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Dossier : 2013-2688(IT)I

ENTRE :

SUSUMU SOSHIRODA,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

Appels entendus sur preuve commune avec les appels d’Atsuko Okamoto (2013-2689(IT)I) le 14 mai 2014,

à Montréal (Québec).

Devant : L’honorable juge Paul Bédard


Comparutions :

 

Représentante de l’appelant :

Mme Atsuko Okamoto

Avocate de l’intimée :

Me Sara Jahanbakhsh

 

JUGEMENT

          Les appels interjetés à l’encontre des nouvelles cotisations établies en vertu de la Loi de l’impôt sur le revenu pour les années d’imposition 2008 et 2009 sont rejetés conformément aux motifs du jugement ci‑joints.

Signé à Ottawa, Canada, ce 26e jour d’août 2014.

« Paul Bédard »

Juge Bédard

Traduction certifiée conforme

ce 3e jour de novembre 2014.

 

Marie-Christine Gervais, traductrice

 

 


Dossier : 2013-2689(IT)I

ENTRE :

ATSUKO OKAMOTO,

appelante,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

Appels entendus sur preuve commune avec les appels de

Susumu Soshiroda (2013-2688(IT)I) le 14 mai 2014,

à Montréal (Québec).

Devant : L’honorable juge Paul Bédard


Comparutions :

 

Pour l’appelante :

L’appelante elle‑même

Avocate de l’intimée :

Me Sara Jahanbakhsh

 

JUGEMENT

          Les appels interjetés à l’encontre des nouvelles cotisations établies en vertu de la Loi de l’impôt sur le revenu pour les années d’imposition 2008 et 2009 sont rejetés conformément aux motifs du jugement ci‑joints.

Signé à Ottawa, Canada, ce 26e jour d’août 2014.

« Paul Bédard »

Juge Bédard

Traduction certifiée conforme

ce 3e jour de novembre 2014.

 

Marie-Christine Gervais, traductrice

 

 


Référence : 2014 CCI 256

Date : 20140826

Dossiers : 2013-2688(IT)I,

2013-2689(IT)I

ENTRE :

SUSUMU SOSHIRODA,

ATSUKO OKAMOTO,

appelants,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 


MOTIFS DU JUGEMENT

Le juge Bédard

[1]             Les présents appels ont été entendus sur preuve commune. Les appelants sont propriétaires d’une entreprise de conception Web exploitée sous les noms S‑Design et Abeillex. Lorsqu’ils ont produit leurs déclarations de revenus pour les années 2008 et 2009, les deux appelants ont déduit des frais de serveur hôte ainsi que des frais de programmation et de licence de 90 100 $ et de 55 650 $ respectivement, soit la moitié pour chacun du total des frais de 180 200 $ et 111 300 $ payés par la société de personnes dont ils sont associés à parts égales. Au moyen d’avis de nouvelles cotisations datés du 28 décembre 2011, le ministre du Revenu national (le « ministre ») a refusé la déduction des sommes de 90 100 $ et de 55 650 $ en tenant pour acquis qu’il ne s’agissait pas de dépenses justifiées pour les années d’imposition 2008 et 2009, respectivement, de chacun des appelants. Le 20 février 2012, le ministre a reçu de chacun des appelants un avis d’opposition concernant les nouvelles cotisations du 28 décembre 2011 établies pour les années d’imposition 2008 et 2009. Le 5 avril 2013, le ministre a ratifié en partie la nouvelle cotisation de chacun des appelants datée du 28 décembre 2011 pour les années d’imposition 2008 et 2009, de la manière suivante :

Année

Dépenses d’entreprises additionnelles admises

2008

9 188 $

2009

8 363 $

Les appelants ont interjeté appel à l’encontre de ces nouvelles cotisations.

[2]             Pour établir les nouvelles cotisations à l’égard de M. Susumu Soshiroda, le ministre s’est fondé sur les hypothèses de fait suivantes (pour établir les nouvelles cotisations à l’égard de Mme Atsuko Okamoto, le ministre s’est fondé, avec les adaptations nécessaires, sur les mêmes hypothèses de fait) :

a)                 pendant toute la période, l’appelant détenait une participation de 50 % dans la société de personnes et son épouse détenait l’autre participation de 50 %;

b)                 les dépenses déduites en tant qu’« autres dépenses » avaient trait à des frais de serveur hôte ainsi qu’à des frais de programmation et de licence;

c)                 plusieurs versions différentes des documents justificatifs ont été fournies au cours de la vérification et de l’examen effectué par suite de l’opposition. Les reçus ne présentaient pas une ventilation détaillée des services rendus;

d)                 aucun contrat n’a été fourni pour étayer les services rendus et les sommes versées;

e)                 des sommes importantes ont été facturées chaque semaine aux appelants par Heat Systems Inc. pour les années d’imposition 2008 et 2009. Cependant, comme les reçus produits ne présentaient pas une ventilation détaillée des services rendus, il était impossible de confirmer si les dépenses avaient été engagées en vue de gagner un revenu d’entreprise;

