Décisions de la Cour d'appel fédérale

Informations sur la décision

Contenu de la décision

Date : 20071129

Dossier : A-376-06

Référence : 2007 CAF 380

 

CORAM :      LE JUGE LINDEN

                        LA JUGE SHARLOW

                        LE JUGE RYER       

 

ENTRE :

EDWIN PEARSON

appelant

 

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE

intimée

 

 

 

Audience tenue à Toronto (Ontario), le 28 novembre 2007

Jugement rendu à Toronto (Ontario), le 29 novembre 2007

 

MOTIFS DU JUGEMENT :                                                                                    LE JUGE LINDEN

 

Y ONT SOUSCRIT :                                                                                 LA JUGE SHARLOW

      LE JUGE RYER


Date : 20071129

Dossier : A-376-06

Référence : 2007 CAF 380

 

CORAM :      LE JUGE LINDEN

                        LA JUGE SHARLOW

                        LE JUGE RYER       

 

ENTRE :

EDWIN PEARSON

appelant

 

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE

intimée

 

MOTIFS DU JUGEMENT

LE JUGE LINDEN

[1]               Le présent appel découle d’événements qui se sont produits en 1989 et qui, en 1991, ont mené à la condamnation de l'appelant pour quatre chefs d'accusation de trafic de stupéfiants. Après ces condamnations, il y a eu de nombreuses procédures judiciaires complexes, notamment deux appels à la Cour d'appel du Québec, dont un a mené à une nouvelle audience sur la question de la provocation policière, et un appel à la Cour suprême du Canada. L'appelant n'a pas eu gain de cause à l’issue de la nouvelle audience sur la provocation policière. Il a purgé des peines d'emprisonnement à la suite de ces condamnations.

 

[2]               En conséquence de tout ce qui précède, la vie de l'appelant ainsi que celle de sa famille ont été touchées de manière négative depuis les 18 dernières années. L’appelant blâme le ministère public d'avoir omis de lui communiquer des documents clés, de même que des prétendus faux témoignages qu'auraient fournis certains agents de la GRC à son procès criminel.

 

[3]               L'appelant a institué la présente action en 1999, cherchant à obtenir 13 millions de dollars en dommages-intérêts en vertu de l'article 24 de la Charte canadienne des droits et libertés pour les violations des articles 7 à 11 de la Charte par le ministère public.

 

[4]               Après un long procès qui a été tenu à Toronto du 24 au 26 octobre 2005 et à Montréal du 17 au 25 novembre 2005, le juge du procès a rejeté l'action dans une décision de 45 pages, examinant d'une manière très détaillée les questions juridiques qui avaient été soulevées.

 

[5]               Au cours de l'audition du présent appel, M. Pearson, qui agissait pour son propre compte, et l'avocat du ministère public ont examiné en profondeur les questions de procédure concernant la prescription et une attaque indirecte et que le juge du procès a réglées. Toutefois, compte tenu de notre avis sur le bien-fondé de l'appel, il n'est pas nécessaire de nous pencher sur ces deux questions de procédure ici.

 

[6]               Bien qu'il soit clair qu'une violation de la Charte puisse parfois constituer le fondement d'une adjudication de dommages-intérêts dans une action civile en vertu de l'article 24, cela n'est pas automatique. La jurisprudence indique clairement que, pour recouvrer des dommages-intérêts, il faut plus qu'une violation technique de la Charte. Il est nécessaire de prouver l'existence d'un comportement clairement fautif, de mauvaise foi ou d'abus de pouvoir. Simplement agir de manière inconstitutionnelle, si les gestes sont posés de bonne foi et sans abus de pouvoir, n'entraîne pas la responsabilité civile (voir Mackin c. Nouveau-Brunswick; Rice c. Nouveau-Brunswick, [2002] 1 R.C.S. 405, le juge Gonthier, aux paragraphes 78 et 79), même s'il peut y avoir d'autres répercussions juridiques (R. c. Carosella, [1997] 1 R.C.S. 44).

 

[7]               D'après les faits de l'espèce, tels que constatés par le juge du procès et dont les conclusions peuvent uniquement faire l'objet d'un contrôle en cas d'erreur manifeste et dominante, le bien-fondé de l’octroi de dommages-intérêts au civil n'a pas été établi. Aux paragraphes 70 à 88, le juge du procès a expliqué que, après avoir examiné avec soin la « preuve documentaire et les dépositions des différents témoins appelés par le demandeur,  […] ce dernier n’a pas établi le bien‑fondé de sa demande de dommages‑intérêts » (paragraphe 70). Bien que la preuve du ministère public contenait des éléments qui faisaient ressortir des « divergences sans importance », le juge du procès a conclu que l’appelant n’avait pas réussi à démontrer que la conduite des représentants de l’État (poursuivants et agents de la GRC) justifiait l’octroi de dommages‑intérêts (paragraphe 76). Il a de plus expliqué que « aucune atteinte à ses droits fondamentaux, ni aucune mauvaise conduite justifiant la réparation qu’il demande ne ressortent de la preuve (testimoniale et documentaire) qui m’a été présentée » (paragraphe 76). Nous avons été informés qu'il existait huit gros cartables de documents que le juge du procès a consultés, selon ses indications, et qui contenaient la plus grande partie des documents contestés et dont l'appelant avait demandé la communication sans succès plus tôt. Lorsque, à l'audition du présent appel, la Cour lui a demandé de répondre aux conclusions de fait du juge du procès, l'appelant n'a pas été en mesure d'obtempérer. En conséquence, nous ne pouvons voir aucune raison de nous immiscer dans ces conclusions de fait.

