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Date : 20070302

Dossier : T-132-06

Dossier : T-133-06

 

Référence : 2007 CF 244

Ottawa (Ontario), le 2 mars 2007

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE BARNES

 

 

ENTRE :

RAYMOND MACIEL

demandeur

et

AGENCE DU REVENU DU CANADA

défenderesse

 

ENTRE :

RONDA SARGEANT

demanderesse

et

AGENCE DU REVENU DU CANADA

défenderesse

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]               Raymond Maciel et Ronda Sargeant ont introduit une action unique pour contester le rejet sommaire de leur plainte relative aux droits de la personne, que la Commission canadienne des droits de la personne (la Commission) a prononcé en vertu du droit que lui confère l’alinéa 44(3)b) de la Loi canadienne sur les droits de la personne, L.R.C. 1985, ch. H-6, (la Loi). 

 

[2]               Le contexte des revendications de M. Maciel et de Mme Sargeant est commun, et leurs demandes soulèvent des points de fait et de droit virtuellement identiques. Les deux demandes ayant été plaidées ensemble, il convient donc d’aborder les deux affaires dans un jugement unique.

 

Contexte

[3]               M. Maciel et Mme Sargeant allèguent avoir été l’objet d’actes discriminatoires fondés sur leur couleur ou leur origine nationale ou ethnique, en contravention de l’article 7 de la Loi, de la part de leur employeur, dont le titre était alors Agence des douanes et du revenu du Canada (ADRC) et ce, par l’intermédiaire de l’un de ses gestionnaires, M. Carl Gomes. Dans leur plainte à la Commission, ils allèguent des distinctions de traitement à plusieurs reprises (organisation du travail, distribution des téléphones portables, par exemple), mais s’inquiètent avant tout du refus de promotions après un concours d’admissibilité en 2000.

 

[4]               Il est admis qu’après l’administration des tests M. Maciel et Mme Sargeant ont été jugés qualifiés et placés sur la liste d’admissibilité, à l’instar de cinq autres employés de l’ADRC, en vue de promotions possibles au service des enquêtes. Il est également établi que par la suite, seuls M. Maciel et Mme Sargeant n’ont pas été retenus pour des promotions, alors que les cinq autres candidats ont été sélectionnés. M. Maciel et Mme Sargeant étaient les seuls candidats de la liste d’admissibilité à appartenir à une minorité visible; ils allèguent que c’est le motif pour lequel un avancement leur a été refusé. L’employeur soutient que ses décisions de sélection avaient des motifs légitimes et nie toute intention ou acte de discrimination.

 

[5]               Conformément à ses pratiques, la Commission a commencé à enquêter sur les plaintes des demandeurs. Son enquête a abouti à la préparation de deux longs rapports, dans lesquels elle recommande de rejeter les deux plaintes au même motif que les preuves n’ont permis de constater aucun motif de distinction illicite. La Commission a accepté ces recommandations et rejeté les deux plaintes avec la même argumentation, soit que [traduction] « les preuves n’appuient pas l’allégation que les plaignants aient été victimes de distinction illicite fondée… sur la race, la couleur, l’origine nationale ou ethnique ».

 

Positions des parties, et constatations et recommandations de l’enquêtrice

[6]               Il ressort clairement que l’enquêtrice de la Commission a mené une enquête approfondie des deux plaintes. Les deux plaintes présentent quelques différences, mais les principales allégations de

M. Maciel et de Mme Sargeant sont identiques et axées sur la façon dont l’employeur a sélectionné les candidats à une promotion, puis a traité les demandeurs, notamment quant à l’expiration de la liste d’admissibilité. Il en résulte que les principales constatations et l’analyse de l’enquêtrice sont presque identiques sur ces points pour les deux demandeurs.

