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Dossier : 2001‑3264(IT)I

ENTRE :

CORNELIUS PIEPER,

appelant,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

 

intimée.

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

 

Appel entendu le 23 avril 2004 à Windsor (Ontario).

 

Devant : L'honorable juge T. O'Connor

 

Comparutions :

 

Avocat de l'appelant :

Me Gary McLister

 

Avocat de l'intimée :

Me Ifeanyi Nwachukwu

____________________________________________________________________

 

JUGEMENT

 

          L’appel interjeté l’encontre de la cotisation établie en vertu de la Loi de l’impôt sur le revenu pour l’année d’imposition 1998 est accueilli avec dépens, et la question est déférée au ministre du Revenu national pour nouvel examen et nouvelle cotisation en tenant compte des motifs de jugement ci‑joints.

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 14e jour de mai 2004.

 

 

 

« T. O'Connor »

Juge O'Connor

 

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 3e jour de septembre 2004.

 

 

 

Nancy Bouchard, traductrice


 

 

 

Référence : 2004CCI335

Date : 20040514

Dossier : 2001‑3264(IT)I

ENTRE :

CORNELIUS PIEPER,

appelant,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

 

intimée.

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

MOTIFS DU JUGEMENT

 

Le juge  O'Connor

 

[1]     Le point en litige dans le présent appel consiste à décider si, au cours de l’année d’imposition 1998, l’appelant était autorisé à déduire certains paiements de pension alimentaire à sa femme pour subvenir aux besoins de leurs trois enfants. L’avis d’appel faisait aussi référence à l’année d’imposition 1997, mais il a été convenu lors de l’audience que l’année 1997 n’était plus en litige, étant donné que le Ministre avait accordé la déduction telle que l’appelant l’avait déclarée. L’appel faisait également référence à l’année d’imposition 1999, mais la Cour ne pouvait valablement être saisie de l’appel interjeté pour cette année‑là parce que l’avis d’opposition pertinent n’avait pas été déposé à temps.

 

[2]     L’appel a été entendu en fonction d’un exposé conjoint partiel des faits et d’un recueil conjoint de documents. L’exposé conjoint partiel des faits se lit comme suit :

 

[TRADUCTION]

 

EXPOSÉ CONJOINT PARTIEL DES FAITS

 

Par l’intermédiaire de leurs avocats, l’appelant et l’intimée conviennent de présenter les faits suivants :

 

a)         Ces aveux sont faits aux fins de la présente instance.

 

b)         Les parties sont autorisées à ajouter des éléments de preuve additionnels pour compléter, mais pas pour contredire les faits énoncés dans les présentes.

 

1.         Le 3 avril 1995, l’ex-conjointe de l’appelant, Helen Catarina Pieper (« Helen ») a reçu la garde provisoire des trois enfants nés de son mariage avec l’appelant, en vertu d’une ordonnance de la Cour de l’Ontario (Division générale) (l'« ordonnance provisoire »)[1].

 

2.         Aux termes de l’ordonnance provisoire, l’appelant était tenu de verser à Helen une pension alimentaire provisoire pour enfants de 2 490 $ par mois pour la subsistance et l’entretien des enfants, pension qui prenait fin le 3 avril 1998[2].

 

3.         Le 28 avril 1997, Helen et l’appelant acceptaient un procès‑verbal de transaction (« procès-verbal ») afin de régler définitivement les points qui étaient encore en litige entre eux à la suite de la rupture de leur mariage. Le procès‑verbal prévoyait que l’appelant verserait chaque mois une pension alimentaire pour enfants de 535 $ pour chacun des trois enfants nés du mariage. Le procès‑verbal prévoyait aussi expressément que l’entente entre les parties était « ASSUJETTIE À L’APPROBATION DE [LA] COUR »[3].

 

4.         Le 17 octobre 1997, la Cour de l’Ontario (Division générale) a rendu une ordonnance concernant le différend matrimonial entre l’appelant et Helen (l'« ordonnance définitive »). L’ordonnance définitive exposait le fait qu'Helen et l’appelant avaient présenté une demande de jugement conformément aux termes du procès‑verbal[4].

 

5.         L’ordonnance définitive prévoyait des versements de pension alimentaire pour enfants de 535 $ par mois et par enfant, conformément aux termes du procès‑verbal accepté par l’appelant et Helen. Cependant, l’ordonnance définitive et le procès-verbal différaient l’un de l’autre sur les points suivants :

 

 

d

Le procès-verbal prévoit quittance totale et définitive pour toutes les créances, sans droit de modification.

