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Dossier : 2003‑2133(GST)I

ENTRE :

DON MORIN s/n MORIN AND SONS LOGBUILDING,

appelant,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

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Appel entendu le 16 janvier 2004 à Edmonton (Alberta)

 

Devant : L’honorable juge B. Paris

 

Comparutions :

 

Avocat de l’appelant :

Me Roderick C. Payne

 

Avocate de l’intimée :

Me Karen Wood

____________________________________________________________________

 

JUGEMENT

 

          L’appel interjeté à l’encontre de la nouvelle cotisation établie en vertu de la Loi sur la taxe d'accise, dont l’avis est daté du 22 février 2002 et porte le numéro 10122366, est accueilli selon les motifs du jugement ci‑joints.

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 2e jour d’avril 2004.

 

 

 

« B. Paris »

Juge Paris

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 24e jour d’août 2004.

 

 

 

 

Daniel E. Renaud, traducteur


 

 

 

 

 

Référence : 2004CCI271

Date : 20040402

Dossier : 2003‑2133(GST)I

ENTRE :

 

DON MORIN s/n MORIN AND SONS LOGBUILDING,

appelant,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT

 

Le juge Paris

 

[1]     L’appelant, M. Morin, est un homme d’affaires de Yellowknife. En 1999, il a acheté cinq kits de maisons en bois rond destinés au Japon. Les kits devaient être construits au Canada par Digha Log Homes pour être ensuite désassemblés, expédiés au Japon et réassemblés dans le cadre d’un centre de villégiature à proximité d’Osaka.

 

[2]     M. Morin a demandé un crédit de taxe sur les intrants (CTI) de 9 394,43 $, soit le montant de la TPS qui aurait été versé à l’achat des kits de maisons, mais le ministre du Revenu national a refusé la demande. Selon le ministre, les kits ont été achetés dans le but d’en faire l’exportation immédiate et constituaient des fournitures détaxées en vertu de l’annexe VI de la Loi sur la taxe d'accise. Comme l’appelant n’était pas tenu de payer la TPS sur les kits, le ministre a considéré que celle‑ci n’avait pas été versée, et par conséquent, que l’appelant n’avait pas droit de demander un CTI.

 

[3]     En l’espèce, il s’agit de décider si le ministre avait raison de conclure que les kits de maisons en bois rond qui avaient été vendus à l’appelant constituaient des fournitures détaxées.

 

 

Faits :

 

[4]     En juillet 1999, l’appelant a conclu avec Digha un contrat d’achat pour les kits de maisons en bois rond. Digha a accepté de livrer les kits pour la fin de septembre 1999, en contrepartie de la somme de 140 000 $, toutes taxes comprises [1].

 

[5]     Comme Digha avait pris du retard dans la construction des maisons, celles‑ci ont seulement été achevées vers le 1er novembre 1999. C’est à ce moment que l’appelant et certains de ses employés se sont rendus au chantier de Digha, à Fort Smith, pour prendre livraison des maisons en bois rond, lesquelles étaient complètement assemblées. L’équipe de l’appelant a entrepris le désassemblage des structures et, afin d’en faciliter le réassemblage, s’est livrée au numérotage et au marquage des pièces au moyen d’un code de couleurs. De plus, ils ont intégré aux kits certains matériaux (des tiges d’acier, des écrous, des boulons, du bois d’œuvre et des feuilles de contreplaqué) nécessaires à l’assemblage final des maisons. Comme l’emballage et la présentation constituent des éléments importants pour les clients japonais, l’équipe a soigneusement emballé chacun des kits. Enfin, l’appelant a joint aux kits un manuel d’assemblage en japonais. Les kits ont par la suite été expédiés à Vancouver par camion et exportés au Japon.

 

Dispositions législatives pertinentes

 

[6]     En vertu du paragraphe 169(1) de la Loi, une personne n’a droit à un crédit de taxe sur les intrants qu’à l’égard d’une fourniture sur laquelle la TPS était payable ou à l’égard de laquelle elle a payé la TPS. Aucun crédit de taxe sur les intrants n'est offert sur une fourniture détaxée, étant donné que celle‑ci n’est pas assujettie à la TPS.

 

[7]     L’annexe VI de la Loi énumère les fournitures détaxées. Un bien acheté dans le but d’en faire l’exportation immédiate sera détaxé s’il répond à certaines conditions; il doit notamment constituer un bien meuble corporel et ne doit pas être, entre le moment de la fourniture et celui de l’exportation, davantage traité, transformé ou modifié au Canada, sauf dans la mesure raisonnablement nécessaire ou accessoire à son transport[2].

 

[8]     En l’espèce, le ministre a tenu pour acquis que les kits de maisons en bois rond constituaient des biens meubles corporels et n’avaient pas été davantage traités, transformés ou modifiés après leur fourniture par Digha, au‑delà de ce qui était raisonnablement nécessaire ou accessoire à leur transport.

 

Le contrat conclu entre l’appelant et Digha était‑il pour des travaux et des matériaux, ou bien pour des biens meubles corporels?

 

[9]     L’appelant a soutenu que le contrat qu’il avait conclu avec Digha était pour la fourniture de travaux et de matériaux et non pour la fourniture de biens meubles corporels, car la valeur des matériaux utilisés par Digha pour construire les kits de maisons en bois rond était de loin inférieure à celle de la main d’œuvre nécessaire à la réalisation des travaux. Par conséquent, il a soutenu que le contrat qu’il a conclu avec Digha devait être traité comme une fourniture de services et non comme une fourniture de biens.