 

[7]               Ceux-ci se sont tous deux plaints de ce que M. Gomes a répondu à leur demande de rétroaction par de l’hostilité et menacé de laisser expirer la liste d’admissibilité s’ils persistaient à contester ses décisions quant à la sélection. Selon une note d’un délégué syndical, qui confirme cette attitude apparemment négative de M. Gomes, ce dernier a déclaré lors d’une réunion avec le délégué syndical qu’il pourrait ne plus avoir recours à la liste d’admissibilité, si des allégations de racisme persistaient à propos du processus de sélection. Cependant, quand l’enquêtrice a interrogé le délégué syndical, celui-ci a déclaré ne pas se rappeler les détails de la remarque sur le racisme, ni dans quelle mesure la menace de M. Gomes avait été explicite. L’employeur maintient en outre que l’expiration de la liste d’admissibilité a lieu tôt ou tard, conformément à l’usage professionnel établi et à la durée de la liste qui est prévue au moment de son établissement. Il ne faut peut-être pas se surprendre que M. Gomes nie avoir proféré des menaces sur ce point.

 

[8]                Les demandeurs ont également affirmé que, malgré ses déclarations antérieures qu’il n’y avait pas assez de crédits, l’employeur a continué de nommer des employés aux postes qu’ils visaient. L’employeur a contesté cette allégation et a fourni des explications pour tous les exemples présentés par M. Maciel et  Mme Sargeant. L’enquêtrice semble avoir accepté la position de l’employeur à cet égard.

 

[9]               À propos des préoccupations générales des demandeurs sur des modes de recrutement racistes, l’employeur a présenté des preuves que son effectif présentait une diversification raciale et qu’il a continué de recruter des personnes appartenant à des minorités visibles pendant que  M. Maciel et Mme Sargeant alléguaient qu’ils avaient été écartés. En dépit de la solidité apparente des preuves de l’employeur à cet égard, M. Maciel et Mme Sargeant ont affirmé que le fait que l’employeur ait récemment recruté des membres des minorités visibles n’était qu’un « écran de fumée » pour dissimuler la façon dont il les traitait. Mme Sargeant a aussi déclaré avoir été prévenue que le service des enquêtes de l’ADRC ne recrutait pas de Noirs. M. Maciel a déclaré à l’enquêtrice avoir entendu des « rumeurs » semblables. Quand celle-ci lui a demandé le nom de quelques personnes susceptibles de témoigner de ces actes de discrimination, aucun nom n’a été fourni. Cette allégation n’est donc pas clairement avérée.

 

[10]           M. Maciel et Mme Sargeant se sont tous deux plaints que, à mesure que leur emploi d’une durée déterminée tirait à sa fin, on les faisait se sentir importuns. Cette hostilité, selon eux, se manifestait en représailles, mais l’employeur en disconvient. Un superviseur a déclaré à l’enquêtrice que Mme Sargeant était « peu obligeante ». L’employeur a indiqué à propos de M. Maciel qu’il a choisi de quitter le service des enquêtes avant que le terme de son emploi ne prenne fin. Le rapport de l’enquêtrice adopte, implicitement au moins, la position de l’employeur sur ce point.

 

[11]           Les demandeurs ont mentionné à l’enquêtrice des préoccupations quant à la notation des résultats des tests du concours. Il ressort du dossier que l’employeur a pu avoir recours à des méthodes douteuses pour placer les personnes sur la liste d’admissibilité. Une fonctionnaire du service fait état dans un courriel à M. Gomes du 26 avril 2001 qu’elle a relevé une erreur de notation non précisée, à discuter ultérieurement avec celui-ci. Toutefois, l’enquêtrice a interrogé l’auteur de ce courriel et fait la constatation suivante à l’égard de la signification de cette prétendue erreur de notation.

[traduction]

Mme Jaksic déclare que son inquiétude quant à la notation des résultats du concours porte sur le fait qu’elle a remarqué une différence dans la notation entre les candidats. Dans une question, un article de la loi était noté dans un cas et non dans un autre cas où la désignation du paragraphe était ajouté, par exemple « paragraphe 231a) » au lieu de « article 231 ». Elle déclare que, de ce fait, la note de Mme Sargeant s’est trouvée augmentée d’un demi‑point.

 

 

[12]           L’enquêtrice a fait la constatation suivante à propos de la plainte de M. Maciel quant aux irrégularités de notation.