4

Les parties se donnent quittance mutuellement, mais la référence à l’abandon du droit de modification est exclue.

k

 

 

 

P

Chacune des parties a droit aux biens personnels en sa possession à l’exception des articles qui se trouvent dans le garage, qui doivent être retirés.

14

Chacune des parties  est responsable de ses dettes et de son passif propres.

 

Absent du procès-verbal.

15

La bicyclette tout terrain doit être vendue et le produit de la vente payé à l’appelant.

 

Absent du procès-verbal.

16

Aucune péréquation ultérieure.

 

Absent du procès-verbal.

17-22

Dispositions traitant de la pension de l’appelant.

 

Absent du procès-verbal

23

Ordonnance rétroactive présumant que les versements effectués avant l’ordonnance provisoire, seront présumés par l’ordonnance définitive être susceptibles d’inclusion et de déduction selon la LIR.

 

L’année d’imposition 1997

 

6.         Lorsqu’il a calculé son revenu pour l’année d’imposition 1997, l’appelant a déduit un montant de 23 725,35 $ en paiements de pension alimentaire[5]. Lorsqu’il a établi la cotisation de l’appelant pour l’année d’imposition 1997, dans l’avis de cotisation daté du 8 juin 1998, le ministre du Revenu national (le « Ministre ») a accordé une déduction des paiements de pension alimentaire de 23 725,35 $, telle qu’elle avait été réclamée par l’appelant.

 

7.         Le Ministre n’a pas établi de nouvelle cotisation à l’égard de l’impôt sur le revenu de l’appelant pour l’année d’imposition 1997. L’appelant n’a pas déposé d’avis d’opposition le 8 septembre 1998[6] au plus tard.

 

8.         L’appelant a omis de demander au Ministre le 8 septembre 1999 au plus tard une prorogation du délai nécessaire pour déposer un avis d’opposition.

 

9.         Dans le calcul de son revenu pour l’année d’imposition 1997, Helen a ajouté le montant de 23 725,35 $ au titre des paiements de pension alimentaire qu’elle avait reçus.[7] Dans l’avis de cotisation daté du 8 juin 1998, le Ministre a établi la cotisation fiscale d’Helen telle qu’elle l’avait produite.[8] Le Ministre n’a pas établi de nouvelle cotisation à l’égard de l’impôt sur le revenu d’Helen pour l’année d’imposition 1997.

 

L’année d’imposition 1998

 

10.       Lorsqu’il a calculé son revenu pour l’année d’imposition 1998, l’appelant a déduit un montant de 26 520 $ en paiements de pension alimentaire[9]. Lorsqu’il a établi la cotisation de l’appelant pour l’année d’imposition 1998, dans l’avis de cotisation daté du 10 juin 1999, le Ministre a accordé une déduction de 26 520 $ pour les paiements de pension alimentaire, comme l’appelant l’avait demandée.

 

11.       Dans un avis de nouvelle cotisation en date du 22 novembre 1999, le Ministre a réduit de 26 520 $ à 6 600 $ la déduction de qui avait été accordée au départ pour les paiements de pension alimentaire, l’écart étant imputable aux pensions alimentaires pour enfants versées à Helen qui s’élevaient à 19 260 $, conformément au procès‑verbal et à l’ordonnance définitive. Le montant de 6 600 $ accordé par le Ministre concernait les paiements de pension alimentaire à Geeske Maan, l’ancienne conjointe de fait de l’appelant qui n’est pas en cause dans le présent appel.

 

12.       L’appelant a déposé un avis d’opposition en bonne et due forme pour l’année d’imposition 1998. Dans un avis de confirmation  daté du 8 décembre 2000, le Ministre a confirmé la nouvelle cotisation fiscale de l’appelant pour l’année d’imposition 1998.

 

13.       Dans le calcul de son revenu pour l’année d’imposition 1998, Helen a ajouté le montant de 20 160 $ au titre des paiements de pension alimentaire qu’elle avait reçus[10]. Dans un avis de cotisation daté du 3 juin 1999, le Ministre a établi la cotisation d’Helen à l’égard de l’impôt sur le revenu telle qu’elle l’avait produite[11]. Le Ministre n’a pas établi de nouvelle cotisation à l’égard de l’impôt sur le revenu d’Helen pour l’année d’imposition 1998.