f)                  il est cependant probable que l’entreprise a supporté certaines dépenses au titre de frais de serveur hôte. Un montant a été déterminé en comparant les prix de sept (7) entreprises, qui s’établissaient en moyenne à 1 096 $ par mois pour des frais de serveur hôte; ce montant a ensuite été appliqué à l’entreprise de l’appelant et arrondi à 14 000 $ pour chacune des années d’imposition en question;

g)                 la part des frais de serveur hôte de l’appelant est de 7 000 $ pour chacune des années d’imposition 2008 et 2009 – la même somme a été accordée à son épouse;

h)                compte tenu des renseignements figurant au dossier, il n’y avait pas suffisamment de détails pour effectuer la même analyse concernant les frais de programmation et de licence;

i)                   un montant raisonnable a été néanmoins été accordé pour les frais de programmation et de licence, au moyen du calcul au pro rata effectué pour déterminer les frais de serveur hôte admissibles, qui correspondent à environ 10,2 % des sommes initialement déduites par l’appelant pour 2008, et à 16 % pour 2009;

j)                   cela a donné lieu à la déduction, pour l’entreprise, de dépenses au titre de frais de programmation et de licence totalisant 4 375 $ et 3 726 $ pour les années d’imposition 2008 et 2009 respectivement;

k)                 la part des frais de programmation et de licence de l’appelant est de 2 188 $ et de 1 863 $ pour les années d’imposition 2008 et 2009 respectivement – la même somme a été accordée à son épouse.

[3]             La question à trancher est de savoir si les appelants ont le droit de déduire des frais de serveur hôte ainsi que des frais de programmation et de licence en sus des sommes accordées par le ministre, la déduction des montants pour les années d’imposition 2008 et 2009 ayant été refusée pour les deux raisons suivantes :

a)                 les montants n’ont pas été engagés en vue de tirer un revenu de l’entreprise;

b)                 il s’agissait de frais personnels ou de subsistance.

La preuve présentée par les appelants

[4]             Dans le cadre de mon appréciation de la preuve présentée par les appelants, je me dois de souligner que les appelants ont omis de faire comparaître certains témoins et n’ont pas présenté d’éléments de preuve documentaire qui auraient pu confirmer leurs déclarations. Dans la décision Huneault c. Canada, [1998] A.C.I. no 103 (QL), 98 DTC 1488 (fr.), ma collègue la juge Lamarre a renvoyé, au paragraphe 25 (DTC, page 1491), aux remarques formulées par Sopinka et Lederman dans l’ouvrage The Law of Evidence in Civil Cases, qui ont été citées par le juge Sarchuk de la Cour dans la décision Enns v. M.N.R., 87 DTC 208, à la page 210 :

Dans l’ouvrage de Sopinka et Lederman, The Law of Evidence in Civil Cases, les auteurs font remarquer ce qui suit au sujet des conséquences de l’omission de faire comparaître un témoin, je cite :

Dans l’affaire Blatch v. Archer, (1774), 1 Cowp. 63, p. 65, Lord Mansfield a déclaré :

« Il existe certainement un principe voulant que tous les faits soient appréciés à la lumière de la preuve que l’une des parties était en mesure de produire et que l’autre partie était en mesure de réfuter. »

L’application de ce principe a conduit à établir une règle bien connue selon laquelle l’omission d’une partie ou d’un témoin de produire une preuve que la partie ou le témoin était en mesure de produire et qui aurait peut-être permis d’élucider les faits, fonde la Cour à déduire que la preuve de la partie ou du témoin en question aurait été défavorable à la partie à laquelle l’omission a été attribuée.

Dans le cas d’un demandeur auquel il incombe d’établir un point, l’effet de cette déduction peut être que la preuve produite sera insuffisante pour s’acquitter du fardeau de la preuve. (Lévesque et al. c. Comeau et al., [1970] R.C.S. 1010, (1971), 16 D.L.R. (3e) 425.)

[5]             Dans les présentes affaires, Mme Atsuko Okamoto a été la seule personne à témoigner à l’appui des appels de chacun des appelants. Les seuls éléments de preuve documentaire des appelants étaient les courriels (pièce A‑1) de M. Hiroshi Miyadera rédigés en japonais (hiroshim2@msn.com); ils étaient tous datés du 25 juin 2012 et portaient tous la mention [traduction] « Facture établie de nouveau » et ils avaient tous été envoyés à l’adresse dcs@S‑design.com.

[6]             En l’espèce, il est utile de formuler certaines observations au sujet de la crédibilité de Mme Okamoto, qui a été, je le répète, la seule personne à témoigner à l’appui des appels de chacun des appelants. J’insiste sur le fait que les appelants n’ont rien déposé d’autre que les courriels en japonais (pièce A‑1) à l’appui de leur position. À mon avis, il serait risqué d’ajouter foi au témoignage de Mme Okamoto en l’absence d’éléments de preuve corroborants concluants présentés sous forme de documents ou de témoignages dignes de foi.