[traduction]

Il estime qu’il y a eu des irrégularités dans la notation. On remarque que quelques-unes des questions comportaient des aspects subjectifs, une communication écrite par exemple, tandis que d’autres parties des tests étaient de nature objective, car elles étaient conçues pour tester si les candidats connaissaient la législation pertinente. Le plaignant attribue bien des allégations d’actes de discrimination à

M. Gomes, mais l’enquête n’indique pas que celui-ci ait participé à l’administration des tests ni à la notation des candidats, qui ont été faites par l’équipe de sélection de deux personnes. Le travail de cette équipe a été examiné par les Ressources humaines.

 

 

[13]           Il ressort de la décision de l’enquêtrice que celle-ci n’a pas accepté que les problèmes quant à la notation des tests aient été motivés par le racisme. Il semble bien qu’il y ait eu quelques problèmes quant à la méthode de notation et au classement des candidats dans le concours, mais les demandeurs n’ont rien produit, si ce n’est leurs propres préoccupations, qui suggère que les problèmes liés aux tests aient été fondés sur de la discrimination. Ces questions ayant déjà été soulevées par les demandeurs dans le contexte d’une procédure interne de grief, l’enquêtrice semble avoir conclu que c’est cette procédure qui convenait pour résoudre ces questions.

 

[14]           M. Maciel a allégué que pendant l’une de leurs réunions M. Gomes aurait eu des propos calomnieux, car il aurait employé à son égard et à celui de Mme Sargeant l’expression « des gens comme vous ». M. Gomes a nié. Étant donné la contradiction évidente des deux positions sur ce point et peut-être parce qu’il y avait beaucoup d’ambiguïté dans la remarque, si tant est qu’elle a été faite, l’enquêtrice n’a pas cru bon de consigner la question dans son rapport.

 

[15]           L’enquêtrice présente les constatations suivantes en conclusion de son analyse des deux plaintes.

a)          Les plaintes des demandeurs relatives à la distribution des téléphones portables n’ont pas été faites dans les délais, et l’employeur n’a donc pas eu la possibilité de redresser la situation au moment où elle aurait pu être rectifiée.

b)          M. Maciel n’a pas pu établir que sa plainte quant à l’horaire de travail (semaine de travail comprimée) était fondée sur de la discrimination.

c)          Les plaintes des demandeurs sur la notation des résultats du concours ne sont pas justifiées. Les notes de M. Maciel sont nettement inférieures à celles des autres personnes de la liste d’admissibilité. Les notes de Mme Sargeant correspondent à celles des autres personnes et ne permettent pas de conclure qu’il y a eu différence de traitement.

d)          L’enquête a révélé qu’un différend existe entre les demandeurs et M. Gomes et que l’atmosphère était quelque peu « tendue », mais rien ne permet de conclure que cela a pour origine de la discrimination raciale, particulièrement si l’on prend en compte les méthodes de recrutement de l’employeur relativement à d’autres candidats appartenant à des minorités visibles.

e)          L’employeur a correctement expliqué les anomalies dans le recrutement relevées par les demandeurs.

f)            Dans le cas de Mme Sargeant, il n’a pas été établi que le fait de recourir au critère du permis de conduire pour l’exclure de toute promotion était discriminatoire.

g)          Aucun des demandeurs n’a été obligé de quitter le service des enquêtes avant la fin du terme de son emploi.

h)          Même si l’employeur aurait pu prolonger la validité de la liste d’admissibilité au‑delà de la date d’expiration prévue, il a décidé de ne pas le faire, et rien ne suggère que cette décision soit inhabituelle.

 

[16]           Au vu des constatations ci-dessus, l’enquêtrice a recommandé que les plaintes soient rejetées, ce qu’a accepté la Commission.

 

Questions en litige

[17]           a.         Quelle norme de contrôle s’applique aux décisions de la Commission lors de son examen préalable de ces plaintes ?

b.         Lorsque la Commission a effectué l’examen préalable de ces plaintes et les a rejetées, a-t-elle commis des erreurs susceptibles de contrôle ?