 

L’année d’imposition 1999

 

14.       Lorsqu’il a calculé son revenu pour l’année d’imposition 1999, l’appelant a déduit un montant de 30 000 $ en paiements de pension alimentaire[12]. Lorsqu’il a établi la cotisation à l’égard de l’impôt sur le revenu de l’appelant pour l’année d’imposition 1999, dans un avis de cotisation daté du 8 juin 2000, le Ministre a réduit les montants déductibles au titre de paiements de pension alimentaire de 30 000 $ à 13 2000 $, l’écart étant imputable paiements de pension alimentaire pour enfants versés à Helen qui s’élevaient à 16 800 $, conformément au procès-verbal et à l’ordonnance définitive. Le montant de 13 200 $ accordé par le Ministre concernait les paiements de pension alimentaire à Geeske Maan, l’ancienne conjointe de fait de l’appelant qui n’est pas en cause dans le présent appel.

 

 

15.       Le Ministre n’a pas établi de nouvelle cotisation à l’égard de l’impôt sur le revenu de l’appelant pour l’année d’imposition 1999. L’appelant n’a pas déposé d’avis d’opposition le 8 septembre 2000 au plus tard[13]. L’appelant a omis de demander au Ministre le 8 septembre 2001 au plus tard une prorogation du délai nécessaire pour déposer un avis d’opposition.

 

16.       Dans le calcul de son revenu pour l’année d’imposition 1999, Helen a ajouté le montant de 16 800 $ au titre des paiements de pension alimentaire qu’elle avait reçus[14]. Dans l’avis de cotisation daté du 3 juin 1999, le Ministre a établi la cotisation d’Helen à l’égard de l’impôt sur le revenu telle qu’elle avait été produite[15]. Le Ministre n’a pas établi de nouvelle cotisation à l’égard de l’impôt sur le revenu d’Helen pour l’année d’imposition 1999.

 

CONVENU par les parties, représentées par leur avocat respectif, comme étant les faits liés à leur différend.

 

Date : Le 23 avril 2004

 

 

Me R. Gary McLister

 

Avocat de l’appelant

 

251, rue Goyeau, bureau 309

 

Place Westcourt

 

Windsor (Ontario) N9A 6V2

 

Tél. : (519) 258‑6545

 

Télécopieur : (519) 258‑9133

 

 

Date : Le 23 avril 2004

 

 

Me Ifeanyichukwu Nwachukwu

 

Avocat de l’intimée

 

Ministère de la Justice

 

Section du service de droit fiscal

 

Banque du Canada, tour Est

 

234, rue Wellington, bureau 946

 

Ottawa (ON) K1A 0H8

 

Tél. : (613) 946‑9991

Télécopieur : (613) 941‑2293

 

[3]     Les observations écrites de l’intimée se lisent comme suit :

 

[TRADUCTION]

 

PARTIE I – EXPOSÉ DES FAITS

 

1.         L’exposé des faits est énoncé dans l’exposé conjoint partiel des faits qui a été déposé conjointement par les parties devant la Cour le 23 avril 2004.

 

PARTIE II – POINTS EN LITIGE

 

2.         Les paiements de pension alimentaire pour enfants au cours de l’année d’imposition 1998 ont-ils été effectués en application de l’ordonnance définitive ou du procès‑verbal?

 

3.         Si les paiements ont été effectués en application de l’ordonnance définitive, quelle est, si tant est qu’il y en ait une, la date d’exécution de l’ordonnance définitive?

 

4.         Si les paiements ont été effectués en application du procès‑verbal, quelle est, si tant est qu’il y en ait une, la date d’exécution du procès‑verbal?

 

PARTIE III – OBSERVATIONS

 

5.         Les observations de l’intimée sont les suivantes :

 

(a)        Les paiements en question ont été effectués en application de l’ordonnance définitive et non pas du procès‑verbal.

 

(b)        L’ordonnance définitive était une ordonnance indépendante, qui ne modifiait, ni l’ordonnance provisoire antérieure, ni le procès‑verbal.

 

(c)        La date d’exécution de l’ordonnance définitive était le 17 octobre 1997.

 

(d)        Même si les paiements avaient été faits effectués en application du procès-verbal, ce procès-verbal avait lui-même une date d’exécution fixée au 31 mai 1997.

