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Dossier : 2008-805(IT)I

ENTRE :

RENE CORBETT,

appelant,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

____________________________________________________________________

Appel entendu le 29 août 2008, à Halifax (Nouvelle-Écosse).

 

Devant : L’honorable juge Valerie Miller

 

Comparutions :

 

Pour l'appelant :

L’appelant lui‑même

Avocat de l’intimée :

Me Toks Omisade

____________________________________________________________________

 

JUGEMENT

L'appel de la nouvelle cotisation établie en vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu pour l'année d'imposition 2005 est rejeté.

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 11e jour de septembre 2008.

 

« V.A. Miller »

Juge Miller

 

Traduction certifiée conforme

ce 25e jour de septembre 2008.

 

Alya Kaddour-Lord, traductrice

 


 

 

 

Référence : 2008CCI499

Date : 20080911

Dossier : 2008-805(IT)I

ENTRE :

RENE CORBETT,

appelant,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT

 

 

La juge Miller

 

[1]              L'appelant interjette appel de la cotisation établie en vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu (la « Loi ») pour l'année d'imposition 2005, cotisation par laquelle le ministre du Revenu national (le « ministre ») lui a refusé le crédit d'impôt pour déficience mentale ou physique. Dans son avis d'appel, l'appelant a également demandé qu'on étudie la possibilité de lui accorder le crédit d'impôt pour déficience mentale ou physique pour les années d'imposition 2000, 2001, 2002, 2003 et 2004.

 

[2]              Cathy Rissanen, agente des litiges à l'Agence du revenu du Canada (l'« ARC »), a témoigné que les dernières nouvelles cotisations dont l'appelant avait fait l'objet dataient du 21 mars 2002 pour l’année d'imposition 2000, du 15 septembre 2003 pour l’année d'imposition 2001, du 15 septembre 2003 pour l’année d'imposition 2002, du 15 juillet 2004 pour l’année d'imposition 2003 et du 28 décembre 2005 pour l’année d'imposition 2004. L'appelant n'a pas produit d'avis d'opposition pour les années d'imposition 2000, 2001, 2002, 2003 et 2004. De même, l'appelant n'a jamais présenté de demande de prorogation du délai pour produire des avis d'opposition pour ces années d'imposition. Par conséquent, la Cour ne peut pas examiner la question des années d'imposition 2000, 2001, 2002, 2003 et 2004.

[3]              Dans son avis d'appel, l'appelant a fait valoir qu’il avait droit au crédit d'impôt pour déficience mentale ou physique au motif qu'il reçoit des soins thérapeutiques essentiels.

 

[4]              L'appelant s'est représenté lui-même. Il a déclaré être âgé de 64 ans, être porteur du virus de l'immunodéficience acquise (le « VIH ») et être atteint du syndrome d'immunodéficience acquise (le « sida »). En 1980, il a été infecté par le VIH après avoir reçu une transfusion sanguine, à la suite de quoi, en décembre 1995, il a reçu un diagnostic de sida. Il a expliqué que son état s'était sensiblement détérioré depuis. En 2005, l'appelant suivait un traitement médical exigeant notamment qu'il passe des analyses de sang mensuelles. Il a déclaré qu'en 2005 il prenait également 29 médicaments différents deux fois par jour. Il s’agissait de pilules et de crèmes, et cela lui prenait environ une heure par jour pour se les auto-administrer. L'appelant a dit qu’on lui changeait ses médicaments chaque année parce qu'ils devenaient inefficaces. Il a déclaré que les médicaments contenaient la progression du virus, mais qu'ils étaient nocifs pour le corps.

 

[5]               L'appelant a témoigné qu'il devait se soumettre à un programme d'exercices physiques prescrit par un physiothérapeute. Ces exercices l'aident à conserver sa mobilité et son autonomie. Il a expliqué que, sans ces exercices, il ne pourrait pas se déplacer par ses propres moyens. Pendant l'audience, l'appelant a dit estimer le temps passé à faire ces exercices à quatre heures par jour alors que, dans l'avis d'appel, il avait déclaré leur consacrer deux heures quotidiennement. Aussi bien dans son avis d'appel qu'à l'audience, l'appelant a soutenu que ses médicaments et son programme d'exercices constituaient des soins thérapeutiques essentiels.

 

[6]              Dans une lettre, le docteur Howard Conter, médecin de famille de l’appelant, a expliqué qu'en plus d'être atteint du sida, l'appelant souffrait de cardiopathie ischémique qui a nécessité qu’il subisse une angioplastie avec pose d’endoprothèses vasculaires en 2006. Le docteur Conter n'a pas comparu comme témoin à l'audience.