 

Analyse

[18]           Dans de telles demandes, il est évident selon la jurisprudence qu’il faut accorder beaucoup de retenue judiciaire aux décisions fondées sur les faits que la Commission prend lors de son examen préalable. La Cour d’appel fédérale a affirmé au paragraphe 38 de Bell Canada c. Syndicat canadien des communications, de l'énergie et du papier (1998), 167 D.L.R. (4e) 432, [1999] 1 C.F. 113, que « le législateur ne voulait pas que les cours interviennent à la légère dans les décisions prises par la Commission » lors de l’examen préalable. Au paragraphe 76 de Sketchley c. Procureur général du Canada, [2006] 3 R.C.F. 392 , [2005] A.C.F. no 2056, 2005 CAF 404, cette même cour a souligné que, lorsqu’il s’agit de l’appréciation de questions pratiques et pécuniaires, la Commission est mieux placée que la Cour fédérale pour apprécier si une plainte en particulier devrait se rendre plus loin. Au paragraphe 47, la Cour analyse la norme de contrôle applicable aux décisions que prend la Commission lors de l’examen préalable :

[47] En règle générale, lorsqu’elle est appelée à prendre une décision en vertu du paragraphe 44(3) de la Loi, la Commission doit trancher une question de fait ou une question mixte de droit et de fait. Comme la décision dépend énormément, dans de tels cas, des faits de l’espèce, elle n’aura qu’une faible valeur jurisprudentielle. Toutes choses étant égales par ailleurs, l’analyse pragmatique et fonctionnelle entraînera probablement dans de tels cas l’application de la norme de contrôle de la décision manifestement déraisonnable ou celle de la décision raisonnable simpliciter. Toutefois, si, comme en l’espèce, la décision de la Commission soulève une question de droit qui a une valeur jurisprudentielle générale ou si elle soulève une question d’équité procédurale, la norme appropriée pourrait bien être celle de la décision correcte.

 

[19]           La décision du juge O’Keefe est allée dans le même sens dans MacLean c. Canada (Commission canadienne des droits de la personne), [2003] A.C.F. no 1854, 2003 CF 1459, où une décision de la Commission faisant suite à un examen préalable faisait l’objet d’un contrôle :

[38]      Il s'agit ici de savoir si la plainte du demandeur doit être rejetée pour le motif qu'elle ne justifie aucun examen plus poussé, compte tenu des circonstances. Dans l'arrêt Ross c. Conseil scolaire du district no 15 du Nouveau-Brunswick, [1996] 1 R.C.S. 825, la Cour suprême du Canada a dit, au paragraphe 29, qu'« [u]ne conclusion à l'existence de discrimination repose essentiellement sur des faits que la commission d'enquête est la mieux placée pour évaluer ». En l'espèce, le même raisonnement s'appliquerait à l'égard de la conclusion de fait que la Commission tire lorsqu'elle examine au préalable une plainte en se fondant sur un rapport d'enquête. L'expertise plus grande de la Commission en ce qui concerne les conclusions de fait et l'examen préalable des plaintes milite en faveur d'une plus grande retenue dans le cadre d'un contrôle judiciaire.

 

[…]

 

[41]     Il s'agit en l'espèce de savoir si les plaintes du demandeur justifiaient un examen plus poussé. La Commission a rejeté les plaintes pour le motif qu'elles n'étaient pas fondées parce que, compte tenu de l'enquête, l'entente conclue entre Marine Atlantic et TCA n'était pas discriminatoire. Cette question est fondée sur les faits, mais elle comporte l'application de faits au régime législatif, ce qui constitue une question mixte de fait et de droit. La nature discrétionnaire de la fonction d'examen préalable des plaintes et le fait que la question est axée sur les faits exigent que l'on fasse preuve d'une plus grande retenue à l'égard de la décision de la Commission.

 

 

[20]           À tout le moins, une décision de la Commission de rejeter une plainte en vertu du paragraphe 44(3) de la Loi ne peut vraiment être remise en cause que si ses motifs ne résistent pas à une analyse poussée : voir Gardner c. Canada (Procureur général), [2005] A.C.F. no 1442, 2005 CAF 284, au paragraphe 21. Simplement, la Cour ne modifiera pas une décision de la Commission faisait suite à un examen préalable uniquement parce qu’elle aurait pu conclure différemment d’après les éléments de preuve retenus.

 

[21]           Les demandeurs contestent le rapport de l’enquêtrice sur lequel la Commission a précisément fondé sa décision de rejeter leur plainte respective. Dans leur argumentation à la Cour, ils affirment que le travail de l’enquêtrice et son rapport sont « creux » et remplis d’erreurs évidentes.