 

Cadre législatif

 

6.         Avant le 1er mai 1997, les pensions alimentaires pour enfants étaient déductibles du revenu du payeur et imposables entre les mains du bénéficiaire. Cependant, en 1997, le législateur a adopté de nouvelles lignes directrices concernant les pensions alimentaires pour enfants ainsi qu’une nouvelle législation fiscale qui avait pour but de mettre un terme au système inclusion‑déduction. Cette législation comprenait un ensemble de dispositions transitoires qui visaient à exonérer les arrangements préexistants concernant les pensions alimentaires pour enfants, mais à régir tous les nouveaux arrangements et toutes les modifications des arrangements existants. Les dispositions pertinentes de la Loi de l’impôt sur le revenu qui s’appliquent à l’appelant sont les suivantes :

 

56.1(4) Définitions – Les définitions qui suivent s’appliquent au présent article et à l’article 56.

 

« date d’exécution » Quant à un accord ou une ordonnance :

 

a)         si l'accord ou l'ordonnance est établi après avril 1997, la date de son établissement;

 

b)         si l'accord ou l'ordonnance est établi avant mai 1997, le premier en date des jours suivants, postérieur à avril 1997 :

 

(i)         le jour précisé par le payeur et le bénéficiaire aux termes de l'accord ou de l'ordonnance dans un choix conjoint présenté au ministre sur le formulaire et selon les modalités prescrits,

 

(ii)        si l'accord ou l'ordonnance fait l'objet d'une modification après avril 1997 touchant le montant de la pension alimentaire pour enfants qui est payable au bénéficiaire, le jour où le montant modifié est à verser pour la première fois,

 

(iii)       si un accord ou une ordonnance subséquent est établi après avril 1997 et a pour effet de changer le total des montants de pension alimentaire pour enfants qui sont payables au bénéficiaire par le payeur, la date d'exécution du premier semblable accord ou de la première semblable ordonnance,

 

(iv)       le jour précisé dans l'accord ou l'ordonnance, ou dans toute modification s'y rapportant, pour l'application de la présente loi.

 

[…]

 

« pension alimentaire » Montant payable ou à recevoir à titre d'allocation périodique pour subvenir aux besoins du bénéficiaire, d'enfants de celui-ci ou à la fois du bénéficiaire et de ces enfants, si le bénéficiaire peut utiliser le montant à sa discrétion et, selon le cas :

 

a) le bénéficiaire est l'époux ou le conjoint de fait ou l'ex-époux ou l'ancien conjoint de fait du payeur et vit séparé de celui-ci pour cause d'échec de leur mariage ou union de fait et le montant est à recevoir aux termes de l'ordonnance d'un tribunal compétent ou d'un accord écrit;

 

b) le payeur est le père naturel ou la mère naturelle d'un enfant du bénéficiaire et le montant est à recevoir aux termes de l'ordonnance d'un tribunal compétent rendue en conformité avec les lois d'une province.

 

« pension alimentaire pour enfants » Pension alimentaire qui, d'après l'accord ou l'ordonnance aux termes duquel elle est à recevoir, n'est pas destinée uniquement à subvenir aux besoins d'un bénéficiaire qui est soit l'époux ou le conjoint de fait ou l'ex-époux ou l'ancien conjoint de fait du payeur, soit le père ou la mère d'un enfant dont le payeur est le père naturel ou la mère naturelle.

 

[…]

 

 

60. Autres déductions Peuvent être déduites dans le calcul du revenu d'un contribuable pour une année d'imposition les sommes suivantes qui sont appropriées :

 

[…]

 

            (b) Pension alimentaire [pour conjoint ou enfant] le total des montants représentant chacun le résultat du calcul suivant :

 

A – (B + C)

 

où :

 

            A représente le total des montants représentant chacun une pension alimentaire que le contribuable a payée après 1996 et avant la fin de l'année à une personne donnée dont il vivait séparé au moment du paiement,

 

B le total des montants représentant chacun une pension alimentaire pour enfants qui est devenue payable par le contribuable à la personne donnée aux termes d'un accord ou d'une ordonnance à la date d'exécution ou postérieurement et avant la fin de l'année relativement à une période ayant commencé à cette date ou postérieurement,

 

C le total des montants représentant chacun une pension alimentaire que le contribuable a payée à la personne donnée après 1996 et qui est déductible dans le calcul de son revenu pour une année d'imposition antérieure;

 

Loi de l’impôt sur le revenu, L.R.C. (1985) (5e suppl.), telle que modifiée, paragraphe 56.1(4) et alinéa 60b), Recueil des textes de loi et de la jurisprudence de l'intimée, onglet 1

 

7.         Les conditions relatives à la déductibilité qui s’appliquent en l’espèce peuvent être résumées comme suit :

 

(a)        Pour qu'existe une pension alimentaire, il faut qu’un montant soit payable en vertu d’un accord ou d’une ordonnance de la cour.