 

[7]              Au cours du contre-interrogatoire, on a questionné l'appelant sur sa capacité d'accomplir les activités courantes de la vie quotidienne au sens donné à cette expression par la Loi de l'impôt sur le revenu. L'appelant a déclaré que, en 2005, il souffrait d'incontinence urinaire et fécale. Il lui est arrivé de ne pas pouvoir sortir de chez lui parce qu'il souffrait de diarrhées. Il a commencé à porter des serviettes pour incontinence en 2005 et il en porte aujourd'hui. Il a souffert de démence causée par la prise de ses médicaments et, en 2004 et en 2005, il a suivi des séances de psychothérapie afin de récupérer l'usage de ses facultés mentales. Le virus et la prise des médicaments ont causé l'apparition de cataractes. En 2005, on les lui a retirées.

[8]              C'est le docteur Conter qui a rempli le Certificat pour le crédit d'impôt pour personnes handicapées (le « certificat ») qui a été présenté au ministre. Dans la partie B du certificat, le docteur Conter a indiqué que l'appelant n'était pas limité de façon marquée dans sa capacité d'accomplir l’une ou l’autre des activités courantes de la vie quotidienne. Il a déclaré que l'appelant répondait aux conditions pour les soins thérapeutiques essentiels dans la mesure où il est atteint du VIH et du sida et qu'il doit prendre [traduction] « un cocktail de médicaments anti‑VIH et se soumettre à un suivi ». Le docteur Conter a attesté que l'appelant souffrait d'au moins une déficience grave des fonctions physiques ou mentales qui a duré pendant au moins 12 mois d'affilée; que malgré le recours aux soins thérapeutiques, aux médicaments et aux appareils indiqués, la déficience a entraîné des limitations importantes qu’on ne pourrait cependant qualifier de limitation marquée de la capacité d'accomplir plus d'une activité courante de la vie quotidienne; que la capacité de l’appelant d’accomplir ces activités est toujours ou presque toujours limitée; et que les effets cumulatifs de ces limitations importantes sont équivalents au fait d'être limité de façon marquée dans la capacité d'accomplir une seule activité courante de la vie quotidienne. Or, le médecin devait identifier les activités courantes de la vie quotidienne dans l'accomplissement desquelles l'appelant était limité de façon importante. Cela n'a pas été fait. Au lieu de cela, il a indiqué [traduction] « soins thérapeutiques essentiels » sur le formulaire.

 

[9]              Les dispositions législatives pertinentes sont les suivantes :

 

Crédit d’impôt pour déficience mentale ou physique

118.3 (1) Un montant est déductible dans le calcul de l’impôt payable par un particulier en vertu de la présente partie pour une année d’imposition, si les conditions suivantes sont réunies :

a) le particulier a une ou plusieurs déficiences graves et prolongées des fonctions physiques ou mentales;

a.1) les effets de la ou des déficiences sont tels que la capacité du particulier d’accomplir plus d’une activité courante de la vie quotidienne est limitée de façon importante si les effets cumulatifs de ces limitations sont équivalents au fait d’être limité de façon marquée dans la capacité d’accomplir une activité courante de la vie quotidienne, ou sont tels que la capacité du particulier d’accomplir une activité courante de la vie quotidienne est limitée de façon marquée ou le serait en l’absence de soins thérapeutiques qui, à la fois :

(i) sont essentiels au maintien d’une fonction vitale du particulier,

(ii) doivent être administrés au moins trois fois par semaine pendant une durée totale moyenne d’au moins 14 heures par semaine,

(iii) selon ce à quoi il est raisonnable de s’attendre, n’ont pas d’effet bénéfique sur des personnes n’ayant pas une telle déficience;

a.2) s’il s’agit d’une déficience des fonctions physiques ou mentales dont les effets sont tels que la capacité du particulier d’accomplir une seule activité courante de la vie quotidienne est limitée de façon marquée ou le serait en l’absence des soins thérapeutiques mentionnés à l’alinéa a.1), un médecin en titre – ou, dans chacun des cas ci-après, la personne mentionnée en regard du cas – atteste, sur le formulaire prescrit, qu’il s’agit d’une déficience grave et prolongée des fonctions physiques ou mentales dont les effets sont tels que la capacité du particulier d’accomplir une activité courante de la vie quotidienne est limitée de façon marquée ou le serait en l’absence de ces soins :