 

[22]           Il est exact que l’enquêtrice aurait pu tirer d’autres conclusions des faits contestés, mais dans une demande de contrôle judiciaire il n’appartient à la Cour de reconsidérer ces constatations. L’enquêtrice a eu l’avantage d’interroger personnellement les témoins et la possibilité de vérifier ces éléments de preuve par rapport à ceux au dossier. Le fait que l’enquêtrice ait pu ainsi prendre directement connaissance des preuves lui donne un net avantage par rapport à une juridiction de contrôle. C’est essentiellement pour cette raison que la jurisprudence citée ci-dessus impose que la Cour ne peut, simplement parce qu’elle aurait pu prendre une décision différente d’après les mêmes preuves, infirmer des constatations factuelles et des conclusions fondées sur des faits établies par un enquêteur des droits de la personne.

 

[23]           En dépit des arguments pertinents des demandeurs, je rejette le fait que les constatations présentées en l’espèce par l’enquêtrice sont déraisonnables, au sens où ce terme est utilisé pour fonder l’annulation de décisions telles que celle-ci. Il est en conséquence superflu que je décide si la norme de contrôle est de caractère raisonnable ou manifestement déraisonnable. Dans l’un ou l’autre cas, les décisions de la Commission résistent à l’examen.

 

[24]           Aucune enquête de ce type ne sera jamais parfaite. On pourra toujours poser une autre question ou interroger un autre témoin. Il en va de même en l’espèce, mais l’enquête a été poussée, et dans son rapport l’enquêtrice a analysé à fond les éléments de preuve et les arguments avancés par les parties. Sa conclusion et ses recommandations sont sensées, car il existe des preuves pour les étayer. Les demandeurs ont eu la possibilité de faire valoir leurs arguments à la Commission et de répondre aux observations contraires de l’employeur. Ils ont bénéficié de l’application régulière de la loi. L’analyse que l’enquêtrice a fait des méthodes de test de l’employeur et des résultats semble bien comporter quelques insuffisances, mais le résultat final n’aurait pas varié, étant donné la constatation finale que ces tests ne pouvaient être contestés pour des motifs portant sur les droits de la personne. Les témoins interrogés par l’enquêtrice ont peu appuyé l’autre plainte des demandeurs, soit que M. Gomes avait répondu par de l’hostilité aux préoccupations exprimées par les demandeurs à l’égard du processus de sélection et que, pour cette raison, il avait menacé de laisser expirer la liste d’admissibilité. Il convient de noter également que ces allégations ont été niées à la fois par M. Gomes et par l’employeur.

 

[25]           Malgré que le dossier fasse état que la façon dont l’employeur s’est occupé de ce concours présente des défaillances et ait peut-être été quelque peu arbitraire, M. Maciel et Mme Sargeant ont fourni à l’enquêtrice peu d’éléments pour prouver que l’employeur avait agi avec l’intention de discriminer. Il revenait aux demandeurs d’établir à première vue qu’il s’agissait de discrimination, et l’enquêtrice a en définitive conclu avec raison qu’ils n’avaient pas réussi à le faire, ce dont a aussi convenu la Commission. Dans la mesure où M. Maciel et Mme Sargeant ont peut-être été victimes d’un mode de sélection défaillant, quelles qu’en aient été les raisons, c’est le processus de grief en cours qui peut, et qui sans doute pourra, prendre en compte leurs préoccupations.

 

[26]           M. Maciel et Mme Sargeant se sont également inquiétés de changements tardifs aux critères de sélection pour présélectionner les candidats à une promotion. Mme Sargeant prétend que l’employeur a restreint le critère relatif au permis de conduire en le faisant passer d’une exigence de mobilité équivalent à la possession d’un permis à une exigence unique voulant que le candidat ou la candidate possède un permis de conduire en cours de validité. Elle fait état de méthodes et de politiques en matière d’emploi qui, pourrait-on soutenir, sont incompatibles avec, dans son cas, l’imposition tardive d’une obligation absolue de permis. Elle affirme en outre que personne au service des enquêtes n’ignore qu’elle ne conduit pas et elle soupçonne donc que son exclusion à la fin du processus du fait de la modification de cette exigence a été arbitraire et destinée à bloquer sa nomination. L’employeur soutient que, pour le poste recherché par Mme Sargeant, il faut être mobile dans des délais très courts et que le permis de conduire est donc indispensable.