 

(b)        Ce montant ne peut devenir payable en vertu de l’accord ou de l’ordonnance de la cour à compter de la date d’exécution de l’entente ou de l’ordonnance.

 

(c)        La date d’exécution d’un accord passé ou d’une ordonnance rendue, après avril 1997 est celle du jour où il est passé ou du jour où elle est rendue.

 

(d)        Un accord passé ou une ordonnance rendue avant la fin d’avril 1997 peut avoir une date d’exécution si la pension alimentaire pour enfants est modifiée, ou bien si l’accord ou l’ordonnance fait l’objet d’un accord ou d’une ordonnance ultérieure, ou bien encore si l’accord ou l’ordonnance précise une date d’exécution.

 

Loi de l’impôt sur le revenu, art. 56.1(4), alinéa 60b), Recueil des textes de loi et de la jurisprudence de l'intimée, onglet 1

 

8.         Dans la présente affaire, l’appelant allègue qu’il était tenu de faire des paiements en application du procès-verbal; le procès-verbal a été agréé avant la fin d’avril 1997 et il ne précise aucune date d’exécution; le montant qui figure à l’élément « B » de l’alinéa 60b) est donc égal à zéro et le montant de l’élément « A » est intégralement déductible.

 

En 1998 les versements ont été faits aux termes de l’ordonnance définitive

 

9.         Les paiements en question ont été effectués en application de l’ordonnance définitive et non du procès-verbal. L’appelant était tenu par l’ordonnance provisoire de payer une pension alimentaire pour enfants de  2 490 $ par mois pour les trois enfants du mariage jusqu’au 3 avril 1998. L’ordonnance provisoire demeurait en vigueur jusqu’au 17 octobre 1997 et toute réduction des paiements de pension alimentaire pour enfants effectuée sans sanction judiciaire aurait constitué une violation de l’ordonnance provisoire. Par conséquent, l’approbation de la Cour de l’Ontario était la condition suspensive de l’entrée en vigueur d’une obligation exécutoire de payer la pension alimentaire pour enfants en litige.

 

Loi sur le droit de la famille, L.R.O. 1990, ch. F. 3, telle que modifiée, art. 33, 34, 37, Recueil des textes de loi et de la jurisprudence de l'intimée, onglet 2.

 

Nature et effet d’une condition suspensive

 

10.       Les caractéristiques essentielles d’une condition suspensive sont les suivantes :

 

          (a)          La condition est essentielle à l’existence de l’accord entre les parties; il n’y a aucun accord exécutoire tant que la condition n’a pas été remplie.

 

            (b)        L’exercice de condition est subordonné à la volonté d’un tiers qui n’est pas l’une des parties au contrat.

 

            (c)        Aucune des parties ne peut renoncer à une condition suspensive, même si celle‑ci existe dans le seul intérêt de l’une des parties, parce qu'en l’absence d’exécution de cette condition, il n’y a pas d’accord exécutoire entre les parties.

 

Turney v. Zilka, [1959] S.C.R. 578, Recueil des textes de loi et de la jurisprudence de l'intimée, onglet 13

 

Barnett c. Harrison, [1976] 2 R.C.S. 531, (à la page 230 de (1975) 57 D.L.R. 3(d) 225), Recueil des textes de loi et de la jurisprudence de l'intimée, onglet 9.

 

Voir aussi G.H.L. Friedman, The Law of Contract in Canada, 4th ed. (Scarborough, 1999, Carswell), pages 457-471, Recueil des textes de loi et de la jurisprudence de l'intimée, onglet 3.