(i) s’il s’agit d’une déficience visuelle, un optométriste,

(ii) s’il s’agit d’un trouble de la parole, un orthophoniste,

(iii) s’il s’agit d’une déficience auditive, un audiologiste,

(iv) s’il s’agit d’une déficience quant à la capacité de s’alimenter ou de s’habiller, un ergothérapeute,

(v) s’il s’agit d’une déficience quant à la capacité de marcher, un ergothérapeute ou, après le 22 février 2005, un physiothérapeute,

(vi) s’il s’agit d’une déficience des fonctions mentales nécessaires aux activités de la vie courante, un psychologue;

a.3) s’il s’agit d’une ou de plusieurs déficiences des fonctions physiques ou mentales dont les effets sont tels que la capacité du particulier d’accomplir plus d’une activité courante de la vie quotidienne est limitée de façon importante, l’une des personnes ci-après atteste, sur le formulaire prescrit, que la ou les déficiences sont des déficiences graves et prolongées des fonctions physiques ou mentales dont les effets sont tels que la capacité du particulier d’accomplir plus d’une activité courante de la vie quotidienne est limitée de façon importante et que les effets cumulatifs de ces limitations sont équivalents au fait d’être limité de façon marquée dans la capacité d’accomplir une seule activité courante de la vie quotidienne :  

(i) s’il s’agit d’une déficience quant à la capacité de marcher, de s’alimenter ou de s’habiller, un médecin en titre ou un ergothérapeute,

(ii) s’il s’agit d’une autre déficience, un médecin en titre;

b) le particulier présente au ministre l’attestation visée aux alinéas a.2) ou a.3) pour une année d’imposition;

[…]

Temps consacré aux soins thérapeutiques

(1.1) Pour l’application de l’alinéa 118.3(1)a.1), lorsqu’il s’agit d’établir si des soins thérapeutiques sont donnés au moins trois fois par semaine pendant une durée totale moyenne d’au moins 14 heures par semaine, le temps consacré à donner les soins est calculé selon les critères suivants :

a) n’est compté que le temps consacré aux activités qui obligent le particulier à interrompre ses activités courantes habituelles pour recevoir les soins;

b) s’il s’agit de soins dans le cadre desquels il est nécessaire de déterminer un dosage régulier de médicaments qui doit être ajusté quotidiennement, est compté, sous réserve de l’alinéa d), le temps consacré aux activités entourant directement la détermination de ce dosage;

c) dans le cas d’un enfant qui n’est pas en mesure d’accomplir les activités liées aux soins en raison de son âge, est compté le temps que consacrent les principaux fournisseurs de soins de l’enfant à accomplir ces activités pour l’enfant ou à les surveiller;

d) n’est pas compté le temps consacré aux activités liées au respect d’un régime ou de restrictions alimentaires ou d’un programme d’exercices (même si ce régime, ces restrictions ou ce programme sont pris en compte dans la détermination du dosage quotidien de médicaments), aux déplacements, aux rendez-vous médicaux, à l’achat de médicaments ou à la récupération après les soins.

[…]

Déficience grave et prolongée

118.4 (1) Pour l'application du paragraphe 6(16), des articles 118.2 et 118.3 et du présent paragraphe :

a) une déficience est prolongée si elle dure au moins 12 mois d'affilée ou s'il est raisonnable de s'attendre à ce qu'elle dure au moins 12 mois d'affilée;

b) la capacité d'un particulier d'accomplir une activité courante de la vie quotidienne est limitée de façon marquée seulement si, même avec des soins thérapeutiques et l'aide des appareils et des médicaments indiqués, il est toujours ou presque toujours aveugle ou incapable d'accomplir une activité courante de la vie quotidienne sans y consacrer un temps excessif;

b.1) un particulier n’est considéré comme ayant une limitation équivalant au fait d’être limité de façon marquée dans la capacité d’accomplir une activité courante de la vie quotidienne que si sa capacité d’accomplir plus d’une activité courante de la vie quotidienne (y compris, à cette fin, la capacité de voir) est toujours ou presque toujours limitée de façon importante malgré le fait qu’il reçoit des soins thérapeutiques et fait usage des instruments et médicaments indiqués, et que si les effets cumulatifs de ces limitations sont équivalents au fait d’être limité de façon marquée dans la capacité d’accomplir une activité courante de la vie quotidienne;

c) sont des activités courantes de la vie quotidienne pour un particulier :

(i) les fonctions mentales nécessaires aux activités de la vie courante,

(ii) le fait de s'alimenter ou de s'habiller,

(iii) le fait de parler de façon à se faire comprendre, dans un endroit calme, par une personne de sa connaissance,

