyen d’une réduction du fardeau financier des étudiants. Le paragraphe 118.5(1) devrait être interprété d’une manière libérale, mais il est manifeste que le législateur ne souhaitait pas que cette disposition s’applique à la rémunération payée par des élèves pour des cours particuliers de piano donnés chez un professeur.

[21]        L’appel est rejeté.

Signé à Ottawa, Canada, ce 13e jour de juin 2014.

« V.A. Miller »

Juge V.A. Miller

 

 

 

Traduction certifiée conforme
ce 17e jour de juillet 2014.

S. Tasset


RÉFÉRENCE :

2014CCI196

No DU DOSSIER DE LA COUR :

2013-3687(IT)I

INTITULÉ :

BAREND G. VAN HELDEN ET SA MAJESTÉ LA REINE

LIEU DE L’AUDIENCE :

Calgary (Alberta)

DATE DE L’AUDIENCE :

Le 11 avril 2014

MOTIFS DU JUGEMENT :

L’honorable juge Valerie Miller

DATE DU JUGEMENT :

Le 13 juin 2014

 

COMPARUTIONS :

 

Représentante de l’appelant :

Mme Susan Savage

Avocat de l’intimée :

Me Adam Gotfried

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Pour l’appelant :

Nom :

 

 

Cabinet :

 

Pour l’intimée :

William F. Pentney

Sous-procureur général du Canada

Ottawa, Canada

 

 



[1] Débats de la Chambre des communes, 24e législature, 4e session; volume 1, page 1056.

[2] Débats de la Chambre des communes, 24e législature, 4e session; volume 3, page 2717.

[3] Débats de la Chambre des communes, 24e législature, 4e session; volume 3, page 2718.

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