 

[10]    Cet argument est sans fondement. En l’espèce, le contrat entre l’appelant et Digha précise avoir été conclu pour [traduction] « la fourniture et l’achat de kits de structures en bois rond », que « Morin and Sons Log Buildings achètera cinq kits » et que « la présente entente vise l’achat de produits conformément aux modalités indiquées dans les présentes ». Digha n’a, ni exécuté des travaux sur des biens de l’appelant, ni utilisé des matériaux fournis par celui‑ci dans la construction des kits de maisons en bois rond. La propriété des kits a été transférée à l’appelant non pas en vertu d’un contrat pour de fourniture de travaux et de matériaux, mais d’un contrat de vente.

 

[11]    De plus, les kits constituaient de toute évidence des « biens meubles corporels ». Bien que ce syntagme ne soit toutefois pas défini par la Loi, « bien » et « bien meuble », quant à eux, le sont. Le paragraphe 123(1) de la Loi définit un bien comme suit :

 

 

« [...] À l'exclusion d'argent, tous biens – meubles et immeubles – tant corporels qu'incorporels, y compris un droit quelconque, une action ou une part. »

 

La loi définit un bien meuble comme suit :

 

« [...] Tout bien qui n'est pas immeuble; »

 

[12]    La preuve étaye que les kits de maisons en bois rond étaient des biens qui n’étaient pas des immeubles mais constituaient des biens corporels. Je n’ai aucune difficulté à conclure que l’appelant avait conclu un contrat pour la fourniture de biens meubles corporels qu’il a reçus de Digha, et que le contrat n’en était pas un pour la fourniture de travaux et de matériaux, ou pour de services.

 

L’appelant a‑t‑il davantage traité, transformé ou modifié les kits au‑delà de ce qui était raisonnablement nécessaire ou accessoire à leur transport?

 

[13]    L’appelant a également fait valoir qu’il avait, en numérotant et en marquant chacune des pièces au moyen d’un code de couleurs, et en intégrant certains matériaux aux kits après leur fourniture par Digha, davantage traité, transformé ou modifié les kits de maisons en bois rond au‑delà de ce qui était raisonnablement nécessaire ou accessoire à leur transport. Ainsi, la fourniture effectuée par Digha pour le compte de l’appelant ne pouvait pas être considérée comme étant détaxée en vertu de l’alinéa 1d) de la partie V de l’annexe VI.

 

[14]    L’intimée a, pour sa part, fait valoir que le marquage des pièces au moyen d’un code de couleurs et l’ajout de matériaux aux kits ne constituaient pas des transformations importantes et que ces deux activités étaient plutôt liées au processus d’expédition. L’intimée a dressé un parallèle entre le présent appel et l’affaire Bam Packaging c. Canada [2001] A.C.I. no 370 ([2001] G.S.T.C. 76), dans laquelle les services de manutention de marchandises fournis par le contribuable avaient été jugés comme accessoires au transport des marchandises et ne constituant pas un traitement, une transformation ou une modification des marchandises au‑delà de ce qui était raisonnablement nécessaire à leur transport. Dans l’affaire Bam, les services fournis par le contribuable comprenaient, en ce qui a trait aux marchandises des clients, la réception, le déchargement et la vérification, le désassemblage (si nécessaire), l’emballage, la consignation au dossier de la description et du poids, l’étiquetage aux fins d’approbation par les agents des douanes étrangères, le chargement dans les conteneurs d’expédition et enfin, le scellement des conteneurs.

 

[15]    La question de savoir si un bien meuble corporel a été davantage traité, transformé ou modifié au‑delà de ce qui est raisonnablement nécessaire ou accessoire à son transport en est une de fait.

 

[16]    À mon avis, l’appelant, en numérotant et en marquant les pièces au moyen d’un code de couleurs et en ajoutant des matériaux aux kits, a modifié ceux‑ci au‑delà de ce qui était nécessaire à leur transport. Les modifications apportées aux kits par l’appelant n’étaient pas liées à leur transport et peuvent aisément être distinguées des activités entreprises par le contribuable dans l’affaire Bam. Le marquage au moyen d’un code de couleurs et l’ajout de matériaux étaient nécessaires afin de permettre le réassemblage des maisons en bois rond. Sans ces éléments, les kits étaient incomplets. Les structures assemblées que l’appelant a reçues de Digha nécessitaient des travaux supplémentaires et des matériaux complémentaires afin de constituer des kits de maisons en bois rond avant d’être emballées et expédiées au Japon. La conjugaison des modifications apportées par l’appelant était suffisante pour soustraire la fourniture à l’application de l’alinéa 1d) de la partie V de l’annexe VI de la Loi.

 

[17]    Pour ces motifs, je conclus que la fourniture par Digha des kits de maisons en bois rond à l’appelant n’était pas une fourniture détaxée, qu’elle était assujettie à la TPS et que l’appelant a droit au CTI demandé. L’appel est accueilli.

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 2e jour d’avril 2004.

 

 

 

« B. Paris »

Juge Paris

 

Traduction certifiée conforme

ce 24e jour d’août 2004.

 

 

 

 

Daniel E. Renaud, traducteur



[1] L’appelant et l’intimée divergent d’opinions quant à savoir si le prix payé par l’appelant pour les kits comprenait la TPS, en dépit du libellé du contrat. En l’espèce cependant, il importe peu de savoir si l’appelant a effectivement versé la TPS à Digha car le droit à un CTI naît si la taxe était payable ou a été payée sur la fourniture. L’intimée ne conteste pas que si la fourniture des kits n’était pas détaxée, la TPS aurait été payable sur la fourniture, et que l’appelant aurait alors droit à un CTI.

 

[2] L’article 1 de la partie V de l’annexe VI.

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