(iv) le fait d'entendre de façon à comprendre, dans un endroit calme, une personne de sa connaissance,

(v) les fonctions d'évacuation intestinale ou vésicale,

(vi) le fait de marcher;

c.1) sont compris parmi les fonctions mentales nécessaires aux activités de la vie courante :  

(i) la mémoire,

(ii) la résolution de problèmes, l’atteinte d’objectifs et le jugement (considérés dans leur ensemble),

(iii) l’apprentissage fonctionnel à l’indépendance;

d) il est entendu qu'aucune autre activité, y compris le travail, les travaux ménagers et les activités sociales ou récréatives, n'est considérée comme une activité courante de la vie quotidienne;

e) le fait de s'alimenter ne comprend pas :

(i) les activités qui consistent à identifier, à rechercher, à acheter ou à se procurer autrement des aliments,

(ii) l'activité qui consiste à préparer des aliments, dans la mesure où le temps associé à cette activité n'y aurait pas été consacré en l'absence d'une restriction ou d'un régime alimentaire;

f) le fait de s'habiller ne comprend pas les activités qui consistent à identifier, à rechercher, à acheter ou à se procurer autrement des vêtements.

 

[10]         Dans l’arrêt MacIsaac c. Canada[i], la Cour d’appel fédérale a insisté sur le fait qu’il ne suffit pas que l’attestation prescrite soit remplie, mais qu’elle doit en outre satisfaire aux exigences énoncées dans les dispositions législatives en cause. Au paragraphe 5, le juge Sexton a déclaré :

 

[5]     Bien que nous comprenions les défendeurs et la position prise par le juge de la Cour de l’impôt, nous ne pouvons être d’accord avec lui sur cette question. Le paragraphe 118.3(1)a.2) de la Loi de l’impôt sur le revenu n’est pas simplement indicatif. Il s’agit d’une disposition impérative. Dit simplement, selon le libellé de ces dispositions, il doit y avoir une attestation faite par un médecin qui indique que l’individu souffre de déficiences. Notre Cour a rendu une décision dans le même sens dans l’affaire Partanen c. Canada, [1999] A.C.F. no 751, et nous nous estimons liés par cette décision.

 

[11]         Le certificat présenté au ministre doit spécifier la ou les activités courantes de la vie quotidienne qui se trouvent affectées par la déficience, et dont l’accomplissement est entravé par une limitation importante. Le certificat rempli par le docteur Conter ne satisfait pas à cette exigence.

 

[12]         En outre, sur la foi de la preuve présentée, l'appelant ne satisfait pas aux exigences de l'alinéa 118.3(1)a.1) de la Loi. Bien que le docteur Conter ait attesté que les médicaments pris par l'appelant constituaient des soins thérapeutiques essentiels, le témoignage de l'appelant a démontré que le temps consacré à la prise de médicaments était inférieur à une durée totale moyenne d'au moins 14 heures par semaine. Conformément à l'alinéa 118.3(1.1)d) de la Loi, le temps passé par l'appelant à faire ses exercices n'est pas comptabilisé dans le calcul du temps consacré aux soins thérapeutiques. L'appelant a témoigné qu'il consacrait sept heures chaque semaine à la prise de ses médicaments.

 


[13]         L’appel est rejeté.

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 11e jour de septembre 2008.

 

 

« V.A. Miller »

                    Juge Miller                    


 

 

Traduction certifiée conforme

ce 25e jour de septembre 2008.

 

Alya Kaddour-Lord, traductrice


 

RÉFÉRENCE :                                  2008CCI499

 

N0 DU DOSSIER DE LA COUR :      2008-805(IT)I

 

INTITULÉ :                                       Rene Corbett et Sa Majesté la Reine

 

LIEU DE L'AUDIENCE :                   Halifax (Nouvelle‑Écosse)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                 Le 29 août 2008

                                                                                                         

MOTIFS DU JUGEMENT :               L’honorable juge Valerie Miller

 

DATE DU JUGEMENT :                   Le 8 septembre 2008

 

COMPARUTIONS :

 

Pour l’appelant :

L’appelant lui-même

Avocat de l’intimée :

Me Toks Omisade

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

       Pour l’appelant :

 

                      Nom :                          

 

                  Cabinet :

 

        Pour l’intimée :                           John H. Sims, c.r.

                                                          Sous‑procureur général du Canada

                                                          Ottawa, Canada

 

 



[i] [2000] 1 C.T.C. 307 (C.A.F.).

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