 

11.       Dans l’affaire Imperial General Properties Ltd. c. La Reine, le contribuable alléguait qu’une vente de terrain avait eu lieu en 1968, au moment de la clôture des comptes. Cependant, le contribuable avait été cotisé en fonction du fait qu’aucune vente n’était intervenue avant 1970, lorsque la dernière condition suspensive avait été satisfaite. La Cour d’appel fédérale a statué en faveur de la Couronne en se fondant sur le fait qu’au moins l’une des conditions – obtenir l’autorisation en vertu de la Loi sur l’aménagement du territoire –  de la vente des biens‑fonds concernés constituait une véritable condition suspensive qui n’avait pas été satisfaite avant 1970. Avant que cette condition n’ait été satisfaite, il était légalement impossible de céder le bien concerné.

 

Imperial General Properties Ltd. c. La Reine, [1985] 1 C.F. 344; infirmant [1984] 1 C.F. 146; Recueil des textes de loi et de la jurisprudence de l'intimée, onglets 10 et 11.

 

12.       Dans la présente affaire, les faits sont encore plus convaincants que dans l’affaire Imperial. Dans l’affaire Imperial, l’approbation d’un tiers était nécessaire mais insuffisante pour créer l’obligation exécutoire de vendre le bien concerné, c.-à-d. que les parties devaient encore examiner leur entente pour définir et appliquer les obligations. Dans la présente affaire, non seulement l’accord entre les parties est approuvé dans l’ordonnance définitive, mais il devient l’instrument exécutoire qui définit les obligations des parties. Par conséquent, le procès-verbal n’est pas le fondement juridique de l’obligation de l’appelant de payer une pension alimentaire pour enfants, et encore moins le fondement de la réduction du montant de ces paiements.

 

13.       Alternativement, même si l’on peut interpréter le procès‑verbal plutôt que l’ordonnance définitive, comme fondement de l’obligation de payer la pension alimentaire pour enfants, il est allégué que l’ordonnance définitive différait suffisamment du procès-verbal pour annuler celui‑ci. En conséquence, l’ordonnance définitive est devenue le fondement de l’obligation de payer la pension alimentaire pour enfants.

 

Mossman c. R., C.C.I., no 2001-2445(IT)I, 18 juillet 2002 ([2002] 4 C.T.C. 2101), au paragraphes 19 et 21, Recueil des textes de loi et de la jurisprudence de l'intimée, onglet 7

Katsoras v. R., [2002] CarswellNat 1091 (CCI) au paragraphe 9, Recueil des textes de loi et de la jurisprudence de l'intimée, onglet 4

 

14.       Étant donné que les  paiements ont été effectués sur le fondement de l’ordonnance définitive, et non du procès‑verbal, c’est la date d’exécution de l’ordonnance définitive, si tant est qu’il y en ait une, qui régit le droit de l’appelant à déduire le paiement en litige. Cela procède de l’élément « B » de l’alinéa 60b) qui exclut la déduction de tous les montants de pension alimentaire pour enfants qui sont devenus payables en vertu d’un accord ou d’une ordonnance, après sa date d’exécution.

 

Établir la date d’exécution de l’ordonnance

 

15.       L’ordonnance définitive a été rendue le 17 octobre 1997 et l’alinéa a) de la définition de la « date d’exécution » définit cette date comme le jour où une ordonnance  est rendue, si elle a été rendue après avril 1997. L’ordonnance définitive était une ordonnance indépendante rendue le 17 octobre 1997. Par conséquent, la date d’exécution de l’ordonnance définitive est le 17 octobre 1997.

 

16.       Le sous-alinéa b)(ii) de la définition de la date d’exécution ne s’applique pas à l’ordonnance définitive. Celle-ci ne modifie pas l’ordonnance provisoire, il s’agit d’une ordonnance indépendante qui annule l’ordonnance provisoire (et le procès-verbal). Quoi qu’il en soit, la date d’exécution de l’ordonnance définitive aux termes de l’alinéa b)(ii) serait la date à laquelle est versé le premier montant modifié, ou le 31 mai 1997. Une date d’exécution fixée au 31 mai 1997 n’est d’aucun secours à l’appelant.

 

Loi de l’impôt sur le revenu, Recueil des textes de loi et de la jurisprudence de l'intimée, onglet 1

 

Mossman, supra.