[7]             Les réponses de Mme Okamoto étaient en général vagues, imprécises et ambigües. En fait, son témoignage peut se résumer ainsi : Heat Systems Inc. nous a facturé des frais de serveur hôte ainsi que des frais de programmation et de licence; les frais de serveur hôte ont été payés directement à Heat Systems Inc., mais les frais de programmation ont été payés directement à M. Miyadera. Elle n’a jamais expliqué quel était le contenu numérique ni en quoi consistaient ces frais. Elle n’a pas non plus dit quoi que ce soit au sujet du serveur de Heat Systems Inc. (De quel type de serveur s’agissait‑il? Quelle était la vitesse de transfert des données?) Elle n’a pas non plus parlé de la raison pour laquelle les frais de programmation étaient facturés par Heat Systems Inc. et payés à M. Miyadera. Trop souvent, elle n’a pas été en mesure d’expliquer de façon valable comment leur entreprise était exploitée. À cet égard, elle n’a pas pu expliquer pourquoi l’ensemble des frais de programmation et de licence qui avaient été facturés par Heat Systems Inc. avaient été payés directement à M. Miyadera. Elle n’a pas non plus pu expliquer les contradictions entre les différentes versions des documents justificatifs qui avaient été fournis au cours de la vérification et de l’examen mené par suite de l’opposition. De plus, la preuve a permis de constater qu’en 2010, les appelants avaient changé de fournisseur (Hurricane Electric LLC). Mme Okamoto n’a pas non plus pu expliquer pourquoi les frais de serveur hôte de Hurricane étaient beaucoup moins élevés que ceux de Heat Systems Inc. La preuve a également permis de constater que les appelants avaient déclaré au vérificateur de l’ARC que M. Miyadera était le propriétaire de Heat Systems Inc. À cet égard, la preuve (pièce R‑1) établit le contraire. Encore une fois, Mme Okamoto n’a pas pu expliquer la contradiction. Enfin, la preuve a aussi révélé que les appelants n’avaient jamais informé le vérificateur de l’impôt qu’ils avaient eux‑mêmes préparé la première série de factures qu’ils lui avaient fournie. Cela a aussi fortifié les doutes que j’avais concernant la crédibilité de Mme Okamoto. Pour ces motifs, j’ai accordé peu de valeur probante à son témoignage.

Conclusion

[8]             Il incombait aux appelants de prouver que les nouvelles cotisations étaient erronées. Les appelants n’ont présenté aucun élément de preuve fiable à l’appui de leurs allégations. La preuve documentaire qu’ils ont produite n’était pas solide. J’ai accordé peu de valeur probante au témoignage de Mme Okamoto. Les appelants auraient pu produire des documents en preuve (traduction anglaise certifiée des factures originales). Ils ne l’ont pas fait. J’en déduis que ces éléments de preuve n’étaient pas favorables aux appelants. Les appelants auraient aussi pu appeler M. Miyadera ou un autre représentant de Heat Systems Inc. à témoigner. Le témoignage de M. Miyadera aurait pu confirmer les déclarations de Mme Okamoto. Ils ne l’ont toutefois pas appelé à témoigner. J’en déduis que son témoignage n’aurait pas non plus été favorable aux appelants.

[9]             Le système fiscal est fondé sur l’autodéclaration, et il est d’intérêt public que la charge de prouver le fondement des déductions et des réclamations repose sur le contribuable. Les appelants doivent être en mesure de produire toutes les informations et justifications permettant d’appuyer les réclamations qu’ils font. Les appelants, à titre de contribuables, ont la responsabilité de justifier leurs affaires personnelles d’une manière raisonnable. Des reçus écrits par eux‑mêmes et des allégations sans preuve ne sont pas suffisants.

[10]        Pour ces motifs, les appels sont rejetés.

Signé à Ottawa, Canada, ce 26e jour d’août 2014.

« Paul Bédard »

Juge Bédard

 

Traduction certifiée conforme

ce 3e jour de novembre 2014.

 

Marie-Christine Gervais, traductrice

 


RÉFÉRENCE :

2014 CCI 256

NOS DES DOSSIERS DE LA COUR :

2013-2688(IT)I,
2013-2689 (IT)I

INTITULÉ :

SUSUMU SOSHIRODA c. SA MAJESTÉ LA REINE

ATSUKO OKAMOTO c. SA MAJESTÉ LA REINE

LIEU DE L’AUDIENCE :

Montréal (Québec)

DATE DE L’AUDIENCE :

Le 14 mai 2014

MOTIFS DU JUGEMENT :

L’honorable juge Paul Bédard

DATE DU JUGEMENT :

Le 26 août 2014

COMPARUTIONS :

Représentante de l’appelant
Susumu Soshiroda :

Mme Atsuko Okamoto

Pour l’appelante
Atsuko Okamoto:

L’appelante elle-même

Avocate de l’intimée :

Me Sara Jahanbakhsh

AVOCAT INSCRIT AU DOSSIER :

Pour les appelants :

Nom :

 

Cabinet :

 

Pour l’intimée :

William F. Pentney

Sous-procureur général du Canada

Ottawa, Canada

 

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