 

[8]               Pour arriver à cette conclusion, le juge du procès a correctement décrit le droit dans ce domaine en s'appuyant principalement sur les arrêts Mackin, précité, et Béliveau St-Jacques c. Fédération des employées et employés de services publics inc., [1996] 2 R.C.S. 345. Compte tenu de la jurisprudence, il a conclu que « on ne peut pas reprocher aux procureurs de la poursuite de ne pas avoir communiqué tous les documents demandés par M. Pearson ». En conséquence, il a statué que « des dommages‑intérêts ne seraient pas convenables et justes dans les circonstances » (paragraphe 86). Je ne vois aucune raison de modifier les conclusions de droit du juge du procès.

 

[9]               Le juge du procès a également conclu que, en ce qui concernait les « allégations de faux témoignages et de documents frauduleux qui auraient été fournis par différents témoins, elles ne sont tout simplement pas fondées ». Après avoir examiné tous les témoignages, y compris les transcriptions de ces témoignages, le juge du procès a conclu que, même s'ils contenaient « des divergences sans importance qui ont été commises de bonne foi », il n'avait « rien entendu qui me permettrait de conclure que le ministère public a délibérément, sciemment et de façon malveillante produit de faux témoignages ou fermé les yeux sur la production de documents frauduleux » (paragraphe 87). Je ne vois aucune raison de modifier cette conclusion.

 

[10]           Le juge du procès a également décidé à bon droit que, même en présence de violations de la Charte, il fallait des éléments de preuve montrant que ces violations avaient « entraîné » la condamnation et l'emprisonnement de M. Pearson (paragraphe 60). En d'autres mots, il fallait démontrer qu'il y avait « une possibilité raisonnable que la non‑communication ait eu une incidence sur l’issue […] du procès ». S'appuyant en partie sur les décisions des cours du Québec, le juge du procès a conclu qu'il n'avait pas été démontré que la non-communication et les prétendus parjures « ont pu avoir une incidence sur le verdict » (paragraphes 62 à 69). Cette conclusion était également une conclusion de fait à propos du lien de causalité requis, qui ne contient aucune erreur manifeste et dominante. Je ne vois aucune raison de modifier ces conclusions de fait.

 

[11]           Le juge du procès a terminé son analyse en déclarant qu'il était d'avis que les droits constitutionnels de l'appelant n'avaient pas été violés ni qu'il n'y avait eu de conduite « répréhensible, […] suffisamment pour justifier des dommages-intérêts » (paragraphe 88). Si l’appelant n'avait pas pu présenter son moyen de défense de provocation policière sans que la faute revienne au ministère public, la Cour d'appel du Québec lui avait « accordé une réparation convenable et juste lorsqu’elle a ordonné un nouveau procès limité à la question de la provocation policière ». Le fait qu'il a choisi de ne pas consulter les documents qui lui avaient été communiqués à ce moment-là parce qu'ils avaient été « expurgés » était la décision de l'appelant et il doit accepter les conséquences qui découlent de ce choix, aussi tristes qu'elles puissent être pour sa famille et lui.


 

[12]           Par conséquent, le présent appel sera rejeté, mais compte tenu de toutes les circonstances en l'espèce, sans dépens.

 

« Allen M. Linden »

Juge

 

« Je souscris aux présents motifs

 

Karen Sharlow, juge »

 

« Je souscris aux présents motifs

 

C. Michael Ryer, juge »

 

 

 

Traduction certifiée conforme

 

David Aubry, LL.B.

 


 

 

 

Cour fédérale d'appel

 

Avocats inscrits au dossier

 

 

Dossier :                                                    A-376-06

 

(appel dE LA DÉCISION du juge de MONTIGNY, datée du 28 juillet 2006, dans le dossier de la cour fédérale numéro T-290-99)

 

Intitulé :                                                   EDWIN PEARSON

c.

Sa Majesté la reine

 

Lieu de l'audience :                             TORONTO (ONTARIO)

 

DATE de l'audience :                           le 28 novembre 2007

 

Motifs du jugement :                        le juge LINDEN

 

Y ont souscrit :                                     la juge SHARLOW

                                                                        le juge RYER

 

Date des motifs :                                  le 29 novembre 2007

 

Comparutions :

 

Edwin Pearson

appelant (agissant pour son propre compte)

 

Jacques Savary

 

Pour l'intimée

 

Avocats inscrits au dossier :

 

Edwin Pearson

Burlington (Ontario)

 

 

John H. Sims, c.r.

Sous-procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

 

appelant (agissant pour son propre compte)

 

 

 

Pour l'intimée

 

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.