 

17.       Le sous-alinéa b)(iii) de la définition  de la date d’exécution s’applique lorsqu’une ordonnance ultérieure telle que l’ordonnance définitive a pour effet de modifier le montant total de la pension alimentaire pour enfants qui est payée en application de l’ordonnance provisoire. Cette disposition s’applique en l’espèce, mais n’est d’aucun secours à l’appelant parce que l’alinéa b)(iii) définit la date d’exécution dans de telles circonstances comme étant la date d’exécution dudit premier accord ou de ladite première ordonnance ultérieure. Ce libellé renvoit effectivement à l’alinéa a) de la définition de la date d’exécution, qui est celle du jour où un accord a été conclu ou une ordonnance ultérieure a été rendue, c.‑à‑d. la date de l’ordonnance définitive, soit le 17 octobre 1997.

 

Établir la date d’exécution du procès-verbal

 

18.       Alternativement, si le procès-verbal est le fondement de l’obligation de payer la pension alimentaire pour enfants dans l’espèce, il est allégué que la date d’exécution du procès-verbal est postérieure au 30 avril 1997.

 

19.       Compte tenu du sous-alinéa b)(iv) de la définition de la date d’exécution, la date d’exécution établie dans l’accord ou dans l’ordonnance aux fins de la Loi de l’impôt sur le revenu est la date d’exécution. Une certaine jurisprudence laisse à penser que l’accord ou l’ordonnance dans lequel on emploie le terme « date d’exécution » plutôt que le terme « date de maintien en vigueur » établit une date de mise en vigueur. Toutefois, certains arrêts tiennent différemment et exigent une référence expresse à la Loi de l’impôt sur le revenu pour établir une date d’exécution.

 

20.       Dans l’espèce, le procès-verbal ne fait pas expressément référence à une date d’exécution aux fins de la Loi de l’impôt sur le revenu. Cependant, ce procès-verbal prévoit que la pension alimentaire pour enfants doit être payée « à partir » du 31 mai 1997. Dans le règlement, le terme « maintien en vigueur » n’est pas employé. À ce titre, il est allégué que l’emploi du terme « date d’exécution » dans le procès‑verbal suffit pour établir une date d’exécution aux termes de la définition de la date d’exécution qui est énoncée au sous-alinéa b)(iv).

 

Krutko v. R., [2003] CarswellNat (CCI) aux paragraphes 14 et 16, Recueil des textes de loi et de la jurisprudence de l'intimée, onglet 5.

 

Mossman, supra,

 

Taylor v. Taylor, [1998] CarswellNat (Div. gén. Ont.) au paragraphe 38, Recueil des textes de loi et de la jurisprudence de l'intimée, onglet 8

 

Lack v. R., [2003] CarswellNat (CCI) au paragraphe 20, Recueil des textes de loi et de la jurisprudence de l'intimée, onglet 6

 

PARTIE IV – ORDONNANCE DEMANDÉE

 

1.         L’intimée demande respectueusement que l’appel soit rejeté.

 

 

[4]     Il y a aussi eu référence à un cahier de jurisprudence et de doctrine de l’intimée qui a été déposé. En fait, il s’agit d’un cahier conjoint de jurisprudence et de doctrine, puisque certains de ces arrêts soutiennent la position de l’appelant alors que d’autres soutiennent celle de l’intimée.

 

[5]     L’avocat de l’appelant a allégué que l’instrument applicable était le procès‑verbal signé le 28 avril 1997. Il a fait valoir que l’appelant et sa conjointe, ayant été informés ou avisés de la modification au régime juridique qui est analysée dans les observations écrites de l’intimée, ont adopté un procès‑verbal afin que le traitement inclusion‑déduction des versements de pension alimentaire puisse être maintenu. Il a allégué aussi que l’ordonnance rendue le 17 octobre 1997 n’était pas indépendante et qu’en fait, elle visait essentiellement à ratifier le procès-verbal accepté le 28 avril 1997. Il a avancé que les modifications apportées dans l’ordonnance définitive n’étaient pas importantes et qu’elles visaient simplement à résoudre d’autres questions qui n’étaient pas abordées dans le procès‑verbal. Il a ajouté que le procès‑verbal régissait les versements de pension alimentaire et que l’ordonnance définitive ne modifiait en rien les paiements de pension alimentaire. Il a allégué qu’aucune des quatre dates d’exécution possibles prévues au paragraphe 56.1(4) n’est envisagée dans le procès‑verbal. Par conséquent, l’élément « B » à l’article 60 est égal à zéro et tous les paiements de pension alimentaire en 1998 sont déductibles pour l’appelant. Il a ajouté que les parties avaient clairement l’intention de faire appliquer à leur cas le système inclusion‑déduction antérieur et qu’ils ont produit leurs déclarations d’impôt sur le revenu pour 1998 en fonction de cela.