 

[27]           M. Maciel exprime une inquiétude semblable à propos de la façon dont l’employeur utilise le facteur « expérience » dans le processus de sélection. Il avait été établi en début de concours que l’expérience professionnelle pouvait être prise en compte pour les promotions, mais M. Gomes a ensuite retiré ce facteur. M. Maciel s’inquiète de ce qu’en l’espèce son expérience professionnelle au service des enquêtes a été exclue et n’a pas été prise en considération, mais que dans un concours ultérieur il a été exclu pour manque d’expérience professionnelle. Pour justifier l’exclusion de l’expérience professionnelle, M. Gomes lui a déclaré que cela aurait introduit un élément subjectif dans le processus de sélection, pouvant entraîner des recours abusifs. Cette justification de M. Gomes est peut-être fondée, mais une méthode de recrutement aussi simpliste a l’indéniable inconvénient d’exclure des candidats très qualifiés, qui pourraient être promus si leur expérience professionnelle était équitablement prise en considération.

 

[28]           Le fait que la direction puisse en fin de processus modifier ou exclure certains critères d’appréciation peut aussi aboutir à des manipulations, surtout si le décideur connaît le classement du candidat quand les critères de sélection sont retenus et appliqués. Point n’est besoin de préciser qu’il serait judicieux d’adopter une démarche uniforme d’utilisation des critères d’évaluation. Même si la cohérence absolue n’est pas toujours possible ni souhaitable, la direction devrait avoir peu de latitude pour réviser les critères en fin de processus, ne serait-ce que pour éviter des situations comme celles qu’ont vécues Mme Sargeant et M. Maciel quand des considérations d’exclusion sont ajoutées ou modifiées en fin de processus.

 

[29]           En dépit de ces préoccupations, il ne semble pas que la Commission ait été convaincue que les actes de l’employeur quand il a modifié les critères de sélection constituaient de la discrimination.

 

Conclusion

[30]           La Cour n’a pas pour mandat dans les contrôles judiciaires de substituer ses propres opinions dans les cas où la décision de la Commission repose sur une base factuelle rationnelle. Il n’a donc pas été démontré que le refus de la Commission de donner suite à ces plaintes a été déraisonnable, et sa décision doit être maintenue. Les deux demandes sont en conséquence rejetées, mais en l’espèce, sans dépens.

 


 

JUGEMENT

 

            LA COUR ORDONNE que les demandes soient rejetées sans dépens.

 

 

« R. L. Barnes »

Juge

 

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Michèle Ledecq, B. trad.

 


 

COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

 

DOSSIER :                                                        T-132-06

 

INTITULÉ :                                                       RAYMOND MACIEL

                                                                            c.

                                                                            AGENCE DU REVENU DU CANADA

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                                TORONTO (ONTARIO)

 

 

DATE DE L’AUDIENCE :                               LE 12 DÉCEMBRE 2006

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                                             LE JUGE BARNES

 

 

DATE DES MOTIFS :                                     LE 2 MARS 2007

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Raymond Maciel

 

POUR SON PROPRE COMPTE

 

Victoria Yankou

 

POUR LA DÉFENDERESSE

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

 

John H. Sims, c.r.

Sous-procureur général du Canada

 

POUR LA DÉFENDERESSE

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                                        T-133-06

 

INTITULÉ :                                                       RONDA SARGEANT

                                                                  c.

                                                                  AGENCE DU REVENU DU CANADA

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                                TORONTO (ONTARIO)

 

 

DATE DE L’AUDIENCE :                               LE 12 DÉCEMBRE 2006

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                                             LE JUGE BARNES

 

 

DATE DES MOTIFS :                                     LE 2 MARS 2007

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Ronda Sargeant

 

POUR SON PROPRE COMPTE

 

Victoria Yankou

 

POUR LA DÉFENDERESSE

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

 

John H. Sims, c.r.

Sous-procureur général du Canada

 

POUR LA DÉFENDERESSE

 

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