 

 

ANALYSE ET DÉCISION

 

[6]     À mon avis, l’appel doit être accueilli pour les motifs principaux suivants :

 

1.     En 1997, une modification radicale a été apportée au régime juridique des paiements de pension alimentaire et la date critique se définit en termes de date d’exécution. L’appelant et sa conjointe étaient informés des modifications au régime juridique et ils souhaitaient manifestement que le système inclusion‑déduction qui existait entre eux soit maintenu. Conclure que la date d’exécution était postérieure au 30 avril 1997 aurait pour effet non seulement de frustrer les intentions de l’appelant et de sa conjointe, mais aussi de créer une dette fiscale pour l’appelant et une créance fiscale pour la conjointe, ce qui n’est manifestement pas le résultat recherché et ne se justifierait que par une interprétation très stricte des dispositions pertinentes de la Loi.

 

2.     Je ne peux conclure que l’ordonnance rendue en octobre 1997 était indépendante. À mon avis, elle ne visait qu’à ratifier et à répéter les dispositions du procès‑verbal concernant la pension alimentaire, et elle ajoutait d’autres dispositions qui ne traitaient pas de la pension alimentaire.

 

3.     Je suis également d’avis que la fixation dans le procès‑verbal de la date de paiement au 31 mai 1997 ne suffit pas à faire de celle‑ci la date d’exécution. Aucune disposition de la Loi ne l’impose. L’obligation de payer la pension alimentaire procède du procès‑verbal et, à mon avis, l’ordonnance définitive ne faisait que ratifier le procès‑verbal. En d’autres termes, l’obligation de payer est née dès l’exécution du procès‑verbal.

 

4.     En ce qui concerne l’ordonnance provisoire originale de 1995, je ne considère pas que la date d’avril 1998 ait suffit pour imposer un nouveau système sans inclusion ni déduction, alors que le régime légal a été modifié radicalement en 1997. Les parties étaient libres de modifier cette date fixée à avril 1998, et elles l’ont fait dans le procès‑verbal du 28 avril 1997.

 

[7]     En conclusion l’appel est accueilli, avec dépens.

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 14e jour de mai 2004.

 

 

 

 

« T. O'Connor »

Juge O'Connor

 

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 3e jour de septembre 2004.

 

 

 

Nancy Bouchard, traductrice



[1] Ordonnance provisoire de la Cour de l’Ontario (Division générale), recueil conjoint de documents, onglet 1, p. 2, paragr. 1.

[2] Ordonnance provisoire de la Cour de l’Ontario (Division générale), recueil conjoint de documents, onglet 1, p. 2, paragr. 3.

[3] Procès-verbal de transaction, recueil conjoint de documents, onglet 2, p. 1, paragr. b.

[4] Ordonnance définitive de la Cour de l’Ontario (Division générale), recueil conjoint de documents, onglet 3, p. 1.

[5] Déclaration de revenu T1 de Cornelius Pieper pour l’année 1997, recueil conjoint de documents, onglet 4.

[6] Affidavit de Dennis Jenkinson, recueil conjoint de documents, onglet 13.

[7] Déclaration de revenu T1 d’Helen Pieper pour l’année 1997, recueil conjoint de documents, onglet 7.

[8] Avis de cotisation d’Helen Pieper pour l’année 1997, recueil conjoint de documents, onglet 8.

[9] Déclaration de revenu T1 de Cornelius Pieper pour l’année 1998, recueil conjoint de documents, onglet 5.

[10] Déclaration de revenu T1 d’Helen Pieper pour l’année 1998, recueil conjoint de documents, onglet 9.

[11] Avis de cotisation d'Helen Pieper pour l’année 1998, recueil conjoint de documents, onglet 10.

[12] Déclaration de revenu T1 de Cornelius Pieper pour l’année 1999, recueil conjoint de documents, onglet 6.

[13] Affidavit de Dennis Jenkinson, recueil conjoint de documents, onglet 13.

[14] Déclaration de revenu T1 d’Helen Pieper pour l’année 1999, recueil conjoint de documents, onglet 11.

[15] Avis de cotisation d’Helen Pieper pour l’année 1999, recueil conjoint de documents, onglet 12.

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